L`Abbé de l`Épée » de Michel Rouvière
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L`Abbé de l`Épée » de Michel Rouvière
Spectacle vivant / Audiovisuel / Art / Édition / Multimédia HORS-SÉRIE 2012 • www.art-pi.fr Magazine artistique T I U T A GR HORS-SÉRIE BANDES DESSINÉES DES SOURDS TALENTEUX À travers l'Histoire et la communauté Sourde Presse, théâtre, peinture, sculpture... UN PASSÉ RETROUVÉ AGENDA 9 772118 594009 À la rencontre de la culture Sourde Images inédites et chefs d'œuvres oubliés Tricentenaire de la naissance de l'abbé de l'Epée MAGAZINE ARTISTIQUE SUR LES SOURDS ET LA LANGUE DES SIGNES -vous + Abonnez gratuitement ! Recevez le magazine Art'Pi ! par email ! Les numéros d’été sont traduits en anglais. Pour ne plus rien rater de la culture du monde des sourds, rendez-vous sur le site www.art-pi.fr rubrique "inscription" et vous recevrez par email le magazine Art'Pi ! dès sa sortie. + Publiez vos événements ! Magazine bismestriel Envoyez vos informations, communiqués de presse, photos (format 300 dpi) sur toute production culturelle ou artistique autour des sourds et de la Langue des Signes (en France comme à l'étranger) à : [email protected] ou en complétant ce formulaire en ligne : https://docs.google.com/spreadsheet/viewform? formkey=dHh3NzlMZ0dieTB6ZDlSR25aNkJvdlE6MQ#gid=0 usez + Diff votre publicité dans Art'Pi ! Vous souhaitez faire la promotion d'un nouveau produit ou service destiné aux sourds ? Inscri vez-vous fr i. p t r a . w ww Vous trouvez que votre annonce dans la partie agenda n'est pas assez visible ? Nos espaces publicitaires sont faits pour vous ! Art’Pi ! est le seul support permettant de toucher sur toute la France la communauté des sourds et son environnement proche. Cette revue gratuite, mise en ligne et archivée crée un effet "réseau" qui multiplie l'efficacité de vos insertions publicitaires. N'attendez plus ! Pour déposer votre publicité, connaître les tarifs, contactez-nous à : [email protected] Une bonne raison de s'inscrire à Scénario : Sophie Laumondais, Noémie Churlet / Dessin : Alex Sambe QR code, c’est quoi ? QR Code (ou Flashcode) est un code-barre en deux dimensions qui vous permet d’accéder très rapidement à du contenu multimédia (vidéos/musiques/photos/ informations) sur un site Internet depuis votre mobile, ou d’enregistrer en un flash un contact dans votre téléphone. Vous pouvez trouver des QR Code un peu partout autour de vous : dans des magazines, sur les arrêts de bus, sur les monuments historiques, sur les emballages de produits alimentaires, dans des annuaires, dans vos boutiques de vêtements… Le QR code web permet par exemple d’accéder à un site web ou à une vidéo, d’écouter une musique… Comment ça marche ? Pour lire un QR Code, votre téléphone doit être équipé d’une application permettant de décoder les codes-barres 2D. Vous trouverez cette application gratuite dans les principales boutiques d’applications sur votre smartphone (App Store, Android Market…) ou vous pouvez également la télécharger par SMS. C’est très simple ! Une fois que votre téléphone est équipé de l’application qui permet de décoder les QR Code, il vous suffit simplement de lancer l’application et de viser le code-barre 2D avec votre écran. En un flash, vous accéderez au site Internet ! EDITO Edito Sourd est utilisé pour désigner la Culture Sourde sourd est utilisé pour la généralité, pour l'aspect médical U n grand merci à notre marraine Emmanuelle Laborit qui nous a soutenus depuis le début de la préparation de ce hors-série. Au moment où la décision a été prise en interne de préparer un hors-série pour le tricentenaire de l’abbé de l’Épée, je n’avais pas d’enthousiasme particulier pour cet homme. Ce qui m’intéressait : profiter de cet anniversaire pour mettre en lumière les artistes sourds à partir de son époque. J’avoue qu’il m’agaçait un peu, on lui prête l’invention de la Langue des Signes ! C’était considérer les sourds sans intelligence, sans besoin de communication, cela en était vexant ! Lui attribuer la capacité de sauver les sourds de la miséricorde me semblait trop fort. Affirmer qu’il était le premier à enseigner aux sourds, c'était faux et cela me donnait envie de dire : « Calmos, ne lui donnons pas tout le mérite !». Après la préparation de ce hors-série, les lectures, découvertes, échanges, discussions, mon regard sur cet homme a changé radicalement. Je discerne maintenant un homme ne demandant rien, donnant tout à une population mise de côté, en révolutionnant les mentalités. Son objectif, changer un préjugé tenace à cette époque. Oui, les sourds peuvent réfléchir, penser, apprendre, réaliser, contribuer, participer à la société. Lui seul a entrepris, avec une énergie considérable, de faire des sourds des Sourds, leur rendant leur citoyenneté en leur transmettant le savoir. Le premier à aller vers leur différence et à découvrir, là, leur richesse intellectuelle. Aux yeux du monde entier, il prouva que les sourds étaient humains. À partir de lui, des artistes, écrivains, poètes, journalistes, entrepreneurs sourds se révélèrent et c’était une première dans l’Histoire. Cela, je ne le saisissais pas du tout ! Il y avait bien sûr d’autres précepteurs pour sourds, mais il était le seul à avoir trouvé le jardin secret de la communauté des Silencieux, à faire ouvrir les yeux au monde sur cette différence à respecter. Et cela, sans télé, ni radio, ni internet. Directrice de publication Rédactrice en chef Noémie Churlet Co-rédactrice en chef Sophie Laumondais Secrétaire de rédaction Jeanne Bally Rédacteurs Arnaud Balard Yves Bernard Véronique Berthonneau Fabrice Bertin Yann Cantin Adrean Clark Yves Delaporte Geneviève Pomet Sandrine Rincheval Olivier Schetrit Pauline Stroesser Rédactrices Agenda Sylvaine Beaughon Célia Giglio Responsable équipe traduction français/anglais Sébastien Giozzet Traducteurs français/anglais Irène Bartok Martin Dayan C’est une énergie et un temps non négligeables. Une vraie évolution vers la notion d'humanité, qui se brisait avec le congrès de Milan en 1880. Dans tous les cas, il avait gagné : son enseignement et sa conviction s'étaient répandus dans le monde. Bien que l’Europe ait fermé l'accès au savoir et à l'éducation aux sourds pendant cent ans, nous avons pu nous réveiller grâce à un retour venant d’Amérique, Alfredo Corrado, vers 1976. Lui-même sourd, il a donné de son temps pour nous faire ressurgir de sous terre et nous remettre sur pied afin de briller en France. Cet homme, issu d’une éducation transmise, à l’origine, par l’abbé de l’Épée, a replanté la graine intellectuelle Sourde dans notre pays. Sans l'incroyable conviction de l’abbé de l’Épée, nous n’aurions pas connu d'expansion de notre culture, de notre identité. Je comprends mieux l’énorme respect qu’avaient pour lui les artistes sourds de son époque (et encore aujourd’hui), et pourquoi chaque artiste consacrait au moins une de ses œuvres à l’abbé de l’Épée. Oui, cela aurait pu être une autre personne, mais ce fut bien lui, Charles-Michel de l’Espée. Je finis alors cet édito en disant : « Merci, Charles-Michel, vous avez vraiment été le point de départ de notre développement culturel, intellectuel et artistique. Ce que j’étais ingrate ! Pardonnez-moi et merci ! Bon anniversaire ! » Et mes chers lecteurs, bonne lecture et retenez vos mâchoires ! P.S. : Seul petit regret, dommage que peu de dames sourdes aient eu leur place dans l’art à l’époque. Mais on se rattrape aujourd’hui!... Couverture : Elza Montlahuc www.elzazimut. blogspot.fr Noémie Churlet Directrice de publication d'Art'Pi! Didier Flory Pierre Schmitt Yaron Shavit Iconographes Ivan Verbizh Richard Zampolini Directrice artistique Jessica Boroy Photographe, reproduction, retouches Richard Zampolini Maquettistes Jessica Boroy Sabine Salha Illustrateurs Jean-Marie Hallegot Daniel Le Coq Alice Messac Elza Montlahuc Alex Sambe Maquilleuse Emmanuelle Rico-Chastel Webmaster Jax Prod Art Assistant webmaster Tuan Le Anh Directrice de communication Sophie Laumondais Assistants de communication David De Filippo Céline Hayat Bufarull Association porteuse du projet Art’Sign 254, rue Saint-Jacques 75005 Paris www.art-sign.org N°SIRET : 4900848030025 Impression CPI Aubin Imprimeur Sommaire 02 28 Annonces Art'Pi ! Un sculpteur engagé Abonnez-vous, publiez vos événements, diffusez vos publicités... 04 30 QR, c'est quoi ? Le Musée universel des sourds-muets 05 Édito 08 L'abbé de l'Épée : de la légende au mythe Rien de plus étonnant que les fausses croyances qui entourent la vie de l’abbé de l’Épée ! 10 1 Devenus des Hommes grâce aux signes Malgré les préjugés, certaines œuvres ont contribué à montrer comment les signes rendent leur humanité aux sourds. 16 Signes de Rue 2 34 Des célébrités influencées par des sourds Des artistes célèbres ont construit leur carrière avec l'influence de sourds. 36 Galerie Les représentations artistiques de l'abbé de l'Épée. 40 La presse Silencieuse L'histoire de la presse Sourde. 18 46 Jean le Sourd de Yann Cantin, Céline Rames et Dano 22 Peintres et sculpteurs : une gloire oubliée Dans le passé, les sourds ont rivalisé d’égal à égal avec de grands artistes entendants. 3 Il fut un temps où de nombreux sourds produisaient des œuvres d'art, regroupées dans un lieu à la gloire du passé. Si l’abbé de l’Épée n’avait pas existé, comment seraient la culture et l’art Sourds aujourd’hui ? Une bande dessinée qui met en avant la communauté des sourds durant le siècle des Lumières. 6 Art’Pi! Claude-André Deseine, artiste révolutionnaire. 44 Strip Le personnage sourd au théâtre Tour à tour miraculé, ridiculisé ou valorisé, le personnage sourd apparaît sur scène depuis toujours. 52 Quand les sourds font leur cinéma L’évolution du rôle des sourds dans l’industrie cinématographique, et la manière dont ils sont représentés, sont intimement liées à l’histoire de la culture Sourde. 56 L'abbé de l'Épée Le film L'abbé de l'Épée de Michel Rouvière Qui est-ce ? Zoom sur le premier film français réalisé par une équipe entièrement composée de sourds. 58 BD 59 Agenda Le calendrier des événements à ne pas manquer de septembre à décembre : une célébration de la culture Sourde ! 60 Spectacle vivant Théâtre, contes, ateliers, lectures, festivals... 61 Audiovisuel L’abbé de l’Épée instruisant les élèves © Archives de l’INJS C harles-Michel de l'Espée naît le 24 novembre 1712 à Versailles. Après des études de droit, il s'oriente vers l'église. Vers 1760, grâce à la rencontre de deux jumelles sourdes qui communiquent entre elles en Langue des Signes, il pense pouvoir instruire religieusement les sourds et leur apprendre à lire et à écrire. Il crée alors la première école gratuite permettant aux sourds de milieux défavorisés de recevoir une instruction. Plongeant dans l'inconnu, il met en place un langage de signes méthodiques spécialement conçu pour l’enseignement du français, à partir de certains gestes appris de ses élèves sourds et d’autres signes grammaticaux de son invention. Son enseignement n'est pas parfait mais il ouvre une voie, et son action se répercute au-delà des frontières (Europe, États-Unis, etc.). Cinéma, vidéo, art visuel... Il est le premier à baser son enseignement sur des gestes qui viennent des sourds eux-mêmes. En organisant des séances publics d'apprentissage, il montre au reste du monde que les sourds peuvent être instruits et considérés comme des Hommes, des citoyens, et que les signes peuvent être une langue. Il fait de l'instruction des sourds une vrai vocation, donnant tout ce qu'il a pour eux. 62 Art/Culture Architecture, Histoire, arts plastiques... et les banquets du tricentenaire 63 Multimédia À découvrir sur la toile Le fait qu'il ait regroupé des élèves sourds a favorisé la communication entre eux, ce qui a permis le développement et le perfectionnement de la Langue des Signes Française (LSF). 64 Édition Bandes dessinées, journaux, romans, rencontres... L'abbé de l'Épée est mort le 23 décembre 1789, à Paris. En 1791, l'Assemblée Nationale l'a reconnu en décrétant que son nom serait inscrit comme bienfaiteur de l'humanité et que les sourds bénéficieraient des Droits de l'Homme. 66 Remerciements Légendes photos (à gauche) 1 Paul Choppin avec ses amis à côté de la statue de l'abbé de l'Épée. © Amicale des anciens élèves de l'INJS de Paris. 2 Pièce de théâtre L’Abbé de l’Épée jouée par des sourds Émancipation des Sourds-Muets. Illustrateur sourd. Nom inconnu. © Archives de l'INJS Deux ans après sa mort, l'école qu'il a créée est prise en charge par l'État et devient une institution. Il s'agit aujourd'hui de l'Institut National des Jeunes Sourds, situé rue SaintJacques, à Paris. © Amicale des anciens élèves de l’INJS de Paris 3 Tournage du film L'abbé de l’Épée de Michel Rouvière. Guy Bouchauveau derrière la caméra. © Michel Rouvière Art’Pi! 7 L'ABBÉ DE L'ÉPÉE : DE LA LÉGENDE AU MYTHE L'abbé de l'Épée: de la légende au mythe Toute civilisation comporte ses rites, contes et légendes. Chez les entendants et dans la communauté Sourde, l'abbé de l'Épée est souvent représenté comme un sauveur guidé par les anges ou encensé par tous. Sa légende dépasse les frontières autant que les réalités. L’écrivain et ethnologue Yves Delaporte se penche sur une histoire devenue un mythe. Un récit fondateur R Les élèves de l’institution de la rue Saint-Jacques réunis autour de la statue de l’abbé de l’Épée. Gravure d’Auguste Colas, sourd-muet, 1879. © Archives de l'INJS PAGE DE DROITE Charles-Michel de l’Epée désigné pour délivrer les sourds-muets. Gravure de Joseph Cochefer (1849-1923). © Archives de l'INJS Banquet de la Société centrale des sourds-muets, pour l’anniversaire de la mort de l’abbé de l’Épée. 28 novembre 1886. Gravure d’Auguste Colas. © Archives de l'INJS ien de plus étonnant que les fausses croyances qui entourent la vie de l’abbé de l’Épée : on lui attribue couramment l’invention de la Langue des Signes et de l’alphabet manuel. Observées chez des entendants, de telles erreurs s’expliquent assez bien : persuadés qu’une vraie langue ne saurait être que vocale, les entendants s’imaginent que la Langue des Signes n’est qu’un simple transcodage du français. Seul un entendant, pédagogue auprès d’enfants sourds, a donc pu l’inventer. Ce n’est qu’un cas particulier de l’ignorance générale qui a longtemps entouré les sourds. Mais lorsque les mêmes erreurs se rencontrent chez les sourds eux-mêmes, ce qui est fréquent, cela devient plus difficilement compréhensible. Il y a là une véritable énigme. Pour résoudre cette énigme, il faut se reporter au récit de la rencontre avec les jumelles, récit qui a été fait des milliers de fois, notamment dans les banquets en hommage au "sublime instituteur des sourdsmuets". Ce récit qui s’est transmis pendant plus de deux siècles situe la rencontre par une nuit d’orage, les éclairs illuminant le ciel par saccades. S’abritant sous une porte cochère, l’abbé aperçoit un logis éclairé où il court se réfugier avant de se trouver confronté à deux jumelles sourdes-muettes. Cette belle histoire n’est rien d’autre qu’une suite de symboles : les ténèbres et les éléments naturels déchaînés symbolisent l’état de confusion dans lequel étaient plongés les sourds, tandis que la lumière entraperçue du logis où vivent les jumelles apporte la promesse d’un passage d’un état de sauvagerie à l’état de culture. La construction d’un mythe Ce récit fondateur présente toutes les caractéristiques d’un mythe d’origine, dont la fonction est de rassembler les membres d’une collectivité humaine autour des mêmes valeurs en leur révélant, de manière cohérente et convaincante, ce qu’ils sont et d’où ils viennent. De retour chez lui, l’abbé invente dans la nuit la Langue des Signes (ou, selon les versions, seulement l’alphabet manuel). Que ce récit se situe dans l’ordre du sacré, la preuve en est également apportée par le vocabulaire utilisé pour nommer le bon abbé. Ces appellations empruntent souvent à la sphère du religieux : "apôtre des sourds-muets", "Messie d’un peuple trop longtemps déchu", "nouveau Rédempteur", "ange descendu du ciel"… Le personnage exceptionnel qu’a été l’abbé de l’Épée, sa rencontre quasi-miraculeuse avec les jumelles, la démonstration qu’il est possible de tout enseigner aux sourds avec des signes gestuels, la venue de l’empereur d’Autriche à l’école de la rue des Moulins, la mort de l’abbé qui aurait refusé de chauffer sa chambre pour économiser l’argent qu’il réservait tout entier à son œuvre : tout cela constitue les éléments d’une belle légende. En rassemblant pour la première fois au monde, dans un même lieu, une collectivité d’enfants sourds, l’abbé de l’Épée est bel et bien à l’origine de ce qui sera baptisé au XIXème siècle "la nation sourdemuette". Il ne manquait qu’une pièce au puzzle pour que l’histoire devienne mythe : que le "père spirituel des sourds-muets" ait inventé la Langue des Signes pour leur en faire don. YVES DELAPORTE 8 Art’Pi! Art’Pi! 9 10 Art’Pi! DEVENUS DES HOMMES GRÂCE AUX SIGNES Devenus Hommes signes grâce aux des D ans les arts et les esprits, les sourds sont souvent assimilés à des monstres, des idiots, des êtres inférieurs. Plusieurs ouvrages témoignent ainsi du sort qui leur est réservé. Pierre Desloges, sourd depuis l’âge de sept ans, raconte, dans une lettre écrite en 1780, qu’il est « forcé de lutter sans cesse contre la misère, l’opinion, le préjugé, les injures, les railleries les plus sanglantes des parents, d’amis, de voisins, de confrères... » qui le traitent « de bête, d’imbécile… ». Dans le livre Surdité, surdi-mutité et mutisme dans le théâtre français de René Bernard (1941), la description n’est pas plus enviable : « Les sourds-muets végétaient dans une situation pitoyable. Le vulgaire les fuyait, tenant leur rencontre pour un présage de mauvais augure. Il jugeait leur présence fatale aux femmes enceintes, ou les accusait de porter malheur à leur entourage.» Selon Joseph-Marie Gérando, dans L'éducation des sourds-muets de naissance (1827), l’abbé de l’Épée aurait ainsi assuré que « dans certains pays l'on fait mourir, à l'âge de trois ans au plus tard, les sourds-muets, parce qu'on les considère comme des monstres. » Ferdinand Berthier, à son tour, constatait dans son livre L'abbé de l'Épée, sa vie, son apostolat, ses travaux, sa lutte et ses succès (1852) : « Depuis des siècles, ces tristes victimes de la nature marâtre courbaient le front sous le joug d'un préjugé barbare. La foule indifférente regardait d'un œil de dédain cette caste de nouvelle espèce, comme elle les appelait, circuler au milieu d'elle. Ils languissaient, ces infortunés, dans l'ignorance et dans l'esclavage : ils attendaient un nouveau Messie qui vînt briser leurs fers. » La Langue des Signes est ainsi l’élément clef qui ouvrit les portes du monde et de la connaissance aux sourds, qui leur permit d’être des Hommes parmi les Hommes. Illustration : Elza Montllahuc C’est en 1760 que la situation changea. « Un seul homme se présenta, dont le regard puissant dit aux sourds-muets : Et vous aussi, vous serez hommes ! » (extrait de la pièce L’abbé de l’Épée de Bouilly, écrite en 1799). Avec l’arrivée de l’abbé de l’Épée, le regard sur les sourds évolua. En découvrant deux sœurs jumelles sourdes qui communiquaient entre elles par signes, il comprit toute l’injustice des préjugés envers les sourds et s’empressa de le faire savoir au monde. La découverte d’une langue qui leur est propre mit en lumière un fait : les sourds pensaient, communiquaient entre eux et pouvaient ainsi accéder au savoir si les signes étaient utilisés. « La langue des signes libère les sourds, elle les rend citoyens participant à la marche du monde et agissant sur lui .» (Christian Cuxac) Les créations montrant les sourds autrement qu’en tant qu’êtres inférieurs deviennent par la suite plus nombreuses. Deux œuvres, l’ Éloge historique de Charles-Michel de l’Épée, fondateur de l’Institution des Sourds-Muets du français Auguste Bébian (1819), et le manga L’orchestre des doigts d'Osamu Yamamoto (1991), basé sur l’histoire du japonais Kiyoshi Takahashi, montrent à leur manière comment les signes ont rendu leur humanité aux sourds. Bébian et Takahashi sont deux professeurs entendants, défenseurs de la Langue des Signes, qui joueront un rôle important pour l’émancipation des sourds, avec des milliers de kilomètres et un siècle d’écart. Le Comité National Français. Le premier groupe exprime le mot “humanité”, le second le mot “égalité”. © Archives de l'INJS LE SAVIEZ-VOUS ? Denis Diderot (17131784), écrivain et philosophe français, est l’auteur d’une Lettre sur les sourds et muets à l’usage de ceux qui entendent et qui parlent (1751). Pour prouver que les signes permettent d’accéder à l’abstraction, il décrit une partie d’échecs au cours de laquelle un spectateur sourd-muet le prévient qu’il ne peut plus éviter le mat. Art’Pi! 11 DEVENUS DES HOMMES GRÂCE AUX SIGNES L’Éloge historique de Charles-Michel de l’Épée d’Auguste Bébian L’auteur Roch-Ambroise Auguste Bébian (1789-1839), entendant d’origine guadeloupéenne, est un fervent défenseur de la Langue des Signes. Filleul de l’abbé Sicard, directeur de l’Institut National des Sourds et Muets de Paris (INSM), iI côtoie les élèves sourds et apprend la Langue des Signes qu’ils utilisent entre eux. Enseignant à l’Institut et auteur de plusieurs essais, ses choix en faveur de la vraie Langue des Signes au lieu des signes méthodiques de l’abbé de l’Épée déplaisent, dans un contexte de montée de l’oralisme. Exclu en 1821, les élèves réclameront son retour, en vain. L'œuvre L'Éloge de l'abbé de l'Épée est écrit et prononcé en 1819, pour le concours organisé par la Société royale académique des sciences de Paris. Bébian remportera le concours avec son ouvrage jugé « aussi bien écrit que pensé ». Ce texte fait l’éloge de l’abbé de l’Épée mais également celui de la Langue des Signes "naturelle" et montre le point de vue de Bébian sur l’éducation des Sourds. Le personnage principal L’abbé de l’Épée (1712-1789) Comment les signes rendent leur humanité aux sourds ? Dans ce discours, Auguste Bébian montre de quelle manière les sourds étaient auparavant mis de côté, rejetés par leur famille, éloignés du savoir, de l’Histoire commune des Hommes. « Un préjugé aussi absurde qu’il est humiliant pour l’espèce humaine représentait le sourd-muet comme une sorte d’automate, sensible aux impressions physiques, mais dont aucune étincelle de raison n’éclairait l’esprit, dont aucun sentiment n’échauffait le cœur. Étranger au sein même de sa famille, cet enfant, délaissé du ciel et des hommes, était relégué, par l’amour-propre de ses parents, loin de la société, où il n’inspirait qu’une pitié humiliante ! » Grâce à l’abbé de l’Épée et à la Langue des Signes, les sourds ont gagné de la considération de la part de leurs semblables ainsi que leur place parmi les Hommes. « Mais depuis que les succès obtenus dans leur éducation ont prouvé qu’ils ne diffèrent des autres hommes que par les préjugés qu’ils n’ont point, et dont notre enfance est imbue, les parents n’ont plus rougi de leur avoir donné le jour, et les sourds-muets ont paru sans honte. » Ils retrouvent ainsi leur droit à la connaissance et à la dignité, jusqu’à retrouver également le droit à la vie : « ...et il semble que le nombre de ces infortunés se soit accru depuis que leur sort s’est amélioré. » Pour Bébian, cette réussite et ce changement de regard sont l’œuvre indéniable de la Langue des Signes. « Si, à force de soins, de temps et de patience, quelques maîtres habiles se consacrant exclusivement à l’éducation d’un ou deux sourds-muets ont obtenu des résultats assez satisfaisants, mais toujours plus brillants que solides, ils en ont été exclusivement redevables à l’emploi, même irrégulier, qu’ils ont fait du langage des signes, seul moyen de communication qui existe, dans le principe, entre le maître et le sourdmuet. » Roch-Ambroise Auguste Bébian peint par Marie Auguste Chassevent © Collection INJS de Paris 12 Art’Pi! L’abbé de l’Épée instruisant ses élèves en présence de Louis XVI par Gonzague Privat © Archives de l'INJS ARRIÈRE-PLAN Première école des sourds-muets, 1876 © Archives de l'INJS Éloge historique de Charles-Michel de l’Épée de Bébian, vu par Geneviève Pomet et Fabrice Bertin Arrivé de Guadeloupe en 1802 à treize ans, entendant, filleul de Sicard, Bébian noue vite des liens forts avec les sourds. Imprégné et admiratif de la "mimique", son Éloge pourrait s’intituler aujourd’hui Éloge de la Langue des Signes - Pour une lecture critique de l’œuvre de l’abbé de l’Épée. Ainsi, l’Éloge va bien plus loin qu’un hommage rendu au "père des Sourds" : c’est, d’abord, un texte à la gloire de la vraie Langue des Signes, par opposition aux signes méthodiques de l’abbé de l’Épée. C’est également un texte à tiroirs contenant des thématiques totalement visionnaires, comme la place des enseignants sourds, le bienfait des signes sur les enfants entendants, la question des Langues des Signes comme langues humaines premières, ou d’une langue universelle. Aborder tous ces thèmes, les démontrer et les faire comprendre afin de les faire accepter… l’affaire est complexe, l’objectif ambitieux ! Le personnage de l’abbé de l’Épée est alors un prétexte formidable. Son grand mérite est d’avoir fait la preuve de l’éducabilité collective des sourds grâce à leur propre langue, et cela, Bébian le loue haut et fort ; mais il va être pour lui beaucoup plus fondamental de bien distinguer Langue des Signes et signes méthodiques. L'Éloge, tout en louant essentiellement le désintéressement de l'abbé de l’Épée, va lui servir de terrain de preuves et de démonstration. Car en réalité, Bébian considère que de l’Épée est dans l’erreur pédagogique. Ce que confirmera Ferdinand Berthier dès qu’il se mettra à écrire… Bébian rend très sincèrement hommage à l’abbé de l’Épée : « Quelle supériorité ne remarquerons-nous pas dans les procédés de l’abbé de l’Épée. » Mais ce qu’il révère en l’abbé relève surtout des qualités morales, car, par ailleurs, pour Bébian, de l’Épée, non seulement n’est pas allé au bout de ses intuitions, mais s’est pédagogiquement trompé dans son système de signes méthodiques. Bébian dit clairement, à plusieurs endroits, que ce système peut même être nuisible. Mais comment dire cela sans offenser la mémoire du grand précurseur ? Comment faire comprendre vraiment l’action de l'abbé de l'Épée, sans la minimiser ? Et surtout sans froisser, non seulement ceux qui l’admirent vraiment et qui sont nombreux, mais aussi les bailleurs de fonds de l’époque ? Bébian va donc écrire sur deux axes : un axe moral pour louer le désintéressement de l’abbé et sa modestie ; et un axe technique, montrant ce qu’il faudrait faire pour réussir l’instruction des sourds, car il connaît la Langue des Signes et les sourds et leurs besoins pédagogiques. Mais, en dehors du soutien des sourds, il est relativement isolé et doit gagner des partisans à sa cause, vaincre des hostilités… Texte précurseur et très riche, L’Éloge historique de Charles-Michel de l’Épée mérite une étude approfondie : gageons que les idées qui y sont développées ont joué un rôle essentiel dans l’entreprise d’émancipation des sourds, poursuivie ensuite par Berthier. Bébian a agi dans une attitude de profond respect, d’honnêteté morale, suffisamment rare, encore de nos jours, pour être soulignée. FABRICE BERTIN GENEVIÈVE POMET Association Bébian, Un Autre Monde DEVENUS DES HOMMES GRÂCE AUX SIGNES L’orchestre des doigts d’Osamu Yamamoto L’auteur Osamu Yamamoto Scénariste et dessinateur japonais, il utilise souvent dans ses œuvres les thèmes du handicap et de la musique. Avant L’orchestre des doigts, il sort en 1988 le manga Köshien lointain. Le récit est basé sur l’histoire vraie de lycéens sourds qui créent un club de baseball et souhaitent participer à un tournoi, malgré l’interdiction de la fédération de baseball. Cette œuvre a été adaptée en film et en série télévisée. Yamamoto a appris la Langue des Signes Japonaise (JSL) pour dessiner au mieux ces deux mangas sur l’Histoire des sourds. L'œuvre L’orchestre des doigts est un manga en quatre tomes, écrit en 1991, présentant la vie de Kiyoshi Takahashi. Ce manga s’inspire des livres autobiographiques de Yoriko Kawabuchi, fille adoptive de Takahashi, qui traitent directement de la communauté Sourde japonaise : Les os des doigts et La langue des signes est notre cœur. Avec force et émotion, le manga montre comment Takahashi a résisté, dans des conditions souvent très difficiles, pour que ses élèves puissent continuer à utiliser la Langue des Signes Japonaise, alors que les autres écoles du pays se convertissaient massivement à l’oralisme. Le personnage principal Kiyoshi Takahashi (1890-1958) Takahashi devint le directeur de l’école des sourds à Ôsaka au début du XXème siècle. Il fut moqué, conspué, raillé par ses collègues : plus que tout, il voulait que ses élèves soient heureux ; pour cela, il défendait la Langue des Signes et une éducation adaptée à chaque enfant. Il participa à la création de la dactylologie japonaise utilisée de nos jours, créa la première chanson en Langue des Signes et perpétua au Japon les banquets organisés en hommage à l’abbé de l’Épée. Comment les signes rendent leur humanité aux sourds ? Dans le premier tome, Takahashi fait la rencontre d’Issaku Toda, un petit garçon sourd de naissance, issu d’une famille entendante. Arrivé récemment à l’école des sourds et aveugles d’Ôsaka, le garçon est violent, agresse ses camarades, hurle et ne comprend pas ce qu’on lui dit. Il vole de la nourriture et ne reçoit en réponse que des coups de bâtons, de la violence et du rejet. Le manque de communication isole l’enfant. Livré à lui même, il est muré dans un monde de violence et d’incompréhension. Issaku Toda et Takahashi vont découvrir ensemble la Langue des Signes, la seule passerelle qui va leur permettre de se comprendre. Une petite fille, Matsué, va montrer à Issaku que chaque chose correspond à un signe, chaque chose peut être nommée, que lui-même à un nom. Par le signe, par le visuel, il comprend le monde qui l’entoure et peut enfin communiquer avec les autres. En accédant à la conscience de ce qui l’entoure, la Langue des Signes lui donne un nom et le rend citoyen parmi les Hommes. L'orchestre des doigts, tome 1 à 4 d'Osamu Yamamoto © 2006 Éditions Milan 14 Art’Pi! Portrait peint de Kiyoshi Takahashi © Photo de Naomiki Satô ARRIÈRE-PLAN Fleurs de cerisier du Japon © Hiroyoshi Takeda Interview de Naomiki Satô, traducteur de L'orchestre des doigts Comment avez-vous participé à l’adaptation française du manga L'orchestre des doigts ? Je suis venu en France il y a dix-sept ans pour faire des études de langue et de linguistique. Juste avant de partir du Japon, j'ai rencontré par hasard une interprète JSL/japonais. Après avoir passé un an en France, j'ai eu envie d'apprendre la LSF. Je me suis inscrit dans une association et, en parallèle, j'ai suivi les cours de Christian Cuxac à Paris V. Un jour, au Japon, dans une librairie à côté de chez mes parents, je suis tombé sur L'orchestre des doigts, qui m'a littéralement bouleversé. Plusieurs années plus tard, je l’ai proposé à des éditeurs avec lesquels j’avais collaboré depuis quelques années. Ce sont les Éditions Milan, basées à Toulouse, qui ont accepté l'adaptation française, et l'aventure a commencé pour moi. J'ai voulu absolument apporter un regard "sourd" sur l'adaptation. J'ai rencontré, par l'intermédiaire d'un ami, un peu par hasard, Fabrice Bertin, spécialiste de l'éducation des enfants sourds. Il m'a aidé en supervisant l'adaptation du manga. Connaissez-vous la communauté sourde au Japon ? Je ne la connais pas bien, ni la Langue des Signes Japonaise, pour la simple raison que j'ai découvert la Langue des Signes en France. Je la connais un peu grâce à mes amis japonais, sourds et entendants. J'ai l'impression que les sourds français et les sourds japonais n'ont pas réagi de la même manière à l’interdiction de la Langue des Signes dans le milieu scolaire. Malgré l'interdiction, les sourds français ont pu transmettre leur Langue des Signes à la génération suivante, mais au Japon, il y a des sourds qui ne savent pas signer, même s'ils ont étudié dans les écoles pour sourds. J'y vois un certain esprit de résistance à la française. Quelle différence y a-t-il entre la France et le Japon ? J'ai appris que le japonais signé est devenu un moyen de communication standardisé pour un certain nombre de malentendants et de personnes devenues sourdes. L'existence du japonais signé crée une confusion importante au Japon. C'est souvent le japonais signé qui est enseigné en tant que Langue des Signes Japonaise. Il existe maintenant une école primaire et un collège privés bilingues JSL/japonais écrit à Tokyo, mais dans les autres établissements spécialisés, la JSL n'a pas encore le statut de langue à part entière. Ce n'est déjà pas mal qu'aujourd'hui, les élèves sourds puissent signer dans ces établissements sans interdiction. Que vous a apporté le fait de travailler sur ce manga ? Cela m'a permis d'approfondir mes connaissances sur la surdité et la Langue des Signes en général. Je suis surtout content d’avoir permis aux Français de connaître Monsieur Takahashi, qui admirait l'abbé de l'Épée et organisait tous les ans au Japon un banquet pour son anniversaire, alors que la méthode oraliste avait presque conquis le terrain. Maintenant, je suis en contact avec Madame Kawabuchi, et je sais qu’elle est également très contente que son père soit désormais connu en France, le pays de l'abbé de l'Épée. Des Hommes quoi qu'il arrive L’abbé de l’Épée a marqué les esprits à travers le monde en reconnaissant la Langue des Signes comme un moyen d'accès au savoir et à la citoyenneté. À partir de son premier pas, de nombreux autres ont suivi, tels ceux de Bébian ou de Takahashi qui, eux-mêmes, sont allés encore plus loin. Malgré leurs efforts, les préjugés et le dénigrement des minorités ont la peau dure, et de nombreuses œuvres montrent les sourds comme des infirmes, des handicapés, des êtres à réparer. Encore aujourd’hui, les mentalités doivent évoluer. Mais l’œuvre de l’abbé de l’Épée continue d’être célébrée chaque année dans le monde, et quoi qu’il arrive, il ne sera plus possible de faire machine arrière. Ce qu’il a mis en lumière est gravé dans l’Histoire à jamais. SOPHIE LAUMONDAIS SIGNES DE RUE / STRIP SIGNES DE RUE Si l’abbé de l’Épée n’avait pas existé, comment seraient la culture et l’art Sourds aujourd’hui ? Fabien Alban Annette Brigitte Il y en aurait eu d’autres ! sourds ou entendants. Par exemple, IVT a été créé par Alfredo Corrado, sourd américain. Il est possible que d’autres personnes aient pu créer des écoles pour les sourds même s’il n’y avait pas eu l’abbé de l’Épée. Difficile d'imaginer sans lui. Je pense qu'on aurait quand même developpé la culture et l'art Sourds, mais autrement. Nos signes seraient peut-être différents et la France ne serait pas le premier pays à avoir eu la première école en Langue des Signes. Même sans l’abbé de l'Épée, on n'aurait pas laissé tomber. Il y a d’autres sourds historiques qui sont plus militants, importants pour la communauté Sourde, comme Ferdinand Berthier, par exemple. Possible qu’aujourd’hui, il n’y ait rien. Comme il était le fils de l’architecte de Louis XVI, il avait de bonnes relations, et était déjà sensibilisé à l’art. Il a lui-même transmis l’art et la culture aux sourds par l’éducation. Bruno Nicolas Thomas Rachid Il y aurait forcément eu d’autres personnes, mais plus tard. Peutêtre 200, 250 ans après. On peut aussi supposer qu’il n'y aurait peut-être pas eu le Congrès de Milan. Comment savoir ? De toutes façons, les sourds n’auraient pas pu rester passifs aussi longtemps. Il se serait forcément passé quelque chose. Il ne faut pas mélanger la culture Sourde et l’abbé de l'Épée. La culture Sourde existait bien avant lui. Il n'a été qu'un révélateur parmi d'autres. ll a montré à sa manière qu'il existait une langue et l'a fait savoir auprès des entendants haut placés. Ç'aurait pu être lui, comme une autre personne. Peut-être que la culture Sourde ne se serait pas développée autant. Ça aurait pu être pire, prendre peut-être cent ans, voire plus. L’abbé de l’Épée a donné la base aux sourds : l’éducation. Puis ils ont été très actifs dans le sport, et ensuite dans l’art et la culture. Qui sait comment ce serait aujourd’hui ? Il est unique au monde, c’est le premier à avoir dit aux sourds de lire et écrire. Il leur a donné le sens du collectif aussi, avec la création des internats pour les sourds. Imagine, s’il n’avait pas rencontré les deux sœurs mais juste une seule fille sourde, comme l’abbé aurait-il pu voir les signes ? CATHERINE COINTE http://monde-catherinecointe.blogspot.com 16 Art’Pi! 18 Art’Pi! JEAN LE SOURD DE YANN CANTIN, CÉLINE RAMES ET DANO Jean le Sourd de Yann Cantin, Céline Rames et Dano Enfin une bande dessinée qui met en avant la communauté des sourds durant le siècle des Lumières ! Couverture de Jean Le Sourd © Monica Companys PAGE DE GAUCHE Extrait de page de Jean Le Sourd © Monica Companys Croquis de Pierre Desloges, sourd, personnage réel, avec Jean le Sourd, personnage imaginaire. Un premier album sur les sourds au XVIIIème siècle Une histoire de sourds à travers l'Histoire L C’est une création inédite et originale que réalise ce trio d’auteurs en choisissant de s’orienter vers une bande dessinée historique à travers la vie des sourds. L’attention est focalisée sur les petites histoires et mœurs des sourds pour finalement raconter l'Histoire, la grande, celle de la Révolution française. Nous découvrons ainsi, avec satisfaction et surprise, la joyeuse vivacité des sourds et l’engouement autour de la Langue des Signes, malgré tous les obstacles et frustrations de l’époque. es trois auteurs de cet album signent ici leur première réalisation dans le monde de la bande dessinée. Ils viennent chacun d’univers différents mais sont indéniablement complémentaires. Yann, historien, fouille avec curiosité dans les archives pour connaître l’Histoire des sourds. Céline, metteuse en scène, imagine des histoires avec finesse. Et c’est avec brio que l’illustrateur Dano apporte une dimension visuelle aux livres. Depuis 2007, ils unissent leurs talents pour créer un album mettant en relief les interactions entre l’abbé de l’Épée et la communauté Sourde parisienne du XVIIIème siècle. Le récit s’articule autour de la vie d’un jeune orphelin, ouvrier en ébénisterie, Jean le Sourd. Il sera à la fois témoin et acteur de l’Histoire avec un grand H, de l’Histoire des sourds et tout simplement maître de son destin. Au fil des pages, il lui arrivera ainsi de croiser des personnages célèbres comme l’abbé de l’Épée ou Pierre Desloges mais aussi une jeune et charmante institutrice sourde. Céline, Dano et Yann ont voulu une BD vivante et humaine sur la communauté Sourde de Paris. Ils montrent que le XVIIIème siècle était réellement le siècle des Lumières pour la France et le Monde, mais aussi pour les sourds. Ce siècle, symbole de révolutions sociales et intellectuelles, encouragea l'émergence de la Langue des Signes jusqu’à la date fatidique qui marqua durablement la communauté Sourde. Mais ça, c’est une autre histoire. Dano, Yann et Céline se feront une joie de vous la raconter dans un prochain tome. Art’Pi! 19 JEAN LE SOURD DE YANN CANTIN, CÉLINE RAMES ET DANO Les auteurs La création de cet album aura été une belle aventure, longue certes, mais belle ! Yann Cantin, spécialiste de l'Histoire des sourds, prépare une thèse sur les sourds-muets de la Belle Époque à l'EHESS (École des Hautes Études en Sciences Sociales) et est également boursier du CNRS. Un travail d’équipe très intéressant et riche en échanges historiques. Daniel Le Coq dit Dano, dessinateur. Il a travaillé comme maquettiste et illustrateur pigiste pour Le dernier des sourds avec Claire Garguier et Didier Flory, Picto Mag avec Laurent Valo, La Montagne du Silence et Les Signes Bleus. LE SAVIEZ-VOUS ? François Rabelais (1494-1553), l’auteur de Gargantua et Pantagruel, utilise à plusieurs reprises le personnage sourd et la Langue des Signes. D'après lui, les sourds seraient doués de double vue et auraient le pouvoir de lire l'avenir. J’espère qu’il y aura une suite, mais pas tout de suite ;-) Céline Rames, coordinatrice et responsable de projets culturels au sein de l’association Art’Sign depuis 2007. Metteuse en scène de formation, elle travaille sur des créations théâtrales associant artistes sourds et entendants. 20 Art’Pi! Jean le Sourd BD en couleurs, tirage limité Édition : Monica companys Soutien : Association Art’Sign Auteurs : Dano, Yann Cantin et Céline Rames Tout public, 21 x 28 cm 84 pages (comprenant un cahier documentaire d’une dizaine de pages) Parution : septembre 2012 Les dates de la tournée de dédicaces sont disponibles sur le site : www.art-sign.org Version anglaise en étude, envoyez un mail sur le site www.monica-companys.com pour être informé lors de sa sortie. ARNAUD BALARD & SOPHIE LAUMONDAIS Un coup de fil à passer ? En LSF ? En LPC ? Par écrit ? N’hésitez plus ! Centre de formation La communication au coeur de nos métiers COURS & STAGES Relais téléphonique Paris République public 9h/12h45 14h/17h45 Lundi OUVERT Mardi OUVERT Mercredi OUVERT Jeudi Vendredi OUVERT Ouvert à tous Niveau débutant à maîtrise Cours hebdomadaires, à la carte Stages mensuels, intensifs, ... FORMATION PROFESSIONNELLE Accompagnement à lla fformation A i inter-entreprise Formation intra-entreprise Action sur mesure FORMATION AUX METIERS Animer un groupe Suppléer les interventions d’un enseignant diplômé Maîtriser la communication sourde OUVERT Adresse 8, rue Taylor - Paris 10ème Métro M° Jacques-Bonsergent (5) M° République (3/5/8/9/11) M° Strasbourg Saint-Denis (4/8/9) Informations et plan sur www.aditus.fr/cabine Soutien scolaire Traduction français-sourd Expertise en LSF Formation individualisée STEUM 7, rue des Tamaris - 44300 NANTES Fax : 09 70 06 88 58 - E-mail : [email protected] Skype ou oovoo : steumcontact w w w.steum.com Création graphiq aphique u : A.PERRA PERRAUD UD - aai44@f 44@free. re fr CONSEIL ET EXPERTISE PEINTRES ET SCULPTEURS, UNE GLOIRE OUBLIÉE Peintres et sculpteurs, une gloire oubliée Aujourd’hui en France, peu de sourds brillent dans le domaine des arts plastiques (peintures, sculptures, dessins...). Mais cela a-t-il toujours été le cas ? Qu’en était-il au temps de l’abbé de l’Épée ? Les recherches sur l’Histoire des sourds en France datant seulement de vingt-cinq ans, les informations ciblées sur les artistes sont encore très minces. L’historien Yann Cantin nous fait part de ses découvertes. Le retard français I l semblerait qu’à la Renaissance (période de rénovation culturelle et artistique qui prit sa source en Italie au XVème siècle et se répandit dans toute l'Europe au XVIème siècle), les artistes sourds français soient peu nombreux. Le style artistique rayonnant à cette époque vient des italiens. Des artistes sourds, tel Cristoforo De Predis, enlumineur milanais (vers 1440vers 1486) et Bernadino di Betto, plus connu sous le nom de Pinturicchio (1454-1513) se font largement connaître. En Espagne, c'est l'art baroque qui s'exporte, avec notamment le sourd Juan Fernandez Navarette, surnommé el Mudo (1526-1579). Autoportrait de Pinturicchio (Bernadino di Betto) Les élèves sourds suivant le cours de l’abbé de l’Épée © Archives de l'INJS de Paris L'influence des artistes français est plus tardive. La France, sortant de la guerre de Cent Ans en 1453, posséde un art de style gothique démodé et ne découvrira la Renaissance italienne que dans les années 1470. Elle ne peut s’épanouir pour imposer son style que très peu de temps dans les années 1480-1550, avant de plonger dans les guerres de Religion (1562-1598). Les artistes français étant très peu connus, les artistes sourds le sont encore moins. Ce n’est qu’au XVIIIème siècle, avec l’arrivée de l’abbé de l’Épée (1712-1789), que l’on retrouve des traces plus significatives d’artistes sourds français. À cette époque, les sourds s’intégraient dans la société, bien plus facilement que d’autres minorités (estropiés, aveugles...). Les conditions de vie étant très dures, la pauvreté très répandue, si un sourd était capable de faire un métier, il le faisait. Le travail étant essentiellement manuel, les compétences physiques primaient sur le reste. De nombreux sourds devenaient ainsi agriculteurs, bouchers, artisans mais aussi sculpteurs, graveurs, peintres. Leurs œuvres ne revendiquaient pas leur identité Sourde ni l’usage de la Langue des Signes, comme on peut le voir maintenant. Ils faisaient simplement des tableaux et sculptures typiques de l’époque, dans le même style que les entendants. Leur objectif était avant tout de montrer qu’ils étaient capables de faire des œuvres de qualité aussi bien, voire mieux, que n’importe qui. L’abbé de l’Épée, en offrant une éducation gratuite aux sourds, leur permit de monter dans l’échelle sociale bien plus vite que les entendants. Claude-André Deseine (1740-1823), ancien élève de l’abbé de l’Épée, est le premier artiste sourd dont on retrouve précisément la trace. Il s’est fait connaître par ses sculptures et par son orientation politique en faveur de la Révolution. PAGE DE DROITE Artistes sourds lors de l’exposition des Artistes Silencieux en 1912 commémorant le bicentenaire de la naissance de l’abbé de l’Épée. © Archives de l'Amicale des anciens élèves de l'INJS de Paris Statue de l'abbé de l'Épée de Félix Martin dans la cour de l'INJS de Paris Dessin d'Auguste Colas © Archives de l'INJS 22 Art’Pi! Art’Pi! 23 Gustave-Nic Léopold Loustau (1815-18 Abbé de l'Épée (1712-1789) XVIIIe siècle XIXe siècle C Révolution française (1789) Claude-André Deseine (1740-1823) L’âge d’or À la Belle Époque, à partir des années 1830, le nombre d'artistes sourds se multiplie. Le peintre Léopold Loustau (1815-1897), ancien élève de Saint-Jacques, et le sculpteur Gustave-Nicolas Hennequin (1834-1918), ancien élève de Nancy sont les premiers à participer au Salon des artistes, organisé chaque année. C’est dans ce Salon que se retrouvaient les plus grands artistes de France et du monde : Manet, Monet, Renoir, Degas, Rodin, Claudel, etc. À partir d’eux, deux générations d’artistes sourds vont se succéder jusqu’aux années 1930. The Indian bear hunters de Douglas Tilden. © Archives de l'INJS de Paris. LE SAVIEZ-VOUS ? Pierre Pélissier (18141863) est le seul poète sourd ayant marqué l'Histoire. Ses poèmes attirèrent l’attention d’Alphonse de Lamartine (1790-1869) lui-même. 24 Art’Pi! Les sourds ont rivalisé d’égal à égal avec de grands artistes dans ce Salon à l’entrée très sélective. Celui qui y entrait était assuré d’avoir une renommée nationale, l’État pouvait alors lui faire des commandes ou lui acheter des œuvres. Paul Choppin (1856-1937) reçut une commande pour sa sculpture du docteur Broca (elle disparut pendant la Seconde Guerre Mondiale, fondue pour récupérer le bronze). Le peintre Armand Berton (1854-1927) était également l’un des plus réguliers du Salon et nombre de ses œuvres se trouvent dans des musées. Felix Martin, cousin par alliance de Gustave Hennequin, est l’un des sculpteurs les plus connus avec sa statue de l’abbé de l’Épée dans la cour d’honneur de l’INJS de Paris. Ces artistes faisaient partie de l’élite des sourds et participaient aux banquets organisés en l’honneur de la naissance de l’abbé de l’Épée. Ces banquets étaient organisés pour étendre les réseaux sociaux des sourds en invitant des personnalités du monde entendant. Par la suite, ils servaient surtout à se regrouper entre sourds pour utiliser les signes et lutter contre la montée de l’oralisme. Les artistes sourds de France des années 1870-1920 eurent de nombreux élèves. Ils semblent avoir été influents à l’étranger, et surtout aux États-Unis. Les premiers peintres et sculpteurs sourds américains qui se déplacèrent en France pour s’y former furent Douglas Tilden (1860-1935) et Granville Redmond (1871-1935). Ce dernier est l’un des plus connus. Il joua dans des films de Charlie Chaplin et lui enseigna l’ASL (la Langue des Signes Américaine). Autoportrait de Léopold Loustau. © Archives de l’Amicale des anciens élèves de l’INJS de Paris Surprise œuvre réalisée par un artiste sourd. Nom inconnu. © Archives INJS de Paris. Armand Berton (1854-1927) René Princeteau (1849-1914) colas Hennequin (1834-1918) Salon des artistes Silencieux (1920) 897) e Belle Époque (1870-1914) Congrès de Milan (1880) XXe siècle Musée universel des sourds-muets (1892) Disparition du Musée universel des sourds-muets (1968) Paul Choppin (1856-1937) Douglas Tilden (1860-1935) Fernand Hamar (1869-1943) Paul Choppin et sa statue de l'abbé de l'Épée. © Archives de l'Amicale des anciens élèves de l'INJS de Paris. La Belle Époque fut une période brillante artistiquement, avec un grand nombre d’artistes sourds dans tous les domaines. Pour la France, une cinquantaine de noms seraient référencés. Fernand Hamar (18691943) et Paul Choppin représentent les derniers sculpteurs sourds de la Belle Époque française. Le déclin amorcé La réforme éducative eut un grand impact en France, et dans les pays qui appliquèrent les recommandations de Milan de 1880. Délaissant l’éducation intellectuelle au profit de l’éducation orale, les institutions spécialisées ne permirent pas aux nouvelles générations de s’épanouir intellectuellement. Les artistes sourds devinrent ainsi de moins en moins nombreux au fil des années. Les Anciens se décidèrent à fonder le Salon des Artistes Silencieux dans les années 1920 pour tenter d’intéresser les jeunes à l’art. Mais, après les années 1940, on ne voit plus guère d’artistes sourds dans le grand public. Il existe des dessinateurs, des peintres de loisir, mais plus rien au stade professionnel. Beaucoup d’œuvres disparurent, furent abîmées ou refondues pour réutiliser les matériaux. Seulement certaines furent sauvées et restaurées par le Musée universel des sourds-muets. C’est seulement dans les années 1970-1980, après une parenthèse de quarante, cinquante ans, que les artistes sourds reviennent lentement en France. Mais arriveront-ils à surpasser ceux de la Belle Époque ? Il est trop tôt pour le savoir, seul l’avenir nous le dira. YANN CANTIN & SOPHIE LAUMONDAIS Couverture du catalogue du Salon international des artistes Silencieux. © Archives de l'Amicale des anciens élèves de l'INJS de Paris. Exposition des artistes Silencieux, 1912 © Archives de l'INJS de Paris. Art’Pi! 25 GALERIE Les Artistes et le Comité d'organisation de l'Exposition des Artistes sourds 1er rang : MM. Vivien (debout) / O. Chéron / A. Colas / F. Martin / V. Collignon / G. Hennequin / B. Thonon / A. Legrand 2ème rang : MM. J. Ebstein / L. Lambert / Mlle J. Bomsel / M. J. Gras / Mlle J. Léothand / MM. Graff / R. Hirsh / Mme P. Choppin / MM. E. Monlin / F. Plessis / M. Colas 3ème rang : MM. L. Morice / G. Picaud / Tournaude / Asser / Paul Choppin / F. Hamar / Y. Uffler © Archives de l'Amicale des anciens élèves de l'INJS de Paris 26 Art’Pi! Félix Plessis Paul Choppin Dans son atelier Avec sa statue du Docteur Broca © ARSCA © Archives de l'INJS de Paris Léon Morice Dans son atelier © Archives de l’Amicale des anciens élèves de l'INJS de Paris Art’Pi! 27 UN SCULPTEUR ENGAGÉ Un sculpteur engagé Claude-André Deseine (1740-1823) N é à Paris le mardi 12 avril 1740, Claude-André Deseine est l'aîné de huit enfants et le seul sourd dans une famille issue de menuisiers et serruriers. À 22 ans, lorsque son grand-oncle meurt, il reçoit une rente annuelle à vie de cent livres, un montant suffisant pour vivre convenablement. À la mort de son père, en 1777, ne sachant ni lire ni écrire (et non pas parce qu’il est sourd), la gestion de la succession est confiée à sa mère. Par la suite, il apprend un peu à lire et à écrire auprès de l’abbé de l’Épée, et signe ses œuvres de "Deseine, sourd et muet". À 38 ans il entre, avec son frère Louis Pierre Deseine (1749-1822), sculpteur lui-aussi, à l’Académie royale de peinture et de sculpture (Institut d’État de 1648 à 1793, créé pour élever le statut des artistes et le distinguer de celui des artisans). Il devient l’un des élèves d’Augustin Pajou (1730-1809), l’un des plus fameux artistes de l’époque. Lors d’un des nombreux concours artistiques organisés par l’Académie royale, il est placé à la troisième place, une grande récompense qu’aucun sourd français n’avait reçue avant. Progressivement, la réputation du sculpteur se répand dans le milieu aristocratique et il reçoit plusieurs commandes. De 1789 à 1794, attaché à la cause révolutionnaire (au contraire de son frère, sculpteur du prince de Condé et fidèle à la dynastie des Bourbons), ses bustes et sculptures d’aristocrates laissent la place à ceux de révolutionnaires comme Mirabeau, Robespierre, l’épouse de Danton, etc. Portrait de Claude-André Deseine. Dessin à la sanguine par Louis-Pierre Deseine (1749-1822), son frère. © INJS de Paris. Attaché à la cause révolutionnaire, ses bustes d'artisocrates laissent la place à ceux de Robespierre, Mirabeau... Après la chute de Robespierre, Deseine, jugé trop proche des Montagnards (groupe politique dont Robespierre faisait partie, placé à gauche dans l’assemblée), voit ses commandes diminuer. À la mort de sa mère en 1795, son frère devient curateur, mais il semble, d’après les archives, que le frère soit peu ouvert aux demandes de son aîné. Ce qui expliquerait les aides financières qui lui sont régulièrement accordées par le gouvernement. Claude-André Deseine meurt le 23 décembre 1823 au Petit Gentilly, dans une petite pension. YANN CANTIN & SANDRINE RINCHEVAL Buste de l’abbé de l’Épée Le buste que Deseine a réalisé de l’abbé de l’Épée est célèbre car il est le seul à avoir été créé de son vivant. L’abbé avait toujours refusé que ses traits soient reproduits, ne voulant pas entrer dans la vanité. Le sculpteur l’offrira à l’Assemblée Nationale en 1791. © Archives de l’INJS 28 Art’Pi! Bustes de Maximilien Robespierre, terre cuite, réalisés en 1791 et 1792, Musée de la Révolution Française, Vizille et Conciergerie, Paris Le buste de Maximilien Robespierre est cité, aujourd’hui encore, comme l’un des rares portraits authentiques de l’Incorruptible (surnom donné à Robespierre en raison de son caractère intransigeant et vertueux). Ce buste frappe par son caractère psychologique : une vivacité du regard, une autorité naturelle et le sentiment volontaire de Robespierre sont parfaitement traduits par Deseine. Visite à ne pas manquer Exposition Claude-André Deseine et la Révolution Française, à la Conciergerie de Paris. Visites en LSF du 19 au 24 novembre. Visites en LSI sur demande. Contacter le CMN (Centre des Monuments Nationaux) : [email protected] Buste mortuaire d’Antoinette-Gabrielle Danton, plâtre patiné bronze, réalisé en 1793, Musée de Troyes Buste de Mirabeau, plâtre, réalisé en 1791, Musée des Beaux-Arts, Rennes En avril 1791, lors d’un concours lancé à la mémoire de Mirabeau, le buste de Claude-André Deseine, réalisé en plâtre à partir du masque mortuaire du défunt, remporte les suffrages. Ce buste est cité comme offrant « une ressemblance parfaite, l’expression et l’énergie » de ce célèbre orateur du peuple que fut Mirabeau. En 1793, Deseine réalise le portrait d’AntoinetteGabrielle Danton, l’épouse de Georges Danton, qui meurt après la naissance de son quatrième enfant. On raconte que, trois semaines après le décés d'Antoinette-Gabrielle, le révolutionnaire est allé chercher ClaudeAndré à son atelier du Faubourg Saint Marceau pour l’emmener au cimetière. En pleine nuit, le cercueil de l’épouse est exhumé pour que le sculpteur fasse un masque mortuaire et réalise le buste posthume d'Antoinette-Gabrielle. Cette scène est visible dans le film Danton, avec Gérard Depardieu. Art’Pi! 29 30 Art’Pi! LE MUSÉE UNIVERSEL DES SOURDS-MUETS universel Le Musée sourds-muets des Il fut un temps où de nombreux artistes sourds produisaient des œuvres et remportaient des concours à l’égal des entendants. Saviez-vous qu’en 1892, pour immortaliser cette période, un Musée universel des sourds-muets voyait le jour à Paris ? C’est en 1970 qu’Yves Bernard, ancien professeur à l'INJS(*) de Paris, découvrit les vestiges de ce musée. Il nous en raconte ici l’histoire. A près la mort de l’abbé de l’Épée, son travail fut repris et les sourds continuèrent à s’instruire et à s’épanouir. Les meilleurs élèves de l’Institut de Sourds-Muets de Paris (actuel Institut National de Jeunes Sourds, situé rue Saint Jacques) devenaient graveurs, ébénistes, photographes, peintres, sculpteurs. Les grandes académies d’art les recevaient auprès des plus grands maîtres. De nombreux sourds remportaient des prix lors de concours en France ou à l’étranger. Mais la période fut également riche en découvertes et en progrès pour d’autres domaines et les médecins et autres érudits ne tardèrent pas à s’intéresser de très près à la surdité. Un courant oraliste se développa petit à petit et finit par l’emporter en 1880, au Congrès de Milan, interdisant par la suite l’usage des signes. Les professeurs sourds furent renvoyés. L’instruction orientée dorénavant vers l’accession à la parole plutôt qu’au savoir, les résultats des élèves chutèrent. Les sourds de l’ancienne époque devenaient nostalgiques de leur passé glorieux. Eux qui, grâce à l’abbé de l’Épée et aux signes, avaient montré au monde leurs talents et leurs connaissances, devenaient avec l’oralisme des êtres différents qu’il fallait "réparer". Un musée pour glorifier le passé Deux parties le composaient : une section historique regroupant toutes les œuvres en lien avec l'art d'instruire les sourds et une section artistique réunissant les œuvres des artistes sourds. On y trouvait des bustes, médaillons, photographies... des œuvres de Choppin, Colas, Deseine, Etienne de Fay... les tableaux Les derniers moments de l'abbé de l'Épée de Peyson, Une leçon de l'abbé de l'Épée de Ginouvier, Carnot à Wattignies de Loustau et bien d'autres. Une vitrine du Musée présentait les prix remportés lors de concours en France ou à l’étranger. En 1896, 2 096 œuvres furent disposées dans une vaste salle située sous le théâtre actuel de l’Institut. L'élite de la société des sourds constituée des enseignants sourds d’autrefois, des artistes et artisans renommés, de journalistes sourds parfaitement bilingues contribuait à son enrichissement. Portrait de Théophile Denis © Archives de l'INJS de Paris PAGE DE GAUCHE Une leçon de l’abbé de l’Épée, huile sur toile d’après une esquisse peinte de Frédéric Peyson, 1891. Par Nachor Ginouvier, sourd-muet © Collection de l'INJS de Paris " Les musées sont des espaces où le temps se fige, la mémoire s’éveille. " Le dimanche 29 novembre 1891, lors de la célébration du 179ème anniversaire de la naissance de l'abbé de l'Épée, le président honoraire de la journée, Théophile Denis, fonctionnaire au Ministère de l’Intérieur, déclarait : « ...On s'étonnait de rencontrer comme par hasard un sourd-muet qui ne fut pas un parfait ignorant […] Aussi pour essayer de faire apprécier à sa juste valeur le monde des sourds-muets, je m'occupe à réunir dans un musée spécial tous les éléments susceptibles de vous faire bien connaître. » Dès 1875, Théophile Denis commençait déjà à constituer une galerie à l'Institut National des Sourds-Muets de Paris en rassemblant quelques œuvres sur l'histoire de l'établissement. Il voulait honorer la grandeur philanthropique des donateurs, administrateurs, penseurs, philosophes, pédagogues et médecins qui, depuis l’Antiquité, avaient contribué à la reconnaissance de l’éducabilité des sourds. Cette galerie ayant eu du succès, l'idée fut avancée de l'étendre au niveau mondial. C'est ainsi que l'on créa le Musée universel des sourds-muets. Musée universel des sourds-muets à l'INJS de Paris © Archives de l'INJS de Paris Art’Pi! 31 LE MUSÉE UNIVERSEL DES SOURDS-MUETS Conservateur du Musée de père en fils C’est en 1932 que mon père, René Bernard (1907-1985), entra à l’Institut. Il édita avec l’administration le catalogue de la Bibliothèque, car rien de consistant n’existait alors avant 1940. Il ne reprit le poste de bibliothécaire qu’après sa retraite et jusqu’à son décès, de 1973 à 1985. Sa participation au Musée était typiquement culturelle car il était lui-même très versé dans les arts. Il était donc consulté pour l’histoire des œuvres, leurs légendes, et d’autres recherches. Après 1968, le Musée disparut sous la multiplication des services, les œuvres furent entreposées et exposées aux risques : destruction, poussière, sécheresse et chaleur des caves surchauffées. Pour ma part, c’est en cherchant le portrait de Bébian, en pied, par Chassevent, que j’ai découvert, vers 1979, l’état d’abandon du Musée dans les caves de l’INJS. J’ai donc alerté le directeur de l’époque Monsieur Dessaint qui aussitôt me mit en relation avec l’IFROA (l'Institut Français de Restauration des Œuvres d'Art). J’ai donc contribué au sauvetage des œuvres, à la documentation, pendant trois années, en plus de mon travail de professeur. Les derniers moments de l’abbé de l’Épée par Frédéric Peyson, sourd-muet, 1839 © Collection de l'INJS de Paris DROITE Couverture du catalogue Le Musée des SourdsMuets Galerie historique et artistique de l’Institution Nationale des SourdsMuets de Paris. © Archives de l'INJS de Paris Abbé Sicard Ce Musée devait, selon un écrivain l’ayant visité, « détruire l'ignorance et les préjugés des uns et rendre la place qui leur est due dans la société aux victimes de cette ignorance et de ces préjugés ». Mais au fil du temps, le Musée se détourna des vrais motifs humanistes qui désiraient donner une âme à une fraction méconnue de l’humanité. Le discours des fondateurs, dont celui de Théophile Denis, finit par se transformer, encourageant la méthode orale en France. Théophile Denis ira même jusqu’à inviter à l’Institut de Paris l’abbé Balestra, le défenseur le plus fanatique de l’oralisme. Dans son livre Silent Poetry, Nicholas Mirzoeff n’hésite pas à décrire le Musée comme la célébration d’une culture subalterne vouée à disparaître. À la fin du XIXème et au début du XXème siècle, une curiosité malsaine entoure le Musée, l’associant à l’étude d’une pathologie, comme une sorte de zoo humain, montrant l’écart d’êtres exotiques ou différents avec la civilisation dite "normale". À partir de 1912, l’État refusa d’employer toutes les personnes qu’il considérait comme "infirmes". Les meilleurs élèves des ateliers de typographie, d’imprimerie, de reliure et de gravure ne trouvèrent plus d’emplois pour consacrer leur succès. Les élèves furent restitués à leur famille après seulement sept années d’instruction hors des signes. C’était leur interdire, pour la grande majorité d’entre eux, toute vie intellectuelle, relationnelle et sociale. LE SAVIEZ-VOUS ? Dans l’œuvre Sicard au milieu d’un groupe d’élèves de Jérôme-Martin Langlois (1806), la phrase « Moyen de faire articuler des sons par le sentiment de la pression » est inscrite sur le tableau noir. Lors de la restauration du tableau, l’inscription précédente, une citation de Massieu : « La reconnaissance est la mémoire du cœur », volontairement cachée jusque-là, est réapparue. 32 Art’Pi! C’est la série des plaquettes en bronze de Félix Martin sur la vie de l'abbé de l'Épée qui m'a le plus marqué, en dehors du portrait de Bébian. Je me souviens également avoir transporté un portrait dont la couche picturale se présentait sous forme de "coquillettes". Je pensais que rien ne pourrait être fait pour restaurer le tableau cuit par la chaleur et la sécheresse des anciennes caves de l’INJS. L’IFROA me rappela quelques mois plus tard pour identifier les tableaux restaurés. Et l’un d’entre eux ne me revenait pas car je ne l’avais jamais vu. Je pensais qu’il s’agissait d’une erreur de leur part, et ils me répondirent que j’avais eu raison de leur transmettre une œuvre qui semblait perdue à jamais. C’était le portrait grillé par le temps qu’ils avaient retrempé dans un bain afin de redéposer sur la toile la peinture ré-humidifiée. Un miracle. L’essentiel de mon travail consistait, en dehors de la remontée des caves qui était un vrai déménagement, à des heures de lectures et de recherches dans la bibliothèque parisienne, principalement des journaux de sourds et des revues spécialisées d’avant 1947. Musée universel des sourds-muets © Archives de l'Amicale des anciens élèves de l'INJS de Paris Bas-reliefs en bronze de Charles Marie Félix Martin (1846-1916), illustrant la vie de l’abbé de l’Épée, 1909 © Collection de l'INJS de Paris Après la rénovation de l’établissement, les œuvres furent replacées dans l’espace institutionnel : les salles de réunions, les lieux de passage reçurent les noms de grands pédagogues, salle Bébian, salle Ferdinand Berthier, où bustes et tableaux s’intégrèrent. Les élèves, les membres du personnel et tout visiteur accèdent librement à cette dimension patrimoniale, aux racines d’une histoire dont la bibliothèque recèle les secrets. Et ces œuvres revivent au gré des commémorations, retrouvant leur destination, la reconnaissance d’une différence qui est toujours plus respectée comme un héritage que nous partageons tous. De nombreuses œuvres restent cependant entreposées en quelque endroit de l’Institut, dans l’attente d’un prochain retour à la lumière. YVES BERNARD & SOPHIE LAUMONDAIS (*) Institut National des Jeunes Sourds à Paris, autrefois Institut National des Sourds-Muets, INS-M. Art’Pi! 33 DES CÉLÉBRITÉS INFLUENCÉES PAR LES SOURDS Des célébrités par les influencées sourds Des artistes célèbres ont construit leur carrière avec des sourds dans leur entourage. Ceux-ci les ont aidés, formés, soutenus et certainement influencés d’une manière ou d’une autre. En voici quelques-uns. Toulouse-Lautrec (1864-1901) élève de René Princeteau (1849-1914) Henri de Toulouse-Lautrec, peintre et lithographe français, est célèbre pour ses vices et pour ses œuvres sur le Moulin Rouge et les cabarets parisiens. Peignant les perversités et les réalités de la vie, ses œuvres influenceront des artistes comme Matisse ou Picasso. Charles Chaplin (1889-1977), ami et collègue de Granville Redmond (1871-1935) C harlie Chaplin, acteur, réalisateur, producteur et scénariste britannique est considéré comme une icône du cinéma muet. Il est associé à son personnage populaire, "Charlot" (clochard raffiné portant un chapeau melon et une canne). À Los Angeles, Chaplin rencontre Granville Redmond, peintre sourd alors considéré comme l'un des meilleurs impressionnistes de la Californie. La guerre de 1914 ayant réduit ses commandes de tableaux, Redmond décide de tenter sa chance dans le cinéma. Chaplin devient son ami, lui dédiera un bâtiment dans ses studios, collectionnera ses peintures, et le parrainera dans des rôles muets. Impressionné par ses compétences, il lui demandera de lui apprendre les signes et de lui donner des cours de pantomime. Chaplin utilise quelques signes comme "enfant" et "bébé" dans le film Une vie de chien. Chaplin est admiré pour l’incroyable expressivité de son visage et de ses gestes. Il est l'un des rares comédiens à jouer la bouche close, sans prononcer de mots. Le fait de côtoyer une personne s'exprimant silencieusement au quotidien a certainement contribué au succès du plus célèbre des comédiens du cinéma muet. HAUT Extrait du film You'd Be Surprised (1926) 34 Art’Pi! Affiche du film Une vie de chien René Princeteau, peintre sourd, célèbre pour ses tableaux équestres, était l’ami et voisin du père de Henri de Toulouse-Lautrec. Lorsque Henri a sept ans, Princeteau lui donne ses premiers cours de dessin. Il remarque vite les talents de Lautrec et persuade sa famille de le laisser développer ses talents. À dix-sept ans, Lautrec viendra se former dans son atelier. L'élève rattrapera rapidement son maître jusqu'à réussir à reproduire magistralement l'une de ses œuvres. Dans une lettre aux parents de Lautrec, Princeteau s’enthousiasme : « Le jeune Henri de Toulouse travaille dans mon atelier vaillamment et fait de miraculeux progrès avec moi, et m'imite comme un singe ». Lautrec, atteint d’une malformation, admire ce grand peintre, élégant, qui surmonte sa surdité. Liés d’une grande amitié, ils continuent à se voir régulièrement jusqu'à la mort du prodige à trente-sept ans. Ce dernier a plus de 6 000 œuvres à son actif et n'aura cessé de considérer Princeteau comme son maître. Photo d’Henri de ToulouseLautrec faite par son ami photographe Paul Sescau vers 1880-1890 René Princeteau dans son atelier, peint par Toulouse-Lautrec La Joconde de Leonardo Da Vinci © Musée du Louvre Leonardo Da Vinci (1452-1519) hébergé par Cristoforo De Predis (vers 1440-vers 1486) Leonardo Da Vinci est un génie aux talents multiples (dessin, peinture, sculpture, architecture, urbanisme…) et un innovateur qui aura une très grande influence sur l’histoire de l’art. Cet homme à la curiosité infinie emploie de nouvelles techniques pour communiquer ses idées et s’inspire des gestes des sourds dans ses tableaux. Dans son Traité de la peinture, il fait l’éloge des signes permettant de « réintégrer la vie dans l'art pictural renaissant » et considère l'ouïe comme étant un sens inférieur à la vue. Il utilise la dactylologie dans ses tableaux, tels La cène ou Saint Jean Baptiste (l’index levé formant le "D" signifiant "Dieu"). Ses œuvres deviennent ainsi "parlante". L’engouement de Da Vinci pour les sourds et les signes s’explique par le nombre de rencontres qu’il a pu faire. Le peintre sourd Bernardino Di Betto (Il Pinturicchio), l'un des plus grands peintres de fresques de la Renaissance, est l’assistant de Le Pérugin (Il Perugino), un compagnon d’étude de Leonardo. Vers 1483, à Milan, Leonardo travaille et loge à l’atelier des frères De Predis où se trouve Cristoforo De Predis, miniaturiste et enlumineur sourd. Leonardo Da Vinci admire la dextérité de Cristoforo mais travaille avec ses frères, Ambrogio et Evangelista De Predis, sur l’œuvre intitulée La vierge aux rochers. Leonardo est également proche de Giralmo Cardano qui déclarait, se basant sur le texte écrit par Rudolph Agricola De inventione d'Agricola dialectica, que les sourds pouvaient apprendre à lire et écrire sans apprendre à parler d'abord. Lon Chaney (1883-1930), né de parents sourds Lon Chaney (de son vrai nom Leonidas Frank Chaney), acteur et maquilleur du cinéma muet, célèbre pour ses talents de transformation et de maquillage, est surnommé "l'homme aux mille visages". Maître dans l'art de la pantomime, il va jusqu'à s’infliger des tortures lors de rôles d'infirmes pour rendre les expressions de ses personnages encore plus crédibles. Ses contorsions deviendront sa marque de fabrique. Fils de parents sourds, il apprend la Langue des Signes et est sensibilisé à la communication des mains et du corps. Pour divertir sa famille, il joue des sketches en mimant ce qu’il a observé dans la rue. Il obtient son premier rôle à l’âge de dix-neuf ans et gravira rapidement les échelons. Il sait rendre ses personnages réalistes en utilisant des gestes précis et en leur donnant de la profondeur. LE SAVIEZ-VOUS ? Joachim du Bellay (1522-1560), poète de la Pléiade, est l’auteur d’un Hymne à la surdité (1558) dédié à son ami Ronsard, atteint comme lui de surdité précoce (Ronsard devint sourd à seize ans). © BnF À la fin de sa vie, un cancer de la gorge lui fait perdre l’usage de la parole. Il ne s’exprime plus qu’en Langue des Signes. Il meurt le 26 août 1930 à l’âge de quarante-sept ans. Le film L'homme aux mille visages retrace la vie et la carrière de cet acteur qui, par son jeu unique, a influencé des générations de comédiens jusqu’à nos jours. SOPHIE LAUMONDAIS & PAULINE STROESSER Toutes ses rencontres sont indéniablement une grande source d’inspiration pour Leonardo Da Vinci. Une rumeur prétend même que La Joconde, son tableau le plus célèbre, montre le visage d’une femme sourde. Au vu de la vie de l'artiste, ce ne serait pas impossible, mais malheureusement rien ne le prouve. MILIEU Morte del Sole, della Luna e caduta delle stelle de Cristoforo De Predis © Torino, Biblioteca Reale Portrait de Lon Chaney, 1926 Art’Pi! 35 GALERIE L’abbé rayonnant Arnaud Balard, artiste multidisciplinaire (France) 2012 Digigraphie (300 ex.) 21 cm × 30 cm www.facebook.com/Surdism [email protected] 36 Art’Pi! Hommage à l’abbé de l’Épée Stephane Delame, peintre (France) 2012 Acrylique sur toile 60 cm x 60 cm ma-galerie-virtuelle.over-blog.com Abbé Charles Michel de l’Épée Nancy Rourke, peintre (USA) 2011 Huile sur toile 12 cm x 17 cm www.nancyrourke.com Art’Pi! 37 L'anatomie de mots Remus Illisie, artiste multidisciplinaire (Roumanie) 2012 Encre noire 21 cm x 30 cm [email protected] PAGE DE DROITE L'arbre Guy Bouchauveau, artiste (France) Crayon Format inconnu La révolte après le congrès de Milan Françoise Casas, artiste (France) 1988 Toile sur plaque, peinture à l'huile 70 cm x 130 cm [email protected] 38 Art’Pi! Hors-série 2012 : Tricentenaire de la naissance de l'abbé de l'Épée • Art’Pi! Art’Pi! • 39 LA PRESSE SILENCIEUSE La presse (1) Silencieuse La Belle Époque, âge d'or de la presse Sourde L Portrait de Ferdinand Berthier © Archives de l'INJS de Paris PAGE DE DROITE Atelier de lithographie à l'Institution royale des sourds-muets en 1840 © Archives de l'INJS de Paris Le sourd-muet illustré, septembre 1897 a période la plus glorieuse de la presse Sourde se situe à la Belle Époque (grande période de progrès techniques, scientifiques et sociaux de 1870 à 1914). Son histoire est chaotique, à l’image de celle des associations Sourdes. La première mention de presse entièrement Sourde remonte à 1870, où la Société Universelle des SourdsMuets, dirigée par Ferdinand Berthier, publiait les débats et les réflexions au sein de la Société. Ce journal ne vécut que quelques mois à cause de la guerre franco-prussienne de 1870 et de la Commune de Paris en 1871 (insurrection de deux mois suite à la défaite de Paris dans la guerre franco-prussienne). Cette guerre stoppe ainsi l’émergence de la presse Sourde pendant plus de dix ans. C’est seulement en 1883 que paraît enfin un journal engagé dans la lutte contre le Congrès de Milan : La Défense des sourds-muets, dirigé par Joseph Turcan. Pour des raisons financières, ce journal polémiste disparaît rapidement après deux années de publication. Polémique après le Congrès de Milan Cette explosion de la presse Sourde s’explique par la volonté des associations locales d’avoir un organe d’information. Mais pas seulement. C’est aussi un mouvement de réaction et d’opposition envers deux journaux influents : Le Journal des Sourds-Muets, et La Gazette des Sourds-Muets. Ces deux journaux sont dirigés par Henri Gaillard (1866-1939), un homme vigoureusement engagé dans la question éducative Sourde, qui estime nécessaire le retour de l’enseignement de la Langue des Signes dans les écoles. Cependant, c’est un personnage très contesté, ses prises de position et son influence ont froissé quelques égos, en particulier celui de Joseph Chazal. Celui-ci est devenu son adversaire direct dans les années 1890-1910, avec Le Sourd-Muet Illustré, un journal critiquant ouvertement les actions de Gaillard (surnommé Grigrine à cause de son caractère rebelle et contestataire), l’accusant de fraudes, de manipulations. © Archives de l'INJS de Paris Par la suite, de nombreux journaux éphémères sont parus : L’abbé de l’Épée (1888-1889), La Sincérité (avril-mai 1887), L’Écho de la Société d’appui fraternel (1889-1890), Les Annales françaises des sourds-muets (un seul numéro connu en février 1898), Le Philantrope (1903-1904), La Silencieuse (1898), Lectures et revues (1899), La libre tribune 1 silencieuse (1906-1907), La France des sourds-muets (1902-1907), 4 L’entente cordiale des sourdsmuets (1910) pour n’en citer que quelques-uns. On en dénombre une vingtaine dans la période de 1870 à 1920. 1 Portrait d'Henri Gaillard © Archives de l'Amicale des anciens élèves de l'INJS 2 La Défense des sourds-muets, 1886 3 Portrait de Jospeh Chazal 4 Journal des sourds-muets, 1895 © Archives de l'INJS de Paris 40 Art’Pi! 2 3 Art’Pi! 41 La Défense des Abbé de l'Épée (1712-1789) XIXe siècle XVIIIe siècle Libéralisation de la presse (1867) 1ère presse entièrement sourde (1870) La polémique repose en fait sur la volonté de faire restaurer ou non "l’ancienne méthode", c’est-à-dire de défendre ou non la Langue des Signes. Chazal, au contraire de Gaillard, considère que vouloir retourner à l’avant-Milan est illusoire. Il pense qu’il faut accepter le progrès et se tourner vers la méthode orale. Ces différents provoquent une multiplication du nombre de revues, les articles contiennent des textes virulents et des procès surviennent pour clore les querelles. Le déclin de la presse Sourde Dans les années 1920-1950, le nombre de journaux diminue et les publications deviennent de plus en plus locales ou associatives. Tous les journaux fondés à la Belle Époque disparaissent, étranglés financièrement, ou avec la mort de leur fondateur. Ainsi, la presse Sourde entre dans sa période de long déclin, devenant moins passionnée et plus consensuelle. La Gazette des Sourds-Muets reste à flot jusqu’en 1961, elle aura tenu presque soixante-dix ans. Ceci grâce à Eugène Rubens-Alcais (1884-1963) qui reprit le flambeau en 1931 en rachetant le journal à Gaillard. En 1961, la Confédération Nationale des Sourds de France 42 Art’Pi! rebaptise La Gazette : La Voix du Sourd (1961-1993). Ce nom symbolique montre la nouvelle orientation du journal. Il deviendra ensuite Actua’Sourd, journal d’information de la FNSF qui n’est plus publié depuis presque dix ans. Dans les années 1970-1980, il n’existe plus, à part les papiers publiés par les associations, que L’Écho, créé en 1908 (aujourd’hui Écho magazine) et La voix du Sourd . Cependant, ces deux journaux publient des articles avec une vision médicalisée du sourd, ne défendant que l’éducation oraliste. Le Réveil Sourd(2) dans la presse aura lieu vingt ans après le début du mouvement. De nos jours, la presse Sourde semble renaître, notamment grâce à Internet qui facilite les publications. Pour qu'elle soit vivante et pérenne, des auteurs sourds de l’envergure de Gaillard seront nécessaires. L’âge d’or de la presse Sourde a bien existé durant la Belle Époque. De brillants textes ont été écrits, de forts débats ont eu lieu, signes d’un bouillonnement intellectuel Sourd. Est-ce que cela va reprendre ? Espérons que oui ! YANN CANTIN DE GAUCHE À DROITE Echo de famille, 1935 Actua'Sourd, 1995 La voix du sourd, 1976 (1) Les sourds se définissaient à l'époque comme les "Silencieux". Ce terme était préféré puisqu'il incluait les CODAs qui pouvaient aussi noétomalalier. (2) Période où les sourds redécouvrent et défendent leur langue et leur culture, dans la vague de la redécouverte des minorités linguistiques et culturelles consécutive à Mai 68. s sourds-muets (1883) Le Sourd-Muet Illustré / La Gazette des Sourds-Muets (1890) Le Réveil Sourd de la presse (1990) Eugène Rubens-Alcais (1884-1963) Henri Gaillard (1866-1939) e XXe siècle Belle Époque (1870-1914) L'Echo (1908) Loi de la liberté de la presse (1881) Actua'Sourd (1993) La Gazette : La Voix du Sourd (1961) Le Journal des Sourds-Muets (1895) Qui est Henri Gaillard ? Henri Gaillard était l’un des plus vigoureux militants sourds de France du XIXème siècle. Ancien élève de l’Institut de Paris (INJS), il faisait partie de la Société des gens de lettres. On lui doit de nombreux écrits défendant la Langue des Signes, promouvant la culture Sourde, valorisant les écrivains et artistes sourds. Chose rare, il est le créateur du verbe "noétomalalier" (s'exprimer, montrer ses pensées par gestes, par la Langue des Signes), mot tombé dans l’oubli vers le XXème siècle et qui semble renaître de nos jours. Le parcours de Gaillard est brillant, unique et passionné, pourtant vers la fin il se retrouve isolé, rejeté par les sourds pour avoir trop aimé la Langue des Signes, et par ses enfants pour avoir été trop fier d’être sourd. La presse et la loi Deux actions législatives facilitèrent l’existence et la multiplication des journaux : la libéralisation de la presse en 1867 qui permit de créer une presse à moindre coût et la loi de la liberté de la presse de 1881 qui rendit la censure plus souple. Fait intéressant LE SAVIEZ-VOUS ? Gaillard crée L’imprimerie des sourds-muets et publie de nombreux ouvrages venant d’auteurs grands publics, devenant ainsi financièrement viable. L’écrivain Victor Hugo (1802-1885) devint sourd à la fin de sa vie. Son célèbre personnage de Quasimodo est un carillonneur sourd communiquant en Langue des Signes. Victor Hugo dira : « Qu’importe la surdité de l’oreille, quand l’esprit entend ; la seule surdité, la surdité vraie, la surdité incurable, c’est celle de l’intelligence. » Cette phrase figurera longtemps sous le bandeau de La Gazette des sourds-muets. Cet apport financier lui permet d’éditer Le journal du Sourd-Muet et ainsi de continuer à être publié en dépit d’un faible nombre de lecteurs. Il peut même rémunérer les auteurs, et employer quelques sourds. D’autre part, les relations de Gaillard l'aident à trouver des appuis permettant également à La Gazette d’exister : Francisque Sarcey (critique dramatique et journaliste français), Paul Deschanel (homme de lettres et homme d’État français sous la IIIème République) ont écrit dans les colonnes de ces journaux. Photo de l’imprimerie d’ouvriers sourds-muets © ARSCA Art’Pi! 43 STRIP Alfred de Musset (1810-1857), poète, auteur dramatique et romancier français, est l’auteur de Pierre et Camille (1848). Cette nouvelle relate la rencontre amoureuse de deux sourds au temps de l’abbé de l’Épée. Elle paraît quatre ans après le premier mariage entre sourds, à Paris. En 1792, à quarante-six ans, le peintre Francisco Goya (1746-1828) devient totalement sourd. Il apprend la Langue des Signes et l’enseigne à ses amis. Cela va libérer son imagination et son style se singularise. Ses œuvres deviennent les plus étranges, angoissantes et fascinantes de sa carrière. Il est le premier à réellement exprimer ses sentiments à travers l'art plutôt que par des moyens religieux. Bruno Braquelhais (1823-1875) participa à la naissance de la photographie et fut le précurseur du photo-journalisme. Il est connu pour ses nus féminins, mais est surtout considéré comme le photographe de la Commune, ayant pu s’aventurer librement à travers les barricades parce qu’il était sourd. LE SAVIEZVOUS ? Paul-François Choppin (1856-1937), devenu sourd à l’âge de deux ans, eut plusieurs de ses œuvres en bronze exposées dans Paris : La laveuse dans le parc de Montsouris, Un vainqueur de la Bastille dans le square Parmentier et Le docteur Broca boulevard Saint-Germain. Elles furent détruites pendant la Seconde Guerre Mondiale. En 1852, Ferdinand Berthier, venu voir la pièce L’Abbé de l’Epée, critique la mimique et le style qu’il trouve « démodés », compte tenu de l’évolution linguistique de la langue. En 1870, il donne des conseils pour réactualiser la pièce. ADREAN CLARK Frédéric Peyson (peintre sourd, 1807-1877) fut l’élève d’Ingrès, parmi les meilleurs. Le public et la critique d'art firent des éloges de son tableau Les derniers moments de l’abbé de l’Épée. Des sourds du monde entier signèrent une pétition pour que le Ministère de l’Intérieur achète cette œuvre. L’État contacta Peyson mais celui-ci trouvant l'offre financière dérisoire préféra en faire don à l’Institut des Sourds de Paris. www.adreanaline.com / www.aslwrite.com En tant que sourde et artiste, je désire intégrer ma langue maternelle, la Langue des Signes, dans mes œuvres. Représenter sur papier, et donc figer une langue basée sur le visuel et le mouvement est un vrai défi. Sur le papier, une forme écrite de l'ASL [Langue des Signes Américaine] fonctionne comme celle de l'anglais : des ellipses nous donnant suffisamment d'informations pour "reconstruire" l'intégralité du dialogue dans notre tête. Ce qui se fait avec l'ASL peut se faire avec la LSF. Si vous voulez en savoir plus, cherchez ma BD dans le prochain numéro. Adrean Clark est auteure, illustratrice et dessinatrice de bandes dessinées. 44 Art’Pi! Art’Pi! 45 46 Art’Pi! LE PERSONNAGE SOURD AU THÉÂTRE Le personnage sourd au théâtre Le théâtre s’intéresse aux sourds depuis très longtemps. Le personnage sourd est tour à tour miraculé, ridiculisé ou valorisé suivant l’évolution de la société. Parallèlement, le théâtre Sourd, dont le passé est plus difficile à observer, sort lentement de l’ombre jusqu’à éclater au grand jour. De la moquerie à la considération L es premières traces de personnages sourds dans le théâtre datent du Moyen-Âge. À cette époque, sur les parvis des églises, des comédiens entendants jouent des scènes de la Bible pour enseigner la religion catholique. Les infirmes guérissent par miracle, des sourds se mettent à entendre, des aveugles se mettent à voir. En parallèle, en dehors du théâtre religieux, le théâtre profane présente la surdité comme un élément comique. Les personnages simulent la surdité pour se sortir de l’embarras ou pour faire enrager les autres. Le vrai sourd, idiot de la pièce, enchaîne les malentendus ou est ridiculisé. Pendant des siècles, pour grand nombre d’auteurs, le sourd servira à créer des quiproquos, des situations comiques, des moqueries. Il sera "le sourd" comme on pourrait dire "le bègue", "le muet", "le boiteux". Il faudra attendre un long moment avant d’assister à un spectacle proposant un vrai rôle pour un personnage sourd et il est encore plus rare d’en voir un qui ne soit pas joué par un entendant. À partir du XVIIIème siècle, avec l’arrivée de l’abbé de l’Épée, le public, aussi bien sourd qu’entendant, devient friand de spectacles autour de la surdité. De plus en plus de pièces intègrent des personnages sourds dans l’histoire. Malheureusement, ces rôles sont généralement tous joués par des entendants. Les comédiens se rendent à l’Institut Royal des Sourds-Muets de Paris – devenu l'Institut National des Jeunes Sourds de Paris - pour essayer de coller au plus près à "l’expression Sourde". Des sourds comme Massieu, Berthier ou Gaillard apportent leurs suggestions et se rendent dans les coulisses des spectacles pour conseiller sur place. De nombreuses pièces continuent à exploiter le burlesque de l’infirmité et à faire rire le public avec le personnage sourd ou malentendant. Un nouveau courant apparaît néanmoins, avec un angle différent sur la surdité, essayant d’être plus explicatif et dans la compréhension. L’abbé ayant rendu à la société des êtres auparavant exclus, de nombreux auteurs veulent honorer sa mémoire et son travail. Le sourd devient un personnage intelligent, réclamant justice, pouvant aimer ou être aimé. Une pièce va réussir à marquer l’histoire du théâtre par son incroyable succès et par l’image positive qu’elle e l’Épéee, comécontribue à donner des sourds. L’Abbé de die en cinq actes écrite par l’entendant Jean-Nicolas Bouilly en 1799, sera jouée pendant pratiquement atiquement cent ans. PAGE DE GAUCHE Comédiens sourds inconnus © Amicale des anciens élèves de l’INJS de Paris Buste de JeanNicolas Bouilly © Archives de l'INJS de Paris L’Abbé de l’Épée, es comédie en cinq actes de Jean-Nicolas Bouilly, 1799 La pièce base son histoire sur l’affaire e juridique s'étant déroulée de 1776 à 1792, couramment appelée "l’Affaire Solar". Bouilly en modifiera les noms et les faits. La pièce parle de Théodore, dore, sourdmuet orphelin, recueilli et instruit par l’abbé bé de l’Épée. Découvrant qu’il est l’unique héritier du comte d'Harancour, aidé de l’abbé de l’Épée, Théodore fera tout pour retrouver son nom et ses biens. Bouilly prend des libertés avec la réalité et donne raison au jeune sourd. En fait, même si le doute persiste, le tribunal jugera en sa défaveur après plusieurs rebondissements. L’homme incriminé sera relaxé. Voyant la pièce, celuici se sentira offensé et essayera de faire interdire les représentations. Malgré cela, la comédie a un immense succès et sera jouée dans de grandes salles françaises et européennes. Le rôle du jeune sourd sera généralement joué par de jeunes femmes entendantes. Certains sourds, tels Ballestrier ou Charles Sinobre, réussissent à jouer dans la pièce lors de représentations en province. Cela restera malheureusement assez rare. Affiche de L'Abbé de l'Épée, 1890 © Archives de l'INJS de Paris Art’Pi! 47 Le Pauvre Pêcheur par des comédiens sourds inconnus © Amicale des anciens élèves de l'INJS de Paris Les spectacles des frères André et Albert Braün Depuis la première moitié du XXème siècle, à l’ombre des différents Instituts de sourds, s’est développée la pantomime. André Braün, à l’Institut Baguer d’Asnières, écrit et joue, avec son frère Albert, des pièces de théâtre, des sketches pantomimiques, des comédies, mimes, drame : Le Rêve de Bébert, À la Caserne, Les Conséquences du Train Manqué, L’Innocent, Le Bossu ou Le Fils d’Alcoolique… L’un des frères fera plus tard des spectacles en solo, présentant essentiellement des histoires d’amour ou des sketches comiques (Le Chagrin d’Amour, Le Chewing-gum…). Le théâtre s’inspirant de l’actualité, chaque nouvelle affaire défrayant la chronique devient source d’inspiration. Au fur et à mesure, il reflétera également les changements dans l’enseignement prodigué aux sourds à travers les siècles. Avec la montée de l’oralisme et l’arrivée du Congrès de Milan en 1880, les portraits flatteurs des sourds laissent la place à des visions d'infirmes. Les auteurs et comédiens sourds, restés assez discrets jusque-là, continuent à exister de manière plus confidentielle. Le théâtre Sourd évolue dans les écoles, les comités, aux congrès internationaux des sourds-muets ou dans des associations sportives devenues de plus en plus nombreuses. Ladite pièce L’Abbé de l’Épée, après son retrait des théâtres publics, est reprise par les Instituts de sourds et dans les associations. La Langue des Signes étant rejetée, la pantomime et les spectacles de danse se généralisent. Le mime devient une façon de contourner le rejet et de s'exprimer librement en public. Des artistes émergent pour dynamiser le théâtre Sourd : Ginette Baccon (danseuse) et les frères Albert et André Braün (auteurs et comédiens). Ginette Baccon sur la droite au devant de la scène © Archives de l'Amicale des anciens élèves de l'INJS de Paris 48 Art’Pi! Les deux personnages interprétés couramment par les deux frères Braün sont ceux de l’officier et du soldat. Lorsque l’officier (André Braün) donne un "coup de pied au cul" au soldat (Albert Braün), ce dernier ramasse avec une pelle du crottin de cheval, et le jette par derrière sur l’officier. Celui-ci reçoit sur le visage et l’uniforme du crottin que les spectateurs croient vrai et frais. Le crottin, bien imité, était fabriqué par les frères Braün, avec du pain d’épices, des grains d’avoine et de la paille ! Pièce de pantomime comique d’Albert Braün À la Caserne à l’Institut Départemental des Sourds-Muets d’Asnières le 21 décembre 1929 © Archives Olivier Schetrit Pièce de théâtre sur l'abbé de l'Épée,1938 © Archives de l'Amicale des anciens élèves de l'INJS de Paris Répétition du spectacle 1x80 d'IVT © Archives de Jean Grémion Le théâtre Sourd au grand jour En 1976, après un siècle d’interdiction de la Langue des Signes, les sourds français, honteux de leur langue, se cachent pour l’utiliser. Jean Grémion, metteur en scène entendant, parti aux États-Unis à la recherche de nouveaux spectacles, rencontre l’artiste sourd américain Alfredo Corrado, alors assistant du marionnettiste Robert Anton (entendant). Leur spectacle sera programmé durant un an à la Tour du Village du Château de Vincennes. Alfredo Corrado, découvrant « le manque de confiance des sourds français en leur langue », décidera de créer, avec Jean Grémion, un centre de recherche pour l'expression théâtrale de la culture Sourde. Bill Moody, comédien américain entendant et interprète professionnel en Langue des Signes Américaine (ASL) et Ralph Robbins, également comédien américain entendant, les rejoignent. Avec une vingtaine de jeunes adultes sourds français déjà sensibilisés au théâtre grâce au travail de Ginette Baccon, ils s’installent dans les salles du Château de Vincennes. International Visual Theatre, IVT, est né. Cent soixante ans après le départ de Laurent Clerc (sourd français qui exporta l’éducation de l’abbé de l’Épée aux ÉtatsUnis pour y créer la première école de sourds), Alfredo Corrado ramène la flamme de la culture Sourde en France. Dès février 1977, Corrado fait un travail de recherche, à travers le théâtre, sur la réalité et l’originalité de la culture Sourde. Le premier spectacle d’IVT, en 1978, est joué complètement dans le silence et a pour titre [ ]. « Pour les comédiens sourds, ce titre signifie la communauté repliée sur elle-même en quête de sa propre identité, de sa culture, et des outils théâtraux pour l’exprimer. Ce spectacle, très visuel, est principalement destiné aux sourds. Le deuxième spectacle, en 1979, ] [, signifiera l’ouverture de la communauté vers les autres. Toujours un travail de recherche et toujours joué dans le silence complet, il sera plus ouvert au public entendant. » LE SAVIEZ-VOUS ? Bill Moody Alfredo Corrado Le Suédois Pär Aron Borg, après avoir vu le spectacle L’Abbé de l’Épée de Jean-Nicolas Bouilly, décide de s’occuper des sourds. En 1809, il réussit à convaincre le roi de Suède de créer une école pour Sourds. En 1993, la pièce de théâtre américaine à succès Les Enfants du Silence sera adaptée et jouée pour la deuxième fois en France. La comédienne Emmanuelle Laborit recevra le prix de la révélation théâtrale pour son rôle. Les Enfants du Silence de Mark Medoff, 1993 Une jeune femme sourde, Sarah, tombe amoureuse d'un professeur entendant, Jacques Leeds, et lui fait comprendre que son monde est loin de ce qu'il peut imaginer. Elle refuse de lire sur les lèvres des entendants pour préserver sa propre identité de Sourde. Les Enfants du Silence (Children of a Lesser God) est une pièce de théâtre américaine de Mark Medoff. Elle est adaptée en 1982 par Pierre Brouton, et jouée au Studio des Champs Élysées avec Chantal Liennel, Monica Companys (sourdes) et Jean Dalric (entendant). La pièce sera reprise en 1993 par Jean Dalric aidé de Levent Beskardès (sourd), et recevra deux Molières (meilleure adaptation, et révélation théâtrale pour la comédienne Emmanuelle Laborit). Affiche de la pièce Les enfants du silence, 1993 Art’Pi! 49 Laurent Clerc (1785-1869) Jean Massieu (1772-1846) Ferdinand Berthier (1803-1886) Abbé de l'Épée (1712-1789) XIXe siècle XVIIIe siècle Affaire Solar (1776-1792) L'Abbé de l'Épée (1799) Le Molière donné à une comédienne sourde va revigorer, encourager, dynamiser les sourds et l'art Sourd. Ignorant l'histoire de leur théâtre, les sourds français découvrent qu'ils peuvent faire du théâtre par euxmêmes. Par la même occasion, une fenêtre s’ouvre pour permettre aux entendants de s’intéresser à nouveau aux sourds et à la Langue des Signes. Le personnage sourd, dans les spectacles Entendants comme dans les spectacles Sourds, devient plus profond, prend plus d'épaisseur et n'est plus systématiquement un prétexte à quiproquo. Le Réveil Sourd engendre des créations de plus en plus riches et novatrices. Une création en inspirant d’autres, les spectacles se succèdent. Citons par exemple Hanna de Levent Beskardès (1993), Metroworld d’Antony Guyon (2010), Le Divan Violet de Mathias-Henri Glénard (2011) ou Héritages d’Emmanuelle Laborit et Estelle Savasta (2011)... Hanna de Levent Beskardès, 1994 L’histoire raconte comment Hanna, jeune fille sourde, tente de fuir la stérilisation que la politique nazie impose aux "malades congénitaux". Cette fuite mènera la jeune sourde vers des lieux et des personnages aspirant comme elle au droit de vivre... La pièce est récompensée et acclamée par les sourds en France et aux États-Unis : meilleur metteur en scène à la cérémonie Sourde Mains d'Or en 1999 et meilleure pièce de théâtre Mains d'Or 2004. Dernièrement, en juillet 2011, était présenté au Festival Clin d’Oeil un travail de recherche inédit ; un atelier de création s'appuyant sur la rencontre artistique entre trois théâtres européens travaillant en Langue des Signes : le Teater Manu en Norvège, le Tyst Teater en Suède et International Visual Theatre en France. Cette recherche autour de l’expression visuelle et des signes devra donner suite, si tout va bien, à une création théâtrale visuelle et internationale en 2013. C’est bien la preuve qu’aujourd’hui le théâtre Sourd français est sur la bonne voie pour trouver toute sa place dans le monde du spectacle. Il ne reste plus qu’à souhaiter voir enfin plus régulièrement des personnages sourds réellement interprétés par des sourds dans les productions Entendantes. Les comédiens d’Hanna © Archives Claire Garguier 50 Art’Pi! OLIVIER SCHETRIT & SOPHIE LAUMONDAIS Atelier européen de création autour de l'expression visuelle et des signes au Festival Clin d'oeil, 2011 © Archives IVT ][ d'IVT (1979) Henri Gaillard (1866-1939) e Les Enfants du silence (1982) [] d'IVT (1978) Hanna (1993) Metroworld (2010) XXe siècle Congrès de Milan (1880) La compagnie de danse folkorique (1967) Création d'IVT (1976) Ginette Baccon artiste et danseuse sourde, de l’Institut Baguer Son parcours Ginette Baccon, née Schmitz en 1919 à SaintOuen, fait ses études à l’Institut Gustave Baguer d'Asnières-sur-Seine. Dès l’âge de douze ans, elle rêve de devenir comédienne, et en fait sa motivation principale. Elle aime énormément danser, sur scène, lors de sorties… Dès ses dix-huit ans, lorsqu’elle quitte l’Institut, des amis sourds, dont les deux frères Braün, lui proposent de jouer au théâtre à l’occasion de fêtes, ce qu’elle accepte avec plaisir. Molière pour Emmanuelle Laborit (1993) Le Divan Violet, Héritages, Atelier de création européen (2011) C'est le début d’une succession ininterrompue de pièces de théâtre, puis de danse. Elle se sait belle, et en fait un atout pour enchaîner projets sur projets : spectacles pour des fondations, des comités (à l’époque, on nommait ainsi les associations) ou des Fédérations de sourds. Madame Bascoul, sourde, signera beaucoup de mises en scène dans lesquelles elle jouera avec Madame Pruvost, danseuse également sourde (Madame Pruvost est actuellement âgée de quatre-vingt douze ans et demi !). À maintes reprises, Ginette Baccon a également le plaisir de travailler avec Paul Durand, un artiste sourd qui réalise plusieurs décors pour ses pièces. Tous ensemble, ils participent à un répertoire très varié de pièces, allant du mime burlesque aux représentations visuelles (transcriptions visuelles, adaptations de textes, tel Madame Butterfly), en passant par les sketches, les pantomimes… Ginette Baccon reste influencée par les conséquences du Congrès de Milan qui ont dé dévalorisé la Langue des Signes : gênée par la "visibilité" de la Langue des Signes en ex extérieur qui lui semble "hors normes", elle pr préfère parler de transcription visuelle et de "t "théâtre mimique". Le mime est pour elle un retour aux "normes", et cela la rassure. Fe Fervente adepte du mime, qu’elle trouve très ric riche et esthétique, elle le défend de toutes se ses forces. Ve V Vers 1967, dans sa volonté de valoriser la ccommunauté o Sourde, et de prouver l’égallilité it de niveau par rapport aux entendants, Gi Ginette Baccon décide de diriger une compa pagnie de danse folklorique pour sourds : el elle a eu la fierté de pouvoir danser pour la pr première fois à la Salle des fêtes de l’Institut Na National des Jeunes Sourds de Paris. En 1970, la compagnie de danse folklorique de Ginette Baccon comprend une douzaine de danseurs sourds : Chantal Liennel, Joël Li Liennel, Victor Abbou, Jean-François Labes, Ge Germaine Woringer, Yannick Bienfait, Brigitte et José Vazquez, Michel Octon… Ginette Baccon dans Oh France, Mon Pays, 1944 © Archives Olivier Schetrit Certains d’entre eux se sont, par la suite, fait un nom en tant que comédiens sourds à IVT. La compagnie organise des tournées de plus en plus importantes dans toute la France et à travers l’Europe. Pendant ses cours, Ginette Baccon conçoit et dirige les chorégraphies pendant que Nelly, une danseuse entendante, danse avec les élèves sourds pour leur donner le rythme. La compagnie de danse folklorique existe pendant plus de dix ans. Ginette Baccon décède le 26 mars 2010 à l’âge de quatre-vingt onze ans. Ses œuvres • Madame Butterfly, joué et mis en scène par Ginette Baccon, avec Aline Bascoul, décors de Paul Durand. • Oh France, Mon Pays, solo dansant mimique de Ginette Baccon, 1944. • Spectacle dansant, 1935 : Ginette Baccon est déguisée en soldat. Le fond du décor est peint par Paul Durand. Art’Pi! 51 QUAND LES SOURDS FONT LEUR CINÉMA Quand sourds font cinéma les leur Comédien sourd ou comédien entendant ? Qui interprète les personnages de sourds dans les intrigues ? Quels sont les traits de caractère dominants de ces personnages ? L’évolution du rôle des sourds dans l’industrie cinématographique, et la manière dont ils sont représentés, sont intimement liées à l’histoire de la culture Sourde. Dans les films comme en société I l faudra attendre jusqu’en 1937 pour voir, pour la première fois dans l'histoire du cinéma français, un comédien sourd à l’écran. Dans le film Chéri Bibi de Léon Mathot, Maurice Humbert joue un rôle majeur pour l’intrigue. Celui d’un prisonnier sourd dont la Langue des Signes va permettre de déjouer la surveillance des matons et détourner l’interdiction de parole. Cependant, le plus souvent, les sourds sont représentés dans les films en ayant une identité de victime (personnage violé, orphelin) ou d'idiot du village (voire de sauvage ou d'assassin). C’est le personnage dont on se moque ou celui par lequel arrivent toutes les catastrophes. L’instruction au cœur des intrigues En 1962, aux États-Unis, Miracle en Alabama d’Arthur Penn raconte la vie d’Helen Keller, sourde et aveugle, qui obtint un diplôme universitaire. En 1970, en France, un film va présenter le travail d’éducateur sur un enfant ayant vécu seul dans la nature et que l’on croit sourd et muet. L’enfant sauvage de François Truffaut montre la douloureuse "oralisation" de Victor par le Docteur Itard, à l’Institut Saint-Jacques, en plein XIXème siècle. Ce qui apparaît comme un retard mental est présenté ici comme le produit de l'absence de contact avec les Hommes. HAUT Extrait du film L'enfant sauvage BAS Extrait du film Miracle en Alabama PAGE DE DROITE Extrait du film L'enfant du secret © France 2 / Laurent Denis 52 Art’Pi! Art’Pi! 53 Abbé de l'Épée (1712-1789) XVIIIe siècle XIXe siècle Les sourds jouent leur propre rôle Il faut attendre les années 80 pour que les rôles de sourds ne soient plus interprétés par les seuls entendants, toujours prêts à réaliser cette "performance", mais par des comédiens sourds qui se professionnalisent. Il est vrai qu’entre temps la Langue des Signes est réhabilitée en France. Le personnage du sourd n’est plus montré comme un malade. Un véritable travail d’expression est engagé par les sourds eux-mêmes. Comédiens et réalisateurs sourds abordent les questions de la blessure et des souffrances du passé, de leur relation avec les entendants, et de la place de la Langue des Signes dans la création. L’abbé de l’Épée, réalisé entre 1982 et 1989 par Michel Rouvière, est le premier film français réalisé et joué exclusivement par des sourds. Il raconte la vie et l’action de l’abbé de l’Épée au XVIIIème siècle. En 1995, Ridicule de Patrice Leconte obtient quatre Césars. Trois sourds, Laurent Valo, Claire Guarguier et Bruno Zanardi, qui ont débuté à IVT (International Visual Theater), ne jouent pas les rôles principaux dans ce film historique, mais sont des figures positives qui font, là encore, référence à l’action de l’abbé de l’Épée. Les films avec des comédiens sourds jouant des rôles de personnages sourds vont se multiplier. Ce qui ne va pas empêcher de les présenter de manière caricaturale comme dans Jean de Florette de Claude Berri, où, en 1985, une comédienne sourde, Chantal Liennel, incarne une domestique revêche. Extrait du film Ridicule, 1995 Il faut attendre les années 80 pour que les rôles de sourds ne soient plus interprétés par les seuls entendants Photo du tournage du film Jean de Florette © Archives de Chantal Liennel BAS À GAUCHE Extrait du film Jean de Florette, 1985 Photo du tournage du film L'abbé de l'Épée © Archives de Guy Bouchauveau 54 Art’Pi! Charles Chaplin (1889-1977) L'abbé de l'Épée (1982-1989) Lon Chaney (1883-1930) Granville Redmond (1871-1935) e XXe siècle Cinéma muet (jusqu'en 1927) Miracle en Alabama (1962) Chéri Bibi (1937) Naissance du cinéma (1895) Jean de Florette (1985) Ridicule (1995) L'enfant du secret (2006) L'enfant sauvage (1970) Photo de tournage du téléfilm L'enfant du secret, 2006 © France 2 / Laurent Denis Place aux jeunes Les enfants sourds échappent le plus souvent à cette fatalité de se voir "voler" la vedette. En 2006, dans L’enfant du secret, téléfilm réalisé par Serge Meynard s’inspirant de l’affaire Solar, le comédien sourd Joshua Julvez joue le rôle de Joseph, abandonné par une riche famille, qui cherche avec l’abbé de l’Épée à retrouver sa véritable identité. Plusieurs comédiens sourds jouent les rôles des élèves de l’abbé de l’Épée. Avant de tourner, les comédiens reçoivent un DVD contenant le résumé du film et les dialogues en Langue des Signes. Sur le plateau, plusieurs professionnels et interprètes sont présents. Michel Aumont, qui incarne le personnage de l'abbé de l'Épée, a pris une trentaine de cours auprès d'un professeur sourd de Langue des Signes, Bachir Saïfi. Ces dernières années, des dizaines de productions ont mis en scène des sourds, et si les rôles ont évolué et ont gagné en profondeur, encore trop peu de personnages sont incarnés par les sourds eux-mêmes. Aujourd’hui, la France compte pourtant plusieurs dizaines de comédiens sourds professionnels de tous âges. Mais très peu vivent de leur art, à la scène comme sur les écrans. VÉRONIQUE BERTHONNEAU (avec pour référence L’écran sourd de Guy Jouannet) LE SAVIEZ-VOUS ? Un documentaire sur l’œuvre de Ginette Baccon, réalisé par Olivier Schetrit, a été présenté au 8ème Festival du DHI - Deaf History International - organisé par l’Ontario Deaf Foundation, à Toronto, Canada, et a remporté le Premier Prix du Film Documentaire. Guy Jouannet Journaliste et éducateur spécialisé ayant travaillé à l'Institut National des Jeunes Sourds (INJS) de Paris, il est l’auteur du livre L'ÉCRAN SOURD. - Les représentations du sourd dans la création cinématographique et audiovisuelle. Il a écrit une version réactualisée de son ouvrage mais n'a pas trouvé d’éditeur. Art’Pi! 55 LE FILM L'ABBÉ DE L'ÉPÉE DE MICHEL ROUVIÈRE Le film L'abbé de l'Épée de Michel Rouvière Premier film français réalisé par une équipe entièrement composée de personnes sourdes, L'abbé de l'Épée est encore aujourd'hui méconnu du public sourd et entendant. M ichel Rouvière est un passionné de cinéma. Il a déjà réalisé quelques films courts, par pur plaisir amateur, quand il découvre dans Le Journal de Tintin (N°545, 2 avril 1959) une bande dessinée racontant l'histoire de l'abbé de l'Épée. Lui-même se rappelle son émotion lorsqu'à l'âge de douze ans il est entré à Saint Jacques et a découvert la statue du prêtre dans l'enceinte de l'école. " Tout peuple, culture, a ses modèles, ses symboles. L'abbé de l'Épée a été représenté de nombreuses fois dans des pièces de théâtre mais j'avais envie de l'immortaliser en faisant un film, pour l'inscrire au mieux dans l'Histoire ". 56 Art’Pi! Planche de L. & F. Funcken L'Abbé de l'Epée 1712-1789 extraite de Tintin, le journal des jeunes de 7 à 77 ans, N°545, 2 avril 1959. © Le Lombard Décision prise, Michel Rouvière rassemble son équipe, investit de l'argent et des moyens. Le tournage débute en 1986 et dure presque trois ans. Tous les samedis et dimanches, environ vingt-cinq personnes se retrouvent pour tourner... À l'Institut National des Jeunes Sourds de Paris, chez des amis, dans une maison prêtée, et même une église empruntée pour l'occasion ! Autogestion et débrouillardise sont les mots d'ordre de Michel. À cette époque, il n'y a pas de portable, ni de minitel. Le cinéphile crapahute de droite à gauche pour donner les rendez-vous, chercher les costumes à louer, les derniers matériels à récupérer... L'intrépide réalisateur fait appel à Guy Bouchauveau pour le rôle de l'abbé de l'Épée, tant ses traits ressemblent aux illustrations, aux portraits faits du prêtre. Bonhomie et tranquillité paraissent sur le visage rond de Guy, à l'image de l'abbé. Il est prévu de prolonger le tournage. Mais le décès brutal, suite à un accident, de André Denys, le caméraman, l'interrompt. Par la suite, le film est projeté plusieurs fois en France mais aussi aux États-Unis et en Allemagne. Bien que le film soit incomplet et parfois maladroit dans sa construction, il fait partie de l'Histoire Sourde. Il est le témoin de la vie d'un grand homme et de l'incroyable énergie et motivation d'une équipe de passionnés. Photos de tournage © Archives de Guy Bouchauveau L'anecdote du tournage Pendant la séquence de la mort de l'abbé de l'Épée, famille et amis sont rassemblés autour du lit. Guy Bouchauveau doit faire le mort. Tant et si bien qu'il s'endort durant toute la séquence. PAULINE STROESSER Le film retrace une partie de la vie de l'abbé de l'Épée, de sa rencontre avec les deux jumelles sourdes jusqu'à sa mort. Il montre, à travers des moments clés, son combat pour faire ouvrir et maintenir une école publique pour les enfants sourds. Le film a connu plusieurs versions, mais la dernière dure trente-cinq minutes. Art’Pi! 57 BD Illustration : Jean-Marie Hallegot / Couleurs : Daniel Le Coq 58 Art’Pi! Agenda Spectacle vivant Théâtre, contes, ateliers, lectures, festivals... 60 Audiovisuel Cinéma, vidéo, art visuel... Illustration pour le spectacle Froid dans le Dos, IVT 61 Art/Culture Architecture, Histoire, arts plastiques... et les banquets du tricentenaire 62 Édition Bandes dessinées, journaux, romans, rencontres... 64 Multimédia À découvrir sur la toile 65 Art’Pi! 59 Spectacle vivant THÉÂTRE ATELIER CONTES SPECTACLE Quatre lettres sur l'éducation des sourds Chansigne Heure du conte Une Saison Rimbaud Venez vous amuser autour de jeux rythmiques et de jeux de mains, et découvrez comment on peut adapter une chanson traditionnelle en Langue des Signes. Sur inscription. Les bibliothécaires des Pôles Sourds des bibliothèques de la ville de Paris viennent raconter à la Bibliothèque Publique d'Information (BPI) des contes en français et en Langue des Signes Française. Olivier Schetrit et Olivier Quinzin vous font découvrir en voix et en signes le roman jeunesse d'Emmanuel Arnaud, dans une mise en scène d'Annie Mako : un jeune adolescent voit sa vie bouleversée par la découverte des Illuminations de Rimbaud. Cette adaptation théâtrale d’extraits de l'œuvre de l'abbé de l'Épée est interprétée en LSF par le comédien Bachir Saïfi, accompagnée d'une lecture en français oral, et sera suivie d'un débat. 9 NOVEMBRE À 18H SALLE DES FÊTES, VERSAILLES (78) www.injs-paris.fr/documentsdu-site/fichiers-a-telecharger/ Tricentenaire-de-la-naissancede-l.pdf 20 OCTOBRE À 15H 1ER DÉCEMBRE À 15H 15 DÉCEMBRE À 15H BIBLIOTHÈQUE CHAPTAL, PARIS (75) http://bibliotheques.activites. paris.fr/liste/index/aid/34095/ aname/Comment%20chante-ton%20en%20langue%20des%20 signes%20?%20:%20ateliers 10 NOVEMBRE À 16H ET 17H 17 NOVEMBRE À 16H ET 17H 24 NOVEMBRE À 16H ET 17H 1ER DÉCEMBRE À 16H ET 17H BPI DU CENTRE POMPIDOU, PARIS (75) www.bpi.fr CONTES Heure du conte David avec ses mains, Anne Laurence et Fabio avec leurs voix racontent des histoires pour les tout-petits et pour les plus grands. Bilingue LSF/français oral. LECTURE Ma parole Ce spectacle de sensibilisation écrit par Jean-Yves Augros est né de la nécessité d’aborder les problèmes de communication rencontrés par les sourds. Il questionne les usages, les pratiques et les conduites entre des personnes aux modes d'échange différents. SPECTACLE 15 NOVEMBRE À 19H BIBLIOTHÈQUE CHAPTAL, PARIS (75) 21 NOVEMBRE À 19H BPI DU CENTRE POMPIDOU, PARIS (75) 10 OCTOBRE À 10H30 ET 11H 13 OCTOBRE À 11H ET 16H BIBLIOTHÈQUE CHAPTAL, PARIS (75) www.dailymotion.com/video/ xsvlnn_10-et-13-octobre-2012-paris-chaptal-75-heure-du-contebilingue_lifestyle LECTURE Compagnons de route Froid dans le dos Un compagnon mystérieux, un aubergiste truculent, un roi désespéré, sa fille aussi belle qu’envoutée… Karine Feuillebois incarne ces personnages en LSF, ses voix sont celles d’Alexandra Bilisko. Un mélange de talents et de cultures pour conter cette histoire peu connue d'Andersen. Une création de Bachir Saïfi et Antoine de la Morinerie pour sourds et entendants, à partir de motifs tirés de contes où ogres et barbes bleues viennent s’entremêler aux souvenirs des fantômes du GrandGuignol. Ce spectacle sera présenté à IVT (International Visual Theatre) du 3 au 23 décembre. 8 DÉCEMBRE À 16H BIBLIOTHÈQUE CHAPTAL, PARIS (75) www.spectacle-des-fous.com FESTIVAL EUROPÉEN THÉÂTRE ET HANDICAP La Llama Doble DANSE CONTEMPORAINE / ESPAGNE Exercices de style THÉÂTRE / FRANCE Pantomime Jomi PANTOMIME / ALLEMAGNE Les Chaises THÉÂTRE / FRANCE Marcel Loeffler Around Gus Quartet MUSIQUE / FRANCE Né… 2 fois MIME / FRANCE Snails & Ketchup SPECTACLE VISUEL / ÉCOSSE Le Cirque Ouïlle CIRQUE / CABARET / HUMOUR / THÉÂTRE / BELGIQUE Bien vu Miro ! THÉÂTRE / HUMOUR / FRANCE Personimages EXPOSITION Acte 21 THÉÂTRE / FORMATION ET ÉDUCATION ARTISTIQUE DU 28 SEPTEMBRE AU 20 OCTOBRE 2012 8 NOVEMBRE À 18H BPI DU CENTRE POMPIDOU, PARIS (75) www.bpi.fr THÉÂTRE MONTANSIER 13, rue des Réservoirs / Loc 01 39 20 16 16 www.orpheefestival.com EN PARTENARIAT AVEC : www.yanous.com CONFÉRENCE Alaska Orphée Ce spectacle, traduit en Langue des Signes, fait fondre les frontières entre jeu, chant, porté acrobatique, marionnette, art plastique pour exprimer la complexité du monde et mettre en doute ce qui est appelé la réalité. D'autres représentations traduites sont prévues ultérieurement. Pour cette dixième édition, le festival de théâtre propose des spectacles touchants et plein d'humour venus de France, d'Espagne, d'Allemagne, de Belgique et d'Écosse. Découvrez non seulement les dernières créations des compagnies qui ont fait la renommée du festival, mais aussi de nouveaux artistes aux accents originaux. International Visual Theatre 60 Art’Pi! Cher Monsieur Berthier Dépasser son handicap par l’expression artistique FESTIVAL JUSQU'AU 20 OCTOBRE VERSAILLES (78) www.orpheefestival.com THÉÂTRE Personimages THÉÂTRE 2 ET 9 OCTOBRE THÉÂTRE VARIA, BRUXELLES (BELGIQUE) www.varia.be/fr/ 28 NOVEMBRE À 17H BPI DU CENTRE POMPIDOU, PARIS (75) www.babdp.org/spip.php?article29 Emmanuelle Laborit (directrice), Stéphane Judé (directeur adjoint) et Jean-Yves Augros (responsable de l'action culturelle et du public sourd) proposent une conférence sur le thème : " Découverte et présentation d'IVT : un espace culturel d'échanges pour les sourds et les entendants ". 8 NOVEMBRE À 19H BPI DU CENTRE POMPIDOU, PARIS (75) www.bpi.fr Cette pièce de Didier Flory, d’après l’œuvre de Fabrice Bertin Ferdinand Berthier, ou le rêve d’une nation sourde, est jouée entièrement en Langue des Signes et interprétée en direct en voix-off. 20 OCTOBRE ASCSRR, ROUEN (76) 10 NOVEMBRE RÉGATES RÉMOISES, REIMS (51) 17 NOVEMBRE NANCY (54) 30 NOVEMBRE LIMOGES (87) 7 DÉCEMBRE THÉÂTRE DU TIROIR, LAVAL (53) Audiovisuel CINÉMA VIDÉO Les jeunes sourds dans la société Christine Sun Kim Sourde de naissance, cette artiste américaine explore ce qu'elle appelle la "physicalité du son". Elle réalise des expériences sur la matérialisation du son et de la vibration. Une soirée de projections et de débats pour découvrir les regards singuliers de trois cinéastes sur la place de la jeunesse sourde dans notre société. www.huffingtonpost. com/2012/09/10/christine-sunkim-deaf-pe_n_1870489.html 15 NOVEMBRE À 20H CINÉMA L'ENTREPÔT, PARIS (75) www.ffsb.be/documents/ Actualite/node4729_babdp.pdf CINÉMA DVD VIDÉO Les visiteurs Ce clip permet de ressentir l'atmosphère des visites en français et en LSF organisées dans le cadre de l'événement MONUMENTA (Daniel Buren) à la Nef du Grand Palais : des moments magiques et fraternels autour d'une œuvre spectaculaire. www.babdp.org/spip.php?article198 Festival international du film lesbien et féministe de Paris The HeART of Deaf Culture : Literary & Artistic Expressions of Deafhood Soixante-dix projections de films sous-titrés, des rencontres traduites, des expositions... réservées aux femmes ! Ce coffret multimédia explore l’art visuel Sourd, l’ASL et la littérature anglaise, le théâtre et le cinéma Sourds à travers plus de 300 œuvres. https://www.ntid.rit.edu/ntidweb/ products/?controller=product&path =23&product_id=33 DU 31 OCTOBRE AU 4 NOVEMBRE THÉÂTRE DE MÉNILMONTANT, PARIS (75) www.cineffable.fr/fr/edito.htm CINÉMA Festival Européen du Film Court Cette année, la programmation du festival comprend deux séances traduites en Langue des Signes Française. Préparez-vous à faire le plein d’humour, les courts attaquent la ville de Brest ! DU 13 AU 18 NOVEMBRE BREST (29) www.filmcourt.fr Art’Pi! 61 NANTERRE PARIS PARIS Faculté Musée des Arts Forains BPI Conférence internationale En collaboration avec le GERS et l’INS-HEA, la FNSF propose trois jours de conférences autour de la culture Sourde (Histoire et culture, éducation, médecine et éthique, politique). De nombreux intervenants prestigieux, français et étrangers, seront présents. Banquet Anniversaire La FNSF propose une soirée exceptionnelle dans le Théâtre du Merveilleux, avec ses décors d‘époque et ses jeux centenaires. Des invités exceptionnels seront présents : animations culturelles, humour Sourd et d’autres surprises… À pleines mains ! La Bibliothèque Publique d'Information du Centre Pompidou, avec la FNSF et de nombreuses associations, accueille un dispositif consacré à la culture Sourde et à la Langue des Signes : exposition, débats, échanges, bibliothèque, contes, projections… DU 21 AU 23 NOVEMBRE www.fnsf.org/300ans/2012les-temps-forts/ conference-internationale 24 NOVEMBRE À 18H www.fnsf.org/300ans/2012les-temps-forts/24-novembre2012-lanniversaire-spectacle-etbanquet DU 5 NOVEMBRE AU 3 DÉCEMBRE www.fnsf.org/300ans www.bpi.fr/fr/la_saison_culturelle/evenements/a_pleines_ mains.html PARIS Visite guidée Le guide sourd Alexis Dussaix vous fait découvrir l'église SainteGeneviève, construite à partir de 1764, modèle d'architecture néoclassique. Transformé à la Révolution en temple républicain, ce lieu devient, dès 1791, la nécropole des grands hommes de la nation. Chapelle de l'INJS Tricentenaire de la naissance de l'abbé de l'Épée Une exposition, La vie de l'abbé de l'Épée, et une frise chronologique sur l'Histoire des sourds en France (de la naissance de l'abbé de l'Épée à nos jours), en parallèle avec l'Histoire de France. GUADELOUPE Musée Schœlcher Accessibilité Ce musée, qui rend hommage à Victor Schœlcher et à son combat pour l’abolition de l’esclavage et la suppression des inégalités, propose tous les mois des visites en LSF. Prochaines dates : Victor Schœlcher et l’abolition de l’esclavage 29 OCTOBRE Comment fonctionne un musée ? 26 NOVEMBRE Renseignements [email protected] Plaque commémorative du Tricentenaire Samedi matin à l'INJS sous la galerie : dévoilement d'une plaque commémorative des 300 ans de la naissance de l'abbé de l'Épée par l'Amicale des Anciens Élèves. 24 NOVEMBRE www.injs-paris.fr/documentsdu-site/fichiers-a-telecharger/ Tricentenaire-de-la-naissancede-l.pdf 62 Art’Pi! Peplum En pénétrant dans les coulisses du peplum, l'exposition s'attache à en révéler les multiples sources d'inspiration et les différents composants. Décryptez un genre cinématographique qui garde depuis plus d'un siècle les faveurs du public. Parcours commenté de l'exposition en LSF. 10 NOVEMBRE À 15H 9 FÉVRIER À 15H www.musees-gallo-romains.com AVIGNON MDPH Des mains qui signent Cette exposition réalisée par Christian Rocher a pour objectif de faire découvrir la Langue des Signes Française. Au travers de l'art photographique, il s'agit de découvrir une histoire de vie en quinze clichés de mains en mouvement, parler ainsi de la différence, des perceptions, pour aller simplement à la rencontre de l'autre. LOUHANS Musée des Sourds REIMS Institut National des Jeunes Sourds Musée Gallo Romain JUSQU'AU 5 OCTOBRE JUSQU'AU 21 DÉCEMBRE www.injs-paris.fr/3eme-centenaire-de-labbe-de-lepee PARIS SAINT-ROMAIN-EN-GAL Cercle de l'abbé de l'Épée Art et Talents Sourds Organisée par l'association CinéSourds en collaboration avec l'Association des Sourds de Reims et de Champagne-Ardenne, cette exposition-vente met en avant des œuvres d'artistes sourds présents sur place (tableaux, sculptures, bijoux…). VERNISSAGE 9 NOVEMBRE À PARTIR DE 16H EXPOSITION 10 NOVEMBRE www.asrca.fr PARIS Cité des sciences Léonard de Vinci, projets, dessins, machine À travers des manipulations interactives, entrez dans le monde riche et spectaculaire de Léonard de Vinci, et découvrez les quarante maquettes de ses machines réalisées à partir de ses célèbres carnets. À PARTIR DU 23 OCTOBRE www.cite-sciences.fr/lsf/ala_cite/ expositions/leonard-de-vinci/presentation-expo-leonard-vinci-lsf.php Événement Le premier Musée des Sourds a ouvert ses portes au public le 12 septembre à Louhans (Saôneet-Loire). Installé dans l'ancien Hôtel-Dieu, il entre dans le cadre des célébrations du tricentenaire de la naissance de l'abbé de l'Épée, premier éducateur de jeunes sourds s'exprimant en signes. www.unapeda.asso.fr/article. php3?id_article=1823 © Le Journal de Saône et Loire - photo A.B. PARIS 24 NOVEMBRE À 15H http://fr.sgb-fss.ch/images/stories/pdf/Programme_Paris.pdf © Aristoi Panthéon © Bpi - photo C. Desauziers Art/Culture Art/Culture PARIS Panthéon Le Panthéon des Grands Hommes Découvrir le monument et comprendre pourquoi la communauté Sourde souhaite le transfert de la dépouille de l’abbé de l’Épée dans sa crypte. GRENOBLE Ville de Grenoble Sensibilisation à la culture Sourde Le Comité d'Organisation du tricentenaire de l'abbé de l'Épée organise de nombreuses manifestations : exposition, visite guidée du musée en LSF, conférence et soirée de gala avec spectacle, découverte et une initiation à la langue. JUSQU'À NOVEMBRE grenoble300ans.canalblog.com COUDEKERQUE-BRANCHE Foyer Raimu Journée des Scrapkits Venez découvrir le scrapbooking pendant toute une journée, dans l'ambiance d'une réunion d'amitiés, afin de réaliser un album de Noël. Les foyers de CoudekerqueBranche organisent de multiples activités tout au long de l'année. VISITES EN LSF 19 NOVEMBRE À 10H30 21 NOVEMBRE À 10H30 23 NOVEMBRE À 10H30 24 NOVEMBRE À 15H VISITES EN LSI OU ASL 20 NOVEMBRE À 10H30 22 NOVEMBRE À 10H30 Réservations obligatoires : public. [email protected] ROUEN ASCSRR Anniversaires En cette année 2012, l'Association Socio-Culturelle des Sourds de Rouen et de sa Région fête le 90ème anniversaire de la fondation du foyer des sourds, ainsi que le 300ème anniversaire de l'abbé de l'Épée : conférence, exposition, spectacle, banquet sont au programme. 20 ET 21 OCTOBRE Renseignements et réservations : [email protected] 4 NOVEMBRE À PARTIR DE 9H30 Renseignements et réservations (avant le 15 octobre) : [email protected] PARIS Église Saint-Roch ARRAS Sur les pas de l'abbé de l'Épée Visite de l'église où repose l'abbé de l'Épée, et promenade dans le quartier jusqu'à la rue des Moulins où il habitait. Musée des Beaux-Arts DU 19 AU 23 NOVEMBRE LSF À 16H, LSI ET ASL À 15H Réservations obligatoires : public. [email protected] http://handicap.monumentsnationaux.fr/fr/Visiteurs_malentendants_et_sourds/ Roulez Carrosses ! La première exposition française consacrée aux véhicules hippomobiles, berlines, carrosses, etc. présente sur mille mètres carrés une scénographie chronologique innovante de tableaux, sculptures, traîneaux... JUSQU'AU 10 NOVEMBRE 2013 www.versaillesarras.com/index.php/fr www.trefle.org Art’Pi! 63 Edition JOURNAL OUVRAGE Institut National de Jeunes Sourds L’Héritage de l’Abbé de l’Épée Un numéro spécial (36 pages) du Journal de Saint-Jacques sera consacré au tricentenaire de la naissance de l’abbé de l’Épée. Sa sortie est prévue en novembre. Il sera diffusé sur le site de l'INJS. Le CNFEDS (Centre National de Formation des Enseignants intervenants auprès des Déficients Sensoriels) publie son premier ouvrage à l’occasion du tricentenaire de la naissance de l’abbé de l’Épée. www.injs-paris.fr www.cnfeds.univ-savoie.fr RENCONTRE Jean le Sourd Venez rencontrer les auteurs de la bande dessinée Jean le Sourd, éditée à l'occasion du tricentenaire de la naissance de l'abbé de l'Épée. ATELIER Apprendre à dessiner les mangas 6 OCTOBRE À 16H BIBLIOTHÈQUE CHAPTAL, PARIS (75) http://bibliotheques.activites. paris.fr/liste/index/pmr/5/tri/ age_min,age_max/ordre/DESC Sinath, illustratrice, puise aux sources du manga et de la BD occidentale. Son site : http://sinath.ultra-book.com Atelier sur réservation. Présence d'interprètes LSF/français. DES SERVICES ADAPTÉS ET INNOVANTS Entreprise d’utilité sociale, Websourd développe l’accessibilité des personnes sourdes et malentendantes. Priorité à l’épanouissement de tous dans la société civile ! Elision Pour que personnes sourdes, malentendantes et entendantes puissent échanger librement en LSF, LPC ou par écrit. elision-services.com 13 ET 27 OCTOBRE À 15H BIBLIOTHÈQUE CHAPTAL, PARIS (75) 3DSigner Pour diffuser vos messages grâce à un personnage virtuel qui s’exprime dans une langue des signes parfaite ROMAN 3dsigner.fr Au péril de ma vie, restez prudent Philippe Autrive est avocat, engagé depuis vingt ans dans la lutte pour la reconnaissance des droits des sourds. Il sort un roman policier qui traite de cette communauté. Les cent ans d'Écho Magazine http://philippe-autrive.publibook. com Écho Magazine, le journal des sourds d'abord connu sous le nom d'Écho de famille, a fêté ses cent ans en 2009. WebSourd vous propose un reportage exclusif sur son histoire et sa rédaction, en trois épisodes : évolution du journal et de l'équipe, richesse des archives, étapes de production d'un numéro. DÉDICACE 64 Art’Pi! Pour diffuser vos offres d’emploi en langue des signes (offre gratuite pour les entreprises bilingues) jobsourd.fr ARCHIVES www.websourd.org/spip. php?article60107 Jobsourd Jean Le Sourd Dano, Yann Cantin et Céline Rames, les auteurs de la bande dessinée Jean le Sourd, seront en tournée de conférences et de séances de dédicace à partir du mois de septembre dans toute la France. Retrouvez toutes les dates sur : www.art-sign.org Plus d’infos sur notre action et nos solutions ? websourd-entreprise.fr [email protected] Multimédia LIVRE NUMÉRIQUE SITE Animaux en mouvement Dieter Fricke Un livre numérique pour enfants, à vivre avec le corps ! Suivez votre enfant dans la découverte des animaux du monde grâce à cet e-book innovant avec vidéos, mime, dessins, photos, texte et Langue des Signes. À partir de deux ans. www.dailymotion.com/video/ xt3a7w_teaser-animaux-en-mouvement_animals Peintre sourd allemand, réaliste dans ses débuts, il se tourne ensuite vers l'art abstrait. Il crée aussi bien de façon consciente que spontanée. Il travaille toutes les matières et supports, déchets plastiques propres, acier, laiton, photographie, peinture... Sa recherche s'oriente autour des signes et du mouvement. www.fricke-art.com SITE SITE Leon Lim International Archive of Deaf Artists Artiste sourd malaisien, Lim utilise une grande variété de médiums : peinture, installation, multimédia, lumière, photographie, impression, feu. À travers son œuvre, il partage son expérience de vie sans l'influence des sons ou de la musique. Son travail explore les thèmes de la ségrégation, des barrières de communication, de l'identité et de la culture. ! " Ce site met en lumière les artistes sourds, décrit leur travail, afin de le mettre à la disposition des étudiants, des autres artistes, et de toute personne intéressée par la culture Sourde. Différentes approches créatives, centrée sur la surdité, ou pas. http://idea2.main.ad.rit.edu/paddhd/publicDA/main/iada/index.htm www.leonlimstudio.com Art’Pi! 65 Remerciements Une page spécialement dédiée aux personnes et aux partenaires sans qui ce hors-série n’aurait pu se faire, vu l’énormité de la tâche ! Merci à notre marraine Emmanuelle Laborit pour son soutien et son encouragement. Et merci à (par ordre alphabétique) : Katia Abbou Victor Abbou Arnaud Balard Christelle Balard Jeanne Bally Raymond Barberot Niels Barraud Irène Bartok Sylvaine Beaughon Andréa Benvenuto Yves Bernard Véronique Berthonneau Yves Delaporte Clémence Devienne Monsieur Dutheil Madame Eisemman Didier Flory Corinne Gache Claire Garquier Célia Giglio Sébastien Giozzet Jean Gremion Christine Guerret Stéphane Mangaud Eliza Mac Donald Florence Médina Alice Messac Elza Montlahuc Bill Moody Aliza M'Sika Mercedes Perez Lopez Geneviève Pomet Céline Rames Emmanuelle Rico-Chastel Evelyne Rigot Magazine artistique Fabrice Bertin Vincent Bexiga Xavier Boileau Fabrice Bon Jessica Boroy Maryline Bouchut Jérôme Bourgeois Yann Cantin Igor Casas Hélène Champroux Noémie Churlet Sylvain Churlet Adrean Clark Pierre Cosar Isabelle David Martin Dayan David De Filippo HORS-SÉRIE Jean-Marie Hallegot Laïla Hassani Céline Hayat Bufarull Cécile Khamla François Kovacts Isabelle Lapalu Ronit Laquerriere-Leven Patrick Larwin Alain Laumondais Sophie Laumondais Tuan Le Anh Daniel Le Coq Elisabeth Le Quillec Ewen Le Quillec Sandrine Rincheval Sabine Sahla Alex Sambe Naomiki Satô Olivier Schetrit Pierre Schmitt Yaron Shavit Dominique Soucarre Pauline Stroesser Yasuka Takeda Brigitte Vasquès José Vasquès Ivan Verbizh Richard Zampolini Merci également aux donatrices et aux donateurs. Et merci à tous ceux qui nous envoyé des courriels et des messages d'encouragements, des compliments, du soutien, des conseils. 66 Art’Pi! Merci à nos partenaires : • Yehoudart • IVT (International Visual Theatre) • FNSF (Fédération Nationale des Sourds de France) • INJS (Institut National de Jeunes Sourds) • Mairie de Paris • Région Île de France • CMN (Centre des Monuments Nationaux) • Langue Turquoise • Mobil Média Sign • AFILS (Association Française des Interprètes et traducteurs en Langue des Signes) • Interprètes Sourds • Fondation Orange • Amicale des anciens élèves de l'INJS • ASRCC (Association des Sourds de Reims et de Champagne-Ardenne) • Passerelles & Compétences • BPI (Bibliothèque Publique d'Information du Centre Pompidou) Merci à tous d'avoir participé à la création de ce hors-série exceptionnel ! Le magazine artistique des Sourds et de la Langue des Signes t n e d n e r s Vos dotunre Sourde la cul visible € Aidez-nous à transmettre la culture Sourde Faites des dons www.art-pi.fr Art’Pi! 67 © www.VincentSablong.fr 68 Art’Pi!