Quand les Chrétiens, persécutés par l`EI, trouvent refuge en

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Quand les Chrétiens, persécutés par l`EI, trouvent refuge en
Quand les Chrétiens, persécutés par
l’EI, trouvent refuge en Israël
Une mère qui n’a plus de temps ou de
solutions pour sa fille malade espère que
ses prières seront entendues à Jérusalem
L’été 2014 était tendu pour les habitants de Qaraqosh dans le nord-ouest de
l’Irak. La communauté des Chrétiens chaldéens, communauté parlant l’araméen,
était nerveuse. A l’ouest, très près de chez eux, les djihadistes de l’Etat
islamique envahissaient progressivement le territoire. Les Chrétiens, comme
les autres minorités, connaissaient d’atroces souffrances quand ils tombaient
entre les mains des terroristes de l’EI.
Les rumeurs circulant dans toute la ville annonçaient l’arrivée imminente de
l’EI aux portes de Qaraqosh. Mais tant que cela restait des rumeurs, tout le
monde est resté. Quitter les maisons ancestrales et mener la vie dangereuse
de réfugiés à l’avenir incertain représentait trop de risques. La communauté
était en sécurité, au moins pour un certain temps.
Et ce calme relatif s’est transformé un jour d’août. « A midi ce jour-là, les
gens ont commencé à crier, ‘Sortez, Daesh [l’acronyme arabe de l’Etat
islamique] arrive ! » décrit Lina, une réfugiée de Qaraqosh, pour le Times of
Israel lors d’un entretien à Jérusalem. « La plupart d’entre eux ont
abandonné leur voiture et le reste et ont fui. Ils ont tout laissé – leurs
vêtements, leur or, tout. Même leur carte d’identité. »
Mais tout le monde n’a pas eu le temps de fuir.
Assise avec sa petite fille de 18 mois, Lina se remémore avec tristesse des
résidents qui, n’ayant pas entendu les cris d’alarme, n’ont pas réussi à fuir
à temps et sont restés entre les mains du règne brutal de l’Etat islamique.
Lina et sa fille Maryam sont les premières réfugiées chrétiennes d’Irak
fuyant l’EI à venir en Israël pour des raisons médicales. Elles étaient en
Israël grâce à Shevet Achim, une ONG qui amène les enfants ayant besoin d’une
chirurgie cardiovasculaire en Israël pour qu’ils soient opérés.
Un nouveau-né, prénommé Malak, le premier réfugié chrétien qui devait
recevoir un traitement en Israël, n’a pas eu autant de chance. Il est mort en
Irak alors que la famille attendait qu’on leur délivre des passeports, ce qui
est devenu extrêmement difficile depuis la chute de Mossoul, le lieu où se
trouvait le bureau des passeports le plus proche.
Maryam est née avec une malformation septale (un trou dans le cœur), une
maladie grave mettant en danger la vie du nourrisson. Sa famille s’était
organisée pour qu’elle soit soignée en Turquie durant l’été mais l’arrivée de
l’EI a bouleversé les plans de la famille qui a dû fuir son village.
Au
de
se
de
lieu de se rendre en Turquie comme prévu, Lina, accompagnée de son mari,
ses deux fils et de la petite Maryam a fui l’Etat islamique et est allée
réfugier à Erbil, la capitale de la région du Kurdistan, où des centaines
milliers de réfugiés, dont une majorité de Chrétiens, ont trouvé refuge.
Devenir subitement un réfugié est déjà assez difficile, mais fuir sa demeure
tout en prenant soin d’un bébé malade qui ne dort pas ou qui n’arrive pas à
respirer correctement rend les choses impossibles et pose de nombreux
dilemmes.
Et même si la famille n’avait plus accès à leur banque à Qaraqosh et que le
peu d’argent qu’elle possédait était le peu qu’ils ont pris au moment de
partir, la famille de Maryam a été obligée de prendre une chambre d’hôtel en
raison de sa maladie. Ils ont attendu une semaine en espérant voir la
situation évoluer pour pouvoir rentrer chez eux. Mais cela n’est jamais
arrivé.
Ils ont décidé d’emménager dans la ville montagneuse kurde-chrétienne de
Shaqlawa, à 50 km dans le nord de l’Irak. Les loyers étaient beaucoup moins
chers que dans le quartier chrétien d’Erbil. Alors que leurs ressources
s’amenuisaient, ils ont emménagé dans une maison avec cinq autres familles.
Ils n’avaient pas de travail et n’ont pu survivre que grâce à la générosité
de leurs voisins qui leur ont donné des vivres, des couvertures et des
vêtements.
Malgré la situation difficile dans laquelle ils étaient, Lina et son mari
devaient absolument trouver une solution pour Maryam. Mais il n’y en avait
aucune. La famille avait pensé un moment emmené Maryam faire des examens
médicaux à Bagdad, ce qui leur aurait permis de présenter à nouveau le cas de
leur bébé aux hôpitaux turcs mais le voyage était trop risqué et donc l’idée
a été abandonnée.
« J’étais inquiète, se souvient Lina. J’étais tellement triste. Je ne savais
pas quoi faire… Je n’arrivais pas à prendre une décision. »
« Je ne pouvais que prier et demander de l’aide à Dieu. »
Il semble que quelqu’un prêtait attention car un ami de son mari avait ajouté
le nom de Maryam à la liste des réfugiés ayant besoin de soins médicaux, et
la famille a reçu un appel juste avant Noël leur demandant de se rendre au
centre cardiologique à Suleimaniyah pour que la petite Maryam soit examinée
par des médecins américains.
« Les docteurs m’ont dit qu’il n’y avait aucune solution là-bas et que nous
devions aller en Israël, raconte Lina. Mais que cela serait après Noël ; nous
ne savions pas quand exactement. »
Mais Lina, qui avait déjà entendu des promesses similaires, était sceptique.
Les autres organisations arrivaient pour étudier et lister le cas de Maryam
et disparaissaient tout aussi rapidement sans donner aucune nouvelle.
Mais deux semaines auparavant, on lui a annoncé que Maryam pourrait être
soignée en Israël. Elle était heureuse dans un premier temps puis les doutes
ont commencé à l’envahir. « Nous avions peur. Juste parce que c’était Israël,
et que, nous, nous vivons en Irak. Nous n’avions rien entendu de mauvais sur
Israël, juste que c’était pas bien. »
Elle ne savait pas que les Juifs habitaient là-bas.
De plus, Lina trouvait difficile de laisser le reste de sa famille, dans une
maison pleine à craquer, alors qu’elle et Maryam iraient dans un pays
étranger pour son premier voyage hors d’Irak. « J’étais confuse et je
n’arrêtais pas de pleurer », confie-t-elle.
Ce n’est qu’à l’aéroport d’Erbil qu’elle a pris la décision de partir.
La présence de Jonathan Miles, le fondateur de Shevet Achim, l’a confortée
dans son choix. « La manière dont il me parlait me soulageait et me mettait à
l’aise. Il était aussi gentil », explique-t-elle.
Ils ont atterri à Amman et ont ensuite passé la frontière jordanienne vers
Israël, pour finalement arriver aux installations de Shevet Achim, situées
dans le centre de Jérusalem dimanche dernier.
Lina a amené Maryam pour un traitement au Centre médical Hadassah-Ein Kerem
le jour suivant, et elle a été agréablement surprise par son expérience.
« C’est totalement différent de nos hôpitaux. Tout d’abord, la façon dont les
médecins traitent les gens, et c’est propre et beau, c’est très
appréciable. »
La petite Chrétienne
irakienne de 18 mois,
Maryam au siège de Shevet
Achim à Jérusalem en
février 2015 (Crédit :
Lazar Berman/Times of
Israel)
Elle a également déclaré qu’elle avait entendu dire que Jérusalem était une
belle ville, et elle a trouvé qu’il y avait effectivement des choses à voir.
Lina a déclaré avec enthousiasme qu’elle espérait visiter l’Eglise du Saint
Sépulcre à Jérusalem. Elle a aussi déclaré qu’elle aimerait voir Bethlehem,
mais elle comprend que cela serait peut-être impossible à organiser.
Lina n’a pas l’intention de garder son histoire secrète, même quand elle va
retourner en Irak. « Je dirai à tout le monde qui a la même maladie de venir
ici. »
Malheureusement, le délai du traitement de Maryam causé par l’incursion de
l’Etat islamique a peut-être entraîné des conséquences dramatiques.
« A cause du délai nécessaire pour obtenir un traitement, le chef du
département de cardiologie pédiatrique à Hadassah Ein Kerem, Azaria Rein, est
préoccupé du fait que Maryam ait pu développer une hypertension pulmonaire et
ne soit plus opérable, explique Miles. On avait prévu la pose d’un cathéter
pour mesurer les pressions dans ses artères pulmonaires, mais cela a été
annulé à cause de la fièvre. »
Hadassah a modifié ses standards pour s’occuper de Maryam.
« Le docteur Yoram Weiss, directeur médical là-bas, a travaillé avec nous
pour réduire le coût autant que possible, presque au même niveau que nos
hôpitaux gouvernementaux partenaires, ce qui en dit long sur la contrainte
financière d’Hadassah », explique Miles.
Les infirmières et les employés de
l’hôpital universitaire d’Hassadah à
Jérusalem en train de manifester le 17
février 2014 pour contester le versement
partiel de leur salaire le mois de
janvier précédent (Crédit : Flash90)
Les deux hôpitaux privés Hadassah à Jérusalem ont environ 1,3 milliard de
shekels de dette (350 millions d’euros) et ont été confrontés à des grèves
paralysantes au début de l’année 2014 à cause de salaires impayés.
Ni Lina, ni la femme chaldéenne traduisant de l’anglais à l’araméen pour elle
(qui est aussi en Israël pour le traitement de sa fille) ne voient un futur
radieux pour les chrétiens d’Irak.
« La plupart des Chrétiens partent, explique Lina. Bientôt il pourrait ne
plus y avoir de Chrétiens. »
Des nouvelles récentes des zones où l’Etat islamique est actif font des
tristes prédictions de Lina une réalité possible.
Les terroristes de l’Etat islamique ont récemment enlevé des dizaines de
chrétiens dans le nord est de la Syrie, dont de nombreuses femmes et des
enfants, alors que des milliers d’autres ont fui vers des endroits plus sûrs.
Plus tôt ce mois, des Libyens affiliés à un groupe extrémiste de l’Etat
islamique ont réalisé une vidéo montrant la décapitation de 21 Chrétiens
égyptiens coptes.
La traductrice a senti qu’elle devait aussi intervenir pour souligner un
argument. « C’est notre pays, insiste-t-elle en référence aux Chrétiens en
Irak. L’autre peuple est venu dans notre pays. C’est trop difficile pour
nous. »
Miles a déclaré qu’elle s’attend à voir plus de Chrétiens irakiens recevoir
un traitement dans des hôpitaux israéliens. Elle a déjà reçu des demandes
d’autres familles.
Et d’autres minorités pourraient suivre.
« Israël est de plus en plus perçu comme le dernier refuge de raison dans la
région, particulièrement par les autres minorités assiégées », explique
Miles.
© Lazar Berman – TIMES OF ISRAEL

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