Groupe Investors et Mackenzie
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Groupe Investors et Mackenzie
Groupe Investors et Mackenzie Mariage de fonds, mariage de raison Gérard Bérubé GROUPE INVESTORS S’EST OFFERT UN IMMENSE CADEAU pour son 75e anniversaire. Avec l’acquisition de Corporation financière Mackenzie, l’institution consolide sa position au premier rang d’une industrie, celle des fonds d’investissement, ayant atteint une certaine maturité. Elle vient également décupler sa force de frappe, tant en matière de distribution que d’infrastructure administrative. Une puissance qui traduit bien ce bouleversement modifiant l’échiquier de cette industrie, mais qui est loin d’effrayer le conseiller indépendant. Car l’effet de la fusion se fera essentiellement sentir sur le personnel de soutien, administratif et clérical. «Des mises à pied, il y en aura. Il y en a déjà. Nous voulons conserver notre équipe de soutien et de back office au minimum. Mais, avec notre croissance, nous pensons que les possibilités de carrière à l’intérieur de notre groupe limiteront le nombre de mises à pied», a soutenu Greg Tretiak, vice-président exécutif, Finances, d’Investors. Des départs ont aussi été observés au sein du personnel cadre de Mackenzie, nombre d’entre eux préférant quitter les poches remplies par la levée de leurs options sur actions. Ou d’autres, ne s’entendant pas sur les nouvelles modalités de rémunération, préférant accepter une généreuse indemnité de départ. Mais l’incidence de ce regroupement sur les forces en matière de distribution sera négligeable, laisse-t-on miroiter. Dans l’ensemble, donc, la transaction est bien accueillie. «Le courtage indépendant est lui-même engagé dans un processus de consolidation, autour des BRM et Assante, a rappelé un ancien cadre de Mackenzie, sous le couvert de l’anonymat. Les regroupements dans l’univers des fonds OBJECTIF CONSEILLER 12 d’investissement répondent aussi à cette tendance lourde voulant que la quête de parts de marché s’inscrive en relève à une croissance désormais au ralenti, surtout dans cette industrie.» Guardian Capital achetée par la Banque de Montréal, Trimark, par AIM Funds Management, Mackenzie, par Investors... Des transactions intelligentes, «s’inscrivant dans un marché plus mature, plus concurrentiel que jamais», a mis en exergue Jean Morrissette, administrateur et membre de la direction de Fonds mutuels Cartier. Revenant à cette transaction de 4,2 milliards de dollars faisant passer Mackenzie dans le giron de la Financière Power, M. Morrissette y voit une continuité des choses. «Investors a toujours voulu distribuer dans son réseau des produits dont il est le manufacturier. Investors, avec son réseau captif, élargit son accès aux gammes de produits. L’inverse se vérifie pour Mackenzie, qui obtient ainsi l’accès à l’important réseau d’Investors.» «Avec ses quelque 85 milliards d’actif sous gestion, Investors devient un manufacturier à faibles coûts», a renchéri cet ex-cadre de Mackenzie. À ses yeux, cette transaction va très bien fonctionner. «Quand les Desmarais achètent, c’est pour du long terme. Il peut être sécurisant de faire ainsi affaire avec une grosse firme appuyée par Power.» Il ne croit pas au choc des cultures. «Ce sont deux entités distinctes, ayant chacune une culture passablement différente. Cela va demeurer, au même titre que l’acquisition de la London Life par la Great-West, en 1997, n’a toujours pas fait disparaître l’une ou l’autre des institutions.» Il insiste : «Mackenzie est très dédiée aux indé- OCTOBRE 2001 13 Les indépendants considèrent toujours Investors comme un concurrent. Jean Morrissette, administrateur et membre de la direction de Fonds mutuels Cartier se diluer dans le giron d’Investors. «La cohabitation entre les deux modes de distribution sera toujours un enjeu. Nous avons toutefois su démontrer, dans le passé, que nous étions capables de gérer cela. Ce fut le cas avec l’acquisition de la London Life par Great-West. Ce fut également le cas avec notre gamme Maxxum.» M. Tretiak ne partage pas ce constat de succès mitigé associé à l’expérience Maxxum, une famille intégrée depuis à Mackenzie. «Au contraire, en trois ans, nous avons fait passer l’actif sous gestion de Maxxum de 1,1 milliard à 3 milliards de dollars.» «Il peut survenir des tempêtes ou des zones de turbulence de temps à autre. Mais le maintien de deux forces de vente, distinctes et en harmonie, est parfaitement gérable», a insisté M. Tretiak. Il a rappelé que Mackenzie a longtemps été associée à Midland Walwyn, sans que cela ne crée de frictions avec les conseillers indépendants. OBJECTIF CONSEILLER 14 PHOTO : SONIA JAM pendants, une culture qui n’est pas bien comprise par Investors. Ils vont conserver les deux entités distinctes. Investors a versé entre deux et trois milliards de dollars de plus que la valeur comptable. Cet écart, c’est l’achalandage de Mackenzie. Et cet achalandage, c’est le nom, la réputation de Mackenzie et cette culture dédiée aux conseillers indépendants. C’est cette relation de confiance entre Mackenzie et les indépendants.» Les gains de synergie ne pourront être mesurés véritablement qu’après l’an deux de la fusion, a ajouté Greg Tretiak. Investors pourra alors réellement proclamer, preuve à l’appui, qu’il est le plus grand manufacturier de fonds d’investissement, aux moindres coûts, exploitant deux réseaux parallèles. Un haut placé chez Mackenzie, ayant également requis l’anonymat, confirme cette double approche que semble retenir Investors. «Ma vie n’a pas changé. Nous faisons le même travail, nous avons la même représentation qu’avant. La culture et l’approche de Mackenzie auprès des courtiers indépendants sont encore là, non altérées. Le service est le même. Les produits aussi. Investors veut réussir et être le premier dans les deux modes de distribution.» «Il n’y a pas de mariage de cultures. Les deux cultures sont séparées et vont le demeurer. Notre passage au sein d’Investors va, certes, entraîner des ajustements de nature administrative. Ne serait-ce que sur la façon dont nous sommes rémunérés. Mais cela, ça se discute», a-t-il ajouté. Un haut dirigeant d’Investors, désirant également s’exprimer incognito, abonde dans le même sens. Il a rappelé qu’Investors avait tenté, sans trop de succès, de desservir les conseillers indépendants en proposant sa famille de fonds Maxxum, obtenue de la London Life en 1998. Mackenzie vient combler le vide en greffant à Investors un nouveau mode de distribution, tout en offrant une belle complémentarité du point de vue des produits. Investors avait déjà conclu des alliances de distribution avec Fidelity, AGF et Templeton, un portefeuille désormais élargi avec les produits de Mackenzie, a-t-il fait valoir. «Les économies d’échelle, les gains de synergie, vont venir des plans administratif, informatique et gestion des placements. Quant aux réseaux de distribution, ils seront exploités en parallèle.» L’intégration impliquera une standardisation des plateformes informatiques, et l’accès des représentants d’Investors aux logiciels d’un fabricant de fonds, poursuit-il. Le vice-président exécutif, Finances, du Groupe Investors, Greg Tretiak, tient également à répondre à ces craintes voulant que Mackenzie puisse, ultimement, se confondre, «Et ces conseillers sont des professionnels qui travaillent pour le bien-être de leurs clients, non uniquement en fonction de leurs propres émotions ou de leurs intérêts d’affaires.» «Nous exploitons deux grandes marques, côte à côte. Ça restera ainsi», a-t-il martelé. Depuis sa fondation en 1894, orchestrée par l’avocat de Minneapolis John Tappan, le Groupe Investors a étendu ses ramifications à l’ensemble du secteur financier. Passée aux mains de Power Corp. en 1969, année où Investors faisait l’acquisition de la GreatWest, l’institution a sans cesse étendu son offre de services. Partant des certificats de dépôt, en 1941, aux fonds d’investissement et aux prêts hypothécaires, elle a complété un partenariat avec la CIBC, en 2000, lui permettant d’offrir toute la gamme de produits bancaires et de services de courtage en valeurs mobilières. Tout cela venant appuyer le travail d’un réseau de 3 400 conseillers et planificateurs financiers répartis entre 102 bureaux au Canada. Et tout cela pourrait venir possiblement accompagner l’offre de services de Mackenzie. «Notre entente avec la CIBC inclut la Great-West et London Life. On peut très bien imaginer qu’elle s’étende aussi à Mackenzie», a précisé Greg Tretiak. Avec l’achat de Mackenzie, l’actif sous gestion d’Investors dans l’industrie des fonds d’investissement passe à 85 milliards, devançant de loin la Banque Royale et ses 34 milliards d’actif dans ce secteur d’activité. Et son portefeuille double, passant à 240 fonds d’investissement. Un mastodonte qui a de quoi effrayer le conseiller indépendant? «Les indépendants considèrent toujours Investors comme un concurrent. On peut donc dire que ces derniers vont suivre la situation de près, que le jury est encore en train de délibérer. Mais qu’ils sont également disposés à donner à Investors le bénéfice du doute. Après tout, cette fusion ne changera rien à leur capacité de distribution», a expliqué Jean Morrissette. «On peut toutefois comprendre que cette fusion puisse susciter certaines inquiétudes, notamment auprès des anciens d’Investors. Ils ont été traités plutôt rudement lorsqu’ils ont quitté. Ils peuvent, aujourd’hui, éprouver plus d’appréhension à maintenir leur relation d’affaires avec Mackenzie.» Pour un ex-cadre de Mackenzie, les craintes des indépendants pourraient aussi provenir de ce risque de voir Investors se saisir de la banque de données des conseillers et des courtiers de Mackenzie. «Cette peur est non fondée. Une telle récupération serait à la fois immorale et illégale. Et Investors n’aurait aucun intérêt à procéder ainsi», a-t-il insisté. Pour Richard Giroux, planificateur financier et conseiller Les gains de synergie ne pourront être mesurés véritablement qu’après l’an deux de la fusion. Greg Tretiak, vice-président exécutif, Finances, du Groupe Investors en placement chez Valeurs mobilières Courvie, «il n’y aura aucune différence. La transaction va respecter l’indépendance de Mackenzie. Je trouve cela bien que les familles de fonds soient ainsi regroupées. Il y a tellement de familles, et tellement de fonds dans les familles.» M. Giroux insiste : «Pour ceux qui placent de la business chez Mackenzie, cela ne changera rien. Et Mackenzie, c’est un incontournable. Avec Investors, l’offre de services s’en trouvera plus alléchante.» Il soutient en outre que «les investisseurs sont de plus en plus réticents à commettre leurs fonds auprès de plus petites firmes. Nous avons, d’ailleurs, connu certaines expériences difficiles avec les petites firmes, là où la question de la solvabilité peut se poser davantage.» Ce conseiller croit finalement que les fusions et les regroupements dans l’industrie des fonds d’investissement vont se poursuivre, pour le plus grand bien des indépendants. OCTOBRE 2001 17