Cher Monsieur le Curé, cher Père François

Transcription

Cher Monsieur le Curé, cher Père François
SAINTE TRINITÉ – C
La Trinité-Porhoët
Le dimanche 22 mai 2016
Lectures :
Pr, 8, 22-31
Rm 5, 1-5
Jn 16, 12-15
Cher Monsieur le Curé, cher Père François-Xavier,
Chers Frères et Sœurs,
Je le disais hier soir, le mystère de la Trinité, pour compliqué qu’il soit, est un mystère central et
essentiel de notre foi.
Cependant, je voudrais souligner ce matin que, pour beaucoup d’entre nous, il existe un lien
très étroit entre notre petite enfance, sous la houlette bienveillante de notre papa et de notre maman,
notre vie familiale et ce mystère trinitaire, et aujourd’hui pour nous tous, il existe encore un lien très
étroit, pour vous Frères et Sœurs, entre votre vie de famille et ce mystère trinitaire, et pour nous,
prêtres et même pour moi, moine, entre notre vie à la suite du Christ et ce mystère trinitaire. Mystère
qui, reconnaissons-le, demeure si incompréhensible et si impénétrable pour qui en cherche une
explication rationnelle.
Aussi compliqué soit-il, ce mystère nous est pourtant presque naturel, je dirais même presque
connaturel, si nous avons eu le bonheur, dans notre petite enfance, de tracer sur nous-mêmes, avant
même d’être capables de raisonner, assis sur les genoux de notre papa, ou de notre maman, nos mains
guidées par les leurs, nos premiers signes de croix. Nous étions en quelque sorte drapés, comme à notre
insu, dans les noms entrelacés du Père, du Fils et du Saint-Esprit, en même temps que de la tendresse
de Dieu et de celle de nos parents.
Mais reconnaissons-le, ce mystère trinitaire nous dépasse absolument et fait partie de ces
choses que Jésus a encore à nous dire, mais que, pour l’instant, nous n’avons pas la force de porter. C’est
pourquoi, avec les apôtres, au jour de l’Ascension, nous avons accepté dans la joie le départ de Jésus,
pour que, selon sa promesse, nous soit donné l’Esprit qui nous fasse découvrir le sens profond et la
portée véritable de ses paroles et de son enseignement. C’est ainsi, qu’au cours des premiers siècles,
éclairée et guidée par ce même Esprit, l’Église, en reprenant l’enseignement du Christ, est parvenue à
exprimer, de manière très juste et très sûre, sa foi en un Dieu Un et Trine.
La complexité de ce mystère, qu’aucun homme n’aurait pu de lui-même inventer ou imaginer,
ne nous empêche pas de remarquer qu’il est cependant porteur de sens et d’implications très concrètes
pour notre vie chrétienne, notre vie familiale, votre vie paroissiale et ma vie monastique. En
contemplant ce mystère, nous comprenons de manière intuitive que, si Dieu existe, il ne pouvait pas
être autrement et simultanément qu’Un et Trine. En effet, sans vouloir ni pouvoir percer ce mystère
insondable, nous comprenons tout de même que l’amour ne peut exister que s’il est partagé, en
d’autres termes que pour exister il suppose l’altérité, la présence de deux ou de plusieurs personnes.
Ainsi, appliqué au mystère de Dieu, nous saisissons que si Dieu est réellement amour, comme aime à
nous le répéter saint Jean, il est absolument nécessaire qu’il y ait en lui quelqu’un qui aime, quelqu’un
qui est aimé et l’amour qui les unit ; ceci revient à exprimer, de manière simple mais juste et vraie, la
doctrine du Dieu Trinité que nous célébrons aujourd’hui, Dieu Un et Trine, un seul Dieu en trois
personnes, comme le définit notre théologie.
Notre foi est bien monothéiste ; nous croyons bien en un Dieu qui est unique, mais qui, en même
temps, n’est pas solitaire. Qui pourrait aimer Dieu s’il était absolument seul ? Lui-même peut-être ?
Mais alors, ce ne serait plus de l’amour authentique, de l’amour-don, mais de l’égoïsme ou du
narcissisme.
Par ailleurs, si Dieu était un être solitaire, l’homme, créé à son image, devrait se comprendre lui
aussi comme un être solitaire, un être sans fratrie, plongé dans un monde menaçant ou toute personne
serait, par nature, étrangère et hostile, ou toute relation serait nécessairement une relation
d’opposition et de concurrence. Mais si au contraire, nous sommes créés à l’image d’un Dieu qui est
relation, qui est communion de personnes dans l’amour, alors le prochain devient mon frère, mon
partenaire aimé, mon complément précieux et solidaire. Toute relation fraternelle est appelée à devenir
pour chacun source de bonheur et de paix. À charge pour chacun de nous d’entrer résolument dans le
plan de Dieu et de faire l’effort de vivre cette altérité, cette relation qui n’est jamais gagnée d’avance et
qui est à construire jour après jour. Cela nous demande de faire l’effort d’accepter comme une richesse
la diversité, la différence, d’accepter l’autre – mon frère, ma sœur, mon conjoint, mon prochain – tel
qu’il est et, ce qui n’est pas le plus facile, de nous accepter également nous-mêmes tels que nous
sommes.
Nous comprenons mieux ainsi que ce mystère de la Trinité nous est extrêmement proche, qu’il
rejoint le cœur de notre vie relationnelle, fraternelle et qu’il ne nous est pas bon de ne pas vouloir y
réfléchir et de l’abandonner à la seule réflexion des grands théologiens. Créés à l’image du Dieu Un et
Trine, nous en portons l’empreinte et sommes appelés à réaliser nous-mêmes cette même synthèse
sublime d’unité et de diversité dans nos relations fraternelles, dans nos relations familiales, dans nos
relations paroissiales et communautaires.
En ce jour où nous célébrons le mystère de la Sainte-Trinité, que notre Dieu trinitaire veuille
bien nous bénir, nous et nos familles, votre paroisse, la Bretagne et la France, au nom du Père et du Fils
et du Saint-Esprit. Amen.