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ANICOM-52;
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Pratique médicale et chirurgicale de l’animal de compagnie (2010) xxx, xxx—xxx
CAS CLINIQUE
Hypercorticisme d’origine hypophysaire secondaire
à une surrénalectomie chez un chien夽
Pituitary hypercorticism secondary to adrenalectomy in a dog
C. Juillet a,∗, P. De Fornel-Thibaud b, C. De La Roche c,
J.-C. Troger d
a
22, avenue Jean-Jaurès, 64500 Ciboure, France
Centre de cancérologie vétérinaire, 7, avenue du Général-de-Gaulle,
94700 Maisons-Alfort, France
c
4, place Convention, 89270 Vermenton, France
d
41, avenue Lulli, 92330 Sceaux, France
b
Reçu le 17 septembre 2009 ; accepté le 16 juin 2010
MOTS CLÉS
Hypercorticisme ;
Surrénalectomie ;
Tumeur
hypophysaire ;
Tumeur
surrénalienne ;
Chien
KEYWORDS
Hyperadrenocorticism;
Adrenalectomy;
Pituitary tumor;
Adrenal tumor;
Dog
Résumé Un hypercorticisme lié à une tumeur surrénalienne sécrétante (syndrome de Cushing)
est diagnostiqué chez une chienne Braque allemand de huit ans. Suite à la surrénalectomie,
une rémission transitoire des symptômes d’hypercorticisme est observée durant les premiers
mois postopératoires mais une récidive est observée. Un hypercorticisme d’origine hypophysaire
(maladie de Cushing) est alors identifié. La survenue de deux syndromes de Cushing d’origines
différentes chez un même animal est rare. La discussion présentée reprend la démarche
diagnostique mise en œuvre afin d’exclure une erreur sur le diagnostic éthiopathogénique des
deux syndromes d’hypercorticisme ou leur possible dépendance. Les deux syndromes de Cushing
décrits dans le cas présenté sont probablement indépendants.
© 2010 AFVAC. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Summary An adrenocortical dependent hyperadrenocorticism in relation with an adrenocortical tumor is identified in an 8-year-old German Shorthaired Pointer. The hyperadrenocorticism’s
symptoms momentarily disappeared after adrenalectomy but a relapse occurred few months
later. A pituitary-dependant hyperadrenocorticism (Cushing disease) is diagnosed. The development of two hyperadrenocorticisms with two different origins in a same dog is rare. The
discussion deal with the possible mistakes in the ethiopathogenic findings and the possible
relation between the two hyperadrenocorticisms. In this case, the two hyperadrenocorticisms
seem to be unrelated.
© 2010 AFVAC. Published by Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
夽 Crédits de formation continue. La lecture de cet article ouvre droit à 0,05 CFC. La déclaration de lecture, individuelle et volontaire,
est à effectuer auprès du CNVFCC (cf. Sommaire).
∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (C. Juillet).
0758-1882/$ — see front matter © 2010 AFVAC. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.anicom.2010.06.001
Pour citer cet article : Juillet C, et al. Hypercorticisme d’origine hypophysaire secondaire à une surrénalectomie chez un
chien. Pratique médicale et chirurgicale de l’animal de compagnie (2010), doi:10.1016/j.anicom.2010.06.001
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C. Juillet et al.
Présentation
Une chienne Braque allemand non stérilisée âgée de huit ans
est présentée lors d’une récidive de pyodermite.
L’examen clinique révèle une discrète ptose abdominale
et un érythème diffus (le calque cutané montre une prolifération bactérienne). Un syndrome polyuro-polydipsie (PUPD)
et une polyphagie sont rapportés par le propriétaire.
L’examen biochimique sanguin réalisé (urée, créatinine,
phosphatases alcalines [PAL], alanine aminotrasnférase
[ALAT]) est conforme aux valeurs de références. La cortisolémie une heure après stimulation à l’adrenocorticotrop
hormon (ACTH) (synacthène ND) est anormalement augmentée (cortisolémies à To et To + une heure : 251—609 nmol/L ;
valeurs usuelles du laboratoire : 150—400 nmol/L). Confrontés au tableau clinique, ces résultats sont compatibles avec
un syndrome de Cushing.
Le test de freinage de la cortisolémie à la dexaméthasone à dose forte (0,1 mg/kg) ne permet pas de conclure
sur l’origine du syndrome de Cushing (absence de freinage à quatre heures et huit heures) : cortisolémies à To,
To + quatre heures et To + huit heures : 124—99—116 nmol/L.
L’examen tomodensitométrique de l’encéphale et de
l’abdomen crânial ne montre aucune anomalie encéphalique
visible, mais une glande surrénale gauche de forme ovoïde,
de taille augmentée (20 × 20 × 26 mm3 ) et présentant des
lésions nécrotiques et calcifiées (Fig. 1). Les contours de la
glande sont bien délimités et sans contact avec les vaisseaux
rénaux ou la veine cave caudale.
La glande surrénale droite est atrophiée (diamètre maximal 4 mm) (Fig. 2). Ces images sont compatibles avec une
tumeur surrénalienne gauche responsable du syndrome de
Cushing.
Figure 2. Examen tomodensitométrique initial. Coupe transversale de l’abdomen, obtenue par acquisition hélicoïdale après
injection de produit de contraste iodé : visualisation de la surrénale droite atrophiée. 1 : surrénale droite ; 2 : aorte ; 3 : veine cave
caudale ; 4 : rein droit.
Le bilan d’extension abdominal et pulmonaire ne montre
pas de métastase tomodensitométriquement décelable.
Le dosage de l’ACTH plasmatique effondré (< 5 pg/mL ;
valeurs usuelles : 8—58 pg/mL) conforte le diagnostic de syndrome de Cushing d’origine surrénalienne.
En raison du bilan d’extension favorable, le traitement
de choix est chirurgical.
Traitement
Une surrénalectomie gauche est réalisée par abord ventral
médian et n’est suivie d’aucune complication.
L’examen histologique conclut à un adénome corticosurrénalien sans signe de malignité.
Évolution et suivi
Figure 1. Examen tomodensitométrique initial. Coupe transversale de l’abdomen, obtenue par acquisition hélicoïdale après
injection de produit de contraste iodé : visualisation de la masse
surrénalienne gauche. 1 : surrénale gauche ; 2 : aorte ; 3 : veine cave
caudale ; 4 : rein gauche.
Quatre jours après la surrénalectomie, l’ionogramme est
normal et la cortisolémie une heure après stimulation à
l’ACTH est mesurée à 70 nmol/L. Trois semaines après, les
résultats du test de stimulation de la cortisolémie à l’ACTH
sont les suivants : 118—115 nmol/L. La polyuro-polydipsie,
la polyphagie et les signes cutanés régressent en quelques
semaines.
Les résultats des contrôles (examen clinique, ECG
et ionogramme) réalisés dans les premiers mois suivant
l’intervention sont normaux.
Huit mois après la surrénalectomie, le chien est présenté
de nouveau pour pyodermite et alopécie diffuse, une PUPD
et une polyphagie modérés étant rapportés à nouveau. De
nouveaux dosages hormonaux sont réalisés sur la base de ces
symptômes et des antécédents de l’animal.
Pour citer cet article : Juillet C, et al. Hypercorticisme d’origine hypophysaire secondaire à une surrénalectomie chez un
chien. Pratique médicale et chirurgicale de l’animal de compagnie (2010), doi:10.1016/j.anicom.2010.06.001
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Hypercorticisme d’origine hypophysaire chez un chien secondaire
Figure 3. Second examen tomodensitométrique. Coupe transversale de l’encéphale, perpendiculaire au plan du palais osseux,
obtenue après injection de produit de contraste iodé : fixation hypophysaire de produit de contraste délimitant une petite masse de
4 mm de diamètre transversal.
3
Figure 4. Second examen tomodensitométrique. Coupe transversale de l’abdomen, obtenue par acquisition hélicoïdale après
injection de produit de contraste iodé : visualisation de la surrénale droite. 1 : surrénale droite ; 2 : aorte 3 : veine cave caudale ;
4 : rein droit.
Discussion
La thyroxinémie et la concentration sérique de TSH
sont normales (thyroxinémie libre : 15 pmol/L ; TSH :
0,14 ng/mL), mais une réponse excessive de la cortisolémie après stimulation à l’ACTH est obtenue (cortisolémies à
To et To + une heure : 77—456 nmol/L — valeurs usuelles du
laboratoire : 150—400 nmol/L).
Un test de freinage de la cortisolémie à la dexaméthasone à dose faible (0,01 mg/kg) montre un freinage
relatif quatre heures après l’injection, mais aucun freinage
n’est constaté huit heures après l’injection : cortisolémies à To, To + quatre heures et To + huit heures :
77—25—80 nmol/L.
Ce résultat confirme le diagnostic de syndrome de
Cushing et est compatible avec une origine hypophysaire.
Un nouvel examen tomodensitométrique révèle une
masse hypophysaire de 4 mm fixant le produit de contraste
(Fig. 3). La glande surrénale droite a un aspect normal.
Sa taille a augmenté par rapport à l’examen tomodensitométrique initial ; elle est mesurée à 6 mm de diamètre
(pour un diamètre de l’aorte sur la même coupe de 8 mm)
(Fig. 4).
Le dosage de l’ACTH plasmatique est alors de 117 pg/mL
(valeurs usuelles : 8—58 pg/mL). L’ensemble de ces résultats
confortent l’origine hypophysaire du syndrome de Cushing
nouvellement diagnostiqué.
Un traitement au trilostane (vétoryl ND) à la dose de
60 mg/j associé à un traitement dermatologique approprié (céfalexine trois semaines et topiques antiseptiques)
ont permis la rémission des symptômes. Deux ans après le
diagnostic du premier syndrome de Cushing, la chienne se
porte bien et les résultats des contrôles réguliers par stimulation à l’ACTH sont normaux sous trilostane.
Le syndrome de Cushing se définit comme un ensemble de
symptômes secondaires à une hypercortisolémie chronique ;
il est rencontré principalement chez le chien âgé [1].
Il peut être d’origine hypophysaire, lié à la présence
d’une tumeur hypophysaire produisant de façon dérégulée
de l’ACTH (maladie de Cushing), ou directement lié à un
excès de production de cortisol par une tumeur surrénalienne [1].
L’originalité du cas présenté tient au développement successif de deux syndromes de Cushing d’origine différente
chez un même animal.
Le développement de deux syndromes indépendants est
rare, aussi plusieurs questions sont soulevées par ce cas :
y a-t-il eu réellement deux syndromes de Cushing ou un
unique syndrome d’origine hypophysaire diagnostiqué primitivement à tort comme surrénalien ? Le développement
d’une tumeur hypophysaire peut-il être la conséquence
du premier syndrome de Cushing ? Le second syndrome de
Cushing peut-il être la conséquence d’une métastase de la
tumeur surrénalienne primitive ?
Physiopathogénie
Le syndrome de Cushing est défini par les changements
physiques et biochimiques liés à un excès chronique de glucocorticoïdes (cortisol) dans le sang [1,2].
Les glandes surrénales, qui produisent le cortisol, sont
régulées par l’axe hypothalamo-hypophysaire (HHS). Cette
régulation fait intervenir plusieurs hormones dont la corticotropin releasing hormon (CRH) sécrétée par l’hypothalamus,
l’ACTH secrétée par l’hypophyse et le cortisol lui-même qui
Pour citer cet article : Juillet C, et al. Hypercorticisme d’origine hypophysaire secondaire à une surrénalectomie chez un
chien. Pratique médicale et chirurgicale de l’animal de compagnie (2010), doi:10.1016/j.anicom.2010.06.001
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C. Juillet et al.
Figure 5.
Axe hypothalamo-hypophysaire surrénalien.
exerce un rétrocontrôle négatif sur son axe de régulation
(Fig. 5A).
Le syndrome de Cushing est d’origine hypophysaire dans
85 % des cas (maladie de Cushing HCH). Une tumeur (située
pour 80 % des cas dans le lobe antérieur de l’hypophyse)
produit de manière déréglée l’ACTH, conduisant à une stimulation des surrénales (Fig. 5B). Cette tumeur répond peu
au rétrocontrôle négatif exercé par le cortisol. Il peut s’agir
d’un microadénome ou d’un macroadénome [3].
Le syndrome de Cushing est d’origine surrénalienne dans
15 % des cas (HCS). Une tumeur (adénome ou adénocarcinome en proportions égales) du cortex surrénalien produit
le cortisol de manière autonome. Cette sécrétion est donc
indépendante de la stimulation hypophysaire. Le rétrocontrôle négatif exercé par l’excès de cortisol conduit
à l’effondrement de la sécrétion d’ACTH hypophysaire
et à l’atrophie de la surrénale controlatérale (Fig. 5C).
Dans 10 % des cas d’HCS, la tumeur sécrétante peut être
bilatérale [2].
Exceptionnellement l’hypercorticisme peut être induit
par une tumeur non hypophysaire secrétant de l’ACTH [4].
Diagnostic de l’hypercorticisme et de son
origine
Dans le cas décrit ici, plusieurs examens biologiques et
d’imagerie ont été mis en œuvre pour confirmer l’existence
des deux syndromes de Cushing et déterminer leur origine
respective. À l’occasion de sa première visite, l’animal présentait des signes cliniques attribuables à un syndrome de
Cushing : ptose abdominale, polyuro-polydipsie, polyphagie.
Des facteurs d’orientation diagnostique ont été recherchés
par analyse biochimique sanguine (urémie, créatinémie,
mesure de la concentration sérique des PAL et ALAT). Ces
paramètres étaient normaux bien qu’il soit décrit fréquemment une augmentation de la concentration sérique des
phosphatases alcalines (dans 90 % des cas), une diminution
de l’urémie et une hyperglycémie (diabète sucré associé
dans 10 % des cas).
Une analyse d’urine aurait pu venir étayer la suspicion clinique, celle-ci étant généralement modifiée : hyposthénurie
(densité < 1,012 dans 85 % des cas) et parfois leukocyturie,
protéinurie et hématurie (souvent témoins d’une immunosuppression induite).
La suspicion clinique de syndrome de Cushing a toutefois justifié la réalisation en première intention d’un test
de stimulation à l’ACTH. Ce choix est discutable. Ce test
est couramment employé car facile à mettre en œuvre. Il
est le seul à autoriser un diagnostic différentiel entre un
syndrome de Cushing spontané et un hypocorticisme iatrogène. Néanmoins ses performances ne sont pas excellentes
puisque toute maladie chronique concomitante peut fausser
positivement ses résultats. Un test de freinage de la cortisolémie à la dexaméthasone à dose faible aurait pu être
envisagé bien que l’existence d’une affection concomitante
interfère tout autant avec la réponse.
Dans le cas présent, les résultats du test de stimulation à l’ACTH, confrontés au tableau clinique, ont permis
de confirmer l’hypothèse de syndrome de Cushing.
L’origine de ce premier syndrome de Cushing a ensuite
été déterminée par différents examens : test de freinage
de la cortisolémie à la dexaméthasone à dose forte, examen tomodensitométrique de l’encéphale et des surrénales,
mesure de la concentration plasmatique en ACTH.
Pour citer cet article : Juillet C, et al. Hypercorticisme d’origine hypophysaire secondaire à une surrénalectomie chez un
chien. Pratique médicale et chirurgicale de l’animal de compagnie (2010), doi:10.1016/j.anicom.2010.06.001
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Hypercorticisme d’origine hypophysaire chez un chien secondaire
Freinage de la cortisolémie à la dexaméthasone à
dose forte (0,1 mg/kg)
Lors d’HCH, la dose massive de dexaméthasone injectée
conduit à un freinage absolu (cortisolémie à quatre heures
et/ou huit heures < 40 nmol/l) ou relatif (cortisolémie à
quatre heures et/ou huit heures < cortisolémie basale divisée par deux) dans 75 % des cas. Environ 25 % des tumeurs
hypophysaires ne répondent pas à ce test : un freinage est
synonyme d’HCH (sensibilité 100 %), mais l’absence de freinage ne permet aucune conclusion [5].
Dans le cas présent, en l’absence de freinage de la cortisolémie, aucune conclusion n’a pu être formulée quant
à l’origine du syndrome de Cushing. Toutefois, ce test
confirme le diagnostic de syndrome de Cushing (un effondrement de la cortisolémie étant attendu chez les chiens
indemnes de syndrome de Cushing).
Examens d’imagerie médicale
La tomodensitométrie permet d’identifier les masses hypophysaires et leurs conséquences (compression des structures
encéphaliques avoisinantes) et une exploration précise de
la cavité abdominale (évaluation des surrénales et bilan
d’extension lors de masse surrénale).
En présence de signes neurologiques centraux, c’est un
examen à privilégier en première intention.
La visualisation d’une masse surrénalienne associée à
une atrophie surrénalienne controlatérale est diagnostique
d’un syndrome de Cushing d’origine surrénalienne. En dépit
de l’absence de paramètres tomodensitométriques précis
publiés à ce jour en médecine vétérinaire, la détection
d’une masse surrénalienne de plus de 2 cm de diamètre
associée à une surrénale controlatérale de petite taille
(nettement inférieure au diamètre de l’aorte au même
niveau) nous a paru univoque. L’absence d’envahissement
vasculaire, l’absence de lésion thoracique ou abdominale
évoquant des métastases n’offrent évidemment pas d’autre
argument.
Dosage de l’ACTH plasmatique
La sensibilité et la spécificité de ce test sont très bonnes
[6,7]. La concentration plasmatique en ACTH est normale à
augmentée lors d’HCH et à l’inverse effondrée lors d’HCS.
En pratique, ce dosage est peu disponible et délicat à réaliser car l’ACTH est une hormone très labile. Le sang doit
être centrifugé à froid immédiatement après prélèvement,
le plasma séparé du culot rapidement puis congelé immédiatement dans un tube sec avant envoi au laboratoire.
Le transport jusqu’au laboratoire doit se faire dans le respect strict de la chaîne du froid. En cas d’impossibilité de
centrifugation à froid et d’envoi congelé, l’ajout au prélèvement d’un inhibiteur de protéases est envisageable [8]. Dans
notre cas, les conditions de prélèvement préalablement
décrites ayant été respectées, seule une rupture accidentelle de la chaîne du froid, non suspectée lors de la réception
du prélèvement par le laboratoire, permettrait d’expliquer
l’effondrement de la concentration plasmatique d’ACTH, en
l’absence de syndrome de Cushing d’origine surrénalienne.
Ces différents examens ont donc permis de conclure
à une origine surrénalienne dans le cas présenté. Ce
résultat a été conforté par l’analyse histologique de la
5
surrénale et l’amélioration clinique de l’animal suite à
la surrénalectomie : disparition complète des symptômes
d’hypercorticisme. Un argument supplémentaire aurait pu
être fourni par un test de stimulation à l’ACTH réalisé
dans les 24 heures après l’intervention [9]. Une absence
complète de réponse à la stimulation est attendue après
surrénalectomie lors de syndrome de Cushing d’origine surrénalienne, témoignant de la mise au repos de la surrénale
controlatérale (suite au rétrocontrôle négatif). La réponse
modeste de la cortisolémie à la stimulation à l’ACTH observée quatre jours après la surrénalectomie (le chien recevant
une supplémentation en glucocorticoïdes) est très délicate
à interpréter.
Le diagnostic du second syndrome de Cushing (huit mois
après le premier) a suivi la même démarche : test de stimulation à l’ACTH, confronté à la réapparition de symptômes
évocateurs (PUPD, polyphagie, alopécie). Le recours à un
test offrant une sensibilité supérieure, un test de freinage
de la cortisolémie à la dexaméthasone à dose faible, a permis de confirmer la suspicion d’hypercorticisme : absence
de freinage de la cortisolémie à huit heures. Ce test a de
plus offert une orientation étiologique forte en faveur d’un
syndrome de Cushing d’origine hypophysaire : freinage transitoire de la cortisolémie à quatre heures. Les résultats
d’un nouvel examen tomodensitométrique (augmentation
de taille de la surrénale en place, développement d’une
masse hypophysaire) ont conforté le nouveau diagnostic
étiologique, sans toutefois offrir un diagnostic de certitude de syndrome de Cushing. En effet, de telles images
peuvent être observées chez des chiens indemnes de syndrome de Cushing, la visualisation d’une lésion hypophysaire
n’étant pas synonyme d’adénome corticotrope. Cependant,
l’évolution des lésions entre les deux examens tomodensitométriques est évocatrice de l’installation d’une maladie
de Cushing. De même, la mesure de la concentration plasmatique en ACTH a conforté le diagnostic d’HCH. Enfin, la
régression des symptômes sous trilostane, inhibiteur de la
stéroïdogenèse, est un argument supplémentaire en faveur
de l’installation d’un second syndrome de Cushing, sans
orienter sur son origine (une réponse clinique et biologique favorable étant généralement observée quelle que
soit l’origine du syndrome) [10].
L’ensemble de ces résultats est en faveur de deux
syndromes de Cushing distincts et successifs, excluant
l’hypothèse d’une métastase surrénalienne (non compatible de plus avec le résultat de l’analyse histologique de la
tumeur). Ils ne permettent pas en revanche de déterminer
si le deuxième syndrome de Cushing est survenu indépendamment du premier ou si la surrénalectomie a eu des
conséquences dans le développement de la tumeur hypophysaire.
L’évolution d’une masse hypophysaire à la suite d’une
surrénalectomie unilatérale dans le cadre d’un syndrome de
Cushing d’origine surrénalienne n’est pas documentée chez
le chien. Elle est en revanche décrite chez l’homme après
surrénalectomie bilatérale [9,11,12].
Le mécanisme physiopathogénique conduisant au développement d’une tumeur hypophysaire par disparition du
rétrocontrôle cortisolien est questionnable. La plupart des
chiens ayant subi une surrénalectomie unilatérale ne nécessitent pas de supplémentation en glucocorticoïdes au-delà
de quelques semaines car la reprise de fonctionnement de
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la glande surrénale restante est généralement rapide et la
régulation hypothalamo-hypophysaire est normale chez ces
chiens [9,13]. On peut donc imaginer que le cortisol secrété
par la surrénale restante suffise à jouer son rôle d’inhibiteur
au niveau hypothalamo-hypophysaire.
Il est donc peu probable que l’hypocorticisme transitoire,
et corrigé, faisant suite à la surrénalectomie unilatérale
puisse engendrer le développement (installation puis croissance) d’un adénome hypophysaire.
Les deux syndromes de Cushing décrits dans le cas présenté sont probablement indépendants.
Conclusion
La suspicion d’un syndrome de Cushing, basée sur des éléments cliniques et anamnestiques, doit faire l’objet d’une
démarche diagnostique rigoureuse.
Les examens complémentaires, choisis selon leurs performances et leur disponibilité, permettent de confirmer
l’hypercorticisme chronique et de déterminer son origine.
Ainsi, même dans un cas inhabituel comme celui présenté, le clinicien est en mesure de proposer un traitement
efficace.
Conflit d’intérêt
Aucun.
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Pour citer cet article : Juillet C, et al. Hypercorticisme d’origine hypophysaire secondaire à une surrénalectomie chez un
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