Le concours de Ground Zero : Le débat public et le processus

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Le concours de Ground Zero : Le débat public et le processus
Référence : GroundZero485
Pascal SANSON
Université de Tours
Le concours Ground Zero : la médiation internétique et le processus délibératif
Mots clés : débat public électronique, démocratie participative, forums
délibératifs, médiation internétique, prospective urbaine
Résumé
1. Les sites internet de villes ou de régions
Depuis quelques années, les villes du monde entier utilisent un site internet pour
communiquer des informations diverses, leurs réalités, patrimoniales notamment,
et leurs programmes de développement urbain. Tous ceux qui ont pu participer à
des enquêtes publiques relatives à de tels projets savent que la masse des
documents à consulter est souvent très importante. Il faut une grande disponibilité
pour pouvoir les analyser complètement et formuler une synthèse critique.
L’interactivité de l’internet permet non seulement cette disponibilité mais surtout la
consultation croisée des différents projets ou des multiples pièces, textuelles et
graphiques qui informent un même projet.
Nous tenterons de caractériser quelques-uns de ces sites (texte définitif).
2. Le concours Ground Zero : La médiation internétique
Le concours d’architecture et d’urbanisme relatif au projet de reconstruction du
World Trade Center a donné lieu à l'expérimentation d'un système d’information du
public au moyen de sites internet beaucoup plus développés que la plupart des
sites habituels de présentation des projets urbains.
Les experts des autorités new-yorkaises ont tout d’abord sélectionné parmi les 407
équipes d’architectes et d’urbanistes du monde entier qui avaient soumis un projet
sept équipes :
- Foster and Partners (Norman Foster)
- Peterson/Littenberg Architecture and Urban Design
- Richard Meier & Partners Architects, Eisenman Architects, Gwathmey Siegel &
Associates, Steven Holl Architects
1
- SOM, SANAA, Michael Maltzan Architecture, Field Operations,
Tom Leader Studio, Inigo Manglano-Ovalle, Rita McBride,
Jessica Stockholder, Elyn Zimmerman
- Studio Daniel Libeskind
- THINK Design: Shigeru Ban, Frederic Schwartz, Ken Smith, Rafael Vinoly;
Contributors: William Morrish, David Rockwell, Janet Marie Smith;
Engineers: ARUP, Buro Happold, Jorge Schlaich
- United Architects
Ces sept équipes ont présenté les éléments de leur projet avec parfois plus de
cinquante pages d’écran (Textes, photographies, plans et éléments graphiques) qui
ont nécessité un important travail de médiation.
Il faut noter qu’en 2002/2003, nous avons fait travailler des étudiants de DEA sur
l’analyse de cette médiation internétique.
3. Les débats publics et le processus délibératif
Les débats publics et le processus délibératif ont été organisés par AmericaSpeaks,
association à but non lucratif qui organise notamment des forums délibératifs.
Cette structure a été fondée en 1995 par Carolyn J. Lukensmeyer et a déjà
rassemblé plus de soixante mille personnes dans diverses consultations.
La population a ensuite désigné deux projets lauréats, THINK Design et enfin le
nom de l’architecte choisi pour reconstruire le site du W.T.C., le Studio Libeskind.
C’est symboliquement le 11 septembre 2003 que les autorités new-yorkaises ont
annoncé le vainqueur de ce concours international.
Daniel Libeskind déjà remarqué par son Musée Juif de Berlin, a mis l’accent sur le
traitement des ambiances urbaines et des aspects mémoriels du projet qui
comportait d’emblée une composante symbolique présente dans la désignation du
site urbain : Ground Zero.
4. La conférence de Daniel Libeskind au Pavillon de l’Arsenal
Le 25 septembre 2003, Daniel Libeskind, encore tout auréolé de cette victoire, a été
invité par le Maire de Paris au Pavillon de l’Arsenal à prononcer une conférence,
d’autant plus importante qu’elle succédait aussitôt à l’annonce de sa désignation.
Sa conférence était exemplifiée au moyen d’une cinquantaine de diapositives que
nous avons photographiées en direct et qui constituaient la médiation internétique
de son projet. Nous en reproduisons quelques une en fichier attaché.
Daniel Libeskind a insisté sur la correspondance symbolique de sa « Tour de la
Liberté » avec justement la Statue de la Liberté en projetant comme dernière
diapositive celle qui place en premier plan la Statue et à l’horizon la perspective de
Manhattan et sa « Freedom Tower ». (Cf. Figures jointes)
2
Il a beaucoup insisté sur le débat public électronique instauré avec la population
qui a pu influencer par ses propositions la poursuite de la mise au point du projet.
Et surtout, devant un aéropage de décideurs publics (Maires, directeur d’ateliers
d’urbanisme, présidents de société d’aménagement, etc.), il a souligné que pour la
première fois dans le monde c’est la population qui avait pu désigner le lauréat
d’un grand concours international d’architecture.
5. L’intervention du maître d’ouvrage
Le promoteur immobilier Larry Silverstein, détenteur du bail du World Trade
Center qu’il avait signé quelques mois avant la catastrophe, en juillet 2001, a
décidé de faire retravailler le projet par l’agence Skidmore, Owings & Merrill
(S.O.M.). Cette agence 1 s’est imposée à partir de 1936 par le nombre et la
qualité de ses réalisations. Typiquement américaine par sa taille, plusieurs
centaines de collaborateurs, plus de dix mille projets construits dans une
cinquantaine de pays, sa puissance et son rayonnement sont tels qu’on a pu la
qualifier dans les années soixante de « la General Motors de l’architecture ».
6. Conclusion
Nous avons tenté de présenter quelques aspects de la médiation internétique et du
processus délibératif relatif au concours Ground Zero.
Son exemplarité est grande. Malgré l’éviction finale de Daniel Libeskind en tant
que maître d’oeuvre constructeur de sa « Freedom Tower », les mouvements
citoyens se souviendront de l’ensemble des procédures de démocratie participative
et délibérative. D’ailleurs certains maires ont compris la leçon.
Penser la médiation reste une problématique importante pour les chercheurs en
sciences humaines et sociales, tel Hans Georg Gadamer qui écrit en 1960
(Première édition française de 1976) :
« L'importance particulière que revêt l'architecture pour notre problème
consiste dans le fait qu'en elle aussi se vérifie la médiation sans laquelle
une œuvre d'art ne possède aucune présence réelle. …
Cela, l'architecture peut nous l'apprendre, elle qui reste immuablement
marquée par son appartenance à un monde précis.
Par là même, un trait nouveau apparaît : l'architecture est
spécifiquement ce qui donne une configuration à l'espace. »2
1
Notice de l’Universalis : « L’agence d’origine a été fondée en 1936 à Chicago par Louis Skidmore (1897-1962) et Nathaniel
Owings (1903-1984) qui avaient tous les deux participé trois ans plus tôt à l’organisation de l’exposition Century of Progress
Exposition commémorant le centenaire de la fondation de Chicago. Un troisième associé, l’ingénieur John Merrill (1896-1975), les
rejoint en 1939 pour former l’agence Skidmore, Owings & Merrill. Dès 1937, un bureau de l’agence avait été ouvert à New York et
d’autres bureaux le seront ensuite à San Francisco, Portland (Oregon), Washington, D.C., etc »
2
GADAMER, Hans-Georg, 1976.Vérité et méthode, Paris, Seuil, p.150.
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