Du Femto Lasik à la Femto Cataracte : 15 jours avec le Z8

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Du Femto Lasik à la Femto Cataracte : 15 jours avec le Z8
chirurgie
Du Femto Lasik à la Femto Cataracte
15 jours avec le Z8
Dr Thierry Delayre*
Introduction
Les exigences croissantes sur la qualité du résultat réfractif en chirurgie de la cataracte incitent à utiliser un matériel
toujours plus sophistiqué, dans l’espoir d’atteindre une perfection reproductible.
Dans quelles conditions d’utilisation, avec quelles
contraintes de personnel, quel supplément de temps opératoire et enfin à quel prix pourrons-nous adopter le femtolaser
pour la chirurgie du cristallin ?
Les réponses seront peut-être apportées un jour par l’adop-
P
our ceux qui se sont lancés dans l’aventure, il est
apparu que nous sommes
au début du cycle d’une évolution
technique, avec des comptes-rendus d’expérience allant de l’enthousiasme pour une machine futuriste
à la mise à l’écart du bijou de technologie... en attendant mieux.
La période est encore favorable à
la progression d’une technologie
non codifiée, si ce n’est par l’aspect
“procédure” du geste opératoire,
conditionné par une informatique
et une imagerie futuriste. HAL a un
peu pris le pouvoir, pour ceux qui
peuvent se référer aux classiques
de la fin du millénaire précédent.
Qu’est-ce qu’un laser
femtoseconde pour
la cataracte ?
Depuis la publication de Zoltan
Nagy (1) en 2009, le rôle du laser
femtoseconde est reconnu dans
*Clinique Gaston-Métivet, Saint-Maur-des-Fossés
86
tion d’une tarification spéciale pour les techniques dites “premium”, reconnaissant officiellement leur intérêt réfractif ainsi
que médical en améliorant la fiabilité du geste chirurgical.
Dans l’attente, les femtolasers adaptés pour la cataracte
sont à notre disposition, libres d’être utilisés sur les yeux
des patients sans qu’un consensus sur leur intérêt soit clairement formalisé. La plateforme Z8 offre une solution innovante qui pourrait en faciliter l’intégration par les chirurgiens
et les structures de soins (Fig. 1).
la chirurgie de la cataracte. Celuici avait été initialement pressenti
pour traiter la presbytie en rétablissant le glissement des lames du
stroma cristallinien (2).
Le laser femtoseconde est un laser
de type YAG, émettant dans l’infrarouge, capable de délivrer une
énergie considérable, en un temps
extrêmement court. La rupture
des liaisons moléculaires permet
d’obtenir une section du stroma
cornéen sans provoquer d’effet
thermique sur les structures environnantes. Ce détail est particulièrement important pour la chirurgie
intracornéenne ou intracristallinienne. Le corollaire de cette rupture moléculaire est la création de
bulles de cavitation gazeuses qui
sont un effet indésirable.
Pour assurer précisément la délivrance des impacts de laser intraoculaire, le faisceau est couplé à un
système d’imagerie, généralement
un OCT (Fig. 2). L’image obtenue va
permettre de guider les impacts de
laser sur la cornée, la capsule antérieure et le noyau du cristallin.
Figure 1 – L’interface du femtolaser, protégée
stérilement, est en place sous le microscope pour
réaliser les premiers stades du traitement, avant
la phakoémulsification. Le champ opératoire est
déjà installé.
Figure 2 – Image OCT native obtenue avec l’OCT
du femto Z8.
Pratiques en Ophtalmologie • Juin 2015 • vol. 9 • numéro 82
Du Femto Lasik à la Femto Cataracte
Figure 4 – Capsulorhexis manuel (A) vs capsulorhexis femtoseconde (B) sur implant torique (régularité, centrage et recouvrement homogène de la périphérie garantissent théoriquement
le respect de l’alignement dans le plan frontal pour réduire
l’effet prismatique d’une inclinaison de l’optique).
Figure 3 – A. Incisions arciformes dans l’axe de l’astigmatisme
préopératoire (flèches). B. Topographie spéculaire préopératoire
(astigmatisme cornéen de 1, 33 dioptries). C. Topographie postopératoire avec réfraction postopératoire : (92° - 0,25) + 0,25.
À quoi sert un laser
femtoseconde ?
Il permet de réaliser :
• Les incisions cornéennes principales et les contreincisions qui sont standardisées dans leur taille, leur
architecture et leur emplacement. On peut y associer
Pratiques en Ophtalmologie • Juin 2015 • vol. 9 • numéro 82
Figure 5 – Résultat peropératoire, capsulorhexis et incisions
pour 8 quartiers.
des incisions arciformes avec une précision remarquable dont la cible privilégiée est la correction des
faibles astigmatismes qui sont les plus courants (Fig. 3).
• Le capsulorhexis qui est programmé dans son centrage par rapport à la pupille ou à la position du centre
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chirurgie
Figure 6 – Interface liquide en place.
Figure 7 – Préplacement des repères sur la capsule antérieure
grâce à l’écran tactile.
du système optique de l’œil et aussi
dans son diamètre pour s’adapter à
l’implant et à la dilation pupillaire
(Fig. 4).
• La fragmentation du noyau qui
réalise une section “en pointillé”
selon un schéma prédéfini. Au
nombre de 4 ou 8 (Fig. 5), les quartiers obtenus peuvent être théoriquement multiples pour aboutir à une “quasi-liquéfaction” du
noyau.
Les différents
types de laser
femtoseconde
pour la chirurgie
de la cataracte
Il existe actuellement 5 lasers femtoseconde distribués sur le marché
français (LenSx® d’Alcon, LENSAR® de Topcon, CATALYS® de
AMO, VICTUS® de Bausch + Lomb
et Z8 de Ziemer). L’évolution des
modèles est constante, mais tous
ont des objectifs similaires :
• D’une part, réaliser et standardiser les premières étapes de la
procédure pour faciliter la phase
finale de la chirurgie, c’est-à-dire
l’aspiration du cristallin avec ou
sans utilisation des ultrasons.
• D’autre part, optimiser le résultat réfractif final en améliorant la
précision de la position de l’implant intraoculaire.
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• L’adjonction d’incisions cornéennes arciformes est une option
déjà réalisable en chirurgie réfractive classique.
Des solutions
techniques
différencient les
lasers femtoseconde
L’énergie délivrée peut être haute
ou basse pour agir sur la cornée
ou le cristallin. On peut concevoir
qu’un niveau élevé d’énergie permet d’obtenir un effet de section
plus important et permettra de
fragmenter des cristallins denses.
Toutefois, le désir d’être efficace
avec de fortes énergies aboutit à la
formation de volumineuses bulles
de cavitation potentiellement
dangereuses, car pouvant provoquer des ruptures capsulaires postérieures.
La pièce intermédiaire comprend
une interface liquide ou sèche avec
applanation. L’utilisation d’une
interface liquide entre la cornée et
la lentille du système de délivrance
du laser permet de limiter la déformation du dioptre cornéen et favorise la pénétration intraoculaire du
faisceau infrarouge. L’efficacité de
la fragmentation du noyau du cristallin est augmentée. Mais elle rend
plus difficile la réalisation des incisions cornéennes, car cette inter-
face, dont l’épaisseur est par nature
variable, nuit à la précision de l’effet
des impacts laser. Avec l’évolution,
les interfaces liquides sont néanmoins la règle actuellement (Fig. 6).
Le couplage laser
femtoseconde et OCT
Pour délivrer l’énergie en un point
précis intraoculaire, il est nécessaire
de se baser sur un repérage en coupe
de l’œil et tous les lasers ont adopté
une imagerie de type OCT parfois
en temps réel ou comme image de
référence. Il semblerait que tous les
systèmes adoptés donnent satisfaction, avec des qualités de rendu différentes (Fig. 2). La réalisation des incisions cornéennes n’est pas encore
implémentée dans la génération Z8
couplée à l’OCT.
Sur un écran tactile interactif,
l’image OCT permet de repérer
facilement la capsule antérieure
et de préplacer deux repères selon
un diamètre choisi généralement
entre 5,2 et 4,8 mm. Un ajustement manuel de la profondeur des
impacts par rapport à la capsule
est possible (Fig. 7).
La phase suivante permet de
positionner la section intracristallinienne en quartiers en
respectant une marge de sécurité
de 200 µ par rapport à la capsule
postérieure (Fig. 8).
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Figure 9 – Laser femtosesonde Z8 positionné à gauche du chariot
mobile d’intervention. L’emprise au sol est réduite et l’unité de
traitement s’intègre facilement dans l’environnement habituel. Le
Figure 8 – Prévisualisation des incisions dans le noyau.
L’originalité du
Ziemer Z8 : un laser
compact et évolutif
patient ne sera pas déplacé entre les deux phases de la chirurgie.
tage majeur pour la fluidité du
programme opératoire (Vidéo 1).
Procédure
femtolaser.
Il s’agit d’une évolution du laser
femtoseconde utilisé depuis
10 ans en chirurgie réfractive.
Une modification de la gestion du
faisceau laser émis par une cavité
accordable en fréquence de répétition et le couplage à un système
OCT propriétaire ont permis de
rendre la machine encore plus
polyvalente. Cet équipement
occupe un espace réduit qui permet de l’intégrer dans des salles
d’opération aux dimensions raisonnables (Fig. 9).
L’utilisation d’un faisceau
laser de faible niveau
d’énergie
Un système de délivrance
porté par bras articulé
Ils sont basés sur une première
expérience des 10 cas puisque la
configuration Femto Cataracte du
modèle Z8 vient d’être mise à disposition en France.
Le chemin optique du faisceau
laser traverse un bras pour aboutir à la tête de délivrance fixée sur
l’œil. Cette originalité par rapport
aux autres systèmes permet de réaliser le traitement laser, champ
opératoire installé, et d’éviter
tout déplacement ou transfert de
patient entre les phases laser et
ultrasons. Ce point est un avan-
Vidéo 1 –
L’énergie délivrée par des tirs
haute fréquence (> à 10 MHz), à
travers une lentille de grande ouverture numérique à courte focale,
génère des bulles de cavitation de
taille réduite qui évitent la distension du sac cristallinien. Il y a
moins de risques de ruptures capsulaires lors de l’hydrodissection.
Les résultats
Une efficacité équivalente
aux autres systèmes (3)
Les incisions sont à l’heure actuelle
réalisées avec l’interface de la
chirurgie réfractive. On notera la
grande précision des incisions arci-
Vidéo 2 –
Femtolaser sur
pupille étroite et
cataracte blanche
totale.
formes (Fig. 3) et leur effet potentiel
sur les astigmatismes de valeurs
moyennes inférieures à 3,5 dioptries (Tab. 1).
Le capsulorhexis a été complet et
libre dans 100 % des cas sur cette
courte série de 10 cas incluant une
cataracte blanche totale (Vidéo 2).
La nucléofracture réalisée selon
un schéma cruciforme a permis
une aspiration simple des fragments prédécoupés en réduisant
la durée de la phase d’ultrasons
classique. Cet aspect est peut-
Tableau 1 – Nomogramme pour les incisions arciformes réalisées au laser femtoseconde (les incisions
placées sur le méridien cambré doivent être ouvertes manuellement pour obtenir l’effet relaxant).
Astigmatisme (dioptries)
Profondeur de l’incision (%)
Diamètre de la zone (mm)
Longueur de l’arc (°)
0,75 à 1,25
90
8,0
45
1,50 à 2,50
90
7,50
65
2,75 à 3,50
90
7,50
80
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chirurgie
être le plus surprenant et permet
d’espérer une grande efficacité du
geste sur les cataractes denses.
Un meilleur confort
d’utilisation pour le patient
et le chirurgien
Pour le patient, l’intervention se
déroule sans installation particulière. Le temps d’intervention est
actuellement prolongé par celui
de la phase laser. On peut toutefois
remarquer que celui-ci est resté
modéré (Tab. 2). Une amélioration
est attendue avec la pratique. Les
lésions conjonctivales provoquées
par l’interface liquide sont minimes
ou inexistantes grâce à l’interface
liquide et au degré de vide modéré.
Pour le chirurgien, la maîtrise de la
pièce à main nécessite un apprentissage si celui-ci n’utilise pas la
série Z pour la chirurgie réfractive.
Le gain de temps procuré par cette
technique compense largement
cette particularité. L’appropriation
de la technique est d’une facilité
déconcertante pour les habitués de
l’interface en chirurgie réfractive.
Les écueils signalés dans les autres
systèmes ont été évités :
• L’utilisation d’un faisceau de
faible énergie permet effectivement de réduire la cavitation.
L’hydrodissection prudente n’a
pas été gênée par la présence de
volumineuses bulles de cavitation
intra ou rétrocristalliniennes.
• L’ablation du cortex est cependant plus délicate qu’en phako
classique en raison de l’adhérence
des fibres aux bords du capsulhorexis (effet thermique ?).
Aspects économiques
Le gain de place et de durée en
phase laser temps procure une
amélioration du coût d’utilisation.
La suppression d’une salle spécifique au laser permet d’éliminer
90
le coût d’utilisation d’une salle
annexe du bloc opératoire estimée
couramment à 350 € de l’heure.
Il existe un surcoût inévitable
pour utiliser cette technique novatrice. Toutefois, l’intégration de
la machine dans l’environnement
habituel modifie radicalement les
contraintes inhérentes aux autres
technologies.
Il est concevable de réduire l’instrumentation : plus de couteaux
jetables, plus de princes à rhexis ou
autres pinces de Bonn.
Le coût de l’interface à usage
unique peut ainsi être en partie
compensé par les économies réalisées sur l’instrumentation et la
composition du pack classique.
Le visqueux peut être choisi selon
des critères moins stricts n’ayant
plus d’utilité lors de la réalisation
du capsulorhexis. Le rôle de protecteur endothélial reste encore
pertinent lors de la phase d’aspiration avec ultrasons. L’avenir et la
maîtrise de la technique rendront
peut-être obsolète son utilisation.
Les instruments indispensables sont
en fait limité à un micromanipulateur basique pour ouvrir les incisions
prédécoupées et maintenir le globe
en phase de phako aspiration.
L’amortissement de la machine sera
facilité par les procédures supplémentaires générées par l’attractivité
de la procédure Femto Cataracte,
par rapport à l’activité courante.
Conclusion
Tableau 2 – Durées de procédure, entrée-sortie de salle des
10 premières Femto Cataractes, comparées à celles des
procédures classiques (temps
moyen additionnel : 9 min).
Phako
Phako +
femto
1
16 ‘
33 ‘
2
15 ‘
27 ‘
3
17 ‘
29 ‘
4
13 ‘
20 ‘
5
14 ‘
25 ‘
6
12 ‘
30 ‘
7
13 ‘
23 ‘
8
14 ‘
21 ‘
9
-
27 ‘
10
-
21 ‘
Moyenne : Moyenne :
14 ‘
23’
réel d’une telle sophistication n’est
peut-être pas aussi insurmontable
pour des structures chirurgicales
générant un débit raisonnable de
procédures. S’il n’a pas permis de
planter le premier drapeau au sommet de la Femto Cataracte, le femtoseconde Ziemer Z8 a le mérite de
bousculer les codes établis par les
initiateurs de la technique et mérite
n
toute notre attention. Conflits d’intérêts :
aucun conflit d’intérêts.
Mots-clés : Z8, Femtolaser,
Femto Cataracte, Femtoseconde
L’avènement de machine de dernière génération de conception
ergonomique proposant des solutions techniques originales, permet
d’entrevoir plus facilement l’adoption de la Femto Cataracte. Si l’on
admet que la robotisation des gestes
aussi standardisés que ceux des
premières étapes de la chirurgie de
la cataracte apporte sûreté, précision et reproductibilité, alors reste
l’obstacle financier. Le surcoût bien
Bibliographie
1. Nagy Z, Takacs A, Ellkorn T, Sarabata M. Initial clinical evaluation of an intraocular femtosecond laser in cataract surgery. J Refract
Surg 2009 ; 1053-60.
2. Myers RI, Krueger RR. Novel approaches
to correction of presbyopia with laser modification of the crystalline lens. J Refrac Surg
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3. Conrad-Hengerer I, Hengerer F, Joachim
SC et al. Femtosecond laser assisted cataract
surgery in intumescents white cataracts. J
Cataract Refract Surg 2014 ; 40 : 44-50.
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