La pétanque de Newton(1) Enseignem ent expérim ental

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La pétanque de Newton(1) Enseignem ent expérim ental
La pétanque de Newton
1
(1)
Partie 3
par Julien BARTHES et Pascal LANGLOIS
Lycée Gustave Eiffel - 21000 Dijon
[email protected]
[email protected]
RÉSUMÉ
Lorsqu’une bille du pendule de Newton vient frapper la chaîne de boules, un examen
attentif de cette chaîne nous montre qu’un espace apparaît entre chacune des boules.
Dans un précédent article, nous avons tenté une démonstration expérimentale du transport par les ondes acoustiques des informations de conservation d’énergie cinétique et
de quantité de mouvement. Nous tenterons d’expliquer dans cet article comment les ondes
acoustiques peuvent séparer les boules de ce pendule de Newton.
IntroductIon
Le pendule de Newton est un dispositif qui, de prime
abord, illustre de façon très démonstrative la conservation de l’énergie cinétique et de la quantité de mouvement lors d’un choc élastique. Mais un examen attentif
de la chaîne des boules au moment du choc révèle que
celle-ci se disloque : la boule située à l’extrémité droite
est bien éjectée, mais toutes les autres se retrouvent
également séparées de leur voisine.
Nous avons montré dans un article précédent [1]
qu’une description de la chaîne de boules en tant qu’un
système purement élastique pouvait expliquer le fonctionnement du pendule de Newton.
Figure 1 : Pendule de Newton.
D’autres auteurs ont mis en évidence, à l’aide d’une
simulation numérique [2], que la chaîne était amenée à se disloquer du fait que la force
de contact entre deux boules est une force de rappel non linéaire : la « loi de Hertz
3
f = - kx 2 ».
(1)
Note de la rédaction : La première et la seconde partie de cet article sont parues dans Le Bup n° 926,
juillet-août-septembre 2010, p. 869-876 et 877-884.
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Julien BARTHES et Pascal LANGLOIS
Enseignement expérimental
UNION DES PROFESSEURS DE PHYSIQUE ET DE CHIMIE
ENSEIGNEMENT EXPÉRIMENTAL
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Cet article décrit une expérience que nous avons réalisée pour déterminer l’ordre
dans lequel les boules se détachaient les unes des autres. L’analyse des résultats expérimentaux combinée à nos précédents articles [3-4] permet de proposer une explication
possible au phénomène de dislocation se déroulant durant la fraction de seconde qui suit
l’impact de la première boule et de comprendre en quoi cela peut provoquer une dislocation de la chaîne.
1. Étude expÉrImentale de la dIslocatIon
1.1. schéma expérimental
Dans le cadre des Olympiades de Physique France, nous avons réalisé une potence
à laquelle sont suspendues cinq boules de pétanque, chacune d’elles étant associée à une
résistance qui est susceptible d’être court-circuitée au contact de deux boules l’encadrant.
La boule de gauche peut être lâchée d’un angle arbitraire et vient percuter les quatre
autres boules initialement au contact les unes des autres.
Figure 2 : Schéma du montage.
Grâce à un choix judicieux des valeurs des résistances, la simple mesure de Vm
permet alors de déterminer de façon univoque, quelles sont les boules en contact. Le
tableau 1 (cf. page ci-contre) traduit cette correspondance bijective entre l’état instantané
du système et la valeur instantanée de Vm . Dans ce tableau, on note K = 1 pour un interrupteur fermé et K = 0 pour un interrupteur ouvert.
1.2. oscillogramme obtenu
L’oscillogramme obtenu (cf. figure 3) est reproductible et nécessite un angle de
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Le Bup n° 937
K1
K2
K3
K4
Vm (V)
0
0
0
0
2,3
1
0
0
0
2,5
0
1
0
0
2,7
1
1
0
0
2,9
0
0
1
0
3,1
1
0
1
0
3,4
0
0
0
1
3,5
0
1
1
0
3,7
1
0
0
1
3,9
1
1
1
0
4,1
0
1
0
1
4,3
1
1
0
1
5,0
0
0
1
1
5,4
1
0
1
1
6,5
0
1
1
1
7,7
3
1
1
1
1
10,0
K 1...4 représentent les interrupteurs (contact entre deux boules).
Tableau 1 : Tableau de correspondance.
Figure 3 : Oscillogramme.
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lâcher de la première boule de 30° au moins pour obtenir des contacts francs. Le déclenchement de l’acquisition correspond au contact entre la boule de gauche et les quatre
autres restantes. Il s’agit donc de l’état 1111.
Après consultation de la « table de vérité » (cf. tableau 1), nous nous apercevons que
la chaîne de boules finit par être complètement disloquée (tension correspondant à l’état
0000) comme prévu par les recherches précédentes [2].
Tentons une description de la première milliseconde après l’impact. La boule de
gauche, après avoir cogné sur les quatre autres, rebondit légèrement et se sépare de l’ensemble (état 0111). Ensuite la deuxième boule se détache des trois boules de droites
toujours en contact (état 0011). Puis vient le tour de la troisième boule (état 0001), et
enfin la quatrième boule (état 0000). La chaîne s’est donc disloquée en partant de la
première boule. La dernière boule possède alors une énergie cinétique et une quantité de
mouvement voisine de la première.
Il est important de souligner que le premier palier possède une durée deux fois plus
grande que les autres paliers. Ce détail nous permettra de conforter l’explication suivante.
2. une explIcatIon sans ÉquatIon
Figure 4 : Explication de la dislocation.
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1. La boule de gauche est projetée sur l’ensemble.
2. Au moment du choc, l’acquisition est lancée (état 1111). Deux ondes de choc se
propagent dans des directions opposées à la même vitesse.
3. L’onde de gauche se réfléchit à l’extrémité gauche de la chaîne. Au même moment
(instant x ), une nouvelle onde (rouge) apparaît lorsque l’onde de droite passe l’intersection de la deuxième et la troisième boule.
4. La rencontre de l’onde rouge avec l’onde jaune provoque à t = 2x une séparation de
la première boule avec les autres (état 0111). Au même moment, l’onde de droite
(verte) passe dans la quatrième boule et une nouvelle onde (rouge) est générée.
5. La rencontre de l’onde de droite avec l’onde « rouge » se produit à un temps x ultérieur. Ceci provoque la séparation de la deuxième boule avec les trois restantes (état
0011).
6. L’état suivant (0001) correspond à un scénario identique.
7. Au final, la dernière boule semble bien être éjectée de la chaîne par la rencontre des
deux ondes (jaune et vertes) créées lors de l’impact de la première boule.
conclusIon
Il a été démontré [2-3] numériquement que cette dislocation devait être imputée au
caractère non-linéaire de la force de contact entre deux boules (contact de Hertz :
f = kx 2/3 ). Par notre analyse, nous pouvons supposer que la non-linéarité de cette force
induit une onde réfléchie tout comme le provoque une masse différente dans une chaîne
infinie d’oscillateurs couplés. En effet, imaginons une chaîne infinie où nous placerions
des ressorts non-linéaires au niveau des contacts entre les boules, il est vraisemblable
qu’une onde réfléchie apparaisse lors de la traversée de deux boules.
Figure 5 : Modèle de chaîne infinie d’oscillateurs couplés.
Nous invitons des lecteurs intéressés et courageux à déterminer numériquement les
caractéristiques de l’onde réfléchie. Une résolution utilisant la méthode des différences
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finies sur une chaîne d’oscillateurs devraient permettre d’en avoir une première idée.
remercIements
Les auteurs tiennent à remercier chaleureusement Alain CAILLATE pour son aide et
ses critiques constructives lors de la réalisation de cet article.
BIBlIographIe
[1] HUTZLER S., DELANEY G., WEAIRE D. and MACLEOD F. “Rocking Newton’s cradle”.
Am. J. Phys., 2004, 72 (12), p. 1508-1516.
[2] HERRMANN F. and SCHMÄLZLE P. “Simple explanation of a well-known collision
experiment”. Am. J. Phys., vol. 49, août 1981, p. 761-764.
[3] BARTHES J. et LANGLOIS P. « La pétanque de Newton (partie 1) ». Bull. Un. Prof.
Phys. Chim., juillet-août-septembre 2010, vol. 104, n° 926, p. 869-876.
[4] BARTHES J. « La pétanque de Newton (partie 2) ». Bull. Un. Prof. Phys. Chim.,
juillet-août-septembre 2010, vol. 104, n° 926, p 877-884.
Julien BARTHES
Enseignant en CPGE
Lycée Gustave Eiffel
Dijon (Côte d’Or)
Pascal LANGLOIS
Technicien
Lycée Gustave Eiffel
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