Indigestion en B2B
Transcription
Indigestion en B2B
AUTO L’AUTOMOBILE PREMIUM Indigestion en B2B Ces dernières années, l’automobile premium a pleinement profité de la croissance économique et de l’optimisme des entrepreneurs. La logique voudrait qu’elle soit aussi la première à essuyer les plâtres de la récession. -16 % pour Volvo, -22% pour BMW, -31% pour Land Rover, -33% pour Mercedes et même -42% pour Saab. Sur un marché automobile belge en recul de 15% au premier trimestre, les marques premium trinquent davantage que les constructeurs «grand public». Seuls Audi et Jaguar parviennent à garder la tête hors de l’eau et affichent même des progressions respectives de 7 et 18% à la faveur du renouvellement récent de leur modèle phare. Mais les hasards heureux du calendrier et les actions commerciales bien senties permettent juste d’atténuer les conséquences d’une dépendance importante des marques premium à la bonne santé des entreprises. Car si près d’une voiture neuve sur deux était, l’an dernier encore, immatriculée à leur nom, certains importateurs réalisaient 60, 70 voire 80% de leur chiffre en fleet. Aussi, faut-il s’étonner de ce que la morosité du marché B2B affecte aujourd’hui davantage leurs ventes que celles de leurs concurrents ? L’attrait des marques de prestige ne semble pourtant pas en cause. De tous les loueurs que nous avons contactés, il n’en est pas un qui pointe le désenchantement des fleet-owners à l’égard des modèles les plus convoités par leurs conducteurs. Mais le spectre d’une crise économique à rallonge et la conjonction d’un certain nombre d’éléments à priori peu favorables à l’adoption de véhicules haut de gamme retiennent l’attention des responsables d’Achats. La chasse au CO2 Au nombre de ces éléments, l’instauration d’une fiscalité peu complaisante pour les modèles les plus voraces. Même si ce n’est plus tout à fait nouveau, le mouvement d’exclusion des SUV et des motorisations les plus polluantes se poursuit dans les car policies. Les spécialistes allemands, japonais mais aussi scandinaves ont fort heureusement anticipé le mouvement L’application d’une fiscalité automobile différenciée selon le statut professionnel du conducteur permet de relativiser l’impact de la fiscalité «verte» sur les résultats de ventes des marques «premium». 44 et disposent aujourd’hui de produits alliant agrément et faibles consommations. Avec son label EfficientDynamics, BMW a été le premier à ramener les émissions de ses modèles les plus diffusés au meilleur niveau de concurrentes «grands volumes» pourtant moins fortes en cylindrée. Audi n’a pas tardé à riposter en lançant un tout nouveau 2.0 TDI Common Rail dont une déclinaison TDIe – pour «économique» et «écologique» – susceptible de rencontrer le prescrit environnemental de notre fiscalité automobile appliquée aux entreprises. Toujours de ce côté du Rhin, Mercedes installait récemment sous le capot de ses Classe C et Classe E un quatre cylindres diesel développant jusqu’à 204 ch pour des émissions à moins de 140 g/km ! Pendant ce temps, Lexus poursuit l’hybridation mécanique de ses voitures tandis que Jaguar exploite avec bonheur le filon de la construction légère. Les Suédois ne sont pas en reste… Saab dispose depuis quelques temps déjà d’une technologie diesel éprouvée. Quant à Volvo, il a négocié le virage du downsizing avec brio en proposant une version 1.6 d de ses C30, S40 et V50 et en offrant un 2.0 l diesel à sa S80. Plus récemment, le constructeur lançait une nouvelle gamme DRIVe, du nom de ses versions les plus propres. Discrétion Si la performance environnementale du modèle considéré apparaît déterminante dans le cadre d’une fiscalité fondée sur les émissions de CO2, Daniel Debrouwer, Directeur d’EuroFleet Consult, insiste sur la coexistence de plusieurs systèmes de taxation. «Réputés gros consommateurs de véhicules haut de gamme, les indépendants et ceux qui exercent une profession libérale déduisent leur voiture à 75% quel que soit son taux d’émissions. Ils ne sont en outre redevables d’aucune cotisation CO2. Ceci est également valable pour les gérants de société, néanmoins concernés par les règles de déductibilité fiscale variable.» L’application d’une fiscalité automobile différenciée selon le statut professionnel du conducteur permet ainsi de relativiser l’impact de la fiscalité «verte» sur les résultats de ventes des marques «premium». Il n’empêche qu’en ces temps de vaches maigres, certains considèrent qu’il est plus que jamais de bon ton d’éviter l’ostentatoire et les démonstrations d’aisance financière. Ainsi, bien que peu concernées par les influences environnementales de notre système fiscal et par les contraintes d’une quelconque car policy, les deux catégories précitées pourraient préférer la discrétion du «main stream» automobile aux blasons les plus courus. Victime d’elle-même Et si la faiblesse actuelle de l’automobile haut de gamme résidait essentiellement dans ce qui a toujours fait sa force : ses valeurs résiduelles ? Dans un système tout acquis aux avantages du leasing opérationnel, la bonne cotation des modèles premium a rendu abordable l’attrait qu’ils exercent sur le cadre lambda. Du coup, les Audi A4, BMW Série 3 et autre Volvo V50 ont commencé à proliférer au sein des parcs. Avec le risque de provoquer tôt ou tard une saturation du marché de l’occasion pour ce type de véhicules. Aujourd’hui, la crise a fait son œuvre et l’offre est désormais supérieure à la demande sur les canaux traditionnels de revente. Ce mouvement est encore accentué par l’érosion des couches sociales privilégiées dans les anciens pays du bloc soviétique, tout disposés, jusqu’il y a peu, à absorber nos surplus haut de gamme . «L’important volume de modèles premium sur la marché conjugué à la baisse de la demande pour ce type de véhicules nous a obligés à revoir à la baisse leurs valeurs résiduelles», constate Stéphane Verwilghen, Managing Director d’Arval Belgium, avant d’ajouter que «la valeur de ces véhicules a été davantage affectée que celle des modèles grand public». Ainsi, l’automobile de standing serait aujourd’hui victime de son succès. Moins bien cotée à la revente, elle devient moins compétitive avec des mensualités logiquement revues à la hausse. Une augmentation qui écarte même certains modèles des limites budgétaires définies initialement par les entreprises. Chez KBC Autolease, on Fleet&Business I 172 I MAI-JUIN 2009 I L’attrait des marques de prestige ne semble pas en cause. 45 AUTO L’AUTOMOBILE PREMIUM DU PREMIUM À PRIX D’AMI La Lexus GS 450h est une des marques premium où le luxe est désormais associé à la robustesse. Elles s’appellent Audi A3 1.9 TDIe, Audi A4 et A6 2.0 TDIe, BMW 116d, 318d et 520d, Mercedes C 200 CDI BlueEfficiency et E 220 CDI BlueEfficiency, MINI Cooper D, Lexus GS 450h, Volvo C30, S40 et V50 1.6D DRIVe. Elles, ce sont les meilleurs arguments des marques premium à l’heure où les consommations et les émissions de CO2 dictent leur loi dans les shopping lists… D’autres devraient encore nous arriver prochainement. LA BONNE VOITURE AU BON MOMENT On ne saurait ignorer l’importance du cycle de vie de certains modèles à l’heure d’évaluer la performance commerciale d’un importateur. On peut ainsi supposer que la commercialisation, dans le courant 2008, de l’A4 Avant, du facelift de l’A6, du Q5 et de la XF participe pour beaucoup aux excellents résultats enregistrés par Audi et Jaguar ces trois derniers mois, ramenés à ceux du premier trimestre 2008. A cette époque, BMW profitait de sa stratégie EfficientDynamics et Mercedes lançait sa Classe C avec succès… La réussite du lancement de la Jaguar XF a eu un impact positif sur les résultats de vente de la marque. entend toutefois nuancer : «Certains clients ont retiré quelques modèles premium de leur shopping lists. Mais ce mouvement est fort limité et souvent lié aux impératifs fiscaux relatifs à l’émission de CO2», insiste Nancy Swings, Marketing Assistant. Fleet&Business I 172 I MAI-JUIN 2009 I Jouer les prolongations 46 Confrontés à la plus grande difficulté d’écouler ce type de véhicules en fin de contrats, les loueurs pourraient être tentés de prolonger la durée de ceux-ci. Les mensualités supplémentaires ainsi engrangées permettraient de réduire le différentiel entre la valeur de revente estimée et celle réellement perçue. Et après tout, qui sait ? Une embellie sur le marché de l’occasion n’est peut-être pas à exclure. Sous doute soucieux de privilégier le rapport de confiance avec leurs clients à l’intérêt économique immédiat, nos interlocuteurs réfutent le bien fondé de cette stratégie. Manager Field Sales chez ING Car Lease, Marc Vandenbergh insiste : «La prolongation de contrat s’applique les plus souvent à la flotte dans son ensemble et pas de manière différenciée selon le modèle considéré.» Question d’équité, sans doute, vis-à-vis des conducteurs. Et demain ? On ne peut le nier… l’automobile premium souffre d’une – relative – désaffection conjoncturelle du B2B à son égard. Elle n’en reste pas moins l’alliée de toutes les entreprises désireuses d’attirer et de fidéliser les éléments les plus compétents à moindre frais. Les développements technologiques récents ont montré à quel point les spécialistes du haut de gamme avaient intégré l’importance du coût à l’usage dans la conception de leurs modèles et des mécaniques qui les animent. Il leur reste à poursuivre dans cette voie en réinvestissant des marges réputées plus confortables qu’à la concurrence dans des technologies susceptibles de maintenir leurs produits à l’avant-garde du combat environnemental. En attendant, il leur faudra sans doute réapprendre à écouler leur voiture une à une, encourager leurs partenaires à diversifier leur portefeuille sur une même marque, faire preuve de créativité commerciale par le biais d’actions ponctuelles et tirer les leçons d’une dépendance peut-être devenue trop grande au maintien d’une fiscalité sur le travail que d’aucuns qualifient d’inepte. Alain VANDERSANDE