Quel avenir pour les fonds offshore?

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Quel avenir pour les fonds offshore?
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Sous la loupe
JouRnée Des bAnquIeRs 2011
Quel avenir pour
les fonds offshore?
Les acteurs suisses se distancient des fonds offshore. Les raisons en sont multiples,
notamment la réglementation et la fiscalité, mais aussi la méfiance.
L
Jean-Yves
De Both
Avocat,
Schellenberg
Wittmer,
Genève, Zurich
@ [email protected]
es juridictions offshore telles que les Iles
Caïmans, les Iles Vierges britanniques ou
Jersey se sont depuis longtemps démarquées comme des centres de création de
fonds, en particulier dans le domaine de la gestion
alternative. elles présentent la caractéristique
commune de permettre la création, dans des délais
relativement brefs, de fonds dont les types, stratégies et limitations d’investissement ne sont que
peu, voire pas du tout réglementées. outre la création du fonds lui-même, ces juridictions favorisent
également celle, facilitée, de sociétés de gestion locales qui, sans toujours y être obligatoires, assurent une bonne ségrégation des risques pour les
promoteurs et animateurs de ces fonds. en principe, ces sociétés de gestion ne sont pas soumises
à surveillance prudentielle et requièrent, dans les
faits, peu de substance locale.
Depuis des décennies, le marché suisse a eu recours aux fonds offshore dans les limites, jusque là
assez larges, des règles helvétiques sur le placement privé. souvent, ces fonds ont ainsi été créés
comme produits destinés à des investisseurs institutionnels, ou en vue de placement dans les portefeuilles de clients gérés. Ces fonds ont aussi eu
beaucoup d’intérêt pour les gérants de fortune indépendants souhaitant créer leur propre produit.
Face à cette utilisation, on sent toutefois, depuis
un certain temps, une baisse d’intérêt et d’attractivité des fonds offshore. Les raisons en sont multiples, et il s’agit probablement d’une tendance
irréversible.
Méfiance des institutionnels
La crise des hedge funds et la fraude de bernard L.
madoff ont mis en évidence les faiblesses juridiques
et réglementaires des fonds offshore. en l’absence
de réglementation et à teneur de certains prospectus
minimalistes proposés sur le marché, des gestionnaires et administrateurs pouvaient jouir d’une très
(voire trop) grande discrétion dans les stratégies
d’investissement, avec peu de transparence et de
contrôle pour l’investisseur. La fraude de madoff a
aussi été associée aux faiblesses structurelles des
fonds offshore, et ce même si l’un de ses feeder funds
était un fonds uCIts. Il est considéré que l’absence
de surveillance et de prescriptions ont permis, ou à
tout le moins facilité, le cumul des rôles de gestionnaire et de (de facto) dépositaire, permettant ainsi la
mise en place d’un ponzi scheme.
C’est aussi en réponse à cette méfiance que l’on voit
aujourd’hui la gestion alternative essayer de se
structurer, dans les limites réglementaires possibles,
sous forme de fonds uCIts.
Pression fiscale
que ce soit au niveau des institutions financières ou
des clients finaux, la modification de l’environnement fiscal joue également un certain rôle. on pense
d’abord à la pression fiscale exercée dans le cadre
de l’oCDe. Devant ces remous politiques, et malgré
la signature de conventions de double imposition
par de nombreuses juridictions offshore, certains
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groupes essayent de se distancer de ces juridictions,
que cela soit en termes de création de fonds, de
constitution de sociétés de gestion, ou même à titre
d’investisseur.
Avec l’accroissement de clients «fiscalisés», il
convient aussi de prendre en compte que certaines
juridictions européennes peuvent prévoir des
régimes fiscaux spéciaux pour les parts de fonds
offshore. Par exemple, en espagne, un certain pourcentage de rendement théorique peut être ajouté à
la valeur nette d’inventaire pour le calcul de l’impôt
sur le revenu du titulaire de parts.
ler dans ces juridictions offshore qui sera réduit. Il
en ira prochainement de même pour le marché
suisse. en réponse à l’AIFmD et selon le projet de
modification de la LPCC, mis en consultation
jusqu’au mois d’octobre prochain, les gestionnaires
suisses de fonds offshore seront soumis de manière
obligatoire à une surveillance prudentielle. toujours
selon ce projet, le champ du placement privé va également se réduire (par exemple exclusion des clients
gérés).
AIFMD et LPCC
si les fonds offshore ne semblent a priori pas être
une espèce en voie d’extinction, leur marché se rétrécit. Les juridictions offshore devraient conserver
un intérêt pour des fonds fermés ou pour certains investisseurs, au moyen-orient ou en Asie par exemple. en dehors de sa prédominance pour les fonds
uCIts, on constate ainsi une concurrence grandissante du Luxembourg pour les fonds non-uCIts,
ainsi qu’un développement de malte. Ces juridictions européennes développent des produits très
flexibles et soumis à des exigences réglementaires,
certes européennes, mais quand même plus limitées
que les fonds uCIts. n
L’entrée en vigueur au mois de juillet 2011 de la directive sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs, plus connue sous l’acronyme
AIFmD, va dans le même sens. L’AIFmD vise l’activité de gestion et celle de commercialisation de
fonds alternatifs (définis comme tous fonds qui ne
sont pas soumis à la directive communautaire
uCIts) à des investisseurs professionnels de l’union
européenne. Dès 2013, si un promoteur ou gestionnaire suisse souhaite commercialiser des fonds offshore à des investisseurs dans l’union européenne, il
pourra en théorie utiliser des fonds offshore, mais le
gestionnaire du fonds et, le cas échéant, le délégataire de la gestion du portefeuille devront être établis
et réglementés en europe. s’ils sont établis ailleurs,
ils seront soumis à une surveillance prudentielle locale, jugée équivalente. A cet égard, il reviendra à
l’union européenne de décider si elle juge la surveillance locale équivalente, pré-requis essentiel pour
une distribution en europe.
Le schéma classique d’une société de gestion offshore, à moindre coût et sans grande substance, ne
pourra dès lors plus être combiné avec des fonds
offshore pour la distribution à des européens. Partant, sans cette gestion locale, c’est tout l’attrait d’al-
L’avenir
Focus
Règles de placement privé
en Europe
A l’échéance d’un délai de transition de deux ans,
soit en juillet 2013, l’AIFmD limitera la commercialisation de fonds offshore dans l’union européenne.
mais qu’entend-t-on par commercialisation dans
l’union européenne? A priori, l’AIFmD ne s’appliquera pas aux investissements effectués de leur
propre initiative par des investisseurs de l’union
européenne, sans qu’ils aient été sollicités d’une
quelconque manière. Pour le reste, toute offre de
fonds, que cela soit sous forme de distribution au
public ou par voie de placement privé, sera considérée comme une commercialisation au sens de
l’AImFD.
Pendant une période transitoire, en tout cas
jusqu’en 2018, les régimes de placement privé des
etats membres pourront être utilisés par des gestionnaires hors union européenne, pour autant que
certaines règles de la directive soient respectées
(publication d’un rapport annuel; le fonds et le gestionnaire ne sont pas situés dans des juridictions
figurant sur la liste noire du gAFI, et il existe un
accord de coopération entre régulateurs concernés). Cela étant, les règles de placement varient
largement selon les etats membres de l’union européenne. L’on sait, par exemple, que le Royaumeuni, les Pays-bas ou l’Autriche permettent que des
fonds offshore soient proposés par voie de placement privé. D’autres juridictions, telles l’Italie ou la
France, sont par contre beaucoup plus restrictives.
BANQUE&FINANCE N°111 SEPTEMBRE/OCTOBRE 2011
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