Quel avenir pour les fonds offshore?
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Quel avenir pour les fonds offshore?
Maquette BF 111_BF Rubrique edito 26.08.11 09:21 Page34 34 Sous la loupe JouRnée Des bAnquIeRs 2011 Quel avenir pour les fonds offshore? Les acteurs suisses se distancient des fonds offshore. Les raisons en sont multiples, notamment la réglementation et la fiscalité, mais aussi la méfiance. L Jean-Yves De Both Avocat, Schellenberg Wittmer, Genève, Zurich @ [email protected] es juridictions offshore telles que les Iles Caïmans, les Iles Vierges britanniques ou Jersey se sont depuis longtemps démarquées comme des centres de création de fonds, en particulier dans le domaine de la gestion alternative. elles présentent la caractéristique commune de permettre la création, dans des délais relativement brefs, de fonds dont les types, stratégies et limitations d’investissement ne sont que peu, voire pas du tout réglementées. outre la création du fonds lui-même, ces juridictions favorisent également celle, facilitée, de sociétés de gestion locales qui, sans toujours y être obligatoires, assurent une bonne ségrégation des risques pour les promoteurs et animateurs de ces fonds. en principe, ces sociétés de gestion ne sont pas soumises à surveillance prudentielle et requièrent, dans les faits, peu de substance locale. Depuis des décennies, le marché suisse a eu recours aux fonds offshore dans les limites, jusque là assez larges, des règles helvétiques sur le placement privé. souvent, ces fonds ont ainsi été créés comme produits destinés à des investisseurs institutionnels, ou en vue de placement dans les portefeuilles de clients gérés. Ces fonds ont aussi eu beaucoup d’intérêt pour les gérants de fortune indépendants souhaitant créer leur propre produit. Face à cette utilisation, on sent toutefois, depuis un certain temps, une baisse d’intérêt et d’attractivité des fonds offshore. Les raisons en sont multiples, et il s’agit probablement d’une tendance irréversible. Méfiance des institutionnels La crise des hedge funds et la fraude de bernard L. madoff ont mis en évidence les faiblesses juridiques et réglementaires des fonds offshore. en l’absence de réglementation et à teneur de certains prospectus minimalistes proposés sur le marché, des gestionnaires et administrateurs pouvaient jouir d’une très (voire trop) grande discrétion dans les stratégies d’investissement, avec peu de transparence et de contrôle pour l’investisseur. La fraude de madoff a aussi été associée aux faiblesses structurelles des fonds offshore, et ce même si l’un de ses feeder funds était un fonds uCIts. Il est considéré que l’absence de surveillance et de prescriptions ont permis, ou à tout le moins facilité, le cumul des rôles de gestionnaire et de (de facto) dépositaire, permettant ainsi la mise en place d’un ponzi scheme. C’est aussi en réponse à cette méfiance que l’on voit aujourd’hui la gestion alternative essayer de se structurer, dans les limites réglementaires possibles, sous forme de fonds uCIts. Pression fiscale que ce soit au niveau des institutions financières ou des clients finaux, la modification de l’environnement fiscal joue également un certain rôle. on pense d’abord à la pression fiscale exercée dans le cadre de l’oCDe. Devant ces remous politiques, et malgré la signature de conventions de double imposition par de nombreuses juridictions offshore, certains Maquette BF 111_BF Rubrique edito 26.08.11 09:21 Page35 groupes essayent de se distancer de ces juridictions, que cela soit en termes de création de fonds, de constitution de sociétés de gestion, ou même à titre d’investisseur. Avec l’accroissement de clients «fiscalisés», il convient aussi de prendre en compte que certaines juridictions européennes peuvent prévoir des régimes fiscaux spéciaux pour les parts de fonds offshore. Par exemple, en espagne, un certain pourcentage de rendement théorique peut être ajouté à la valeur nette d’inventaire pour le calcul de l’impôt sur le revenu du titulaire de parts. ler dans ces juridictions offshore qui sera réduit. Il en ira prochainement de même pour le marché suisse. en réponse à l’AIFmD et selon le projet de modification de la LPCC, mis en consultation jusqu’au mois d’octobre prochain, les gestionnaires suisses de fonds offshore seront soumis de manière obligatoire à une surveillance prudentielle. toujours selon ce projet, le champ du placement privé va également se réduire (par exemple exclusion des clients gérés). AIFMD et LPCC si les fonds offshore ne semblent a priori pas être une espèce en voie d’extinction, leur marché se rétrécit. Les juridictions offshore devraient conserver un intérêt pour des fonds fermés ou pour certains investisseurs, au moyen-orient ou en Asie par exemple. en dehors de sa prédominance pour les fonds uCIts, on constate ainsi une concurrence grandissante du Luxembourg pour les fonds non-uCIts, ainsi qu’un développement de malte. Ces juridictions européennes développent des produits très flexibles et soumis à des exigences réglementaires, certes européennes, mais quand même plus limitées que les fonds uCIts. n L’entrée en vigueur au mois de juillet 2011 de la directive sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs, plus connue sous l’acronyme AIFmD, va dans le même sens. L’AIFmD vise l’activité de gestion et celle de commercialisation de fonds alternatifs (définis comme tous fonds qui ne sont pas soumis à la directive communautaire uCIts) à des investisseurs professionnels de l’union européenne. Dès 2013, si un promoteur ou gestionnaire suisse souhaite commercialiser des fonds offshore à des investisseurs dans l’union européenne, il pourra en théorie utiliser des fonds offshore, mais le gestionnaire du fonds et, le cas échéant, le délégataire de la gestion du portefeuille devront être établis et réglementés en europe. s’ils sont établis ailleurs, ils seront soumis à une surveillance prudentielle locale, jugée équivalente. A cet égard, il reviendra à l’union européenne de décider si elle juge la surveillance locale équivalente, pré-requis essentiel pour une distribution en europe. Le schéma classique d’une société de gestion offshore, à moindre coût et sans grande substance, ne pourra dès lors plus être combiné avec des fonds offshore pour la distribution à des européens. Partant, sans cette gestion locale, c’est tout l’attrait d’al- L’avenir Focus Règles de placement privé en Europe A l’échéance d’un délai de transition de deux ans, soit en juillet 2013, l’AIFmD limitera la commercialisation de fonds offshore dans l’union européenne. mais qu’entend-t-on par commercialisation dans l’union européenne? A priori, l’AIFmD ne s’appliquera pas aux investissements effectués de leur propre initiative par des investisseurs de l’union européenne, sans qu’ils aient été sollicités d’une quelconque manière. Pour le reste, toute offre de fonds, que cela soit sous forme de distribution au public ou par voie de placement privé, sera considérée comme une commercialisation au sens de l’AImFD. Pendant une période transitoire, en tout cas jusqu’en 2018, les régimes de placement privé des etats membres pourront être utilisés par des gestionnaires hors union européenne, pour autant que certaines règles de la directive soient respectées (publication d’un rapport annuel; le fonds et le gestionnaire ne sont pas situés dans des juridictions figurant sur la liste noire du gAFI, et il existe un accord de coopération entre régulateurs concernés). Cela étant, les règles de placement varient largement selon les etats membres de l’union européenne. L’on sait, par exemple, que le Royaumeuni, les Pays-bas ou l’Autriche permettent que des fonds offshore soient proposés par voie de placement privé. D’autres juridictions, telles l’Italie ou la France, sont par contre beaucoup plus restrictives. BANQUE&FINANCE N°111 SEPTEMBRE/OCTOBRE 2011 JouRnée Des bAnquIeRs 2011 35 Sous la loupe