SECONDE ÉPREUVE ORALE D`ADMISSION SUJET n° 1

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SECONDE ÉPREUVE ORALE D`ADMISSION SUJET n° 1
SECONDE ÉPREUVE ORALE D’ADMISSION
Temps de préparation : 3 heures pour les deux parties de l’épreuve
Durée de l’épreuve : 1 heure
Première partie : préparation d’une séquence d’enseignement en français
Déroulement de cette première partie notée sur 12 points
1 – Exposé du candidat (20 minutes)
2 – Entretien avec le jury (20 minutes)
SUJET n° 1
Domaine : Découvrir l’écrit, se familiariser avec l’écrit
Niveau : Maternelle, Grande section
Documents :
Document A : Mireille BRIGAUDIOT, Apprentissages progressifs de l’écrit à l’école
maternelle, Paris, Hachette, 2000 (Extraits : Chapitre 3, pages 134 à 141)
Document B : Anne-Marie CHARTIER, Christiane CLESSE, Jean HEBRARD, Lire écrire
2. Produire des textes, Paris, Hatier, 1998 (Extraits : page 96 à 111)
Consigne :
Dans un exposé de 20 mn, vous présenterez une séquence d’enseignement centrée sur
l’écriture d’une lettre à destination d’un correspondant produite en dictée à l’adulte.
CONCOURS DE RECRUTEMENT DES PROFESSEURS DES ÉCOLES
SECONDE ÉPREUVE ORALE D’ADMISSION – Première partie : français
SUJET N° 1
Session : 2012
Durée de la première partie de l’épreuve : 40 minutes
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DOCUMENT A :
Produire du langage écrit et se construire des représentations sur l’acte d’écrire
Produire du langage écrit : mode d’emploi
- Les apprentissages
La production de langage écrit correspond (…) à deux visées dans le référentiel : la
compétence à pouvoir « parler l’écrit » pour dire quelque chose à quelqu’un d’absent et la
représentation de l’acte d’écrire comme activité de langage particulière, incluant de multiples
procédures. De plus, le recours à la dictée à l’adulte permet la mise en œuvre de l’attitude
métalinguistique qui favorise la découverte de la nature de l’écrit, et qui donne aux enfants les
moyens de comprendre la double caractéristique du langage écrit.
 Les visées d’apprentissage de la production d’écrit
Écrire est une compétence essentielle pour réussir scolairement et socialement, pour devenir
un citoyen libre et sujet de sa vie. Cela nécessite une compétence très complexe, dont
l’apprentissage se poursuit une bonne partie de la vie. Or, il se trouve que les enfants peuvent
en faire une expérience positive dès la maternelle, et prendre l’habitude de recourir facilement
à l’écrit avec l’aide de l’adulte, avant de rencontrer les inhibitions qui gênent tant de jeunes et
d’adultes plus tard (peur d’être jugés sur leur style, leur orthographe, leur méconnaissance des
usages, etc…).
A l’école maternelle on n’en est qu’au début de cette compétence, au moment où l’on doit
montrer aux enfants qu’on peut mettre sur un papier du « langage transportable ». Si cela est
évident pour des adultes alphabétisés que nous sommes, ça ne l’est pas du tout pour les jeunes
enfants. Evidemment, cela demande de mettre en œuvre des capacités nouvelles : avoir à dire
quelque chose à un destinataire absent, prendre son point de vue pour lui apporter tous les
éléments nécessaires, et dans le bon ordre, parler de l’écrit, tracer sur la feuille. La visée
principale qui est posée (…) concerne le changement des manières ordinaires de dire et
l’organisation du discours en texte écrit. C’est le maître qui montrera toutes ces
transformations en parlant ce qu’il écrira, en le reformulant, et en le redonnant en écho au fur
et à mesure de l’écriture.
Les enfants comprendront également cette nature langagière de l’écrit, lorsqu’ils prendront
conscience du pouvoir que donne l’écrit pour agir sur les autres, même s’ils ne sont pas là. Il
suffit de voir leur joie quand ils reçoivent une réponse positive à une demande écrite qu’ils
ont rédigée, pour comprendre que cela peut prendre sens pour eux, dès la première année
d’école maternelle.
 Des apprentissages supplémentaires rendus possibles par la dictée à
l’adulte
En voyant le maître écrire sur un papier ce qu’ils lui ont dicté, les enfants comprennent que
leur langage peut s’écrire. En quelque sorte, c’est un « morceau d’eux » qui va sur le papier.
Ensuite, lorsque le maître relit ce qu’il a écrit, ils retrouvent exactement ce qu’ils ont dit, ils
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retrouvent leur première activité langagière (« ça c’est moi qui l’a dit ! » entend-on souvent
en relisant un texte produit par les enfants). C’est pourquoi la dictée à l’adulte est une des
meilleures situations pour comprendre que l’écrit, c’est du langage, « ça parle ». Mais il y a
plus dans ce moment particulier ; en effet, l’enfant traite simultanément deux informations,
lorsque le maître relit : il traite la sonorité de ses propres énoncés ET perçoit leur
correspondance dans des unités graphiques. C’est ainsi qu’il perçoit des relations entre le
langage (son activité « naturelle » non consciente) et le système de l’écrit. Celui-ci est
également complexe et les enfants iront à sa découverte, s’intéressant peu à peu aux lettres
(leurs formes et leurs valeurs), aux mots, aux signes de ponctuation, aux majuscules, à la
longueur d’un paragraphe.
- Les précautions
Les précautions à prendre sont de deux ordres : d’une part, celles qui relèvent du type
d’activité qu’on demande aux enfants, d’autre part, celles qui concernent leur capacité à entrer
dans cette activité (zone d’apprentissage).
 L’activité de production de langage écrit : définition
Il ne suffit pas d’écrire ce qu’un enfant dit pour être en production d’écrit.
Dans cet ouvrage on considérera que l’enfant est en production de langage écrit, lorsque
les trois conditions suivantes sont réunies :
1. l’enfant a une activité de discours, c’est-à-dire qu’il s’inscrit comme un sujet qui a
quelque chose à dire (il est énonciateur) dans un espace énonciatif (il précise
d’où il parle, pour qu’on le comprenne) ;
2. il a un destinataire « pas là et/ou pas maintenant » ;
3. la production aboutit à un écrit.
Les observations faites en classe, nos essais, nos erreurs aussi, montrent que des embûches
guettent les maîtres ; il faut faire attention :
 Au destinataire : il doit pouvoir réellement lire le texte, sinon on reste dans une
production « à vide », sans enjeu. Exemple : on rédige avec les enfants le journal des
activités de la classe, il reste en classe et pratiquement, ni les parents ni les autres
membres de l’école n’ont l’occasion de le lire ; les enfants ne sachant pas lire, cet écrit
ne prend pas sens pour eux.
 Á l’ancrage énonciatif spatio-temporel, par exemple : un texte renvoyant à un
événement daté doit absolument être lui-même daté. Une lettre d’invitation libellée
« Venez manger la galette des Rois avec nous demain. », sans la date où elle a été
écrite, ni la signature, n’a pas de sens.
 Á l’ancrage énonciatif de l’auteur : on le voit ci-dessus. Le texte doit avoir été
réellement produit par celui qui le signe. Dans tous les autres cas, on s’expose à des
difficultés. Exemple : « Papa, maman, n’oubliez pas d’apporter un sac de bain le 12
mars. Signé : la maîtresse des Moyens ». Ce message n’a pas de sens, car la maîtresse
ne s’adresse pas à ses propres parents !
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 Au degré d’autonomie du texte : plus un texte est autonome (tout est dans les mots, il
n’y a pas besoin d’illustration pour être compris), plus les enfants travaillent le
discours écrit.


De ne pas confondre « écrire une phrase » avec « produire du langage écrit ». Si l’on est
attentif aux trois points précédents, on voit bien qu’il est très rare qu’une phrase suffise pour
qu’un message soit compréhensible.
De ne pas confondre « écrire une suite de phrase-légendes » avec « produire du langage
écrit ». Pour éclairer la différence, nous citons ici deux débuts de récits très comparables par le
thème, mais dont l’un a été dicté par les enfants, en formulant une phrase sous chacun des
dessins qu’ils ont faits (cf. texte 1), tandis que l’autre a été rédigé sans la présence d’aucune
image, tout est construit par le langage (cf. texte 2).
TEXTE 1 :
C’est une histoire dans le château. Il y a deux tours, une porte pour entrer et plein de portes à
l’intérieur. Autour du château il y a de l’herbe et des fleurs.
Il n’y a pas de roi.
Il avait une couronne jaune sur la tête, son habit c’est comme une robe rouge.
Le garçon a une idée…..
TEXTE 2 :
Il était une fois des gens qui étaient tristes parce que dans un château, le roi et la reine étaient morts.
Les gens se disputaient, ils voulaient tous être le roi ou la reine pour vivre dans le château.
Un jour un garçon dit : « J’ai une idée. »

De ne pas confondre « graphier », « copier » et « produire du langage écrit ». Quand
les enfants graphient un texte connu par cœur (comptine ou chanson), ou recopient le
« modèle » d’un message ou d’un texte, ce sont des situations très favorables à la
découverte du système de l’écrit mais ce ne sont pas des situations de production,
puisqu’il n’y a pas formulation d’écrit par les enfants.
- La démarche
Le dispositif didactique 2 (cf. tableau de bord, p.5) est le plus apte à permettre les
apprentissages dans ce domaine, puisque maître et enfants sont dans une même activité, en
coopération, avec chacun leurs savoir-faire respectifs. Ceux-ci relèvent de procédures
cognitives complexes et diverses. Le maître en ayant connaissance, saura les différencier dans
l’organisation de son travail par étapes…
 Les procédures dans la production d’un écrit
L’écriture d’un texte impose à tout scripteur, quelque soit son niveau d’expertise, de mobiliser
beaucoup de procédures différentes. Plus le scripteur est débutant, plus il lui est difficile de
les mener à bien toutes en même temps. Ce qui n’est pas le cas chez l’expert adulte. Nous
avons regroupé en cinq grands ensembles ces procédures, que nous désignerons chacun par le
terme de « procédure » pour simplifier, en sachant bien que chacune de ces procédures en
contient en fait plusieurs.
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A- Écrire, c’est prévoir ; se représenter son destinataire, ce qu’on veut lui dire, et pour quoi faire.
B- Écrire, c’est organiser ce qu’on a à dire : choisir par où commencer, choisir un ordre, décider
comment on va finir.
C- Écrire, c’est énoncer de l’écrit et le retravailler au fur et à mesure qu’on l’écrit, ou après s’être relu.
D- Écrire, c’est inscrire ce texte sur un papier pour le conserver et le rendre séparable de son
producteur.
E- Écrire, c’est éditer, c’est-à-dire faire de la version définitive un texte propre et lisible pour
l’acheminer vers ses lecteurs absents.
Tableau de bord des activités progressives en production d’écrit
Ce qui indique que les
enfants sont prêts
Les activités possibles à
démarrer avec les enfants
Les aides du maître
DISPOSITIF 1
Il parle son activité sur :
- le projet d’écriture et le
destinataire ;
- comment on dit quand on écrit.
Puis, il formule en langage écrit les
propositions orales des enfants.
Il oralise ce qu’il écrit.
Il encourage les enfants à formuler
en langage écrit, pour arriver à ce
qui va s’écrire.
Il parle son activité.
Il encourage les remarques des
enfants sur l’écrit.
Il aide les enfants à tenir leur texte
dans la durée (récapitulations
fréquentes, recours à un canevas,
relectures).
Il laisse les enfants formuler ce qui
s’écrit.
Il rappelle le destinataire absent
qui, lui, ne sait pas.
Il veille à ne pas lâcher l’activité
langagière (c’est pour parler à
quelqu’un d’absent).
Il encourage les remarques méta.
Á leur demande, il permet aux
enfants l’encodage de certains
mots.
Il facilite le recours à des textes
connus par cœur affichés ou à
portée de vue.
Il encourage les recherches, plutôt
que de donner la solution.
Ils sont compris des adultes.
Ils font des annonces de nouvelles.
Ils font des demandes.
Ils répondent oralement aux
demandes de l’adulte.
Ils se tiennent à un thème.
Ils regardent le maître écrire, se
construisant ainsi une
représentation de l’acte d’écrire.
Ils redisent un récit connu
Ils commencent à parler de :
- l’activité d’écriture du maître ;
- ce qu’on dit, ou qu’on ne peut pas
dire quand on écrit.
Ils commencent à dicter.
Ils commencent à énoncer de
l’écrit.
Ils commencent à évoquer :
-le destinataire ;
-l’activité de dictée (l’invention
d’histoires, la formulation).
Ils commencent à établir des
relations entre chaîne sonore et
chaîne écrite qui lui correspond.
Ils savent raconter une histoire.
Ils reconnaissent des mots, savent
en écrire certains, y cherchent des
sons, relient chaîne sonore et
chaîne écrite (un seul de ces
éléments ne suffit pas).
Ils commencent à encoder du
sonore.
Ils parlent leurs procédures
d’encodage (reprise de bouts de
prénoms, repérage d’un mot,
utilisation du nom d’une lettre).
DISPOSITIF 2
Ils participent à la dictée de textes
longs, tenant ainsi la totalité du
contenu en tête tout en énonçant de
l’écrit.
Ils participent à l’encodage de
textes courts (messages).
Ils énoncent tout en travaillant sur
le système de l’écrit.
DISPOSITIF 3
Ils commencent à écrire seuls des
textes courts, c’est-à-dire à être des
producteurs autonomes en langage
écrit.
Mireille BRIGAUDIOT, Apprentissages progressifs de l’écrit à l’école maternelle, Paris,
Hachette, 2000 (Extraits : Chapitre 3, pages 134 à 141)
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Document B :
Le principe de la dictée à l'adulte est donc simple : gérer, en interaction entre adulte et
enfants, la mise en forme d'un texte, en déchargeant l'enfant de tout travail graphique et
graphémique. L'adulte à qui l'on dicte n'est donc ni un magnétophone à plume qui
enregistrerait tout, fidèlement, ni un traducteur simultané qui convertirait magiquement,
comme peut le faire l'écrivain public, un message oral en écrit élaboré. Il est au contraire celui
qui doit rendre explicite le travail d'énonciation, sans donner les solutions. Si le principe est
stable et simple, en revanche, la pratique de la dictée est fortement évolutive puisque l'adulte
peut constamment adapter ses demandes et ses exigences, au fur et à mesure des progrès
constatés. (…)
LES TROIS ETAPES DE LA DICTEE A L'ADULTE
 Dans un premier temps, il s'agit d'apprendre à dicter, individuellement ou
collectivement. (…)

Dans un second temps, il s’agit d’apprendre à rédiger. (…)

Dans un troisième temps, on abordera les problèmes (difficiles) de la composition. (…)
ACQUISITION DES COMPÉTENCES
EVOLUTION DU COMPORTEMENT ET DES MODALITES DE L'ENONCIATION
Dans toute cette partie, la transcription des exercices se présentera comme suit :
-TEXTE EN MAJUSCULES SOULIGNE : écrit et lu en même temps à voix haute par
l’enseignant mot après mot ;
-TEXTE EN MAJUSCULES : écrit silencieusement sous dictée par l’enseignant ;
-texte en minuscules souligné : texte déjà écrit qui est relu à voix haute ;
- texte « entre guillemets » : proposition de l’enfant qui est répétée par l’adulte mais sans être
écrite pour le moment.
REGISTRE D’ORAL ET REGISTRE D’ECRIT
Il ne suffit pas que les enfants prennent conscience qu’on n’écrit pas comme on parle. Il
faut aussi qu’ils deviennent capables de manipuler ces deux registres de la parole, ce que
certains enfants parviennent à faire dès l’école maternelle. Pour donner un exemple de ce vers
quoi tous les enfants doivent tendre, voici le cas limite de Laure. Elle est en CP et, dès le 3
octobre, alors qu’elle ne sait ni lire, ni écrire, elle est parfaitement capable de conduire son
récit dans deux registres, oral et écrit, sans interférence ni confusion. Nous transcrivons le
témoignage de sa maîtresse.
LAURE, 3 OCTOBRE
Adulte : - Qu'est-ce que c'est, cette histoire d'oiseau ?
Laure : - Mon papa, pendant qu'il était en train de laver la cage, par la fenêtre, mon oiseau, il s'est envolé, et après ma mère,
elle a regardé et elle a demandé « qu'est-ce qui se passe ?»[...]
(Elle continue, racontant la disparition de son oiseau qui ne fut pas retrouvé.)
A. :
- D'accord, que veux-tu que j'écrive ?
L. :
- Pendant que mon papa
A.:
- PENDANT QUE MON PAPA
L. :
- lavait la cage
A.:
- LAVAIT LA CAGE
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L. :
- mon... oiseau... s'est... envolé.
(L'adulte écrit silencieusement, au fur et à mesure de sa dictée.)
A. : - MON OISEAU S'EST ENVOLÉ. Tu dictes tellement bien que je n'ai même pas besoin de répéter les mots en écrivant !
(L'adulte continue sous la dictée de Laure.)
L. :
- Ma mère a dit « qu'est-ce qu'il y a ? », « Mon oiseau s'est envolé ! »,
Ma mère a dit : « On va vite le chercher [...]» (Elle dicte sans hésiter, Jusqu'à la chute « Et ils l'ont pas trouvé ».)
Ce cas, évidemment rare en C.P. à cette époque de l'année, montre comment peut
parfaitement exister chez quelqu'un qui ne sait pas lire mais qui a beaucoup fréquenté les
textes (qu'on lui a lus), une compétence à manipuler la langue écrite indépendamment de la
maîtrise du code orthographique. Ce « savoir dire » facilite grandement la compréhension des
lectures en donnant d'emblée sens et efficacité à l'apprentissage du déchiffrage. Comment
parvient-on jusque-là ? Nous avons essayé de repérer la genèse de cette compétence en
repérant les étapes à travers lesquelles elle se construit.
PREMIERE ETAPE : L'ENFANT EST DANS L'ORAL
L'enfant accepte volontiers de « dicter » une histoire, il a quelque chose à dire, s'exprime
souvent (mais pas nécessairement) avec aisance. En revanche, il ne s'occupe que de ce qu'il a
à dire (il sent qu'il ne doit pas se laisser distraire s'il ne veut pas perdre le fil de ses propos) et
ne se sent pas concerné par le travail d'écriture qui se fait à côté de lui : il ne regarde pas
écrire l'enseignant à qui il s'adresse sur le ton de la conversation, il reste dans l'oral, étranger à
l'activité.
Voici un extrait recueilli dans une classe au début octobre avec Didier, qui n'est
absolument pas prêt à apprendre à lire.
DIDIER,
6 OCTOBRE
Didier : - ... après on a goûté quand on est rev(e)nu...
Adulte : - APRÈS
ON A GOÛTÉ
D. : - on est r(e)parti ach(e)ter des courses et on...
A. : - attends ! attends ! tu vas trop vite ! ON EST...
D. : - parti rach(e)ter des courses.
A. : - on est « parti racheter des courses ». C'est çà, qu'il faut écrire ?
(Il n'a pas remarqué que « quand on est revenu » n'a pas été écrit.)
ON EST PARTI RACHETER DES COURSES
D. :
- et pi, on est parti ach(e)ter un blouson à mon papa
(Il parle rapidement, sur le ton de la conversation, sans même regarder la feuille où son histoire s'écrit.)
A. :
- alors, qu'est-ce que j'écris ?
D. :
- on est parti rach(e)ter un blouson à mon papa. [...] Dans cette première étape, on ne parvient pas à obtenir une véritable production
d'écrit. Plutôt que de transformer les propos de l'enfant sans sa participation, l'institutrice a
choisi de les écrire tels quels, en toute connaissance de cause. En fait, dans ce qu'elle répète à
voix haute en l'écrivant, il y a déjà toute une série de modifications ténues que l'enfant perçoit
au moment de la relecture magistrale en fin d'exercice : suppression des hésitations, de
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certains « et puis », de propositions redondantes ou d'apartés. Une des transformations les plus
intéressantes vient de ce que l'adulte qui « répète » fait disparaître les intonations de l'oral.
C'est particulièrement sensible en fin d'exercice quand la relecture finale ôte au texte ses
allures de conversation et lui donne un autre « style ». Les phrases notées sont toujours des
phrases complètes (on sait qu'à l'oral de nombreuses phrases restent inachevées sans que la
communication en soit affectée), avec une ponctuation que l'enfant n'a évidemment pas dictée.
En revanche, l'enseignant a gardé les répétitions, les formules maladroites (eg « racheter des
courses ») dans la mesure où elles ne posent aucun problème de compréhension. Les formes
verbales fautives sont corrigées. Le texte final reste dans le langage oral mais les échanges ont
conduit à des formulations explicites, ce qui est un premier écart par rapport à l'énoncé de
départ.
DEUXIEME ETAPE : L'ENFANT PREND CONSCIENCE DE L'ECRIT
Cette phase existe chez presque tous les enfants et peut décourager l'enseignant qui
pratique l'exercice pour la première fois, car elle peut être ressentie comme une régression.
L'enfant perd l'aisance qu'il a à s'exprimer à l'oral, devient maladroit, s'embrouille, oublie une
partie de ce qu'il veut dire. Ayant découvert les exigences particulières de la tâche, il ne peut
plus s'appuyer sans complexe sur son oral spontané. Cette prise de conscience est le signe
positif qu'il est en train d'évoluer (plus ou moins vite) vers une réelle énonciation écrite. On le
voit se mettre à regarder la main qui écrit, ralentir son débit pour accompagner le rythme de
l'écriture, au moins par intermittence (il va osciller entre des moments d'oral et des moments
où il se soucie de « dicter »). Son intonation change : il ne s'adresse plus à l'adulte comme à
un interlocuteur avec qui on discute ou à qui l'on raconte mais comme à un intermédiaire entre
lui et le papier.
C'est ce que nous voyons se produire à la mi-octobre pour Roland qui s'exprime
habituellement avec facilité :
ROLAND, 16 OCTOBRE
(Il veut dicter un texte à propos d'une fête aérienne à laquelle il a assisté.)
Adulte : - Alors nous écrivons tout ce que tu veux que j'écrive là-dessus. Vas-y.
Roland : - L'avait un avion qu'était... qui restait... qui démarrait pas, qui restait...
A. :
- Tu crois que je peux écrire tout ça, comme ça ? Il faut que tu me dictes plus lentement. Qu'est-ce que tu vas me
dire ?
R. :
- Il y avait un avion... [...]
(Suit un moment où il dicte, puis il passe à nouveau dans l'oral.)
R. :
-... et des avions qui nous..., qui faisaient... (gestes)
,A. :
- Tu crois que j'ai eu le temps d'écrire tout ça ? Alors, qu'est-ce qu'il faut que j'écrive ? ET...
R. :
- des avions en... (il dicte)
A.: - et DES AVIONS EN...
R. : -volant faisaient des démonstrations
A. : -VOLANT / elle est belle ta phrase/ FAISAIENT DES / tu vois il faut aller lentement pour que je puisse écrire/
DEMONSTRATIONS
R. : - et aussi les parachutistes, quand ils sautaient il y avait de la fumée… (il est à nouveau passé dans l’oral)
A. : - Alors qu’est-ce que j’écris ?
R. : -Et les parachutistes
A. : - ET LES PARACHUTISTES
R : -quand ils sautaient…
A. : -QUAND ILS SAUTAIENT
R. : - ils avaient … de la fumée… de… couleur (il dicte lentement)
A. : -ILS AVAIENT DE LA FUMEE DE COULEUR
R. : -aussi quand on est allé voir les parachutistes en train de sauter, y avait des avions et des hélicoptères qui passaient
au dessus de
nous…
(De nouveau, il a oublié la situation de dictée et raconte avec aisance et enthousiasme, comme il en a l’habitude.)
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TROISIEME ETAPE : L’ENFANT DICTE
Dans cette étape, l’enfant s’installe dans le registre de l’écrit de façon consciente : il est
entré dans la production d’écrit. Au delà de cette étape, il lui faudra encore apprendre les
subtilités et les exigences des différents types de textes. La dictée collective, qui aboutit à des
textes plus complexes du seul fait qu'ils sont plus longs, permet d'emblée de prendre
conscience du processus rédactionnel, mais les enfants continueront à travailler cette
compétence pendant toute leur scolarité pour parvenir à des productions autonomes. Au cours
préparatoire, les objectifs sont beaucoup plus modestes. Progressivement, au fur et à mesure
qu'ils différencient plus nettement raconter et dicter, les enfants se mettent à segmenter la
phrase d'une façon qu'ils n'emploient jamais à l'oral. Dans un premier temps, ils dictent par
groupes de mots (qui sont des unités de sens) parce qu'il s'agit pour eux des unités
élémentaires. Il faut donc les féliciter quand, passant au découpage inférieur, ils commencent
à dicter mot après mot. C'est le signe qu'ils prennent conscience qu'un texte est composé
d'unités lexicales. Ils se le représentent comme une suite de mots isolables, c'est-à-dire comme
du langage « écrit ». (…)
INTERVENTIONS
DE L’ADULTE
On peut dresser la liste des interventions qui reviennent le plus souvent au cours de
l'activité, que ce soit en dictée individuelle ou en dictée collective. L'adulte joue trois rôles : il
est à la fois le scribe (il tient la plume et relit autant de fois que l'auteur en a besoin pour
continuer), le premier récepteur du texte (il occupe la position du futur lecteur et peut donc
faire des remarques en son nom) et, surtout, à cette première phase de la découverte, il est un
soutien permanent de l'effort langagier de l'enfant. Il doit manifester ces positions de façon
perceptible, pour que l'enfant mesure les implications d'une consigne (« dicte-moi... ») dont il
ne sait au départ ni vers quoi elle l'engage ni ce qu'elle signifie (même s'il croit savoir).
L'adulte à qui l'enfant « dicte » doit donc :
-
dire ce qu'il écrit, mot après mot ;
demander à l'enfant de ralentir son débit ;
demander des explications, des éclaircissements sur le contenu ;
s'étonner, répéter sans écrire, manifester son embarras devant la forme de l'énonciation ;
proposer certaines corrections ;
relire.
Anne-Marie Chartier, Christiane Clesse, Jean Hébrard, Lire écrire 2. Produire des textes, Paris, Hatier,
1998, extraits, p.96-111)
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