Découvrez l`interview - Golfe de Saint

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Découvrez l`interview - Golfe de Saint
ENQUÊTE
NOUVEAUX ENJEUX DE LA PHOTOGRAPHIE TOURISTIQUE
Point de “vues”
du golfe
de Saint-Tropez
Golfe de Saint-Tropez Tourisme(1) a mis les réseaux
sociaux au cœur de sa stratégie. Chaque jour, il y
publie une photo ou une vidéo (accompagnée d’un
commentaire). Une telle stratégie, très gourmande
en iconographie, l’a obligé à modifier sa politique de
constitution d’une banque d’images : ces dernières
sont “autoproduites” par les membres de l’équipe !
Ce qui a pour triple avantage de valoriser la sensibilité et la connaissance du terrain de ces derniers, de
réduire les coûts d’acquisition et de simplifier la gestion des droits.
Interview de
EMMANUEL BERTRAND
Directeur de Golfe de Saint-Tropez Tourisme
[[email protected]]
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EMMANUEL BERTRAND
Quels sont vos choix de présence
sur les réseaux sociaux ?
On ne peut pas être partout. Nous privilégions huit réseaux que nous considérons
comme incontournables : Facebook, Youtube,
Google+, Twitter, Instagram, Pinterest, Viadeo,
Linkedin… Sur ces réseaux, nous produisons
au minimum un reportage par jour, sept jours
sur sept. Cela fait donc neuf reportages par
jour, neuf sujets différents et, si possible, sur
neuf communes différentes de notre territoire.
Chaque sujet est défini en fonction d’un objectif, d’une cible, de l’actualité... et contient évidemment un visuel (photo ou vidéo). Cela
exige donc d’avoir en permanence un stock
suffisant d’images couvrant toutes les communes et tous les thèmes pour pouvoir
construire le sujet en amont.
La présence sur les réseaux sociaux est un de
nos axes stratégiques forts, qui occupe trois à
quatre personnes sur les neuf qui composent
l’équipe : un webmaster à temps plein sur les
sites internet, une personne sur l’iconographie
(photo et vidéo : pour les prises de vue, mais
aussi pour le travail minimal de retouche et
l’indexation) et deux personnes pour l’écriture
des messages.
Sur les réseaux sociaux, nous visons surtout
un bon taux d’engagement (nombre de “like”,
de partages ou de commentaires). Et souvent,
ce sont les images qui poussent à réagir. Dans
l’iconographie, le maître mot est la qualité des
images (fixes ou animées) : pour sortir du lot,
il faut de très belles images, “différenciantes”,
engageantes.
Quels sont vos résultats
sur Facebook ?
Notre page Facebook principale (“Golfe de
Saint-Tropez Tourisme”), vitrine de la destination, compte plus de 40 000 fans après trois
ans de présence sur ce réseau incontournable.
Un bon sujet y obtient 15 000 “vus” dans la
journée et a entre 800 et 1 300 “j’aime” ; un
très bon sujet a 25 000 “vus” et 1 600 “j’aime” ;
nos meilleurs sujets atteignent plus de 50 000
“vus” et 2 500 “j’aime” – ce qui arrive plu-
sieurs fois par an. En 2013, la page a compté
au total 5 300 000 “vus” et 600 000 interactions (“j’aime”, partage ou commentaires). Le
taux d’engagement de la page se situe entre
9 % et 20 %, celui de chaque message est en
moyenne de 12 % à 14 %, ce qui est un très
bon score.
Notre deuxième page sur Facebook, “My
Golfe de Saint-Tropez”, est plus récente.
Rédigée en français et en anglais, elle vise une
cible plus jeune et branchée et ne compte
encore que 7 000 fans. Elle fera l’objet d’un
développement en 2015.
Comment s’est construit
votre stock d’images ?
Compte tenu de notre stratégie de publication sur les réseaux sociaux, nous avons
besoin d’environ 40 000 images disponibles,
un nombre considérable, surtout si on le compare à la situation dans un passé récent. Il y
a vingt ans, on commandait trois cents photos à un photographe professionnel pour illustrer nos cinq brochures annuelles ; dix ans
plus tard, avec l’arrivée d’internet, il nous
fallait mille photos pour alimenter notre site.
Pour faire face à ce besoin d’images en
nombre, nous avons donc été contraints de
les produire en interne pour la majeure partie. Je me suis donc moi-même mis à la photo
il y a quinze ans, par obligation – c’est devenu
une vraie passion et je prends cinq cents photos par semaine ! Du coup, quand il a fallu
être présent sur les réseaux sociaux, nous
avons eu la chance d’avoir ce stock déjà
construit, ce qui nous a permis d’aller vite,
sans payer le prix fort. Notre cas de figure
est plutôt atypique, mais je pense que cela
devient une obligation pour les structures de
promotion touristique de produire ellesmêmes des images. Et cela parce que le
recours à des photos de professionnels est
coûteux, mais aussi parce que leurs droits
d’exploitation sont toujours restreints (durée,
utilisation, support). Or, sur les réseaux
sociaux, comme les photos sont partagées et
que Facebook ne prévoit rien en matière de
(1) Golfe de Saint-Tropez
Tourisme est l’agence de
promotion du golfe de SaintTropez : Saint-Tropez,
Sainte-Maxime, Ramatuelle,
Grimaud, Cogolin, La CroixValmer, La Garde-Freinet,
La Mole, Gassin, Le Plan-dela-Tour, Rayol-Canadel,
Cavalaire-sur-Mer. Cette
structure est présidée par
Alain Benedetto, maire de
Grimaud et vice-président
de la communauté de
communes Golfe de SaintTropez.
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copyright, l’usage de photos achetées à un
professionnel est rendu compliqué.
L’image, on la retrouve encore
dans votre magazine “papier”,
Mythique.
Y a-t-il une spécificité
de la vidéo ?
La création de notre chaîne Youtube est plus
récente (moins d’un an) mais nous comptons
déjà 110 vidéos et 122 000 “vus”. Nous adoptons à peu près la même stratégie que pour les
photos. 60 % de nos vidéos sont réalisées en
interne et répondent à des critères exigeants :
courtes (moins de 2 min 30), en format clip, de
grande qualité. Nous en filmons nous-mêmes
et avons pour cela acquis du matériel professionnel. Par ailleurs, nous avons un partenariat
avec Guillaume Voiturier, photographe professionnel qui nous propose tous les quinze
jours une vidéo prise avec un drone. En outre,
toutes les trois semaines, nous filmons la préparation d’une recette de cuisine avec une “blogueuse”. Les quelque 40 % restants sont le fruit
du partage de vidéos – à cet effet, nous animons
un réseau d’ambassadeurs de la destination
(professionnels locaux, simples vacanciers…).
Au total, nous n’avons pas dépensé plus de
8 000 euros pour avoir toutes ces vidéos.
Nous sommes convaincus que les éditions
papier ont toujours un rôle important dans la
promotion d’une destination comme la nôtre,
non plus en séduction mais en fidélisation et
enrichissement du contenu, une fois le vacancier sur place. De ce fait, nous publions moins
de brochures que dans le passé, mais des brochures plus élaborées, avec plus de contenu et
de très belles images. Depuis deux ans, nous
éditons Mythique, un magazine de 132 pages
en quadri sur papier glacé, en français et en
anglais (tirage : 35 000 exemplaires par an).
Notre objectif est de montrer la diversité et la
quantité des activités à faire sur place pour
faire rester les vacanciers plus longtemps. Nous
savons aussi que la brochure sera rapportée à
la maison après le séjour, et qu’elle sera lue
dans l’année par cinq à sept personnes. Dans
ce magazine, tout est réalisé en interne (textes
et photos) ; chaque exemplaire nous revient à
1,30 euro, ce qui est très faible.
Qu’est-ce pour vous
qu’une bonne image ?
Une belle image postée
chaque jour sur les réseaux
sociaux suffirait donc à faire
venir des visiteurs ?
Non, bien sûr, l’image ne suffit pas. Elle doit
être associée à un texte. Nous produisons un
texte court, en langage parlé mais soigné, qui
raconte une histoire. Celui-ci est agrémenté de
“smileys” et de “hashtags”. Nous avons également une stratégie de liens, attachés à chaque
image ou texte. Pour bien faire, il faut plusieurs liens : un lien pratique (une carte...), un
lien pour découvrir et aller plus loin dans la
connaissance de l’offre (portfolio...) et parfois
un lien commercial (produit vendu en ligne).
Ces liens sont en format raccourci et aboutissent vers notre site web. C’est cette triple stratégie – d’image, de storytelling et de liens pertinents – qui donne une véritable efficacité à
notre action sur les réseaux sociaux.
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Pour nous, une bonne image réunit trois critères principaux : elle est de bonne qualité ;
elle est “faite maison” et elle traduit notre passion de la destination. L’usage que nous avons
des réseaux sociaux, c’est un peu la revanche
(amicale) des littéraires, des amoureux du lieu
(photographes, vidéastes…) sur les codeurs et
informaticiens de tout poil ; ces derniers ont
gagné la bataille du tiroir-caisse de la réservation en ligne (Booking, Expedia…), il nous
reste celle du choix de la destination de séjour
par les vacanciers, bien en amont de l’acte de
réservation final. Et là, c’est le coup de cœur de
nos visiteurs virtuels qui fait la différence. À
nous de leur faire partager notre passion réelle
du site, l’image étant le meilleur véhicule de ce
message.
PROPOS RECUEILLIS PAR HERMINE DE SAINT ALBIN