3 Fines_jidv26 - Le Journal International de Victimologie

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3 Fines_jidv26 - Le Journal International de Victimologie
Journal International De Victimologie
International Journal Of Victimology
Tome 9, numéro 2 (2011) Négociation de plaidoyer et crimes financiers: patterns
d’infractions et excuses faites aux victimes
FINES, L.1, [QUÉBEC, CANADA]
Auteur
1
Criminologue, Ph.D. École de criminologie, Université de Montréal, professeur à temps partiel,
Université d'Ottawa
Résumé
Dans cet article, nous examinons les excuses (regrets, remords) qui sont exprimées par les infracteurs
présumés de crimes en col blanc lorsqu’ils font ou pourraient faire l’objet de l’attention des instances de
contrôle, et par voie de conséquence, lorsqu’ils négocient l’issue du litige avec les instances de contrôle. Il
s’agit de comprendre et d’expliquer les liens susceptibles d’exister entre les patterns d’infractions des
acteurs et, par ailleurs, les excuses qu’ils vont clamer publiquement aux différentes étapes du processus
judiciaire et infrajudiciaire. C’est donc la question du sentencing, en matière de crime en col blanc, qui est
revisitée à l’aune de la proposition conceptuelle de Wheeler, Mann et Sarat (1988). Ces derniers faisant
état d’un paradoxe clémence-sévérité lorsque vient le temps de juger, de condamner et de punir les
infracteurs présumés de crimes en col blanc.
Mots-clés
crimes en col blanc, négociation de plaidoyer, excuses, remords, regrets, victimes, patterns d’infractions
Journal International De Victimologie 2011; 9(2) : 333
NEGOCIATIONS DE PLAIDOYER ET CRIMES FINANCIERS
Dans la sphère des crimes en col blanc ,
1
certains crimes peuvent être considérés
comme des « crimes sans victimes ». Ainsi,
concrètement, par exemple, c’est le
système qui est arnaqué dans son
ensemble et non pas des victimes
clairement identifiables. Ou encore, comme
dans le cas de certaines fraudes bancaires2,
chaque victime individuelle n’est touchée
que dans une faible proportion. Par ailleurs,
de nombreux crimes en col blanc génèrent
de très nombreuses victimes dont les
conséquences directes sont financières et
sociales, mais aussi fort dommageables
pour la santé des personnes touchées,
quand il n’y a pas mort d’hommes. De fait,
des groupes de personnes ciblées (les
femmes, les personnes démunies…) et le
public en général sont susceptibles d’être
les
victimes
de
très
nombreuses
organisations, de multiples façons et de
manière répétitive3.
Toutefois, la perspective que des
victimes vont résulter de leurs conduites
organisationnelles ou individuelles ne
constitue pas à tous les coups un facteur
suffisamment important pour restreindre le
passage à l’acte des infracteurs présumés4.
1
Pour une réflexion sur la nature des crimes en col blanc et de leurs conséquences pour les victimes, voir Fines (2010a). 2
Une fraude célèbre : un employé d’une banque soutirait un sou à chaque client, un stratagème qui lui a permis d’accumuler des sommes colossales. Récemment des versions de ces schèmes frauduleux ont été tentées en ligne. 3
Pour une mise en contexte des conséquences des crimes en col blanc et des conséquences pour les victimes, voir Croall (2010) ; McGurrin et Friedriechs (2010) ; Ruggiero (2010) ; Tombs et White (2010). Voir également : « Le crime en col blanc tue (auteur inconnu). 4
Par « infracteurs présumés », il faut entendre aussi bien les organisations que les individus. En l’occurrence, en dépit des dommages qui
vont résulter de leurs choix organisationnels
et idiosyncrasiques, les entreprises et leurs
dirigeants ne s’empêchent pas pour autant
de commercialiser un produit défectueux5.
Parfois, le calcul des dommages causés aux
victimes sous forme de remboursements,
indemnités et dédommagements divers est
déjà prévu dans le protocole de mise en
marché des produits financiers ou
manufacturés. Aussi, la perspective de
causer du tort à des personnes humaines
n’entre pas nécessairement en ligne de
compte dans l’évaluation de la conduite en
cours d’exécution. En fait, pour la majorité
des crimes en col blanc, les infracteurs
présumés ne semblent pas a priori
préoccupés par le sort réservé aux victimes.
Pour
preuve,
l’absence
d’empathie
témoignée à l’endroit des victimes par
certains infracteurs présumés précisément
en train de les spolier6.
En particulier, la diffusion de la
responsabilité des actes qui sont commis au
sein d’une organisation favorise chez les
acteurs
impliqués
une
forme
de
détachement par rapport aux victimes
potentielles ou réelles générées par leurs
crimes7. Alors pourquoi certains infracteurs
présumés prennent-ils la peine de s’excuser
ostensiblement lorsque le crime est de
notoriété publique ?
Pour mémoire, à la suite d’une
enquête de routine, par le biais d’une
5
Sur cette question, voir : Cullen, Maakestad et Cavender (1987) ; Gray, Frieder et Clar. (2005). 6
Le cas des traders d’Enron ayant organisé une pénurie d’électricité en Californie (2001) se gaussant des victimes est désormais célèbre, des mémos et des enregistrements faisant la démonstration incontestable que les victimes étaient tournées en ridicule par les infracteurs présumés qui se félicitaient de leurs opérations gagnantes (Fox, 2003). 7
Sur ce point voir : Clinard et Yeager (1980). NEGOCIATIONS DE PLAIDOYER ET CRIMES FINANCIERS
dénonciation8, ou encore alertées par la
mort d’employés sur leur lieu de travail9, les
autorités compétentes, dès qu’un crime est
connu, vont rapidement entrer en scène et
procéder, lorsque les preuves sont
suffisantes, à l’inculpation d’une ou de
plusieurs personnes10.
Dès lors, les acteurs qui font l’objet
d’une enquête et tous ceux qui sont
impliqués de près ou de loin dans la
conduite à l’étude (accusés, suspects,
complices, inculpés, coupables) vont
rapidement s’investir dans une gestion de la
crise susceptible de revêtir des formes
différentes : abandon des affaires, suicide,
tentative de corruption, négociation avec les
agences gouvernementales…
Certains infracteurs présumés, quant
à eux, compte tenu de leur conduite
personnelle ou de celle de la société
commerciale dont ils relèvent, optent plutôt
pour un rituel défensif connu de longue
date : ils expriment publiquement des
regrets, des excuses ou des remords (ou
tous ces sentiments à la fois).
D’une part, on peut se demander si
les excuses des infracteurs présumés sont à
hauteur des torts causés aux victimes de
crimes en col blanc. D’autre part, il apparaît
opportun de scruter davantage l’expression
des excuses formulées par les infracteurs
présumés. En effet, qu’en est-il de ces
excuses publiques11 ? Que nous indiquent-t 8
Voir Fines (2010b). 9
Par exemple, lors d’un accident minier. 10
Parfois une organisation est aussi interpellée par les instances pénales. 11
Pour des raisons pragmatiques, les termes « excuses », « remords » et « regrets » sont plus ou moins utilisés indifféremment pour désigner l’ensemble des stratégies et opérations visant à faire amende honorable, une fois le crime connu du public, des procureurs et des agences gouvernementales. Retenons que la notion de elles sur les infracteurs présumé ? Sur les
schèmes criminels à l’œuvre ? Sur la
gestion du scandale par les acteurs
concernés ? Quelle est l’utilité et la
pertinence de ces remords clamés
publiquement ? Quel est l’impact de ces
démonstrations de regrets sur le processus
judiciaire en cours ? Quel est le but
recherché ? À quoi - et à qui - servent–elles
ces excuses faites a posteriori par des
acteurs dont les conduites sont débattues
sur la place publique ? Sont-elles de nature
à permettre aux victimes de mieux
comprendre le crime qui les afflige ? Est-ce
que les accusés qui font des excuses
publiques peuvent espérer bénéficier d’une
forme de clémence lors du prononcé de la
sentence ? Est-ce trop peu, trop tard ?
Sur la base de l’hypothèse voulant
que les excuses publiques des infracteurs
présumés servent diverses fonctions, nous
nous proposons d’étudier ces excuses à
l’aune des patterns d’infractions dont ils se
sont rendus coupables, ou à tout le moins
auxquels ils ont participé. Concrètement,
étant donné que les individus mis sur la
sellette
relèvent
d’organisations
commerciales qui veulent continuer à croître
(Stone, 1975) – à tout le moins qui tiennent
à leur réputation - il apparaît opportun de
supposer que l’expression des regrets et
des remords par les acteurs renvoie à des
finalités plurielles. En fait, envisager que le
remords affiché des infracteurs présumés
puisse
s’inscrire
à
l’intérieur
de
préoccupations politiques, économiques,
judiciaires et infrajudiciaires, c’est en
quelque sorte assumer que les victimes sont
dupées une fois de plus. Bien sûr, toutes les
excuses formulées publiquement par les
infracteurs présumés ne se résument pas à
des stratégies défensives visant à mieux
négocier le scandale qui les afflige.
remords semble d’un usage consacré dans le champ légal et judiciaire puisqu’elle intervient en lien avec le sentencing. Dans l’arène médiatique, outre les remords, il est souvent question « d’excuses » et de « regrets » (sorry, apology, regret). Journal International De Victimologie 2011; 9(2) : 335
FINES, L.
Toutefois, certains exemples contemporains
laissent présager que les excuses plurielles
formulées par les infracteurs présumés
ayant à répondre de leurs actes devant les
instances compétentes jouent de nombreux
rôles et fonctions, autres que la prise en
compte du seul tort causé aux victimes.
aussi nous intéresser à des situations où les
infracteurs présumés n’ont pas manifesté
publiquement de remords à l’endroit des
victimes, compte tenu des gestes posés
pouvant les affecter.
Dans cet article, pour mieux
comprendre le rôle joué par les excuses (les
regrets, le remords, les demandes de
pardon…) exprimées par les infracteurs
présumés, lorsqu’ils font ou pourraient faire
l’objet de poursuites diverses par les
autorités compétentes, nous allons nous
intéresser (1) aux excuses qu’ils ont
formulé, notamment en tenant compte des
procédures judiciaires et infrajudiciaires en
cours ; (2) aux conséquences qui en ont
résulté pour les divers infracteurs présumés
en lice dans le processus de négociations ;
et (3) aux patterns d’infractions auxquels les
acteurs ont participé. Nous allons dès lors
être en mesure de soupeser les patterns
d’infractions des infracteurs présumés à
l’aune des excuses qu’ils ont exprimées aux
étapes plurielles du processus judiciaire et
infrajudiciaire12. Au final, il sera possible de
dégager certains cas de figure susceptibles
de se produire, dans le cas des crimes en
col blanc, en lien avec la manifestation de
remords à l’endroit des victimes, remords
exprimés - ou non – par les infracteurs
présumés, dans le cadre judiciaire et
infrajudiciaire. En effet, concrètement, en
plus de cibler des cas où les acteurs ont
clamé des excuses publiques, nous allons
Méthodologie
12
Il importe en effet, dans le cas des crimes en col blanc de s’intéresser tout particulièrement aux négociations à l’infrajudiciaire car, pour eux, les mêmes actes peuvent donner lieu à des procédures devant des instances diverses (Sutherland, 1940). Dans cet ordre d’idée, pour étudier les scandales financiers de 2001 (Enron), dans le cadre de nos travaux, à des fins conceptuelles et théoriques, nous avons opté pour une conception large de la négociation de plaidoyer (plea bargaining) (Fines, 2007). 336
En ciblant une série d’affaires
contemporaines
(WorldCom,
KPMG,
Parmalat, Enron, Citigroup, Toyota…), d’une
certaine manière, nous avons accès aux
stratégies réactives (défensives) des
organisations et des individus ayant maille à
partir avec la justice. Les études de cas ont
été sélectionnées en raison du fait que les
infracteurs
présumés
ont
exprimé
publiquement des excuses auprès du public,
des autorités judiciaires ou encore des
personnes touchées par leurs conduites.
Dans un premier temps, nous allons
examiner les situations où les infracteurs
présumés ont exprimé publiquement des
excuses (N=9). Dans un deuxième temps,
nous allons nous intéresser à des
infracteurs présumés qui n’ont pas
manifesté de remords en lien avec les
crimes commis (N=4). Enfin, nous allons
comparer ces deux groupes d’acteurs entre
eux de manière à mieux comprendre et
expliquer l’importance de la manifestation
de remords publics dans le cas où les
acteurs auraient perpétré des actes illégaux
ou susceptibles de l’être. De fait, la plupart
des infracteurs présumés étudiés font
effectivement l’objet de poursuites pénales.
Toutefois, en ce qui concerne deux des cas
étudiés -celui de Prince (Citigroup) et celui
de Toyoda (Toyota) -, nous sommes en
présence de situations où ce sont des
commissions d’enquête qui ont tenté de
comprendre la chaîne d’événements ayant
généré de nombreuses victimes (dont la
mort de personnes). La pertinence de
retenir ces affaires tient à un certain nombre
d’éléments : les dirigeants ont exprimé des
excuses pour leurs actions, il y eu un grand
nombre de victimes, les entreprises ont pu
poursuivre leur conduites pendant un long
laps de temps sans être interpellées par les
NEGOCIATIONS DE PLAIDOYER ET CRIMES FINANCIERS
agences gouvernementales et les réactions
sociales, judiciaires et politiques qui
entourent le traitement des infracteurs
présumés permettent de mieux saisir le lien
susceptible d’exister entre la manifestation
d’excuses publiques et les gains enregistrés
par les acteurs de crimes en col blanc, si tel
est le cas.
Les données empiriques proviennent
essentiellement de sources médiatiques,
organisationnelles, légales, judiciaires et
gouvernementales, une méthodologie ayant
fait ses preuves (Fines, 2011). En effet,
précisément dans un contexte d’histoire
immédiate (Soulet, 1999), dans le cas de
scandales
politiques
et
financiers
(Thompson, 2000) et de manière générale,
pour tous les crimes en col blanc, des
informations sociologiques pertinentes sont
susceptibles d’être accessibles en quantité
et en qualité, rapidement et de manière
accrue, notamment au fur et à mesure que
les instances judiciaires se saisissent de
l’affaire. En outre, deux observations
justifient
de
recourir
aux
données
médiatiques comme données empiriques
pour documenter le phénomène social et
juridique à l’étude : précisément celui de
formuler publiquement des excuses en lien
avec une conduite organisationnelle ou
individuelle ayant généré des victimes.
D’une
part,
plusieurs
médias
prennent soin, lorsqu’ils relatent les affaires
mettant aux prises des infracteurs présumés
de crimes en col blanc, où lorsqu’ils
établissent des chaînes d’événements
(timeline), de préciser si l’accusé a formulé
ou non des remords13. D’autre part, dans la
mesure où les acteurs recherchent des buts
spécifiques, ils vont s’assurer que les
médias relayent de manière efficace ces
déclarations fracassantes ou non.
Les études de cas retenues rendent
compte, non seulement, de situations
actuelles ou récentes, mais également, elles
touchent à plusieurs secteurs : financier,
13
Par exemple : TimesOnline (7 juin 2007). politique, manufacturier, agroalimentaire…
De plus, les cas recensés couvrent un large
spectre géographique (Etats-Unis, Japon,
Italie). En outre, pour l’ensemble des cas de
notre échantillon, les victimes se comptent
par milliers. Concrètement, l’examen des
cas sélectionnés devrait jeter un éclairage
fécond sur l’utilité et l’impact des excuses
exprimées par les acteurs lorsque
interpellés sur la place publique en lien avec
des conduites criminelles ou en lien avec
des conduites faisant l’objet de l’attention
des instances de contrôle. En somme,
l’étude des cas sélectionnés va constituer
une occasion unique de mieux comprendre
les
conséquences
judiciaires
et
infrajudiciaires de manifester – ou de ne pas
le faire - des regrets aux différentes étapes
du processus judiciaire et infrajudiciaire en
cours.
En bout de ligne, l’examen des
patterns
d’infractions
des
infracteurs
présumés soupesés à l’aune des excuses
exprimées en public devrait nous permettre
de mettre en lumière les finalités plurielles
de l’usage des excuses publiques par les
infracteurs présumés faisant l‘objet de
l’attention des organes de contrôle, de
relever des points communs entre les
diverses situations à l’étude, et aussi de
mettre en exergue les différences qui les
caractérisent.
Le remords et les infracteurs présumés
de crimes en col blanc
De manière récurrente, de nombreux
acteurs
(procureurs,
agences
gouvernementales, politiciens, infracteurs
présumés, investisseurs, complices…) ont
associé les crimes en col blanc à des actes
de peu d’importance, du moins lorsqu’on les
compare aux « crimes de la rue » réputés
plus violents. Peut-être est-ce une des
raisons pour laquelle les infracteurs
présumés de crimes en col blanc ne
manifestent
pas
ostensiblement
leur
remords et leurs regrets aux victimes : ils
Journal International De Victimologie 2011; 9(2) : 337
FINES, L.
sont persuadés de ne pas avoir commis de
crime (Fines, sous presse)14.
En fait, aussi étrange que cela
puisse paraître, la question des regrets et
des excuses faites par les infracteurs
présumés de crimes en col blanc aux
victimes connues et identifiables15 n’est pas
largement traitée par les chercheurs. Ce
sont
plutôt
les
justifications,
les
rationalisations et les explications relatives
aux conduites des acteurs qui jalonnent les
études portant sur les crimes en col blanc :
par exemple, les infracteurs présumés ne
voulaient qu’emprunter l’argent, ils croyaient
que c’était des pratiques commerciales
acceptables, ou encore ils ne faisaient
qu’obéir aux ordres... (Conklin, 1977 ; Doig,
1984 ; Croall, 1988, 1992, 2001, 1989/
2001 ; Pearce, 2001). En l’occurrence, dans
les travaux des chercheurs, plus souvent
qu’autrement,
il
s’agit
de
saisir
l‘incompréhensible : à savoir que des élites,
des gens d’affaires, des politiciens, des
policiers, des sociétés commerciales cotées
en bourse et des organisations au-dessus
de tout soupçon (judiciaires, politiques,
économiques, policières…), alors même
que leur position structurelle leur permettait
de prétendre aux privilèges, aux honneurs
et au luxe inhérent à leurs fonctions, ont
plutôt choisi d’adopter des conduites
illégales, ou à tout le moins, se sont
engagés dans des patterns d’infractions
générant
de
nombreuses
victimes
vulnérables d’un point de vue structurelle
(Clinard et Yeager, 1980 ; Clinard, 1983,
1990 ; Poveda, 1994 ; Tombs et White,
2010).
14
C’est le cas de Ken Lay (Enron) qui, lors de son procès, a affirmé être innocent et n’avoir commis rien de mal (Jasmine Kelemen et Jim Welter, 25 mai 2006, Market Watch). 15
Ou aux victimes anonymes. 338
Le remords : dimension légale
La loi a prévu des dispositions aptes à
permettre aux juges de prendre en
considération le repentir des accusés.
Incidemment, la seule référence directe au
remords des infracteurs présumés de
crimes en col blanc que nous ayons trouvée
provient d’un précis légal (Swaigen et Blunt,
1985). Dans ce document faisant état des
dispositions des lois et de leurs
interprétations, y sont abordées les notions
de remords et de repentir en lien avec les
crimes en col blanc :
En matière de délinquance écologique,
comme en matière de délinquance violente
ou économique, le remords ou repentir est
un facteur d’atténuation de la peine. En
revanche, l’absence de remords en est un
d’aggravation. Toutefois (…) [l]es sociétés
commerciales ne peuvent connaître le
remords. Leurs dirigeants en sont
capables, et il arrive qu’ils le témoignent.
Cependant, il est presque impossible pour
le tribunal de déterminer, sur la base des
déclarations faites par l’avocat ou les
cadres de la société, si ce remords est
sincère. (…) Le sentiment de remords du
cadre d’entreprise qui comparaît devant le
tribunal ne reflète pas nécessairement
l’attitude des autres dirigeants de
l’entreprise à l’égard de l’infraction
(Swaigen et Blunt, 1985 :35).
De ces précisions légales, nous
retenons que la manifestation de remords
de la part d’un acteur est un facteur apte à
influencer l’issue des négociations mettant
aux prises un infracteur présumé et des
instances de contrôle. Par ailleurs, il importe
de résister à la tentation de considérer que
les organisations puissent ressentir des
regrets pour leurs actions, seuls les
individus sont capables de sentiments.
Enfin, il faut envisager la possibilité que le
remords exprimé par l’accusé ne soit pas
sincère. Et surtout, il faut comprendre que
les propos formulés par un membre de
l‘organisation
ne
reflètent
pas
nécessairement ceux des autres dirigeants
à tous les coups, seuls ses sentiments sont
NEGOCIATIONS DE PLAIDOYER ET CRIMES FINANCIERS
susceptibles d’être en cause. Pour
pertinentes que soient les observations de
Swaigen et Blunt (1985), il importe de noter
que la question du remords de l’infracteur
présumé de crime en col blanc n’est
abordée qu’en lien avec la détermination de
la peine.
Les études de cas où les infracteurs
présumés ont exprimé du regret
Nous
passons
maintenant
à
l’examen de cas contemporains ayant
donné lieu à l’expression publique de
regrets, d’excuses et de remords par les
membres d’une organisation alors qu’ils ont
maille à partir avec les autorités de contrôle.
Pour chacune des situations à l’étude, nous
prenons soin d’examiner la nature des
excuses formulées, la terminologie, le
contexte et les circonstances entourant les
déclarations et enfin, les raisons explicites et celles plus implicites - de déclarer les
excuses aux victimes, aux autorités, aux
investisseurs ou au public en général. Les
dates des cas présentés renvoient à la date
de la présentation des excuses des
infracteurs présumés. En effet, en matière
d’excuses, le timing joue un rôle important si
on veut obtenir des gains significatifs. D’une
certaine manière, plus on attend, plus les
remords peuvent sembler manquer de
crédibilité.
I. Le cas de John Sigmore
executive ) WorldCom (2002)
(chief
Les excuses de John Sigmore et le pattern
d’infractions
John Sigmore (WorldCom chief
executive16), tout en prenant soin d’indiquer
que les problèmes de la compagnie
relevaient de gestionnaires aujourd’hui en
disgrâce, a formulé des excuses publiques :
16
Nommé en avril 2002. « While the deeds we uncovered were part
of a past administration, I want to apologize
on behalf of everyone at WorldCom » (in
Declan
McCullagh,
2
juillet
2002,
News.Com). En acceptant de s’excuser
publiquement, Sigmore tente de convaincre
les investisseurs de sa bonne foi :
concrètement, il s’agit de trouver de l’argent
pour permettre à la compagnie de se
restructurer. La manœuvre est donc
directement orientée vers l’avenir.
La
compagnie
de
télécommunications WorldCom fait l’objet de
l’attention générale en raison d’une somme
de $4 billions incorrectement comptabilisée
dans les bilans financiers (Declan
McCullagh, 2 juillet 2002, News.Com). La
suite fait partie de l’Histoire des scandales
financiers ayant secoué les États-Unis en
2002 : WorldCom est obligée de déclarer
faillite et Bernard Ebbers (former chief
executive) est déclaré coupable de
malverstions financières. Pour sa part,
Sigmore sera remplacé de son poste de
PDG dès l’automne 2002.
II. Le cas de Sam Waksal (ImClone)
(2002)
Le remords de Sam Waksal (founder of
ImClone Systems) et le pattern d’infractions
En 2002, Sam Waksal (55 ans) a
enregistré un plaidoyer de culpabilité en lien
notamment avec des accusations de fraude,
d’obstruction à la justice et de délits d’initié
(insider trading). À sa sortie du palais de
justice, Waksal a exprimé des regrets en
lien avec sa conduite : « I have made some
terrible mistakes and I deeply regret what
has happened, I was wrong » (David
Usborne,
16
octobre
2002,
The
Independent). En 2003, juste avant le
prononcé de la sentence (une peine de
prison de 7 ans), Sam Waskal a déclaré : « I
feel great remorse, but I do not feel bitter »
(CNNMoney.com, 10 juin 2003). Comme
Waksal est le premier CEO à être envoyé
en prison, en lien avec la vague de
Journal International De Victimologie 2011; 9(2) : 339
FINES, L.
scandales financiers ayant secoué les EtatsUnis en 2001 et au cours des années
suivantes, il apparaît que le juge a voulu
envoyer un message clair aux infracteurs
présumés de crimes en col blanc :
In imposing the 87-month sentence, U.S.
District Court Judge William Pauley said
Waksal’s crimes were « emblematic of a
pattern of lawlessness and arrogance. You
abused your position of trust as the chief
excutive officer of a major corporation and
undermined the public’s confidence in the
integrity of the capital markets, then you
tried to lie your way out of it », the judge
said (in CNNMoney.com, 10 juin 2003).
Waksal avait eu vent du fait que la
Food and Drug Administration allait refuser
d’accorder à ImClone la possibilité de mettre
en marché un médicament sur lequel lui et
ses partenaires fondaient beaucoup d’espoir
(David Usborne, 16 octobre 2002, The
Independent). La licence accordée au
médicament était une situation qui pouvait
affecter en contrepartie la valeur des actions
de la compagnie ImClone. Conscient du
refus qui allait survenir, Waksal aurait alors
vendu ses actions, tout en prévenant
certains amis privilégiés de ce qui allait se
passer afin qu’ils puissent se départir à
temps de leurs actions17.
III. Le cas de KPMG (2005)
Les regrets de KPMG (via a top KPMG
executive) et le pattern d’infraction
En 2005, KPMG (une firme d’audit
étasunienne18) a formulé des excuses en
lien avec une conduite illégale (unlawful
conduct) : « KPMG takes full responsability
17
Pour mémoire, le cas Waksal est lié à l’affaire Martha Stewart. 18
L’une des quatre firmes d’audit restantes à la suite de la disparition d’Arthur Andersen en 2002 en lien avec la fraude d’Enron. 340
for the unlawful conduct by former KPMG
partners during that period, and we deeply
regret that it occured » (Arindam Nag, 16
juin 2005, Yahoo News ; Glen Shapiro, 20
juin 2005, LawAndTax-News.com, New
York). En outre, KPMG a annoncé des
réformes organisationnelles : il s’agit de
prévenir la récidive de conduites similaires
au sein du cabinet d’audit. Il s’agit d’un
important renversement de la situation, car
en 2003 « a top KPMG executive at the
time insisted that all the shelters in question
« were consistent with the laws in place at
the time » » (in Lynnley Browning, 17 juin
2005, The New York Times). En fait, les
regrets de KPMG semblent liés au fait que
le Wall Street Journal avait mentionné la
possibilité que des accusations allaient être
portées contre la firme, fortement impliquée
dans l’élaboration de stratégies complexes
relatives à des évasions fiscales (Kara
Scanell, 17 juin 2005, The Wall Street
Journal). Scanell (17 juin 2005, The Wall
Street Journal) n’hésite donc pas à établir
un lien entre le fait que KPMG (sous
enquête) était en passe d’être incriminée au
pénal et, par ailleurs, le constat que le
cabinet d’audit se soit soudainement décidé
de manifester des regrets en lien avec sa
conduite passée :
The public contrition has been common
with other firms and companies under legal
presure, but it hasn’t been with KPMG. It
came after The Wall Street Journal
reported that Justice Department officials
were debating whether to indict the firm, ant
it marks a reversal. The firm for years used
aggressive litigation tactics that set it apart
from the three other Big Four accounting
firms, which moved more quickly to resolve
allegations that they peddled improper tax
shelters (Kara Scannell, 17 juin 2005, The
Wall Street Journal).
Pour KPMG, la finalité de la
reconnaissance publique de ses fautes est
directement liée à la situation judiciaire en
voie de cristallisation : il faut impérativement
éviter de faire l’objet d’une poursuite pénale,
une situation qui la mènerait à la dissolution,
NEGOCIATIONS DE PLAIDOYER ET CRIMES FINANCIERS
à l’instar de ce qui s’est passé pour la firme
Andersen. La manœuvre semble pleine de
promesses ainsi que le souligne Mark
Cheffers (head of auditor research firm Audi
Analytics) :
To step up and take that kind of
responsability should be regarded as a
bright spot » (…) KPMG making such a
bold statement will only serve to advance
their (investor and clients) trust in what
audit firms are doing and the direction they
are going. That is what this is about » (in
Arindam Nag, 16 juin 2005, Yahoo News).
Ainsi, confrontée à la réelle possibilité
d’être poursuivie au pénal, la firme KPMG a
exprimé ses profonds regrets quant aux
actes qui lui étaient reprochés, tout en
assumant sa responsabilité en lien avec eux
et tout en proposant des mesures aptes à
satisfaire les exigences des autorités de
contrôle. D’une part, KPMG reconnaît avoir
mal agi, et d’autre part, la firme propose une
série de mesures pour remédier aux
problèmes actuels, une façon de promettre
que les erreurs sont chose du passé.
En ce qui concerne le pattern
d’infractions de KPMG, retenons que :
« U.S. federal prosecutors have been
probing certain tax services that were
offered by KPMG to some of its wealthy
clients between 1996 et 2002 » (Arindam
Nag, 16 juin 2005, Yahoo News).
IV. Le cas de Calisto Tanzi (founder and
former CEO Parmalat) (2006)
La demande de pardon aux victimes
(Calisto Tanzi) et le pattern d’infraction
Calisto Tanzi, 67 ans, alors qu’il fait
face à des accusations de fraude, de
malversation financière et d’association
avec des criminels, demande pardon à tous
ceux qui ont subi des pertes dans le
scandale de Parmalat, une compagnie de
produits laitiers italienne. Prenant la parole
lors de son procès, Tanzi a exprimé sa
peine et ses remords : « I beg pardon of the
people I have damaged » (Yahoo News, 7
mars 2006a ; Yahoo News, 7 mars 2006b ;
Yahoo News, 7 mars 2006c).
La fraude de Parmalat (révélée en
décembre 2003) met en cause de multiples
complices, certains étant directement issus
de la société commerciale. Mais d’autres
personnes et des organisations plurielles
sont susceptibles d’avoir participé à la
fraude,
précisément
les
institutions
bancaires en ayant facilité les transferts
d’argent Sur cette complicité présumée, M.
Tanzi a affirmé lors de l’ouverture de son
procès à Milan : « I didn’t know that banks
were selling bonds to small investors »19
(Associated
Press,
7
mars
2006,
Yahoo.news). En 2008, Tanzi est condamné
à une peine de 10 ans de prison pour avoir
trompé les investisseurs quant à la santé
financière de la compagnie (BBC News, 18
décembre 2008). Il fait aussitôt appel de la
sentence. Sans attendre, les procureurs
réclament alors une peine plus sévère, soit
de 11 ans et un mois.
V. Le cas de Fastow (Enron) (2006)
Les remords de Fastow (former Enron
finance executive) et le pattern d’infractions
Andrew Fastow va purger une peine
de 6 ans, soit 4 ans de moins que ce qui
était prévu aux termes de l’entente négociée
avec les procureurs. Dans son cas : « US
District Judge Ken Hoyt said he had taken
account of Fastow’s cooperation with
prosecutors, his desire to help victims suing
to recover thier losses, and his visible
19
« Magistrates in Milan and Parma have been tying to find out what Parmalat did with billions of euros raised through bond issues and how the company concealed debts by using offshore units and shell companies » (Mark Tran and agencies, 17 février 2004, The Guardian). Journal International De Victimologie 2011; 9(2) : 341
FINES, L.
remorse » (BBC News, 26 septembre 2006).
En effet, le juge a pris en compte les
remords de Fastow ainsi que sa précieuse
collaboration avec les procureurs dans le
dossier les mettant aux prises avec les
hauts dirigeants d’Enron. Ainsi :
« U.S. District Judge Kenneth Hoyt said
that although Fastow was once « drunk on
the wine by greed », he has since
demonstrated remorse by fully cooperating
with government and civil lawyers in
lawsuits against Enron. « These factors call
for mercy », the judge said » (Lianne Hart,
27 septembre 2006, Los Angeles Times).
En mars, Fastow avait déclaré : « I
believe I was extremely greedy, and that I
lost my moral compass, and I’ve done
terrible things that I very much regret » (in
Greg Levine, 26 septembre 2006,
Forbes.com). Il semble que le remords de
Fastow ait non seulement réussi à émouvoir
le juge mais aussi les victimes : « Rod
Jordan, chairman of the Severed Enron
Employee Coalition, said some of the
aggrieved parties – losing jobs and billions
of dollars in investments and life savings –
were indeed moved by Fastow’s remorse
« (Greg Levine, 26 septembre 2006,
Forbes.com).
Fastow a été condamné à 6 ans de
prison pour son rôle de premier plan dans
l’élaboration des schèmes frauduleux ayant
mené à la faillite du négociant en énergie
Enron (Lianne Hart, 27 septembre 2006,
Los Angeles Times). Il s’agissait de
montages financiers fort complexes qui
présentaient comme de l’argent neuf des
prêts, qu’Enron, en réalité, octroyait à ses
propres filiales.
VI. Le cas de Skilling (Enron) (2006)
Les remords de Skilling (Enron) et le pattern
d’infraction
Lors du prononcé de la sentence en
2006, M. Skilling (52 ans, ex-pdg d’Enron) a
342
réaffirmé qu’il n’avait pas commis de
crime20. Par ailleurs : « Mr. Skilling said he
did feel bad about what happened » (Alexei
Barrionuevo, 24 octobre 2006, The New
York Times). Ainsi : « In terms of remorse
your honor, I can’t imagine more remorse.
(…) I have friends who have died. Good
men » Skilling told [U.S. District Judge Sim]
Lake before he was sentenced (in PBS
NewsHour, 23 octobre 2006 ; Alexei
Barrionuevo, 24 octobre 2006, The New
York Times).
Jeffrey K. Skilling a été condamné à
une peine d’emprisonnement de 24 ans et 4
mois pour son rôle dans la fraude et la
conspiration qui ont mené à l’implosion
d’Enron en 2001 (fraud, conspiracy, insider
trading and lying to auditors) (BBC News, 23
octobre 2006).
VII. Bernard Madoff (2009)
Le remords de Bernard Madoff et le pattern
d’infractions
En mars 2009, Madoff (71 ans) a
enregistré un plaidoyer de culpabilité en lien
avec des fraudes relatives à des valeurs
mobilières (securities fraud)21 en déclarant :
« [that] he was deeply sorry and ashamed »
(Toms Hays and Layyr Neumeister, 30 juin
2009,
The
Associated
Press,
TheNewsTribune.com). Par ailleurs, lors du
prononcé de sa sentence en juin 2009,
Madoff a tenté d’exprimer ses sentiments en
parlant de « a problem, an error of
20
Il est important de noter que la Cour Suprême des Etats-­‐Unis, en précisant la notion légale de « services honnêtes » (honest services), permet à Skilling (et à Conrad Black) d’espérer une remise de peine sinon un nouveau procès (Quinn Bowman, 24 juin 2010, Newshour with Jim Lehrer, PBS.org). 21
Également des accusations de parjure, blanchiment d’argent et vol (Le Monde.fr, 29 juin 2009). NEGOCIATIONS DE PLAIDOYER ET CRIMES FINANCIERS
judgment, a tragic mistake » (Toms Hays
and Layyr Neumeister, 30 juin 2009, The
Associated Press, TheNewsTribune.com).
En fait, « juste avant le verdict, le financier :
avait présenté ses excuses à ses victimes,
dont une partie avait fait le déplacement au
tribunal de New York. « C’est la première
fois que Madoff manifestait publiquement
des remords », raconte Sylvain Cypel »
(correspondant du Monde à New York, in
Le Monde.fr, 29 juin 2009).
Dams le cas de Madoff, les
commentaires des acteurs judiciaires
montrent bien l’ampleur du crime commis,
l’horreur qu’il suscite, la dévastation chez
les victimes, notamment lorsque ce crime
est évalué à l’aune des dérives de la SEC,
laquelle entre 1999 et 2005 a reçu pas
moins de trois rapports de M. Harry
Markopolos, un concurrent de la société de
M. Madoff (Ibrahim Warde, août 2009, Le
Monde Diplomatique). Les déclarations des
procureurs et du juge Chin qui suivent
mettent bien en évidence les sentiments
suscités par la fraude pyramidale orchestrée
par Madoff :
Au dire du procureur Lev Dassin, «
l’étendue, la durée et la nature des crimes
de
Madoff
font
qu’il
mérite
exceptionnellement le châtiment maximum
autorisé par la loi ». Le juge Denny Chin,
lui, évoque « le crime incroyablement
diabolique de Bernard Madoff aux
conséquences humaines effrayantes », et «
la fraude objectivement ahurissante sur
plus de vingt ans » d’un criminel
« particulièrement
mauvais »
(Ibrahim
Warde, août 2009, Le Monde Diplomatique
citant Tom McElroy, « Madoff ordered to
forfeit over $170 billion », The Boston
Globe, 26 juin 2009 ; et Diana B.
Henriques, « Madoff is sentenced to 150
years for Ponzi scheme », The New York
Times, 29 juin 2009.).
Pour sa part, Lisa Baroni (procureur)
estime que : « Madoff deserved a life
sentence because he « stole ruthlessly and
without remorse » (Toms Hays and Layyr
Neumeister, 30 juin 2009, The Associated
Press, TheNewsTribune.com). En bout de
ligne, Madoff, « accusé d’avoir escroqué de
très nombreux investisseurs, pour un
préjudice estimé à plus de 50 milliards de
dollars, a été condamné lundi 29 juin à 150
ans de prison » (Le Monde.fr, 29 juin 2009).
Retenons que Madoff n’aurait pu monter
son empire sans l’aide de nombreux
complices individuels et institutionnels.
VIII. Le cas de Charles Prince (former
Citigroup CEO) (2010)
Les regrets de Charles Prince et le pattern
d’infractions
Tout en affirmant ne pas avoir été au
courant des problèmes financiers de
Citigroup, Charles Prince a exprimé ses
regrets lors d’audiences tenues au
Congrès : « I’m sorry that our management
team, starting with me, like so many others,
could not see the unprecedented market
collapse that lay before us (PBS NewsHour,
8 avril 2010). Même s’il exprime ses
excuses aux victimes et aux membres de la
commission d’enquête, Prince n’endosse
pas la responsabilité de la crise bancaire à
hauteur de 45 milliards de dollars qui a
secoué Citigroup en 2008 (The Guardian, 8
avril 2010). Au contraire, en contre-attaque,
Prince désigne plutôt les agences de
notation comme étant les responsables de
la crise financière :
Selon lui, c'est l'abaissement «précipité»
des notes jusqu'alors excellentes de
certains titres obligataires par les agences
de notation qui a déclenché un «gel
généralisé des marchés de titres alors que
les investisseurs ne savaient plus sur
quelles normes (...) de risque s'appuyer, ou
quelles institutions détenaient quel niveau
de risque». Pendant l'audition, M. Prince a
souligné que «même Moody's», l'une des
trois grandes agences de notation
mondiales, jugeait aussi à l'époque que les
titres obligataires garantis adossés à des
prêts hypothécaires risqués («subprime»)
Journal International De Victimologie 2011; 9(2) : 343
FINES, L.
étaient relativement sûrs (la presseaffaires,
8 avril 2010).
Dans le cas de Citigroup, on ne peut à
proprement parler de patterns d’infractions,
il s’agit plutôt de prises de risques
importantes. De fait, la commission
d’enquête portant sur la crise financière à
Washington a tenté de faire la lumière sur la
prise de risque excessive des banquiers :
Durant cette audition, le républicain Bill
Thomas a accusé M. Prince et Robert
Rubin, autre ex-dirigeant de Citi qui était
également auditionné, d'avoir eu un
comportement moutonnier et d'avoir
continué à émettre des prêts à des
emprunteurs de mauvaise qualité parce
que les autres institutions financières le
faisaient. «Pourquoi vous paye-t-on si ce
n'est pour votre clairvoyance sur les
marchés?»
a-t-il
déploré
(in
la
presseaffaires, 8 avril 2010).
Pour sa part, « In a candid admission,
Prince said that neither his chief officer nor
any senior bankers or traders understood
that those securities could have « any
material risk of loss » until October of 200722
(Stephanie Sklar, 9 avril 2010, Allvoices). Au
final, pour sauver Citigroup, un plan de
sauvetage de 45 milliards de dollars a été
élaboré par le gouvernement, plus que pour
n’importe quelle autre banque (The
Guardian, 8 avril 2010).
IX. Le cas de Toyota (2010)
Les excuses d’Akio Toyoda (president et
CEO de Toyota)
Le patron de Toyota, Akio Toyoda
(53 ans), s’est exprimé devant le Congrès
américain en vue de mettre en évidence les
failles du plan de développement de la
compagnie : « I feel deeply sorry for those
22
Le 4 novembre 2007, Prince a démissionné de son poste de CEO. 344
people who lost their lives or who were
injured by traffic accidents, especially those
in our own cars. I extend my sincerest
condolences to them, from the bottom of my
heart » (Akio Toyoda, cité dans le reportage
du 25 février 2010, PBS NewsHour). M.
Toyoda, reconnaissant que la compagnie
s’était développée trop vite, au détriment de
principes éthiques et industriels qui avaient
façonné la compagnie, a pris « l’entière
responsabilité » de la mise en marché des
voitures défectueuses (Le Monde, 23 février
2010).
Tant au Japon qu’aux Etats-Unis, M.
Toyoda s’est excusé auprès des victimes.
Toutefois, aux Etats-Unis, le niveau de
colère et d’inquiétude des victimes et des
propriétaires de voitures de marque Toyota
est beaucoup plus élevé en raison du
nombre de décès23 et d’accidents survenus
aux Etats-Unis (Ayako Doi, reporter, 25
février
2010,
PBS
NewsHour).
Concrètement, M. Toyoda tente de redorer
la réputation de la compagnie à l’échelle
étasunienne et de rétablir la confiance des
consommateurs dans leurs produits.
Au Japon, faire des excuses en
public est une condition sine qua non pour
toute société commerciale qui doit gérer un
scandale, des malversations ou un accident
ayant généré des victimes (Ayako Doi,
reporter, 25 février 2010, PBS NewsHour).
Tel que le fait remarquer M. Doi, il n’y a pas
lieu de mettre en doute la sincérité des
larmes versées par M. Toyoda lors de son
témoignage devant le Congrès, mais
comme il le constate : « it helps soothe the
public feelings » (Ayako Doi, reporter, 25
février 2010, PBS NewsHour).
Le pattern d’infractions
La compagnie Toyota a procédé au
rappel de nombreuses voitures dont
l’accélérateur et la pédale de frein étaient
23
On avance le chiffre de 35. NEGOCIATIONS DE PLAIDOYER ET CRIMES FINANCIERS
déficients, une situation provoquant des
pertes de contrôle du véhicule. Les
dysfonctionnements étaient connus de la
compagnie, mais Toyota – célèbre pour sa
culture d’entreprise empreinte d’opacité - a
tardé à remédier au problème (Micheline
Maynard, 11 avril 2010, The New York
Times ; Le Monde, 23 février 2010). En
effet, des efforts délibérés ont été déployés
de la part de la compagnie pour dissimuler
au gouvernement les problèmes du parc
automobile24. De fait :
Documents and chronologies show the
company had ample knowledge of incidents
of sticking pedals well before its recall.
They also show that Toyota treated
consumers in the United States differently
from those in Europe and Canada when it
came to fixing the problems of sticking
pedals and floor mat (Micheline Maynard,
11 avril 2010, The New York Times).
I. Le cas de Michael Holoday (top
stockbroker at First Marathon Securities
LTD) (2001)
L’absence de remords de Michael Holoday
et le pattern d’infractions
En 2001, lors du prononcé de la
sentence : « Judge Patricia German was
struck by his apparent lack of remorse. « He
is a dangerous man » she said at the time ».
(FP posted by lee_Joseph, 10 décembre
2007, Network National post).
Au final, Michael Holoday a été
condamné à 8 ans et demi de prison. Il a
détourné des fonds à hauteur de $22
millions, les victimes étant autant des
membres de sa famille que le public en
général.
II. Le cas de E. Kirk Shelton (Former
Cendant Corp. Vice chairman) (2005)
Les études de cas où les infracteurs
présumés n’ont pas exprimé de remords
L’absence de remords de E. Kirk Shelton et
le pattern d’infractions
Dans cette partie, nous examinons le
cas des inculpés qui n’ont pas exprimé de
remords en lien avec leurs conduites alors
qu’elles ont généré des victimes plurielles.
Tous les infracteurs dont il est question ici
ont été condamnés à des peines de prison.
M. Shelton (50 ans) a reçu une peine
de prison de 10 ans (août 2005) en lien
avec son rôle dans la perpétration de
malversations comptables ayant généré de
nombreuses
victimes.
Considérant
l’importance de la fraude orchestrée par
Shelton, la Securities and Exchange
Commission
(l’autorité
des
marchés
financiers étasunienne) a demandé au juge
de faire un exemple et d’envoyer un
message clair à la communauté des affaires
(Susan Haigh, 4 août 2005, Associated
Press, SignOnSan Diego). En outre :
« [p]rosecutors had argued for a harsh
sentence, saying Shelton showed no
remorse for his actions » (Susan Haigh, 4
août 2005, Associated Press, SignOnSan
Diego). À la fin, Shelton a notamment été
inculpé en relation avec des accusations de
fraude, de conspiration et de fausses
déclarations (Susan Haigh, 4 août 2005,
Associated Press, SignOnSan Diego).
24
Par ailleurs : « Au cours de ces deux jours d'auditions, la commission de l'énergie et du commerce de la Chambre des représentants doit aussi entendre Jim Lentz. Le directeur des opérations de Toyota aux Etats-­‐Unis a prévu de présenter ses excuses. "Nous avons mis trop de temps à prendre en compte un ensemble rare mais grave de problèmes de sécurité, malgré tous les efforts que nous avons déployés de bonne foi", doit-­‐il déclarer. M. Lentz attribue une partie de ces défauts techniques à "une mauvaise communication au sein de l'entreprise, avec les régulateurs et avec les consommateurs" (Le Monde, 23 février 2010). Journal International De Victimologie 2011; 9(2) : 345
FINES, L.
III. Les cas de MM. Rigas (père et fils)
(Adelphia Communications Corp.) (2009)
IV. Le cas de Kazutsugi Nami (dirigeant
du groupe L & G) (2009)
L’absence de remords de M. John Rigas
(père ) et de son fils Timothy et le pattern
d’infractions
L’absence de remords de Kazutsugi Nami et
le pattern d’infractions
En ce qui concerne M. John Rigas
(84 ans), le fondateur d’Adelphia, il a logé
un premier appel en 2007. Mais cet appel
n’a pas été couronné en ce qui a trait au
verdict de culpabilité età la peine imposé
sans succès. En 2009, la « 2nd U.S. Circuit
Court of Appeal » (Manhattan) vient de
maintenir la peine de prison de 15 ans qui
avait été imposée à M. Rigas en juin 2005.
Quant à son fils Timothy (51 ans), la peine
d’emprisonnement est de 20 ans.
Compte tenu de la sévérité de la
peine pour un crime en col blanc25, il y a lieu
de se demander si un facteur aggravant a
pu jouer un rôle. Un début d’explication
émerge du commentaire suivant : « A
prosecutor has told the court that the
sentences were long but non uncommon for
white-collar cases. He also noted that the
father and son had shown no remorse » (in
USA Today, 10 mai 2009, The Associated
Press).
De fait, lors du prononcé de la
sentence (juin 2005), le juge (U.S. District
Judge Leonard Sand) : « admonished the
elder Rigas for his lack of remorse and said
he would have imposed a lengthier prison
term if not for Rigas’s age and ill health »
(Martha Graybow, 24 mai 2007, Reuters).
Messieurs Rigas (père et fils) ont été
inculpés en lien avec des fraudes bancaires
et des fraudes reliées aux valeurs
mobilières26 (USA Today, 10 mai 2009, The
Associated Press).
Kazutsugi Nami, 75 ans, fondateur et
dirigeant du groupe L & G depuis 1987 avait
opté pour une stratégie innovatrice :
développer sa propre monnaie, le « enten »
(signifiant « yen » et « paradis ») (Régis
Arnaud, 6 février 2009, LeFigaro.fr). En fait,
à l’instar de Bernard Madoff, Kazutsugi
Nami avait mis sur pied de 2001 à 2007 un
schème pyramidal frauduleux. Il promettait
aux investisseurs des rendements de près
de 36% par an. Concrètement, « les
nouveaux versements permettaient de
payer les intérêts des clients les plus
anciens » (Régis Arnaud, 6 février 2009,
LeFigaro.fr). La fraude de Nami ayant été
mise à jour, Nami se retrouve dans
l’incapacité de rembourser ses clients. En
dépit du grand nombre de victimes
générées par le schème frauduleux, Nami
ne regrette pas ce qu’il a fait, dans la
mesure où il déclare :
Ce n’est pas une fraude. C’est ce que font
toutes les entreprises ». [En fait], « juste
avant son arrestation (…), [Mami] n’a pas
hésité à affirmer : « La police a ruiné mon
« business ». Personne n’a perdu autant
que moi » » (in Philippe Mesmer, 6 février
2009).
En outre, « À la question «regrettezvous vos actes ? », Nami répond, superbe,
« non » (in Régis Arnaud, 6 février 2009,
LeFigaro.fr) ».
25
Une peine plus sévère que celle qui est parfois imposée dans le cas de terrorisme (USA Today, 10 mai 2009, The Associated Press). 26
Également : « concealing loans and stealing millions from the cable operator » Martha Graybow, 346
24 mai 2007, Reuters). Parmi les chefs d’accusation, on retrouve aussi un élément de conspiration. NEGOCIATIONS DE PLAIDOYER ET CRIMES FINANCIERS
Un jeu27 entre les cas de figure des
infracteurs présumés qui ont exprimé
des remords
Sur la base des études de cas
explorées précédemment, nous retraçons
maintenant les cas de figure qui émergent
de l’examen des patterns d’excuses des
infracteurs présumés. Ces cas de figure
mettent en lumière l’existence d’un lien
entre l’expression de remords de la part des
acteurs et, par ailleurs, la possibilité pour les
infracteurs présumés de faire des gains à
court ou à long terme.
I. Une négociation à l’infrajudiciaire
modulée par l’expression des remords
des acteurs
Dans au moins un cas (KPMG) la
compagnie, en exprimant ses regrets et en
proposant des réformes organisationnelles,
parvient à éviter la menace qui plane sur
elle : faire l’objet de poursuites au pénal. Il
faut dire que les procureurs, avec le cas
Andersen, ont appris les conséquences
désastreuses qui résultent du recours au
pénal dans le cas de firmes d’audit.
Dans deux des cas à l’étude
(Prince/Citigroup et Toyoda/Toyota), les
représentants des compagnies interpellées
ont dû venir s’expliquer devant des
commissions d’enquête siégeant aux ÉtatsUnis. En ce qui concerne Prince, il exprime
des regrets mais refuse d’assumer la
responsabilité de la crise financière, il rejette
la faute sur de nombreux autres acteurs
dont les agences de notation (mais aussi les
agences gouvernementales, les traders et
les banques). En matière de crimes
financiers, il apparaît donc beaucoup plus
aisé (que dans la situation de produits
manufacturés comme nous le voyons plus
loin avec l’exemple de Toyota) de rejeter la
faute sur d’autres infracteurs présumés
27
« Là où il y un mouvement dans le cadre » (Van de Kerchove et Ost, 1992). (complices ou non des crimes). D’une part,
Prince peut miser sur le fait que dans le
système économique et politique, la
diffusion de la responsabilité est diffuse, les
paliers hiérarchiques sont pluriels et les
divers secteurs ne communiquent pas
nécessairement entre eux. D’autre part, la
tactique qui consiste à désigner les
coupables pour tenter de détourner
l’attention de sa propre participation aux
actes sous enquête a fait ses preuves,
Enron ayant déjà auparavant misé sur la
possibilité de se disculper en ciblant Andrew
Fastow comme étant le principal architecte
des schèmes frauduleux qui se déployaient
dans la compagnie (Fines, 2007).
Quant à Toyoda, il exprime son
remords aux membres de la commission
d’enquête
tout
en
assumant
la
responsabilité des actions qui ont causé la
mort de plusieurs personnes et qui en ont
blessé d’autres. Pour la compagnie Toyota
et pour Toyoda, comme les véhicules
présentant des défectuosités proviennent
directement de leurs usines, que les
autorités organisationnelles ont tardé à
procéder
au
rappel
des
véhicules
défectueux et, qu’en outre, elles ont opté
pour une gestion différentielle de la crise en
fonction des pays où sévissait le problème,
il n’apparaît pas possible d’esquiver de
prendre à sa charge une part de
responsabilité des torts causés aux
victimes. Les excuses exprimées par
Toyoda semblent directement relever d’une
gestion des dommages. Concrètement, et à
court terme, il s’agit de restaurer la
réputation de la compagnie auprès des
gouvernements, des investisseurs et des
consommateurs.
En ce qui concerne les excuses du
dirigeant Sigmore (WorldCom), elles ont
pour but de rassurer les investisseurs et de
prolonger la vie de la compagnie : encore
une fois, il s’agit d’une gestion des
dommages et d’une tentative de restaurer la
réputation de la compagnie. Toutefois, en
dépit des efforts de Sigmore, WorldCom
sera quand même obligée de déclarer faillite
Journal International De Victimologie 2011; 9(2) : 347
FINES, L.
et de se restructurer, ses actifs n’étant pas
suffisants
pour
éviter
le
scénario
catastrophe.
II. Un processus judiciaire modulé par les
excuses des infracteurs
II.1. Les excuses ont un impact sur la
sévérité de la sentence
Dans le cas de Fastow (Enron), la
démonstration de ses remords publics
combinée à la volonté manifeste de
coopérer avec les procureurs sont des
éléments qui ont joué un rôle dans la
modulation de la sentence qui lui a été
octroyée. Pour preuve, la sincérité de ses
regrets a été prise en compte par le juge.
Mêmes les victimes ont été émues par le
repentir de Fastow.
II.2. Les excuses ne peuvent atténuer la
sévérité de la sentence
Dans l’affaire mettant aux prises
Waksal (ImClone) et les autorités judiciaires,
la manifestation des regrets n’a pas semblé
émouvoir le juge qui a notamment retenu
que l’accusé avait abusé de sa position de
pouvoir et surtout, qu’il avait miné la
confiance du public dans l’intégrité des
marchés financiers.
Dans les cas de Skilling (Enron) et
de Madoff, l’expression de regrets et
d’excuses publiques n’a pas joué en faveur
des accusés qui se sont vus imposer une
peine de prison relativement importante : 24
ans pour l’un et 150 ans pour l’autre.
Néanmoins, en ce qui concerne Skilling, la
stratégie ne porte pas uniquement sur le
procès actuel, alors qu’il a été déclaré
coupable des chefs d’accusation en jeu. La
stratégie
porte
également
sur
les
procédures d’appel à venir. En effet, Skilling
clame son innocence et tente d’avoir un
nouveau procès.
348
Dans le cas de Tanzi (Parmalat), les
excuses formulées n’ont pu lui éviter une
longue peine privative de liberté (10 ans).
En outre, les procédures d’appel qu’il a
initiées incitent les procureurs à réclamer
une peine plus sévère. D’emblée. les
excuses formulées par Tanzi ne signifiaient
pas nécessairement qu’il endossait la
responsabilité des gestes posés. En fait, il
estimait surtout que les banques avaient
grandement contribué à leurrer les victimes.
II.3. L’absence de remords : un facteur
dans l’imposition d’une sentence sévère
En ce qui concerne Holoday (First
Marathon
Securities
LTD),
Sheldon
(Cendant Corp.) et Rigas (père et
fils/Adelphia), l’absence de remords a
clairement été un facteur dans l’imposition
d’une sentence sévère.
Un paradoxe clémence-sévérité à l’étape
du sentencing
Wheeler, Mann et Sarat (1988) ont
mis en lumière l’existence d’un paradoxe
clémence-sévérité en matière de sentences
imposées aux infracteurs de crimes en col
blanc. Incidemment, les accusés bénéficient
parfois
d’égards
significatifs
en
conséquence directe de leur position
structurelle privilégiée, le juge hésitant à
condamner à des peines de prison des gens
d’affaires
bien
intégrés
dans
leur
communauté et qui ne s’apparentent pas à
des criminels endurcis. Parfois aussi,
estimant que les infracteurs devraient obéir
à des standards moraux et éthiques
supérieurs que la pluaprt des gens, les
juges font preuve d’une grande sévérité à
leur endroit.
Nous posons que la clémence du
juge à l’étape du sentencing est nettement
plus susceptible de s’exprimer lorsque les
infracteurs font état de remords sincères. Le
cas Fastow montre bien l’importance que
NEGOCIATIONS DE PLAIDOYER ET CRIMES FINANCIERS
les acteurs judiciaires accordent à un
repentir notoire. Par ailleurs, dans les autres
cas à l’étude (en particulier : Holoday,
Sheldon et Rigas (père et fils)), il est tout à
fait évident que l’absence de remords des
accusés a été un facteur aggravant et
justificatif de l’imposition d’une sentence
sévère. Les juges et les procureurs ayant
pris soin de souligner cet aspect particulier
du dossier en cours. Si le fait de manifester
du remords ne permet pas à tous les coups
de bénéficier d’une sentence clémente, plus
souvent qu’autrement, l’absence de regrets
va constituer la pierre angulaire autour de
laquelle le consensus va se faire. Ne pas
manifester de remords : c’est la confirmation
qu’il faut être sévère à l’endroit des
infracteurs. Étant donné que les coupables
n’ont pas formulé d’excuses explicites, la
nécessité d’une peine lourde s’impose alors
et la punition se justifie d’elle-même. Dans
le cas de Holoday, la juge a même parlé de
dangerosité à son endroit. La peine semble
donc revêtir ici une fonction de mise à
l’écart, il s’agit de mettre l’accusé hors d’état
de nuire. Dans ce cas de figure, la manière
de traiter le crime en col blanc s’apparente à
ce qui se passe dans le cas de « crimes de
rue » : les commentaires étant similaires à
ceux qui pourraient s’exprimer dans le cas
de délinquants ayant commis des crimes
avec violence.
Conclusion
Toute enquête initiée en lien avec
une conduite criminelle ne donne pas
nécessairement lieu à une condamnation
formelle des coupables, surtout en matière
de crimes en col blanc. La difficulté de
réunir
les
preuves
nécessaires
et
l’exploitation des failles des procédures
judiciaires et infrajudiciaires par les
infracteurs présumés font en sorte que,
parfois, les accusés sont en mesure
d’échapper aux poursuites pénales, même
si des victimes ont subi des torts réels. Dans
un tel contexte, toutes les négociations qui
se déroulent à l’infrajudiciaire constituent
pour les infracteurs présumés des
occasions uniques de réaffirmer leurs
remords à l’endroit des victimes en lien avec
les gestes qu’ils ont posés. Parfois, comme
dans les procédures qui se sont déployées
pour KMPG, l’expression de regrets par les
acteurs et le désir qu’ils ont manifesté en
vue d’apporter des correctifs dans les
pratiques organisationnelles vont constituer
des moyens efficaces en vue de mettre un
terme aux procédures pénales initiées par
les procureurs. Dans tous les cas, toutes
catégories
d’acteurs
confondues,
la
combinaison de stratégies gagnantes va
s’avérer un choix fécond : par exemple
exprimer des remords et coopérer avec la
justice.
En matière de négociations à
l’infrajudiciaire, les cas KPMG, Citigroup et
Toyota confirment bien l’assertion voulant
que les infracteurs présumés de crimes en
col blanc jouissent d’un préjugé favorable en
matière de traitement justicier : pour eux –
en particulier dans le cas des organisations
- le pénal n’est vraiment qu’une option de
dernier recours28. Après tout, il importe
d’éviter la faillite des entreprises et la
déstabilisation des marchés financiers.
L’assurance
que
des
réformes
organisationnelles vont être apportées
rapidement suffit donc, parfois, à empêcher
que des mesures extrêmes (les poursuites
pénales) ne soient prises.
En outre, dans le cas de conduites
relevant du secteur financier (par opposition
au domaine manufacturier), il apparaît
beaucoup plus aisé de désigner des
coupables potentiels (les banques, les
traders, les agences gouvernementales, les
agences de notation..) et par conséquent de
parvenir à détourner l’attention de ses
28
Pour mémoire, dans le cas des crimes en col blanc, les agences gouvernementales recherchent la conformité des acteurs, la punition n’étant pas considérée comme une option valable et viable pour les parties en lice dans le processus de négociation (Stone, 1975 ; Clinard et Yeager, 1980 ; Fines, 2007, 2010a). Journal International De Victimologie 2011; 9(2) : 349
FINES, L.
propres actions. Après tout la conduite est à
hauteur du système capitaliste et aucun
acteur ne peut véritablement agir sans
l’accord tacite ou la complicité des autres.
Par ailleurs, en ce qui concerne le
secteur manufacturier, il est nettement plus
difficile de rejeter la faute sur les autres.
Après tout, la vente des produits est
directement encaissée par la compagnie qui
distirbue les denrées sur le marché. Par
ailleurs, en cas de problème (accidents,
morts d’homme), la compagnie est tenue de
procéder rapidement au rappel des produits
défectueux. Aussi, quand il y a des
manœuvres évidentes de dissimulation
(cover-up) pour retarder l’adoption des
correctifs nécessaires, on peut comprendre
que les dirigeants de l’entreprise en cause
expriment publiquement des regrets et
assument l’entière responsabilité des torts
causés aux victimes. Les délais dans le
rappel des produits défectueux ainsi que la
gestion différentielle du rappel indiquent que
les excuses exprimées aux victimes
s’inscrivent dans une catégorie que l’on
pourrait qualifier de trop peu, trop tard.
En fait, la manifestation de remords
– de la part des acteurs en lice - ne renvoie
pas nécessairement à l’importance qui est
accordée aux victimes, mais porte plutôt sur
la nécessité de restaurer la réputation de la
compagnie, on est dans le damage control.
Dans un tel ordre d’idées, on peut supposer
que la compilation (le processus de
reconnaissance) des victimes permet tout
simplement à la société commerciale de
recevoir le signal qu’il faut agir pour redorer
le blason de la compagnie mis à mal par la
révélation de défectuosités dans les produits
qu’elle propose aux consommateurs. Si en
plus l’opération de charme limite le nombre
de poursuites civiles susceptibles d’être
intentées par les victimes et leurs familles,
alors la manœuvre – le mea culpa public - a
atteint ses objectifs.
Au final, en matière de sentencing
des infracteurs présumés de crimes en col
blanc, il importe de se questionner autant
sur le timing des remords exprimés par les
350
acteurs (avant la poursuite pénale, au
moment de l’entrée en scène des
procureurs, ou bien à l’étape de la
sentence) que sur les délais qui sont
susceptibles de se déployer entre, d’une
part, une longue suite d’infractions, et par
ailleurs, l’opération visant à corriger le tir
pour limiter le nombre de victimes.
En fait, sur la base des études de
cas recensées dans cet article, il apparaît
que les regrets, les remords et les excuses
exprimées par les infracteurs présumés de
crimes en col blanc relèvent d’un processus
beaucoup plus large que la simple tentative
de communiquer de l’empathie aux victimes.
En effet, à l’évidence, l’exercice public
consistant à présenter ses excuses recèle
des finalités plus complexes. Des études
ultérieures sur le timing des remords
exprimés par les « criminels » et sur l’utilité
de leurs excuses déclamées dans le
processus
judiciaire
et
infrajudiciaire
permettront de préciser les patterns
organisationnels à l’œuvre, tout en montrant
la pertinence de ne pas sous-estimer des
paradoxes aussi sophistiqués que le
paradoxe clémence-sévérité en matière de
criminalité des élites.
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