universite paul cezanne aix-marseille iii
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1 UNIVERSITE PAUL CEZANNE AIX-MARSEILLE III FACULTE DE DROIT ET DE SCIENCE POLITIQUE D’AIX-MARSEILLE CENTRE DE DROIT MARITIME ET DES TRANSPORTS 3, avenue Robert Schuman - 13628 Aix-en-Provence CEDEX 1 LES MEGASHIPS: A PROPOS DES MEGA PORTE CONTENEURS Mémoire présenté par Mr Roger-Didier TONELLOT Sous la direction de Mr Christian SCAPEL Master 2 « Droit Maritime et des Transports » Année Universitaire 2007-2008 2 REMERCIEMENTS Je tiens à remercier particulièrement Messieurs Christian SCAPEL, Pierre BONASSIES, et Bernard DREYER pour leur enseignement. A mon épouse Marie, toujours présente dans les moments difficiles A ma fille Délia. 3 SOMMAIRE Abstract………………………………………………………………………………3 Table des abréviations et acronymes…… …………………………………………...4 Bibliographie…………………………………………………………………………5 Introduction………………………………………………………………………….7 TITRE 1 - LE GIGANTISME OU L’AGGRAVATION DES RISQUES Chapitre 1.- Les risques liés à la conception des méga porte-conteneurs………….. 13 Section 1.- La faiblesse technologique des méga- porte-conteneurs……………… 13 Section 2.- Des évolutions nécessaires lors de la construction des méga porte-conteneurs………………………………………………………………….. .24 Chapitre 2.- Les risques liés à l’exploitation des mégas porte-conteneurs………… 33 Section 1.- Un transport soumis à une logique économique……………………… 34 Section 2.- Les risques écologiques………………………………………………. 39 TITRE 2 - LE GIGANTISME OU LA NECESSAIRE REPARTITION DES RESPONSABILITES Chapitre 1.- La responsabilité du chargeur et le rôle des assureurs…………………44 Section 1.- La responsabilité du chargeur par rapport au transporteur……………44 Section 2.- La responsabilité du chargeur par rapport aux tiers………………….. 48 Section 3.- La position des assureurs……………………………………………... 52 Chapitre 2.- La responsabilité limitée du transporteur…………………………….. 54 Section 1.- Une responsabilité de plein droit……………………………………. 55 Section 2.- Une spécificité du droit maritime…………………………………… 56 Conclusion………………………………………………………………………... 59 4 Annexes…………………………………………………………………………... 60 Table des matières………………………………………………………………… 87 Abstract Notre inquiétude se focalise aujourd’hui sur les méga porte-conteneurs, nouveaux géants des mers, par leur taille et l’ampleur des risques qu’ils peuvent engendrer. Le recours au gigantisme peut s’expliquer par une course aux économies d’échelles afin de répondre à une recherche insatiable de productivité du monde maritime. Ces »monstres » des mers sont utilisés comme une ligne haut débit à conteneur entre l’Asie et l’Europe. Ce gigantisme entraine une aggravation des risques liés à la conception et à l’exploitation de ces navires. Les récentes fortunes de mer du MSC NAPOLI et du HYUNDAI FORTUNE ont démontré la probabilité de ces risques. Par ailleurs les assureurs conscients de ces menaces et du problème du cumul de valeur, ont interpellé les différents acteurs du shipping. Il serait opportun d’élaborer de nouvelles règles, telle que la création d’une « Autorité Administrative Indépendante »(AAI) pour surveiller les missions des sociétés de classification, dont le rôle est des plus important, notamment dans la mesure où ces sociétés contrôlent la qualité structurelle des navires pour une mise en sécurité, des personnes, des navires, et des préventions des risques environnementaux. Enfin ce gigantisme nécessite une répartition plus équitable des responsabilités. Effectivement, un chargeur pourrait voir sa responsabilité engagée, face à tous les autres chargeurs lors d’un incendie au cours d’une expédition maritime. Il serait donc utile, à l’avenir d’établir une limitation de responsabilité du chargeur face à la situation privilégiée du transporteur et des ses préposés. * Today, the attention is brought to the mega container ships, considered as being the new monsters of the deep given the importance and the extent of the risks which they may generate. The fact of developing gigantism can be explained by a race to the scale savings in order to reply to an insatiable search for productivity within the shipping world. These giants of the seas are used such as an high output line of containers between Asia and Europe. This gigantism leads to an aggravation of the risks in relation to the building and to the exploitation of these vessels. Recently, the probability of these risks has been proved by the incidents of the « MSC NAPOLI » and « HYUNDAI FORTUNE ». Furthermore, the insurers –being conscious of these threats and of the problem of the value pluralities- have warmed the various shipping actors.It would be convenient to draw up some new rules, such as the instalment of an « Autorité Administrative Indépendante » (AAI) -which are independent administrative (French) authorities- to watch the interventions of the classification societies. Indeed, the latter’s function is most important, particularly as they are in charge of checking the quality of the structure of the vessels for the safety of the persons, of the vessels and the environmental risks prevention. Finally, this gigantism necessitates a more equitable apportionment of the responsibilities. Indeed, if during a voyage, a fire occurs on board a container ship, the various shippers may raise a claim against 5 one of the shippers whose responsibility might be involved. In the future, it would be useful to establish a maximum limit in the amounts which the shipper would be responsible for, like the privileged situation for the carrier and his servants. TABLE DES ABREVIATIONS ET ACRONYMES AFCAN Association Française des Capitaines de Navires AMRIE Alliance des intérêts maritimes en Europe BEA Bureau Enquête Accidents BRS Barry Rogliano Salles CNUDCI Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International DMF Droit Maritime Français DNV Det Norske Veritas DPW Dubaï Ports World DST Dispositif de séparation de Traffic EVP Equivalent Vingt pieds IACS International Association of Classification Societies IMDG International Maritime Dangerous Goods ISEMAR Institut Supérieur d’Economie Maritime IUMI International Union Maritime Insurance MAIB Maritime Accident Investigation Branch OMI Organisation Maritime Internationale 6 BIBLIOGRAPHIE BONASSIES Pierre, SCAPEL Christian, Traité de droit maritime, L.G.D.G, 2006 REMOND-GOUILLOUD Martine, Le contrat de transport, Dalloz coll, Connaissance du Droit, 1993 RODIERE René, DU PONTAVICE Emmanuel, Droit maritime, Dalloz, 12e éd.1997 RODIERE René, Traité général de droit maritime, Dalloz, 6e vol., 1967-1980 Revues et hebdomadaires Revue SCAPEL Revue de droit commercial, maritime, aérien et des transports La semaine juridique, JurisClasseur Lloyd’list Le Journal de la Marine Marchande Le Marin Le Monde Maritime Le MOCI 7 Sites internet http://www.brs-paris.com www.AXS.Alphaliner.com http://www.ocslimited.com http://www.sbbcargo.com http://www.gl-group.com http://www.fairplay.com.uk http://ww.afcan.org http://www.armateursdefrance.org http://www.uncitral.org http://www.groupama.transport.com http://www.ffsa.fr http://www.isemar.asso.fr http://www.marine-marchande.om http://www.beamer-france.org http://www.fortunes-de-mer.com http://www.lexisnexis.fr http://www.meretmarine.com 8 « LA MER MODELE LES MŒURS COMME ELLE FAIT LES RIVAGES. TOUS LES PEUPLES MARINS ONT DU CAPRICE SINON DE LA FOLIE DANS L’ÂME. » A.SUAREZ. 3 HOMMES. « IBSEN » INTRODUCTION Une révolution est en train de se produire dans le monde maritime avec l’arrivée des mégas porte-conteneurs, nouveaux « monstres marins », par la taille et l’ampleur des risques qu’ils représentent, sans que pour autant l’impact environnemental, économique, ou juridique liés à la démesure n’ait été forcément et pleinement anticipé. « Cette course à la dimension des navires a démarré au milieu des années 1990 lorsque le transport maritime s’est converti « au principe du hub », avant le formidable essor chinois. L’augmentation du trafic apportée par la Chine n’a fait qu’accélérer et justifier le mouvement » analyse Mr PAUL TOURRET 1 . Les justifications avancées par les armateurs à vouloir commander des navires plus grands sont liées à des questions de rentabilité : « le coût du carburant ne cesse d’augmenter, ainsi que celui de la sécurisation du fret. Les investissements en matière d’environnement ou pour développer l’informatisation à bord des navires coûtent de plus en plus cher. Il faut donc faire des économies d’échelle pour lutter contre la hausse du coût d’exploitation de nos navires «, explique Mme MARTINE TOULOT, Présidente de la filiale française de l’armateur taïwanais EVERGREEN 2 . Paul Tourret, directeur de l’institut supérieur d’économie maritime (Isemar) à Nantes-Saint – Nazaire. 2 Entretien du 17 Novembre 2005, Le MOCI n° 1729 1 9 Le rapport rendu en 2007 par le « Germanisher Lloyd » 3 justifie le recours au gigantisme des porte-conteneurs en s’appuyant sur des calculs de la Deutsche Bank qui explique que le coût d’un porte conteneur de 8000EVP est en moyenne six fois inférieur à celui d’un 5000EVP… Il est donc logique que la course aux économies d’échelle se poursuive à travers le développement de navires, qui répondent, manifestement, à une recherche insatiable de productivité de plus en plus grande dans le secteur maritime. Nous vivons dans un contexte inédit : le « westbound 4 » étant surchargé, le fret maritime s’est emballé. La flotte des porte -conteneurs s’est donc enrichie, depuis 2006, de l’arrivée des mégas porte conteneurs, de plus de 11000 EVP 5 . Ces navires transportent 12.000, 14.000, voire 15.000 conteneurs en un seul voyage. La croissance des pays émergents (Asie-Inde), et la mondialisation galopante tant décriée, entraine une modification en profondeur de notre économie européenne, et oblige à une réaction à la hauteur des enjeux. Les chiffres ainsi que les estimations donnent le vertige 6 . La série des « EMMA MAERSK » mis à l’eau depuis septembre 2006, représente les navires de charge les plus puissants jamais construits. Les dimensions sont impressionnantes : 397m de longueur, 56m de largeur et 22 rangées de conteneurs... Ces navires peuvent transporter 14.500EVP, soit 50% de plus que les grands porte-conteneurs existants 7 …(voir annexe 1) Le rapport annuel 2008 du shipbroker BARRY ROGLIANO SALLES (BRS) 8 précise : « Avec 47 millions de tpl 9 commandés contre 22 millions un an plus tôt, la demande de porte Germanisher Lloyd est la société de classification allemande, membre de l’Association internationale des sociétés de classification (IACS). Ces sociétés ont généralement une double mission : statutaire c’est à dire la certification, et privée qui est la classification. Nous reviendrons plus en détails sur le rôle de ces sociétés. 4 Westbound : marchandises exportées d’Asie vers l’Europe et Eastbound : marchandises venant d’Europe vers l’Asie. 5 Equivalent vingt pieds, taille standard du conteneur de base, correspondant à une dimension de 20’ (6m) de long, 8’ (2,40m) de large et 8’,6’’ (2,60m) de haut. 6 Vincent Rome, responsable des flux internationaux import de Carrefour : »9O% de nos importations viennent de Chine, d’Asie du sud-est ou du sous continent indien, et la Chine assure à elle seule aujourd’hui les trois quarts de nos approvisionnements ». 7 La jauge brute est de 170794 tonneaux, pour une jauge nette de 55396 tonneaux, propulsé par un seul moteur de 68900 KW représentant 135000 Cv. 8 BARRY ROGLO SALLES courtier, vendeur de navires de commerce depuis 1856 3 10 conteneurs n’en finit pas de nous étonner. Le carnet de commandes atteint désormais 85 millions de tpl fin 2007 contre 58 millions fin 2006. La flotte en construction représente 61% de la flotte en service contre 52% un an plus tôt. C’est le secteur où la flotte en construction atteint les pourcentages les plus élevés par rapport à la flotte en service du fait aussi de l’augmentation continue des tailles des navires dans ce secteur ». Les trois grands chantiers coréens HYUNDAI, SAMSUNG, STX, ont signés plus de cent contrats pour des porte conteneurs de 12.000EVP et plus pour des livraisons s’étalant jusqu’en 2011. Le MARIN 10 précisait : « il y avait plus de 309 (U.L.C.S.) Ultra Large Container Ships » en commande et les chantiers chinois détenaient 165 commandes. La compagnie française CMA CGM 11 a décidé de passer le cap des porte-conteneurs de plus de 10.000 « boites » en passant commande de 8 géants de 11.500EVP aux chantiers Coréens HYUNDAI. Un contrat qui s’élève à 1,5 milliard de dollars, avec des livraisons prévues entre le début 2009 et mi-2010. En octobre 2007 12 le chantier coréen SAMSUNG annonçait pouvoir offrir, dés 2008, un 16.000EVP avec une passerelle au centre, ainsi qu’une double motorisation 13 . « FAIRPLAY SHIPPING » annonce qu’un chantier pourrait construire un « Malacca max 14 » c'est-à-dire un porte conteneur de 18.000 boites. La démesure ne s’arrête pas là. Le groupe sud-coréen 15 « STX shipbuilding » a dévoilé en juin 2008 les plans d’un porte conteneur dont la capacité serait supérieure de 50% à celle des « EMMA Maersk », c’est à dire capable de transporter 22.000 EVP et pourrait mesurer 450 mètres de long, 60 mètres de largeur avec un tirant d’eau de 21 mètres. Cette course effrénée au gigantisme dans le contexte économique actuel, et en particulier face à l’augmentation du prix du baril de pétrole, devrait pourtant obliger à certaines inquiétudes. Transport en port lourd Le MARIN du 19/10/2007 hebdomadaire relatant les informations sur le monde maritime 11 CMA CGM Compagnie marseillaise d’affrètement ayant son siège social à Marseille ; 3° groupe mondial de transport maritime avec un chiffre d’affaire qui frôle les 12 milliards de dollars. 12 Colloque de l’Institut Méditerranéen des Transports Maritimes (IMTM) en octobre 2007, intervention de Bernard Dreyer, courtier, conducteur en douane et enseignent au CDMT. 13 Ces navires sont vendus entre 150 et 200 millions de dollars. 14 Malaccamax : navire atteignant la limite de tirant d’eau (21M) pour naviguer dans le détroit de Malacca. 15 Site MER et MARINE du 04/06/2008 9 10 11 Chacun de se souvenir de la seconde crise de Suez lors de la guerre des six jours et la fermeture du canal de juin 1967 à juin 1975 qui avait conduit les armateurs à se lancer dans la construction de superpétroliers 16 : décision conséquente…. La crise américaine des crédits hypothécaires à risques (subprime) a affecté les importations américaines en fin d’année 2007 début 2008, et a eu des effets en cascade sur l’ensemble de l’économie mondiale dont l’issue semble encore incertaine. Le prix du pétrole est en constante augmentation, le remplissage des navires et les taux de fret sont revues à la baisse ; ceci est perçu comme l’annonce d’une conjoncture plus difficile, voir délicate. Interviewé le 02 juillet 2008, Monsieur SAADE, Président de CMA CGM, a estimé que l’impact de la hausse du carburant sur les compagnies est énorme (sic) : »le pétrole représente aujourd’hui 60% de nos coûts voyages. Lorsqu’il grimpe de 10%, nos charges augmentent de 6%.Il est vrai que nous répercutons une grande partie de cette hausse sur le client, mais cela va devenir difficile, et j’estime que l’exercice 2008 risque d’être difficile ». Pour compenser cette hausse importante du prix des soutes, les compagnies sont contraintes d’imposer une limitation de la vitesse des navires entre l’Asie et l’Europe. (Une diminution de la vitesse de croisière de 25 à 19 nœuds, divise par deux la consommation et les émissions de CO2 17 , d’un méga-porte conteneur qui consomme environ 400 tonnes de carburant par jour). Elles ont, en contre partie, afin de rester compétitives, mis en service un navire supplémentaire pour acheminer leurs marchandises. Les méga portes conteneurs devraient permettre aux grands transporteurs de répercuter la facture du carburant sur un plus grand nombre de « boites ». Cela étant ces navires ouvrent droit à débats et interrogations, notamment en ce qui concerne la sécurité et la réalité de l’intérêt économique à mettre en circulation ce type de navire. Pour certains il n’y a pas de sens à exploiter économiquement des porte-conteneurs de plus de 9000 evp. Selon Mr SHONKNECHT 18 , chercheur à l’Université technique de HAMBOURGHARBURG : » le coût d’exploitation à l’EVP est inversement proportionnel à la taille du 16 Superpétroliers : « Batilus » et « Pierre Guillaumat » de 500.000 tonnes, 458m sur 68m. Le but était de rationaliser les coûts d’exploitation et de transport par l’allongement du voyage par la pointe de l’Afrique du Sud. Mais la crise pétrolière de 1973 a entrainé la condamnation de ces navires vers la casse. Un seul rescapé, le Knock Nevis, anciennement le Seawise giant qui sert d’unité de stockage de façon permanente au champ pétrolier Al Shaeen au Qatar. 17 Emission de gaz carbonique lié à l’effet de serre 18 Journal de la Marine Marchande du 27 avril 2007 p17. Mr Shonknecht a présenté ses travaux lors du 3° colloque de l’Association économique pour la technique à Hambourg 12 porte-conteneur, mais les temps de séjour aux ports sont, eux, relatifs et ils influent négativement sur la productivité. D’un continent à l’autre, les délais de transport ne peuvent être optimisés que dans de très étroites limites, du fait des temps de passage portuaire quasiment incompressibles. Cela vient des techniques de transbordement. Les plus grands navires peuvent être travaillés par un plus grand nombre de portiques .Et du fait de leur plus grande largeur, le mouvement moyen d’un conteneur dure plus longtemps. En outre au mètre linéaire il y a plus de conteneurs ». Aucun portique 19 ne peut effectuer plus de 40 mouvements par heure 20 . Mr SCONKNECHT ajoute » A partir de 8000 EVP le ralentissement des rotations qui se produit dans les ports compense le progrès de productivité dus à l’effet de la taille «. Ainsi un méga porte-conteneur passe plus de temps dans les ports et ne ferait pas plus de rotations qu’un porte-conteneur plus petit. Son étude tend donc à démontrer que s’agissant de la rentabilité, ce sont les navires de 7000EVP qui seraient les plus performants. Ainsi la taille du navire serait secondaire, et la rentabilité d’un navire dépendrait d’autres paramètres : comme le poids du conteneur, sa proportion et le volume à charger. La banque néerlandaise « DVB », spécialiste du transport maritime 21 précise dans sa dernière étude sur le marché des porte-conteneurs géants, que les prix himalayens de ces géants plombent finalement leur rentabilité. Ramené à la boîte, un mastodonte de plus de 10.000EVP coûte à la commande 8610 euros contre 6390 euros pour un navire de 8000EVP livré en 2007 ou avant. Un surcoût que ne compense pas les gains obtenus par son armateur en termes d’économie d’échelle, en raison principalement de la congestion portuaire chronique. L’augmentation de l’efficacité opérationnelle n’offre finalement aucun avantage de coût par rapport à un navire de 8000 EVP commandé deux ans plus tôt. Ces navires, confrontés à l’engorgement logistique, ne rapportent pas, en pratique, ce qu’ils devraient rapporter en théorie Grue portuaire permettant le débarquement de plusieurs conteneurs en même temps Ces portiques pèsent de 2500 à 5000 tonnes et ne peuvent espacés de moins de 80m du fait de la résistance des quais. 21 Le Marin article du vendredi 18 janvier 2008 par Thibaud Theillard 19 20 13 Le Président du groupe EVERGREEN, Monsieur YUNG-FA CHANG, précisait, en août 2007, que ses navires resteraient de l’ordre de 8000 22 EVP. »En 40 ans de métier, j’ai vu beaucoup de soubresauts sur les marchés et le transport maritime est cyclique et lorsqu’une crise surviendra, les opérateurs de grands navires vont particulièrement souffrir. L’excellente période en cours ne peut durer indéfiniment. Il faut conserver des navires au moins à moitié plein pour garder la tête hors de l’eau. En cas de crise, les navires de plus de 10.000EVP sont très exposés ». Il précise, »Personnellement j’aurais préféré des unités de 6000EVP, mais les gens du marketing m’ont demandé de monter à 7000evp, puis à 8000EVP. On n’a pas besoin de construire grand pour diminuer les coûts si on construit bon marché. Nous avons commandé 35 navires de 2728EVP quand les prix étaient bas. Lorsque la série a été livrée, le marché s’est retourné et nous nous sommes retrouvés au sommet de la vague. La communauté maritime s’est moquée de nous, mais nous avons été les derniers à rire ». Le Président d’EVERGREEN reconnait avoir un besoin urgent d’au moins 65 navires de plus entre 2000tpl et 4000tpl, mais refuse de commander en raison des prix prohibitifs. Il est convaincu que les navires de 7000EVP vont dominer dans les prochaines années. En l’état de leur conception et de leur exploitation, les méga-portes-conteneurs devraient indubitablement entraîner une aggravation des risques (Titre I). Par ailleurs, la mise en service de ces « géants des mers », obligera nécessairement à une répartition des responsabilités entre les parties (Titre II). 22 Journal de la Marine Marchande du vendredi 14 septembre 2007 p. 10 14 TITRE 1 – LE GIGANTISME OU L’AGGRAVATION DES RISQUES Un porte-conteneur de plus de 350 mètres de long peut apparaître simple à mettre en forme et à construire, mais ce type de navire, possède en réalité une particularité architecturale combinée à de colossales contraintes de flambement de coque sur toute sa longueur. De la sorte, on constate, que si la taille des porte-conteneurs a énormément augmenté ces dernières années, la conception générale de ces navires a peu évolué. CHAPITRE 1.- LES RISQUES LIES A LA CONCEPTION DES MEGA PORTE-CONTENEURS Hormis la série des « EMMA MAERSK», construite dans les chantiers « LINDO » à ODENSE (DANEMARK), tous les autres « géants des mers » seront issus de chantiers asiatiques et notamment de la COREE du SUD numéro 1 mondial de la construction de navires de commerce. La construction approximative de ces navires, liée notamment à une faiblesse technologique des coques risque d’entraîner un accroissement des avaries. En outre des évolutions sont 15 nécessaires pour répondre à la spécificité de ces navires et tenter de limiter les risques potentiels. Section 1.- La faiblesse technologique des méga porte-conteneurs La sécurité maritime ne doit admettre aucun compromis tant au niveau de la qualité que de la fiabilité des nouvelles constructions de navires. Pour construire ce type de porte-conteneurs, il est indispensable de faire appel à des compétences techniques et humaines de haute facture. Or, il semble, actuellement, que les chantiers coréens soient : « confrontés à des difficultés, notamment du fait de la nécessité de faire face aux hausses considérables des coûts, à la pénurie de matériel, et à la volatilité des taux de change .Outre les problèmes d’approvisionnement en tôles d’acier et de taux de change, la pénurie actuelle de main-d’œuvre qualifiée inquiète de plus en plus les chantiers coréens » 23 . Ces confidences nous rappellent que la vigilance doit être de tous les instants et à chaque stade de la construction. A l’occasion de la « Shipbuilding Conférence », organisée en avril 2008 à Athènes par le « Lloyd’s List », les armateurs, les chantiers navals et les sociétés de classification ont émis des réserves, sur la qualité de ces constructions 24 . Il y aurait donc un risque important de voir des navires construits en Chine ne respectant pas, notamment s’agissant des conditions de sécurité, la réglementation internationale. Ces inquiétudes sont relevées par certains chantiers chinois qui font diligence pour respecter les standards internationaux. Monsieur SIMON LIANG 25 , Président du chantier 23 Organisation de Coopération et de Développement Economique : Vue d’ensemble de la politique coréenne de construction navale établie par le Ministère du commerce, de l’industrie et de l’énergie de la Corée, présentée à la première séance de l’Atelier avec les économies non membres sur les politiques de la construction navale. 24 Relayées en France par la Chambre Syndicale des Constructions de Navires (CSCN) 25 Mr Simon Liang a déclaré lors de la « Shipbuilding Conférence » : »peut-être 30 à 40% des navires livrés par de nouveaux chantiers chinois seront d’une qualité sous standard, il y aura des navires dangereux. » 16 « SINOPACIFIC », comme Monsieur GEORGES SERRIS, Président des Entreprises « SHIPPING & TRADING », ont alerté le monde du shipping… Mais la réaction doit être unanime et être appuyée par les instances internationales telles que l’OMI 26 , les sociétés de classification, les armateurs et les assureurs qui devraient refuser de cautionner des chantiers qui manquent d’expérience et de savoir- faire en refusant de contracter avec eux. § 1.- Une conception peu évolutive. Manifestement les méga porte-conteneurs construits actuellement ne sont que des versions agrandies des navires existants, sans qu’il n’y ait eu un effort d’adaptation technologique, eu égard leur taille. Ces navires ont été simplement « jumboisés « . Est tout d’abord apparu sur le marché, le 8500 EVP, long de 334 mètres sur 42,8 mètres de large, pour un poids de 100.000tpl, qui était en réalité, un 6500 EVP, de 300 mètres de long sur 40 mètres de large de 80.000tpl. Le 9400 EVP de 349 mètres de long par 42,8 mètres de 115.000tpl a suivi. Il n’était en réalité qu’un 8500EVP plus long et plus haut avec un plan de cale en plus. Enfin le 11.400EVP long de 363mètres par 45,60m de 130.000tpl, était en réalité un 9400EVP plus haut, plus large, avec un plan en cale et une rangée de plus. Si les premiers 6.500EVP sont arrivés en exploitation dans les années 2000-2001, les plus de 11.000EVP ne seront en service qu’en fin d’année. Il est impossible de bénéficier d’une expérience et d’une analyse sur un temps aussi court. Tout a été fait à « l’emporte pièce » comme le relève LUDOVIC GERARD 27 qui rappelle les contraintes physiques dans chantiers navals. « L’optimisation de l’espace des cales sèches et la recherche constante de gains de productivité a pu parfois être à l’origine de certains concepts, notamment lorsqu’il a fallu passer de 8000EVP à 9000EVP. Les chantiers coréens ont pris l’habitude de construire les navires avec des intervalles de 2 mètres au maximum entre les coques, voir moins coté quai. Certains chantiers ont donc préféré allonger les coques plutôt que de les élargir, notamment dans le cas de commandes transformées afin de Organisation Maritime Internationale (OMI), créé par une convention de l’ONU en 1948, chargé d’élaborer des dispositions relatives à la sécurité en mer. Elle compte 166 Etats membres. 27 Intervention de Ludovic Gerard, Directeur Constructions Neuves à CMA CGM, lors de la 105° session de l’Association technique maritime et aéronautique (Atma) le 05 juin 2007. 26 17 ne pas bouleverser leurs plans d’occupation des cales sèches «.De la sorte il n’y a pu y avoir de véritable analyse technique sur la conception de ces navires. Les tirants d’eau de ces navires ont également peu variés. Ils sont passés de 14,30 à 15,50 mètres. Le rapport 2008 du Shipbroker BRS sur « le transport Maritime et Construction Navale précise » : » Aujourd’hui les navires optimisés pour franchir le canal de Panama ont un ratio : longueur entre perpendiculaire / largeur de 8,8 alors que le ratio traditionnellement utilisé pour concevoir des navires de commerce est d’environ 7. Cette contrainte a des conséquences néfastes sur la stabilité des navires, qui obligent à maintenir des milliers de tonnes d’eau dans les ballasts de double-fonds. Cette eau de ballast ampute la capacité d’emport en tonnes du navire et augmente mécaniquement la consommation de fuel «. De ce fait, les navires subissent des contraintes de flexion et de torsion plus fortes, ce qui dans le mauvais temps, peut entraîner ce que l’on nomme « la fatigue de bordé «, phénomène apparu sur des porte conteneurs de type « panamax 28 » exploités par des armateurs allemands. Les capitaines de navires, membres de l’AFCAN 29 , ont souligné : »bien que la cause technique des fissures soit différente de celle des pétroliers, le remède est sensiblement le même. Avec l’utilisation accrue des aciers à haute résistance, les problèmes de fatigue doivent être étudiés avec attention, car pour l’usage courant que l’acier soit ordinaire ou à haute résistance la durée de vie est la même face à la fatigue «. Il convient de préciser que les méga porte-conteneurs sont réalisés dans un acier à haute limite élastique 30 . L’AFCAN ajoute: » Aussi lorsque le niveau des efforts est accru quand on utilise de l’acier à haute résistance, il faut porter une attention particulière aux détails de structure et aux facteurs de concentration des efforts pour maintenir la même durée de vie face à la fatigue .Les problèmes doivent être résolus au niveau de la conception «. Navires optimisés pour passer dans les écluses du canal de Panama. AFCAN, Association Française des Capitaines de navire, intervention à l’Assemblée Générale de l’association Française de Droit Maritime : La sécurité des porte-conteneurs, une préoccupation croissante. 30 Les méga PC sont construits avec un acier à haute limite élastique EH.36 en utilisant des techniques de soudage au laser qui ne créent pas d’effets induits, donc des déformations lors des assemblements de tôles. 28 29 18 Certains diront que des évolutions technologiques ont été mises en œuvre, en particulier « la double coque 31 » devenue obligatoire et ce, même si l’obligation est d’abord liée au risque de pollution des pétroliers. Il est incontestable que les navires résistent en principe aux efforts de fléchissement en partie grâce à leur double coque qui vient rigidifier leur structure longitudinale c’est-à-dire la poutre centrale, moelle épinière du navire. Cette double coque va servir à ballaster de l’eau de mer ou du carburant pour équilibrer l’assiette du navire. Mais il arrive que la coque « craque » et que le navire soit en détresse 32 (MSC NAPOLI). (annexe 2) Monsieur GERARD a constaté que : »les 8500EVP subissaient des moments de fléchissement très importants qui seraient 40% supérieurs à un 6500EVP ». Par ailleurs, la double coque présente un inconvénient majeur : Elle coûte plus de deux fois le prix d’entretien d’une simple coque. En sus le quota d’assurance augmente sur une double coque en l’état de risques majorés, notamment lorsque ces coques auront un certain âge 33 . Autre difficulté technique, « le creux »sur les méga porte-conteneurs. Celui-ci a été augmenté afin d’accroitre l’inertie de la poutre centrale permettant la grande longueur de ces navires. La torsion subie par ces géants a nécessité la construction de cloisonnements transversaux entre les cales que l’on appelle des « torsions box 34 ». (voir annexe 3) Or les professionnels navigants démontrent l’insuffisance technologique et ses conséquences. Après la cassure nette du « MSC CARLA » en 1977, un nouvel évènement de mer s’est produit en janvier 2007. Le « MSC NAPOLI »( porte-conteneur récent (1991) d’une longueur de 275,66 mètres construit par un chantier coréen hautement qualifié (Samsung Heavy Industries) classé par des sociétés de classification membres de l’IACS 35 , exploité par une Double coque : après la marée noire de l’Exxon Valdez en 1989, les Etats-Unis ont adopté l’Oil Pollution Act imposant les double-coques. A partir de 2010-2015 aucun pétrolier ne pourra naviguer dans les eaux américaines avec un pétrolier simple coque. Cette double coque est une structure englobant la 1° coque et qui isole la cargaison, de la mer par un espace servant à ballaster. 32 « MSC NAPOLI « en 2007 en détresse suite à l’apparition de fissures ayant entrainé l’envahissement de l’eau de mer dans le compartiment machine. 33 Les doubles coques nécessiteront une augmentation de la surface à protéger de la corrosion, notamment la corrosion bactérienne. 34 Torsion box : membrures transversales très renforcées et travaillées qui descendent sous le pont principal. Des études via les logiciels Mars Torsion et Veristar du Bureau Veritas ont donné pour les méga PC des différences d’échantillonnage d’épaisseurs de tôles : les 9400EVP ont des épaisseurs de tôles de la coque au niveau du pont de 66mm (EH 36) et 80mm pour l’hiloire ; les 11000EVP ont des tôles moins épaisses de 60mm (EH 36) pour la coque, et de 74mm (EH 40) pour l’hiloire. 35 International Association of Classification Societies 31 19 société compétente et connue (Zodiac Maritime Agencies) sous pavillon Anglais, affrété par la compagnie MSC 36 ) affrontait des conditions de mer difficiles, en descendant la Manche, lorsque l’équipage a entendu un grand craquement. La salle des machines a été envahie rapidement et l’équipage a du quitter le navire qui dérivait. Le rapport du MAIB 37 anglais en date du 27 novembre 2007 est sans appel à l’endroit de l’Internationale Association of Classification Societies (IACS) lui recommandant notamment : « ….contenu de sa règle UR S11 sur la résistance longitudinale de la coque afin d’assurer que les contrôles de flambement soient réalisés sur toute la longueur de la structure. Les membres de l’IACS sont invités à définir une méthodologie commune pour l’application des normes de résistance. ° De faire la synthèse des recherches entreprises en matière d’effet « vitesse du navire passant dans la vague » (whipping effect) sur la coque et d’en tenir compte dans les futures normes de résistance. ° De faire le point sur tous les dispositifs en vigueur pour soulager les commandants à déterminer les contraintes s’exerçant sur la coque en navigation ainsi qu’au port lors des chargements et déchargements. ° La Chambre Internationale maritime devra inclure lors de la rédaction du code de bonne conduite du transport maritime conteneurisé, les futures recommandations de l’IACS en matière de limites opérationnelles des structures de coque et l’obligation d’une évaluation et d’un signalement plus juste des fissures de fatigue. De plus le code devra établir un système de vérification avant mis à bord du poids réel des conteneurs. Il faut aussi inclure la nécessité d’adapter une vitesse de sécurité en fonction des conditions de navigation rencontrées. Méditerranée Shipping Compagnie, deuxième transporteur mondial ayant son siège social à Genève et dirigé par la famille Aponte. 37 Marine Accident Investigation Branch (MAIB) pendant du BEAmer français : Bureau Enquête Accident .Ces organismes étatiques interviennent pour des enquêtes techniques après événement de mer, accident ou incident de transport terrestre ,ainsi qu’à celles du »Code pour la conduite des enquêtes sur les accidents et incidents de mer » et suite aux résolutions A.849 (20) et A.884 (21) de l’Organisation Maritime Internationale (OMI) des 27/11/97 et 25/11/99 36 20 ° En ce qui concerne la société Zodiac Maritime Agencies Lt ; elle devra réétudier le système de gestion de la sécurité et ses procédures d’audit et ce pour s’assurer que : - Les directives données aux commandants en ce qui concerne la vitesse dans des conditions de mer délicate s’appuient sur les conclusions tirées de l’évènement de mer du MSC Napoli. - Le service technique prenne rapidement attache avec la société de classification sous contrat, dès lors qu’il y a une panne sur le fonctionnement d’un élément de la machine. - Les commandants doivent obligatoirement prévenir le pilote de la situation risquant de réduire la capacité d’évolution ou la stabilité du navire… » A posteriori, le monde du shipping entreprend toute une série de test d’épreuves… La compagnie CMA CGM et la société de classification française « (BV) BUREAU VERITAS « ont établi un « partenariat », en vue d’établir des mesures de contraintes sur le porte conteneur de 9400EVP « RIGOLETTO 38 ». Cette même compagnie aurait décidé que ses méga porte-conteneurs seraient dotés de deux châteaux : Le premier se situerait sur le tiers avant (la passerelle), d’où une meilleure visibilité en condition de navigation, et le deuxième se tiendrait sur le tiers arrière (la machine). Ils devraient ainsi rigidifier la coque et éviter au navire de subir des déformations extrêmes. D’autre part, les conteneurs devraient être disposés sur trois espaces : à l’avant, au centre entre la passerelle et la machine, et sur l’arrière. Il y aurait un véritable début d’évolution dans la conception de ces mégas navires…. § 2.- Un dessin de coque entrainant des situations dangereuses Le rapport du MAIB concernant l’évènement de mer du « MSC NAPOLI » souligne : » Les avantages commerciaux de la conteneurisation et de l’inter modalisme comme la vitesse et la Le navire RIGOLETTO a embarqué des jauges de contraintes et d’accéléromètres enregistreurs à divers endroits pour étudier le comportement du navire et de sa cargaison. Les résultats sont bien sûr confidentiels, mais quelques indiscrétions ont pu filtrer qui laissent entendre que les professionnels ont été fort surpris par les mesures récoltées. 38 21 rapidité des rotations apparaissent comme étant devenus la préoccupation de l’industrie au détriment de la sécurité de l’exploitation du navire «. Pour conserver la possibilité d’accoster dans certains ports, ces navires ont limités leurs tirants d’eau à 16 mètres environ, alors qu’ils atteignent des hauteurs de l’ordre de 45 mètres et des largeurs avoisinant les 60 mètres. Leur fardage 39 conséquent équivaut à trois stades de football. Sans être un naviguant, chacun aura compris ce que peut-être la « maniabilité » de ces navires dans des conditions de mer délicate. L’exigence économique, va manifestement à l’encontre d’une navigabilité sûre et sécurisante. En effet, les formes de coque à l’avant et à l’arrière représentent des points sensibles : la proue des porte-conteneurs est une zone exposée qui doit faire face aux assauts des vagues élevées, et lors de navigation à vitesse importante, l’étrave peut subir » des pressions de 60 tonnes/m carré 40 ». Or les proues des porte-conteneurs ont vu leurs dévers augmentés sans cesse pour arriver à des angles bien supérieur à 45 degrés et ce dans le but d’emporter toujours plus de conteneurs en pontée. Ce sont donc des étraves très tulipées qui sont construites afin d’offrir un maximum d’espace pour loger les conteneurs. Cependant la pontée et la longueur du navire empêche d’avoir une vision claire et objective de l’avant et de l’impact des vagues sur l’étrave du navire. « Autrefois les hommes souffraient avant le bateau, maintenant c’est le contraire ». Un rapport du « Bea mer 41 » indiquait : » Ceci est particulièrement remarquable sur les grands porte-conteneurs ou, de la passerelle, on voit « onduler » la surface de conteneurs, ce qui faisait dire à un commandant que par gros temps, on pouvait se demander si l’avant et l’arrière du navire étaient encore solidaires 42 ». Monsieur GERARD précisait : » les développements des navires en faisant de véritables plateformes pour charger un nombre maximum de conteneurs, ont induit des angles de bordé 39 Le fardage est la prise au vent de tout ce qui dépasse de l’eau. Le fardage est une trainée parasite. 40 Intervention de Pierre de Livois de BV division marine lors de la conférence organisée par l’Académie de Marine le 03/05/2006 sur le thème : Navires de grande taille : des avantages mais aussi des risques 41 Rapport d’enquête technique du bureau d’enquêtes sur les évènements de mer français sur la perte à la mer de conteneurs en pontée : cas du CMA CGM OTELLO de 2006 42 Il a été observé par d’autres navigants qu’avec une gite nulle en passerelle, il y avait une différence permanente de 10cm entre les tirants d’eau milieu, bâbord et tribord. 22 très ouverts sur l’avant. Face à la houle, la mer ne s’évacue pas aisément et les pressions locales peuvent s’élever et dépasser les contraintes admissibles ». (annexe 4) Les carènes des mégas porte-conteneurs, ont des étraves très en forme dans les œuvres vives 43 et des dévers importants au-dessus de la flottaison. Elles ont également une section milieu classique, avec des murailles droites mais à la longueur plus réduite, outre une section arrière très plate avec un surélèvement de la voute pour accueillir une hélice de très grand diamètre 44 . Cet ensemble démultiplie les risques d’avaries avec l’apparition d’un phénomène de Slamming 45 . Mais le dessin de coque a aussi des conséquences sur la stabilité du navire(en particulier sur les conditions de roulis). C’est la raison pour laquelle l’OMI a travaillé sur la modification de la jauge de 1969 des porte-conteneurs afin d’augmenter la capacité des cales et réduire le nombre de conteneurs en pontée. Ces travaux sont essentiels, mais quid de leur mise en œuvre… En effet, les formes des carènes obligent à l’apparition d’un phénomène : le roulis paramétrique 46 , entraînant la perte de nombreux conteneurs. Chaque grosse tempête est une menace pour les navires et leur chargement. Si les risques font partie de la culture maritime, le transport océanique demeurant une « Aventure nautique », il appartient cependant au monde maritime de mettre en place des moyens afin de limiter les risques d’avaries, notamment en favorisant de véritables recherches techniques pour fiabiliser les méga porte-conteneurs. A.- Le roulis paramétrique Œuvres vives : tout élément de coque immergé et faisant partie du secteur Hydrodynamique à la différence des œuvres mortes qui sont tout élément de coque audessus de la flottaison et pas en contact direct avec la mer. 44 L’hélice d’un méga porte-conteneur a un diamètre de 11m et pèse 120 tonnes 45 Slamming : impact de fluide qui provoque des phénomènes résonants de basse fréquence correspondants aux modes de poutre navire et qui peuvent être excités par la houle ce qui entraine une fatigue et des contraintes supplémentaires de la poutre navire, moelle épinière du navire. 46 Le roulis paramétrique : Les porte-conteneurs ont des tailles qui avoisinent les longueurs correspondant aux cycles des vagues qui se produisent dans le pacifique ou l’Atlantique Nord. Voir le manuel de résistance des métaux de V. Feodossiev qui consacre un paragraphe à la « résonance paramétrique et l’auto oscillation ». D’autre part une excellente note de 2004 de l’American Bureau of Shipping (ABS) société de classification américaine sur l’évaluation du phénomène de « parametric roll resonance », ainsi que l’excellent article de M. Philippe GALVAGNON, Professeur en chef de l’enseignement maritime, IGEM Paris : Un nouveau phénomène à maitriser : le roulis paramétrique. 43 23 Ce phénomène naît par mer venant de 30 degrés sur l’avant du navire lorsque la houle a une longueur voisine de la longueur du navire. Le roulis peut atteindre 30, voir 40 degrés d’un bord sur l’autre entraînant un changement de cap intempestif du navire, ce qui rend ce dernier ingouvernable. Ce processus peut débuter sans prévenir lorsque le navire se retrouve sur la crête d’une vague avec une flottaison qui diminue et ainsi entraine une perte de stabilité. Il prend alors un certain angle de gîte, se retrouvant dans le creux d’une vague, avec une augmentation de la surface mouillée et une stabilité accrue, donc un couple de rappel violent. Le navire subit, de la sorte, un rappel « musclé », qui l’engage dans un roulis effréné bord sur bord. Ayant emmagasiné de l’énergie cinétique il est entraîné vers un angle de gîte plus important. La répétition de ce phénomène produit des coups de gîtes prononcés dans le cas des porteconteneurs modernes et ce, par le contraste entre les formes de coque très fines sous la flottaison et les œuvres mortes très évasées. Bien entendu ce roulis paramétrique a des conséquences à la fois sur la coque et sur la cargaison. Sur la coque, le navire encaisse des contraintes, des torsions, des flexions qui entraînent une fatigue de l’ensemble de la structure. S’agissant du chargement, ces coups de gites intempestifs « éjectent » des conteneurs ou bien, sous l’effet de ces efforts dynamiques, entrainent l’affaissement d’une pile, qui bascule comme des dominos sur une pile voisine. Le phénomène de roulis paramétrique et ses conséquences avaient déjà été constatés, en 1998, sur le porte-conteneur « APL CHINA » qui faisait route de Kaohsiung vers Seattle. Le roulis paramétrique avait provoqué la chute à la mer de 400 conteneurs et plusieurs autres dizaines se sont retrouvées seulement retenus par leurs dispositifs de saisissage sur les flancs du navire. Les assureurs « corps » et les experts, avaient alors évalué le montant des avaries à 100 millions de dollars… Selon un rapport de l’Alliance of Maritime Régional Interests in Europe (AMRIE) 47 : » Il y aurait jusqu’à 10.000 conteneurs tombant à la mer chaque année ». Personne ne contestera qu’avec la mise en circulation des méga porte-conteneurs, ce phénomène ne devrait pas disparaître. L’Alliance des intérêts maritimes régionaux en Europe s’était inquiétée dès 2001, des problèmes de sécurité posés par la taille accrue des navires et la tendance à empiler les conteneurs en hauteur. 47 24 La société de classification scandinave « DET NORSKE VERITAS » a mis au point un « système expert » composé de : capteurs, jauges de contraintes, senseurs, accéléromètres, GPS, centrales inertielles, qui assisteraient l’officier de quart dans la conduite et le comportement du navire. Ce logiciel préviendrait la passerelle du risque de roulis paramétrique, et proposerait de suivre un cap, une route différente ainsi qu’une vitesse adaptée aux conditions de mer rencontrée. Mais ce logiciel n’est pas obligatoire à bord des porte-conteneurs 48 . Les mégas navires ont une valeur de 170 millions de dollars et une valeur marchandise d’environ un milliard de dollars, les assureurs devront faire pression sur les armateurs pour que cette aide à la navigation fasse partie de l’équipement indispensable à bord des mégas porte-conteneurs. Bien que les marins soient reliés à la terre en permanence, et reçoivent des informations météo régulièrement, le commandant s’appuie sur le système AWT « Applied weather Technology « qui lui permet de se router avec une fiabilité honorable et le prévient des risques de typhons en Asie du Sud-Est, ouragans aux caraïbes, hurricanes aux Etats-Unis, la tempête est difficile à cerner car sa zone est plus large et son interprétation aléatoire. Un phénomène demeure pour le moment totalement imprévisible, et ce malgré l’étude et l’observation par satellite de la surface des mers ce sont les « freaks waves » ou « vagues monstrueuses ». B.- Les « Freak waves » Ces vagues dites scélérates occasionnent de lourdes avaries aux navires qui se font surprendre. Pendant de nombreuses années, ces vagues gigantesques étaient renvoyées au rang de « mythe marin ». Il a fallu attendre les résultats transmis par le satellite ERS de l’Agence Spatiale Européenne pour établir sans doute possible la réalité de ces vagues « diaboliques ». Le groupe CMA CGM a mis en place un logiciel « Octopus » qui alerte la passerelle sur les risques de roulis paramétrique et propose des hypothèses pour se sortir de ces conditions délicates. Tous les navires de plus de 5100EVP du groupe devraient être équipés de ce système. 48 25 En décembre 2000, l’Union européenne a lancé le projet « MaxWave » avec pour but de vérifier l’existence et l’importance de ces vagues colossales et tenter d’expliquer leur naissance. Sur une période de dix sept mois, délibérément choisi par l’équipe MaxWave, il a été constaté une dizaine de vagues monstrueuses de plus de 25 mètres. L’existence de telles vagues est donc bien confirmée. Un projet de recherche « WaveAtlas », mis en place en 2005, a eu pour objet d’explorer deux ans d’images d’ERS pour établir un atlas mondial des « freaks waves » et peut-être établir des prévisions. Le Commandant GEORGES FIGUIERE 49 a décrit les « freaks waves « ou les « rogue waves » dans son article : » Sur une mer houleuse parfois tempétueuse, s’élève soudain une vague unique et monstrueuse, venant de nulle part que les marins appellent « Freak ou Rogue Waves » et les marins francophones « Vague Scélérate ou Monstrueuse » au profil souvent abrupt et dont la hauteur (distance mesurée entre le creux et la crête de la vague) peut atteindre voir dépasser30 mètres […] ». En septembre 1995 le « QUEEN ELISABETH 2 « ayant le cap sur New York subissait les affres du cyclone « Luis « ainsi que les conséquences d’une tempête descendue du nord, lorsqu’il s’est trouvé face à une vague gigantesque qui ressemblait, selon le Commandant WARVICK,»aux falaises blanches de Douvres ». La vague 50 a frappé la passerelle du paquebot située à 27 mètres au dessus de la ligne de flottaison… Il a été calculé que les efforts produits par de telles vagues sur les coques sont estimées à 100 tonnes/m2 alors que les navires sont construits pour résister à 30 tonnes/m2 au maximum. De récentes études du Centre Océanographique de l’Université de Southampton démontrent que la hauteur des vagues dans l’Atlantique Nord a doublé durant les 30 dernières années. 49 Le Commandant Georges Figuière expert prés la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, arbitre et expert maritime, enseignant au CDMT a rédigé un article : Les Vagues Monstrueuses (Freak Waves) dans la Revue SCAPEL de Droit Commercial, Maritime, Aérien et des Transports – 2003 Octobre-Novembre-Décembre. 50« La hauteur de cette vague n’était nullement exagérée, elle fut enregistrée par le Canadian Weather buoys comme ayant atteint 98 pieds, soit 29,90m ». 26 Ces travaux sont corroborés par ceux de l’organisme japonais « WeatherNews » qui précise que » le monde est entré dans un cycle comportant une fréquence plus élevée de mauvais temps et de tempêtes tropicales » 51 Section 2.- Des évolutions nécessaires lors de la construction Même si l’aléa perdure, il est impératif que les sociétés de classification s’investissent particulièrement pour faire évoluer leurs normes à tous les stades de la construction afin de limiter de graves et coûteux sinistres. §.- 1 Le rôle des sociétés de classification Si ces sociétés jouent un rôle indispensable au niveau de la sécurité maritime et permettent à tous les acteurs du transport maritime d’exploiter, des navires en bon état : « Toutes les sociétés de classification n’apportant pas les meilleurs garanties, il nous parait également souhaitable de faire le ménage parmi les sociétés de classification complaisantes .Elles ont un rôle central et monopolistique et possèdent la science mais manquent singulièrement de conscience 52 ». Les sociétés de classification ont une fonction statutaire, c'est-à-dire qu’elles assurent une mission de certification par délégation des Etats du pavillon, sur l’étude totale ou partielle de la conformité des navires eu égard aux règles de sécurité maritime et à la protection de l’environnement fixées par les conventions internationales. Elles ont également une fonction privée, c'est-à-dire qu’elles délivrent « des certificats de classe » prouvant la conformité du navire aux règlements élaborés par les dites sociétés. En 2000, l’International Association of Classification Societies (IACS) réunissant les dix principales sociétés qui couvrent 90% de la flotte mondiale, a retiré l’agrément au Polish Register. Article de Jean-Yves Grondin Vice-Président de la Chambre arbitrale maritime de Paris SAFERSEAS Conférence « Pour des mers plus sûres et plus propres » Brest, Octobre 2007 Session 5 – table ronde N°4 : Nouveaux défis liés au développement du transport par porteconteneurs .Intervention de Bernard Le Guern (Vigipol) : Syndicat mixte pour la lutte pour la protection du littoral breton, contre la pollution maritime, les naufrages, les marées noires et la protection des riverains. 51 52 27 La Commission Européenne, à la suite des naufrages de « l’Erika » et du « Prestige » a fait pression pour que cinq 53 sociétés de classification fassent l’objet d’inspections surprises en 2008. Elle a en outre prévu de créer un organisme indépendant qui aurait comme fonction de surveiller les activités des sociétés de classification, une sorte d’AAI 54 , telle que l’AMF 55 …. L’IACS conteste vivement ce projet, ce qui est tout à fait regrettable. En 2006, pour tenter de donner plus de transparence à sa mission, elle a mis en œuvre des règles communes, sorte de code de » bonne conduite 56 » à toutes les sociétés de classification, s’agissant de la construction de certains navires tels que les pétroliers et les vraquiers, mais rien en ce qui concerne les méga porte-conteneurs. En octobre 2007, lors de la Conférence SAFERSEAS, et ce de concert avec l’Association Française des Capitaines de navire et VIGIPOL, il a été demandé que les sociétés de classification incluent lors de la construction de mégas porte-conteneurs, l’installation de capteurs de fatigue de coque du navire aux endroits les plus sollicités. Il faut espérer que ces propositions soient retenues par les sociétés de classification qui débutent, jusqu’à présent leurs visites pendant la construction des navires. … Le Bureau Veritas, le Lloyd’s Register, le Germanisher Lloyd et le Rina ont été visités par les agents de la Commission européenne. Ces sociétés font partie de l’IACS qui est embarrassée par l’investigation anticartel. Mr Ph. Ruttley avocat de la direction de la concurrence à la Commission européenne estime : » que toutes les sociétés de classification devraient examiner attentivement les termes et conditions de leur appartenance ( à l’IACS) et de leurs opérations, structures et responsabilités, surtout en ce qui concerne leurs relations mutuelles et la mise en œuvre de programmes de conformité à la concurrence ». 54 Autorité Administrative Indépendante : peut prendre des décisions exécutoires, ce qui la distingue des juridictions dont les décisions ont autorité de la chose jugée, et de l’administration consultative, ne donnant que des avis. Nonobstant une autorité administrative indépendante peut posséder également des compétences juridictionnelles et consultatives comme la commission bancaire. Le Conseil Constitutionnel a rappelé sa jurisprudence constante qui veut que l’article 21 de le Constitution de 1958 ne fait pas obstacle à ce que le législateur confie un pouvoir réglementaire à une autorité autre que le 1° ministre « à la condition que cette habilitation ne concerne que des mesures de portée limitées tant par leur champ d’application que de leur contenu » condition qu’il a estimé remplie en l’espèce », cahier du Conseil Constitutionnel n°2 deuxième semestre 1996. 55 Autorité des Marchés Financiers : est un organisme public indépendant doté de la personnalité morale et disposant d’une autonomie financière qui a pour mission de veiller : à la protection l’épargne investie dans les instruments financiers et tout autre placement donnant lieu à l’appel public à l’épargne ; à l’information des investisseurs ; au bon fonctionnement des marchés d’instrument financiers. 56 G. Farjat, »Réflexions sur les codes de conduite privés. Le droit des relations économiques internationales », Etudes Goldman, Litec , 1982 : P. Sanders, » code of conduct and source of Law », eod.loc, page 281. 53 28 Les navires de plus en plus grands et sophistiqués, disposant d’une double coque, obligent à des contrôles plus nombreux et rigoureux. Les sociétés de classification doivent voir leur responsabilité engagée en cas de naufrage. C’est ce qu’a jugé, à juste titre, le Tribunal correctionnel de Paris, dans le procès « Erika » en déclarant la société de classification « RINA » coupable de pollution des eaux ou voies navigables françaises le long du littoral atlantique, et en la condamnant à une amende de 375.000 euros outre solidairement, avec l’affréteur, l’armateur, et le gérant technique du navire à verser prés de 192 millions d’euros aux parties civiles. La motivation du Tribunal est explicite : » en renouvelant le certificat de classe dans la précipitation, et comme M. Alga(inspecteur du Rina)l’avait lui-même précisé, sous la pression commerciale,[…],l’inspecteur de la société Rina a commis une faute d’imprudence qui s’est révélée être l’une des causes du naufrage, et comme telle a provoqué l’accident de mer, imputable à un inspecteur qui avait le pouvoir de décider seul, du renouvellement du certificat de classe […] sa faute est de nature à engager la responsabilité pénale de cette personne morale à raison de son activité de classification ». Cette position est dans le droit fil de la décision de la Cour de cassation en date du 27 mars 2007 à propos de l’affaire « NAVIRE WELLBORN » 57 . Ce navire avait coulé à Port Dauphin (Madagascar) avec à son bord une cargaison de manganèse provenant du Gabon à destination de la Chine. La 1° Chambre civile a retenu « qu’ayant relevé que sans la faute du Bureau Veritas le Wellborn n’aurait jamais pu prendre la mer, de sorte que le sinistre ne serait pas survenu et qu’en tout cas la compagnie Groupama n’aurait jamais accepté de garantir la cargaison aux mêmes conditions, la Cour d’appel a pu déduire que la faute du Bureau Veritas était la cause directe du préjudice ». Les sociétés de classification ont un rôle important. Des contrôles réguliers seront une preuve de compétence et de crédibilité. § 2.- L’inquiétude des sauveteurs Affaire « Navire WELLBORN » Cour de Cassation 27 mars 2007 1°ch. Civ n°05-10480 : Observations du Professeur Pierre BONASSIES DMF septembre 2007 p 753 ; Revue de Droit des Transports- Revue Mensuelle Lexisnexis -Jurisclasseur-juillet-aout 2007 Note de Michel FERRER : Détermination du lieu du fait dommageable et responsabilité des sociétés de classification à l’égard des assureurs facultés. 57 29 L’épopée malheureuse du « MSC NAPOLI » en janvier 2007 est dans toutes les mémoires. Ce porte-conteneur de 275 mètres avec une capacité de 4.400 evp, s’est retrouvé en détresse suite à deux fissures dans la coque, avaries qui ont entrainé l’inondation du compartiment machine. Les 26 membres composant l’équipage ont demandé assistance et du abandonné le bord. Les deux puissants remorqueurs de haute mer, « ABEILLE BOURBON » et « ABEILLE LIBERTE » affrétés en permanence par l’Etat Français, ont uni leurs efforts pour tracter le navire en détresse, gouvernail bloqué à 36° degrés, travers au vent et avec une gîte très importante risquant à tout moment que le navire ne se brise. Les autorités Britanniques ont pris la décision d’échouer le porte-conteneur sur les bans de sable du Devon… La côte atlantique est particulièrement exposée au trafic maritime avec 55.000 navires qui transitent chaque année dans le dispositif de séparation du trafic (DST) 58 d’Ouessant, dont 10.000 représentent des porte-conteneurs, soit environ 30 millions de conteneurs acheminés dont 15% contiennent des produits dangereux. Les autorités administratives se sont donc légitimement inquiétées devant la course au gigantisme et ont préconisé de limiter la vitesse des méga porte-conteneurs dans les zones à fort trafic. Elles ont également développé l’idée d’obliger l’embarquement d’un pilote hauturier dans les eaux resserrées pour les très grands navires. Ces préconisations apparaissent comme des règles de sécurité, à minima, qui doivent donc être impérativement mises en place et les assureurs ont un rôle essentiel à jouer auprès de leurs clients en ce sens. Au cours de la Conférence « SAFERSEAS « Monsieur QUILLIVIC, représentant les « Abeilles International » a précisé que « l’Abeille Bourbon est dimensionnée pour pouvoir remorquer un porte-conteneur de 12.000EVP par force 9, mais quid en cas de barre 58 Dispositif de Séparation du trafic(DST) :c’est un système en application dont le but est de limiter les abordages dans des secteurs à fort trafic en disciplinant les navires qui ont tendance à vouloir écourter les distances en passant prés des côtes. Ce dispositif prévoit une voie montante séparée de la voie descendante. L’avènement des méga porteconteneurs inquiète les sauveteurs, les assureurs, les personnels chargés de surveiller ces dispositifs et sollicitent des instances comme l’OMI pour limiter la vitesse de ces géants lors de l’utilisation de ces DST. On en répertorie 5 dans le monde : celui d’Ouessant, du Pas de Calais, du Cap Finisterre, du détroit de Gibraltar, du détroit de Malacca. 30 bloquée ? Il faut donc se rendre à l’évidence que pour ce type de navire, la présence de deux remorqueurs sera incontournable. De plus : »Un porte-conteneur en panne dans le mauvais temps va se positionner travers au vent .Cette posture, pour un navire avec un faible tirant d’eau par rapport à la hauteur de sa cargaison est très dangereuse .La gîte va vite s’accentuer et la possibilité de ripage de conteneurs va empêcher l’équipage d’aller à l’avant du navire pour connecter une remorque ». Les sauveteurs sollicitent l’installation à l’avant comme à l’arrière des méga porte-conteneurs des gréements de remorquage d’urgence, déjà obligatoire sur les navires citernes. Monsieur QUILLIVIC ajoute : « Même si la manœuvrabilité et la traction des remorqueurs d’assistance ont été étudiées pour faire face à ce type d’intervention, il est clair qu’une traction exercée de 200 tonnes ainsi que les surcharges des à coups de remorque liés au mauvais temps, ne sont pas compatibles avec les installations existantes sur le gaillard avant des porte-conteneurs. La résistance des bittes d’amarrage a été calculée pour subir les efforts des aussières le long d’un quai et non pour remorquer ces géants des mers dans les pires conditions météorologiques .Pour tenir un méga porte-conteneur bout au vent 59 il faut que l’avant résiste à une traction pouvant aller jusqu’à 600 tonnes ». Il conclue: »Le trafic des porte-conteneurs ne cessant de s’intensifier, il nous parait urgent que l’OMI 60 adopte des résolutions imposant à ce type de navires les mêmes installations de remorquage d’assistance que pour les pétroliers de plus de 500.000 tonnes qui sont reliées à la structure du navire et se présente sous la forme de gousset de remorquage ou de stoppeur. Sachant d’autre part, que le coût extrêmement faible de cet investissement lors de la construction, ne saurait pénaliser les armateurs et les incitera peut-être à adopter très rapidement ces modifications à bord de leur navire actuellement en construction ». Le sauvetage de ces « géants des mers », a fortiori dans des conditions de mer doit être anticipé en particulier en réduisant au maximum les approximations. § 3.- Les lieux de refuge Bout au vent : être face au vent Création par L’Organisation des Nations Unies en 1948 qui adopta la Convention portant création de L’Organisation Maritime Internationale (OMI) : le tout premier organisme chargé d’élaborer des dispositions relatives à la sécurité en mer. Elle compte 166 Etats membres. 59 60 31 L’article 3 de la directive 2002/59/CE définit : » Un port, une partie d’un port ou un mouillage ou ancrage de protection ou tout autre zone abritée, désignée par un Etat membre pour accueillir des navires en détresse ». Le Commandant Rossignol 61 précise :» Est un lieu de refuge, un endroit ou un navire ayant besoin d’assistance peut prendre des mesures qui lui permettent d’améliorer sa condition, de protéger l’environnement et la vie humaine et de réduire les risques pour la navigation et l’environnement ». Un capitaine de navire peut prendre la décision, parce que son navire est en difficulté, voire en détresse, de recherche un abri dans un endroit pour tenter une réparation, ou même attendre une météo plus clémente. C’est un réflexe de marin que de chercher à gagner un abri pour éviter que le navire ne subisse plus de dégâts. Une « due diligence » 62 factuelle, c'est-à-dire la diligence due par le bon professionnel, l’examen vigilant que doit tout professionnel compétent à ses cocontractants. « La base du principe est simple : on met le navire dans un abri, on le rafistole et on l’amène ensuite là ou on peut faire davantage » 63 . La difficulté majeure est que l’accès à une zone de refuge n’est pas libre. En effet, le capitaine doit pour se faire, en référer aux autorités maritimes de l’Etat côtier. Ainsi dans l’événement de mer du « MSC NAPOLI », les Autorités, tant Françaises que Britanniques, ont réagi très rapidement pour choisir un abri, avant que le navire ne coule. La gestion du cas « MSC NAPOLI » a été, à ce titre, exemplaire. Le dispositif des zones de refuges a été mis en œuvre avec succès. L’idée de désigner des zones pour les navires en difficulté et ce dans le but de limiter notamment l’ampleur d’une pollution est tout à fait louable mais comment l’appliquer à un navire mesurant 400 m de long, avec 15.000 conteneurs à son bord et quelques 20.000 tonnes de fioul dans ses soutes. 61 Commandant T. Rossignol vice président de L’Association Française des Capitaines de Navire. (AFCAN) , article : Les ports refuge. 62 « Due diligence » définition donnée dans le Traité de Droit Maritime de Mrs Pierre BONASSIES et Christian SCAPEL. L.G.D.J. page 638 n° 1003 63 Propos tenus par le capitaine de vaisseau Jouslin de Noray, commandant du centre opérationnel de la préfecture de Brest. Le Marin vendredi 26 janvier 2007 page 4 32 On se souvient du cas du « Prestige » et du désaccord entre les autorités locales et centrales qui avait conduit au naufrage du pétrolier qui s’était brisé en deux au large de la Galice. Un Etat peut-il seul décider d’accepter ou refuser un navire en détresse dans un lieu de refuge ? Sur cette question, la Commission des Communautés Européennes et les Etats membres sont en opposition. La Commission souhaiterait que la décision soit confier à une Autorité indépendante, et ce dans le but de minimiser les pressions des Instances locales. Une solution que chaque Etat membre devrait entériner pour éviter, en particulier, tout retard dans la prise de décision. Mais comme l’a très justement relevé Mr BERNARD DREYER lors du colloque de l’institut méditerranéen des Transports maritimes, il s’interrogeait sur l’ascension de ce gigantisme en ajoutant une chose est certaine :» Tous les ports ne pourront pas accueillir ces monstres des mers ». § 4.- La nécessaire réaction des ports occidentaux face au gigantisme Au cours des Assises de l’économie maritime tenues à Marseille en Décembre 2007, le Président de CMA CGM comme Mr MICHAEL MOORE, Vice-président de l’opérateur de terminaux portuaires Dubaï Ports World (DPW) ont tiré un signal d’alarme sur le retard des infrastructures portuaires occidentales : » La croissance globale du trafic conteneur sera de 9,8% par an jusqu’en 2012. Parallèlement la croissance des terminaux sur la même période ne sera que de 3,9% par an «.Ils soulignent en outre : » La plupart des ports européens ne disposent pas de capacités techniques modernes. Les tirants d’eau, les longueurs de quai, les infrastructures de stockage et les capacités de manutention sont inadaptés ». Un constat inquiétant pour l’Europe et l’Amérique du Nord ou la création et l’agrandissement d’infrastructures prennent de longues périodes. « En Europe, si tous les projets lancés avaient été livrés à temps, nous aurions une capacité de 11,4 millions d’EVP en plus depuis 2005 « déclare le vice-président de DPW. Alors que les armateurs investissent de façon massive dans de nouveaux navires, toujours plus grands, pour répondre à la demande du marché, en retour, les transporteurs se trouvent confrontés à une congestion des ports. 33 Les conséquences sont des heures d’attente qui pénalisent financièrement les armateurs : les coûts journaliers d’un méga porte-conteneur de 13.000 EVP sont d’environ 50.000 euros. Les armateurs s’expatrient et concentrent leurs activités : « CMA comme d’autres armements, a décidé de ne plus effectuer d’escales directes dans certains ports ou la congestion est présente, mais de les feedériser 64 avec des navires plus petits. Nous en sommes déjà à des navires qui ont besoin de disposer de 390 mètres de quai et d’une profondeur de 17 mètres. Difficile de trouver de telles possibilités en Europe pour accueillir ces navires. En Chine ? Pas de problème ». En France, seul « Port 2000 » au Havre, 65 est capable de recevoir un méga porte-conteneur : ayant su anticiper l’augmentation des volumes, le port du HAVRE offre déjà les nouvelles capacités de manutention nécessaires pour 22 rangées de conteneurs. Cette même insuffisance se retrouve en Angleterre : MR ROBIN MIDDLETON représentant le ministère britannique des Transports a souligné lors de la Conférence SAFERSEAS : « Il n’y a pas de port britannique disposant de portiques pour opérer ces géants et ayant un tirant d’eau assez profond », ajoutant « Big is not always beautiful ». Les concurrents des ports français et européens ne sont donc pas en reste et pour maintenir leur position, ils se sont agrandis de façon spectaculaire en particulier afin d’accueillir les porte-conteneurs de 12.000EVP et plus. Rotterdam premier port européen, ayant franchi la barre symbolique des 10 millions d’EVP en 2007 et souhaitant se maintenir à cette place a lancé un projet important : Maasvlakte 2 qui permettra un agrandissement de 20% de la surface du port de Rotterdam. Ce projet devrait être prêt en 2013. Les quais seront équipés de 22 portiques Post-Panamax 66 . Ces engins Le feedering est un moyen pour récupérer et dispatcher des conteneurs transportés par des « ships mothers » vers de nombreux ports secondaires écartés par les lignes océaniques autour de certains grands ports accueillant les méga porte-conteneurs. C’est un moyen d’inonder toutes les régions, et contribue à la globalisation des échanges des produits. 65 En février 2008 « l’Eugen Maersk » long de 400m a escalé au Havre 2000. Ce port dispose de deux terminaux exploités : l’un par le leader mondial du transport maritime, le groupe Maersk ; le deuxième par la CMA. Ces terminaux possèdent 4 portiques construits par le groupe chinois Shangai Zhenhua Port Machinery Co. (ZPMC). D’un écartement de 35m, ils ont une flèche leur permettant de charger et décharger les méga porte-conteneurs de 22 rangées. Chaque portique est capable de soulever 2 conteneurs de 40’ d’un poids total de 100 tonnes. Le Havre 2000 a anticipé l’explosion du trafic conteneur et prévoit des travaux de construction de 2100m de quai supplémentaires pour 2010. 66 Navires post Panamax : navires de taille supérieure aux dimensions du canal de Panama et ne pouvant pas l’emprunter. 64 34 pourront aller chercher sur 22 rangées un conteneur de 20’ ou 40’ pesant jusqu’à 61 tonnes. Il sera possible de décharger jusqu’à 6 conteneurs en même temps. Nous pouvons observer que l’ensemble du range nord s’est lancé dans la course aux terminaux. Hambourg, Bremerhaven, Zeebrugge ont la même obsession, grandir, creuser, augmenter la cadence de manutention. Du coté de la méditerranée le terminal à conteneurs Fos 2XL prés de Marseille a commencé en octobre 2007 la campagne d’approfondissement de la darse pour porter le tirant d’eau de 12 à 17 mètres. D’autre part le port autonome de Marseille a lancé en janvier 2008 l’appel à projet pour les terminaux Fos 3XL et Fos 4XL. Le but est de créer pour l’un 800 mètres de quai et 50 hectares de terre-pleins, la deuxième entre 1000 et 1200 mètres de quai et 60 à 80 hectares de terre-pleins. La mise en service est prévue pour 2014. Cependant Monsieur DREYER a souligné, à juste titre, une autre réalité : la concurrence et la situation géographique. Les mégas porte-conteneurs venant du « range Nord Atlantique » ou arrivant du canal de Suez escaleront plutôt en restant sur leur route directe vers Tanger-Med 67 ou Malte 68 et ne perdront pas de précieuses heures pour se dérouter vers Marseille-Fos : car le coût annoncé du déroutement serait d’environ: 200.000 euros outre deux jours de perdus. Il faut dire, à la décharge des pays occidentaux, qu’ils sont soumis à des contraintes réglementaires très lourdes, sources d’handicaps incontestables face à un marché hyper concurrentiel. Cela étant les choses avancent : En France, le 25 juin 2008, le projet de loi sur la relance des ports autonomes a été définitivement adopté. Il s’agit de relancer la compétitivité des places françaises qui n’ont cessé de perdre des parts de marché face à leurs concurrents européens et asiatiques. Les concurrents asiatiques sont au rendez-vous de la conteneurisation avec notamment le port de SHANGAI en eau profonde inauguré fin 2005, on ne peut qu’être admiratif devant la puissance économique chinoise. Yang Shan est situé sur une ile, au sud de Shanghai relié au 67 Le nouveau port de Tanger Med ,à l’intersection des grandes routes maritimes Est-Ouest et Nord-Sud situé sur le détroit de Gibraltar va permettre de capter une grande partie du trafic sur la méditerranée et a pour objectif de desservir un bassin de 600 millions d’individus. Avec Tanger Med 1, ce port devrait atteindre 3,5 millions de conteneurs par an. Puis Tanger Med 2 qui entrera en activité en 2012 entrainera la capacité globale du port à 8,5 millions de conteneurs. De par sa situation géographique, ce port se situe idéalement sur la route des méga porte-conteneurs. 68 Malte,Hub, plateforme de transbordement, où la CMACGM vient de conclure pour 50 ans une concession d’exploitation du terminal portuaire. 35 continent par le pont de DONGHAI long de 32 kilomètres. Ce fut un chantier de 16 milliards de dollars fini en 3 ans et qui accueillera 15 millions de conteneurs vers 2010. Une pièce maitresse pour l’économie chinoise qui permettra l’exportation de toute la production de produits manufacturés pour le marché mondial. Le temps est bien révolu ou les ports nord européens trustaient les premières places. Aujourd’hui SINGAPOUR, HONG KONG et SHANGAI, bataillent pour être en tête. Sur les vingt premiers ports mondiaux, il y a treize ports asiatiques, quatre européens et trois américains. L’Asie n’en finit pas de nous bousculer et nous étonner avec la progression à deux chiffres de ces ports. Les ports de l’axe Est-Ouest ont compris la nécessité d’évoluer pour accueillir les méga porte-conteneurs. Ils se sont dotés de portiques compatibles de 22 rangées pour décharger ces navires. En mars 2007 la Chine avait commandée 126 portiques et l’Europe 91, et il y avait 214 commandes pour des portiques au-delà de 60 mètres. (annexe 5) Il est certain qu’il faudra à la France une organisation en un réseau dynamique, une logistique performante afin de répondre aux besoins de ces géants des mers, faute de quoi ceux-ci escaleront dans d’autres contrées. CHAPITRE II.- LES RISQUES LIES A L’EXPLOITATION DES MEGA PORTE-CONTENEURS Lors de l’effondrement d’une pile de conteneurs sur le porte-conteneur « ANNABELLA» en février 2007, le MAIB a émis des réserves contre les dégâts occasionnés par une recherche aveugle et systématique d’une logique purement économique. Il y a une surexploitation des porte-conteneurs qui se retrouvent en mer prés de 300 jours par an. De plus ces navires voguent à des vitesses élevées et ce afin de maintenir les horaires des lignes régulières(transit time) dans toutes les conditions de mer. Cela occasionne la perte de conteneurs, de nombreux conteneurs. Le chargement de ces « boîtes » est souvent exécuté rapidement dans des ports engorgés outre l’objectif des armateurs, d’escaler le moins longtemps possible. Sept heures peuvent suffire pour décharger et recharger une cargaison. Une cargaison représentée par 15.000 conteneurs, qui contiennent pour 10% d’entre eux des produits dangereux et des sinistres qui peuvent devenir majeurs à la fois pour l’environnement. 36 Section 1 : Un transport soumis à une logique économique Selon le cabinet de consultants » Drewry Shipping », le trafic de conteneurs a atteint en 2005, 115 millions d’EVP alors qu’il était de 69 millions d’EVP en 2000. Il y a des prévisions pour les années 2015 qui annoncent un trafic d’environ 600 millions d’EVP. L’explosion du transport conteneurisé est incontestable : lors de la commande d’un méga porte-conteneur, deux jeux complets de conteneurs neufs, sont acquis, c’est-à -dire 26.000 boîtes de 20 pieds à 2.000 dollars. Un conteneur chargé de marchandise représente « une valeur moyenne de 100.000 dollars 69 ce qui permettra à chacun de mieux appréhender les enjeux. Concurrence oblige, les cadences d’exploitation sont très élevées, et les infrastructures portuaires insuffisantes ou obsolètes. Les opérateurs du transport maritime doivent à chaque escale, débarquer et embarquer des milliers de conteneurs. Les risques sont, de facto, multipliés. § 1.- Des milliers de conteneurs « over weight » Le rapport d’enquête du « MAIB », paru en février 2007 70 , démontre l’hérésie d’une recherche maximale de rentabilité. Certains commandants ont constaté jusqu’à un surpoids de 3.500 tonnes, par rapport aux plans de chargement du « Shipplanner » 71 . Ces plans sont réalisés à distance via l’informatique et en fonction des particularités des escales, et en respectant les contraintes techniques d’empilement des boites, ainsi que la stabilité du navire. 69Newsletter Groupama-Transport : Mr Vianney de Chalus, la face cachée de la conteneurisation 70 Rapport relatif à l’effondrement d’une pile de conteneurs sur le porte-conteneur « ANNABELLA ». 71 Shipplanner : son rôle est d’apporter un appui au commandant ou son second, pour satisfaire aux exigences particulières de la ligne régulière : respect des horaires, rationalisation des capacités dans le respect des contraintes nautiques, techniques, réglementaires, le tout dans un univers météorologiques aléatoire. 37 Une surcharge, notamment sur les conteneurs les plus bas qui n’encaissent pas cette compression peut provoquer leur effondrement sur une pile voisine. Le MAIB a publié, en avril 2008, un rapport concernant l’évènement du « MCS NAPOLI« : « 20% des conteneurs en surpoids de plus de 3 tonnes » 72 !! ! Le MAIB précise : « que l’ensemble de ces 137 conteneurs totalisait un surpoids de 312 tonnes par rapport aux indications du manifeste cargaison. Et durant le déchargement du navire, la position de 700 conteneurs chargés en pontée a été comparé avec celle enregistrée par le manutentionnaire et servant à paramétrer l’ordinateur du bord chargé du calcul de stabilité : 53 boites (7%) étaient soit à la mauvaise place , soit mal déclarées ». Monsieur BAKER, responsable de la prévention des risques de P&I Club 73 explique : « Un certain nombre de pratiques doivent être corrigées si l’industrie veut limiter la croissance en spirale des coûts liés au dommage ». Le MAIB confirme que la pratique du surpoids est : « largement répandue dans l’industrie du transport conteneurisé ». S’il est vrai que de nombreux chargeurs n’ont pas les moyens matériels de peser leur marchandise, d’autres déclarent manifestement un poids moindre dans le but de minimiser les taxes à l’importation et de réduire le prix du fret. Usage dangereux, car les porte-conteneurs sont très souvent à la limite du maximum autorisé en mer et tout surplus de poids peut avoir des conséquences juridiques et financières importantes. Un représentant de la société « SCALETRONIC », spécialisée dans les équipements de pesage, affirme : « que 18% des conteneurs sont en surcharge de plus de 6 tonnes par rapport à leur poids déclaré, tandis que 15% ont un centre de gravité décalé d’au moins 10% 74 ». 72Afin de pouvoir « découper » le navire déclaré en perte totale, il a fallu débarquer les conteneurs restant à bord, et cela a permis de les peser. Les poids déclarés étaient souvent faux. Sur les 660 conteneurs chargés en pontée et qui n’avaient pas souffert, plus de 20% avaient un écart de plus de 3 tonnes avec le poids déclaré, le plus gros écart s’est porté à 20 tonnes. 73 Au 19° siècle, devant les insuffisances de l’assurance maritime des navires (assurances corps) dans la pratique anglaise, les armateurs britanniques se sont groupés en sociétés mutuelles, les Protections and Indemnity Clubs (P&I Clubs) qui jouent le rôle d’assureur. Définition tiré du Traité de Droit Maritime de Pierre Bonassies et Christian Scapel. L.G.D.J page 470 n° 723 74 Conteneurs à la mer : article de Jean-Yves Grondin Vice-Président de la Chambre arbitrale maritime de Paris 38 Des solutions existent : celle, en particulier, de peser un conteneur lors de son arrivée sur l’aire de stockage. Les armateurs y sont favorables… mais refusent d’assumer le coût de cette manipulation !!! La pratique de « l’over weight » a notamment pour conséquence, la perte de nombreux conteneurs en mer. § 2.- La perte des conteneurs en mer ou « washed overboard » En principe, les conteneurs sont chargés à bord en fonction de leur masse déclarée par le chargeur et en fonction de leur destination. Le mauvais positionnement des conteneurs sur le navire lié, notamment à un empilage non respectueux des tailles de conteneurs, 75 entraine des disparités de chargement et rend impossible la mise en place des cônes de gerbage « staking cones » et les verrous doubles « bridge fitting 76 ». C’est ainsi que deux conteneurs de 20’ chargés sur un 40’, auront pour conséquence de n’être verrouillés qu’à une extrémité, les autres extrémités reposant sur le milieu des longerons latéraux du 40 pieds 77 . Cet arrimage hétérogène, véritable château de cartes, a toutes les chances de s’effondrer en cours de navigation, en particulier lorsque la cargaison comprend des conteneurs « Imbalance 78 ». En effet, en pratique les conteneurs sont déposés par les manutentionnaires en cale le long des glissières au moyen de palonniers (spreaders), puis en pontée. Or la hauteur de gerbage en pontée des conteneurs n’a pas cessé d’augmenter. Le « saisissage » permet de rendre la marchandise solidaire du navire par fixation avec des barres rigides, des filins et des ridoirs. Il est ainsi possible d’entreposer jusqu’à 12 plans sur 22 rangées en largeur de conteneurs et ce sur toute la longueur du navire. Mais il n’est prévu ce type « d’attaches » que pour les premiers plans de conteneurs, les autres ne tenant qu’avec Il y a des conteneurs standards de 20’, de 30’, des 40’ et même des High cube. En principe les conteneurs sont prévus pour reposer sur quatre coins renforcés et un 40’ n’a pas été fabriqué pour supporter le poids de deux20’. 77 Des conteneurs de 45’ utilisés dans les transports terrestres chargés sur des 40’ ne peuvent pas être verrouillés aux deux extrémités du 40’ 78 Problème posé par l’explosion de la conteneurisation, de nombreux conteneurs vides doivent être rapatriés vers l’Asie. Lors du passage du géant « EUGEN MAERSK » en févier 2008 à PORT 2000 au HAVRE, le navire a embarqué 3000 conteneurs vides. 75 76 39 des twists locks 79 semi-automatiques. Ainsi plus de 70% des conteneurs sont transportés sans protection particulières contre les éléments naturels. Lors de condition météorologiques « musclées », la force du vent sur la surface d’un seul conteneur de 40’ exerce une force transversale pouvant aller jusqu’à 3,6 tonnes. Ces forces cumulatives, outre la force transversale induite sur une baie de 5 conteneurs de haut peut donc s’élever à 18tonnes (cela sans compter les forces additionnelles s’exerçant du fait du roulis et du tangage) et entrainer la chute de conteneurs. Lors de la perte à la mer de conteneurs en pontée sur le » CMA CGM OTTELO », en février 2006, le rapport du Bureau d’enquêtes sur les évènements de mer a conclu que la chute de 50 conteneurs était due au mauvais fonctionnement des verrous automatiques FAT ALC-2 et ALC-2/1(fully automatic twist lock). La fiabilité du matériel de saisissage était explicitement visée. Une étude a été mené en 2001 sur 1.072 navires par les administrations des pays signataires du mémorandum de Paris (Paris MOU) démontrant que : Dans 31% des cas la qualité des équipements de saisissage était moyenne à médiocre, particulièrement ce sont les verrous (twistlocks) qui furent trouvés de qualité médiocre. Dans 10% des cas, soit le plan de saisissage utilisé par les bords n’était pas conforme aux dispositions du manuel d’assujettissement (CSM-Cargo Securing Manual) ou bien les conteneurs n’étaient pas saisis selon les recommandations du CSM. Dans 1% des cas, les navires n’avaient pas à bord de CSM. (annexe 6) Lors de la Conférence « SAFERSEAS », le Commandant BAUMIER 80 indiquait qu’il avait refusé d’appareiller après avoir constaté qu’une partie de la pontée n’était pas saisie convenablement. Alors que sa compagnie et l’opérateur du terminal lui intimaient de quitter le quai, ce n’est qu’après avoir décommandé le pilote et le remorqueur, que le manutentionnaire a accepté de rectifier la pontée. Tous les commandants auront-ils la capacité de refuser d’appareiller lors de tels constats. Rien n’est moins sûr… Selon l’AMRIE, il y aurait environ 10.000 conteneurs qui tombent à la mer chaque année. Lorsqu’un conteneur est retrouvé en mer, ou échoué sur un rivage, il est considéré comme une épave: « S’il n’est pas possible d’identifier le propriétaire, l’exploitant ou le locataire grâce aux numéros d’identification, ou plaques signalétiques, l’administrateur des affaires Twist lock : verrou permettant l’arrimage des conteneurs les uns sur les autres par les 4 coins. Commandant Baumier membre de l’association Française des Capitaines de Navires (AFCAN), propos tenus lors de la Conférence SAFERSEAS en octobre 2007. 79 80 40 maritimes, chef du quartier, fait procéder à l’ouverture du conteneur. Si le contenu ne présente pas un caractère dangereux, toxique ou polluant, le conteneur est traité comme une épave ordinaire. Si le contenu présente un caractère dangereux, toxique ou polluant, l’autorité compétente maritime ou portuaire peut procéder immédiatement à l’enlèvement, la récupération ou la destruction de celui-ci, aux frais et risques du propriétaire 81 ». Il est possible de responsabiliser les principaux acteurs. Dans un arrêt en date du 25 juillet 2005, la Cour du District de la Californie a condamné deux armements (Yang Ming Marine Transport et Lloyd Triestino di Navigazione) à 3,25 millions de dollars d’amende pour pollution suite à la perte de 15 conteneurs de 40’en Californie. En février 2004, le « MED-TAPEI » voit chuter à la mer ses conteneurs remplis de pneus et d’objets en plastique. Suite à un rapport établi par les gardes-côtes américains, il est démontré que les conteneurs étaient mal arrimés 82 . La Cour, a retenu qu’il y avait des dommages possibles à la faune et la flore locale et que le conteneur ne pouvant être repêché, l’amende devait compenser les coûts de restauration de l’environnement. Cent quatre vingt quatre conteneurs égarés par ci, quatre vingt dix par là : « c’est comme si des camions de déménagement perdaient armoires, tables, chaises et cartons divers le long de la voie expresse et reprenaient leur route en laissant les Autorités du coin ramasser derrière eux » s’exprimait le préfet maritime de l’Atlantique Mr MERER pour décrire une situation intolérable. Car l’incompétence ou la négligence, de l’ensemble des acteurs économique, a un coût financier : près de 200.000 euros sont dépensés pour localiser et tenter de récupérer ces conteneurs perdus. Il est essentiel de trouver des sanctions adéquates, afin de rappeler à chacun ses responsabilités. Ainsi le 04 février 2008, alors que quelques 90 conteneurs étaient tombés à l’eau au large de la Bretagne, perdus par le porte-conteneur « HORCLIFF » battant pavillon libérien, le préfet maritime a mis en demeure l’armateur et le capitaine du navire de faire cesser le risque causé par la perte de ces conteneurs. De sorte que l’Etat français pourra 81 Robert REZENTHEL Docteur en droit, Chargé de cours à l’Université de Lille 2, intervenant au CDMT d’Aix-Marseille et directeur juridique du port de Dunkerque. Doctrine : Le régime des épaves maritimes DMF 679 mars 2007 page 195 82 C’est un heureux hasard, qui en juin 2004 pendant la réalisation d’un programme de recherche sous-marine mené par l’aquarium de Monterey, un des conteneurs a été repéré et attribué grâce à son numéro d’identification. L’enquête a permis de remonter jusqu’à l’armement et les chargeurs, pour connaitre le contenu. 41 demander la condamnation de l’armateur et recouvrer les sommes engagées lors des opérations de récupération. C’est une décision qui doit être encouragée et approfondie. Section 2.- Les risques écologiques Les mégas porte-conteneurs transportent, à chaque voyage, des milliers de conteneurs dont certains contiennent des produits dangereux qui peuvent notamment occasionner des dommages à l’environnement par le biais d’une pollution. En effet, nécessitant l’emport de quantités importantes de combustibles pour fonctionner, en cas de sinistres majeurs, les quelques 20.000 tonnes de soutes pourraient s’échapper du navire causant une atteinte majeure à l’environnement. Loin d’être une hypothèse d’école, un navire de 397 mètres se trouvant en détresse pourrait être jeté à la côte lors d’une tempête ou bien s’échouer suite à une erreur majeure de navigation. La question essentielle de l’enlèvement de l’épave devra être résolue. § 1.- Le transport de produits dangereux Le transport maritime de marchandises dangereuses est encadré par le Code Maritime International des Marchandises Dangereuses (IMDG) 83 qui réglemente l’arrimage et le positionnement des marchandises à bord des navires. Il est également soumis à la Convention SOLAS 84 et à la Convention MARPOL 85 et ce afin de protéger le milieu marin et la sécurité du transport maritime. Les produits relevant de la « classe 1 » nécessitent un arrimage particulier, sous le pont (et non en pontée) et doivent être arrimés le plus loin possible des locaux d’habitation et des aires de travail. S’agissant des produits relevant de la « classe 2 », le code précise que les récipients doivent être tenus au frais pendant le voyage et être arrimé loin de toute source de chaleur, donc éloignées de la machine et des soutes du navire. International Maritime Dangerous Goods : établi au début de 1960 par l’OMI, en collaboration avec le comité d’experts de l’ONU, dans le but d’éviter les dommages aux individus et aux navires, à la cargaison et à l’environnement, mais avec le respect de ne pas perturber la circulation des marchandises. 84 Convention SOLAS : Convention Internationale de 1974 pour la sauvegarde de la vie humaine en mer.( Safety Of Live At Sea). C’est le texte de base concernant la sécurité au plan international, tendant à imposer si possible un niveau de sécurité acceptable de façon à ce que la concurrence entre armateurs ne se fasse pas au détriment de la sécurité. 85 Convention MARPOL : Convention Internationale de 1973 pour la Prévention de la Pollution des mers par les navires : Elle reconnait la nécessité de protéger le milieu marin en limitant les déversements polluants accidentels ou non transportés par les navires. 83 42 L’explosion de la conteneurisation est liée au fait que « le conteneur impose un écran entre les yeux et les choses embarquées » 86 . Le conteneur transporte des produits dangereux tels les produits chimiques, des engrais, voire des explosifs ou bien des matières qui sont dangereuses par la composition chimique du produit comme les peintures, teintures, pesticides. En principe un porte-conteneur ne transporte environ que 10% de produits dangereux 87 à son bord. Sauf que si l’on rapporte ce chiffre au nombre de « boîtes » transportées par un mégaship, 1.500 voir 2.000 conteneurs de produits dangereux seraient transportés. En outre, un grand nombre de ces conteneurs transportés ne seraient pas déclarés comme dangereux et ce afin d’éviter de régler des suppléments inhérents à la composition de ces marchandises : une économie certaine sur les frais d’assurance et de déclaration. 88 Les obligations de respecter les discriminations entre les conteneurs dangereux ne sont pas appliquées. Des incendies se sont déjà produits sur des navires transportant des conteneurs. En octobre 2002 le « HANJIN PENNSYLVANIA » porte-conteneurs de 4.400 EVP affrété par l’armement Coréen HANJIN a pris feu à 75 nautiques du Sri Lanka. L’incendie suite à une explosion, s’est propagé à des conteneurs chargés de feux d’artifice faisant deux victimes et détruisant 1.300 conteneurs sur les 4.300 embarqués. Selon les enquêteurs, des marchandises dangereuses pourraient être la cause probable du sinistre, bien qu’au niveau du départ du feu il n’y avait pas de produits dangereux arrimés à cet endroit. Autre sinistre au large du Yémen, le porte-conteneur HYUNDAI FORTUNE en 2006 avait été ravagé par les flammes dans le golf d’Aden. L’incendie s’était propagé à des conteneurs de feux d’artifices, ce qui a entrainé une puissante explosion qui a provoqué une brèche de 12 mètres dans la coque du navire. Pour des raisons de sécurité nationale, les Etats-Unis ont décidé d’appliquer à tous les conteneurs le « scanning 89 . » La mise en œuvre de cette solution pourrait régler bien des solutions. Cour de Cassation ch. Commerciale 8 juin 1993, navire « Neptune Garnet » DMF 1994 page 359 obs. Yves Tassel 87 Christian Scapel : article : Grandeur et servitude du chargeur de conteneur. Revue De Droit Commercial, Maritime, Aérien Et Des Transports, janvier-Février-mars 2007. Paul Tourret, note de Synthèse N° 99 de L’ISEMAR Novembre 2007 : Conteneurs et porte-conteneurs : nouvel enjeu de la sécurité maritime. 88 Il y a des armateurs qui n’acceptent pas de transporter sur certaines routes des produits à risques, d’où la discrétion de certains chargeurs et l’existence de connaissements faux quant à la nature de la marchandise. Lors de l’évènement de mer du MSC Napoli, l’accès au manifeste cargaison avait durer plus de 24h tant il avait été difficile de l’interpréter. Le navire détenait 187 conteneurs de produits nocifs répertoriés par le code IMDG. 89 Le 100% scanning difficile à atteindre : En visite à Bruxelles, Jayson Ahen commissaire adjoint américain aux douanes a reconnu que la Loi 100% scanning applicable à partir de 2012 à tous les conteneurs entrant dans les ports des Etats-Unis serait difficile à respecter. Des tests grandeur nature réalisés dans sept ports de taille moyenne ont montré que la mesure était très onéreuse à la fois pour l’administration et pour les consommateurs, et qu’elle risquait 86 43 Défaut d’information, défaut de contrôle, un encadrement dissuasif était nécessaire : la loi sur la responsabilité environnementale a été adoptée à l’Assemblée Nationale le 22 juillet 2008 et a fait l’objet d’une procédure d’urgence. La France avait été mise en demeure par la Commission Européenne en janvier 2008, pour ne pas avoir transposé la directive communautaire 2004/35/CE du 21 avril 2004. Ce texte bouleverse le droit français de l’environnement car il introduit le principe du pollueur payeur et du préjudice écologique. Le transport maritime est visé par un pan entier de ce texte qui durcit les peines applicables aux auteurs de pollutions en mer, qui peuvent atteindre 10 ans d’emprisonnement, et dans les cas les plus graves, 15 millions d’euros pour les navigants et 75 millions pour les gestionnaires de la flotte et les armateurs. § 2.- Les risques liés aux soutes des méga porte-conteneurs Les géants des mers consomment environ 350 à 400 tonnes de carburant en navigant à des vitesses de l’ordre de 22 à 26 nœuds. Ils renferment dans leurs réservoirs, des soutes avoisinant 20.000 tonnes, ce qui représente la capacité d’un petit pétrolier 90 . Les produits pétroliers contenus dans les soutes sont donc un risque élevé de pollution, car en cas de fuites, à la suite d’une avarie, ils se désintègrent très lentement et difficilement et possèdent une répercussion toxique considérable sur l’environnement marin. En application de l’annexe 1 de la Convention MARPOL, un registre des Hydrocarbures (Oil record book) doit être tenu, par le chef mécanicien qui doit noter tout ce qui est collecté, décanté, séparé, brûlé, envoyé à terre. La Convention Internationale du 23 mars 2001, relative à la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soute a prévu, dans son article 7 alinéa 1 : « Le propriétaire inscrit d’un navire d’une jauge brute supérieure à 1000 immatriculé dans un Etat partie est tenu de souscrire une assurance ou autre garantie financière, telle que le cautionnement d’une banque ou d’une institution financière similaire, pour couvrir sa responsabilité pour dommages par pollution, pour un montant équivalent aux limites de responsabilité prescrites par le régime de limitation national ou international applicable, mais n’excédant en aucun cas un montant calculé conformément à la convention de 1976 sur la limitation de responsabilité en matière de créances maritimes, telle que modifiée ». En son alinéa 2, elle précise : « Un certificat attestant qu’une assurance ou autre garantie financière est en cours de validité conformément aux dispositions de la présente convention de perturber la chaine logistique globale. L’Administration américaine envisageait de concentrer ses contrôles sur des lignes à risques selon les ports de départ et la marchandise transportée. 90 Une définition de la notion de soute a été donné par la convention internationale du 23 mars 2001, sur la responsabilité pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures de soutes( Convention Bunker Oil) : » les hydrocarbures de soutes sont le pétrole d’hydrocarbure, y compris l’huile de graissage, utilisés pour le fonctionnement ou la propulsion de navires ». 44 est délivré à chaque navire après que l’autorité compétente d’un Etat partie s’est assurée qu’il satisfait aux prescriptions du paragraphe 1 ». L’objectif prioritaire de la convention est de fournir une indemnisation convenable, prompte, et efficace des personnes victimes de dommages survenus sur le territoire, y compris la mer territoriale, et dans la zone économique exclusive des Etats parties. La France aurait engagée la procédure de ratification de cette Convention, celle-ci ayant participé activement au groupe de travail de l’OMI pour la mise en œuvre de la Convention Internationale HNS 91 de 1996. Il conviendra d’être attentif à son application pratique. Selon l’article 14 de la Convention Bunker Oil, celle-ci n’entre en vigueur que 12 mois après la date à laquelle 18 Etats l’ont ratifiée 92 . § 3.- L’enlèvement des méga épaves Outre le fait de les éliminer en un lieu-dit pour les détruire, il faut aussi également décharger leur cargaison, à tout le moins ce qu’il en reste, ainsi que récupérer les soutes et les huiles. L’article 1° de la loi N° 61-1262 du 24 novembre 1961 relative à la police des épaves maritimes précise que : « En vue du sauvetage des épaves maritimes ou de la suppression des dangers qu’elles représentent, il peut être procédé :- à la réquisition des personnes et des biens, avec attribution de compétence à l’autorité judiciaire, en ce qui concerne le contentieux du droit à l’indemnité ». 93 Selon l’article 5 du décret n° 61-1547 du 26 décembre 1961 modifié : « lorsqu’une épave maritime présente, en totalité ou en partie, un caractère dangereux pour la navigation, la pêche ou l’environnement, l’accès à un port ou le séjour dans un port, le propriétaire de l’épave a l’obligation de procéder à la récupération, l’enlèvement, la destruction ou toute autre opération en vue de supprimer le caractère dangereux de l’épave ». Convention HNS : Harzadous And Nocious Substancies, adoptée par l’OMI, cette convention édicte des règles relatives au transport des matières dangereuses, ainsi qu’à la responsabilité et à l’indemnisation des dommages qui en résulteraient. Calquée sur le fonctionnement du Fipol (Fonds internationaux d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures), la Convention HNS prévoit la mise en place de deux niveaux d’indemnisation : le premier alimenté par le transporteur ; le second par le réceptionnaire du produit potentiellement dangereux. 92 Le 21 novembre la Sierre Leone a adhéré à la Convention Bunker Oil, et est venue satisfaire aus conditions de mise en œuvre d’une convention devenue indispensable au regard de l’importance des capacités de soutes des navires géants entrés en exploitation. Le seuil des 18 pays signataires, totalisant une flotte de pas moins de 100 millions de tonneaux de jauge brut sous leurs pavillons réunis, ont été atteints. La convention entrera en vigueur le 21 novembre 2008 . 93 Article 1° du décret N° 61-1547 du 26 décembre 1961 modifié fixe le régime des épaves maritime : « sous réserve de conventions internationales en vigueur, constituent des épaves maritimes soumises à l’application du présent décret : 1°- Les engins flottants et les navires en état de non-flottabilité et qui sont abandonnés par leur équipage, qui n’en assure plus la garde ou la surveillance, ainsi que leurs approvisionnements et cargaisons ; 91 45 Mr ROBERT REZENTHEL ajoute: « En cas de carence du propriétaire de l’épave à la suite d’une mise en demeure par l’autorité maritime ou portuaire, et lorsqu’il existe un danger en particulier pour la navigation, voire pour la pêche ou la baignade, l’Etat peut intervenir d’office aux frais et risques de l’intéressé. La mise en demeure impartit un délai au propriétaire pour l’accomplissement des opérations indispensables, en tenant compte de la situation de l’épave ou de la difficulté des opérations à entreprendre 94 ». L’exemple type est celui de l’épave du « TRICOLOR » qui après avoir été abordé, le 14 décembre 2002, a coulé en moins de trente minutes 95 . Le navire a sombré au milieu du dispositif de séparation du trafic(DST) couché sur le flanc bâbord et émergeant de quelques mètres à marée basse. Il constituait à la fois un risque pour la navigation et une source potentielle de pollution avec 1990 tonnes de fioul lourd en plus de sa cargaison. La Préfecture de la Manche-Mer du Nord a mis en demeure l’armateur Norvégien de faire cesser tous risques de pollution et de danger pour la navigation. Ce qui a obligé le propriétaire du navire à intervenir rapidement pour baliser l’épave, retirer le combustible et renflouer l’épave. Le pompage du fioul puis la découpe de l’épave et la récupération des différents morceaux, ainsi que des débris de marchandises a duré plus d’un an et a engendré un coût de plus de 60 millions d’euros pour les assureurs. Dans le cas de l’échouement 96 du « ROKIA DELMAS »la même procédure a été mise en œuvre : échoué prés de l’ile de Ré en octobre 2004, le chantier s’est achevé en Décembre 2007 prés de 3 ans après l’évènement de mer. Après avoir effectué les opérations sousmarines de contrôle du site d’échouement et de démantèlement du navire afin de vérifier l’absence de morceaux résiduels de coque pouvant présenter un danger quelconque, le préfet a prononcé la levée de la mise en demeure faite à l’armateur et au capitaine du navire. Cet enlèvement a coûté environ 40 millions de dollars aux assureurs. Quant à l’épave du « MSC NAPOLI » le chantier d’enlèvement se poursuit et devrait avoisiner les 100 millions de dollars. L’OMI a décidé, en mai 2007, d’encadrer par une convention 97 signée en mai 2007, ce genre de sinistres. Robert Rozenthel : Le régime des épaves maritimes, DMF mars 2007 n° 679 page 195 Le « Tricolor » avait à son bord 2862 voitures neuves, 77 conteneurs de tracteurs, des escalators et des grues. 96 Echouement ou stranding : Lorsqu’un navire touche le fond ou heurte le rivage involontairement, faute d’eau suffisante sous sa quille. A contrario l’échouage est une opération volontaire. 97 Ce nouveau mécanisme impose aux armateurs d’obtenir une couverture d’assurance pour tous les coûts engendrés par l’enlèvement d’épave. Les Etats côtiers auront la possibilité d’action directe contre les assureurs pour se faire rembourser les frais engagés pour le traitement de l’épave. A ceci prés qu’il faut que les deux Etats, côtiers et du pavillon, aient ratifié la convention. 94 95 46 TITRE 2- LE GIGANTISME OU LA NECESSAIRE REPARTITION DES RESPONSABILITE La mise en circulation des méga porte-conteneurs va entrainer des conséquences juridiques particulières sur les différents acteurs que sont les chargeurs, les transporteurs et les assureurs. CHAPITRE I.- LA RESPONSABILITE DU CHARGEUR ET LE ROLE DES ASSUREURS L’exploitation de ces navires implique la démultiplication des chargeurs et des valeurs manipulées. En cas d’avaries, les lourdes conséquences financières pourraient entrainer l’impossibilité pour le ou les chargeurs d’assumer celles-ci. La responsabilité quasiment systématique du chargeur face au transporteur doit assurément évoluer. Section 1 : La responsabilité du chargeur par rapport au transporteur La Cour de Cassation définit le chargeur 98 comme une des parties au contrat notifiée sur le connaissement. Les clauses générales des connaissements définissent le chargeur comme le : » le Merchant ». Dans la pratique cette partie endosse une responsabilité qui se caractérise notamment par une obligation de présentation de la marchandise et une obligation de sincérité. § 1.- La présentation de la marchandise 98 Chargeur : » désigne toute personne par laquelle ou au nom de laquelle ou pour le compte de laquelle un contrat de transport de marchandises par mer est conclu avec un transporteur et doit s’entendre également de toute personne par laquelle ou au nom de laquelle les marchandises sont effectivement remises au transporteur en relation avec le contrat de transport par mer ». Convention des Nations Unies sur le Transport par Mer [30 mars 1978] Règles de Hambourg. 47 Avant l’embarquement de la marchandise sur le navire, le chargeur doit apporter toutes les précautions nécessaires pour le transport maritime, c'est-à-dire que : « les marchandises doivent être présentées au transporteur convenablement emballées, et marquées. Le conditionnement doit respecter les usages du commerce, les règles de l’art, voire les prescriptions légales applicables en pareil matière et, en particulier, les dispositions très détaillées du Code IMDG ». 99 L’obligation de protéger la marchandise n’est stipulée par aucune réglementation (sauf pour les matières dangereuses) : la bonne exécution de ses obligations ayant été laissée à la libre appréciation des juges du fond 100 . Un droit jurisprudentiel a donc fixé les modalités du conditionnement, qui doivent être conformes aux normes et aux usages et appropriées pour supporter ce type de transport. De sorte que le chargeur se voit obliger d’emballer et protéger sa marchandise afin que celle-ci résiste, aux situations contraignantes du transport maritime, sans subir d’avaries. Un mauvais empotage 101 (ou emballage) peut occasionner durant le transport des dégâts envers la marchandise qui peuvent être majeurs : désarrimage du conteneur sur le navire ou détérioration de la marchandise à l’intérieur du conteneur. En conséquence, si le chargeur vient à ne pas procéder de façon soigneuse et appropriée à l’emballage et au conditionnement de sa marchandise, sa responsabilité est donc engagée 102 . Le chargeur doit, en outre, présenter sa marchandise afin d’être embarquée dans les temps et au lieu fixés 103 . Si cette condition n’est pas respectée, il encourt de son cocontractant une sanction 104 visée par l’article 43 du décret de 1966, savoir l’allocation d’une indemnité plafonnée à une fois le fret. § 2.- L’obligation de sincérité Le chargeur a, par ailleurs, le devoir strict d’être sincère dans ses déclarations sur la nature et la valeur de sa marchandise. S’il déroge à cette obligation, il est lourdement sanctionné, c’est ce que l’on appelle « une obligation de sincérité et non de véracité de la déclaration 105 ». En conséquence la fausse déclaration, même par erreur, entraine une sanction. Traité de Droit Maritime – P. Bonassies, C. Scapel L.G.D.J, page 665 n°1040 Tribunal de Commerce, 5 octobre 2004 – Navire Cap Canaille et obs. Yves Tassel DMF n° 664 ; 101 Empotage : Chargement de marchandise dans un conteneur. 102 Convention de Bruxelles : article 4 § 2, n et o : « Ni le transporteur ni le navire ne seront responsables pour perte ou dommage résultant ou provenant : n) D’une insuffisance d’emballage ; o) D’une insuffisance ou imperfection de marques. 103 Article 39 du Décret n° 66-1078 du 31 décembre 1966 sur les contrats d’affrètement et de transport maritimes : « Le chargeur ou son représentant doit présenter les marchandises au temps et lieu fixés par la convention des parties ou l’usage du port de chargement ». 104 Article 43 du Décret n°66-1078 du 31 décembre 1966 : » le chargeur qui ne présente pas sa marchandise en temps et lieu, conformément à l’article 39 ci-dessus, paiera une indemnité, et au plus égale au montant du fret convenu ». 105 Traité de Droit Maritime – P. Bonassies, C.Scapel L.G.D.J, page 666 n° 1041 99 100 48 La Cour de Cassation a retenu, comme relevant de la fausse déclaration, des marques et calibrages non conformes à ceux déclarés aux connaissements 106 . Une dénomination erronée a été a également été condamnée comme déclarant des « métal toys pour des briquets » 107 : certains chargeurs avaient utilisé la fausse déclaration dans le but de minimiser une freinte 108 de route 109 . L’article 31 de la Loi du 18 juin 1966 condamne : « la déclaration sciemment inexacte de la nature ou de la valeur des marchandises ». C’est une condamnation incontournable pour le chargeur qui entraine l’exonération du transporteur de toute responsabilité pour les dommages ou pertes subis par la marchandise. La sanction sera donc retenue même si l’on ne constate pas de lien entre le dommage et le mensonge. Prenons l’exemple d’une marchandise mise à bord sans précaution particulière par le transporteur, pour laquelle il n’a pas été prévenu du caractère délicat et fragile de cette cargaison. Un dommage se produit. Le non respect de sincérité du chargeur entraine sa responsabilité. Or s’agissant de marchandises qui périssent dans un incendie :… « et qu’il est établi qu’elles étaient d’une autre nature, pas plus inflammable d’ailleurs que celles qui ont été déclarées et ce pour payer un moindre fret, alors la sanction du droit commun serait seulement l’obligation pour le chargeur de payer la différence de fret. En lui refusant toute indemnité la loi édicte une peine privée » » 110 . Cette sanction est lourde mais elle est justifiée. En effet « la réticence » du chargeur peut avoir des conséquences considérables, à la fois tant pour le navire et sa sécurité, que pour l’ensemble de la cargaison. A bord d’un méga porteconteneurs de 15.000 « boîtes », on imagine aisément les conséquences d’un tel dol, surtout s’agissant de produits dits dangereux, inflammables. La recherche d’une plus grande transparence oblige à des mesures coercitives… Il est arrivé que le chargeur voit sa responsabilité accrue notamment lorsqu’il décide de faire transporter des marchandises de nature inflammable, explosive ou dangereuse sans en référer au transporteur. L’article 4 § 6 de la Convention de Bruxelles 111 , ainsi que l’article 44 112 du 07 décembre 1983 : pourvoi n° 81-14489 venant confirmer l’arrêt rendu par la cour d’Appel d’Aix-en-Provence le 14 mai 1981. [Legifrance] 107 18 avril 1983 : pourvoi n° 78-15945 cassant partiellement l’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Paris le 07 juillet 1978. [Legifrance] 108 Freinte de route : Perte de volume, ou de poids inhérente à certaines marchandises du fait de la dessiccation, évaporation, ou dispersion résultant de leur nature même. 109 Transport de cacao de Madagascar vers l’Europe, ou des chargeurs déclarent par conteneur, 300 sacs de 62 kilos brut, alors qu’en réalité les sacs contiennent 60 kilos de fèves et 2 kilos de sacs en jute double épaisseur et les sacs sont pesés à 62 kilos net pour pallier la dessiccation en cours de transport de 2 kilos par sac. 110 Précis DALLOZ de Droit Maritime (11° édition) 111 Convention de Bruxelles de 1924, article 4 § 6: « Les marchandises de nature inflammable, explosive ou à l’embarquement desquelles le transporteur, le capitaine ou l’agent du transporteur n’auraient pas consenti en connaissant la nature ou leur caractère, […..] et le 106 49 décret du 31 décembre 1966 distinguent, et graduent la sanction, en fonction du fait que la nature de la marchandise a fait l’objet d’une information auprès du bord qui en a pris connaissance et décider de l’embarquer ou bien, a contrario, si le silence a été de mise sur la dangerosité de la cargaison. L’article 25 de la Loi de 1966 dispose : « Le chargeur est responsable des dommages causés au navire ou autres marchandises par sa faute ou par le vice propre de sa marchandise ». Ainsi, le transporteur verra sa responsabilité exonérer lorsque le dommage provient du vice propre de la marchandise. La Cour de Cassation précise de façon constante que : » Le vice propre est la propension de la marchandise à se détériorer sous l’effet d’un transport maritime effectué dans des conditions normales 113 ». Bien évidemment au transporteur de rapporter la preuve du vice propre 114 … Les Compagnies d’Assurances et en particulier le Groupe « Groupama transport » ont très tôt alertés les intervenants du transport maritime sur le risque que pourrait entrainer précisément une conteneurisation massive : « Il y a un risque catastrophique : 60% des valeurs transportées dans le monde voyagent par mer, mais ces valeurs se concentrent de plus en plus sur les mêmes navires, les porte-conteneur, l’organisation hub and spokes entraine une massification cascade des flux, et au final nous nous trouvons face à un maximum de valeur concentrée sur un seul navire : le méga porte-conteneur qui a été alimenté par un nombre important de feeder :1+2+3+4 = Un risque catastrophique, celui de l’avarie commune » 115 . Si dans l’avenir, un « géant des mers » subissait une avarie majeure tel un incendie, que cet évènement de mer était déclaré en avarie commune 116 , la participation des chargeurs devrait être « abyssale ». chargeur de ces marchandises sera responsable de tout dommage et dépenses provenant ou résultant directement ou indirectement de leur embarquement ». 112 Décret n°66-1078 du 31 décembre 1966, Article 44 : » idem article 4 § 6 de la Convention de Bruxelles. 113 Cour de Cassation, 9 juillet 1996 pourvoi n° 93-14861, CGM c/ Cial Union&Sandutch (Legifrance) Cour de Cassation, 20 juillet 1998 pourvoi n°95-20705 Bull.civ IV n° 37 ; Cour d’appel de Rouen 8 décembre, Cour d’Appel de Paris 11 janvier 1995, Helfer et autres c/ Johnson Line ,Cour de Cassation 20 février 1990 DMF 1990 page 575 114 Cour de Cassation ch. Com. 5 mars 1996 n° 94-14627 Bull. civ.IV n°78 page 64 ; Cour de Cassation ch. Com. 22 janvier 2002 n° 99-18463 BTL 2002 page 113. La société « Orebi » avait importé du Ghana, 250 tonnes de fèves de cacao fumigés. La « Scac » de Marseille avait été sollicitée pour stocker la cargaison certifiée comme saine. Cependant l’entreprise « Orebi » a refusé de traiter préventivement la marchandise avant le stockage : moins de 3 jours après les hangars de la « Scac » étaient envahis d’insectes par la cargaison de fèves. La société « Orebi » et son assureur ont été condamné par le Tribunal de Commerce de Marseille et le jugement a été confirmé. 115 Newsletter Groupama : Mr Vianney de Chalus ; La Face Cachée de la Conteneurisation. 116 L’avarie commune est une règle spécifique au droit maritime ayant pour finalité de faire participer de façon équilibrée les différents protagonistes ; en l’occurrence l’armateur et les différents propriétaires des marchandises ; aux sacrifices, c'est-à-dire les dommages et dépenses résultant de mesures prises sciemment et raisonnablement par le capitaine pour le salut commun du voyage et qui ont aboutit à un résultat utile. 50 La déclaration d’avarie commune a pour objectif de tendre vers une sécurité maximale pour l’ensemble des parties à la cause. Ses conditions sont définies par les Règles d’York et d’Anvers par la Règle D qui dispose : » Lorsque l’évènement qui a donné lieu au sacrifice ou à la dépense aura été la conséquence d’une faute commise par l’une des parties engagées dans l’aventure, il n’y aura pas moins lieu à contribution, mais sans préjudice des recours ou des défenses pouvant concerner cette partie à raison d’une telle faute ». Au regard de la Règle D, les « Merchants » (chargeurs) devront appeler dans la cause l’armateur. Cela étant, l’armateur engagera la responsabilité du chargeur s’agissant des dégâts subis par son navire comme l’ensemble des autres « Merchants » si leur cargaison a été détruite. Et des conséquences financières qui pourraient être impossible à assumer… Section 2 : La responsabilité du chargeur par rapport aux tiers Face à la moyenne des marchandises transportées actuellement par conteneur, environ 100.000 dollars, la mise en circulation des méga porte-conteneurs oblige à envisager la limitation de la responsabilité du chargeur. § 1.- Une responsabilité pour faute « Les Penitus Extranei relatifs 117 » peuvent, suite à un dommage subi sur leur cargaison au cours du transport, se retourner contre leur cocontractant, le transporteur. Si cette action est juridiquement fondée, elle est financièrement désastreuse, car le transporteur bénéficie d’une limitation légale de responsabilité qui lui permet de limiter le montant de son engagement. Ils ont donc intérêt, comme le leur permet l’article 25 de la Loi du 18 juin 1966, de poursuivre le chargeur propriétaire de la marchandise qui a causé le sinistre: « Le chargeur est responsable des dommages causés au navire ou aux marchandises par sa faute ou par le vice propre de sa marchandise ». Sauf que la Convention de Bruxelles de 1924 ne prévoit la responsabilité du chargeur qu’à l’égard du transporteur. L’article 4 § 3 énonce : « Le chargeur ne sera pas responsable des pertes ou dommages subis par le transporteur ou le navire et qui proviendraient de toute cause sans qu’il y ait acte, faute ou négligence du chargeur, de ses agents ou préposés ». Application de la Loi du for ou non ? Dans l’arrêt navire « PANTHER » les magistrats ont retenu que le transport était international et relevait des règles de La Haye Visby. Cependant, renonçant à aller jusqu’au bout de leur raisonnement, les juges du fond ont appliqué la Loi française sur les rapports des Intervention de Ch. Scapel, lors du colloque Franco-belge en octobre 2007 sur : » La Responsabilité du Chargeur envers les Penitus extranei ». DMF février 2008 n° 689 117 51 chargeurs entre eux. Les juges ont pourtant appliqué la Loi française en se référant à l’article 16 118 de la Loi de 1966.Cette décision a largement été commentée par Mr le Professeur DELEBEQUE. En tout état de cause, suivant l’arrêt récent en date du 16 janvier 2007119 , l’action engagée par un chargeur à l’encontre d’un autre chargeur est d’ordre extracontractuelle. La Cour d’Appel de Paris a ainsi confirmé le jugement du Tribunal de Commerce de Paris qui avait déclaré l’action irrecevable ayant vérifié que le délai de prescription d’un an, prévu en matière de transport, était prescrit. le navire « PANTHER » transportait de ROSSLARE à destination de CHERBOURG des véhicules dans ses cales. Un camion a pris feu et a endommagé d’autres véhicules ainsi que des marchandises. Un des assureurs ayant qualité à agir avait assigné ledit chargeur. La Cour affirme ainsi que la prescription de l’article 26, 120 de la loi du 18 juin 1966, peut s’appliquer à toutes actions à l’encontre du chargeur et particulièrement aux actions engagées contre lui par d’autres chargeurs. Dans ses observations le Professeur DELEBECQUE 121 précise: « Ne faudrait-il pas, dans ces conditions, rappeler qu’en matière de transport la distinction entre les deux ordres de responsabilités est souvent inapproprié, car la responsabilité est avant tout légale ? ». La question mérite un incontestable débat. Cet arrêt confirme que l’article 25 de la Loi du 18 juin 1966 peut également bénéficier aux tiers et spécifiquement aux chargeurs. Il s’agit d’une responsabilité fondée sur la faute ou encore, d’une responsabilité émanant du vice propre de la chose. De sorte que si un chargeur occasionne des dommages à des marchandises appartenant à d’autres chargeurs, ces derniers auront la possibilité de saisir la justice dans un délai d’un an : « Quel qu’en soit le fondement, la prescription spéciale s’applique à toutes les actions engagées contre le chargeur ». La responsabilité du chargeur est un sujet brûlant, notamment quant à sa limitation de responsabilité. Cette question a donc fait l’objet de très longs débats dans le projet CNUDCI et le groupe de travail n’est pas parvenu à s’entendre sur une responsabilité, entre les parties, plus équitable. Tous les « ayants droit » à la marchandise, les co-chargeurs, peuvent poursuivre le chargeur fautif pour obtenir un dédommagement à la hauteur de leur perte. Cela étant ces actions sont plutôt rares , a constaté le Doyen RODIERE: « les cas types que l’on rencontre et dans lesquels pourtant les armateurs ont toujours hésités à exercer leurs recours, sont ceux d’une marchandise dangereuse inexactement déclarée, mise en cale au lieu d’être arrimée sur le 118 Loi n° 66-420 du 18 juin 1966 article 16 : Le présent article est applicable aux transports, effectués au départ ou à destination d’un port français, qui ne sont pas soumis à une convention internationale à la quelle la France est partie, et en tout cas aux opérations de transport qui sont hors du champ d’application d’une telle convention. 119 Cour d’Appel de Paris (7° ch.-A) 16 janvier 2007 navire M/V PANTHER-n°05/03973 DMF septembre 2007 n°684 page 756 obs. P.DELEBECQUE 120 Loi du 18 juin 1966 article 26 : » Toutes actions contre le chargeur ou le destinataire sont prescrites par un an » 121 DMF septembre 2007 n°684 page 760 52 pont ou l’on peut la détruire aisément et qui provoque incendie ou explosion » et il ajoute en note : » Il faut ajouter que les chargeurs n’ont pas l’habitude à tort de s’assurer contre ce genre de responsabilité » 122 . Dans une affaire récente « navire DJAKARTA 123 » un incendie a ravagé une bonne partie de la cargaison ainsi que le navire qui a du subir de grosse réparations dans un chantier Croate. La cause exacte du sinistre n’a pu être affirmée. Nonobstant, le rapport de l’expert judiciaire relevait la mauvaise coopération du chargeur et du fabricant de l’hypochlorite de calcium, dont la combustion soudaine ou non, a conféré à l’incendie son importance. Il a été impossible de savoir si les emballages des deux conteneurs d’hypochlorite de calcium étaient conformes au code IMDG. A priori, aucun protagoniste n’a formulé de mise en demeure, ni de poursuite à l’encontre du chargeur. Il n’est pas certain que sur un porte-conteneurs géant, les armateurs, qui investissent lourdement dans leur navire, ainsi que les autres chargeurs maintiennent une telle position. Afin de tenter de trouver des solutions, des scénarios cat strophes ont été avancé par « Fortune de mer » 124 dans lequel « l’EMMA MAERSK» subit un abordage fatal ou un abordage du navire suivi d’un incendie et d’une assistance. Les chiffres avancés donnent le vertige : Volet dommage : USD 470.500.000 Volet Avaries communes : USD 165.000.000 Volet Responsabilité : USD 66.679.198,12 Grand Total : USD 702.179.198,12 Sept cent millions de dollars, soit 4% de la prime mondiale perçue par les assureurs 125 maritimes sans qu’ait été évalué le dommage à l’environnement. Chacun aura bien compris que si un seul chargeur se trouvait responsable du fait d’un conteneur non déclaré comme marchandise dangereuse « Son compte serait bon » 126 . Au regard des enjeux financiers, des solutions de « co responsabilités », de partage de responsabilité du chargeur doivent être mis en œuvre :« Son seul espoir est de disposer d’une couverture terrestre de type risque d’entreprise pour échapper à des indemnisations difficilement envisageables pour des entreprises n’étant pas elles-mêmes affectées de gigantisme ». René Rodière : Traité, Evènements de mer, page 501,n°505 et note 4 Tribunal de Commerce de Marseille, 21 novembre 2006, Muresa Intertrade c/CMA 124 Fortunes de Mer : les conteneurs de trop ? 2007 125 Conférence de Tokyo de l’IUMI en septembre 2006 126 Grandeur et servitude du chargeur de conteneur : Ch. Scapel, Avocat au barreau de Marseille, Directeur du Centre de Droit Maritime et des Transports 122 123 53 § 2.- Une limitation de responsabilité du chargeur en devenir Malgré une rupture d’égalité manifeste entre les principaux acteurs du transport maritime, l’armateur, le transporteur maritime et ses préposés bénéficient d’un régime de limitation de responsabilité caractérisé par une indemnisation plafonnée et peu élevée. Tandis que le chargeur, acteur économique essentiel, supporte la quasi-totalité de l’indemnisation des risques. Le projet de la Convention Nations Unies sur le contrat de transport international de marchandises entièrement ou partiellement par mer 127 » (CNUDCI) a convenu d’évoquer la limitation de responsabilité du chargeur. Dans son rapport préliminaire aux travaux de la session qui s’était déroulée au cours de l’été 2001, le Secrétaire général de la CNUDCI indiquait : « dans les régimes internationaux en vigueur, la responsabilité du chargeur et ses obligations, si tant est qu’elles existent, ne sont pas bien définis. Durant les travaux du sous-comité international, on a estimé qu’il serait utile d’énoncer plus précisément lesdites obligations ». Seule la jurisprudence fixe les obligations du chargeur et il apparaissait opportun que ce thème soit abordé par la CNUDCI. Le principe de la responsabilité du chargeur a été confirmé par toutes les délégations. Suivant les dispositions de l’article 31, la convention élargie le champ de la responsabilité du chargeur, en incluant le dommage indirect pour pertes économiques. Mr le Professeur DELEBECQUE, Délégué de la France au sein de la CNUDCI, rapportait en avril 2007 que certaines délégations désiraient que la responsabilité du chargeur soit retenue en cas de retard du navire 128 . A l’opposé, de nombreuses délégations proposaient de supprimer toute disposition sur le retard et souhaitaient que soit développée une véritable réflexion sur la limitation de responsabilité du chargeur. Elles ont, notamment soutenu et démontré, qu’un régime détaillé de responsabilité du chargeur, comparable au régime de responsabilité du transporteur, associé à une limitation pécuniaire, serait un juste rééquilibrage de la situation du chargeur. Ces propositions ont malheureusement été rejetées. Pourtant l’analyse des sinistres, outre la mise en circulation des méga porte-conteneurs, oblige à une nouvelle distribution de la responsabilité en cas d’avaries comme le relève le Professeur BONASSIES 129 : « A la lumière de ces sinistres, on peut penser donc que l’institution d’une limitation de responsabilité au bénéfice du chargeur serait appropriée ». L’urgence est de mise : » Une solution devrait, cependant être recherchée rapidement dans la mesure où l’un 127 CNUDCI : Ce projet sur lequel un groupe de travail comprenant les délégués des Etats membres de la Commission des Nations Unies pour le Droit du Commerce Internationale et d’un certain nombre d’Etats observateurs, réfléchit depuis prés de 6 ans, vient d’être adopté. 128 Compte rendu du Professeur Delebecque sur le projet de la CNUDCI : DMF 680 avril 2007 page 291 129 P. Bonassies Professeur émérite à la faculté de droit d’Aix-en-Provence, Président honoraire de l’Association Française de Droit Maritime : intervention lors du colloque AFDM-ABDM en octobre 2007 : Chargeur et limitation de responsabilité. 54 des grands chantiers asiatiques a, d’ores et déjà, inscrits à son catalogue un navire de 16.000 TEU 130 ». A ce jour plus de 300 VLCS de plus de 12.000 EVP sont en commande à ce jour avec des livraisons prévues de fin 2008 à 2010. Si la responsabilité d’un seul chargeur est engagée envers de nombreux tiers, il est parfaitement légitime que l’avènement des méga porte-conteneurs soit une véritable source d’inquiétude pour les assureurs, en particulier sur le risque entres les garanties »Corps » 131 et les garanties »Facultés ». Section 3 : La position des assureurs L’accroissement de la productivité de la flotte crée des risques supplémentaires et l’année 2006-2007 en est le témoignage. En moins de cinq ans les statistiques, notamment de la société de classification norvégienne DNV, démontrent qu’aujourd’hui un navire à deux fois plus de chances de s’échouer gravement ou d’être abordé. Les coûts de réparation ont, en outre, doublé en cinq ans du fait de l’augmentation du prix de l’acier qui a triplé en trois ans. En février 2008, Mr TORKEL SOMA, responsable de la sécurité maritime au DNV lors d’un séminaire à SINGAPOUR affirmait : « Compte tenu des risques grandissants, l’industrie maritime a besoin de réagir immédiatement ». Légitimement, les assureurs sont inquiets des risques liés à l’accumulation de valeurs à bord des porte-conteneurs géants. Mais ces mégas navires laissent entrevoir bien d’autres risques : leur manœuvrabilité réduite du fait de leur taille, dans les approches pour les accostages lors de l’utilisation des infrastructures portuaires s’annoncent délicates. D’autre part il n’est pas certain que la construction de ces navires soit aussi rigoureuse qu’il est prétendu.. Le Directeur général délégué de Groupama-Transport 132 soulignait un autre risque : « Le cargo classique naviguait environ 180 jours par an alors qu’un porte-conteneurs exploité aujourd’hui navigue environ 300 jours en moyenne ». Lors des conférences de 133 l’IUMI, les compagnies d’assurance ont fait observer que les abordages, les échouements, sont souvent le fait d’erreurs humaines s’expliquant par le manque d’expérience des navigants. Au surplus, il existait un autre facteur « accidentogène » lié au précédent, celui de la pression commerciale qui s’exerce sur l’équipage. Maitre Scapel Avocat au barreau de Marseille, Directeur du Centre de Droit Maritime et des Transports ; intervention lors du colloque AFDM-ABDM en octobre 2007 : La responsabilité du chargeur envers les penitus extranei ; 131 Assurance sur corps : Assurance de dommages, par laquelle le propriétaire d’un navire se garantit contre la perte possible de son navire en raison d’un risque de mer. 132 Transports Internationaux & Logistique, décembre 06 /janvier 07 page 11 133 Conférence annuelle de l’International Union Insurance (IUMI) à Tokyo en septembre 2006, et à Copenhague en septembre 2007, représentant toutes les compagnies d’assurance maritime pour faire le point sur l’assurance maritime mondiale. 130 55 Mr GEORGES FIGUIERE 134 constatait : « les abordages et les échouements sont la cause principale des pertes de vies humaines et des pollutions. 80% de ces sinistres relèvent de défaillances humaines. [….] Les équipements les plus sophistiqués n’empêchent pas les naufrages, car cette évolution s’accompagne d’une baisse de la veille optique. Rien ne peut remplacer la présence humaine ». La Présidente de l’IUMI l’américaine DEIDRE LITTLEFIELD a relevé l’augmentation soudaine des sinistres: » les navires et équipages menés durement, augmentent le potentiel d’erreurs ». Une étude britannique a été menée 135 sur la fatigue à la mer, et il en ressort que : Un quart des marins participant admet s’être endormi au quart. Il devient impératif que les assureurs imposent un cahier des charges plus strict alors qu’ils dénoncent le manque de compétence de certains équipages n’ayant qu’un officier de veille, pendant que le navire fait route à 20 ou 25 nœuds en empruntant un DTS. En l’état des navires neufs qui vont arriver sur le marché, les besoins d’officiers sont estimés pour 2010 à 67.000 136 dont plus de 22.600 « senior officers ». Les compagnies d’assurance sélectionnent les armateurs, favorisant ceux qui démontrent une politique de gestion et de fidélisation d’officiers et de marins expérimentés. Les compagnies d’assureurs reconnaissent avoir pendant un temps portée leur vigilance plus sur la qualité des navires que sur la compétence et la cohésion de l’équipage. Par ailleurs, les mégas porte-conteneurs concentrent les risques du fait de la valeur des navires, de la marchandise et du risque causé en cas d’accident de mer à l’environnement marin et aux activités économiques qui en découlent. Un géant peut atteindre la valeur de 200 millions d’euros et une valeur marchandise d’environ 960 millions d’euros outre le transport des marchandises dangereuses qui accroit l’aléa. Selon l’assureur U.K P&I Club, la Chine fait transporter chaque année environ 375 millions de tonnes de marchandises dangereuses et ce chiffre croit de 20% par an 137 . Or le transport de marchandise dangereuse nécessite des compétences particulières et les agents économiques de ce secteur devraient associer leurs connaissances afin de réguler le marché en veillant à maîtriser les infractions à la législation IMDG. Certains assureurs proposent ainsi que le transporteur soit en relation directe avec son cocontractant et connaisse l’activité de celui-ci pour vérifier s’il est susceptible de faire transporter des produits dangereux. D’autres demandent aux acconiers, aux commissionnaires de transport de prévoir des contrôles inopinés de conteneurs. Certes les transporteurs ont la possibilité de vérifier le contenu des 134 Intervention de Georges Figuière à l’occasion des « entretiens phocéens consacrés à l’architecture navale » en octobre 2006 à Marseille. 135 Etude menée par les chercheurs du Centre for Occupational and Health & Safety Psychology durant 6 ans 136 Source Lloyd’s Ship Manager décembre 2007. 137 La conteneurisation des marchandises dangereuses accroit le risque lorsque les chargeurs ne déclarent pas sincèrement avec conscience ou parfois par une méconnaissance de la nature de la marchandise. Les parfums sont des produits considérés comme dangereux du fait de leur composition alcoolisé et sont sujet au risque d’explosion et d’incendie. 56 conteneurs mais en pratique cela ne se fait jamais pour des raisons de coût, de temps. Une solution rapide et simple serait d’annuler « la surcharge dangereux »… Cela étant, chacun a à l’esprit que les « Ultra Large Container Ships » pourraient entrainer des « Ultra Large Claims Scenario » 138 . Le scénario catastrophe serait l’abordage de deux mégas porte-conteneurs et la perte totale des deux navires pour une valeur ahurissante de 1,9 milliards d’euros. Le principe de la réassurance est incontournable mais « Les capacités octroyées par les réassureurs coûtent cher et si nous devions acheter ce genre de protection à l’année, nous devrions les répercuter aux clients, en doublant les primes par exemple, ce qui serait difficilement acceptable « précise Mr VIANNEY de CHALUS. Un nouveau partenariat assureurs-assurés doit se développer : le projet NOVALOG 139 en est un exemple. Dans le même sens, la Fédération Française des Sociétés d’Assurances a officialisé, le 30 juin 2008, la sortie de « l’International French Hull & Machinery Policy » permettant de développer et promouvoir les conditions d’assurance maritime française 140 . La tendance pour la fin de l’année 2008 est une hausse continue des primes dans le secteur P&I ; une hausse des taux en corps et machines ; une possible stabilité des primes d’assurances facultés ; des primes risques de guerre qui devraient suivre la tendance des primes corps. « Plus que jamais, les assurés ont besoin d’assureurs puissants financièrement et professionnels » 141 . Face au gigantisme, il s’agit d’une nécessité. CHAPITRE II.- LA RESPONSABILITE LIMITEE DU TRANSPORTEUR La limitation de responsabilité du transporteur maritime est définie à l’article 28 de la Loi de 1966 142 et à l’article 4 § 5 de la Convention de Bruxelles de 1924 143 modifié par le Protocole signé à Bruxelles en décembre 1979 144 . Matthew O’ Sullivan directeur des opérations chez Munich Re Australia lors du congrès de l’IUMI de 2006 139 Novalog : Ce projet, Nouvelles compétences et innovations dans la logistique, réalisé dans le cadre du programme européen Leonardo Da Vinci. 140 La tendance pour fin 2008, est une hausse continue des primes dans le secteur P&I, une hausse des taux en corps et machines, une possible stabilité des primes d’assurance facultés, des primes de risques de guerre qui devraient suivre la tendance des primes corps. 141 Le monde Maritime : Jean-Jacques Girard, Cap-Marine, mai/juin 2008 page 22 142 Loi n°66-420 du 18 juin 1966 article 28 : « La responsabilité du transporteur est limitée, pour les pertes ou dommages subis par les marchandises, aux montants fixés… » .modifié en décembre 1986. 143 Convention de Bruxelles de 1924, article 4 § 5 : « Le transporteur comme le navire ne seront tenus en aucun cas des pertes ou dommages causées aux marchandises ou les concernant pour une somme dépassant 100 livres sterlings…. ». modifié par le Protocole signé à Bruxelles 138 57 Le transporteur maritime, lié par un contrat synallagmatique avec des centaines de chargeurs lors d’une expédition nautique, à pour mission « d’acheminer une marchandise déterminée, d’un port à un autre » 145 Il s’oblige, en conséquence, à respecter ses obligations contractuelles avec diligence et procéder tout au long du voyage de façon appropriée et soigneuse au transport des marchandises 146 . Le non respect de celles-ci, engage sa responsabilité de plein droit. Section 1 : Une responsabilité de plein droit En effet si le chargeur, est en mesure de prouver que le dommage s’est produit pendant le transport, en principe, l’ayant droit à la marchandise, pourra se prévaloir de la présomption de responsabilité pesant sur le transporteur. Cependant la spécificité du droit maritime, offre, en particulier au transporteur, l’avantage de voir sa responsabilité limitée et, de facto, de voir plafonner les indemnités à verser en cas de dommages occasionnés aux marchandises. Ce « privilège » ne sera perdu que s’il commet une faute inexcusable. Ce régime très particulier, devrait dans le cadre de l’exploitation des mégas porte-conteneurs, renforcer la situation des transporteurs. § 1.- Le principe de la responsabilité de plein droit du transporteur Le transport de marchandise oblige, en principe, celui qui transporte à une obligation de résultat. La partie contractante devra simplement démontrer que l’obligation d’acheminer la marchandise à destination en bon état n’a pas été respectée. Il s’agit donc d’une responsabilité de plein droit, d’ordre public 147 dont il n’est donc pas possible de déroger par d’éventuelles clauses contractuelles. Le chargeur, peut, suivant les dispositions de l’article 27 de la loi nationale 148 démontrer que la faute incombe au transporteur ou à l’un de ses préposés. Bien souvent, les investigations d’experts ne permettent pas de déterminer l’origine du sinistre. La règle de la responsabilité de plein droit oblige alors le transporteur à assurer ces dommages d’origine inconnue 149 . Ce régime de responsabilité de plein droit serait donc favorable au chargeur. Cela étant, un en décembre 1979, soit 666,67 DTS par colis ou unité ou 2 DTS par Kilo, la limite la plus élevée étant applicable. 144 Droit de tirage spécial : nouvelle unité monétaire adoptée en 1979, qui permet une conversion immédiate dans toutes les monnaies nationales. 145 Loi du 18 juin 1966 article 15. 146 Convention de 1924 : § 2 article 3 : » Le transporteur doit procéder de façon appropriée et soigneuse au chargement, à la manutention, à l’arrimage, au transport, à la garde, aux soins et au déchargement des marchandises transportées ». 147 Convention de Bruxelles de 1924, articles 3 et 4 et Loi du 18 juin 1966, article 27 : » Le transporteur est responsable des pertes ou dommages subis par la marchandise depuis la prise en charge jusqu’à la livraison, à moins qu’il ne prouve que ces pertes proviennent … ». 148 Idem n° 121. 149 DMF 2003, H.S, n° 88 et Cour d’Aix 13 mars 2006, infra, n° 92 et DMF 2006 H.S, n°79 58 certain nombre de cas exceptés, prévus par la loi, réduisent à une « peau de chagrin », les situations dans lesquelles la responsabilité du transporteur sera engagée. Nul ne doute, en outre, que le transporteur cherchera à ce que le dommage relève d’un des cas exceptés prévus par les textes. Par ailleurs, le projet de la CNUDCI, encadre la responsabilité du transporteur de telle sorte, que s’il prouve, que ni sa faute, ni celle de l’un de ses préposés a contribué au dommage, il ne sera pas tenu de garantir... Le projet CNUDCI a beau rôle d’avoir prévu un relèvement des plafonds fixés : 3 DTS par kilo et 875 DTS par unité. Personne n’est vraiment dupe, la doctrine explique « Sur le plan politique l’augmentation CNUDCI est le signe que la voix des pays chargeurs a été entendue 150 ». Nous sommes très circonspects, et regrettons cette faible indemnisation, qui est » tristement ridicule » notamment du fait de l’érosion monétaire. Un peu de courage de la part des délégués auraient été salvateurs,plus réalistes et objectifs. § 2.- Une responsabilité de circonstance On est bien loin d’une responsabilité sans faute... Et l’effet pervers des mécanismes de la preuve, outre une volonté économique et financière manifeste, allège définitivement le principe posé de la responsabilité du transporteur et de ses préposés. C’est ainsi qu’en cas, d’incendie, sauvetage ou tentative de sauvetage, le vice propre de la marchandise 151 a été retenu alors que la preuve n’avait pas été rapportée en l’absence d’analyse contradictoire de la marchandise. La Cour de Rouen 152 a conclu à la libération du transporteur en déclarant qu’en cas de grève les critères de la force majeure étaient réunis. La Cour d’Appel d’Aix-en-Provence 153 a reconnu le péril de mer lors d’une tempête d’une force exceptionnelle, sur le fondement du cas excepté au sens de l’article 4-2.c. des règles de La Haye Visby. En fait, les juges apprécient les faits de telle façon que la plupart du temps le transporteur finit par relever d’un cas excepté … A propos de la faute nautique, la motivation des juges pour exonérer la responsabilité du transporteur laisse pantoise 154 . Article du Professeur Delebecque, Délégué de la France au projet CNUDCI, DMF 690, mars 2008 page 211. 151 Cour d’appel de Paris 13 décembre 1995, DMF 1996, 923, obs. P.-Y. Nicolas ; Cour d’Appel d’Aix 2°ch. 16 mars 2006, navire Fulvia, Revue Scapel 2006,53, moisissures imputées par l’expert à un défaut de ventilation appropriée ; 152 Cour d’Appel de Rouen 24 novembre 2005, navire Blackfriar Bridge, DMF 2006,506, obs. C. Humann 153 Cour d’Appel d’Aix-en-Provence, 2° ch. 10 octobre 2005, BTL 2006, 431. ; Cour d’Appel de Reims, ch. Civ., 1° section, 22 janvier 2007, n°05/02633, Ste ECS European Container NV c/ SARL Calberson Ardennes et a. Juris-Data n° 2007-347529, Revue De Droit Des TransportsRevue Mensuelle LEXISNEXIS Jurisclasseur- janvier 2008 154 Cour d’Appel de Rouen 1° ch.cab.3, 12 septembre 2006, Ville su Havre, Ste Island Insurance c/ Delmas SA, DMF n°682 de juin 2007, page 547 ; BTL 2006,769 150 59 Cela étant le projet CNUDCI a finalement pris la décision de retirer des cas exceptés, la faute nautique. . Cependant le transporteur peut perdre cette limitation de responsabilité s’il commet une faute inexcusable. Section 2 : Une spécificité du droit maritime En droit commun, le responsable doit réparer l’entier dommage lorsqu’aucune cause d’exonération prévue par la loi ne peut être invoquée. Cette réparation est prévue notamment suivant les dispositions des articles 1150 et 1151 du code civil. Nonobstant les parties ont la possibilité contractuellement de fixer le plafond de leur responsabilité. Le droit maritime accorde au transporteur un système dérogatoire qui limite le montant de son engagement à un niveau très bas eu égard les autres modes de transport. § 1.- Le fondement de cette limitation La justification d’un tel fondement a été très exhaustivement expliquée et justifié par le Professeur Bonassies et Monsieur Scapel 155 . L’expédition maritime, est une aventure nautique. L’aléa est incontournable. Ces « risques de la mer » permanents, latents expliquent un des fondements de cette limitation de responsabilité particulière au droit maritime. Par ailleurs, le transport maritime déplace 90% des marchandises de par le monde à un prix très raisonnable eu égard aux autres modes de transports. Le transporteur maritime participerait à une activité « d’intérêt général 156 ». Face au gigantisme cette spécificité du droit maritime serait nécessaire pour permettre aux armateurs d’armer des navires sûrs et nombreux. Les parties au contrat maritime peuvent donc contractuellement exclure cette limitation légale de responsabilité bien qu’en la pratique, cela ne se produit que très rarement. Traité de droit maritime, L.G.D.J page 4 et s, n°3 et suivants. M. Rémond-Gouilloud, Le contrat de transport, Dalloz col. Connaissance du droit, 1993, page 55 et s. Elle justifie la limitation du transporteur par le fait que ce dernier ne connait pas réellement la valeur des marchandises qu’il transporte, c’est un moyen de répartir les risques entre les marchandises et le transporteur, et in fine ce serait une façon d’assainir, moraliser les transporteurs : » ne protégeant que le professionnel correct et sanctionnant celui qui commet une faute inexcusable et qui sera déchu de tout droit à limitation ». 155 156 60 A l’inverse, il est aussi possible de prévoir des montants plus élevés d’indemnisation en établissant une déclaration de valeur 157 prévue à l’article 4 § 5 de la Convention de Bruxelles de 1924 158 ainsi que la loi de 1966 dans son article 28, al.5, b 159 mais cette possibilité est rarement usitée. Le Protocole du 23 Février 1968 160 a établi le montant de la limitation pour le transport des conteneurs. § 2.- L’exclusion de la limitation de responsabilité Le transporteur engage sa responsabilité s’il commet une faute dolosive ou inexcusable prévue à l’article 4 § 5 e), de la Convention de Bruxelles 161 . La faute inexcusable est toujours commise « avec l’intention de provoquer un tel dommage, ou commis témérairement et avec conscience qu’un tel dommage en résulterait probablement » : l’élément psychologique doit être recherché, de sorte qu’il existe un distinguo entre la faute lourde et la faute inexcusable. Cette notion de faute inexcusable est issue du droit du travail : il incombe à celui qui l’invoque, de prouver son existence : « Le demandeur à l’action en responsabilité […] doit établir que le dommage résulte d’un acte ou d’une omission du transporteur qui a eu lieu, soit avec l’intention de provoquer le dommage, soit témérairement et avec conscience qu’un dommage en résulterait nécessairement « 162 . Cette preuve pourra être établie par tous moyens. Pendant des années, la Cour de Cassation a eu une analyse » in abstracto » pour apprécier la faute inexcusable, se référant à l’attitude d’une personne normalement avisée et prudente. Par deux arrêts récents, elle semble s’orienter vers une analyse « in concreto. ». Dans une affaire navire « Touggourt » un conteneur de pièces détachées était acheminé de Marseille vers Alger. Le conteneur disparait en mer ou a été volé, le transporteur étant incapable de Cour d’Appel de Rouen 18 octobre 1984, DMF 1986, page 33 Convention de Bruxelles de 1924, article 4 § 5 : » [….] à moins que la nature et la valeur de ces marchandises n’aient été déclarés par le chargeur avant leur embarquement et que cette déclaration ait été insérée dans le connaissement ». 159 Loi de 1966, article 28, al.5,b : » en cas de déclaration de valeur par le chargeur, insérée dans le connaissement et acceptée par le transporteur ». 160 Protocole du 23 février 1968 ajoute à l’article 4 § 5 de la Convention : » Lorsqu’un cadre, une palette, ou tout engin similaire est utilisé pour grouper des marchandises, tout colis ou unité énuméré au connaissement comme étant inclus dans cet engin sera considéré comme colis ou unité… ». Il faut donc détailler dans le connaissement, les différentes marchandises empotées dans le conteneur qui représentent un colis. Dans l’hypothèse ou cela n’est pas spécifié, le conteneur et toutes les marchandises ne représentent qu’un seule colis.. 161 Faute inexcusable prévu à l’article 4§5 de la Convention de Bruxelles, modifiée par le Protocole de 1968 et à l’article 28 a°) de la Loi nationale de 1966 modifiée par la Loi du 23 décembre 1986, ainsi que l’article 8 des règles de Hambourg. 162 Cour d’Appel de Rouen, 9 septembre 2004, n° 02/01434, Hual As c/ Axa et a, BTL 2004, page 669 157 158 61 donner une explication. La Cour d’Appel retient que la mauvaise organisation de l’entreprise du transporteur ne traduit aucune faute inexcusable 163 , et le pourvoi formé est rejeté. La Cour de Cassation avait, cependant dans une autre affaire relevé la faute inexcusable du fait de la « carence du transporteur maritime » incapable de fournir un document sur les mouvements de marchandises 164 , affirmant de la sorte le distinguo faute lourde/ faute inexcusable, la faute lourde commise par le transporteur n’étant pas assimilable à la faute inexcusable. Dans le deuxième arrêt 165 la Cour de Cassation s’est appliquée à vérifier si le transporteur avait conscience de la probabilité du dommage. Elle est donc bien dans une analyse « in concreto » de la faute inexcusable. Evolution regrettable, car le transporteur ainsi que ses préposés bénéficient une fois de plus d’un » privilège » leur ouvrant une immunité manifeste, face à la massification des risques à bord des méga porte-conteneurs. CONCLUSION Nous avons pu constater que l’attention s’est portée aujourd’hui sur les risques que peuvent engendrer les méga porte-conteneurs. Un des enjeux du transport maritime est de garantir cette activité en limitant les comportements négligents et leurs conséquences environnementales. Le monde maritime se doit d’évoluer dans une plus grande transparence et démontrer qu’il peut réagir avant qu’un sinistre majeur ne jette le discrédit sur ce mode de transport indispensable. Des pistes ont été abordées et il nous semble indispensable que les instances Internationales et Européennes devront réagir plus promptement à l’avènement du gigantisme. Cour de Cassation, 7 février 2006, navire Touggourt, Bull.civ IV, n° 34, DMF 2006, 516, obs. M. Rémond-Gouilloud 164 Cour de Cassation, ch. Com 4 janvier 2000, DMF 2000, 466 et les obs. 165 Cour de Cassation. Com. 21 mars 2006, Bull.civ IV, n° 77 163 62 Certes les sociétés de classification devront s’imposer et respecter un code de bonne conduite, mais il faut aussi et surtout que les différents acteurs de cette activité maritime n’aient pas pour seul objectif une logique économique au détriment des risques humains et écologiques. ANNEXES Annexe 1 Photos du navire « EMMA MAERSK » (page 8) pages 61-69 Annexe 2 Dessins des fissures du « MSC NAPOLI » ( page 16) pages 70-71 Annexe 3 Schémas des « torsions box » (page 17) page 72 Annexe 4 Schémas d’arrimage et de chargement (page 20) pages 73-76 Annexe 5 Schémas de portiques (page 33) pages 77-78 Annexe 6 Photos de désarrimage (page37) pages 79-86 63 TABLE DES MATIERES SOMMAIRE……………………………………………………………………………..1 ABSTRACT……………………………………………………………………………...3 TABLE DES ABREVIATIONS ET ACRONYMES…………......................................4 BIBLIOGRAPHIE………………………………………………………………………5 INTRODUCTION……………………………………………………………………….7 TITRE I : LE GIGANTISME OU L’AGRAVATION DES RISQUES CHAPITRE 1.- LES RISQUES LIES A LA CONCEPTION DES MEGA PORTE-CONTENEURS………………………………………………………………13 64 Section 1.- La faiblesse technologique des méga porte-conteneurs…………….....13 § 1.- Une conception peu évolutive………………………………………………..14 § 2.- Un dessin de coque entraînant des situations dangereuses…………………19 A.- Le roulis paramétrique …………………………………………………......21 B.- Les « freaks waves »………………………………………………………..23 Section 2.- Des évolutions nécessaires lors de la construction…………………….24 § 1.- Le rôle des sociétés de classification………………………………………...24 § 2.- L’inquiétude des sauveteurs………………………………………………....27 §3.- Les lieux de refuge…………………………………………………………...29 §4.- La nécessaire réaction des ports occidentaux face au gigantisme…………...30 CHAPITRE 2.- LES RISQUES LIES A L’EXPLOITATION DES MEGA PORTE-CONTENEURS……………………………………………………………...33 Section 1.- Un transport soumis à une logique économique…………………...….34 § 1.- Des milliers de conteneurs « over weight »………………………………………34 § 2.- La perte de conteneurs en mer « washed over board »………………………...36 Section 2.- Les risques écologiques………………………………………………....39 § 1.- Le transport de produits dangereux………………………………………...39 § 2.- Les risques liés aux soutes ………………………………………………....41 § 3.- L’enlèvement des épaves……………………………………………………42 TITRE II : LE GIGANTISME OU LA NECESSAIRE REPARTITION DES RESPONSABILITES CHAPITRE 1.- LA RESPONSABILITE DU CHARGEUR ET LE ROLE DES ASSUREURS…………………………………………………………………...44 Section 1.- La responsabilité du chargeur par rapport au transporteur………..44 § 1.- La présentation de la marchandise…………………………………...…….44 § 2.- L’obligation de sincérité……………………………………………………45 65 Section 2.- La responsabilité du chargeur par rapport aux tiers……………..…48 § 1.- Une responsabilité pour faute………………………………………………48 § 2.- Une limitation de responsabilité du chargeur en devenir………………….....50 Section 3.- La position des assureurs………………………………………….......52 CHAPITRE II.- LA RESPONSABILITE LIMITEE DU TRANSPORTEUR……………………………………………………………………54 Section 1.- Une responsabilité de plein droit……………………………………....55 § 1.- Le principe de la responsabilité de plein droit du transporteur………...…..55 § 2.- Une responsabilité de circonstance……………………………………...….56 Section 2.- Une spécificité du droit maritime………………………………..….....56 § 1.- Le fondement de cette limitation………………………………………….....57 § 2.- L’exclusion de la limitation…………………………………………………58 CONCLUSION……………………………………………………………………….59 ANNEXES………………………………………………………………………….…60 TABLE DES MATIERES…………………………………………………………….87