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2990-couv_Mise en page 1 02/04/12 15:24 Page1 3:HIKLNJ=[UWYUV:?c@t@t@a@a; N ° 2 9 9 0 D U 7 AV R I L 2 0 1 2 • L E M AGA Z I N E D E L A M A R I N E N AT I O N A L E M 01396 - 2990 - F: 2,40 E FORCE ATALANTE UN AMIRAL FRANÇAIS À LA TÊTE Rugby Un sport qui rassemble PAGE 21 Action de l’État en mer Bilan 2011 PAGE 28 Hommage à Pierre Schoendoerffer L’aventure du Crabe-Tambour PAGE 36 2990-P03_Layout 3 03/04/12 17:52 Page3 LE MAGAZINE DE LA MARINE NATIONALE ÉDITORIAL SOMMAIRE AZIMUT APERÇU DANS LA QUINZAINE 4 6 Le drapeau du RBFM de retour à Paris ACTUALITÉ 7 Le chef d’état-major de la Marine en déplacement aux États-Unis et au Canada • À l’école de l’aviation embarquée • Diplomatie navale à Lisbonne • Liban : entraînement Cèdre bleu • Atalante : formation de militaires burundais à Mombasa • L’Adroit en police des pêches • Les enjeux maritimes du XXIe siècle • Le Lycée naval de Brest se distingue • Haïti : soutien des forces armées aux Antilles • Exercice « crash hélico » à Cherbourg PASSION MARINE PAGE 12 LUTTE CONTRE LA PIRATERIE LA FORCE ATALANTE EN ACTION INFO SPORT 21 Le rugby dans la Marine : un sport qui rassemble VIE DES UNITÉS 25 Retour d’expérience Harmattan • Action de l’État en mer : bilan et perspectives • Des cols blancs chez les cols bleus • Le Chevalier Paul fait « cheviré » le cœur des Nantais • 85 ans et toujours aussi fringant CHRONIQUE DU PERSONNEL 33 Trinôme académique : action pédagogique au bénéfice de collégiens du Puy-de-Dôme • 2012 l’année de la réforme EPMS ESPACE LOISIRS 36 Hommage à Pierre Schoendoerffer AGENDA L ’actualité est multiforme et Cols Bleus s’attache à vous la présenter dans toute sa diversité. Dans chaque numéro, « Azimut » rappelle les activités des unités en mer et les pages « Infos Actus » traitent brièvement les principales informations de la quinzaine écoulée. Celles-ci sont complémentaires du flux de dépêches diffusées en permanence sur le site internet de la Marine que je vous encourage aussi à consulter régulièrement. Les autres rubriques du magazine « Passion Marine », « Vie des unités », « Chronique du personnel » et « Loisirs » traitent également de sujets d’actualité, mais en essayant de les présenter avec plus de recul et dans un contexte plus général. En un mot, il s’agit pour nous d’aborder tous les sujets, aussi divers soient-ils, pour vous apporter une information claire, agréable à lire et précise. La diversité des articles de ce numéro en est une bonne illustration. Actualité opérationnelle d’abord. Le contre-amiral Dupuis aura pris le 7 avril le commandement de l’état-major de la force Atalante de lutte contre la piraterie. Il explique ici comment il envisage cette mission. Le dossier que nous publions est aussi l’occasion de présenter la situation de la piraterie dans le monde, puisque ce fléau ne prolifère pas que dans l’océan Indien. Autre sujet opérationnel : en mars 2010, la Marine, aux côtés des autres armées, était engagée dans l’opération Harmattan au large de la Libye. Un an après, le moment est venu de tirer les enseignements de cet engagement majeur. Le VAE Aubriot, qui commandait alors la Force d’action navale, et le CV Humeau, actuel chef de l’état-major opérationnel de la Marine, font le point sur les enseignements que l’on peut d’ores et déjà tirer de cette opération. Actualité sportive aussi. Les équipes de rugby de la Marine vont affronter le 11 avril prochain celles de la Royal Navy à Toulon. Retrouvez en avant-première ces joueuses et joueurs qui vont défendre nos couleurs, et vous pourrez utiliser l’affiche qui vous est proposée pour manifester votre soutien à ce beau challenge. Actualité plus triste enfin. Pierre Schoendoerffer, cinéaste mais aussi écrivain de marine, nous a récemment quitté. On sait peu qu’il avait très étroitement travaillé avec le Sirpa Marine pour son film Le Crabe-Tambour. Pierre Dubrulle, longtemps chargé des productions cinématographiques au Sirpa, avait été son conseiller technique. Depuis sa retraite, il nous a confié ses souvenirs de ce qui fut pour lui une expérience inoubliable. Enfin, vous trouverez en fin de magazine les différentes conditions d’abonnement à Cols Bleus. N’hésitez pas à en parler à vos proches, car pour assurer sa pérennité, nous aurons besoin d’accroître sa diffusion afin de le rendre plus autonome. Capitaine de frégate Jérôme Baroë Directeur de la rédaction de Cols Bleus 41 COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 ® 3 2990-P04-05_Layout 3 03/04/12 15:29 Page4 0 33 A zimut 5 30 0 SITUATION DES BÂTIMENTS DÉPLOYÉS AU 28 MARS 2012 31 DÉPLOIEMENT ATLANTIQUE 270 285 -TCD Siroco/Opération Corymbe/ -Batral Dumont d’Urville/Surveillance maritime/ -P 400 La Capricieuse/Surveillance maritime/ -FS Germinal/Surveillance maritime/ -BH Laplace/Mission hydrographique/ -BH Borda/Mission hydrographique/ -BCR Somme, BPC Tonnerre, FDA Chevalier Paul, PSP Flamant, Aviso CDT L’Herminier, Aviso LV Lavallée, Aviso PM L’Her, CMT Croix du Sud, CMT Pégase, BRS Altaïr, BE Églantine, BE Glycine, BE Panthère, BE Lion, BE Léopard, BE Guépard, BE Jaguar, BEGM Thétis Saint-Pierre-et-Miquelon 255 DÉPLOIEMENT OCÉAN PACIFIQUE -PSP Arago/Police des pêches/ -FS Vendémiaire, RR Revi Saint-Barthélemy Saint-Martin Guadeloupe Martinique Clipperton 24 0 Guyane française Polynésie française 5 22 0 21 Département, collectivité ou territoire d’outre-mer 195 4 ® COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 180 exclusives françaises 2990-P04-05_Layout 3 03/04/12 15:30 Page5 30 45 DÉPLOIEMENT MÉDITERRANÉE 60 -BH La Pérouse/Déploiement hydrographique/ -PA Charles de Gaulle, BCR Marne, FASM Dupleix, FASM Montcalm, FDA Forbin, FLF Courbet, PE Adroit, Aviso CDT Ducuing, Aviso CDT Bouan, BBPD Achéron 75 90 DÉPLOIEMENT OCÉAN INDIEN -FLF Aconit/Opération Atalante/ -BH Beautemps-Beaupré/Déploiement hydrographique/ -FAA Cassard/Opération Enduring Freedom/ -BPC Dixmude/EAOM/ -FASM Georges Leygues/EAOM/ 105 12 0 Mayotte Wallis-et-Futuna La Réunion Nouvelle-Calédonie 5 13 15 0 En mission permanente Sous-marin lanceur d’engin (SNLE) Atlantique II Commandos COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 ® 5 165 180 2990-P6_Layout 3 03/04/12 16:02 Page6 APERÇU dans la quinzaine LE DRAPEAU DU RBFM DE RETOUR À PARIS Août 1944, les chars du régiment blindé de fusiliers marins entraient dans Paris insurgé et participaient aux combats de la Libération. Mars 2012, sur le parvis de l’hôtel de ville, sous la fenêtre même d’où le général de Gaulle avait lancé son célèbre « Paris outragé (…) mais Paris libéré », le drapeau du régiment est revenu dans la capitale au cours d’une cérémonie solennelle présidée par l’amiral Rogel, en présence du maire de Paris. J usqu’au 27 mars 2012, la Marine à Paris (le cinquième port de guerre comme l’a rappelé le chef d’état-major dans son allocution) ne disposait pas de drapeau pour les cérémonies patriotiques et devait donc faire appel à ceux confiés à des unités de province. Le ministre de la Défense a donc décidé de réactiver le drapeau du régiment de fusiliers marins, qui était confié depuis octobre 1985 au musée des traditions des fusiliers marins de Lorient. Le choix de ce drapeau est hautement symbolique, puisque ce régiment a participé activement à la libération de Paris. C’est en effet un de ses chars qui est arrivé le premier sur la place de l’Étoile en août 1944. Le 27 mars, l’amiral Rogel, chef d’état-major de la Marine, a ainsi remis solennellement le drapeau du RBFM au vice-amiral Vichot, commandant de la Marine à Paris, au cours d’une cérémonie solennelle qui a aussi vu le baptême de deux cours de l’École des fusiliers marins, des remises de fourragères à ces mêmes cours et une remise de décorations. La cérémonie s’est ensuite terminée par un défilé devant l’amiral Rogel, M. Delanoë, le général de corps d’armée Dary, gouverneur militaire de Paris, et du viceamiral Vichot. ® L’AMIRAL ROGEL ET LE GÉNÉRAL DE CORPS D’ARMÉE DARY PASSENT EN REVUE LES TROUPES ALIGNÉES DEVANT L’HÔTEL DE VILLE DE PARIS. LE DRAPEAU DU RBFM EST PRÉSENTÉ AUX AUTORITÉS : AU CENTRE L’AMIRAL ROGEL, À SA DROITE M. BERTRAND DELANOË, MAIRE DE PARIS, ET À SA GAUCHE LE GCA DARY, GOUVERNEUR MILITAIRE DE PARIS. INSTANT SOLENNEL, L’AMIRAL ROGEL REMET LA GARDE DU DRAPEAU DU RBFM AU VICE-AMIRAL VICHOT, COMMANDANT LA MARINE À PARIS. 6 ® COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 AU COURS DE LA CÉRÉMONIE, LE CHEF D’ETAT-MAJOR A REMIS SIX DÉCORATIONS. ICI LE CC MULLER A ÉTÉ DÉCORÉ DE LA CROIX DE LA VALEUR MILITAIRE. POUR CLORE LA CÉRÉMONIE, LES TROUPES ONT DÉFILÉ SUR LE PARVIS DE L’HÔTEL DE VILLE. ICI, LA PRÉPARATION MILITAIRE MARINE RICHELIEU DE PARIS/HOUILLES DÉFILE DEVANT LES AUTORITÉS. 2990-P07_Layout 3 03/04/12 17:22 Page7 INFO actus LE CHEF D’ÉTAT-MAJOR DE LA MARINE EN DÉPLACEMENT AUX ÉTATS-UNIS ET AU CANADA 1 Du 20 au 24 mars 2012, l’amiral Bernard Rogel, chef d’état-major de la Marine, était en déplacement officiel aux États-Unis. Il répondait à l’invitation de son homologue, l’amiral Greenert, Chief of Naval Operations. Cette visite s’inscrivait dans le cadre de la coopération entre les marines française et américaine. À son arrivée aux États-Unis, l’amiral s’est rendu sur la base de Kings Bay, où il a visité les installations du Strategic Weapons Facility Atlantic (SWFLANT), organisme de soutien des armes et missiles stratégiques pour la côte Est, et un sous-marin nucléaire lanceur d’engins. Il s’est entretenu avec l’amiral Harvey, Commander Fleet Force Command pour évoquer les récents exemples de coopération entre les deux marines, notamment lors de l’exercice amphibie Bold Alligator qui s’est déroulé du 24 janvier au 13 février 2012. Cet entraînement a permis de renforcer notablement l’interopérabilité grâce à la certification du Landing Craft Air Cushion (LCAC) sur le BPC Mistral ou encore à la certification à l’appontage de tous les types d’hélicoptères américains sur le bâtiment français. De très nombreuses interactions entre l’EDA-R et les LPD USS San Antonio et USS Wasp ont été menées. Au cours de ce voyage officiel, l’amiral a également visité le Naval Special Warfare Command, organisme qui fournit les équipes déployées en Afghanistan, puis s’est rendu sur la base d’aéronautique navale de Patuxent. Cette base abrite l’école des pilotes d’essais de la Navy et sert de centre d’expérimentation et d’évaluation des équipements nouveaux. Des drones de combat et de surveillance utilisés actuellement lui ont été présentés, ainsi que leurs nouvelles versions et des prototypes. Lors d’une cérémonie au Navy Yard – quartier de la Marine – l’amiral Greenert a élevé l’amiral Rogel au grade de commandeur de la Legion of Merit. Au Pentagone, l’amiral Rogel a fait offi- LE CEMM A FAIT OFFICIER DE LA LÉGION D’HONNEUR L’AMIRAL GREENERT. DANS LE HAUT ÉTAT-MAJOR LE VA DE CORIOLIS À LA TÊTE DE LA FOST Par décret du président de la République du 19 mars 2012, le vice-amiral CharlesEdouard de Coriolis a été nommé commandant des forces sous-marines et de la force océanique (Alfost) à compter du 4 avril 2012. Il succède au vice-amiral d’escadre Georges-Henri Mouton, nommé secrétaire général adjoint de la Défense et de la sécurité nationale. L’amiral de Coriolis occupait, depuis 2009, le poste d’attaché de défense près l’ambassade de France à Londres. Auparavant, il avait commandé le SNLE Le Téméraire de 2003 à 2005, puis occupé le poste d’adjoint Marine à l’étatmajor particulier du président de la République pendant quatre ans. PROMOTION Par décret du président de la République du 19 mars 2012, le contre-amiral François de Lastic Saint-Jal a été promu au grade de vice-amiral depuis le 1er avril 2012 et le capitaine de vaisseau Bruno Deméocq à celui de contre-amiral à compter du 1er mai 2012. EN BREF L’AMIRAL ROGEL PASSE EN REVUE LES TROUPES. LE CEMM AVEC LE COMMANDANT DE L’USS RHODE ISLAND. cier de la Légion d’honneur l’amiral Greenert. Le CEMM a ensuite poursuivi son déplacement en Amérique du Nord par une étape à Ottawa où il a rencontré son homologue canadien. Les deux chefs d’état-major partagent la même vision d’une « maritimisation » du monde. La coopération entre les deux pays a été au cœur de leurs discussions. Ils ont notamment évoqué le développement d’exercices communs du fait de la présence permanente d’une frégate canadienne en Méditerranée. Le programme Regulus a également été acté. Celui-ci prévoit, dans le cadre d’un échange de personnel, l’affectation prochaine de dix-sept officiers et officiers mariniers canadiens dans la Marine française. ® BIENVENUE À BORD ! Le 27 mars, à l’hôtel de ville de Paris, sept futurs marins ont été accueillis par le capitaine de frégate Matthieu Drevon, adjoint au chef du service de recrutement de la Marine, pour officialiser leur mise en route vers leurs écoles de formation. Très solennelle et chargée d’émotions pour les parents venus les accompagner, cette journée marque le départ vers un avenir prometteur, aux multiples évolutions de carrières. Qu’ils soient volontaires Selog, Equiv ou Eopan, tous s’accordent à dire qu’ils garderont le souvenir d’un accueil formel mais chaleureux dans la Marine, que certains appellent déjà « la famille ». Teddy, Jessica, Nicolas et Soraya rallieront le 9 avril prochain le CIN de Saint-Mandrier pour leur formation de volontaires. Quant à Adrien, Ludovic et Nicolas, futurs Eopan, ils sont attendus le 16 avril à l’École navale pour leur formation initiale d’officier. Les futurs marins ont ensuite assisté à la cérémonie de remise du drapeau du régiment de fusiliers marins à Comar Paris. COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 ® 7 2990-P08_Layout 3 03/04/12 16:02 Page8 INFO actus LA CROSSE D’APPONTAGE SAISIT L’UN DES TROIS BRINS D’ARRÊT. À L’ÉCOLE DE L’AVIATION EMBARQUÉE 1 Après une semaine de mer sur le porte-avions Charles de Gaulle, seize pilotes de Rafale Marine, Super Étendard Modernisé et Hawkeye ont été qualifiés à l’appontage de jour et de nuit. Certificats en poche, ces jeunes promus vont pouvoir participer aux missions opérationnelles qui leur seront confiées depuis le porte-avions. Avant de rejoindre le Charles de Gaulle, les pilotes récemment qualifiés avaient suivi pendant près d’un mois de rigoureux entraînements à l’appontage. Cet exercice très spécifique de l’appontage simulé sur piste (ASSP) a permis aux « marins du ciel » d’acquérir ou de valider à nouveau les réflexes indispensables pour se poser en pleine mer sur une longueur de 26 mètres, surface équivalente à celle d’un terrain de tennis. E N B R E F Une fois sur le porte-avions, il ne s’agit plus d’un entraînement. La moindre erreur peut être fatale. Pendant une semaine, en parallèle de différents entraînements menés par l’équipage du Charles de Gaulle, l’activité du pont d’envol a été intense. Catapultages et recueils d’aéronefs se sont enchaînés pour réaliser une série d’appontages qui valideront les aptitudes des pilotes. Dans cette manœuvre délicate, ils sont assistés par les officiers d’appontage, pilotes expérimentés et formés qui depuis le pont d’envol guident, contrôlent et donnent les instructions radio au pilote. Depuis leur plate-forme située à l’arrière du porteavions, ils sont capables d’évaluer d’un coup d’œil la vitesse de l’avion, sa trajectoire et d’anticiper les mouvements du bâtiment pour que l’avion s’aligne parfaitement dans l’axe de la piste. La crosse d’appontage saisit l’un des trois câbles (brins d’arrêt) disposés à quelques centimètres du sol à une distance de 13 mètres les uns des autres. Une fois la crosse accrochée à l’un de ces trois brins d’arrêt, un système de freinage hydraulique stoppe l’avion qui passe de 250 km/h à l’arrêt complet en 3 secondes sur une distance de 90 mètres. Au retour de vol, les pilotes connaîtront les appréciations des officiers d’appontage en salle d’alerte. Chaque « passe » est évaluée et commentée et la qualification ne sera obtenue qu’une fois les appontages validés. L’obtention de ces qualifications conclut la première étape du déploiement d’un mois en Méditerranée pour le porte-avions et son groupe aérien. Pour confirmer leurs capacités opérationnelles, ils seront rejoints dans la prochaine partie du déploiement par d’autres bâtiments et aéronefs de la Marine, dans le cadre de la manœuvre Fanal, étape importante de la remontée en puissance du groupe aéronaval. ® DÉBRIEFING DES PILOTES EN SALLE D’ALERTE. DIPLOMATIE NAVALE À LISBONNE DES MARINS EN HAUTE MONTAGNE Sur le parvis de la mairie de Tarbes (Hautes-Pyrénées), samedi 10 mars, les 28 jeunes stagiaires de la préparation militaire marine (PMM) André Omer ont reçu leur fanion des mains du CF Boris Solin, commandant la Marine à Bayonne. Après avoir défilé, les stagiaires se sont rendus dans la salle d’honneur de la mairie. Dans son discours, le CF Solin a rappelé la portée symbolique de cette journée. Il a également insisté sur l’importance d’être les acteurs du lien armée-nation et sur le devoir de maintenir fort le lien intergénérationnel. 8 ® COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 1 Du 16 au 19 mars, le bâtiment de projection et de commandement Tonnerre était en escale à Lisbonne. L’occasion d’une rencontre entre M. Pascal Teixeira da Silva, ambassadeur de France au Portugal, et M. José Aguiar Branco, ministre de la Défense portugais. Le ministre était accompagné du général Luis Esteves de Araujo, son chef d’état-major des armées, et de ses trois chefs étatmajor, Marine, Terre et Air. L’ambassadeur, le ministre et ses grands adjoints ont échangé sur les dossiers importants de défense en cours dans un contexte de réformes profondes. Ils se sont montrés impressionnés par le caractère interarmées du BPC et les capacités du bâtiment. Par ailleurs, l’équipage du Tonnerre retiendra l’image saisissante du BPC amarré en plein centre-ville de Lisbonne, à l’ombre du château San Jorge et de la statue du Cristo Rei qui domine la rive opposée du Tage. Les Lisboètes sont venus nombreux pour observer le bâtiment français. ® 2990-P09_Layout 3 03/04/12 15:31 Page9 LIBAN ENTRAÎNEMENT CÈDRE BLEU 1 Dans le cadre de la coopération bilatérale francolibanaise et de la formation des officiers-élèves du Groupe Jeanne d’Arc 2012, un entraînement amphibie nommé Cèdre bleu s’est déroulé les 13 et 17 mars à Jounieh, au nord de Beyrouth. Organisé par les Forces armées libanaises (FAL), Cèdre bleu a vu la mise en œuvre de moyens interarmées. Les FAL ont participé avec un sous-groupement tactique interarmes (SGTIA) sur M113, deux engins de débarquement d’infanterie et de chars (EDIC), deux hélicoptères Gazelle et trois hélicoptères Bell UH1. Les forces françaises ont été engagées à partir du bâtiment de projection et de commandement (BPC) Dixmude avec un SGTIA sur VAB, un engin de débarquement amphibie rapide (EDA-R), deux chalands de transport de matériel (CTM) et deux hélicoptères Gazelle. Le 17 mars, les unités ont réalisé un entraînement conjoint au débarquement. MISE EN ŒUVRE BILATÉRALE DE MOYENS AMPHIBIES. Dans un premier temps, les commandos marine libanais ont été débarqués par embarcations légères et par hélicoptères pour reconnaître la plage. Ils ont été suivis par les troupes mises en place par l’EDA-R, les EDIC et les CTM. Tout au long de la manœuvre, le dispositif terrestre a été appuyé par les hélicoptères français et libanais. Le chef d’état-major des armées, l’amiral Édouard Guillaud et son homologue libanais, le général Jean Kahwagi, ont assisté à l’exercice. Tous deux se sont félicités de la vigueur de la coopération bilatérale de défense entre la France et le Liban. En effet, parallèlement à la participation française à la Finul (force de l’ONU au Liban), la France contri- ATALANTE FORMATION DE MILITAIRES BURUNDAIS À MOMBASA 1 Les 16 et 17 mars 2012, à Mombasa au Kenya, l’équipage de l’Aconit et l’équipe de protection estonienne embarquée à son bord ont dispensé une formation de deux jours au profit de vingt-cinq militaires burundais des forces de l’Amisom (mission de l’Union africaine en Somalie). Cette instruction s’est déroulée à quai, à bord de l’Aconit pour la partie théorique et sur un porteconteneurs régulièrement affrété par l’Amisom et le Programme alimentaire mondial (PAM), pour la partie pratique. Le capitaine de corvette Reinbach, commandant le détachement estonien, et son équipe ont transmis aux militaires burundais les enseignements nécessaires pour assurer la protection des navires civils en transit. Un officier français de l’Aconit assurait la coordination de cette formation. Lors de la première journée, les différents aspects de la piraterie, l’organisation FORMATION AU COMBAT RAPPROCHÉ, AVEC IMMOBILISATION D’UN PRÉSUMÉ PIRATE, AU PROFIT DES MILITAIRES BURUNDAIS PAR LES FORCES ESTONIENNES. LE CAPITAINE DE VAISSEAU OLIVIER DE SAINT JULIEN REMET LES DIPLÔMES AUX MILITAIRES BURUNDAIS SUR LA PLATE-FORME HÉLICOPTÈRE DE LA FRÉGATE ACONIT. d’une équipe de protection et les différentes situations et réactions possibles ont été abordés. La deuxième journée à bord du porte-conteneurs a permis de mettre en situation l’équipe de protection burundaise en les confrontant à une attaque de skiff, puis à un assaut sur le navire. La formation a été clôturée par la remise des diplômes par le capitaine de vaisseau Ivo Värk, chef d’étatmajor de la Marine estonienne, et du capitaine de vaisseau Olivier de Saint Julien, commandant la frégate Aconit. Mme Kadri Humal-Ayal, consul d’Estonie au Kenya, ainsi que des représentants de l’ONU qui assurent le soutien de l’Amisom étaient présents à la cérémonie. Les moyens engagés dans Atalante conduisent des actions de formation des forces de l’Amisom depuis 2011. Elles doivent lui permettre d’assurer la protection des navires qu’elle affrète entre le Kenya et la Somalie pour acheminer son ravitaillement. ® bue à la montée en puissance des FAL avec notamment des exercices réguliers lors du passage d’unités françaises dans la région et des échanges dans le domaine de la formation (170 militaires libanais accueillis en France chaque année). ® E N B R E F LE PLUVIER FÊTE LA SAINT-PATRICK Le patrouilleur de service public Pluvier a fait escale à Dublin du 15 au 17 mars 2012. Il s’était auparavant entraîné avec le Orla, un patrouilleur de haute mer de la Marine irlandaise, basé à Cork. Au programme : visite du commandant du Orla et de son officier opérations à bord du Pluvier, présentations de ravitaillement à la mer et évolutions tactiques. Ces manœuvres ont permis aux marins irlandais de mettre en œuvre leurs procédures sur un bâtiment qui leur était inconnu. L’équipe de visite du Pluvier a également apprécié une autre manière de travailler. Les enseignements demeurent nombreux pour les deux unités. COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 ® 9 2990-P10_Layout 3 03/04/12 16:48 Page10 INFO actus E N B R E F SÉMINAIRES PLONGÉE AU SLM Le 15 mars 2012, le service de logistique de la Marine (SLM) a honoré son rendez-vous annuel avec la communauté des plongeurs des armées, en présidant le sous-comité Matériels de plongée du Comité de coordination des matériels communs (CCMC). Comme chaque année, les échanges ont été fructueux : partage d’expériences, d’expressions de besoins, de politiques d’emploi, de formations et de réglementations sur la plongée sous-marine. Le lendemain, le SLM organisait son séminaire biannuel avec les formations de la Marine et le représentant de l’EMM responsable du suivi des programmes de plongée. Ils ont dressé le bilan des projets en cours. L’année a connu des succès, tels que l’acquisition, en décembre 2011, du recycleur à oxygène pur « CODE » de la société Aqua Lung ou l’acceptation de la troisième présentation de la tête de série du gilet multimission. En revanche, la maintenance des matériels de plongée en outre-mer devra être améliorée. Cette réunion visait également à préparer l’avenir. Ainsi, le développement d’outils spécifiques pour le contrôle des bouteilles de plongée en matériau composite ou l’emploi de la technologie « RFID » pour l’identification par radiofréquences des matériels soumis aux contrôles réglementaires périodiques ont été abordés. INFORMATIONS POUR FUTURS PATRONS Le 15 mars 2012, le Pôle Défense Mobilité de Brest a organisé une soirée d’information sur la création d’entreprise. Cette manifestation était animée conjointement par la chambre de commerce et d’industrie, la chambre des métiers et de l’artisanat, et la boutique de gestion de Brest. Les intervenants ont exposé les grandes étapes de ce type de projet, les difficultés prévisibles, les aides possibles… Un ancien militaire, créateur de son entreprise, a également fait part de son expérience. Le succès de cette soirée témoigne du besoin d’information dans ce domaine. Défense Mobilité est présente pour accompagner les militaires, civils de la défense et conjoints dans leur transition professionnelle. Le dispositif du parcours individuel du créateur d’entreprise (PIC) permet aux militaires ayant obtenu un congé de reconversion d’être accompagnés dans leur démarche de création. 10 ® COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 L’ADROIT EN POLICE DES PÊCHES 1 Le patrouilleur d’expérimentation l’Adroit est mis à disposition de la Marine nationale par DCNS pour une période de trois ans. Le 20 mars 2012, il appareillait du port de Toulon pour sa première mission de surveillance du littoral français en Méditerranée. Celle-ci a débuté par un contrôle des pêches à bord d’un chalutier au large de la Corse. Son équipe de visite, appuyée par le référent Polpêche (police des pêches) de la Force d’action navale, a procédé pendant deux heures à la vérification des documents et matériels détenus par le bateau. Ce contrôle a permis de signifier au patron pêcheur plusieurs anomalies tout en montrant l’implication des moyens de la Marine dans les missions de la fonction gardecôtes. La présence lors de ce contrôle d’un hélicop- tère des Douanes, alors en patrouille, atteste de la coopération des différentes administrations au large des côtes. ® LES ENJEUX MARITIMES DU XXIE SIÈCLE 1 Le 20 mars dernier, au centre d’instruction naval de Brest, M. Francis Vallat, président du Cluster maritime français, a prononcé une conférence sur les grands enjeux maritimes du XXIe siècle et les atouts de la France dans ce domaine. Source de nombreuses richesses, les mers et océans sont également des espaces indispensables à la circulation du commerce international. Bien que disposant du deuxième espace maritime mondial avec 11 millions de km2 de zone économique exclusive (ZEE), la France n’est pas la puissance maritime qu’elle devrait être. Au XXIe siècle, les enjeux maritimes sont plus que jamais importants. En France, le milieu maritime concerne de 305 000 emplois directs. Dans onze métiers maritimes, la France se place dans le peloton mondial : courtage maritime, offshore, armement et assurance maritimes, construction navale civile et militaire, recherche océanographique… Une prise de conscience de ces enjeux a conduit la France à établir une stratégie maritime avec l’adoption, en décembre 2009, du Livre bleu. Celui-ci vise notamment à protéger les milieux, valoriser les ressources marines, et mettre en place une gestion intégrée et concertée des activités maritimes. ® LE LYCÉE NAVAL DE BREST SE DISTINGUE 1 Le 19 mars, Charlotte Jestin, élève de seconde au Lycée naval de Brest, s’est vu remettre le 1er prix du concours Plumes et Partition 2012. Organisé par les Semaines musicales de Quimper, ce concours a pour but de sensibiliser le jeune public à la musique classique et contemporaine à travers la création littéraire réalisée par des élèves de 1re et 2de. Le texte de Charlotte Jestin intitulé Brain Stormingsera ainsi mis en musique par un jeune compositeur, Thomas Menuet, qui présentera son œuvre lors d’un concert en mars 2013. Le centre d’instruction naval de Brest a souhaité pro- fiter de cette remise de prix pour mettre également à l’honneur des élèves du Lycée naval qui se sont distingués dans d’autres disciplines : - les Olympiades de Chimie : en remportant les 1re, 3e, 6e et 12e places du concours pour l’académie de Rennes. Le lauréat est Abdel-Malek Ghani, élève de terminale S ; - les championnats régionaux UNSS de rugby : conduite par son capitaine Benoît André, l’équipe du Lycée naval va dorénavant affronter les équipes championnes des autres académies. ® 2990-P11_Layout 3 03/04/12 15:31 Page11 HAÏTI SOUTIEN DES FORCES ARMÉES AUX ANTILLES 1 Du 14 au 16 mars 2012, le bâtiment de transport léger (Batral) Dumont d’Urville des forces armées aux Antilles (FAA) a fait escale à Port-au-Prince en Haïti. Il avait embarqué à son bord 13 tonnes de matériels et fournitures à destination des écoles haïtiennes. Près de 200 équipements informatiques (ordinateurs, rétroprojecteurs…) et 4 tonnes de fournitures et manuels, qui ont notamment été collectés dans les classes martiniquaises, ont été remis à des associations qui travaillent avec l’ambassade de France en Haïti et en présence du ministre de l’Éducation haïtien, M. Réginald Paul. À l’occasion de ce passage en Haïti, l’équipage du Dumont d’Urville et une équipe du régiment du service militaire adapté (RSMA) de Martinique ont réhabilité un centre d’accueil développé par l’ONU. Pendant trois jours, les militaires français ont participé aux travaux de réhabilitation d’une structure d’accueil de l’école-orphelinat de Tabarre. Il s’agit d’un projet du Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR) pour la protection des femmes victimes de maltraitance, dans le cadre de la mise en œuvre du programme Femme, paix et sécurité, lancé par la résolution 1325. À l’occasion de la fin des travaux, M. Didier Le Bret, ambassadeur de France, a remercié l’ensemble des soldats et marins impliqués pour leur soutien à l’aide haïtienne. DÉCHARGEMENT DE 13 TONNES DE FRET PÉDAGOGIQUE. Depuis janvier 2010 et le séisme qui a durement frappé Haïti, les FAA conduisent régulièrement des missions de soutien au profit de la population haïtienne. ® EXERCICE « CRASH HÉLICO » À CHERBOURG 1 Le 16 mars à 10 h 30, une vingtaine de militaires – marins-pompiers, gendarmes maritimes et pilotes de l’hélicoptère de service public Dauphin – ont été déployés dans le cadre d’un entraînement « crash hélico » organisé deux fois par an sur la base navale de Cherbourg. Une avarie moteur contraint l’hélicoptère Dauphin à atterrir en urgence sur la base navale de Cherbourg. L’atterrissage est violent. Un départ d’incendie se déclare à bord de l’appareil tandis qu’à l’extérieur, du pétrole commence à se répandre. Le pilote est inconscient ; le copilote, gravement blessé, ne peut s’extraire de l’hélicoptère… Tel était le scénario de cet entraînement qui a duré près de 45 minutes. Le rôle de chaque autorité était bien défini : les pilotes feignaient d’être blessés ; la gendarmerie maritime bloquait les accès et assurait la sécurité du périmètre ; les marins-pompiers devaient agir rapidement pour éteindre l’incendie, porter assistance aux blessés et neutraliser l’épandage du pétrole de manière à éviter toute aggravation de l’incendie. L’objectif de cette mise en situation était de tester la réactivité des troupes en cas d’accident. Dans un cas pareil, la contrainte principale est la vitesse d’embrasement de l’hélicoptère. Trois à cinq minutes suffisent pour qu’un appareil de type Dauphin brûle intégralement. Il faut donc agir vite. Mais d’autres contraintes sont également à prendre en considération, notamment celles liées à l’environnement et à la nature du terrain d’intervention. Extinction du feu, sauvetage de la victime inconsciente, neutralisation de la fuite de pétrole, découpage de l’hélicoptère pour désincarcérer le copilote blessé… Ce « crash hélico » a permis de passer en revue l’ensemble de ces procédures. ® E N B R E F SIGNATURES DE CONVENTIONS ENTRE L’ÉTAT, LA NOUVELLECALÉDONIE ET LE SHOM DE GAUCHE À DROITE : M. HAROLD MARTIN, PRÉSIDENT DU GOUVERNEMENT DE LA NOUVELLE-CALÉDONIE ; M. RONAN PRONOST, DIRECTEUR DU GROUPE OCÉANOGRAPHIQUE DU PACIFIQUE (GOP) DU SHOM, ET M. ALBERT DUPUY, HAUT COMMISSAIRE DE LA RÉPUBLIQUE EN NOUVELLE-CALÉDONIE. Le haut commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie et M. Martin, président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, ont signé, le 22 mars 2012, quatre des six conventions relatives au transfert à la Nouvelle-Calédonie des compétences de l’État « en matière de police et sécurité de la circulation maritime s’effectuant en tous les points de ce territoire, et de la sauvegarde de la vie humaine dans les eaux territoriales ». Deux des conventions signées intéressent particulièrement le Service hydrographique et océanographique de la Marine (Shom), puisqu’elles traitent du transfert de la compétence en hydrographie. Elles concernent en effet la responsabilité de l’exécution des travaux hydrographiques dans les eaux territoriales pour les besoins de la sécurité de la navigation. Les travaux hydrographiques, toujours réalisés en pratique par le Groupe océanographique du Pacifique (GOP) du Shom, seront désormais effectués pour le compte et sous la responsabilité de la Nouvelle-Calédonie dans les eaux territoriales et intérieures, mais demeureront sous la responsabilité exclusive de l’État lorsqu’ils seront exécutés au-delà de la mer territoriale, en particulier dans la zone économique exclusive. COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 ® 11 2990-P12-20_Layout 3 03/04/12 16:57 Page12 LUTTE CONTRE LA PIRATERIE LA FORCE ATALANTE EN ACTION DOSSIER RÉALISÉ PAR LE LV COLOMBAN ERRARD ès 2007, les pirates somaliens ont commencé à faire parler d’eux en attaquant les convois humanitaires de l’Organisation des Nations unies (Programme alimentaire mondial) destinés à la population somalienne. Depuis lors, la menace est endiguée, mais la piraterie fait encore parler d’elle. Menace persistante du golfe d’Aden depuis maintenant près de cinq ans, les pirates somaliens continuent d’écumer cette zone d’importance capitale pour les échanges maritimes mondiaux. Le nombre de prises a diminué, mais l’importance croissante des rançons a permis aux commanditaires d’accumuler des sommes d’argent importantes et de renforcer leurs méthodes de travail et leurs moyens d’action (80 millions de dollars en 2010, plus de 131 millions en 2011 selon les assureurs). Face à une telle menace, la réponse de la communauté internationale a fait l’objet d’une approche globale. Humanitaire tout d’abord. Les organisations internationales, comme l’Organisation des Nations unies (ONU), l’Union africaine (UA) et son bras armé, l’Amisom, ou l’Union européenne (UE), sécurisent le port et l’aéroport de Mogadiscio (Somalie), tout en apportant leur soutien aux autorités locales du Gouvernement fédéral de transition, du Puntland et du Somaliland. Diplomatique et juridique ensuite, en faisant régulièrement évoluer le cadre de la réglemen- D 12 ® COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 tation permettant aux marines d’intervenir dans les eaux territoriales somaliennes en mettant en place une coopération régionale pour le traitement judiciaire des pirates. Militaire enfin. Il était en effet urgent de sécuriser le trafic commercial, de prévenir les attaques et d’intercepter les pirates en mer, dans une zone essentielle au trafic maritime international par laquelle transitent chaque année 25 000 navires acheminant 30 % des approvisionnements européens en pétrole et gaz et près de 7 milliards de conteneurs. Apporter sa contribution à la sécurité régionale, telle est la mission qui est dévolue à la force européenne (EUNAVFOR - Atalante) et aux forces internationales présentes sur zone depuis la montée en puissance de la piraterie dans le LES MOYENS FRANÇAIS Selon les besoins (liés notamment aux périodes d’inter-moussons), la France engage au sein de la force au moins un bâtiment et de façon ponctuelle des moyens de patrouille maritime (ATL2, E3F ou Falcon 50) et des bâtiments complémentaires. Les forces françaises stationnées à Djibouti servent également de plate-forme logistique à la force. La France a commandé le dispositif à la mer d’août à décembre 2010 et le commande à nouveau à partir de début avril. golfe d’Aden et au large des côtes somaliennes. Les missions sont nombreuses : escorter des navires à destination de la Somalie pour le Programme alimentaire mondial ou l’Amisom et participer à la sécurité du trafic maritime dans le golfe d’Aden. Mais aussi assurer la sécurité des navires en transit dans le golfe d’Aden, conduire des opérations de surveillance et d’interception, assurer l’interface avec les armateurs dans la zone d’opérations et leur permettre de naviguer le plus en sécurité possible ou encore participer activement à la coordination de tous les moyens militaires engagés dans la zone, au sein de la force européenne mais surtout avec les autres forces et pays. La France a assuré le commandement de la force maritime de l’opération Atalante du 14 août au 14 décembre 2010 (cf. Cols Bleus n° 2955 des 4 et 11 septembre 2010). Alors que le Floréal revient tout juste de la zone d’opérations, l’Aconit a pris la suite de la frégate de surveillance. La Marne va la rejoindre, avec à son bord l’état-major du contre-amiral Dupuis qui assurera le commandement embarqué de la force européenne d’avril à août 2012. Avec deux missions principales : protéger les bâtiments du PAM d’une part, et dissuader, prévenir et réprimer les actes de piraterie d’autre part. Contexte, enjeux et embarquement à bord du Floréal, tour d’horizon de la lutte contre la piraterie. ® 2990-P12-20_Layout 3 03/04/12 16:58 Page13 PASSION Marine LE GOLFE D’ADEN ET LE BASSIN SOMALIEN EN QUELQUES CHIFFRES – 25 000 navires par an transitent dans le golfe d’Aden, soit une moyenne de 70 par jour. – 147 navires du PAM et 126 de l’Amisom (source : site web EUMARFOR) ont été escortés par Atalante depuis 2008. – Aucun bâtiment escorté n’a été capturé depuis la mise en place d’Atalante. – Le taux de réussite des attaques des pirates depuis la création de la force Atalante : 2009 : 215 attaques, dont 39 prises d’otage (18 %). 2010 : 199 attaques, dont 36 prises d’otage (18 %). 2011 : 194 attaques, dont 23 prises d’otage (11 %). COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 ® 13 2990-P12-20_Layout 3 03/04/12 16:58 Page14 PASSION Marine Atalante LA MARNE AUX COMMANDES 1 500, l’équivalent de la superficie de l’Europe ! Depuis 2008, la zone d’action s’est étendue en raison de l’évolution des tactiques et des moyens des pirates. Ils parviennent maintenant à intervenir loin en mer (jusqu’à 1 500 nautiques des côtes), où ils opèrent à partir de bateaux-mères (les mother ships), généralement eux-mêmes piratés et sur lesquels sont prépositionnés des barques d’attaques (les skiffs). Cette zone d’action revêt une importance stratégique majeure pour la France et pour l’Europe puisqu’environ 25 000 navires transitent annuellement dans le golfe d’Aden. Par ailleurs, la France est également concernée par les zones de pêche au large des Seychelles, dans le bassin somalien, où travaille une flottille de thoniers français. e contre-amiral Dupuis est l’adjoint du commandant de la force aéromaritime française de réaction rapide (FRMARFOR). À partir du 7 avril, il prendra, depuis le bâtiment de commandement et de ravitaillement Marne, le commandement à la mer de la force maritime de l’opération européenne de lutte contre la piraterie (Mission EUNAVFOR Atalante). Interview. L Dans quel contexte opérationnel prenez-vous le commandement de la force Atalante ? L’environnement opérationnel est complexe et les enjeux multiples, qu’il s’agisse d’enjeux de stabilité régionale, d’enjeux humanitaires, notamment en Somalie, ou bien évidemment de sécurité maritime dans l’ouest de l’océan Indien. La force européenne a pour mission de répondre et de mettre en œuvre les résolutions 1814, 1816 et 1836 de l’ONU, qui appellent la communauté internationale et les États à protéger les bâtiments du Programme alimentaire mondial (PAM) transportant l’aide alimentaire aux 1,6 million de Somaliens en détresse alimentaire, mais aussi à réduire et 14 ® COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 neutraliser les capacités d’action des pirates dans le bassin somalien et le golfe d’Aden. Les bâtiments de la force Atalante ne sont pas seuls sur zone. Nous agissons aux côtés d’autres bâtiments : certains sont placés sous le commandement de l’Otan (mission Ocean Shield assignée à la Task Force 508), d’autres de la Task Force 151 placée sous le commandement d’une force maritime de coalition régionale (CMF : Combined Maritime Force) pilotée par les Américains, d’autres enfin sont déployés de façon indépendante et restent sous commandement national. Au total, entre 20 et 30 bâtiments militaires et des avions de patrouille maritime sont déployés en permanence en océan Indien et contribuent directement ou indirectement à la sécurité maritime et à la lutte contre la piraterie. La zone de piraterie s’est considérablement étendue. Quels sont les intérêts français et européens dans cette zone ? La piraterie sévit actuellement dans la majeure partie du nord-ouest de l’océan Indien. La zone s’étend de Madagascar au Sultanat d’Oman et des Maldives au Kenya, soit 2 500 nautiques sur Comment évolue la situation sur zone et quelles sont les réflexions en cours pour améliorer le dispositif de lutte contre la piraterie ? Tout d’abord, il faut constater que l’action des forces militaires, associée à la mise en œuvre par les bâtiments civils de mesures de défense passive, porte ses fruits. Si le nombre d’attaques est resté globalement stable ces derniers mois, le nombre d’attaques réussies et donc de bâtiments piratés a sensiblement diminué. Le taux de réussite des attaques est ainsi passé de 25 à 11 % entre 2008 et 2011. Par ailleurs, pour améliorer la protection des navires du PAM et de l’Amisom (African Union Mission In Somalia), des équipes de protection embarquées à bord des navires complètent, voire se substituent à l’escorte par les moyens militaires. Ces équipes sont composées de militaires et mises en place sur les bâtiments civils ralliant les ports somaliens. Après une période de formation aux problématiques maritimes, les militaires africains de l’Amisom commencent à développer leur capacité à assurer euxmêmes cette tâche sur les bâtiments sur lesquels ils sont embarqués. Ce dispositif doit permettre aux frégates de mener d’autres missions comme la recherche des mother ships qui servent de bâtiment support pour les actions de piraterie en haute mer. À titre personnel et en tant que commandant de la force maritime, comment abordez-vous cette mission ? Avec impatience : se voir ainsi confier une force multinationale de cette importance représente en effet un challenge important et extrêmement motivant. Or, je sais que je peux m’appuyer sans réserve sur un état-major multinational(1) motivé et conscient des enjeux, et compter sur des équipages compétents et parfaitement entraînés, quelle que soit leur natio- 2990-P12-20_Layout 3 03/04/12 16:58 Page15 LA MARNE APPAREILLE DE TOULON, CAP SUR LE GOLFE D’ADEN. nalité. J’aborde donc cette mission avec confiance. De plus, l’Union européenne vient d’autoriser l’extension de la zone d’opérations d’Atalante à la zone littorale et aux eaux intérieures somaliennes. Cette évolution était attendue pour compléter la « boîte à outils » de la force. Cette décision montre encore une fois la capacité d’Atalante, de l’UE, à s’adapter en perma- nence à l’évolution de la menace et du contexte régional. Cette décision politique enfin doit être déclinée aujourd’hui en plan d’opérations militaires. Il ne s’agit pas de débarquer demain en Somalie, mais bien de pouvoir mettre en œuvre un mode d’action supplémentaire. Un modus operandi qui nous permettra d’agir sur la menace avant qu’elle quitte son camp de base. Nous devons encore réfléchir aux différentes façons dont on pourra le mettre en œuvre, à quels moments aussi, avec quels moyens, suivant ceux dont on dispose déjà au sein de l’opération Atalante. ® (1) L’état-major compte 29 personnes, dont 10 officiers et officiers mariniers alliés. Piraterie UN FLÉAU COMBATTU Rencontre avec le commissaire en chef de 1re classe François Laurent, chef de bureau droit de la mer et événements de mer à l’état-major de la Marine. Dans quel cadre juridique s’opère la lutte contre la piraterie et le jugement des pirates ? La définition de la piraterie (convention de Montego Bay) autorise tout État à appréhender des pirates et à les juger. Y compris s’ils ont été appréhendés par une autre nation. Des jugements ont lieu dans des États extérieurs à la région, en général lorsque les victimes des pirates étaient ressortissants de ces États. Mais d’une façon générale, on estime préférable que les pirates soient jugés par les États de la région. L’ACONIT ENVOIE SES ÉQUIPES DE VISITE À BORD DES DHOWS. Dans la pratique, comment et par qui les pirates de Somalie interpellés sont-ils jugés aujourd’hui ? Le jugement des pirates fait l’objet d’un travail de fond de l’Union européenne avec les nations riveraines, comme Djibouti, la Tanzanie, le Kenya, les Seychelles, l’Île Maurice et la Somalie. Mais il existe des difficultés à trouver des partenaires judiciaires dans la durée et le système est saturé. L’Île Maurice et les Seychelles ont rejoint le dispositif, mais avec des moyens plus modestes et de faibles capacités carcérales. L’objectif est de développer des capacités judi- t COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 ® 15 2990-P12-20_Layout 3 03/04/12 16:58 Page16 PASSION Marine t caires et carcérales dans les pays concernés pour permettre un traitement judiciaire efficace des pirates. L’opération européenne Atalante vient d’être prolongée. Quels sont les axes de travail ? Les actions de la communauté internationale et de l’UE sont conduites dans le cadre d’une approche globale, qui vise à améliorer à la fois les volets économique, judiciaire et opérationnel. La communauté internationale ne peut pas se contenter de traiter les symptômes à la mer, mais doit aider les nations riveraines à éradiquer les causes de la piraterie à terre. L’Organisation maritime internationale (OMI) et l’Europe ont lancé une coopération régionale dans les domaines de l’échange d’informations opérationnelles et de la formation des forces de sécurité maritimes de la région (Processus de Djibouti). L’UE développe des programmes visant à sécuriser les routes maritimes. Elle se prépare en outre à mener des missions civiles dans le cadre de la politique européenne de sécurité et de défense (PESD). Dans ce cadre, les mesures prises visent à assister les États riverains de la zone sous L’ÉQUIPE DE VISITE DU FLORÉAL EST PARÉE. menace de piraterie, en vue de leur permettre de mieux maîtriser leurs espaces maritimes, coordonner leur action et accroître leurs capacités judiciaires. En parallèle, l’opération maritime se poursuit avec la participation de différentes nations européennes selon leurs moyens : navires de guerre, équipes de protection embarquées, avions de patrouille maritime… Les objectifs restent la protection des navires du Programme alimentaire mondial, la protection des navires vulnérables et la surveillance des eaux au large des côtes somaliennes. Pour la France enfin, la protection des thoniers, câbliers ou navires scientifiques qui opèrent dans la zone se poursuit à titre national, tout comme la protection, au cas par cas, de certains navires sensibles. ® Les principales zones de piraterie dans le monde 16 ® COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 2990-P12-20_Layout 3 03/04/12 16:59 Page17 LES MARINS FRANÇAIS DE L’OHQ NORTHWOOD orthwood, quartier général de l’opération européenne de lutte contre la piraterie Atalante (OHQ EUNAVFOR). Nous sommes à une trentaine de kilomètres au nord de Londres. Depuis décembre 2008, la base militaire britannique de Northwood, qui abrite le centre de conduite des opérations britanniques et le commandement naval de l’Otan, accueille également l’état-major de l’opération. L’état-major Atalante rassemble environ 120 personnes, de 21 nationalités différentes (dont deux non-membres de l’Union européenne). Six marins français travaillent actuellement au sein de l’OHQ. La délégation française est composée de six militaires : le représentant de la France auprès de l’opération à la tête de N la cellule Opérations futures, deux sont insérés dans la cellule Conduite des opérations, un dans la cellule Renseignement. Les deux derniers sont conseillers politique et juridique du commandant de l’opération. La langue de travail de l’état-major reste l’anglais, contrairement aux instances européennes qui comptent 23 langues officielles. L’organisation du commandement de la force est calquée sur le modèle des cellules d’un état-major traditionnel et les représentants de chacune des nations présentes apportent tous leur plus-value. La France a été un élément moteur dans le lancement de l’opération Atalante. Elle continue à l’être à travers l’engagement de ses unités et de ses hommes depuis 2008. ® EUNAVFOR La mission Atalante est une mission militaire et diplomatique mise en œuvre par l'Union européenne dans le cadre de sa politique commune de sécurité et de défense. La force navale européenne (EUNAVFOR), déployée à partir du 8 décembre 2008, lutte contre l'insécurité dans le golfe d'Aden et l'océan Indien. Entretien avec le CF Christophe Pasco, commandant du Floréal LE FLORÉAL AU CŒUR DE LA ZONE DE PIRATERIE Le Floréal a rejoint la mission européenne Atalante durant quatre mois… Le 26 octobre 2011, le Floréal a appareillé de Port-des-Galets (La Réunion) avec à son bord une délégation de magistrats emmenés par le procureur général de La Réunion. Cette visite s’inscrivait dans le cadre de l’application de la nouvelle loi du 5 janvier 2011 permettant aux commandants de bâtiment, en liaison avec les commandants de zones maritimes, les procureurs et les juges des libertés d’appliquer des mesures dites MPRL (Mesures privatives ou de restriction de libertés), dans le cadre de la lutte contre la piraterie. Ensuite, le Floréal a rejoint la zone d’opérations tout en assurant des missions de surveillance maritime, de police des pêches et de lutte contre l’immigration clandestine dans les zones économiques exclusives (ZEE) et les approches des îles Éparses et de Mayotte. Depuis début novembre, sous les ordres d’un amiral allemand, puis espagnol, le commodore Jorge Manso Revilla, commandants successifs de la force maritime Atalante, nous avons assuré la mission en affichant une excellente disponibilité des installations et du Panther, grâce à l’investissement sans relâche de l’équipage pour préserver et entretenir le patrimoine. Comment l’équipage a-t-il vécu cette mission ? L’équipage était fier. Fier de participer à la première opération maritime de l’Union européenne et fier des résultats obtenus. Les LE COMMANDANT BRIEFE LES HOMMES DE L’AMISOM. résultats sont probants : depuis que l’opération a commencé, aucun navire affrétant l’aide alimentaire du PAM n’a été piraté, le pourcentage de réussite des attaques est en baisse. Nous avons un mandat très marqué par les missions de protection des navires du PAM, d’une part à cause des périodes de mousson et d’autre part à cause d’un accroisse- ment des activités du PAM alors que la force disposait de moyens réduits. Mais comme « la joie de l’âme est dans l’action » (Maréchal Lyautey), dès que la mission nous le permettait, nous reprenions l’entraînement dans un but permanent de recherche de performance. Voilà, en bref, un équipage fier, soudé, combatif qui en veut toujours plus ! ® COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 ® 17 2990-P12-20_Layout 3 03/04/12 16:59 Page18 PASSION Marine Interview du LV Jérémy Bachelier, officier Opérations LA MISE EN ŒUVRE D’EPE PRIVILÉGIÉE Quelle est l’actualité opérationnelle récente de la zone ? La mission du Floréal a commencé juste après la reprise du Tribal Kat par une action impliquant des moyens de l’opération Atalante, allemands, espagnols et français, mais aussi des moyens japonais, américains, etc. En parallèle, le contexte politique et diplomatique s’est tendu avec l’action militaire kenyane en Somalie. De plus, les escortes du PAM ont été multipliées par six, résultat de la crise alimentaire qui touche la Corne d’Afrique depuis l’été, de la crise économique et des affrontements avec les shebabs. Chaque mois, deux convois en moyenne effectuent le transit entre le Kenya ou la Tanzanie et la Somalie. Le mois de janvier est traditionnellement une période propice aux attaques. Géographiquement, elles se sont déroulées principalement en mer d’Arabie et dans le golfe d’Aden (GoA). Le bassin somalien a quant à lui été relativement épargné, à l’exception de son extrémité sud, à proximité de Dar es-Salaam en Tanzanie. En ce qui concerne les modes opératoires de la lutte contre la piraterie, la mise en œuvre d’équipes de protection embarquées (EPE) militaires est actuellement privilégiée pour protéger VISITE À BORD D’UN DHOW. les convois. Ces EPE sont en mesure d’escorter des navires commerciaux vulnérables dans le GoA et le bassin somalien. Depuis peu, les bâtiments de la force Atalante peuvent se concentrer sur les patrouilles dissuasives, la prévention et le renseignement de zone, grâce à la mise en place progressive d’EPE dites « autonomes ». Ainsi protégés, les convois ne nécessitent plus d’accompagnement par un bâtiment militaire. À quel type d’opérations le bâtiment et son équipage ont-ils dû se préparer pour accomplir cette mission ? Avant le départ en Atalante, le Floréal s’est vu doter d’un supplément à l’armement, fruit des trois années de retours d’expérience dans le domaine de la lutte contre la piraterie : moyens de vision de jour et nocturne supplémentaires (jumelles de vision nocturne, équipements infrarouges…), affûts ANF1 et matériel complémentaire au profit des EPE. Sur l’eau, afin de garantir l’autonomie de nos équipes de visite, nous disposons de l’allocation habituelle, ainsi que d’un Etraco (embarcation de transport rapide de commandos). Quel bilan opérationnel est à mettre au crédit du Floréal ? Le Floréal a apporté une contribution de 104 jours de déploiement au sein de la force Atalante. La moitié de ce temps a été consacrée aux escortes des navires de l’Amisom (une) et du PAM (trois, dont une double escorte de dix jours). L’autre moitié de notre déploiement a été dédiée aux patrouilles dissuasives dans l’IRTC et le long de la côte somalienne. Nos quatre mois d’opérations auront également été marqués par le pistage du boutre piraté. En termes d’entraînement interarmées, nous avons également profité de notre déploiement pour vérifier notre interopérabilité avec d’autres bâtiments d’Atalante, les bâtiments des forces alliées et avec les forces françaises à Djibouti. ® EXERCICE DE TIR DE NUIT. 18 ® COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 2990-P12-20_Layout 3 03/04/12 16:59 Page19 En images QUATRE MOIS AVEC L’ÉQUIPAGE « Être paré à tout instant pour faire face aux menaces de tout type, tel est le mot d’ordre à bord du Floréal. Au cœur du théâtre opérationnel, il n’y a aucun temps mort. Quand ils ne sont pas retenus par une situation réelle, les marins du Floréal répètent leurs gammes. Exercices de tir, exercices sécurité, mise en place des équipes de visite… Au regard de l’effectif optimisé du bâtiment, chaque membre de l’équipage est directement concerné et impliqué. Les connaissances s’échangent entre marins des différents services. Lorsque les opérations se déclenchent, chacun, du commandant au matelot, doit être prêt à donner instantanément le meilleur de lui-même. ® Au commissariat, nous faisons partie d’un service qui est au service des services. Je participe à différentes tâches à bord : je prends des quarts en passerelle à la barre, je me suis portée volontaire pour tenir la coopérative et mon poste de combat se trouve derrière le 20 mm. » SM BOUHARAOUA, FOURRIER Être opérationnel à 100 %, tout au long de la mission. Voici le défi que les mécaniciens du Floréal et ceux de la 36F ont à relever. Durant les quatre mois de mission, le commandement de la force Atalante doit pouvoir compter à la fois sur le bâtiment français et son hélicoptère. À bord, les spécialistes du domaine ne comptent pas leurs heures. Anticipation des pannes, entretiens réguliers, commande de pièces de rechange, maintenances particulières liées aux conditions météorologiques et climatiques exigeantes sur zone, le travail ne manque pas pour atteindre un taux maximum de disponibilité. ® « Notre travail n’est pas lié uniquement à la propulsion du navire, mais à son entretien au bon fonctionnement général de l’ensemble des installations, dans tous les services. Il faut également penser plus loin que la seule opération en cours, en planifiant les échéances réglementaires et en préparant la prochaine indisponibilité pour entretien (IE) dans le cadre des nouveaux contrats de maintien en condition opérationnelle. LV YANNICK GABARD, COMANAV » COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 ® 19 2990-P12-20_Layout 3 03/04/12 16:59 Page20 PASSION Marine Dans une zone dont la surface équivaut à celle de l’Europe, la connaissance et la maîtrise de l’environnement sont essentielles. Comme chacun des bâtiments intégrés à la force depuis sa création, le Floréal représente un vecteur de recueil d’informations techniques et environnementales pour sa Task Force. Au centre opérationnel comme en passerelle, à bord de l’Etraco ou depuis l’hélicoptère Panther de la 36F, une veille de tous les instants permet de recueillir et de compiler l’ensemble des données importantes qui concernent la zone d’opérations. Relayées au commandement de la force et compilées avec celles des autres bâtiments présents sur zone, ces informations s’avèrent précieuses à la conduite des opérations. ® « Malgré une vigilance de tous les instants, nous n’avons pas identifié d’embarcation suspecte. Mais nous nous tenions résolument prêts et entraînés ! PM CRESPIN, CAPITAINE D’ARMES » En formant les hommes de l’Amisom et en servant de bâtiment de soutien aux commandos estoniens, les marins du Floréal optimisent les moyens mis à disposition de la force. L’EPE permet en effet d’assurer une plus grande efficacité des escortes de bâtiments. Pouvoir protéger les navires du PAM à l’aide d’équipes de protection embarquées autonomes constitue un réel objectif à court terme pour le commandement opérationnel de l’opération, afin de libérer les frégates des tâches d’escortes. ® « Former les équipes de protection embarquées autonomes de l’Amisom a été un beau moment d’amitié militaire internationale. Les croiser en mer quelques jours plus tard pleinement opérationnels nous a procuré une vive satisfaction. » EV1 CÔME MANOURY Pleinement intégré à une force européenne, évoluant dans une zone d’opérations où opèrent des forces maritimes de l’Otan comme d’autres nations indépendantes, le Floréal doit pouvoir communiquer avec l’ensemble des bâtiments ou aéronefs de guerre ou les navires de commerce. Pour faciliter les échanges d’informations et préserver leur confidentialité, le réseau européen EUC Wan a ainsi été déployé à bord. Des expérimentations sont également « menées en vue de futurs déploiements, notamment la mise en place d’AIS Secure, AIS Helo et Kéops. ® Nous sommes équipés depuis août 2009 du système de liaison par satellite Telcomarsat afin de rester en contact permanent avec tous les échelons de commandement : CPCO, Alindien et CTF 465. Ce système permet en outre de déployer quelques postes Internet et deux lignes téléphoniques supplémentaires, favorisant ainsi le lien de l’équipage avec les familles. 20 ® COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 » MP ALTENBURGER, CHEF DU PC SIC 2990-P21_Layout 3 03/04/12 15:34 Page21 INFO INFO INFO actus actus sport LE RUGBY DANS LA MARINE UN SPORT QUI RASSEMBLE Fierté, solidarité, cohésion, pugnacité, courage et endurance : les valeurs du rugby nous rassemblent, le rugby nous ressemble. L’EV CLÉMENCE RAPHAT, CAPITAINE DU RCMN-F, REMET AU CHEF D’ÉTAT-MAJOR DE LA MARINE UN MAILLOT DE L’ÉQUIPE FÉMININE DE LA MARINE EN MARGE DU MATCH FRANCE-ANGLETERRE DU TOURNOIS DES SIX NATIONS DES FÉMININES DE MOINS DE 20 ANS. À GAUCHE : LE CRG1 (2S) JEAN-CLAUDE SOULÉ. À DROITE : MME SIMONEAU-BYRNE, MANAGER DU RCMN-F. 1 Pour vivre longtemps dans un ensemble confiné, supporter l’absence, accomplir la mission donnée, il faut forcément s’aimer un peu. Comme dans une équipe de rugby qui doit affronter l’adversaire, les éléments, le terrain fangeux, les décisions de l’arbitre et, malgré tout, gagner le match. Le chef d’état-major de la Marine a défini une politique du rugby qui inclut la possibilité de proposer des postes de volontaires à de jeunes rugbymen, et désormais rugbywomen, de bon niveau qui viennent renforcer les marins amoureux du ballon ovale. Ainsi se constitue, depuis le printemps 2005, autour de « marins-rugbymen » et de « rugbymen-marins », le groupe du Rugby club de la Marine nationale (RCMN). Au printemps 2009, le RCMN s’est enrichi d’une équipe féminine qui compte plusieurs internationales dans ses rangs. Après avoir débuté en jouant à sept, puis à douze, les féminines sont passées au jeu à quinze en 2011. Comme les garçons, elles affronteront leurs homologues britanniques le 11 avril. Habituel temps fort de la saison, la rencontre contre la Royal Navy a permis aux joueurs de la Marine d’atteindre un sommet en 2010 avec une superbe victoire acquise devant 10 000 spectateurs au stade Mayol de Toulon. Une préparation dans la douleur Le « crunch » du 11 avril a fait l’objet d’un long processus de montée en puissance pour les joueuses et joueurs du RCMN. Les derniers matchs de préparation ont été difficiles, mais les équipes de la Marine disposent de la combativité nécessaire pour atteindre leur meilleur niveau au bon moment, en s’appuyant sur un véritable esprit d’équipage. Les filles ont affronté le Centre sportif multisport de Gennevilliers le 10 mars après un match perdu 10 à 0 contre l’équipe féminine de Lyon (leader de Fédérale 1) à cause, notamment, d’un manque d’agressivité et de ballons mal exploités. Contre le club francilien, dont l’équipe première évolue au plus haut niveau français, le groupe de la Marine a, là aussi, été très pénalisé par les nombreuses absences, que ce soit sur blessure ou pour raisons professionnelles. Le score (0-17) ne reflète pas la physionomie du match. Les « marinettes » ont fait preuve de courage et sont dans une vraie dynamique de progression. Après un match nul (14-14) contre les espoirs du club d’Aix-en-Provence, les garçons ont disputé et perdu une opposition contre les espoirs du Racing Club de Toulon (15-20) le 8 mars. La dernière rencontre de ce triptyque de préparation s’est déroulée neuf jours plus tard, contre les espoirs du RC Narbonne, et s’est également soldée par une défaite (5-38). Ces résultats, en deçà des attentes de l’encadrement du RCMN, s’expliquent en partie par les difficultés rencontrées pour disposer d’un groupe complet et pour le réunir suffisamment longtemps pour créer des automatismes. Les blessures, mais aussi quelques faiblesses récurrentes (premier plaquage, touches…), ont fait des dégâts. Ces résultats décevants doivent piquer au vif les joueurs de la Marine et leur permettre de supporter la grosse charge de travail prévue lors du stage qui aura lieu au CIN Saint-Mandrier, juste avant le match contre la Royal Navy. Cette semaine de préparation, également prévue pour l’équipe féminine, est indispensable pour relever le défi britannique. D’ailleurs, avec le soutien du public toulonnais et des marins, tout est possible. Rendez-vous au stade Amiral Jauréguiberry pour les filles à 14 h, puis au stade Mayol à 18 h pour les garçons. ® COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 ® 21 2990-P22-23_Layout 3 03/04/12 14:09 Page22 2990-P22-23_Layout 3 03/04/12 14:10 Page23 2990-P24_Layout 3 03/04/12 15:35 Page24 INFO INFO INFO actus actus sport RCMN MASCULIN. DEBOUT DE GAUCHE À DROITE : MAJOR PHILIPPE VERGELADI, ENTRAÎNEUR DU RCMN MASCULIN • COMMISSAIRE GÉNÉRAL DE 1RE CLASSE JEANCLAUDE SOULE, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU RCMN • MOT FLORIAN LAPEYRADE • QMM YULEN GALLEGO • MOT JORDAN SENECA • MOT PAUL HENRY • QMM SÉBASTIEN SARDELLA • MOT CÉDRIC MARTINEZ • MOT TONY GASKIN • QMM GAUTHIER BENEZECH • MOT EMMANUEL BIDART • SM CHRISTOPHE DAUNAY • SM REYNALD NONY • MOT LUCAS JULIEN • MOT GÉRALD LE STRAT • MOT VINCENT RATTEZ • MAJOR BRUNO VICTOR, ENTRAÎNEUR DU RCMN MASCULIN. EN BAS DE GAUCHE À DROITE : QMM JONATHAN CROIZAT • MOT LUDOVIC ACEDO • SM VINCENT BLATCHE • QMM JIMMY PEUCHAUD • MOT GUILLAUME CAZANAVE • MOT ROMAIN LOMBARD • SM SÉBASTIEN BENASSIS • QMM ALIX VALLIER • MOT CHRISTOPHER SAUTON. ABSENTS : MT JEAN-MARC PETOTON • MT SAMUEL SOMNICA • SM FABRICE VALETTE • QMM MAXIME VION • QMM PIERRE CAZE • QMM EYMERIC PORTALIER • MOT WILLIAM WAVRIN • MOT THOMAS SYLVESTRE. RCMN FÉMININ. DEBOUT DE GAUCHE À DROITE : LIEUTENANT DE VAISSEAU EDDY BRUHAT, CHEF DE LA SECTION EPMS À L'EMM • MME FIONA SIMONEAU-BYRNE, MANAGER DU RCMN/F • PM STÉPHANE LARRODE, ENTRAÎNEUR DU RCMN/F • MOT JODIE-MAY ROMERO • MOT SOPHIE PIN • QM AMANDINE BADOL • MOT JADE LOUVET • SM CÉLINE RENOULT • EV1 CLÉMENCE RAPHAT • SM AUDE RIBEAUCOURT • AA MAËLLE DAURIAC • IETA1 KATY MIKOLAJCZYK • MOT LAËTITIA HENAULT • IETA AUDREY BACONNAIS-ROSEZ • QM LINDA KACEM • SM VALÉRIANE FOURMY • M. ÉRIC GEORGE, ENTRAÎNEUR RCMN/F. EN BAS DE GAUCHE À DROITE : MOT OCÉANE DUSSIN • MT SONIA MARTHOURET • EV2 MARIE LE PRIELEC • QM TRISKÈLE BONNEVAL • SM ÉVA DOURTHE • CIVDEF SOPHIE MOUTON • ASP PAULINE DUPRESSOIR • SM MYLÈNE AKKAD • MOT ÉMILIE DRIGUEZ • SM DORINE BRUZY. ABSENTES : SM CAROLE GUIBERT • SM CHRISTINE HOFMAN • MOT ORIANE ESTERIOLA • MOT CAROLINE LADAGNOUS • MOT ÉVANGÉLINE LAGUEYRIE • MOT SANDRA RABIER • MOT AMANDINE VAUPRE. 24 ® COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 2990-P25-27_Layout 3 03/04/12 16:43 Page25 VIE DES unités RETOUR D’EXPÉRIENCE HARMATTAN LE DÉPLOIEMENT DU GROUPE AÉROMOBILE A ÉTÉ DÉTERMINANT. Entretien avec le vice-amiral d’escadre (2S) Bertrand Aubriot « LES MARINS ONT ÉTÉ À LA HAUTEUR » études sur l’emploi de nos moyens durant les deux ou trois semaines précédant le lancement de l’opération. Le contexte était celui du retour du groupe aéronaval de quatre mois de déploiement Agapanthe, avec un état-major et des équipages entraînés qui étaient en phase de reconfiguration. Il a fallu remonter en puissance très rapidement, notamment pour les aspects logistiques, comme les vivres, les pièces de rechange ou les munitions. Le groupe aéronaval a appareillé en 60 heures alors qu’il était en alerte à 72 heures. Amiral commandant la Force d’action navale (Alfan) au moment du déclenchement de l’opération Harmattan il y a tout juste un an, le VAE (2S) Bertrand Aubriot a été chargé par le chef d’état-major de la Marine d’étudier les enseignements tirés pour la Marine de l’opération Harmattan. Rencontre. Comment s’est lancée l’opération ? La Marine participe en permanence à la fonction « anticipation » du Livre blanc sur la défense avec des bâtiments prépositionnés et déployés sur toutes les mers et océans, notamment en Méditerranée. Nous étions bien entendu particulièrement attentifs aux mouvements du Printemps arabe et nous étions présents au large de la Libye dès début mars. En ce qui concerne la FAN, nous avons mené diverses Comment s’est organisé le retour d’expérience ? Pour rédiger cette étude des enseignements tirés de l’opération Harmattan, j’ai analysé les comptes-rendus des quatre commandants organiques, du commandant de la Task Force, des commandants d’unités et du séminaire des autorités transverses, ainsi que celui du soutien logistique du commandant de la région et de la zone Méditerranée (CECMED). Comme il s’agit d’une intervention interarmées, j’ai également consulté le commandant des forces terrestres de Lille au sujet de l’embarquement des hélicoptères de l’aviation légère de l’armée de Terre et le commandant de la défense aérienne et des opérations aériennes pour l’intégration des moyens aériens marine dans l’opération. Quels ont été les défis auxquels la Marine a été confrontée ? Les deux défis majeurs de l’opération Harmattan ont été l’intensité des opérations et leur durée. Toutes les composantes de la Marine ont été impliquées. Nos marins étaient prêts psychologique- ment et entraînés ; ils se sont remarquablement comportés. Nous disposions de toutes les capacités nécessaires pour accomplir cette opération et enfin nous avons été parfaitement interopérables, tant en interarmées qu’avec nos alliés. Pour préserver l’avenir en cas de nouvelle opération en 2012 en dépit d’une sollicitation extrêmement forte de nos moyens, nous les avons déployés en ayant le souci permanent de garantir leur disponibilité pour un éventuel engagement imprévu. Quels enseignements retirez-vous de l’opération ? Le premier enseignement est éminemment humain. Partant du constat que le combat s’approchait du marin, nous avons porté une attention toute particulière depuis plusieurs années à la préparation physique et mentale du combattant dans la Marine. Cette approche a montré toute sa pertinence pendant l’opération Harmattan, durant laquelle les bâtiments ont été fréquemment engagés par les forces proKadhafi. Le second enseignement est d’ordre capacitaire. L’opération a été un succès parce que le format de la Marine répondait au plus juste à un tel besoin opérationnel. Les choix effectués depuis dix ans ont été validés : nous n’avons pas constaté de manque capacitaire majeur. L’emploi du missile de croisière par les frégates et sous-marins américains et britanniques a confirmé le besoin de disposer du missile de croisière naval à bord des Fremm et des sous-marins Barracuda. L’organisation logistique assurée par la base de défense de Toulon – pourtant toute récente – a montré sa pertinence à l’épreuve du feu. Comment ont réagi les marins face à un engagement de sept mois ? Je suis allé à trois reprises rencontrer les marins de la force en tant que commandant de la Force d’action navale. Ce qui m’a impressionné était l’énorme concentration des équipages durant sept mois de combat réel. Ils ont vécu courageusement et magnifiquement cette opération au service de la population libyenne et n’avaient aucun doute quant à la légitimité de leur intervention pour sauver des vies humaines. Pour durer à la mer, le commandement a mis en œuvre une organisation du rythme opérationnel adaptée. Les missions confiées aux bâtiments sur zone tournaient afin de permettre à chacun de connaître des variations dans l’intensité de son engagement et ainsi contribuer à la régénération des équipages. Les marins ont été à la hauteur de ce que l’on attendait d’eux, avec sobriété et efficacité. Si vous deviez retenir un seul axe d’effort pour la Marine face à de futurs engagements, quel serait-il ? La facilité voudrait que l’on focalise nos efforts humains et matériels uniquement sur les sujets d’actualité, comme par exemple la piraterie. L’adage « qui peut le plus peut le moins » me semble particulièrement adapté à la situation de notre Marine aujourd’hui. Pour parer en permanence à toute éventualité, nous devons impérativement continuer à préparer nos hommes au combat de haute intensité et aux savoir-faire qu’il exige. ® COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 ® 25 2990-P25-27_Layout 3 03/04/12 16:43 Page26 VIE DES unités Entretien avec le capitaine de vaisseau Gilles Humeau, chef de l’état-major opérationnel de la Marine « HARMATTAN A PERMIS DE DÉMONTRER LA COMPLÉMENTARITÉ INTERARMÉES DES MOYENS » Quelles opérations se sont poursuivies après la fin de l’opération Harmattan ? Fin 2011, après la chute de Syrte et le retrait de la force Harmattan, le bâtiment-base de plongeurs démineurs Achéron et un groupe de plongeurs démineurs se sont rendus en Libye pour aider à garantir que les ports n’étaient pas entravés par des obstacles sous-marins ou des explosifs immergés. Les plongeurs ont notamment renfloué un remorqueur coulé lors des opérations. Dans le même temps, un groupe d’experts a également apporté sa contribution à des tâches de formation et de déminage en coopération avec la Marine libyenne. Lors de l’escale du Jean de Vienne en janvier, du matériel de plongée lui a été cédé. Nous avons plus récemment contribué à sécuriser les zones d’accès portuaires, plus au large. Telle était la mission confiée au Céphée qui était présent sur zone de fin janvier à fin février. Qu’est-ce que le retour d’expérience d’Harmattan a apporté au domaine des opérations ? La leçon principale d’Harmattan, c’est la complémentarité des moyens engagés et des différentes armées. La réussite de l’opération ne saurait s’expliquer sans considérer les rôles imbriqués des avions de chasse, de patrouille maritime, des hélicoptères et des bâtiments de combat. La « phase terrestre » d’Harmattan était en effet une opération de stricte projection de puissance, au contraire d’une opération « plus classique » de projection et d’appui de troupes au sol. Si la campagne aérienne menée par les forces coalisées a constitué son volet le plus visible, elle n’a été possible que grâce au « blanchiment » des espaces maritimes effectué notamment par nos bâtiments. En ce sens, la maîtrise de l’espace maritime constituait un préalable à l’utilisation de l’espace aérien. De même, la conduite des pas non plus sous-estimer l’importance des plots Resco (recherche et sauvetage au combat) opérant depuis le porte-avions, puis les bâtiments de projection et de commandement, sans oublier le soutien médical apporté pour l’ensemble de la force internationale à la mer, tant à bord du porte-avions que sur les BPC. Harmattan a également permis de démontrer la complémentarité interarmées des moyens engagés. Chacun d’entre eux avait ses registres et modes d’action privilégiés, ses rythmes propres, ses forces et ses axes de progrès. En particulier, le déploiement du groupe aéromobile a permis de valider dans la pratique l’intérêt tactique des groupes aériens d’héli- missions aériennes à partir des centres de conduite à terre a en partie reposé sur les moyens de renseignement, les radars et les systèmes de transmission de nos bâtiments. Au déploiement initial des chasseurs de l’armée de l’Air et d’un groupe aéronaval est venu s’ajouter en mai le déploiement de groupes aéromobiles constitués autour des BPC Tonnerre et Mistral qui embarquaient des hélicoptères de l’armée de Terre. Leur engagement a été déterminant, il a permis, avec une précision redoutable, de mettre hors de combat des cibles parfois inaccessibles aux avions. La complémentarité des moyens et la capacité à interopérer sont donc la clé ? La complémentarité des moyens est certainement l’une des clés de la réussite. Elle peut tout d’abord s’illustrer par la plus-value que les Atlantique ont apporté dans leur rôle de surveillance, mais aussi de la plate-forme de commandement déportée au plus près des combats. Il ne faut CHRONOLOGIE DE L’OPÉRATION HARMATTAN • 19 mars Sur ordre du président de la République, le chef d’état-major des armées lance l’opération Harmattan. Premières frappes aériennes. • 20 mars Appareillage du porte-avions Charles de Gaulle de Toulon. • 31 mars L’Otan prend le commandement de la coalition. • 17 mai Le BPC Tonnerre appareille de Toulon. 26 ® COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 • Nuit du 3 au 4 juin Les hélicoptères de l’Alat déployés sur le BPC Tonnerre effectuent une première mission de combat en Libye. • Du 12 au 14 juillet Le BPC Mistral relève le BPC Tonnerre. • 4 août Le ministre de la Défense annonce la réorganisation du dispositif militaire français. Désengagement du porte-avions Charles de Gaulle. La TF 473 poursuit son action. • 12 août Visite du président de la République à bord du porte-avions Charles de Gaulle, accompagné du ministre de la Défense, du chef d’état-major des armées et du chef d’état-major de la Marine. Il salue l’extrême endurance des marins engagés dans l’opération. • 24 août Le contre-amiral Jean-Baptiste Dupuis prend le commandement de la Task Force 473, volet maritime de l’opération Harmattan en Libye. Il succède au contre-amiral Philippe Coindreau à la tête de la composante maritime et aéromobile depuis l’origine. 2990-P25-27_Layout 3 03/04/12 17:36 Page27 supplémentaire induite par cette opération, certains exercices ou opérations de second ordre ont été reportés ou annulés. coptères opérant depuis un BPC. Nous ne l’avions jamais mis en œuvre à cette échelle même si le concept existait et que notre expérience des opérations aériennes à partir des porte-avions permettait de l’imaginer. Notre « boîte à outils » pour des opérations de projection de puissance s’est donc élargie. Enfin, Harmattan a également permis de souligner la plus-value d’allier les capacités de différentes nations dans un but commun, comme ce fut le cas dès le début de l’opération avec la Grande-Bretagne et les États-Unis. La coopération n’exclut pas pour autant les spécificités propres, mais elle bénéficie de l’interopérabilité des moyens et de la complémentarité des forces engagées. Quel a été l’impact de l’opération Harmattan sur les opérations de 2011 ? Harmattan s’est déroulée en parallèle des autres missions de la Marine. Nous n’avons pas annulé d’opérations essentielles telles que Corymbe ou Atalante, qui se sont poursuivies de manière nominale. En revanche, pour satisfaire les besoins opérationnels et compenser la dépense de potentiel • Entre le 9 et le 10 septembre Transfert de l’état-major de la TF 473 du BPC Mistral vers le BPC Tonnerre en Sicile. • 15 septembre Les unités engagées dans l’opération Harmattan participent à la sécurité du déplacement du chef de l’État français et du Premier ministre britannique en Libye, en complément du service de protection mis en place par l’Élysée. Et d’un point de vue humain ? Curieusement, vu des forces engagées, Harmattan n’a pas été marquée par des soucis de personnel. Et pourtant… Durant l’opération, 4 000 marins ont été mis pour emploi au fil des mois, en toute transparence pour la conduite des opérations. La manœuvre « ressources humaines » s’est effectuée de manière remarquable, en conduite, grâce au bon sens et à l’adaptabilité des marins. Aujourd’hui, nous essayons d’imaginer ce qui aurait été nécessaire pour une opération plus longue dans le temps et plus lointaine géographiquement. Nous préparons aussi l’avenir avec l’arrivée de nouvelles unités capables de durer plus longtemps encore à la mer, armées d’équipages aux effectifs optimisés. Le facteur humain représente un vrai défi à relever pour des opérations futures d’une intensité comparable dans un contexte différent. En quoi le retour d’expérience d’Harmattan peut-il influencer les opérations futures ? Nous devons tirer pratiquement les leçons d’Harmattan pour revisiter nos formations, nos entraînements et adapter nos moyens. Le retour d’expérience est un travail de longue haleine. Si son volet «technique » est achevé, nous continuons à exploiter l’ensemble des comptes-rendus pour ciseler les messages à faire passer aux différents décideurs. Au sein de la Marine, nous analysons nos points forts afin de capitaliser sur eux, dans la formation, • 22 octobre La TF 473 (articulée autour de l’état-major embarqué sur le BPC Tonnerre) quitte la zone d’opérations et rallient Toulon. La chute du régime et la fin du conflit libyen entraînent aussitôt l’arrêt des opérations de l’Otan. • 31 octobre Tout juste sept mois après son déclenchement, la mission de l’Otan en Libye se termine. l’entraînement et l’aguerrissement des marins. Mais il convient aussi de tirer les conséquences capacitaires de cette opération en améliorant encore et toujours nos moyens (déploiement de drones, autoprotection face aux menaces terrestres, capacité multimission des navires, simultanéité de plusieurs domaines de lutte…). Parmi les sujets importants, la logistique opérationnelle est un sujet transverse. En effet, si le théâtre d’opérations avait été plus éloigné, la mise à disposition des moyens aurait exigé une organisation logistique toute autre afin de prendre en compte les besoins de régénération matérielle et humaine, sans oublier le potentiel technique nécessaire pour rejoindre les théâtres d’opérations. Toutes ces questions ont des répercussions évidentes sur le format de la Marine qui dépassent mon domaine de responsabilité. L’enjeu est de rester capable d’apporter la réponse la plus adéquate aux sollicitations du Cema. Il s’accompagne d’une réflexion permanente sur les moyens, les ports de déploiement, le potentiel… Un vrai travail d’étatmajor qui fait l’objet d’échanges continus entre l’EMM et l’EMA, avec les autorités organiques et les commandants de théâtres. Les sujets abordés couvrent le domaine des opérations, mais aussi celui des programmes, de l’entretien, des finances et naturellement la gestion de la ressource humaine. ® PROPOS RECUEILLIS PAR LE LV COLOMBAN ERRARD TOUS LES HOMMES SUR LE PONT • Toutes les composantes opérationnelles de la Marine nationale ont été impliquées dans cette opération : forces de surface, aéronautique navale, sous-marins nucléaires d’attaque, commandos. • Déploiement de 145 jours du porte-avions, dont seulement deux fois cinq jours en escale pour entretien. • Le BPC en plate-forme de projection aux hélicoptères de l’aviation légère de l’armée de Terre, leur permettant de réaliser plus de 400 sorties de combat. • 14 frégates engagées dans des opérations littorales : appui feu naval, brouillage, interdiction maritime, contrôle d’embargo… sous la menace régulière de l’artillerie ennemie. • Aviation embarquée sur le porte-avions : 1 573 missions représentant 9 % des missions aériennes de la coalition. • Des avions de patrouille maritime et des SNA en missions de renseignement avant, pendant et après les opérations. • Soutien logistique : l’ensemble de la chaîne logistique a été mis en œuvre pour subvenir aux besoins de la force, avec le soutien de la toute récente base de défense de Toulon et des services (service des essences, service interarmées des munitions, base navale et bien entendu la Dirisi qui a activement contribué à garantir l’interopérabilité des moyens de communication). COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 ® 27 2990-P28-29_Layout 3 03/04/12 15:46 Page28 VIE DES unités ACTION DE L’ÉTAT EN MER BILAN ET PERSPECT IV La Commission de la Défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale vient de publier un rapport d’information sur l’action de l’État en mer (AEM). Les députés approuvent la direction prise par les autorités et proposent quelques évolutions. 1 Débuté il y a plus de deux ans par les députés Patricia Adam et Philippe Vitel, un rapport sur l’action de l’État en mer arrive à propos après de notables évolutions de notre organisation française. Depuis 2006 (rapport Poséidon), la France vit une prise de conscience de ses atouts dans le domaine maritime, sous la pression, notamment, de l’émergence de nouvelles technologies marines et de l’intérêt des instances européennes pour la politique maritime. C’est dans ce cadre que sont intervenus les travaux du Grenelle de la mer, le discours du président de la République sur la politique maritime (Le Havre) et l’adoption de la première stratégie maritime française (Livre bleu). Ce rapport souligne le caractère original de notre organisation de l’AEM qui s’appuie sur « la place centrale occupée par les préfets maritimes, l’implication très forte de la Marine nationale et le savoirfaire des différentes administrations ». Il approuve aussi la fixation récente des cinq priorités de l’action de l’État par le Premier ministre (10 juin 2011) : sauvetage de la vie humaine en mer et assistance aux navires en difficulté, lutte contre les trafics illicites, lutte contre les pollutions, lutte contre le pillage des ressources vivantes, surveillance et préservation des aires marines protégées. La fonction garde-côtes relancée Les députés approuvent la direction qui a été prise par nos autorités pour assurer la gouvernance des vastes espaces maritimes français. Et notamment ils saluent l’initiative de la fonction garde-côtes qui a permis de répondre aux besoins de renforcement de l’échelon central. Dès 2008, les administrations intervenant en mer avaient fait le constat que, si une réponse nationale n’était pas apportée aux exigences de coopération internationale (apparition des forums garde-côtes sur chaque océan) et de la coordination européenne, c’est tout l’édifice de l’action de l’État en HÉLITREUILLAGE DE DEUX NAUFRAGÉS. REMORQUAGE D’UN PORTE-CONTENEURS PAR L’ABEILLE LIBERTÉ. 28 ® COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 L’ALCYON EN LUTTE CONTRE UNE POLLUTION PAR HYDROCARBURES. 2990-P28-29_Layout 3 03/04/12 15:46 Page29 T IVES mer qui risquait d’être remis en cause. C’est pour conserver l’efficacité de l’organisation reposant sur les préfets maritimes, que le Premier ministre a donc validé, le 8 décembre 2009, la fonction garde-côtes. Celle-ci a essentiellement consisté dans la création d’un comité directeur de la fonction garde-côtes auprès du secrétaire général de la mer (SG Mer) et d’un centre opérationnel de la fonction garde-côtes (CoFGC). Ce dernier permet au SG Mer de disposer en permanence d’une situation maritime et d’être le point de contact national des autres centres nationaux et européens (hors contact opérationnel). Il faut noter que l’initiative française de fonction garde-côtes est suivie de près par les instances européennes car, comme le précise le rapport, « la diversité des situations rend difficile l’émergence d’un modèle européen de garde-côtes ». La Commission européenne, qui avait beaucoup encouragé la création d’un garde-côtes européen, a abandonné ce projet dans son Livre bleu (2007) et semble désormais considérer que son rôle consiste plutôt à coordonner les fonctions des différents États (« onze modèles différents en Europe » comme l’a souligné le chef d’état-major des armées à l’occasion d’un entretien avec les rapporteurs). Cette évolution correspond au souhait de la France dont les préoccupations maritimes (deuxième État côtier ATLANTIQUE 2 EN SURVEILLANCE MARITIME. du monde, présent sur les trois océans) ne sont pas semblables à celles d’autres États côtiers de l’UE, comme l’Estonie par exemple. C’est pour cette raison que les rapporteurs proposent la création d’une fonction garde-côtes européenne avec la création d’un coordinateur unique de la politique maritime européenne. Ce rapport lance de nouvelles pistes d’évolution. Parmi celles-ci le renforcement du SG Mer, l’organisation au Parlement d’un débat annuel sur la politique maritime et la prise en compte des enjeux de sécurité des espaces maritimes dans le futur Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. ® COMMISSAIRE EN CHEF DE 1RE CLASSE THIERRY DUCHESNE CENTRE OPÉRATIONNEL DE LA FONCTION GARDE-CÔTES À L’ÉTAT-MAJOR. BILAN 2011 DE L’AEM POUR LA MARINE NATIONALE La Marine constitue l’épine dorsale de l’AEM comme l’a relevé le rapport des députés Adam et Vitel. Ce bilan permet de détailler la nature de ses activités dans ce domaine : - le sauvetage et l’assistance aux navires en difficulté constituent les missions prioritaires de l’État en mer. La Marine y contribue, au gré des événements de mer, pour une très large part avec des moyens spécialisés comme les remorqueurs affrétés (Abeille) et les hélicoptères ; - le contrôle des pêches répond autant à des impératifs de souveraineté qu’à une régulation économique et écologique de la ressource. Elle s’appuie pour une bonne part sur les moyens de la gendarmerie maritime pour le littoral et ceux de la Marine nationale en haute mer, où elle est parfois la seule à pouvoir opérer (zones économiques outre-mer) ; – signe plutôt encourageant, la lutte et la répression contre les pollutions en mer est en baisse. À l’opposé, les chiffres record de la lutte contre les trafics illicites indiquent un développement de la criminalité maritime ; – la protection de nos intérêts en mer et la souveraineté sur nos espaces maritimes représentent l’essentiel de l’effort de la Marine en AEM, ce qui est cohérent avec l’immensité de nos espaces maritimes et la vocation du ministère de la Défense qui est d’abord de veiller à l’intégrité des espaces français ; – de façon analogue mais davantage tournée vers la frange côtière, la sûreté maritime représente également une part importante de l’effort de la Marine, elle vise en priorité à prévenir les actes terroristes menés depuis la mer (participation au plan Vigimer). COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 ® 29 2990-P30_Layout 3 03/04/12 16:50 Page30 VIE DES unités DES COLS BLANCS CHEZ LES COLS BLEUS Lors d’une sortie en mer, le Forbin a reçu une délégation du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire. L’occasion de faire se rencontrer des personnalités du monde civil et militaire. 1 Pendant trois jours, le Forbin a eu l’honneur d’accueillir deux membres du Haut Comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM). Véronique Rouzaud, conseillère au sein de la direction du groupe Veolia, et Dominique Olivier, chef d’entreprise, ont pu découvrir le monde de la Marine. Ils étaient accompagnés du secrétaire général de l’HCECM, le contrôleur des armées Patrick Macary. Lundi 16 janvier, le Forbin a rejoint une quinzaine de bâtiments de la Force d’action navale et la frégate italienne Sirocco pour l’entraînement Gabian. L’objectif était de renforcer la qualification opérationnelle des bâtiments dans des domaines aussi variés que la mise en œuvre des systèmes de combat, les évolutions et manœuvres tactiques ou encore la sécurité. Au cours de cette acculturation à la mer, les membres du HCECM ont été associés à la vie et à l’activité de l’équipage. Au gré de rencontres en passerelle, au central opérations ou dans les coursives, ils se sont entretenus avec toutes les catégories de personnel. Les tables rondes et les repas dans les carrés leur ont également permis DE GAUCHE À DROITE : LE CONTRÔLEUR DES ARMÉES PATRICK MACARY, M. DOMINIQUE OLIVIER ET MME VÉRONIQUE ROUZAUD EN COMPAGNIE DU BOSCO. de recueillir leurs avis sur différents thèmes de la condition militaire. Durant ces quelques jours, les marins du Forbin ont été fiers de présenter leur environnement de travail et d’apporter leur contribution aux réflexions et aux travaux du Haut Comité. ® LE HCECM EN BREF 1 « Le Forbin a beau être un bâtiment de surface, notre embarquement à son bord s’est plus apparenté à une immersion, tant le milieu est unique et concentré. Les civils que nous sommes tentent de comprendre ce monde nouveau. Cela étant, peut-être aurons-nous découvert que nous sommes des marins sans le savoir ? Nous voulions être les plus discrets possible en ayant la certitude de ne pas l’être vraiment. On peut rajouter à cela le respect que nous devions à nos interlocuteurs en situation professionnelle, notre souci d’objectivité et la volonté d’être au plus proche d’eux, de leurs réalités quotidiennes et de leurs perceptions. Quelques premières impressions personnelles. Le rapport au temps est fait de séquences alternant la haute densité et les moments de silence, voire d’isolement dans les installations modernes du bord. Quant à l’entraînement, il donne tout son sens à la formule : « Répéter n’est pas recommencer. » J’ai également remarqué combien nombreux sont les marins qui s’interrogent sur leurs collègues travaillant à terre. Ils se demandent si, demain, ils ne feront pas ce choix ou s’ils n’y seront pas contraints pour des raisons familiales. Mais ce qui m’a le plus frappé est de loin ce sentiment identitaire largement partagé au service de la mission commune. Les nombreux entretiens formels et informels tenus à bord viendront utilement compléter les perceptions et analyses, objets du 6e rapport du HCECM. » ® AQUARELLE DU FORBIN PAR LE CONTRÔLEUR DES ARMÉES MACARY. 30 ® COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 Le Haut Comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM) a pour mission d’éclairer le président de la République et le Parlement sur la situation et l’évolution de la condition militaire. Cet organe indépendant analyse de façon objective la condition des militaires au sein de la société française, puis adresse directement ses recommandations. Le HCECM a été créé en 2005, il est composé de sept bénévoles occupant des postes à hautes responsabilités dans le milieu civil et militaire. En aucun cas il ne se substitue au Conseil supérieur de la fonction militaire. Dans son rapport annuel, il formule des avis et émet des recommandations. Ces dernières sont susceptibles d’orienter les décisions des plus hauts responsables en charge de la Défense sur des aspects précis de la condition militaire. Le 6e rapport, qui sera remis au président de la République en 2012, traite des rémunérations et de la condition des militaires du rang. Ce rapport contient également une revue annuelle de la condition militaire, traitant entre autres des questions de recrutement, mobilité, soutien des familles, reconversion. Pour ce faire, le HCECM a rendu visite à 38 unités et auditionné près de 1 500 personnes. Les rapports sont consultables sur www.ladocumentationfrançaise.fr 2990-P31_Layout 3 03/04/12 16:22 Page31 LE CHEVALIER PAUL FAIT «CHEVIRÉ» LE CŒUR DES NANTAIS 1 Vendredi 16 mars, au petit matin, une brume épaisse dissimule Saint-Nazaire et le grand port maritime. La concentration règne en passerelle, les équipes de navigation en eaux resserrées sont à leur poste pour quatre longues heures. La frégate de défense aérienne Chevalier Paul remonte la Loire afin d’aller rendre sa toute première visite à Nantes, sa ville marraine. Depuis le désarmement du BAP Jules Verne, et dans le souvenir de ses filleuls, l’escorteur d’escadre Cassard et le sous-marin Sirène, Nantes attend : prévue l’été dernier, la première escale dans la cité des ducs de Bretagne avait été reportée en raison de l’engagement opérationnel du Chevalier Paul dans le cadre de l’opération Harmattan, dès son admission au service actif. Accosté au quai de Cheviré, en aval du centre-ville, l’équipage se trouve engagé dans une opération de rayonnement de grande ampleur, heureusement épaulé par le commandement de la Marine à Nantes. Rançon du succès, le travail ne manque pas et la frégate ressemble à une ruche : interviews, visites, réceptions, cérémonies, tous les marins du Chevalier Paul sont sollicités. L’accueil des Nantais est remarquable. Le temps maussade s’améliore au fil des visites. Plus de « LE CHEVALIER PAUL SUR LA LOIRE. … en croisant devant Saint-Nazaire, c’est toute la communauté urbaine nantaise qui bénéficierait du parapluie anti-aérien du Chevalier Paul. CV FRANÇOIS MOREAU » LE CHEVALIER PAUL EN BREF Issue du programme franco-italien Horizon, la frégate de défense aérienne Chevalier Paul a été admise au service actif le 10 juin 2011. Elle est basée à Toulon et intégrée à la Force d’action navale. Comme le Forbin, elle a vocation à commander et coordonner les opérations aériennes menées à partir de la mer, et à protéger une force aéronavale, amphibie, voire civile, ou un site côtier. Le bâtiment de 7 000 tonnes est armé par un équipage de 193 personnes. Son armement est particulièrement complet et puissant : missiles Aster 15 et 30, MM40, canons de 76 mm, torpilles, guerre électronique et systèmes d’information et de commandement. SIGNATURE DE LA CHARTE DE PARRAINAGE PAR LE DÉPUTÉ-MAIRE DE NANTES ET LE COMMANDANT DU CHEVALIER PAUL. 6 000 personnes ont pu découvrir de l’intérieur le dernier-né de la Marine nationale. Les membres d’équipage se relayent, sans se lasser, pour guider, donner des explications techniques mais aussi témoigner de leur métier et de leur vie à bord. Les visiteurs leur manifestent en retour remerciements et félicitations qui vont droit au cœur des marins. L’attachement de la population se révèle d’abord lors du dépôt de gerbe au pied du monument des tables mémorielles qui réunit porte-drapeaux, anciens de l’escorteur d’escadre Chevalier Paul et jeunes de la PMM. Il se poursuit à l’hôtel de ville : avant de signer la charte qui unit solennellement la ville et la frégate, le député-maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, évoque longuement l’importance stratégique de la mer pour la France. Avec le commandant du Chevalier Paul, le capitaine de vaisseau François Moreau, il insiste ensuite sur la signification de ce parrainage : signe fort et concret du lien entre la nation et ses forces armées qui, au-delà d’une simple tradition ou d’une démonstration d’amitié, met en valeur l’engagement de ceux qui servent leur pays, y compris si nécessaire jusqu’au péril de leur vie, et le soutien fraternel indispensable de leurs concitoyens. C’est dans cet esprit de fidélité à l’héritage reçu au service de la patrie et avec la volonté de le faire fructifier, que les anciens de l’escorteur d’escadre Chevalier Paul viennent à bord remettre, devant les Nantais, leur fourragère aux nouveaux embarqués. Ainsi la tenue de sortie des marins du Chevalier Paul témoigne de la valeur, du sens du sacrifice et de l’esprit d’équipage des marins du contre-torpilleur Chevalier Paul, premier du nom, qui s’illustra au cours de la Seconde Guerre mondiale et fut trois fois cité. À l’issue d’une escale très intense, c’est donc avec regret mais aussi l’espoir de revenir un jour prochain, que le Chevalier Paul reprend la direction de l’océan. En regardant les rives de la Loire, lumineuses sous un soleil breton bienvenu, chacun peut méditer et faire sienne la devise de Nantes « Favet Neptunus eunti » : heureux ceux qui partent (ou ceux qui osent). ® CR THIBAULT PERRIER COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 ® 31 2990-P32_Layout 3 03/04/12 17:04 Page32 85 ANS ET TOUJOURS AUSSI FRINGANT Pour ses 85 ans, le Mutin a effectué une sortie dans la rade de Brest avec, à son bord, l’équipage actuel accompagné d’anciens commandants du bâtiment. 1 La toile blanche crisse, puis soudain s’élève, majestueuse. Une par une les voiles se tendent et se gonflent. Le Mutin est à la mer et aujourd’hui, vendredi 16 mars, on fête ses 85 ans. L’occasion pour le commandant du Dundee, le maître principal Fabien Grégory, d’inviter plusieurs personnes à bord. Quelques rides à peine 85 ans ! Le Mutin ne les fait pas du tout. Certes sous le bois ciré du mât le temps a laissé quelques marques. « Ce ne sont que de petites rides. Le mât est plus solide que celui des goélettes », déclare fièrement le premier maître Paul Schubel-Drevillon. Son commandement remonte à bientôt cinquante ans. Il regarde l’équipage s’affairer et pour lui rien n’a changé. Le plus vieux bateau de la Marine a toujours pour mission principale l’instruction des marins. Cette charge est prise très au sérieux par l’équipage. Le MP Grégory explique : « Nous dépendons des vents, nous vivons avec la mer, nous pêchons… Il s’agit d’un lien avec la mer qui ne se retrouve pas sur les bateaux gris. » De plus, la polyvalence exigée sur le Mutin pousse les apprentis à intégrer au maximum cette logique d’équipage. Et parce que ce lien entre passé, présent et futur est essentiel, le MP Grégory a voulu que, le temps d’une journée, se rencontrent l’équipage, les anciens et les marins en formation, officiers ou matelots. École de la vie Le Mutin est habitué à recevoir. Chaque année, près de mille jeunes embarquent pour saisir la LE MUTIN A PARTICIPÉ À PLUSIEURS REPRISES À LA TALL SHIP RACE. EN 2010 LE VOILIER A VOYAGÉ JUSQU’EN NORVÈGE. « FOC DESSOUS ! », LE COMMANDANT GRÉGORY DONNE SES ORDRES DEPUIS LA BARRE. complexité et la magie de la marine à voile. Le mousse Diego Véran est aux anges : il est à la barre. « C’est une chance ! se réjouit le jeune mousse. Ce bateau est un véritable témoignage d’une époque aujourd’hui révolue. Je suis ému d’être ici pour partager avec d’autres cet amour pour la voile. » « On navigue sur le Mutin grâce à nos oreilles en écoutant les voiles, grâce à nos yeux car il n’y a pas d’instrument de navigation… bref nous devons utiliser nos sens et notre tête. » Le lieutenant de vaisseau Patrice L’Hour commandait en 2000 le Mutin et a également écrit un ouvrage sur le bateau. Pour lui, le Mutin n’est pas un simple bateau-école : « C’est une école de la vie. » Le vent souffle ses bougies La balade se poursuit tranquillement avec le contreamiral Marc de Briançon, commandant et directeur de l’École navale. Avant de rentrer, il faut replier les voiles et même Paul Schubel-Drevillon met la main à la pâte. À quai, un repas est servi. Pour marquer le coup, le cuisinier avait même posé quelques bougies sur le gâteau que le vent s’est empressé de souffler. ® ASP MARGOT PERRIER LES TROIS VIES DU MUTIN Ce navire-école, cotre à gréement aurique, est lancé en 1927. Sa mission, jusqu’en 1939, consiste en la formation des « pilotes de la flotte » à l’École de pilotage de SaintServan. En 1940, il s’échappe en direction de la Grande-Bretagne. Pendant la Seconde Guerre mondiale, le Mutin sert sous pavillon britannique. Il participe à des missions d’espionnage. Puis, il est envoyé en Méditerranée, où il va y effectuer diverses missions de renseignements. Grâce à son aspect de bateau de pêche, le navire pouvait rester proche du littoral sans se faire inquiéter. À la fin des hostilités, il retourne à l’École du pilotage. En 1964, à la fermeture de l’École de pilotage, le Mutin est affecté à l’École de manœuvre. Quatre ans plus tard, l’état-major l’affecte au groupe des écoles du Poulmic, unité à laquelle il appartient toujours aux côtés des goélettes Étoile et Belle Poule. COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 ® 32 2990-P33_Layout 3 03/04/12 17:04 Page33 CHRONIQUE dupersonnel Trinôme académique ACTION PÉDAGOGIQUE AU BÉNÉFICE DE COLLÉGIENS DU PUY-DE-DÔME 1 Chaque année, le Trinôme académique de Clermont-Ferrand se réunit pour discuter des projets à réaliser l’année suivante. Professeur membre de ce Trinôme, l’enseigne de vaisseau Valérie Comelato a proposé de faire découvrir la Marine nationale à de jeunes Auvergnats. M. Gilles Marion, principal du collège de Rochefort-Montagne (Puy-deDôme), s’est porté volontaire pour participer à ce projet avec son équipe pédagogique. Avec le MP (R) Isabelle Terrien, du service des visites de la DRIM-M(1), le CF (R) Marc Hosmalin(2) a préparé pour les élèves des classes de troisième de ce collège une action qui se déroulait en deux étapes. Une exposition sur « Le Commandant Blaison et les Forces navales françaises Libres »(3) Présentée pendant dix jours dans l’enceinte de l’établissement scolaire, l’exposition s’ouvrait également aux élèves des sept collèges constituant le réseau rural des établissements « Dômes/Sancy/Hautes Combrailles », soit à 300 élèves environ. Ainsi, préparés par leurs professeurs dont l’une des missions est la transmission du souvenir des souffrances et des combats passés, les élèves ont complété leur cours d’histoire d’une autre manière. Guidés par le CF (R) Marc Hosmalin qui répondait à leurs nombreuses questions, les jeunes visiteurs ont découvert les visages de ces marins qui ont accompli des actes de résistance et les bâtiments sur lesquels ils servaient. Une visite de la base navale de Toulon et de la base aéronavale de Hyères Depuis la suspension du service national, il appartient aux enseignants de l’Éducation nationale de sensibiliser les jeunes citoyens aux questions de défense. Pendant trois jours, trois APRÈS LA PRÉSENTATION DE L’EXPOSITION PAR LE CF (R) MARC HOSMALIN, LES INVITÉS INTERVIENNENT À LEUR TOUR POUR RAPPELER L’IMPORTANCE DU DEVOIR DE MÉMOIRE. professeurs accompagnateurs, les quarantecinq élèves des classes de troisième et le principal du collège de Rochefort-Montagne ont été hébergés au CIN de Saint-Mandrier. En visite, ils ont rencontré des hommes et des femmes qui ont choisi le métier de marins ou de marins-pompiers et qui ont expliqué leurs missions. Ils ont découvert également dans le musée l’histoire de la Marine nationale, la FLF Courbet et les Panther de la 36F. Enfin, ils ont admiré d’autres bâtiments à quai, dont le porteavions Charles de Gaulle. L’intérêt de cette double action résidait d’abord en ce qu’elle assurait l’héritage du devoir de mémoire grâce à l’exposition, la formation à l’esprit de défense et la visite des bases. Ensuite, le collège de RochefortMontagne se situe dans un milieu rural, éloigné du littoral. En soutenant une action en direction des élèves de Clermont Nord, le Trinôme permettait ainsi de faire rayonner la Marine nationale dans des familles qui vivent loin des côtes et des grandes agglomérations. « Pour ma part, déclare la professeure d’histoire, je suis d’une génération qui n’a même pas connu la JDC(4). Ces nouvelles SUR LA BASE AÉRONAVALE DE HYÈRES, LA MOITIÉ DU GROUPE DÉCOUVRE UN HÉLICOPTÈRE PANTHER DE LA 36F TANDIS QUE L’AUTRE GROUPE VISITE LA CASERNE DES MARINS-POMPIERS. connaissances me permettront d’aborder les matières que j’enseigne avec des exemples précis. Je serai aussi plus attentive à l’actualité concernant la défense nationale. » Cette expérience montre la nécessité de faire connaître l’utilité d’une Marine pour notre patrie non seulement aux élèves mais aussi aux professeurs qui ont besoin d’être informés pour accomplir la tâche qui leur est désormais dévolue. ® EV1 (R) VALÉRIE COMELATO (1) Délégation au rayonnement et à l’image de la Marine en Méditerranée, commandée par le CF Guillaume Jourdier. (2) Assistant départemental du Puy-de-Dôme pour la DRIM-M. (3) Conçue par le CF (R) Marc Hosmalin et la communauté marine de Clermont-Ferrand, l’exposition a déjà été accueillie par les villes de Chamalières, Lapalisse, Le Grau-du-Roi et Clermont-Ferrand. Elle sera reçue du 16 mai au 16 juin 2012 à l’École navale (Lanvéoc-Poulmic). (4) Journée Défense et Citoyenneté. Son objectif est d’informer les jeunes Français sur leurs droits et devoirs en tant que citoyens pour les aider à mieux comprendre le fonctionnement des institutions de leur pays. Elle s’inscrit dans le parcours de citoyenneté dont elle est la dernière étape. Elle remplace la JAPD depuis 2011. LES MISSIONS DU TRINÔME ACADÉMIQUE Dans chaque académie, un Trinôme, placé sous l’autorité du recteur, réunit un représentant de l’Éducation nationale, l’autorité militaire territoriale, le président de l’Association régionale de l’IHEDN et des personnels de l’Éducation nationale. Les membres du Trinôme de Clermont-Ferrand ont pour missions : – d’améliorer la connaissance réciproque des communautés militaires et éducatives ; – de sensibiliser des personnels du système éducatif aux questions relatives à la défense et de leur transmettre des savoirs relatifs à celles-ci ; – de favoriser les partenariats entre les trois institutions par des échanges d’informations, de réflexions et de formations. COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 ® 33 2990-P34-35_Layout 3 03/04/12 16:52 Page34 CHRONIQUE dupersonnel 2012 L’ANNÉE DE LA RÉFORME EPMS 1 L’engagement récent et significatif de la Marine dans des opérations de guerre a démontré combien la préparation physique et mentale des équipages au combat était un des facteurs prépondérant de la réussite de la mission. Être capable d’être déployé rapidement, dans la durée, dans un contexte exigeant et éprouvant physiquement comme mentalement, où toute faille humaine peut avoir des conséquences désastreuses pour l’équipage, est une des clés de la réussite. À ce titre, le plan Être marin, être combatif, dont l’entraînement physique militaire et sportif (EPMS) est un axe majeur, montre toute sa pertinence. Dès l’été 2012, les plans d’armement des services EPMS des autorités organiques vont être renforcés et poursuivront dorénavant quatre objectifs prioritaires : - l’aguerrissement, à dominante aquatique L’objectif est de permettre aux marins, dès leur formation initiale, de mieux appréhender la dimension collective et rustique de leur métier de marin. Cet entraînement passe par des parcours permettant l’émergence d’adaptations motrices et mentales en réaction à des situations nouvelles et critiques. Des centres d’aguerrissement inter organiques (CAIO) sont créés au sein des services EPMS d’Alfan à Brest et Toulon. Ils 34 ® COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 prendront également en charge les personnels des GSBdD. - la préparation opérationnelle spécifique L’objectif est de former et d’entraîner le personnel amené, par sa mission, à être régulièrement exposé à des situations hostiles (commandos, brigade de protection, équipes de visite…). Cette préparation dans les domaines des sports de combat et des techniques d’intervention opérationnelle rapprochée (TIOR) a pour objectif de leur fournir les réflexes et réactions adaptés aux situations qu’ils rencontrent durant leur déploiement et intervention (Narcops, Visitops, missions CDO…). - la mise en condition mentale Adaptée à chacune des forces organiques, l’objectif est de préserver l’équilibre des individus afin d’en améliorer l’efficience lors des apprentissages en école et pour la gestion du stress en mission. Les opérations menées par les équipages peuvent provoquer d’intenses fatigues physiques et mentales préjudiciables au maintien de la capacité opérationnelle. Des techniques de récupération permettent de chasser les tensions musculaires et nerveuses, d’oxygéner les tissus et les organes, tout en améliorant la qualité du sommeil. - le maintien de l’aptitude physique (MAP) En lien étroit avec le service de santé des armées, l’objectif est de prendre en charge individuellement et de façon adaptée les marins en retour de pathologie (traumatisme), sédentarité (retour de grossesse) ou en surcharge pondérale et de leur proposer un plan d’entraînement personnalisé et spécifique à leur situation (aptitude embarquement, outremer, échéance Opex…). Il a pour but de faciliter et d’accélérer le retour au « plein emploi» des intéressés, notamment par un suivi particulier avec le médecin du bord. ® 2990-P34-35_Layout 3 03/04/12 16:54 Page35 PERMUTATIONS GECOLL QM1 BAT Gecoll (maître d’hôtel), affecté Brest aviso Cdt Blaison (non féminisable), cherche permutation Toulon embarqué principalement ou terre. Étudie toutes propositions. Contact au 06 45 96 23 41 (laisser message). MORESTAU Mot Restau, affecté Toulon embarqué, cherche permutation région Bretagne, terre ou embarqué. Contact au 07 70 57 20 88. ANNONCES CLASSÉES AMICALE DE LA POSTE AUX ARMÉES L’Amicale de la Poste aux armées recherche ses anciens. Si vous avez été (ou êtes) personnel militaire de carrière (ou du contingent) – de la Marine, armée de Terre ou armée de l’Air, de La Poste, et que vous avez occupé des fonctions en France ou à l’étranger (militaire pour emploi ou en renfort, agent postal, vaguemestre, agent de La Poste détaché à la Poste aux armées/interarmées (agents détachés du PLM au BCM « C »…) au sein d’un bureau postal militaire (BPM) ou interarmées (BPI), d’un bureau postal naval ou du centre de tri de Paris, l’amicale vous est ouverte et sera heureuse de vous accueillir. Pour tout renseignement, écrire à : Amicale de la Poste aux armées, 141 rue Lamartine 88650 ANOULD ou envoyer un mail à : [email protected] VOUS VOULEZ PASSER UNE PETITE ANNONCE DANS COLS BLEUS N’HÉSITEZ PAS ! Tarifs des insertions : Permutations (exclusivement réservé aux marins en activité) 1 parution : 7,62 € 3 parutions : 18,29 € 6 parutions : 25,91 € Autres annonces (hors permutations) 3 parutions : 57,93 € Pour toute information ou demande de parution vous pouvez contacter le secrétariat de la rédaction au 01 42 92 17 17 ou [email protected] http://ecole.nav.traditions.free.fr/ Le site « Espace Tradition EN » compte à ce jour plus de 78 000 visiteurs. Plus de 5 000 fiches sont disponibles sur les anciens élèves depuis 1827. Je recherche des photos et biographie d’officiers d’avant 1939, pour compléter ou créer de nouvelles fiches. Des trésors sont dans les tiroirs des familles de marins… ils ne demanderaient qu'à en sortir, par devoir de mémoire. Webmaster/ Réserviste Marine nationale EV2 (R) Rouxel, 02 41 82 35 94 ou 06 68 71 35 94, La Landelle 49150 La Lande-Chasles, http://cvjcrouxel.free.fr ÉDITIONS Vous écrivez ? Les Éditions Elzévir publient de nouveau auteurs. Nous vous proposons une véritable liberté éditoriale et le respect de la liberté des auteurs. Pour vos envois de manuscrits : Les Éditions Elzévir, 11 rue Martel (C/B) 75010 Paris Contact au 01 40 20 09 10, www.editions-elzevir.fr COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 ® 35 2990-P36-39_Layout 3 03/04/12 17:29 Page36 ESPACE loisirs Témoignage du CF (R) Pierre Dubrulle en hommage à Pierre Schoendoerffer LÀ-HAUT, AU-DESSUS DES NUAGES… Pierre Schoendoerffer, 83 ans, vient de perdre sa dernière bataille. Lui le survivant de Diên Biên Phu, réputé pour avoir su raconter la guerre en littérature comme au cinéma, s’est éteint mercredi 14 mars. Pour les marins et les férus d’aventure, son œuvre sera à jamais associée au roman et au film Le Crabe-Tambour sorti en 1977 sur grand écran. À l’époque, officier de marine au Sirpa et conseiller technique, Pierre Dubrulle est intarissable dès lors qu’il s’agit de parler de ce long métrage qui aura marqué toute une génération de marins. Pour Cols Bleus, Pierre Dubrulle livre ses confidences en guise d’ultime hommage à un romancier et à un cinéaste d’exception. 1 L’histoire remonte à 1975 avec la visite au Sirpa Marine de Pierre Schoendoerffer, écrivain et réalisateur déjà connu et reconnu. À cette époque, il a notamment publié en 1963 La 317e section et réalisé le film éponyme en 1965 avec Jacques Perrin et Bruno Cremer. En 1967, il a réalisé avec Dominique Merlin La Section Anderson qui obtiendra à Hollywood l’oscar du meilleur documentaire, et publié L’Adieu au roi, couronné par le Prix Interallié 1969. En sa qualité de romancier, il nous rend visite pour nous faire part du projet d’un nouvel ouvrage dont il a le sujet mais pas le décor. Il nous dit avoir pensé à la Marine pour avoir tourné en 1963 un court métrage à bord d’un aviso-escorteur : Sept jours en mer, dont les images époustouflantes sont restées gravées dans la mémoire de bien des marins. Mais s’il connaît bien les gens de l’armée de Terre pour les avoir côtoyés pendant la guerre d’Indochine en qualité de correspondant de guerre de l’établissement cinématographique et photographique des armées de l’époque, il avoue moins connaître les marins. Heureusement, le capitaine de vaisseau Pierre Bastard, à l’époque commandant du Sirpa Marine, va avoir une idée lumineuse en lui proposant d’embarquer à bord du bâtiment de soutien logistique (BSL) Loire, qui assure alors la traditionnelle mission PIERRE DUBRULLE, CONSEILLER MILITAIRE DU FILM. d’assistance et de surveillance des pêches sur les bancs de Terre-Neuve. Pierre Schoendoerffer est enthousiaste à cette idée. Il reviendra au Sirpa un mois plus tard encore plus enthousiaste, certain d’avoir moissonné tous les ingrédients nécessaires à l’écriture de son nouveau roman qui s’intitulera finalement Le CrabeTambour et qui deviendra Grand Prix du roman de l’Académie française. Un beau succès que les marins seront les premiers à apprécier. APPAREILLAGE DE LORIENT, PREMIÈRES IMAGES. 36 ® COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 2990-P36-39_Layout 3 03/04/12 17:33 Page37 Le goût du réalisme JACQUES DUFILHO (À GAUCHE), LE « CHEF », ET JEAN ROCHEFORT (À DROITE) LE « PACHA ». Soucieux de restituer fidèlement la vie en haute mer, Pierre Schoendoerffer nous avait confié un premier tirage de son livre afin d’en corriger d’éventuelles inexactitudes. En observateur averti, il avait parfaitement saisi tout ce qui fait la vie d’un escorteur en campagne. Tout, sauf un point de détail : à la fin de l’histoire, le commandant, trop malade pour continuer à exercer ses fonctions, transmet le commandement à son officier des pêches alors que la règle veut que ce soit à son officier en second. Ce qui l’a conduit à préciser dans son roman : « Contre toutes les règles le commandant a transmis le commandement de l’EOLE à l’officier des pêches. » (ndlr : Le Crabe-Tambour, page 252). Bientôt du cinéma Branle-bas de combat au Sirpa Marine ! Nouvelle visite de Pierre Schoendoerffer : Georges de Beauregard, producteur, a acheté les droits d’adaptation de son roman et lui propose de faire le film. Il dit oui si la Marine en est d’accord… Un long métrage sur un bâtiment de la Marine avec Schoendoerffer aux commandes, ça ne se refuse pas ! D’autant que, depuis la guerre, il n’y en a eu que deux : Le Grand Pavois (1953) de Jack Pinoteau et Le Ciel sur la tête (1964) d’Yves Ciampi. Or le cinéma reste le média de prédilection des marins, sans lequel nul ne saurait ce qu’ils font sur et dans ces déserts maritimes que sont les océans. Il faut donc faire Le Crabe-Tambour ! Logistique et intendance Les questions et les problèmes arrivent alors en cascade : Quand ? Quel bateau ? Quelle mission ? Quelle durée ? Quel scénario ? Quels comédiens ? Très vite les accords sont obtenus auprès des cabinets du chef d’étatmajor de la Marine et du ministre. Ce sera pendant l’hiver 1976/77. Mais le bateau prévu pour la campagne des pêches, le remorqueur de haute mer (RHM) Centaure, est jugé pas assez représentatif de la Marine. On trouve alors l’escorteur d’escadre (EE) Jaureguiberry qui doit achever sa carrière cette année-là. Ce sera donc sa dernière mission. Coïncidence, 1977 est l’année d’entrée en vigueur des zones économiques exclusives (ZEE). D’ailleurs voyant arriver sur les bancs un escorteur d’escadre en renfort du Centaure, les autorités canadiennes y verront une ferme volonté de la France de défendre ses intérêts dans la zone de Saint-Pierreet-Miquelon… Alors que ça n’était que du cinéma ! Ultimes préparatifs Chacun s’active. Côté production, Pierre Schoendoerffer et Jean-François Chauvel travaillent à l’écriture du scénario, on décide de la distribution des rôles, on élabore un plan de travail. entouré de ses « petites mains », voit défiler dans son salon d’essayage les comédiens Jean Rochefort, Claude Rich, Jacques Perrin ou Jacques Dufilho. Premiers instants Côté Marine, on définit l’ordre de mission du Jaureguiberry, on « dégraisse » son équipage pour laisser de la place à l’équipe du film. On fait rallier à la demande du réalisateur, le lieutenant de vaisseau Walter, officier des pêches à bord de la Loire, très apprécié sur les bancs, pendant que le maître tailleur de la caserne de la Pépinière à Paris, Arrive enfin le jour tant attendu où tout le monde se retrouve à Lorient pour embarquer à bord du Jaureguiberry déjà à quai, fraîchement repeint, majestueux ! Commence alors une première semaine de tournage de la séquence de l’appareillage. Afin d’être présent à la passerelle sans s’y faire remarquer, le capitaine de frégate Deluzarches, le commandant, le vrai, a eu l’idée de porter des galons de second maître, alors que Jean Rochefort plastronne en uniforme de capitaine de vaisseau. On frise alors l’incident diplomatique quand ce dernier reste en toute innocence indifférent au salut d’une vedette de la Marine Royale marocaine, aux côtés du « second-maître » Deluzarches figé, lui, dans un garde-à-vous impeccable ! De retour à quai, les permissionnaires vont en ville. Le jeune Morgan-Jones, interprète du rôle du midship, avait pensé en faire autant en gardant son uniforme. Il avait seulement troqué sa cravate noire contre un joli foulard en soie et laissé sa veste déboutonnée. COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 ® 37 t 2990-P36-39_Layout 3 03/04/12 17:33 Page38 ESPACE loisirs t un véritable petit chef-d’œuvre documentaire. Au fil des jours, le tournage se poursuit par des météos changeantes : le « Jojo » tour à tour se couvre de glaces, progresse dans des étendues mouvantes et immaculées, est assailli de bourrasques de neige, ouvre sa route au milieu d’un dallage de nénuphars de glace qui se referment sur son sillage. Ce ne fut pas du goût des gendarmes maritimes qui lui ont gentiment expliqué qu’un uniforme n’était pas un costume d’opérette ! Coups de tabac La météo s’annonce favorable à un tournage par gros temps. Rendez-vous est pris pour le lendemain en Iroise avec un escorteur rapide et un hélicoptère Super Frelon. Raoul Coutard, le chef-opérateur, a pris place, à bord de l’escorteur, dans une des cabines de télépointage gyrostabilisée. Par mer forte à très forte, en route parallèle et à même vitesse, il filme le Jaureguiberry comme aucun bateau de guerre n’a été filmé. Dominique Merlin, embarqué à bord du Super Frelon, multiplie les axes de prises de vues. Le surlendemain, tout l’équipage est invité dans un cinéma de Lorient à la projection de ces « rushes » chargés d’embruns : ce coup de tabac fait un tabac… Équipe de tournage et équipage ne font plus qu’un ! Le lendemain, appareillage pour les bancs de TerreNeuve. La tradition veut que, moyennant un don aux bonnes œuvres de sa paroisse, le curé de l’Armor hisse un pavillon tricolore au sommet de son clocher afin de saluer et bénir les bateaux en partance. Le Jaureguiberry respectera la tradition et rendra le salut avec une garde alignée sur la plage arrière. Peu de tournages auront commencé sous de meilleurs auspices. À bord du « Jojo » Pendant la traversée de l’Atlantique, le tournage avance avec rigueur et professionnalisme. Les comédiens, inquiets d’avoir à jouer en subissant peutêtre le mal de mer, se rassurent de jour en jour. Tous ont, pour finir, le pied marin. Chaque jour, le commandant en second et le premier assistant rédigent de concert la feuille de service du lendemain. Jean Rochefort est devenu un pacha tellement convaincant que les matelots qu’il croise dans la coursive lui servent instinctivement du « commandant ». Fiction et réalités PIERRE SCHOENDOERFFER (1928-2012), CINÉASTE ET ÉCRIVAIN DE MARINE. Les saltimbanques du cinéma font l’admiration des marins. L’arrivée sur les bancs est marquée par un coup de vent force 8 et des lames évaluées à 10 mètres ! Malgré son grand âge, le « Jojo » teint bon, il en a vu d’autres ! Mais la mer est trop grosse pour permettre des prises de vue dans de bonnes conditions, d’autant que les ponts sont consignés. La peine des hommes Sur la liaison radio, tous les capitaines de pêche saluent avec chaleur le retour de « monsieur Walter » sur les bancs. Celui-ci obtiendra l’embarquement d’un opérateur, Dominique Merlin, à bord du Shamrock de Fécamp, dernier chalutier à pêcher par le travers. Au moment de son transfert par zodiac, Pierre Schoendoerffer lui dit : « Ramène-moi la peine des hommes ! » C’est cette séquence de travail du poisson en mer qu’on peut voir dans le film et qui est LA FICHE TECHNIQUE Le Crabe-Tambour de Pierre Schoendoerffer. Avec Jean Rochefort, Jacques Perrin, Claude Rich, Jacques Dufilho et Aurore Clément. Sortie en salle le 9 novembre 1977. César du meilleur acteur 1978 : Jean Rochefort. César du meilleur acteur dans un second rôle 1978 : Jacques Dufilho. César de la meilleure photographie 1978 : Raoul Coutard. LEÇON DE CINÉMA À voir, le reportage vidéo consacré à Pierre Schoendoerffer réalisé par l’ECPAD, « sa première maison ». Engagé en 1952 comme photographe, puis reporter cameraman au Service cinématographique des armées (SCA), le désormais « soldat de l’image » va alors découvrir l’Indochine et se passionner pour le cinéma. > http://www.ecpad.fr/pierre-schoendoerffer-une-lecon-de-cinema 38 ® COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 Arrivée à Saint-Pierre pour quinze jours. Escale pour les marins, mais travail pour l’équipe de tournage. Madame Schoendoerffer a rallié, accompagnée notamment des deux comédiennes, Odile Versois et Aurore Clément. Après un bref passage à Saint-Jean de Terre-Neuve, c’est le retour. Cap à l’est pour accoster enfin à Lorient après sept semaines d’absence. On y tourne une dernière séquence : celle du « commandant » Rochefort quittant définitivement son bateau. C’est aussi le débarquement de l’équipe du film et la fin de la dernière mission du vaillant Jaureguiberry. La réalité rejoint la fiction, et l’émotion est palpable. Mais le tournage est loin d’être fini. La Bretagne, l’Alsace, Fécamp, Saint-Mandrier, Paris où Pierre Guillaume, l’inspirateur du personnage du CrabeTambour, viendra en personne sur les lieux de son procès conseiller son interprète Jacques Perrin. Et, clin d’œil à l’histoire, il apparaîtra dans le film en avocat de la défense… Enfin la Thaïlande et Djibouti achèveront un tournage en forme d’épopée, à l’image de ce que fut le parcours du Crabe-Tambour. En allant avec ses comédiens au contact de ses décors naturels, Pierre Schoendoerffer confère à son propos une authenticité de situation dans laquelle les acteurs, tous remarquables, servent leur personnage avec une grande justesse d’interprétation. Il y a dans ce film un souffle incontestable digne des grands romans de Joseph Conrad. C’est la preuve d’un grand talent qui a fait de ce film une œuvre magnifique devenue à juste titre un film culte. ® PROPOS RECUEILLIS PAR STÉPHANE DUGAST 2990-P36-39_Layout 3 03/04/12 17:33 Page39 Secrets de tournage LE CRABE DÉCORTIQUÉ Ce long métrage au titre sibyllin, c’est d’abord l’histoire d’un malentendu né d’une parole donnée et non tenue. Explications… TOURNAGE EN MER, JEAN ROCHEFORT ÉCOUTE ATTENTIVEMENT LE CONSEILLER MILITAIRE. PAUSE-DÉTENTE ENTRE DEUX PRISES À SAINT-MANDRIER. 1 Inspiré de la vie du lieutenant de vaisseau Pierre Guillaume, le « Crabe-Tambour » fait référence au surnom de cet officier toujours accompagné dans le film d’un chat noir. Pourquoi ce sobriquet ? Pierre Schoendoerffer s’en expliquera : « J’ai dédié mon roman à mon fils cadet, Ludovic, parce qu’enfant, il avait un petit ventre rond sur lequel il tambourinait, et comme il marchait à quatre pattes et de travers, je l’appelais le crabe. D’où le Crabe-Tambour… » Un souvenir très personnel qui souligne à point nommé les libertés qu’a pris le romancier puis réalisateur avec le « vrai » destin de Pierre Guillaume. « C’était un de ces capitaines légendaires ! Donc on a fait connaissance, et l’on s’est pris de sympathie. Quand j’ai commencé à écrire mon livre, Le Crabe-Tambour, je me suis dit qu’il y avait dans son histoire quelque chose qui m’intéressait. Ce n’est pas sa vie, ce n’est pas la mienne. C’est autre chose… C’est mon histoire telle que je l’ai rêvée. » Construit autour du dialogue entre un pacha (Jean Rochefort) et le médecin de bord (Claude Rich), le film alterne les séquences de mers et les flash-back narrant les tribulations de Willsdorff, dit le « CrabeTambour » (Jacques Perrin), un ancien de la Marine nationale devenu capitaine d’un chalutier. Terre, aussi éphémère que la vie d’un papillon ». Là-haut, un roi au-dessus des nuages, L’honneur d’un capitaine, L’Adieu au roi… Autant de romans ou de films à (re)lire et (re)voir tant ils font partie intégrante de l’ADN de tout marin curieux et en quête perpétuelle de nouveaux horizons… ® Un parfum à la Conrad À cette narration croisée se mêlent des séquences de vie embarquée, des plans oniriques du Jaureguiberry dans le gros temps et des séquences poétiques, comme l’inoubliable tirade du chef mécanicien (Jacques Dufilho) racontant un recteur fou en pays Bigouden ou bien encore la scène au bar la Morue joyeuse durant laquelle un vieux marin refait la bataille de l’Atlantique avec des verres sur le comptoir de l’établissement tandis qu’un télé- viseur diffuse des images de la guerre du Vietnam. Les références à la guerre en Indochine sont nombreuses et ne sont pas sans rappeler l’univers d’un autre film du même genre et presque contemporain : Apocalypse Now, le chef-d’œuvre de Francis Ford Coppola, librement adapté du roman Au cœur des ténèbres de Joseph Conrad. Conrad donc, mais également Kipling, Melville, Stevenson ou Kessel, l’influence des écrivainsvoyageurs et nomades est manifeste, non seulement dans Le Crabe-Tambour mais également dans toute l’œuvre de Pierre Schoendoerffer qui n’aura également eu de cesse de s’interroger sur « l’inexplicable et court passage de l’homme sur la STÉPHANE DUGAST RETROUVEZ L’HOMMAGE À PIERRE SCHOENDOEFFER EN IMAGES SUR LE SITE DE LA MARINE NATIONALE. ADIEU À UN AMI Le CC (R) Eric Lebec était un ami de Pierre Schoendoerffer, il nous rappelle quelques souvenirs. Le « crabe-tambour » aimait bien traduire son nom alsacien : « le joyeux villageois ». Son sourire et sa joie de vivre devaient pourtant tout un effort, celui de se libérer de la captivité après Diên Biên Phu. Le massacre à petit feu de ses camarades, le souvenir des évadés perdus dans la jungle lui ont interdit de saluer le général Giap, qui aurait voulu lui serrer la main « entre militaires ». Écrivain et cinéaste, il a réussi à exceller dans tous les genres, du roman au documentaire, de la fiction au portrait. Roman distingué par le Grand Prix de l’Académie française, Le Crabe-Tambour est ainsi devenu un film où la mer est le principal personnage. Il a su passer de ses souvenirs à la création, avec un cœur resté en Indochine : « C’est là que j’ai vécu mes premiers amours et mes premières peurs. » Le cinéma ne fut jamais pour lui une facilité, car il s’imposait la contrainte de la musique, tel le concerto pour violon qui dialogue entre Hanoï et la défaite où tombaient les hommes, énigme d’un combat qui trouvera des volontaires jusqu’à la fin. Artiste et militaire, il devient breton par mariage. Sa maison près de Sainte-Marine, un sourire, se dresse près de ces rivières qui conduisent à la mer. Toute sa famille s’est engagée dans le cinéma, chacun à sa manière avec son souci d’excellence en tout. Qui sait combien de marins restent inspirés et grandis par ses livres et par ses films ? CC (R) Eric Lebec COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 ® 39 2990-P40_Mise en page 1 03/04/12 12:43 Page40 2990-P41_Layout 3 03/04/12 15:59 Page41 INFO agenda pas à nous faire part des activités que vous souhaiteriez voir figurer dans cette rubrique. [email protected] DANS LES SEMAINES À VENIR N’hésitez Du 11 au 13 mai, Paris, Invalides Tournois de boccia (pétanque adaptée) au profit des pensionnaires des Invalides et sensibilisation aux activités handisports. 12 mai, Brest Présentation aux drapeaux de l’École de maistrance. Du 1er au 12 avril Entraînement Fanal (remontée en puissance du groupe aéronaval). 12 mai, Toulouse Airexpo (présence d’un Caïman Marine NH90). Du 17 au 20 mai Grand prix de l’École navale. Du 5 au 9 avril, la Trinité-sur-Mer SPI Ouest-France Du 31 mai au 5 juin, Saint-Nazaire Record SNSM. Participation du voilier Atout Chance et d’élèves de l’École des mousses. 1er juin, Paris, École militaire Colloque CESM-ACORAM-CMF sur la piraterie maritime. 2 et 3 juin, Mont-de-Marsan (Landes) Meeting de l’air sur la base aérienne118 (participation d’un Rafale Marine). Du 1er au 4 juin, Sables-d’Olonne Cérémonie du centenaire de la naissance de Clément Dubernet avec la présence du dundee Mutin. Du 4 au 6 juin, Hyères 4e trophée des îles d’Or. Du 7 avril à août Prise de commandement par le CA Dupuis de l’opération Atalante. Du 4 au 8 juin, Lanvéoc, École navale Semaine de l’international (25 délégations d’écoles navales étrangères). 10 avril, Paris, Institut Catholique Conférence « Les Mardis de la mer et des Français » (IFM) : « Les phares : un présent et un avenir ». 5 et 6 juin, Lanvéoc, École navale Colloque d’histoire navale « Progrès techniques et stratégies navales ». 11 avril, Toulon, stade Mayol Rencontre annuelle entre la Royal Navy et le Rugby Club de la Marine nationale. 7 juin, Brest, CIN Colloque Mer : « Le développement pluridisciplinaire de la culture maritime dans l’enseignement en Bretagne ». Du 11 avril au 4 mai, Émirats Arabes Unis Entraînement de coopération interarmées Gulf 2012 (participation de la frégate Cassard). 19 mai, Lanvéoc Journée de la presqu’île et portes ouvertes à l’École navale. Du 7 au 9 juin, Dunkerque Festival mondial du film de mer « Les écrans de la mer ». 11 au 15 juin, Paris Eurosatory. 24 mai, Paris Remise du prix Armées jeunesse. 12 et 13 avril, Toulon Tournée des ports DPMM. 17 avril, Brest, CIN Conférence de M. Pascal Le Roy, directeur de DCNS Lorient, « La construction des bâtiments de guerre aujourd’hui ». 19 avril, Ouistreham Conférence IFM-CMF « Les Français et la mer ». Du 23 au 27 avril, Monaco Conférence hydrographique internationale. Du 11 au 13 mai La Marine en escale à Nancy. 26 et 27 mai, Ferté-Alais (Essonne) Manifestation « Le temps des hélices ». 26 mai, Perpignan Rallye aérien « rêve de gosse » pour des enfants handicapés. 28 mai, Villeneuve (Lot) Meeting aérien (présence d’un CAP10). 29 mai Journée internationale des Casques bleus. 31 mai et 1er juin, Le Havre Rencontres Seagital 2.0 « Les technologies numériques au service des activités maritimes et fluviales ». 12 et 13 juin, Toulon Journées de l’environnement géographiques, hydrographiques, océanographiques et météorologiques organisées par le Shom. 14 juin, Brest, CIN Accueil de la 8e édition des « Rendez-vous de la mer ». 16 et 17 juin, Fréjus Centenaire de la base aéronavale de Fréjus. Du 16 juin au 15 juillet Solitaire du Figaro, départ de Paimpol, arrivée à Cherbourg. COLS BLEUS ® N° 2990 ® 7 AVRIL 2012 ® 41 2990-P42_actu col bleu 255 03/04/12 17:41 Page42 COLS BLEUS N°2990 7 AVRIL 2012 Tous les renseignements sur www.musee-marine.fr CRÉDITS PHOTOS ET ILLUSTRATIONS COUVERTURE COLOMBAN ERRARD/MN ACTUALITÉS PAGE 6 : PATRICE DONOT/MN PAGE 7 : LE CEMM AUX ETATS-UNIS : PETER D.LAWLOR, VA DE CORIOLIS: MN PAGE 8 : AVIATION EMBARQUÉE : JOHANN GUIAVARCH/MN, DIPLOMATIE NAVALE À LISBONNE : MN, PMM TARBES : MN PAGE 9 : CÈDRE BLEU : SIMON GHESQUIÈRE/MN, ATALANTE : MN, PLUVIER : MN PAGE 10 : MN PAGE 11 : HAÏTI: MN, « CRASH HÉLICO »: MN, SHOM: MN PASSION MARINE PAGES 12-20 : COLOMBAN ERRARD/MN - MN PAGE 16 (CARTE) : SERGE MILLOT /MN VIE DES UNITÉS PAGES 21-24 : MN PAGES 25-27 : ECPAD PAGES 28-29 : MN – JOHANN GUIAVAR /MN - MN – PATRICE DONOT/MN PAGE 30 : MN PAGE 31 : PHILIPE DANNIC - XAVIER TROCHU PAGE 32 : JOHANN PESCHEL /MN CHRONIQUE DU PERSONNEL PAGE 33 : MN PAGES 34-35 : MÉLANIE DENIEL/MN, CHRISTOPHE KIMMEL/MN, MN ESPACE LOISIRS PAGES 36-38 : GALATIES FILM PAGE 38 : ECPAD - GALATIES FILM - MN PAGE 38 : GALATIES FILM ABONNEMENTS : PAGE 40 : SERGE MILLOT /MN AGENDA PAGE 41 : MN bimensuel DE LA MARINE NATIONALE RÉDACTION : 2, rue Royale – 75008 Paris ® Tél. : 01 42 92 17 17 – Télécopie : 01 42 92 17 01 ® E-mail : [email protected] – Internet : www.defense.gouv.fr/marine ® Directeur de la rédaction : CF Jérôme Baroë ® Rédactrice en chef adjointe : LV Céline Horlaville ® Secrétaire : Mot Phaëdra-Noor Messoussa ® Rédacteurs et journalistes : Stéphane Dugast ; LV Colomban Errard ; Asp. 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