7. La difficile mise en place d`une République laïque

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7. La difficile mise en place d`une République laïque
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La difficile mise en place
d'une République laïque
La mise en place de la laïcité en France commence au
XIXème siècle : ponctuée de dates charnières, elle a
fait l'objet d'âpres luttes entre l'Eglise et l'Etat. Du
Concordat signé par Napoléon à la séparation des
Eglises et de l'Etat, quels sont les enjeux de la laïcité
au XIXème siècle ?
Par Nicolas Haro, Matias Lopez et Andrès Poiré.
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Les faits majeurs de la mise en place
de la laïcité en France au XIXème
siècle
1801: Concordat signé entre le Pape et
Napoléon Bonaparte.
1882: loi sur l'école primaire, gratuite, laïque
et obligatoire, et la laïcité de l'enseignement.
1884: loi rétablissant le divorce.
1886: loi sur la laïcité obligatoire du personnel
des écoles publiques.
Les clés pour comprendre
Tout au long du XIXème siècle, des luttes s'engagent entre l'Eglise et
l'Etat : l'Etat, et surtout les Républicains, veulent diminuer le rôle de
l'Eglise, en particulier dans le domaine de l'enseignement.
L'Eglise catholique, qui dépend du Pape et du Vatican, tente tant bien
que mal de conserver ses prérogatives.
Les Républicains, dans les années 1880, et jusqu'en 1905, établissent une
série de lois mettant en place la laïcité. Les lois scolaires rendent l'école
primaire gratuite, laïque et obligatoire : cela permet de diminuer le
1901: loi proclamant la liberté des
associations, sauf pour les congrégations
religieuses, qui doivent demander une
autorisation.
pouvoir des religieux sur la société. Rendre l'école obligatoire et gratuite
1904: loi interdisant l'enseignement à toutes
les congrégations religieuses, rupture des
relations diplomatiques avec le Vatican.
Il s'agit aussi pour les Républicains socialistes et progressistes de limiter
1905, 9 décembre: loi sur la séparation des
Eglises et de l'Etat.
visait aussi à éviter que les parents envoient leurs enfants travailler dans
les usines ou les champs.
l'influence des partis de la droite cléricale, qui s'opposent aux idées
libérales de la Révolution Française. C'est donc autour de la question de
l'enseignement que s'est cristallisée le problème des relations entre les
Eglises et l'Etat. Les nouveaux maîtres d'école sont alors appelés les
« hussards de la République », le terme hussard désignant un soldat, pour
souligner l'importance du combat qui s'est déroulé à cette époque.
Lois scolaires : ensemble des lois mises en place par
Jules Ferry, établissant la laïcité de l'enseignement, la
gratuité de l'école et l'obligation d'être scolarisé.
Congrégation religieuse :
communauté de prêtres ou de
religieux pouvant assurer une
mission d'enseignement.
Républicains socialistes : groupe des républicains de la Chambre des députés
favorables au socialisme, à une société d'hommes libres et égaux.
Progressistes : autre groupe de républicains de la Chambre des députés,
favorables au progrès social.
Cléricalisme : idéologie qui vise
Laïcité :
à donner au clergé un statut
indépendance vis-à-
public et un rôle politique.
vis de toute religion.
Laïcisation : politique
volontaire d'un Etat qui vise à
ôter aux religions tout rôle
public.
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Les acteurs de la Séparation de l’Église et de l’État
Aristide Briand
Il est né le 28 mars 1862 à Nantes et mort le 7 mars 1932 à Paris.
Il joue un rôle important dans le processus de laïcisation en tant que rapporteur de la loi de
séparation des Églises et de l'État. Son talent de négociateur a finalement permis une application
mesurée et un accord de fait entre la République laïque et une partie du clergé français, malgré
l'opposition du Vatican.
Jules FerryNé le 5 avril 1832 à Saint-Dié
Émile Combes
(Vosges) et mort le 17 mars 1893 à Paris,
Émile, Justin, Louis Combes (18351921) est un homme politique français.
Il succède à Waldeck-Rousseau à la
présidence du Conseil. Il finit par
s'engager dans un conflit avec le
Vatican et profite de l'arrivée d'un
pape intransigeant, Pie X, pour
relancer le débat sur le Concordat de
1801 Les républicains se divisent sur
cette question. La séparation des
Eglises et de l'Etat en 1905 y mettra un
terme.
homme politique français.
Opposant
à
l'Empire,
membre
du
gouvernement provisoire en 1870 et maire de
Paris en 1871, il est l'auteur des lois de la IIIe
République rendant l’instruction obligatoire,
gratuite et l’enseignement laïc. Considéré
comme le promoteur de l'«école gratuite,
laïque et obligatoire», il est devenu plusieurs
décennies après sa mort, une figure
emblématique de la laïcité française et l'un
des
pères
fondateurs
de
l'identité
républicaine.Très critiqué pour sa politique
coloniale, il a été contraint de démissioner.
Emile Loubet
Il est élu député de la Drôme le 20 février 1876 et siège à gauche de l'hémicycle de l'Assemblée Nationale en
1876. En 1896, Émile Loubet devient le président du Sénat. Il a pris des décisions marquantes dans l'histoire
de la République française : grâce du Capitaine Dreyfus, promulgation de la loi sur les associations et, surtout,
de la loi sur la séparation des Eglises et de l'Etat.
Waldek_Rousseau
1846-1904, homme d'Etat français. Il est célèbre pour avoir participé à la légalisation des syndicats
(loi Waldeck-Rousseau de 1884) ainsi que la loi 1901 sur les associations. En juin 1899, il est appelé
par le président Emile Loubet à former un gouvernement alors que l' Affaire Dreyfus bat son plein.
Waldeck-Rousseau, qui fut l'un des représentants éminents des républicains opportunistes. Son
cabinet, qui, en durant près de trois ans, fut le plus long de la IIIème République, marque un
tournant dans l' Affaire Dreyfus.
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DECRYPTER LA PRESSE DU XIXe
AU CŒUR DE LA POLEMIQUE
La Séparation de l'Eglise et de l'Etat,
lithographie anonyme, 1905. Musée Jean Jaurès.
La Séparation de l'Eglise et de l'Etat, Léandre,
journal Le Rire, mai 1905.
Analyse de l'image :
Marianne, allégorie de la Liberté et symbole de la
République, est ici séparée du Pape Pie X par Emile
Combes, « le petit père Combes », tandis que Voltaire,
philosophe de Lumières, éclaire la situation. Un prêtre
ivre est couché sur le devant de la scène.
Le message : Cette caricature montre bien que son auteur
est favorable à la loi de séparation de l'Eglise et de l'Etat :
le Pape est représenté comme une personne faible, qui ne
sait pas voir ; le prêtre ivre donne une très mauvaise image
de l'Eglise, tandis que l'influence de Voltaire sur Combes
évoque un héritage culturel irréprochable : celui des
Lumières, de la liberté et des droits.
Analyse de l'image :
L'Eglise est représentée par un curé, en noir, à gauche ; l'Etat est
représenté par Marianne, symbole de la République, à droite. Le
ministre de l'Instruction Publique, des beaux-arts et des cultes, M.
Bienvenu-Martin, tente de les séparer avec un couteau.
Le message :
La représentation de la République, avec une Marianne bien en
chair, et de l'Eglise, avec un curé dodu, sont toutes deux ironiques :
il semble que l'auteur ne prend pas parti. Cependant, le coq,
symbole de la France, se lève sur un soleil radieux, ce qui peut faire
penser que l'auteur est favorable à la loi de séparation.
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L'Univers, quotidien catholique et conservateur
2 octobre 1882.
“Dans l'école laïque, le crucifix et l'image de la sainte
Vierge ont été enlevés, les pieuses sentences, les
préceptes sur la morale chrétienne inscrits sur les
murs ont été enlevés. Le maître a commencé sa classe
sans invoquer le nom de Dieu; et si quelque écolier a
fait, par habitude, le signe de la croix, il a été repris
aussitôt et peut-être puni pour faute. Pour le début, un
commentaire sur la Déclaration des droits de l'homme,
un éloge du régime républicain, a remplacé la leçon de
catéchisme et d'histoire sainte. “
Discours d'Aristide Briand
à la chambre des députés,
3 juillet 1905, extrait
« Dans ce pays, où des millions de catholiques pratiquent leur
religion, (...) il était impossible d'envisager une séparation
qu'ils ne puissent accepter. (...) La loi que nous aurons faite
ainsi est une loi de bon sens et d'équité, combinant justement
les droits des personnes et l'intérêt des Eglises avec les
intérêts et les droits de l'Etat. »
Analyse du document
Analyse du document
Prise de position de l’auteur dans le débat
Il déplore les changements dont à fait l'objet
l'école devenue publique après les lois scolaires
de Jules Ferry ; le journal l'Univers est donc
défavorable à la laïcité et à la séparation des
Eglises et de l'Etat.
Vocabulaire mélioratif à l'égard de la loi : « bon
sens », « équité », « justement ».
Arguments pour défendre sa position :
● Il évoque le passé, les références religieuses
qui étaient présentes dans les écoles
auparavant : crucifix, images saintes, préceptes
de la morale chrétienne.
● Il utilise un ton plaignant, triste, pour
victimiser l'Eglise et rendre coupable la
République : « si quelque écolier (...) peut-être
puni pour faute ».
Prise de position de l’auteur dans le débat :
Aristide Briand est le rapporteur de la loi de
séparation des Eglises et de l'Etat, il y est donc
favorable.
Arguments pour défendre sa position :
● Il se défend de critiquer l'Eglise et la religion
catholique : il veut rassembler la population et
éviter les divisions au sein de la société. Il veut
donc réconcilier tout le monde.
● Il précise que l'Etat a des droits que n'a pas
l'Eglise, et pose ainsi l'Etat comme institution
supérieure à l'Eglise catholique. Il défend donc la
position de la République dans sa politique
anticléricale.