Vous trouverez ci après, dans son intégralité, le discours prononcé
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Vous trouverez ci après, dans son intégralité, le discours prononcé
1 BON FONCTIONNEMENT DE LA JUSTICE CONGOLAISE ET RECOURS EN ANNULATION SPECIALE CONTRE LES DECISIONS ET REGLEMENTS DES ORGANES DE L’ORDRE NATIONAL DES AVOCATS Excellence Monsieur le Président de la République, avec l’assurance de mes sentiments déférents, Honorable Président de l’Assemblée Nationale, Honorable Président du Sénat, Monsieur le Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, Monsieur le Procureur Général de la République, Mesdames et Messieurs les Honorables Députés et Sénateurs ; Monsieur le Premier Ministre, Mesdames et Messieurs les Membres du Gouvernement, Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs et Chefs des Missions Diplomatiques, 2 Mesdames et Messieurs les Magistrats, Monsieur le Doyen de l’Ordre National des Avocats et honoré confrère, Messieurs les Bâtonniers et Honorés Confrères, Madame et Messieurs les Membres du Conseil National de l’Ordre, Mesdames et Messieurs les Membres du Conseil de l’Ordre, Mesdames et Messieurs les Avocats, Distingués Invités, 3 Mon intervention de ce jour va s’articuler autour du thème relatif au bon fonctionnement de la justice congolaise et recours en annulation spéciale contre les décisions et règlements des organes de l’Ordre National des Avocats. Il y a exactement trois ans, j’ai eu, à l’occasion de la rentrée judiciaire de l’année 2009, à discourir au nom de l’Ordre National des Avocats, sur l’état de la justice congolaise. Force est de constater malheureusement, que malgré de discours direct et les efforts de Monsieur le Président du Conseil Supérieur de la Magistrature, peu de progrès ont été accomplis depuis, puisque la justice congolaise n’a pas cessé d’aller mal dans son fonctionnement de tous les jours, selon le Premier Ministre lui-même qui déclarait à l’hebdomadaire « Jeune Afrique » du 2 au 8 septembre 2012 que « des efforts doivent être consentis pour donner à la justice de notre pays une image qui sécurise le citoyen aussi bien dans sa personne que dans ses biens ; une image qui rassure les opérateurs économiques sur la sécurité de leurs investissements », en ponctuant sur « le caractère indéniable de la nécessité d’une réforme profonde ». 4 Il faut en conséquence, sortir de la torpeur et de l’inaction tous ceux qui, à un degré ou à un autre, assument la responsabilité du fonctionnement de la justice, sans pouvoir entreprendre aucune démarche quelconque, pour tenter tant peu soit-il, de remédier à son dysfonctionnement par des mesures quelconques. Certes, on a connu dans un passé récent la révocation des magistrats condamnés à l’instance de prise à partie, mais cette solution ponctuelle ne semble avoir entraîné aucun effet bénéfique sur le fonctionnement de la justice, outre que la condamnation des magistrats en prise en partie apparaît de plus en plus aujourd’hui comme tout simplement hypothétique. D’un autre côté, bien des juridictions de notre pays semblent fonctionner aujourd’hui au rythme des réseaux de protection tissés en partant de l’amitié ou de la fidélité vis-à-vis de leur chef, qu’il s’agisse des cours et tribunaux ou des offices de parquet, où l’on voit les mêmes magistrats siéger régulièrement de semaine en semaine ou instruire activement les dossiers, pendant que leurs collègues végètent dans l’ennui. Mais la grande préoccupation reste celle de la qualité du travail des magistrats civils et plus particulièrement des jugements. 5 Il sierra ainsi que le Conseil Supérieur de la Magistrature amorce la mise en pratique de l’article 43 du statut des magistrats aux termes duquel « le magistrat qui, de l’avis d’une commission dont la composition est fixée par le Conseil Supérieur de la Magistrature sur demande conjointe du premier président de la cour de cassation ou du conseil d’Etat et des procureurs généraux près ces juridictions, fait preuve de manière habituelle dans l’exercice de ses fonctions, d’une incompétence notoire ou d’une grave ignorance du droit, est relevé de ses fonctions par le Président de la République ». Il convient pour cela que soit instituée auprès du Ministère de la Justice une cellule d’évaluation des jugements, arrêts, procès-verbaux et autres avis émanant des magistrats et leurs suites, cellule qui accueillerait plaintes et doléances, et aurait compétence d’attirer l’attention des premiers présidents de la cour de cassation ou du conseil d’Etat et des procureurs généraux près ces juridictions, sur les présomptions dans le chef des magistrats, d’insuffisances susceptibles de justifier le déclenchement à leur endroit, du mécanisme de la commission d’évaluation de compétence. Mais en dépit de tout, la question fondamentale reste celle des conditions matérielles des magistrats et de la mise à leur disposition de la dotation constitutionnelle, gage de leur indépendance. 6 Enfin, il est indispensable, dans la perspective de l’éclatement de la Cour Suprême de Justice, d’ouvrir les plus hautes fonctions de la magistrature aux avocats et aux professeurs d’université expérimentés. Sortant du Palais de Justice il y a quelques mois, j’ai vu une conseillère et un conseiller de la cour d’appel occupés à deviser gaiement. M’étant approché pour les saluer, je fus interpellé par la dame qui me demandait pourquoi le Bâtonnier National n’intervenait pas pour discipliner les avocats qui, inondaient régulièrement les couloirs de la Cour d’Appel pour proposer des marchés aux magistrats. Avant même que je n’ai eu le temps de réagir, le conseiller s’en prit violemment à la conseillère pour lui dire qu’elle n’avait pas le droit de tenir pareil discours puisque le sort des magistrats et de leurs familles dépendait justement des démarches des avocats et des justiciables. Faut-il encore une preuve supplémentaire des proportions endémiques atteintes par la corruption au sein de la magistrature congolaise, malgré le fait qu’il existe encore par ci par là quelques éléments honnêtes ? 7 Les avocats portent également, une grande part de responsabilité dans le mauvais fonctionnement de la justice dans l’impunité la plus totale, faute de dénonciation. De sorte que pour eux également, la révision de la loi organisant le barreau pourrait s’avérer nécessaire, dans le sens de donner peut-être au Bâtonnier National, pouvoir de saisir directement les conseils de l’Ordre des barreaux au disciplinaire, de former appel contre les décisions des Conseils de l’Ordre et de fixer directement devant le Conseil National de l’Ordre les causes, après vaine sommation des barreaux de s’en saisir. Sur un autre registre, je me dois également d’attirer l’attention de la Cour Suprême de Justice, sur une autre situation qui est de nature à priver de justice, bon nombre de justiciables qui se sont tournés vers elle. Comme chacun le sait, un incendie a entraîné en 2006, la perte de plusieurs dossiers en instance devant la Cour Suprême de Justice. Face à cette situation, il convient que la Cour Suprême de Justice entreprenne un travail d’inventaire de tous les dossiers perdus ou égarés. 8 La Cour Suprême de Justice invitera ainsi les parties qui le peuvent ainsi que le Parquet Général de la République, à participer à la reconstitution desdits dossiers afin de relancer leur instruction. En cas d’impossibilité de reconstitution totale, je suggère que la Cour Suprême de Justice révise sa jurisprudence qui veut qu’elle rejette les pourvois toutes les fois qu’elle se trouverait dans l’impossibilité de contrôler la régularité des procédures initiées devant les juges de fond, pour juger de manière plus équitable qu’en tel cas, les jugements et arrêts attaqués seront cassés, lorsque la perte de certaines pièces est advenue dans les circuits d’instruction à la Cour Suprême de Justice ou au Parquet Général de la République, après dépôt de dossiers complets par les parties. Il existe à cet égard le précédent de la cour de cassation de Belgique qui a jugé après la deuxième guerre mondiale que lorsqu’un pourvoi en cassation est dirigé, dans le délai légal, contre un arrêt rendu en matière répressive qui a été détruit, ainsi que le dossier, par un incendie, la cour est dans l’impossibilité de vérifier si les formalités substantielles ou prescrites à peine de nullité ont été respectées et casse l’arrêt attaqué. 9 Mesdames et Messieurs, Je pense qu’il est grand temps que la justice de notre pays devienne une cause nationale, objet de préoccupation de toutes les femmes et de tous les hommes de bonne foi et de bonne volonté qui, éprouveront à l’aune de ses décisions leur propre sens de la justice, et consacreront tous leurs efforts à la recherche de mécanismes susceptibles de la ramener au bon fonctionnement, qui n’est autre que la reconnaissance des droits patrimoniaux ou humains que la loi attache à chaque personne humaine et la sanction objective de toute atteinte ou violation desdits droits. Il est ainsi grand temps d’instaurer soit une commission nationale d’observation permanente des mécanismes de l’appareil judiciaire en vue d’améliorer son rendement, soit une commission ponctuelle qui proposerait des solutions adéquates pour le redressement de la justice. Mais si l’on parle ici de justice, la réalité reste que c’est tous les secteurs d’activité du pays qui se trouvent gangrenés selon le Premier Ministre qui a déclaré à l’hebdomadaire « Jeune Afrique » que « l’image de l’administration publique congolaise est extrêmement négative. Non seulement les prestations des services publics de base ne répondent pas aux normes de qualité, mais elles sont aussi sources de corruption. » 10 L’effort doit ainsi s’étendre plus loin encore. D’abord dans une entreprise de réarmement moral des citoyens congolais à plus ou moins long terme, afin de forger en eux la conscience d’appartenir à un grand peuple et à un grand pays, capable de faire des prodiges par le travail et le concours de chacun doublés de l’esprit d’abnégation. Ensuite, de réadapter les programmes d’enseignement et de divertissement en y injectant à une place de choix l’apologie des valeurs morales, et en canalisant les fantasmes des jeunes et des moins jeunes vers l’héroïsme et le don de soi à la nation, de manière à créer pour les trente prochaines années, une nouvelle génération de congolais exempts des tares de la zaïrianisation et de la frénésie d’acquisition des biens abandonnés ou sans maître, qui ont fini par substituer dans les esprits la facilité et l’aventurisme, au sens du travail. Car la dignité a son prix et c’est à ce prix et à ce prix seulement que l’on pourra rêver de voir des représentants de la magistrature congolaise appelés à siéger un jour dans les juridictions internationales. 11 Cela étant, je me propose de développer à présent, quelques éléments de droit relatifs au recours en annulation spécial contre les décisions et règlements du Conseil National de l’Ordre ou de l’assemblée générale de l’Ordre National des avocats. L’Ordre National des Avocats est constitué par l’ensemble des barreaux de la République Démocratique du Congo, qui sont eux-mêmes et chacun, composés d’avocats inscrits au tableau ou admis à la liste de stage. L’Ordre National des Avocats se réunit annuellement en une assemblée générale composée de différents bâtonniers des barreaux de la République ainsi que des membres composant le Conseil de l’Ordre de chacun des barreaux. L’assemblée générale de l’Ordre National des Avocats constitue un forum où se prennent d’importantes décisions engageant l’ensemble des barreaux, qu’il s’agisse de l’élection du Bâtonnier National et des membres du Conseil National de l’Ordre toutes les trois années, ou de toutes autres décisions nécessaires au fonctionnement de l’Ordre et conformes à ses intérêts du moment. 12 Le Conseil National de l’Ordre a quant à lui, la charge de veiller à la sauvegarde de l’honneur et des droits et intérêts professionnels communs des avocats, en déterminant et en unifiant les règles et usages de la profession par des règlements obligatoires pour tous les avocats. Le Conseil National de l’Ordre est par ailleurs, l’organe d’appel des décisions prises par les Conseils de l’Ordre des barreaux, qu’il s’agisse des sentences disciplinaires, du contentieux d’admission au tableau ou à la liste de stage ou encore des recours contre toutes décisions administratives prises par les Ordres des Avocats. Enfin, le Conseil National de l’Ordre est, aux termes de l’article 81 de l’ordonnance-loi organisant le barreau, le seul organe compétent pour déterminer la hauteur et fixer le montant des honoraires des avocats, lorsque ceux-ci sont contestés par le client. Face aux prérogatives du Conseil National de l’Ordre, l’article 124 de l’ordonnance-loi n° 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de l’Etat dispose que « sauf s’il s’agit des sanctions disciplinaires, lorsqu’une décision ou règlement du Conseil National de l’Ordre ou de l’assemblée générale de l’Ordre National des Avocats est entachée d’excès de pouvoir, est contraire aux lois ou a été 13 irrégulièrement adoptée, il peut faire l’objet d’un recours en annulation devant la Cour Suprême de Justice… dans les formes ordinaires des recours en annulation ». Selon cette disposition, les décisions du Conseil National de l’Ordre peuvent faire l’objet de recours en annulation devant la cour suprême de justice mais uniquement sur la base de l’excès de pouvoir qui s’entendrait de l’exercice par le Conseil National de l’Ordre des compétences que la loi ne lui a pas dévolues, de la contrariété d’une décision du Conseil National de l’Ordre vis-à-vis d’une disposition légale, et enfin, de l’irrégularité de la composition du Conseil National de l’Ordre lorsque celui-ci a pris la décision controversée sans avoir réuni le quorum légalement requis de ses membres, soit au moins cinq membres, ou avec le concours de personnes dépourvues de la qualité de membre du Conseil National de l’Ordre. Plusieurs principes fondamentaux s’attachent au régime juridique conféré par la loi sur le barreau au Conseil National de l’Ordre. C’est d’abord le principe de la compétence disciplinaire exclusive du Conseil National de l’Ordre des avocats. 14 Par compétence disciplinaire exclusive, il faut entendre le fait que lorsque le Conseil National de l’Ordre s’est prononcé à l’issue d’une procédure disciplinaire en infligeant une peine à un avocat, aucune autre juridiction, soit-elle la Cour Suprême de Justice, n’est autorisée par la loi à remettre en cause ou à censurer sa décision. C’est ensuite le principe de la compétence exclusive de fixation des honoraires des avocats en cas de contestation. La loi a également confié au seul Conseil National de l’Ordre la fixation des honoraires des avocats lorsque leur montant est contesté par le client. Il s’en suit que même dans l’éventualité où la Cour Suprême de Justice saisie en annulation sur base de l’article 124 de la loi organisant le barreau constaterait que la décision du Conseil National de l’Ordre est viciée par l’excès de pouvoir ou la contrariété avec les lois ou encore que celle-ci n’a pas été rendue selon les règles du quorum ou a été rendue par une composition irrégulière, la haute juridiction ne pourrait qu’annuler la décision du Conseil National de l’Ordre sans avoir à se prononcer ni sur le principe de la débition des honoraires à l’avocat, ni sur la quotité de ceux-ci. 15 Il appartiendrait en tel cas à la partie la plus diligente soit l’avocat soit le client, de saisir à nouveau le Conseil National de l’Ordre, en vue de la fixation des honoraires conformément à la loi. Il s’en suit qu’en vertu de l’exclusivité de la compétence du Conseil National de l’Ordre pour la fixation des honoraires de l’avocat, toute autre juridiction arbitrale ou de droit commun qui s’aviserait d’accueillir une action en fixation des honoraires des avocats ou en contestation de ceux-ci ou toute juridiction arbitrale ou de droit commun qui fixerait les honoraires dus pour les prestations des avocats, commettrait un excès de pouvoir. C’est donc dire que les honoraires des avocats ne sont pas arbitrables tout comme ils ne peuvent pas se fixer par une médiation en dehors du Conseil National de l’Ordre, lorsqu’ils sont contestés par le client. Il sied de rappeler à cet égard que même à l’époque où la quotité des honoraires des avocats était fixée par les juridictions de l’ordre judiciaire, celles-ci ne procédaient qu’en adjoignant à leur composition, un membre du Conseil de l’Ordre dûment mandaté par le barreau. 16 Cela s’explique du fait que non seulement les honoraires des avocats relèvent de l’ordre public en ce que ceux-ci ne peuvent être fixés que dans le cadre d’un barème approuvé par la Cour Suprême de Justice qui en prévoit des minima et des maxima, mais aussi du fait que seuls les avocats disposent des références nécessaires, pour apprécier la valeur marchande des prestations que leur corporation fournit à la clientèle. Il se dégage de l’article 124 de l’ordonnance-loi organisant le barreau, un autre principe qui est celui de la compétence limitée de la Cour Suprême de Justice quant au recours en annulation spécial contre les décisions du Conseil National de l’Ordre ou de l’assemblée générale de l’Ordre National des Avocats. Selon ce principe, toutes les fois que la Cour Suprême de Justice serait saisie en annulation d’une décision du Conseil National de l’Ordre ou de l’assemblée générale de l’Ordre National des Avocats sur base de moyens invoquant toute autre violation, même avérée de la loi, que l’excès de pouvoir, la contrariété aux lois ou encore la composition irrégulière du siège l’ayant prise, elle devrait sanctionner d’irrecevabilité soit le moyen portant le reproche soit la requête en annulation. 17 Le dernier principe est celui de l’autonomie normative du Conseil National de l’Ordre qui a été déduit par la Cour Suprême de Justice ellemême de son arrêt du 17 avril 2000 rendu sous RCA 444/445/452 sur recours contre la décision du Conseil National de l’Ordre n° 98/CNO/LH/006 du 1er avril 1998. La Cour Suprême de Justice a ainsi jugé « qu’il résulte de l’économie de l’article 124 de l’ordonnance-loi n° 79-028 du 28 septembre 1979 portant organisation du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et des mandataires de l’Etat, que cette disposition n’est pas une simple application particulière de la compétence administrative générale de la Cour Suprême de Justice tel qu’édictée par l’article 147 du code de l’organisation et de la compétence judiciaires. Car s’il en était ainsi, il ne serait pas compris comment l’article 124 exclut du pouvoir d’annulation de la section administrative de la Cour Suprême de Justice les sanctions disciplinaires qui sont précisément des décisions administratives, l’on ne comprendrait de même pas pourquoi l’article 124 retient les décisions du Conseil National de l’Ordre, lequel ne s’identifie pas à une autorité centrale ou à un organisme décentralisé placé sous la tutelle d’une telle autorité. 18 La Cour Suprême de Justice conclut ainsi qu’il suit de ce qui précède, d’une part que l’article 124 susdit constitue une disposition spéciale attributive au Conseil National de l’Ordre d’une compétence administrative d’annulation spéciale, et d’autre part que cet article doit s’interpréter sur la base de critères propres dont notamment, la volonté claire du législateur ». La question est ainsi de savoir ce qu’il y a lieu d’entendre par la « base de critère propre » susceptible selon la Cour Suprême de Justice, de permettre la bonne interprétation de l’article 124 de l’ordonnance-loi organisant le barreau que le Conseil National de l’Ordre comprend comme étant tout ce qui concourt à la réalisation de l’indépendance totale du barreau. Exerçant son pouvoir normatif, le Conseil National de l’Ordre a ainsi pour sa part, déduit de l’arrêt de la Cour Suprême de Justice du 17 avril 2000, une série de règles organisant son fonctionnement dans le cadre notamment de sa saisine par les avocats ou par les clients, en application de l’article 124 de l’ordonnance-loi organisant le barreau. 19 La première règle est que le contentieux administratif des décisions du Conseil National de l’Ordre ne peut, en raison de sa nature propre et de son caractère particulier pour ne pas dire exceptionnel, répondre à toutes les règles applicables dans le cas du contentieux administratif ordinaire visant les actes et décisions des autorités centrales et des organismes décentralisés placés sous la tutelle de ces dernières. Il se déduit de cette première règle, que le seul point de conformité entre le contentieux administratif ordinaire et le contentieux administratif spécial visant les décisions du Conseil National de l’Ordre ou de l’assemblée générale de l’Ordre National des Avocats, n’est ainsi que le fait unique que les deux contentieux doivent s’introduire devant la Cour Suprême de Justice, par une requête conforme aux articles 1er et 2 de l’ordonnance-loi n° 82-017 du 31 mars 1982 relative à la procédure devant la Cour Suprême de Justice. Cette assertion découle des termes de l’article 124 de l’ordonnance-loi n° 79-028 du 28 septembre 1979 organisant le barreau qui dispose que les recours en annulation contre les décisions du Conseil National de l’Ordre ou de l’assemblée générale de l’Ordre National des Avocats s’introduiraient devant la Cour Suprême de Justice dans les formes ordinaires des recours en annulation. 20 Or, les formes ordinaires des recours en annulation devant la Cour Suprême de Justice ne sont organisées qu’aux articles 1er et 2 ainsi que 76 de l’ordonnance-loi du 31 mars 1982 relative à la procédure devant la Cour Suprême de Justice dans les termes que les causes doivent s’introduire par requête comprenant la date, les noms des parties, l’objet et l’inventaire des pièces ainsi qu’un exposé des faits et moyens. Il s’ensuit que ne sont pas de mise lorsqu’il s’agit des recours en annulation devant la Cour Suprême de Justice contre les décisions du Conseil National de l’Ordre ou de l’assemblée générale de l’Ordre National des Avocats, ni le délai d’introduction des recours préalable, ni le délai de trois mois qui s’imposerait à ces organes, pour vider les recours préalables sous peine de présumer ceux-ci rejetés après trois mois sans réponse. Introduire pareils délais dans le processus juridictionnel du Conseil National de l’Ordre ne reviendrait ni plus ni moins, qu’à ajouter à la loi qui, si elle avait souhaité soumettre le Conseil National de l’Ordre ou les parties en instance devant lui à pareils délais, n’aurait pas manqué de le préciser dans la formulation de l’article 124 de l’ordonnance-loi organisant le barreau en prescrivant l’observance non seulement des formes ordinaires, mais aussi des délais des recours en annulation. 21 Néanmoins, de par sa propre volonté, le Conseil National de l’Ordre a fait le choix de prescrire aux parties désireuses de soumettre ses décisions ou celles de l’assemblée générale de l’Ordre National des Avocats à la procédure d’annulation spéciale devant la Cour Suprême de Justice, de procéder d’abord par le recours préalable. La deuxième règle est que si le recours préalable reste de mise avant la saisine de la Cour Suprême de Justice en annulation à l’encontre d’une décision du Conseil National de l’Ordre ou de l’assemblée générale de l’Ordre National des Avocats, le Conseil National de l’Ordre n’instruit celui-ci, en tenant compte de sa qualité de juridiction, qu’après avoir appelé les parties à l’instance, et les avoir entendus contradictoirement et dans le respect des principes du procès équitable, avant de rendre sa décision confirmant ou réformant sa première sentence, sans s’encombrer du délai de trois mois qui s’impose à l’autorité centrale ou à l’organisme décentralisé pour répondre à la réclamation préalable dans le cas des recours ordinaires en annulation. L’Ordre National des Avocats ne peut que former le vœu de voir la Cour Suprême de Justice faire sien ces principes et règles qui ne visent que la bonne gestion du barreau et partant, une bonne administration de la justice. 22 Je ne peux terminer sans évoquer la place qui devrait être celle de l’avocat au sein des structures judiciaires. Deux exemples me viennent à l’esprit à ce propos : Le premier est que le Bulletin des Arrêts de la Cour Suprême de Justice n° t. II de l’année 2010 publie en ses pages 305 à 348 les discours développés lors de la rentrée judiciaire de l’année 2009 respectivement par Monsieur le Premier Président de la Cour Suprême de Justice et par Monsieur le Procureur Générale de la République, mais pas celui développé à la même occasion et au cours de la même cérémonie, par le Bâtonnier National. Dans le même ordre d’idées, le Bulletin reprend plusieurs arrêts de la Cour Suprême de Justice qui mentionnent comme il se doit, les noms des présidents et conseillers de la Cour Suprême de Justice les ayant rendus, les noms des officiers du Ministère Public ayant pris part aux audiences et à la procédure et les noms des greffiers ayant assisté aux audiences ou ayant réceptionné les requêtes et mémoires des avocats, mais pas les noms des avocats qui, par leurs requêtes, mémoires et moyens, ont pourtant fourni la matière à la Cour Suprême de Justice. 23 Le barreau comme l’avocat appartiennent au Palais et doivent, tout naturellement et sans bousculer qui que ce soit, trouver leur place au Palais. Qu’il vous plaise Monsieur le Président, d’ordonner la publication de tous les actes de cette rentrée judiciaire. Je vous remercie. Kinshasa, 10/11/2012.- MBUY-MBIYE TANAYI Bâtonnier National.-