Changements majeurs proposés à la Loi sur le courtage immobilier
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Changements majeurs proposés à la Loi sur le courtage immobilier
Droit immobilier Automne - Hiver 2004 Fasken Martineau DuMoulin s.r.l. Changements majeurs proposés à la Loi sur le courtage immobilier Par Paul Mayer En juin dernier, Yves Séguin, le ministre des Finances du Québec, a déposé le premier rapport du Gouvernement (le « Rapport ») sur l’application de la Loi sur le courtage immobilier (la « Loi »). Le présent article étudie certains changements importants proposés dans le Rapport. 1. Régie Aux dires du Gouvernement, l’objet de la révision législative de la Loi comporte deux volets : protéger le public et alléger la réglementation. En ce qui a trait au deuxième volet, le Rapport propose d’examiner la structure d’encadrement qui régit le courtage immobilier, structure que le Gouvernement considère encombrante et complexe. Les options suivantes sont envisagées : · Remplacer l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec (l'« ACAIQ ») par un organisme d’encadrement hybride, non gouvernemental, appelé le Bureau du courtage immobilier (le « Bureau »); ou · Maintenir la structure d’encadrement actuelle, mais en l’améliorant; ou · Obliger les agents et les courtiers immobiliers à se constituer en ordre professionnel régi par le Code des professions et confier la surveillance de cet ordre professionnel à l’Office des professions du Québec. Bien que le Gouvernement privilégie la première option en raison de l’allègement réglementaire qu’elle permettrait, il n’aurait pas d’objection à ce que la seconde soit retenue si l’industrie et les consommateurs la favorisaient, car dans les deux cas la protection du public serait adéquate. La troisième option semble avoir été insérée à la fin du Rapport, après coup, comme alternative découlant de l'exercice de réflexion réalisé. La première option consiste donc à créer le Bureau, un organisme d’encadrement hybride non gouvernemental, ce qui pourrait se faire par une transformation de l'ACAIQ. Le conseil d’administration du Bureau serait composé d’un nombre égal de courtiers et de personnes nommées par le ministre et toutes ces personnes devraient ensuite nommer un autre administrateur, qui ne serait pas un courtier. À l’heure actuelle, les pouvoirs réglementaires en vertu de la Loi sont exercés en partie par le Gouvernement et en partie par le conseil d’administration et l’assemblée des membres de l’ACAIQ, alors que, selon le système proposé, le Bureau exercerait tous les pouvoirs réglementaires, sous réserve de l’approbation finale du Gouvernement. Le Gouvernement est d’avis, et ce, bien que les courtiers n’auraient pas le contrôle légal du conseil d’administration du Bureau, que l’organisme d’encadrement gagnerait dans l’ensemble une plus grande liberté d’action en matière de régie interne. Fasken Martineau DuMoulin s.r.l. DROIT IMMOBILIER 2 2. Suppression de l’appellation « agent » Le Rapport souligne que la variété d’appellations en usage actuellement – « courtier affilié », « courtier agréé », « agent affilié » et « agent agréé » – désoriente le public qui ne fait pas la différence entre l’agent immobilier et le courtier immobilier. À l’heure actuelle, la Loi oblige les agents immobiliers à travailler pour une entreprise de courtage. Selon le Gouvernement, il n’y a pas de motifs qui justifient de maintenir des statuts différents pour des fonctions semblables. Pour cette raison, le Rapport propose de donner aux agents immobiliers exerçant à l'heure actuelle leur souveraineté et de supprimer l’appellation « agent ». Si la proposition est adoptée, tous les agents et courtiers seraient simplement appelés « courtiers immobiliers ». Les agents actuels pourraient donc exercer à leur compte, sans travailler pour une entreprise de courtage. Cependant, ceux qui voudraient devenir courtiers en agissant pour leur compte devraient suivre une formation additionnelle et devraient respecter certaines obligations supplémentaires, comme le maintien d’un compte en fidéicommis et la tenue de livres. D'autre part, le Gouvernement propose d’obliger les sociétés et personnes morales qui désirent exercer l’activité de courtage immobilier par l’entremise d’un courtier à obtenir un permis d’agence immobilière. Le Gouvernement prévoit imposer certaines obligations aux agences immobilières, dont celle de couvrir la responsabilité de leurs représentants. Enfin, et ce afin d’assurer une protection adéquate du public, le Rapport propose que les courtiers débutants travaillent pour une agence pour une période déterminée par règlement avant de pouvoir travailler à leur compte. 3. Exercer un contrôle sur les franchiseurs immobiliers À l’heure actuelle, les franchiseurs immobiliers comme le Groupe Sutton, Royal LePage et Re/Max, pour n’en nommer que quelques-uns, n’exercent pas des activités de courtage et ne sont pas assujettis à la Loi. Plus précisément, les franchiseurs ne sont pas soumis aux règles qui régissent la publicité prévues dans la Loi, comme le sont les courtiers et les agents. Les franchiseurs concluent des contrats de franchise avec des courtiers immobiliers, lesquels contrats donnent aux courtiers le droit d’exercer des activités en utilisant le nom et la marque de commerce du franchiseur. Les personnes ou sociétés de personnes qui détiennent ces droits sont les courtiers franchisés. Ainsi, à titre d'exemple, en mars 2003, l’on comptait 186 courtiers immobiliers liés à une franchise Re/Max qui employaient 2 434 agents immobiliers. Les franchiseurs offrent des services à leurs franchisés, dont des services de publicité. À l’heure actuelle, plus de 70 % des agents immobiliers au Québec travaillent pour des courtiers franchisés. Le Gouvernement veut s’assurer que la publicité dans le secteur du courtage immobilier n'induise pas le public en erreur. Il devrait ressortir clairement de la publicité que le courtier ou l’agence immobilière est le seul responsable de ses actes, et donc que la responsabilité du franchiseur n’est pas engagée. Le Gouvernement est d’avis qu’il faut donc éviter que le courtier ou l’agence utilise le nom ou la marque de commerce du franchiseur d’une façon qui laisse faussement à penser qu’il ou elle agit pour le compte de ce franchiseur ou que ce dernier a quelque responsabilité, alors qu’il n’en a pas. 4. Le champ d’application de la Loi Actuellement, la Loi accorde aux courtiers immobiliers un droit quasi-exclusif de se livrer à des opérations de courtage immobilier contre rémunération. Ainsi, une personne est réputée exercer l'activité de courtier immobilier si, contre rétribution et pour autrui, elle se livre (en tant qu’intermédiaire) à une opération de courtage relative à l'achat, la vente, la location ou l'échange d'un immeuble ou à l’achat ou à la vente en bloc d’un fonds de Fasken Martineau DuMoulin s.r.l. DROIT IMMOBILIER 3 commerce. La Loi précise toutefois que certaines personnes ne sont pas soumises à la Loi, dont les avocats et les notaires qui, dans l'exercice de leurs fonctions, se livrent à une opération de courtage. De même, l'employé qui, à l'occasion de l'exercice de sa principale occupation, se livre à une opération de courtage pour le compte de son employeur, lorsque ce dernier n'est pas un courtier, n’est pas soumis à l’application de la Loi. On pensera au concierge louant un appartement à un individu, pour le compte du propriétaire, son employeur. Le Rapport propose que la Loi accorde aux courtiers immobiliers un droit d’exercice exclusif du courtage immobilier afin d’assurer la protection du public. Toutefois, il suggère également que cette mesure ne s’applique pas dans les cas où un consommateur ou une entreprise désire plutôt conclure un contrat de location, que cette location soit de nature résidentielle ou commerciale. Il peut paraître surprenant que le Gouvernement semble croire que le public n’a pas besoin de protection en matière de baux. Le Gouvernement propose aussi que, dans le cas de l’achat ou de la vente d’actifs d’une entreprise, le droit exclusif d’exercice soit conservé seulement si la valeur des actifs de l’entreprise est composée principalement d’immeubles. Le Rapport stipule également qu’il est nécessaire pour le Gouvernement de pouvoir procéder à un examen des personnes ou des groupements qui devraient être exemptés de l’application de la Loi et à quelles conditions. Enfin, le Rapport indique que le Gouvernement souhaite examiner la possibilité de permettre à des courtiers de l’extérieur de la province de poser occasionnellement des actes de courtage au Québec, sans que ceux-ci ne soient obligés de détenir un permis de courtier, sous réserve d’une autorisation spéciale. Le Rapport propose que l’organisme d’encadrement qui sera formé se voit accorder le pouvoir réglementaire de déterminer, parmi les actes de courtage, ceux qui, à la suite d’une autorisation, pourront alors être posés, ainsi que les conditions et modalités suivant lesquelles ces actes pourront être posés et les droits exigibles. La révision de la Loi sur le courtage immobilier est un exercice long et complexe. Le Gouvernement compte sur les agents et courtiers immobiliers, ainsi que sur le public, pour débattre du mode d’encadrement et pour lui faire part de la formule qu’ils préfèrent. Espérons que des audiences publiques seront tenues à l’égard des propositions proposées dans le Rapport avant qu'un projet de loi ne soit déposé, afin qu’un débat public puisse avoir lieu sur ces changements importants. Paul Mayer se spécialise en droit immobilier, plus particulièrement dans deux domaines : la location commerciale et la vente, l'achat et l'aménagement d'immeubles à usage commercial. Dans le domaine de la location commerciale, il possède une vaste expérience de tous les aspects des baux commerciaux. Il a une connaissance approfondie du marché et des façons de conclure une affaire. Ses conseils sont sollicités aussi bien par les propriétaires, les locataires et les gestionnaires immobiliers que par les courtiers en immeubles. Dans le domaine de la vente, l'achat et l'aménagement d'immeubles à usage commercial, il conseille régulièrement des acheteurs, des vendeurs, des promoteurs et des courtiers immobiliers relativement à des questions concernant la vente, l'achat, l'aménagement et le rezonage d'immeubles à vocation commerciale de tout genre. Il est également actif dans le domaine du courtage immobilier. On peut communiquer avec Me Mayer au 514 397 7630 ou à [email protected]