Banat : un Eldorado aux confins, Paris, Centre

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Banat : un Eldorado aux confins, Paris, Centre
Adriana BABEŢI, Cécile KOVACSHAZY (dir.), Le
Banat : un Eldorado aux confins, Paris, Centre
Interdisciplinaire de Recherche Centre - Européennes,
2007, 360p.
L’ouvrage « Le Banat : un Eldorado aux confins »
a été réalisé par la fondation « La Troisième Europe »
de Timişoara et le Centre Interdisciplinaire de Recherche
Centre-Européennes de l’Université de Sorbonne, Paris
IV. Les trois parties de ce recueil structurées « comme
une présentation des héritages multiples de la
région » permettent la découverte de la spécificité du
Banat par l’intermédiaire des études historiques, des
approches littéraires, des analyses anthropologiques et
sociologiques, ainsi que par des textes d’anthropologie,
des nombreux entretiens et d’une riche iconographie.
La première partie de ce fécond croisement
interdisciplinaire intitulée « Pour une approche
historique » porte le regard du lecteur vers les
innombrables facettes thématiques de la dimension
mythique du Banat. L’étude intitulée « Banat impérial »
qui ouvre cette partie, tout en étalant une abondante
liste de données historiques et géographiques – comme
celles faisant référence à sa position symbolique de
« pays entre les rivières », à la conquête ottomane et
bien évidement à l’époque impériale et aux
conséquences majeures que cela a apporté à cette
province –, met l’accent sur la mixité ethnique,
linguistique et confessionnelle de la région. Elle dévoile
un Banat qui, suite à sa conquête par l’Empire des
Habsbourg et sa colonisation a connu des puissants
transformations et changements. L’étude « A la
recherche du Banat perdu » place le lecteur en posture
de « voyageur innocent, parti à la découverte de
mondes nouveaux ou désireux d’explorer des contrées
inconnues ou exotiques ». Son parcours traverse la
province de Banat depuis son rattachement à l’Empire
des Habsbourg jusqu’à nos jours. Plusieurs
interprétations liées aux origines et au sens du nom
« Banat » seront considérées en rapport avec des
nombreux éléments qui font référence au processus de
construction identitaire de la population de cette région.
Une autre recherche qui retient notre attention porte
sur le « Plurilinguisme et l’interculturalité aujourd’hui ».
Conservé depuis presque deux siècles, le multilinguisme
constitue pour la région du Banat « une richesse
appartenant à tous les habitants de la région », mais
aussi « un moyen permettant de rapprocher les
hommes entre eux, et il a engendré de nombreuses
interférences (culturelles et religieuses) ». L’auteur
souligne à la fin de cette étude le rôle majeur joué par
l’interculturalité dans la région et l’importance majeure
de la connaissance et de la préservation du patrimoine
multiculturel afin de « favoriser les relations entre les
peuples, au niveau des individus et des communautés,
ainsi que le respect pour la culture et pour la diversité
culturelle ».
« Confluences littéraires », le deuxième axe
thématique de cet ouvrage, renforce par les analyses
littéraires dont il participe – la « cartographie de la
littérature roumaine du Banat », l’ « Insularité des
écrivains germanophones du Banat », des « repères sur
la littérature hongroise du Banat » –, les traits de la
réalité plurilinguistique qui marque quotidiennement
d’une manière manifeste l’interculturalité dans la région
de Banat. Les analyses littéraires faisant l’objet de cette
partie de l’ouvrage mettent en relief le panorama de la
production littéraire du Banat durant presque deux
siècles en soulignant finement les particularités de la
littérature roumaine, allemande, hongroise, serbe,
slovaque ainsi que les noms emblématiques qui ont
contribué à la vie culturelle de cette province.
Enfin, la troisième partie de l’ouvrage « Mémoire
et reconstruction identitaire » participe, par la
profondeur des analyses réunies, à la reconstitution des
facettes identitaires par de nombreuses images de la
région de Banat qui mettent en scène ses légendaires
habitants, les « Banatais ». Une première recherche
révélant « l’imaginaire identitaire Banatais » s’empare
de la problématique de l’identité par le biais de
l’imagologie dans une optique d’ouverture
interdisciplinaire. L’illustration des « facettes d’une
identité réinventée » est esquissée dans une deuxième
étude à travers les coutumes et les traditions du Banat
comme « l’expression d’un fort désir d’affirmation
identitaire ». Une autre analyse remarquable est celle
224 Notes de lecture
dont l’objet d’étude porte sur des récits de la mémoire
au niveau social, ethnique et culturel de la région de
Banat.
Pour conclure, sur les récits de mémoire de
« cette province de la tempérance, de l’ordre et de la
discipline, cet ancien Eldorado du Sud-est de l’Europe
centrale, que l’histoire a placé tant de fois aux
périphéries », il me semble nécessaire de souligner que
ce voyage parcouru à travers de « portraits collectifs au
niveau de l’imaginaire nous aura permis de mieux
comprendre les ressources d’une communauté, qui aux
prises avec une histoire ingrate a su élaborer de
véritables stratégies identitaires de conservation des
valeurs héritées ».
Stefan BRATOSIN
IUT Tarbes, LERASS, Université Paul Sabatier de Toulouse
Gabriel CHEROIU, O istorie a literaturii cinegetice
române (Une histoire de la littérature cynégétique
roumaine), vol. 2, Scripta, Bucarest, 2007, 216p.
Ce deuxième volume du triptyque tiré de la thèse
de doctorat de Gabriel Cheroiu restitue les résultats
d’une recherche d’exception, non seulement par son
fonds d’originalité, mais également et surtout par sa
qualité enrichie à chaque page avec l’adition intarissable
d’argumentations mettant en exergue les détails d’un
terrain fascinant. Le prix du Conseil International de la
Chasse et de la Conservation du Gibier (C.I.C.) qui a
récompensé ce travail de recherche en est d’ailleurs le
signe manifeste de sa reconnaissance internationale.
L’ouvrage regroupe, en considérant l’espace
géographique d’une vallée des Carpates – Valea
Frumoasei –, les analyse d’un étude portant sur cinq
grands auteurs de la littérature roumaine et tout
particulièrement de la littérature cynégétique : Ionel
Pop, Mihail Sadoveanu, I. Al. Bratescu-Voinesti,
Constantin Rosetti-Balanescu, Ion Agârbiceanu. Ce choix
est la reprise et la transposition en termes
méthodologiques de la réalité d’un territoire dont les
déterminations originelles de ses rapports avec la
littérature cynégétique demeurent, néanmoins, en dehors
des préoccupations du chercheur, même s’il s’interroge
dès le départ sur la production du sens culturel
inéluctablement attachée à cette vallée. Une deuxième
constante méthodologique qui caractérise la recherche
dont fait état l’ouvrage est le recoupement systématique
entre les données bibliographiques et les données
biographiques des auteurs étudiés. L’idée poursuivie est
de mettre en évidence et de contextualiser le passage
du sens emprunté par les médiations en acte fondatrices
d’une œuvre cynégétique.
Ainsi, au croisement d’une œuvre considérable –
qui rassemble les textes publiés dans la revue
« Carpatii » (Les Carpates) ou dans d’autres
publications périodiques, ainsi que dans les vingt-deux
volumes – et d’une biographie presque centenaire,
Gabriel Cheroiu tâche, dans une sorte de mémorial de
la « mobilité intellectuelle », distinguer en Ionel Pop le
chasseur et la bête. Plus exactement, les interrogations
de Gabriel Cheroiu en rapport avec le caractère
profondément cynégétique des écrits d’Ionel Pop sont
transmuées en interrogations de nature sociopolitique
avec des graves résonances anthropologiques. L’avocat
qui chassait le gibier et qui immortalisait par écrit ces
instants de chasse connaîtra, suite aux changements
politiques d’après la Deuxième Guerre, la destinée de la
bête chassée avec un douloureux passage par la prison
d’où il sortira, certes, vivant, mais – selon ses propos
– sans pouvoir jamais s’accommoder « à l’atmosphère
et aux moeurs d’aujourd’hui ».
Monument de la littérature roumaine, Mihail
Sadoveanu fait l’objet du deuxième chapitre de
l’ouvrage. Si l’ordre des choses apparaît ici presque
comme une donnée préalable – « d’abord a été la
chasse et ensuite est venue la littérature » – dans
l’expérience sadovenienne, la préoccupation de Gabriel
Cheroiu est de mettre à l’épreuve l’hypothèse du rôle
existentiel formateur de la chasse en tant que rite de
passage initiatique tel que Mihail Sadoveanu l’indique
lui-même : « J’étais un artiste qui cherchait ses sujets
exclusivement dans mon environnement et tout
particulièrement dans la nature ; les savoirs qui
viennent avec le temps, les expériences et la culture me
manquaient ; (…) l’homme social qui existait en moi
Notes de lecture 225
était encore à ses commencements ; plus tard cet
homme a réalisé graduellement son évolution ; car
chacun d’entre nous réitère dans son être physique et
moral l’évolution de l’humanité. Après plus de trente
ans seulement, je suis arrivé, je pense, à l’initiation ».
La clé pour entrer dans l’œuvre cynégétique signée
par I. Al. Bratescu-Voinesti – étudié dans le troisième
chapitre de l’ouvrage – est trouvée par Gabriel Cheroiu
dans la réponse à la question du sens même de la
chasse. Pour cet auteur, la chasse n’est ni
contemplation fondatrice d’études éthologique, ni rite
d’initiation formateur et socialement intégrateur, mais
tout simplement spectacle. Cette ouverture est
doublement opérationnelle. Elle pose, d’une part, le
problème de la mise en scène rattachée au spectacle.
D’autre part, elle pose le problème du public, problème
structurant dans la compréhension non seulement du
spectacle, mais également de l’acte d’écriture et de
l’œuvre.
Avec l’étude consacrée à Constantin RosettiBalanescu – le quatrième chapitre –, Gabriel Cheroiu
décline en termes socio-anthropologiques frappés en
filigrane des nostalgies crépusculaires indiciblement
politiques, un autre filon de la littérature cynégétique
roumaine : la tradition familiale. La chasse – avatar
d’un héritage ostensif vécu symboliquement comme un
accent existentiel vindicatif refoulé, écho d’un ingrédient
de vie aristocratique – fait émerger l’œuvre. Dans ce
contexte, l’écrit – comme l’a souligné Michel de Certeau
– c’est la mort, une mort où la mort de l’animal n’est
que le signe présagé de la mort de la parole.
Enfin, dans le dernier chapitre de cet ouvrage,
l’auteur met en évidence à travers un nombre
impressionnant d’exemples, la dimension cynégétique de
l’œuvre littéraire d’Ion Agârbiceanu. Cette multitude
d’exemples ne relève certainement pas du style, mais
d’un besoin épistémologique évident. La dimension
cynégétique dans les écrits d’Agârbiceanu est, d’une
manière générale, peu connue et, également, peu
interrogée dans les travaux portant sur ces écrits. Or,
Gabriel Cheroiu voudrait élucider cette absence d’intérêt.
Pour cela, une fois encore, il va croiser la bibliographie
de l’auteur étudié avec sa biographie. L’hypothèse
formulée est celle de l’activité professionnelle
d’Agârbiceanu qui était prêtre et qui participait aux
sorties cynégétiques, mais sans fusil. Ceci explique
pourquoi « dans les pages d’Ion Agârbiceanu, les scènes
qui finissent par la mise à mort de l’animal sont rares.
Même lorsqu’il s’identifie explicitement avec un
personnage avec fusil, l’auteur garde sa douceur
pastorale ».
Sans aucun doute, cet ouvrage issu d’une
recherche déployée sur une dizaine d’années est, dans
la matière, une référence incontournable.
Stefan BRATOSIN
IUT Tarbes, LERASS, Université Paul Sabatier de Toulouse
Stéphanie LACOUR (dir.), La Sécurité aujourd’hui
dans la société de l’information, Paris, l’Harmattan,
2007, 280p.
L’ouvrage « La Sécurité aujourd’hui dans la société
de l’information » s’efforce d’apporter quelques réponses
aux questionnements suscités par le concept de sécurité,
ainsi que sur la place qu’elle occupe aujourd’hui dans la
société de l’information. Il approfondit plusieurs
thématiques interdisciplinaires complexes de la société
de l’information, « parfois philosophiques ou
épistémologiques (la chose informationnelle, la notion
d’écrit électronique), parfois très techniques, que ce mot
s’applique à l’informatique ou au droit (le tatouage
numérique, l’interopérabilité, ou encore l’administration
électronique) ».
Ainsi, la première réflexion thématique – « La
chose informationnelle » – engage dans la discussion
une série d’interrogations sur les modes de régulation
de l’information et ses outils, la responsabilité du
« fait » du stockage de l’information sur internet, le
développement d’une administration, de même que sur
l’équilibre de régimes de responsabilité. L’ouvrage
convoque dans cette partie un ensemble d’observations
sur la société de l’information qui, selon lui, « engendre
chaque jour de nouveaux procédés, mais aussi de
226 Notes de lecture
nouveaux risques, que le droit se doit de prendre en
considération, auxquels il doit s’adapter ». Par
conséquent, un autre regard dont participe logiquement
cette première partie de l’ouvrage est celui qui
considère l’univers des technologies informatiques et qui
« est de plus en plus souvent appelé en renfort pour
l’application de certains règles de droit ».
Dans la même perspective de nature juridique, une
deuxième problématique de l’ouvrage porte sur « le
droit de la biométrie entre sécurité et liberté ». Le
questionnement envisage ici l’identification des repères
pour la constitution « d’éléments permettant de
caractériser un système biométrique » ainsi que les
différentes modalités biométriques. A ce titre les
interrogations visent principalement les techniques
d’identification biométriques, sur le rôle de régulation
de la Commission nationale de l’informatique et des
libertés (CNIL) en matière de protection de données
biométriques ainsi que le vaste domaine couvert par le
sujet de la lutte contre le terrorisme et la protection
des libertés.
Les problématiques interdisciplinaires formulées
dans la troisième partie – « Preuve, l’archivage et la
conservation électroniques » – vise l’élaboration de
réponse concernant « l’une des formes possibles des
interactions entre les techniques informatique et
juridique ». Dans cette démarche, « les conciliations
liées aux mesures techniques de protection des œuvres
de l’esprit » apparaissaient comme des éléments
incontournable de la réflexion.
Enfin, une quatrième thématique et partie de
l’ouvrage réunit des analyses en rapport avec les aspects
juridiques,
économiques
et
techniques
de
l’interopérabilité de la société de l’information. Dans la
quête d’une définition du concept de l’interopérabilité, il
est signalé qu’ « à l’heure actuelle, … bien que le
concept soit de plus en plus reconnu, il ne dispose
cependant d’aucune définition officielle tant sur le plan
juridique que technique ». D’où la nécessité, dans cette
recherche conceptuelle, d’une part d’apporter des
éléments de réponses aux problématiques de définition
de la notion de l’interopérabilité et, d’autre part, de
saisir le sens de ce phénomène complexe en considèrent
systématiquement son contexte. Le deuxième axe
participant de cette thématique concerne une mesure
technique de protection de contenus numériques, celui
du tatouage numérique. Un dernier axe lance plusieurs
« pistes de réflexion autour de la notion
d’interopérabilité à travers les enseignements de
l’économie, de la comptabilité et de la
standardisation ».
En conclusion, retenons tout simplement que par
la « diversité des points de vue et des échanges
auxquels ils ont donné lieu, cet ouvrage est le miroir
des contradictions et des discussions », mais aussi « le
résultat tangible de ces discussions sur le droit positif et
celui qui est en train de se construire pour la société
de demain ».
Alina ROMASCU
IUT Tarbes, LERASS, Université Paul Sabatier de Toulouse
Stefan BRATOSIN, La concertation dans le paradigme du
mythe. De la pratique au sens, Peter Lang, Berne,
2007, 268p.
L’ouvrage de Stefan Bratosin est une tentative de
translater les concepts de mythe, symbole, forme
symbolique de la philosophie d’Ernst Cassirer dans le
champ des sciences de la communication. Pour réaliser
ce projet, l’auteur commence sa démarche par le rôle
d’objectivation de l’expérience collective du mythe, qui
renvoie à un moment essentiel du devenir de l’homme,
le moment où il commence à s’interroger sur le sens de
ses actions, dépassant ainsi le niveau inconscient et
instinctif de son existence.
Le concept clé sur lequel s’édifie l’argumentation
de l’auteur est la forme symbolique, comme système de
signes capable de répondre à un critère d’applicabilité
universelle. Dans ce sens, la concertation n’est pas une
forme symbolique dans le sens classique cassirerien,
mais elle participe de la fonction symbolique. La forme
symbolique est caractérisée par trois « couches » de
sens ou modes de compréhension de la réalité : la
représentation, l’expression et la signification, qui
correspondent à trois actions communicationnelles :
Notes de lecture 227
donner une figuration, créer un(des) monde(s) et
construire des symboles. La dimension représentative est
analysée à travers les médiums par lesquels la
conscience mythique acquiert la cohérence : le temps,
l’espace et le nombre, tandis que l’expressivité s’appuie
sur les topoï du discours du monde de la concertation :
le croyable, le mémorable et le primitif. La construction
des symboles se traduit dans des actes spécifiques :
d’identification, de comparaison, de différenciation,
d’attribution et d’estimation.
La deuxième partie du livre établie le cadre
méthodologique nécessaire à l’interprétation pour la
compréhension de la concertation dans le paradigme du
mythe, voire une surcompréhension propre d’une
démarche herméneutique de la concertation. On y
retrouve l’histoire d’une méthode de recherche dans les
sciences sociale, l’herméneutique, dès ses racines
antiques, en passant par « les pères fondateurs »,
Schleiermacher et Dilthy, jusqu’à la polémique de
Gadamer et Habermas et la synthèse ricœurienne qui
s’appuie sur le passage du texte à l’action. Dans ce
contexte théorique, la concertation considérée comme
action sociale est une « œuvre ouverte » dont la
signification est en suspens. L’auteur propose la mise en
perspective de la concertation en tant que signe, ce qui
renvoie à la mise en évidence justement de la fonction
symbolique de la concertation dans ses trois dimensions,
représentative, expressive et significative. Accéder à la
concertation, c’est-à-dire ouvrir le dialogue social, c’est
mettre son sens en suspens, donc la lecture de la
concertation reste toujours une construction inachevée.
Considérant qu’on peut au moins supposer (sinon
démontrer) qu’il existe un mythe de la participation, la
concertation devient un mythe à l’œuvre dans un autre
mythe, ce qui conduit à une hypothèse de la
participation comme forme d’interprétation. Cela veut
dire que, d’une part, la participation a une forme qui
s’apparente à l’interprétation et, d’autre part, la
participation donne une forme à l’interprétation, elle la
modèle et la structure. La participation à la
concertation peut être conçue comme une sorte de
triple lecture : lecture du sens existent, lecture
constitutive du sens et lecture re-constructive du sens.
La troisième et dernière partie du livre construit le
contexte pratique de la concertation, dans trois
dimensions : la technique, l’homme et l’effectuation. La
technique renvoie à la méthode, l’opérabilité, la
technologie et elle est comprise comme un outil, dans
ses dimensions magique, de médiateur et d’instrument
dans la construction de l’image du monde. La dimension
magique renvoie à la croyance dans la puissance
magique de la concertation, qui doit avoir de bons
résultats, tandis que le rôle médiateur, assez évident et
propre à la concertation, est dirigé vers
l’accomplissement des buts communs. L’idée de la
concertation en tant qu’instrument pour la construction
et la modification du monde ou de l’image du monde
repose sur le devoir et l’investissement personnel. Un
exemple en est la compréhension de la participation
comme partie essentielle des valeurs de la démocratie
sur lesquelles on édifie « le monde de demain ». Les
tactiques, entendues dans le sens cassirerien de
pratiques rassemblées par la pensée mythique autour du
mot magique, du rite et de la prophétie ou de l’art
divinatoire, se retrouvent dans la concertation justement
autour de ces trois axes : la concertation comme mot
magique, les rites de la concertation et la prophétie
avec sa fonction de stimuler l’imagination des gens,
notamment sur les risques qui planent sur nos sociétés.
La prise en considération de l’homme (toujours
dans la vision cassirerienne, comme animal symbolique)
dans trois dimensions essentielles, symbolique,
émancipatrice et agonique équivaut à une interprétation
anthropologique de la concertation.
L’effectuation de la concertation commence par le
passage de la simple participation passive à l’agissement
symbolique, visant la composition d’un événement social.
Une des formes possibles de l’effectuation est la
formulation verbale. Il y a trois caractéristiques
communes avec la pratique mythique du langage
spécifique à la concertation : l’appropriation de la
parole (ouvrir la parole, par exemple, est synonyme de
pouvoir), l’externalisation de la voix et le silence (la
croyance des gens que dire signifie agir, dans ce sens
de changer en mieux leur quotidienneté) et l’harmonie
du concert (la mise en scène d’une polyphonie
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harmonieuse de l’intérêt, de la volonté, de la
connaissance des acteurs en concert).
A la fin de la démarche argumentative, l’auteur
conclut que la concertation dans le paradigme du mythe
est avant tout « une mise à l’épreuve des bases
théoriques pouvant fonder dans le champ des Sciences
de l’Information et de la Communication une théorie de
l’herméneutique critique comme méthode de recherche
aux croisements des chemins arpentant les sciences
humaines et sociales et tout particulièrement à un
croisement connu et déjà appelé sémio-anthropologie de
la communication ».
Nicoleta CORBU
Faculté de Communication et Relations Publiques, Ecole
Nationale d’Etudes Politiques et Administratives,
Bucarest, Roumanie

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