Le canari du nazi : essais sur la monstruosité

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Le canari du nazi : essais sur la monstruosité
Le canari du nazi : essais sur la
monstruosité
GENCOD : 9782746734111
PASSAGE CHOISI
Introduction de Michel Onfray
Le canari du nazi
Chaque année, l'Université populaire de Caen propose de se décentraliser au théâtre du
Rond-Point. J'aime ce paradoxe girondin... Le maître des lieux, Jean-Michel Ribes, nous a
donc accueillis une saison pour réfléchir à un thème de son choix : «Qu'est-ce qu'un monstre
?» Paris était le lieu idéal pour croiser les réflexions sur la question de la monstruosité comme le zoo l'est pour penser la condition carcérale des animaux.
Gérard Poulouin ne croit pas si bien dire quand il écrit pour ouvrir ce volume collectif : «Nous
sommes entourés de monstres.» Le pire n'est pas que le monstre le soit, mais qu'il n'ait pas
toujours la tête de l'emploi. D'ailleurs, il n'a presque jamais la tête de l'emploi... Quand il
ressemble à ce qu'il est, la chose devient facile. Mais la plupart du temps, le monstre arbore
une figure humaine... Il pourrait même enseigner à l'Université populaire, voire exceller dans
l'enceinte de l'UP et faire partie de ceux qui montrent de l'habileté à traquer le monstre
partout où il ne se trouve pas pour mieux éviter de le voir là où il est. La monstruosité
emprunte ce genre de chemins tortueux...
Le monstre peut être incarné tout entier dans une figure reconnaissable (le parricide,
l'incestueux, le criminel, le pédophile, le dictateur, le violeur, le traître, le communiste pour le
fasciste, le fasciste pour le communiste, le terroriste, aujourd'hui le djihadiste...), mais il peut
également être moins repérable parce que dilué dans le labyrinthe d'un être banal. La
monstruosité se love alors dans les parties gangrenées de la totalité d'un être. Tout dépend
de la grosseur de ces tumeurs...
J'ai connu ce genre de monstre, souriant, avenant, hâbleur, beau parleur, avant de découvrir
que le sourire était le rictus découvrant les dents avant qu'elles se plantent dans la chair de
l'innocent et de me rendre compte que le caractère affable s'apparentait à l'hypnose du
serpent qui obtient par la séduction la chute de l'oiseau dans lequel il va planter ses crochets
venimeux. Il parlait de Spinoza comme un livre et accumulait dans sa vie un catalogue de
perversions dignes de l'imagination déréglée de Sade !
Les variations sur le thème du monstre sont multiples : monstres littéraires,
cinématographiques, architecturaux, monstres décoratifs, monstres historiques,
mythologiques, monstres bruns et monstres rouges, monstres de contes de fées et monstres
de chair et d'os, monstres pour les païens, monstres dans la pierre médiévale ou monstres
dans la peinture décadente, monstres présentés comme divins, monstres humains, monstres
politiques ici et maintenant - nous ne manquons pas de voies d'accès à l'éternelle
monstruosité des hommes.
Prenons garde à ne pas proposer une définition définitive du monstre : celui-ci l'est pour l'un,
alors qu'il est un héros pour l'autre - les pourvoyeurs de guillotine en 1793. L'un le fut en son
temps, mais ne l'est plus - le Turc Ali Agca qui a tiré sur Jean-Paul II, aujourd'hui converti au
christianisme. L'autre ne le fut pas de son vivant, mais l'est devenu - l'ancien résistant Robert
Faurisson passé dans le camp négationniste et révisionniste. Celui-ci l'a été dans une partie
de sa vie, mais ne l'était pas dans le restant - Staline, père de famille tendre. L'ange de jour
auquel on donne le bon Dieu sans confession s'avère la nuit être un diable sans foi ni loi - la
ribambelle de curés pédophiles. Je n'oublie jamais qu'après une journée de «travail» à
préparer et assurer l'intendance de la solution finale, Himmler ôtait ses chaussures en
rentrant chez lui à une heure tardive... pour ne pas réveiller son canari endormi ! Cette image
me hante souvent - elle m'aide à comprendre certains hommes...
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