Thierry Roquefeuil, président de la FNPL, 72ème congrès. Le 17

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Thierry Roquefeuil, président de la FNPL, 72ème congrès. Le 17
Thierry Roquefeuil, président de la FNPL, 72ème congrès.
Le 17 mars 2016,
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le ministre,
Messieurs et mesdames les parlementaires,
Chers collègues,
Chers amis…
Notre 72ème congrès se tient dans un contexte extrêmement difficile pour les
producteurs de lait. Cela fait presque un an que nous sommes dans l’œil du
cyclone de la crise… et que nous en subissons tous les dégâts collatéraux. Et ils
sont nombreux.
Merci au département du Rhône de nous avoir accueillis si chaleureusement ;
Ce département où la diversité des productions agricoles rime avec l’excellence
des produits qui en sont issus. Un bel exemple de réussite, à force
d’implications, de travail, de détermination. Toutes ces valeurs qui doivent
nous rassembler. Merci aussi aux présidents de la section laitière, Cyril Poncet ;
au président de la FDSEA, Vincent Pestre et de la chambre d’agriculture, Gérard
Bazin, sans oublier Pascal Girin. Votre réactivité a été exceptionnelle.
Cette crise que nous subissons n’est pas seulement économique et donc
conjoncturelle. C’est une crise qui hélas devient sociale et donc structurelle, du
fait de son ampleur en intensité et en durée. Elle dépasse les seules frontières
françaises. Cette crise est également le reflet de l’impuissance de l’Europe,
mais j’y reviendrai…
Cette crise remet en cause nos modèles d’exploitation, d’organisation, de
filière et surtout nos valeurs de solidarité et de responsabilité. Elle nous remet
aussi logiquement en cause, nous, les syndicalistes.
Alors, monsieur le ministre, si vous êtes malmené, sifflé … sachez que tous les
responsables qu’ils soient syndicalistes ou politiques sont sur le grill ! Nous,
nous préférons être sifflé que mettre la clé sous la porte. Nous avons tous des
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comptes à rendre. Moi, c’est en Assemblée générale aujourd’hui, et tous les
jours de l’année à mes adhérents producteurs de lait et vous, monsieur le
ministre, c’est aujourd’hui aussi et tout au long de l’année pour les agriculteurs
dont vous avez la charge !
Tout n’est pas de la responsabilité de l’Europe : nous avons aussi à balayer
devant notre porte… celle de cette belle filière laitière française riche de
talents, symbole de qualité et de diversité. Je crains que cette France laitière
dont nous sommes fiers devienne rapidement une image d’Epinal. Rien n’est
plus grave que de laisser la détresse paysanne s’amplifier. La politique de la
terre brulée est suicidaire. Qui peut sérieusement penser que tout ira mieux
avec moins de producteurs de lait sur notre territoire ? Car tel est l’enjeu. Ce
n’est plus de la restructuration mais de la destruction.
Ce qu’on a mis des années à construire peut être balayé. Cette crise est un
tsunami. Nous n’en sommes qu’à la première vague. Nous avons la
responsabilité d’enrayer les répliques.
La crise nous tue monsieur le ministre. Cette crise de l’élevage tue ceux dont
vous avez la charge.
Non ! Les éleveurs laitiers ne sont pas chroniquement en colère, ni
génétiquement victimes. La détresse des éleveurs laitiers est réelle.
Pourtant, force est de constater que la crise ne vaut pas pour tout le monde !
Les opérateurs économiques de l’aval s’en sortent globalement très bien. Je
veux parler des entreprises et des distributeurs. Pour eux, c’est grand beau
avec un ciel dégagé. Le fait que de gros nuages de pluie, de neige et
maintenant de grêle s’acharnent sur le premier maillon de la filière, n’a pas l’air
de les perturber beau coup. Ils profitent du soleil, bénéficiant sans état d’âme
de l’effet d’aubaine que représente un prix du lait payé aux producteurs en
baisse depuis 2015. J’admets que les cours mondiaux des produits industriels
les pénalisent aussi. Mais, il n’y a qu’à regarder les comptes des entreprises
cotées en bourse. Epoustouflant l’argent que l’on peut gagner dans la filière
laitière française. Le marasme économique n’est pas pour tout le monde…
Même ceux qui ne publient pas leur compte, nous savons parfaitement qu’ils
se portent bien. Alors, ce serait bien le moins que les entreprises laitières
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soient dans l’obligation de publier leurs résultats. La transparence dans une
économie libérale n’est pas optionnelle ! Elle est obligatoire.
Soyons clair ; je préfère des entreprises qui gagnent de l’argent plutôt que des
transformateurs obligés de faire des plans d’économie. Gagner de l’argent,
c’est le but de toute entreprise mais pas au détriment des fournisseurs. Je ne
vois pas pourquoi le levier de compétitivité de nos entreprises est
immanquablement l’amont de la production. En fait, il nous faut être
compétitif pour deux, nous les producteurs ! Pour nous et pour permettre aux
entreprises de l’être. Beau challenge !
Alors ; qu’on cesse une fois pour toute de mettre en doute la performance
économique des producteurs de lait. De quoi parle-t-on ? Dans un monde
mondialisé et libéralisé, on trouvera toujours quelqu’un de plus compétitifs
que nous. Je parle pour les éleveurs mais aussi pour les entreprises.
Par exemple, la semaine dernière nos collègues néozélandais se plaignaient du
« trop de lait » produit en Europe. Ne seraient-ils plus compétitifs ?
C’est tout l’objet du témoignage que nous a apporté Denis Verdier que je
remercie. J’en profite aussi pour saluer tous les intervenants de ce congrès qui
nous ont fait partager leurs expériences et leurs réflexions.
On est réuni, ici, pour se parler franchement. Je salue d’ailleurs les
représentants des entreprises laitières. Leur présence est courageuse en ces
temps perturbés. Merci aussi à Damien Lacombe pour sa participation à la
table ronde de ce matin. La toute récente signature de cette charte de la FNPL
par Sodiaal avec une seule enseigne de la distribution, me réjouis même si
quatre mois de réflexion, c’est long avant de franchir partiellement le pas.
Toutefois, je ne saisis pas la raison qui pousse Sodiaal à ne pas signer la charte
dans sa globalité comme l’a fait Eurial. Combien de producteurs de lait ont été
acculés à mettre la clé sous la porte pendant ces 4 derniers mois ?
J’entends l’argument de la coopération laitière qui nous rappelle sans cesse
qu’elle collecte des producteurs en zone difficile. Mais cet effort est
normalement compensé par les accords de collecte. Si ce n’est pas le cas,
arrêtons ces accords de collecte ! Mieux encore donnons cette responsabilité
aux Criels !
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Ce serait donc toujours la même histoire ; le maillon de la production que
certains transformateurs n’hésitent pas à qualifier de « faible » qui devrait se
restructurer pour permettre l’essor des entreprises en France voire en dehors
de nos frontières. J’ai lu récemment dans un grand quotidien économique
qu’une entreprise laitière française avait comme ambition d’«éduquer » ses
producteurs.
Non messieurs les transformateurs, nous n’allons pas retourner sur les bancs
de l’école ! Nous ne sommes pas des rebelles ! Le syndicalisme que je défends
est éduqué. Preuve en est ; il sait se faire entendre, il sait revendiquer et il sait
proposer.
La FNPL, c’est une équipe, que je tiens à saluer et à remercier pour son
implication. Toutes nos propositions, que ce soit le pacte laitier, la charte
laitière de valeurs, la ferme laitière bas carbone, ont été inventées et portées
de manière collégiale, par tous.
Qui a oublié la catastrophe de Tchernobyl, lorsqu’on nous expliquait que les
nuages radioactifs n’allaient pas passer la frontière entre la France et
l’Allemagne ! La vérité finit toujours par éclater. Il ne peut pas, sur le long
terme, y avoir un micro climat favorable pour les entreprises laitières et un
cyclone dévastateur pour les éleveurs laitiers. Le temps va passer au gris pour
tous les acteurs de la filière. Est-ce cela que l’on souhaite ?
Je m’y refuse. Car c’est toute notre filière laitière à la française, riche de sa
diversité, de l’excellence de ses produits et de ses modèles d’exploitation qui va
être impactée négativement. On ne fait pas 1 000 fromages en vidant nos
territoires. La disparition des éleveurs laitiers est à redouter dans les zones
difficiles avec un double risque : la déstructuration de toutes les filières
laitières spécifiques (de montagne entre autres) que nous avons mis des
années à construire et la mise à mal de la dynamique économique et sociale de
ces terroirs si spécifiques.
L’impact social de notre production laitière est très fort. Sans nous, ces
territoires deviendront des « no man’s land ».
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Vous le savez, monsieur le ministre, un producteur laitier qui quitte la
production n’y revient jamais. C’est sans retour.
C’est pourquoi, le prix du lait ne peut pas seulement être la résultante d’une
équation économique trop souvent opaque. Dans notre prix du lait, il y a
toutes les externalités positives que nous produisons par notre travail. Cette
valeur -ces valeurs devrais-je dire- captées par l’aval de la filière doivent nous
revenir. Nous avons de l’or blanc entre les mains. Soyons innovants,
visionnaires, créons nos propres débouchés en segmentant notre offre, misons
sur la typicité de nos territoires. Voyons loin. La ferme laitière française est une
référence dans le monde. Et si on créait une signature « ferme laitière
France » ?
La France aux 1000 fromages, c’est nous ! La France laitière riche de la
multiplicité de ses produits et de ses territoires ruraux, c’est nous ! La France
laitière qui affiche une balance commerciale positive ( 3,7 milliards) avec plus
de 400 000 emplois à la clé, c’est encore nous !
N’oublions pas qui fait le lait, comme le reprend la campagne de
communication que vous avez sans doute vue dans les journaux et à la
télévision.
Derrière chaque ferme laitière, il y a des femmes et des hommes passionnés,
qui ne demandent qu’à continuer à exercer leur activité, et à la développer en
maintenant leur capacité d’investissement et d’innovation.
La finalité de tout ce que la FNPL entreprend, vise à ce que les producteurs de
lait aient un prix qui leur permette de vivre de leur activité.
Vous le savez, je défends un syndicalisme de proximité qui agit au quotidien
pour améliorer la vie des éleveurs laitiers. Le combat de la FNPL est la défense
du revenu des producteurs de lait et de toutes ses composantes.
A ce titre, l’année 2015 a été difficile, rude et mobilisatrice. La crise laitière
s’est hélas invitée avec violence dans notre quotidien. L’année 2016 s’annonce
comme une réplique de 2015. Nous restons mobilisés. Il ne faut rien lâcher.
Nous voulons un prix du lait qui nous fasse vivre.
Un prix du lait juste !
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Notre métier a un prix, notre lait une valeur !
La « charte laitière de valeurs » initiée par la FNPL, s’inscrit dans cet unique
objectif. Il ne s’agit pas de s’affranchir des lois du marché mais de faire mieux
dans le marché. C’est possible.
On aura entendu tout et son contraire sur cette charte. Comme souvent, la
vérité est plus simple.
Pour agir sur le prix du lait payé aux producteurs, la seule solution est de
provoquer une prise de conscience de l’aval de production (transformateurs et
distributeurs). Cette prise de conscience doit se traduire concrètement par une
implication financière volontaire. Cela s’appelle avoir le sens de la
responsabilité et de l’intérêt commun. Cela veut dire aussi que nous,
producteurs, savons que le consommateur est un allié.
On ne décrète pas un prix du lait, ni moi, ni vous monsieur le ministre
L’incantation ne suffit pas.
Les météorologues expliquent, qu’à l’origine de tout déchainement climatique
il faut qu’une zone perturbée préexiste. Sans être prévisionniste, tout le monde
savait que l’embargo russe allait fortement secouer les marchés laitiers. La fin
des quotas laitiers en Europe allait aussi provoquer un appel d’air. La FNPL a
joué son rôle de lanceur d’alerte sans relâche depuis septembre 2014.
Le prix du lait est un enjeu syndical majeur, incontournable dans un contexte
de crise. La FNPL a pu, grâce à la mobilisation de tous, ramener quelque 120
millions d’euros supplémentaires sur le prix du lait payé pour les producteurs
de lait en 2015. C’est le résultat des engagements de la distribution pris lors
de la table ronde du 24 juillet sous votre égide, monsieur le ministre.
La grande distribution, déjà par la pression que nous avons exercée au cœur de
ses magasins, s’est donc montrée réceptive cet été, à nos arguments. Mieux,
elle a respecté les engagements tarifaires pris lors de la table ronde du 24
juillet aux dires du médiateur des relations commerciales. Ce sont des millions
d’euros qui sont arrivés dans la comptabilité des entreprises. Plus de 300
millions. C’est le bilan qu’en fait le ministère.
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Le calcul est facile ! Nous avons eu de la perte en ligne. Où sont passés les 200
millions qui devaient revenir aux éleveurs laitiers sur l’année 2015.
La grande distribution peut trouver un intérêt à « aider » -je mets des
guillemets- le monde agricole. Ce qui leur assure une paix relative dans leur
magasin ainsi qu’une bonne image ! Mais cette posture est fragile. C’est
pourquoi, nous avons voulu la concrétiser avec la charte laitière de valeurs
pour cette année 2016, dans le cadre des négociations commerciales.
Je veux avancer avec ceux qui souhaitent travailler dans un esprit de solidarité
et de responsabilité, sans naïveté aucune. Notre porte à la FNPL est toujours
ouverte.
L’ambition de cette charte est de remettre de la confiance entre les acteurs sur
le marché intérieur laitier qui doit être un socle. L’objectif est de créer plus de
valeur ajoutée au sein de la filière laitière et ainsi donner aux acteurs les
moyens de pérenniser leur activité tout particulièrement dans un contexte de
crise. Et aussi de continuer à investir, à innover, à inventer.
Deux objectifs sont identifiés dans la charte : « partager équitablement les
risques de volatilité des prix en cherchant des moyens de limiter leurs
fluctuations » et à « mieux informer les consommateurs » sur l’origine du lait.
Monsieur le ministre, vous avez obtenu de l’Europe une expérimentation pour
un an sur l’affichage de l’origine des produits transformés. Sachez que la FNPL
va vous aider dans ce combat. Nous lançons ce jour une opération syndicale de
recensement des SNA (sourcing non admissible).
Les signataires de cette charte s’attachent à rechercher "une valeur
d’équilibre" au lait, permettant aux producteurs laitiers de vivre de leur
activité, tout en tenant compte de la fluctuation des cours des matières
premières. La finalité de la charte est de mieux rémunérer les producteurs de
lait en se basant sur des relations commerciales renouvelées, durables et
transparentes.
Signer la charte prouve son engagement à agir en acteur solidaire et
responsable.
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Les enseignes Auchan, Carrefour, Casino, Intermarché, Leclerc, Lidl, Système U
se sont engagées au côté des producteurs de lait en crise, le 17 février, en
signant la charte.
Je salue les enseignes de la distribution qui ont fait preuve de responsabilité.
J’espère que cela va durer. Difficile pour un opérateur économique de
s’engager à maintenir un niveau de tarifaire équivalent à celui de 2015 tout en
constatant que le niveau du prix du lait payé au producteur est toujours dans
une spirale baissière.
Trois entreprises privées ont formellement signé la charte : la laiterie Saint
Père, la laiterie Saint Denis de l’hôtel, Triballat Rians. Ainsi que deux
coopératives Eurial et Sodiaal, pour partie.
Afin que cette charte, valable une année à la date de signature, profite aux
éleveurs, il est indispensable que tous les transformateurs laitiers la signe.
Ceux qui répètent qu’elle n’est compatible avec le droit de la « concurrence »
mentent. La DGCCRF m’a donné son feu vert !
Les négociations commerciales doivent cesser d’être un sport de combat avec
des règles opaques. Je demande de la transparence. Les éleveurs laitiers sont
transparents. Nous n’avons rien à cacher !
Si l’engagement des acteurs de l’aval ne se concrétisent pas de manière
volontaire, il faudra alors en passer par la loi. La LME (loi de modernisation de
l’économie) doit être amendée avant l’été. C’est ce qu’a annoncé le
gouvernement. On peut imposer, par la loi, aux opérateurs économiques de
négocier, dans le cadre de leurs relations commerciales, sur la base d’un retour
indispensable aux producteurs au niveau du prix. J’y suis favorable si
l’engagement volontaire n’est pas suffisant. Je vous demande donc, monsieur
le ministre, de sanctuariser dans la loi, l’esprit de la charte laitière de valeur. Il
s’agit de transposer au niveau législatif la valeur d’équilibre telle que définie
par notre charte, dans la modification de la LME qui nous concerne.
Pendant le salon de l’Agriculture, le président de la République, le Premier
ministre, le ministre des finances et vous-même avez dit partager les valeurs de
la charte. Dont acte. On ne comprendrait pas que la LME reste en l’état.
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Vous le savez un cyclone ne se créé pas à partir de rien. On ne peut pas tout
mettre sur le dos du dérèglement climatique. J’en prends pour preuve une
interprofession en difficulté. Cela me désole. Cela me met en colère. J’ai
démissionné de la présidence de l’interprofession cet été. Mes mots ont été
durs. J’écrivais le 9 juillet dernier que je considérais impossible de cautionner,
en tant que président du Cniel, cette attitude méprisante de la transformation
alors que j’appelais, déjà depuis de longues semaines, à la responsabilité de
tous les acteurs de la filière. Ce n’est pas à l’interprofession de fixer le prix du
lait mais 9 mois après ma démission, beaucoup reste à faire. Sachez que la
FNPL est prête à faire « mieux » d’interprofession.
Le collège des producteurs du Cniel a su évoluer avec son temps en intégrant la
Confédération paysanne. Avec le phénomène des « anti-lait », il peut être
pertinent d’avoir la grande distribution au sein du Cniel car elle est au contact
direct avec le consommateur. Je souhaite une discussion responsable sur ce
sujet car mon combat n'est pas partisan. Mon objectif est l’intérêt collectif.
J’insiste, la question n’est pas qui entre ou pas à l’interprofession mais plutôt
pour faire quoi ensemble ?
Vous avez dit monsieur le ministre qu’il n’y avait plus d’interprofession laitière.
Sachez que l’interprofession et les collaborateurs qui y travaillent ne sont pas
sans rien faire. Je veux évidemment parler des accords sur la qualité du lait, de
la communication, de stratégie à l’export … mais aussi de la ferme laitière bas
carbone, retenue dans l’agenda des solutions de la Cop 21… qui permet d’allier
performance environnementale et économique.
Dans cette crise, monsieur le ministre, nous avons quelquefois aussi
l’impression qu’il n’y a plus de ministère de l’Agriculture. En effet, les réponses
des Pouvoirs publics montrent leur limites dans la concrétisation des mesures
du plan d’urgence jusqu’à nos fermes laitières. Nous avons sur le terrain, de
vrai problème d’iniquité entre producteurs au niveau du Fac. Il faut rattraper
ceux qui en sont exclus pour des raisons administratives. L’année blanche est
en zone grise. C’est le brouillard… et, sur le terrain, c’est le parcours du
combattant.
On m’interpelle aussi sur le cas des jeunes agriculteurs qui sont l’avenir de
notre métier et qui sont obligés de rembourser les DJA (dotation jeune
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agriculteur) faute d’atteindre leur objectif de résultats ! Ce qui est aberrant en
période de crise.
Le dossier FCO bouge vite comme cette maladie. La vaccination des troupeaux
doit être exemplaire. Il nous faut assez de vaccins, et les vétérinaires signataires
du « pacte laitier » initié par la FNPL doivent nous valider cette certification qui
va permettre d’exporter les veaux sortis de l’exploitation. Le tout ; à un coût
acceptable.
Il faut faire mieux, et plus vite monsieur le ministre. Les banques aussi doivent
faciliter au lieu de complexifier l’année blanche, dans l’esprit du « pacte
laitier » qu’elles ont signé avec la FNPL, il y a plus d’un an.
L’objet « pacte laitier » était de se préparer à la volatilité. Nous y sommes.
Nous sommes dans le dur !
Si la déclinaison du « pacte laitier » de la FNPL ne se fait pas honnêtement
entre nos 14 partenaires (pouvoirs publics, banques, instituts techniques et de
formation…), je vous demande, monsieur le ministre, de mettre en place un
CAF (conseil de l’agriculture française) laitier avec toutes les OPA qui sont dans
notre périmètre. Sinon, j’appelle les producteurs de lait à ne payer que 80 % de
leurs factures ! Alors, monsieur le ministre, vous ferrez des avances de
trésorerie aux OPA !
J’avais demandé, il y plus d’un an, un audit sur la contractualisation.
Rappelons-nous que l’ambition initiale du paquet lait était le rééquilibrage de la
relation commerciale entre producteurs de lait et transformateurs. On en est
loin. Malgré de nouvelles dispositions législatives initiées par la FNPL dans la loi
d’avenir, la relation contractuelle n’est toujours ni équilibrée, ni équitable pour
les éleveurs. Elle nous est même clairement défavorable. Améliorer le dispositif
de la contractualisation est indispensable. Cet audit qui a été rendu, il y a un
mois, présente un nombre de recommandations conséquentes : 32 ! Preuve
que si personne ne remet en cause directement la contractualisation, il y a
encore du travail ! J’en profite pour remercier les auditeurs pour leur
implication.
Nous allons donc procéder par étape. En premier lieu, le décret d’application
de la loi d’avenir prévoyant la mise en place du contrat cadre doit « sortir ». Un
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contrat cadre ne donne pas un cadre aux contrats laitiers, mais c’est une
première étape pour que les OP puissent tendre vers une gestion plus
collective des volumes.
Le contrat est un outil, le contrat-cadre, une boite à outil. Il ne nous manque
plus que l’établi pour faire notre mécano correctement !
Contractualiser sur un mode gagnant–gagnant, ce qui est notre objectif, ne
peut se faire sans aborder le sujet clivant de la cessibilité des contrats et de leur
marchandisation. Les contrats laitiers ont-ils un prix ? Manifestement oui si on
regarde ce qui se passe dans nos campagnes. Vous connaissez mon point de
vue de syndicaliste sur cette question. Les quotas laitiers n’étaient pas payants
en France, contrairement à ce qui se passait dans d’autres pays. Ces quotas ont
été abolis justement parce que leur prix pénalisait la compétitivité des filières
laitières de nos voisins. Se mettre à payer un droit à produire, pénalise en tout
premier lieu l’installation. Ce qui n’est pas acceptable.
A qui la faute ? Certainement pas à l’éleveur. Comme son collecteur ne lui
permet pas de développer son entreprise, il n’a aucune autre opportunité pour
conforter sa ferme que d’acheter du volume disponible dans son bassin de
production. Ce producteur qui achète du volume mise sur l’avenir de son
activité laitière. La limite de la privatisation de la relation contractuelle sans un
cadrage collectif est atteinte. C’est pourquoi, le livre blanc de FNPL plaide pour
des AOP territoriales dont la mission principale est de faciliter la mobilité des
producteurs en lui permettant de contractualiser avec un transformateur en
mesure d’accompagner leur développement. Cette mobilité est garante du
dynamisme de nos territoires ruraux.
Monsieur le ministre, ce délicat sujet nécessite qu’on remette l’église au milieu
de nos villages ! Faut-il en passer par la loi et comment ? La question se pose.
Vous le constatez monsieur le ministre, le syndicalisme est un interlocuteur
exigeant.
Cette exigence vaut évidemment pour l’Europe. Elle doit jouer son rôle
politique et économique.
Nous sommes des producteurs de lait français dans l’Europe. Nous sommes
l’Europe Laitière ! Ne l’oublions jamais !
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Européen convaincu, j’ai pourtant mal à l’Europe comme beaucoup
d’agriculteurs. Ce qu’elle nous donne à voir aujourd’hui, ne me satisfait pas.
Le Commissaire à l’agriculture a eu des œillères face à l’ampleur des difficultés
que subissent les éleveurs français et européens pendant 18 mois. J’ai été,
comme vous, exaspéré d’entendre le Commissaire européen de l’Agriculture
qui est censé représenter le monde agricole n’être absolument pas en phase
avec la réalité du terrain. Il nous a tourné le dos. Sa ligne politique ultralibérale
ne s’est pas infléchie même s’il semble prendre un peu plus conscience du
désastre dont il est en partie responsable.
Pourtant, l’Europe est la principale zone du globe qui puisse répondre à la
demande mondiale en produits laitiers. Dans ce contexte, pourquoi la
Commission laisse les producteurs laitiers européens affronter seuls cette
crise? Que d’atermoiements sur les mesures à prendre. Quant à l’anticipation,
c’est un mot intraduisible pour les fonctionnaires de la commission. Pourtant,
nous avons besoin d’une Europe qui aide, qui oriente, qui invente.
Nous avons besoin d’une vraie politique laitière européenne. Elle est
indispensable et urgente. Elle doit soutenir et orienter.
Actuellement, les pays laitiers européens produisent du lait rémunéré endessous de leurs coûts de production. C’est un constat aujourd’hui partagé.
C’est un constat d’échec. Comme les divisions au sein du Conseil des Ministres
de l’Agriculture européen. Monsieur le ministre, je salue votre tour d’Europe
pour tenter de rapprocher les points de vue avec vos homologues européens.
Je passe aussi beaucoup de temps, à Bruxelles, pour essayer de convaincre mes
collègues syndicalistes.
La réunion du conseil des ministres de l’Agriculture de l’Europe du 14 mars n’a
pas été à la hauteur des enjeux.
La Commission européenne s'est dite disposée à autoriser des réductions
temporaires de la production dans le secteur laitier en crise, une dérogation
provisoire aux règles de la concurrence que réclamait notamment la France.
Sur le principe, on ne peut être que d’accord, mais il se pose le problème des
modalités d’application. Il n’y a pas d’incitations pour les producteurs de lait à
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limiter la production. Cette Europe qui bouge politiquement ne nous donne
aucune assurance, à ce jour, de sortir les producteurs de lait de la crise.
Monsieur le ministre, je comprends votre satisfaction d’avoir quelque peu fait
bouger les lignes politiques de l’Europe. Comprenez que les producteurs de lait
ont besoin rapidement de concrétisations économiques suite à ces annonces
politiques. Il nous faut plus d’euros sur nos factures de lait. Pardon pour mon
pragmatisme, mais la réalité est celle-là !
Nous sommes en phase, à la FNPL, avec votre mémorandum. Mieux, nous
défendons depuis près de 4 ans, un dispositif volontaire de limitation de la
production, en cas de crise. Ce dispositif ouvert aux producteurs et
transformateurs est complété par une incitation financière. Nous ne pouvons
plus raisonner dans une logique de prévention mais bien dans une situation
d’urgence. Il faut rééquilibrer le marché du lait !
L’Europe doit aussi nous aider à préserver notre identité laitière ; celle de la
France mais aussi celle des autres Etats-membres. La banalisation et
l’uniformisation n’ont jamais créé de la valeur. La seule loi du marché n’est pas
une politique. Le marché pour le marché enfreint tous les principes qui ont
fondés l’Europe il y plus de 60 ans.
La négociation bilatérale et le foisonnement de traités spécifiques perturbent
encore un peu plus la vision floue qu’on a de l’Europe. Les 28 pays deviennent
concurrents.
La seule politique commune de l’Europe, la Pac se délite et manque d’ambition.
Nous avons un rendez-vous à mi-parcours qu’il nous faut préparer.
La subsidiarité des Etats membres prend le pas sur une volonté partagée. Pour
preuve ; la contractualisation laitière à la française issue du paquet lait intègre
des clauses volumes dans nos contrats. Les producteurs de lait français ne
peuvent pas produire tout ce qu’ils veulent. C’est déjà une limitation de la
production. Ce n’est pas neutre quand l’Europe se noie dans le lait. Depuis 5
ans, nous produisons pour les marchés rémunérateurs que les entreprises ont
en main. Puisque cette adéquation entre notre offre et la demande ne se
traduit pas par plus de prix, je vous demande un doublement de la prime à la
vache laitière, monsieur le ministre. Voilà une décision qui ne devrait pas
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ajouter encore à notre montagne de dossiers à remplir puisque cette aide
existe déjà. Alors que le gouvernement ouvre le chantier du droit du travail,
j’estime que mon droit est de ne pas travailler pour rien en remplissant des
tonnes de formulaires !
Malgré toutes les difficultés que nous vivons tous au quotidien, il nous
appartient, en tant que syndicalistes de montrer le chemin.
Cette crise laitière doit nous pousser au-delà de nos idéologies respectives.
Il nous faut voir plus loin que la crise,
Nous avons rendez-vous avec notre futur, celui d’une France laitière reconnue
au-delà de nos frontières
Nous devons le construire ensemble,
Ne baissons pas les bras. Nous avons déjà livrés tous ensemble de belles et
justes batailles. Nous avons notre conscience pour nous,
Nous, les syndicalistes réformateurs et responsables,
Je vous remercie,
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