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INSTITUT DE RECHERCHE ET D'ETUDES EN DROIT DE L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION LES LIMITATIONS À LA LIBERTÉ D'EXPRESSION MUSICALE ÉTUDE COMPARÉE (FRANCE – FINLANDE - ANGLETERRE) Mémoire réalisé par Mlle Amandine QUENTON Sous la direction de M. le Professeur Guy DROUOT Master II « Droit des médias et des télécommunications » Parcours Médias Recherche Aix-en-Provence Faculté de Droit et de Science Politique d’Aix-Marseille 2009-2010 1 La faculté de Droit n'entend donner ni approbation, ni improbation, aux opinions émises dans ce mémoire. Les opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur. 2 REMERCIEMENTS : Je tiens à remercier ma famille ainsi que Mlles Clara Hublet, Vanessa Layat et Amandine Bonduelle pour leur soutiens tout au long de la rédaction de ce mémoire ; MM. les professeurs Guy Drouot et Jean Frayssinet pour leurs conseils et orientations dans mes recherches ; Enfin, je tiens à remercier Mme Catherine Bouchet du secrétariat de l'IREDIC pour l'aide, les conseils et le soutiens apporté à tous les étudiants de l'institut tout au long de l'année. 3 TABLE DES ABRÉVIATIONS : AJDA L'Actualité Juridique Droit Administratif ARPP Autorité de Régulation Professionnelle de la Publicité BVP Bureau de Vérification de la Publicité C.E. Conseil d'État CEDH Cour Européenne des Droits de l'Homme CJUE Cour de Justice de l'Union Européenne Cons. Const. Conseil Constitutionnel Conv. EDH Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales CSA Conseil Supérieur de l'Audiovisuel D. Recueil Dalloz DDHC Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen DUDH Déclaration Universelle des Droits de l'Homme TGI Tribunal de Grande Instance UE Union Européenne UIT Union Internationale des Télécommunications 4 SOMMAIRE : INTRODUCTION.......................................................................................................p.6 CHAPITRE 1 : DES CONCEPTIONS DIFFÉRENTES DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION................................................p.17 CHAPITRE 2 : DES LIMITATIONS DIFFÉRENTES À LA LIBERTÉ D'EXPRESSION..........................................................p.50 CHAPITRE 3 : LA LIBERTÉ PAR L'INTERNET ?..................................................................................................p.81 CONCLUSION........................................................................................................p.117 BIBLIOGRAPHIE..................................................................................................p.101 ANNEXES................................................................................................................p.107 TABLE DES MATIÈRES.......................................................................................p.115 5 INTRODUCTION : Dans sa chanson La Mauvaise Réputation, George Brassens disait « La musique qui marche au pas, cela ne m'intéresse pas ». Il comptait ainsi montrer ses sentiments à l'égard de la musique et notamment à ce que celle-ci permet d'exprimer. L'artiste préférait à la musique « conventionnelle » une musique plus engagée voire politiquement dissidente. La musique permet en effet de faire passer toutes sortes de sentiments, que ce soit par les paroles, mais aussi par l'air de musique lui-même. Mais il est également possible d'y exprimer des idées et des opinions, qu'elles soit politiques, religieuses, affectives ou encore, cela peut être un moyen d'affirmer son appartenance à un groupe ou à un peuple comme le font les hymnes nationaux. Ainsi, des sentiments et positions particulièrement engagés ou virulents peuvent être exprimés au travers de la musique. Il peut même s'agit de l'expression de la violence ou de la haine, ou encore de positions politiques dissidentes. Cela n'est pas sans conséquence sur le public qui reçoit ces messages. En effet la musique peut influer sur la respiration ou la pression artérielle, mais elle peut surtout, quand les prises de position sont plus radicales, favoriser les comportements agressifs ou antisociaux, tout comme elle peut avoir à l'inverse un effet relaxant. La musique peut même avoir un pouvoir persuasif, comme cela est utilisé par certains magasins afin d'inciter les clients à l'achat1. Afin d'être en mesure d'exprimer cette variété de prises de positions, l'artiste, qu'il soit auteur, compositeur ou interprète, doit pouvoir bénéficier de la garantie offerte par la liberté d'expression. Mais cela n'a pas toujours été le cas, pendant longtemps, les États se sont soucié de l'impact de cette forme d'expression sur le public et des risques qu'elle pouvait provoquer. Les États se sont donc immiscés dans l'expression musicale afin d'en limiter ces effets. Cette histoire de l'ingérence étatique en matière de musique est surtout visible sur le continent européen. La première apparition de l'idée de censure de la musique date de 375 avant notre ère. Le philosophe Platon en évoquait l'idée dans son livre « La République » selon ce que son mentor Socrate aurait prescrit. Les huit genres musicaux ainsi que les rythmes et 1 Voir la thèse pour l'obtention du titre de Docteur en psychologie de M. François-xavier YVART, « L'émotion musicale : du rôle du contexte socio-émotionnel au partage social de l'émotion musicale », 2004., partie 1, chapitre 1. 6 instruments qui devraient être bannis, selon Socrate, y sont énumérés. Plus tard, au IIIème siècle de notre ère, la musique autre que religieuse ainsi que le chant des femmes étaient interdits car jugés contraires à la piété et associés aux rites païens. Au XVIIIème siècle, le Vatican a interdit les représentations publiques des opéras ainsi que la présence des femmes dans ceux-ci. À la même époque, l'empereur germanique Frederik Le Grand censurait la plupart des compositions de Carl Philipp Emanuel Bach. À la fin du XIXème siècle, le compositeur Sibelus, d'origine finlandaise, composa son morceau « Finlandia » destiné à éveiller les sentiments nationalistes des finlandais alors que le pays était sous domination russe. La popularité de la chanson conduisit à son interdiction par les autorités russes. Plus récemment, au XXème siècle, les exemples d'ingérence se sont multipliés, notamment lors de la seconde guerre mondiale. Ce fût particulièrement le cas en Allemagne et en Italie de la musique Jazz. Mais pour ce qui est de l'Allemagne, de nombreux autres compositeurs, y compris de musique classique, furent interdits parce qu'ils étaient juifs, communistes ou considérés comme « dégénérés ». À la fin de la guerre, de nombreux textes ont été rédigés afin que de telles violations des droits et parmi eux de la liberté d'expression n'aient plus lieu. C'est le cas de la DUDH qui mentionne dans son introduction l'intention des rédacteurs d'éviter la survenance d'événements comparables. Ainsi, la liberté d'expression, notamment en ce qui concerne la musique, a bénéficié des évolutions historiques de la censure pour finir par être reconnue dans des textes normatifs. Cette liberté est protégée au niveau international par différentes déclarations des droits, comme la DUDH de 19482 ou le Pacte International relatif aux droits civils et politiques de 19663. Dans son article 19, le Pacte dispose du droit de toute personne à la liberté d'expression qu'il définit comme la « liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen de son choix ». La DUDH quant à elle mentionne également la liberté d'expression dans son article 19. Si elle n'énumère pas les différents moyens d'expression et se contente de préciser que la liberté 2 3 DUDH, adoptée le 10 décembre 1948 par les États membres de l'Assemblée générale des Nations Unies. Article 19. Pacte International relatif aux droits civils et politiques, adopté le 16 décembre 1966 par l'Assemblée générale des Nations Unies. Article 19. 7 d'expression peut s'exercer « par quelque moyen que ce soit », cette déclaration mentionne le fait que nul ne peut être inquiété pour ses opinions ou pour les avoir recherchées, reçues ou répandues, ce que ne fait pas le Pacte International de 1966. De ces deux déclarations des droits internationales, il ressort que la liberté d'expression est protégée au niveau mondial, mais également, cela s'applique à la musique puisque tous les moyens d'expression sont couverts par cette garantie. Mais malgré ces proclamations au plus haut niveau, la liberté d'expression n'est pas absolue. Les États sont en effet soucieux de se préserver contre certaines conséquences négatives pouvant être provoquées par l'exercice de la liberté d'expression, et notamment les risques de troubles à l'ordre public. La liberté d'expression connaît donc des limitations, qui sont également prévues par les déclarations des droits dans la plupart des cas. Si la DUDH se contente de proclamer le droit à la liberté d'expression sans prévoir de limite à cette dernière, le Pacte International relatif aux droits civils et politiques de 1966 quant à lui dispose dans un troisième paragraphe que cette liberté peut faire l'objet de restrictions du fait de l'existence de responsabilités et de devoirs spéciaux qui lui sont attachés. Mais le texte précise que ces restrictions doivent être fixées par la loi, être nécessaires et concerner soit « le respect des droits et de la réputation d'autrui », soit « la sauvegarde de la sécurité nationale, de l'ordre public, de la santé ou de la moralité publiques ». Ainsi, selon ce texte, la liberté de l'expression musicale peut être limitée, mais cela ne peut se faire que sous certaines conditions. Principalement, une loi est exigée afin de constituer un fondement à la restriction, loi qui ne peut intervenir que dans les domaines énumérés. Dès lors, toute intervention d'un organe, quel qu'il soit, ou d'une personne, hors de tout cadre légal afin de limiter la liberté d'expression d'un musicien constituerait une violation du texte du Pacte International relatif aux droits civils et politiques de 1966. Dans le monde, les États qui interviennent afin d'agir sur la liberté d'expression des artistes et notamment des musiciens sont nombreux, certains d'entre eux, pour les plus radicaux, pratiquent une forte politique de censure sur la musique 4, violant ainsi les droits fondamentaux des artistes et les déclarations des droits auxquels certains sont soumis en tant qu'État partie. La plupart de ces pays, pour ne pas dire la totalité d'entre eux, se 4 Ainsi par exemple, fin avril 2010, le gouvernement somalien a ordonné à quatorze stations de radiodiffusion de cesser leurs émissions à la demande d'une milice islamiste radicale. 8 situent sur le continent africain, asiatique et au moyen-orient. En s'intéressant plus spécifiquement à l'Europe, il est possible de s'apercevoir que des déclarations des droits garantissent également la liberté d'expression, y compris celle du musicien. Ainsi, la Conv. EDH signée en 1950 5 a pour vocation de protéger les droits de l'Homme et les libertés fondamentales, et, parmi elles, la liberté d'expression. Dans son article 10, la convention garantit la liberté d'expression, quel que soit le moyen par lequel celle-ci est exercée. Cette liberté comprend le droit de rechercher, recevoir et répandre des informations et des idées. Mais ici encore, le texte prévoit des possibilités de limitations de la liberté d'expression. Tout d'abord, bien que le fait de répandre des idées et informations soit libre, cela n'empêche pas les États de soumettre les entreprises de télévision, de radiodiffusion ou de cinéma – autrement dit les principales entreprises médiatiques diffusant ces idées et opinions – à un régime d'autorisation. Ensuite, la liberté d'expression de chacun peut être restreinte du fait de la loi, dans le cadre d'une mesure nécessaire, et elle peut également être soumise à des formalités ou à des sanctions. Dans ce texte comme dans le Pacte International relatif aux droits civils et politiques de 1966, les rédacteurs évoquent l'idée selon laquelle l'exercice de la liberté d'expression comporte des devoirs et des responsabilités, d'où la possibilité de restrictions. En outre, le texte de l'article 10 de la Convention mentionne que ces restrictions légales doivent être nécessaires « dans une société démocratique ». De ce fait, les restrictions apportées à la liberté d'expression doivent être justifiées car la liberté d'expression constitue une garantie importante de la société démocratique : seule une loi, prise dans un domaine autorisé, et ce de manière proportionné, pourra limiter cette liberté, faute de quoi, la société en question ne pourrait plus réellement être considérée comme démocratique. Les domaines dans lesquels une telle limitation est possible concernent des hypothèses d'ordre public, de sécurité nationale, de protection des droits d'autrui ou d'impartialité du pouvoir judiciaire. Dès lors, l'ingérence étatique en matière de liberté d'expression musicale est plus difficile puisque qu'elle doit être prévue par la loi qui, elle-même, doit avoir pour fondement juridique un des cas prévu par la Convention. Le respect de la Conv. EDH est d'autant plus important pour les États signataires que, contrairement aux textes internationaux pré-cités, cette déclaration des droits a force 5 Conv. EDH, signée le 4 novembre 1950 dans le cadre du Conseil de l'Europe, entrée en vigueur le3 novembre 1953. Article 10. Elle s'applique à tous les pays membres du Conseil, soit 47 États parties. L'UE est partie à la Convention, celle-ci est donc applicable dans l'ordonnancement juridique de l'Union et dans la jurisprudence de la CJUE. 9 contraignante et la CEDH veille au respect du texte par les États parties et elle n'hésite pas à sanctionner ceux-ci en cas de manquement à leurs obligations. L'UE étant partie à la Conv. EDH, les États membres de l'Union sont également tenus de respecter cette convention dans le cadre de l'Union. Et le CJUE applique ce texte dans sa jurisprudence. Cependant, l'UE s'est dotée de son propre instrument de protection des droits de l'Homme, et donc de la liberté d'expression : la charte des droits fondamentaux de l'UE 6. Ce texte, signé le 7 décembre 2000 par les États membres de l'UE dispose à son article 11 de « la liberté d'expression et d'information ». Ainsi, si la formulation du paragraphe premier dudit article reste classique en ce qu'il garantit « le droit de chacun à la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontières », le second paragraphe est plus innovant en ce qu'il proclame que « la liberté des médias et leur pluralisme sont respectés ». Cette nouveauté résulte des évolutions du secteur des médias et de leur prise en compte dans l'exercice de la liberté d'expression. En effet, les médias sont le principal vecteur de cette liberté, ils permettent l'acheminement de l'information au public et sont donc d'une importance capitale pour que la « société démocratique » évoquées dans les textes puisse assurer la libre expression des idées et opinions variées. Bien que la musique ne fasse pas partie de ces médias bénéficiant d'une nouvelle garantie de leur liberté, son importance dans une société afin de diffuser idées et opinion est tout aussi grande. La musique permet effectivement de véhiculer ces idées et de les transmettre à un public qui, comme pour les médias, opère une « sélection » entre ce qu'il juge devoir être retenu ou non. Cette forme d'expression artistique a donc tout autant droit à la garantie de sa liberté. Mais si ce texte est novateur, à l'instar de la DUDH il ne prévoit aucune possibilité de restriction, ce qui en fait une véritable proclamation de la liberté d'expression. Pour autant, cela n'écarte par toutes restrictions. Ce texte est à concilier avec les autres déclarations des droits en vigueur telle que la Conv. EDH qui, elle, prévoit de telles possibilités. Cette charte est entrée en vigueur le 1er décembre 2009 en même temps que le traité modificatif sur l'Union Européenne, elle a donc depuis force contraignante pour les États. 6 Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, signée le 7 décembre 2000, entrée en vigueur le 1er décembre 2009. Article 11. 10 L'existence de ces nombreuses déclarations des droits garantissant la liberté d'expression montre qu'il s'agit d'une liberté revêtant un intérêt fondamental pour la société. Et le respect de ces textes par les États parties permet de garantir aux citoyens l'effectivité de cette liberté. Si les États sont les garants de la liberté d'expression et si celle-ci est principalement véhiculée par les médias, elle appartient pourtant à chacun des citoyens, y compris les artistes, et parmi eux, les musiciens. Ces derniers ont donc droit à la garantie de leur liberté d'expression musicale et peuvent se prévaloir de ces textes dans tous les pays signataires. Cependant, le droit à la liberté d'expression étant le même pour tous, la liberté d'expression musicale peut elle aussi être restreinte selon les prescriptions de ces textes. Un État peut donc limiter cette liberté sur le fondement d'une loi, afin de prendre des mesures nécessaires. Sur la base de ces textes, tous les pays européens sont donc soumis aux mêmes prescriptions. Pourtant, force est de constater que des différences notables existent entre les pays de l'UE concernant la liberté d'expression de manière générale, mais aussi la liberté de l'expression musicale. Au contraire de certains pays africains ou du moyenorient, les pays européens sont généralement beaucoup plus permissifs vis-à-vis de la liberté de l'expression musicale. Mais même dans cette grande liberté, il existe différents degrés, les limites existantes ne sont pas les mêmes dans tous les pays européens. Ainsi, certains États comme la Finlande ou le Royaume-Uni – et surtout l'Angleterre 7 – sont réputés pour accorder une grande importance à la liberté d'expression, mais aussi pour avoir permis l'éclosion de mouvements musicaux particulièrement virulents ou ayant tout au moins suscité débat. Pourtant, même dans ces pays, la liberté de l'expression musicale n'est pas absolue, ne serait-ce que parce que ces pays sont tenus par les différents textes internationaux et européens qui disposent de l'existence de devoirs et de responsabilités dans l'exercice de la liberté d'expression, notamment face aux droits des tiers. La liberté d'expression est nécessaire aux artistes afin que ceux-ci puissent pratiquer leur art. L'art en lui-même consiste en la matérialisation des sentiments, idées et opinions de l'artiste, ou encore de sa personnalité, le tout étant produit sous une forme considérée comme étant de l'art. Or, il n'y a rien de plus personnel que l'expression artistique en ce qu'elle touche la personnalité de l'artiste, à qui il est et ce qu'il pense. Cela vaut pour 7 Le droit anglais ne s'applique qu'en Angleterre et au Pays de Galles, l'Écosse et l'Irlande du Nord ont leur propre droit. Il sera question dans cette étude de l'Angleterre uniquement. 11 toutes les formes d'art, y compris la musique pour laquelle l'expression de la personnalité et des idées de l'artiste est peut-être la plus flagrante car elle passe généralement par des mots. Dès lors que l'on touche à l'expression de choses aussi personnelles et aux choix artistiques propre à chaque auteur, il semble délicat de venir limiter cette libre expression car cela serait porter atteinte à la personnalité de l'artiste mais aussi au fait qu'il a ses propres idées et opinions qui sont en elles-mêmes protégées par les mêmes textes. D'ailleurs, chaque fois qu'un artiste subit une restriction à sa liberté d'expression artistique, les médias et le public s'en émeuvent et une polémique né autour de ce fait 8. La restriction de la liberté d'expression artistique et donc musicale est encore plus délicate que pour les autres secteurs concernés. Les interventions des États afin de la limiter sont donc en quelque sorte forcées de se faire dans le cadre des textes autorisant ces restrictions afin de ne pas faire l'objet de plus de critiques encore que celles pouvant naître de la violation des textes. Mais dans la pratique, il est remarquable que les États ne sont pas les seuls à jouer un rôle dans la limitation de la liberté d'expression musicale, et dans ces cas, les prescriptions des déclarations des droits internationales ou européennes ne sont pas toujours respectées quant à l'existence d'une loi fondant l'action ou aux cas dans lesquels une telle restriction est possible. Ainsi, la liberté de l'expression artistique rencontre à la fois des pressions politiques, religieuses et commerciales. Par exemple, en matière commerciale, les stations de radiodiffusion sont parmi les intervenants en matière de liberté d'expression. Par leurs choix de ne pas diffuser tel ou tel artiste pour des raisons ne tenant ni à des contraintes de temps, ni à leur identité musicale mais plutôt du fait des idées exprimées jugée néfastes, les stations de radiodiffusion agissent en limitant la liberté d'expression musicale. La station de radio britannique « BBC radio 1 » s'illustre particulièrement dans ce fait 9. En présence de ce genre d'ingérences, ce ne sont plus tellement les intérêts du public, d'une nation ou des droits de tiers que l'on cherche à protéger, mais plutôt les intérêts de l'intervenant lui-même. Selon les pays, la principale source de limitation de la liberté d'expression musicale 8 9 Ainsi, en février 2010 en France, une artiste chinoise, Siu Lan Ko, avait accroché des banderoles « travailler », « plus », « gagner » et « moins » sur la façade de l'école des beaux-arts de Paris, elle a été contrainte de les décrocher sous la pression de l'école qui jugeait l'œuvre trop politique et polémique. L'affaire a été fortement relayée par les médias et sur l'Internet, tant et si bien que l'artiste a été autorisée à raccrocher ses banderoles après l'intervention du Ministre de la Culture et de la Communication. Voir le chapitre 2, section 1, paragraphe 3 « Les interventions commerciales ». 12 varie, ainsi que l'intensité des intrusions, mais cela varie également en fonction des époques. En France par exemple, le chant des femmes a très longtemps été interdit par les autorités religieuses, et notamment dans les opéras qui étaient eux-mêmes fortement censurés. Pourtant, sous le règne de Louis XIV, Jean Baptiste Lully a rendu possible ces deux types de prestations musicales. L'évolution des mœurs fait en effet beaucoup pour l'acceptation d'une forme d'expression musicale jugée comme « déviante » ou « impropre » et qui, avec le temps, finissent pas être acceptées par tous. Mais avant d'aboutir à cette acceptation, les genres musicaux émergents sujets aux critiques doivent faire face à de vives oppositions et à la limitation de la liberté d'expression. Les mœurs d'une société ont certainement un impact fort sur la façon sont un genre musical est perçu. Cela permet d'expliquer les différences entre les types de musiques produits dans un pays par rapport à un autre. Cela permet également d'expliquer la raison pour laquelle les limitations de la liberté d'expression musicale sont plus ou moins forte. Il s'agit ici d'étudier certains de ces États européens dans leur perception de la liberté d'expression musicale et de ses limites. Le choix se prote sur trois pays connus et réputés pour pratiquer une liberté d'expression étendue de manière générale. Ainsi, il sera question de la Finlande, de l'Angleterre et de la France. La France, « pays des droits de l'Homme », fût le premier État à reconnaître la liberté d'expression en 1789, dans le cadre de la DDHC, cette liberté est proclamée dans le sens où elle est toujours entendue aujourd'hui par les différents textes précités. Cela donne à la France l'image d'un pays particulièrement respectueux de la liberté d'expression 10. D'autre part, l'histoire de la France en matière culturelle et artistique fait de ce pays une terre d'accueil de toutes les forme d'art, y compris en ce qui concerne la musique. Que ce soit en France ou depuis l'étranger, ce pays est donc perçu comme donnant aux artistes la possibilité de s'exprimer librement. Cela doit donc pouvoir bénéficier également aux musiciens. Mais, même dans ces conditions, il existe des cas de restriction à la liberté d'expression musicale. Ceux-ci sont parfois le fait d'un intervention étatique, bien que cela soit plus rare de nos jours, mais aussi le fruit de l'intervention de personnalités politiques. Pour ce qui est de la Finlande, cet État est jeune, son indépendance ne date que de 1917 10 DDHC du 26 août 1789, article 11 « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la Loi ». 13 et sa Constitution de 1919. Avant cela, le pays était sous domination suédoise, puis russe. Dans sa constitution, l'État finlandais protège la liberté d'expression entendue dans son sens général dans son article 12. La conception finlandaise de la liberté d'expression, telle qu'elle résulte des révisions constitutionnelles des années 1990 11, reprend les différends stades de l'acheminement de l'information tels qu'on les retrouve dans les textes internationaux et européens, à savoir le droit de s'exprimer, de publier et de recevoir des informations, idées et autres messages. Seule la recherche des informations ne figure pas dans cette liste. Pourtant, le deuxième alinéa de l'article, qui concerne l'accès aux documents publics, laisse à penser que cette recherche des informations est libre puisque pour ce qui est de ces documents, la Constitution dispose que chacun à le droit d'en obtenir des informations. Il est donc possible de penser que cela puisse être étendu hors du cadre des documents publics. De plus, la soumission du droit finlandais aux textes internationaux entraîne une prise en compte de cette liberté de rechercher des informations. Cette absence est donc sans réelle conséquence. Cet article de la Constitution ne fait en outre pas mention d'une quelconque possibilité de restriction à la liberté d'expression, sauf en matière audiovisuelle « si elles sont indispensables à la protection des enfants ». Hormis cela, le texte ne prévoit que la possibilité de précisions légales quant à l'exercice de la liberté d'expression, mais pas quant à sa limitation. Ces dispositions sont à rapprocher du dernier alinéa de l'article 16 de la Constitution finlandaise selon lequel « la liberté […] de l'expression artistique […] est garantie ». Cette liberté comprenant la musique, il semble n'y avoir aucun frein pour les musiciens qui peuvent donc écrire et composer en toute liberté, sans craindre une quelconque ingérence. Cela a permis l'apparition de nombreux groupes du mouvement « RockMétal » aux paroles sombres confinant parfois à l'incitation au suicide. C'est aussi grâce à la grande liberté offerte en droit anglais que des groupes et artistes musicaux aux paroles toutes aussi subversives ont pu voir le jour en Angleterre. Le droit anglais, qui ne s'applique qu'en Angleterre et au Pays de Galles, a ceci de particulier qu'il n'y a eu pendant longtemps aucun texte disposant de la liberté d'expression. Le principe était alors celui d'une totale liberté d'expression tant que cela n'allait pas à l'encontre des limites fixées par la loi. Dès lors, les artistes jouissaient d'une liberté d'expression presque totale que seules trois limites venaient perturber : l'obscénité, la sédition et la diffamation. Depuis 1998, une loi a introduit la Conv. EDH dans l'ordre juridique anglais, introduisant par la même la liberté d'expression de façon positive. Cependant, les limites qui existaient auparavant sont toujours valables et restent les mêmes, aucune autre n'étant 11 La première révision majeure de la Constitution finlandaise date de 1983, mais les deux réformes les plus récentes datent de 1995 et 1999, cette dernière étant entrée en vigueur le 1 er mars 2000. 14 venue s'ajouter. Cette conception particulière de la liberté d'expression a permis à de nombreuses formations musicales de naître en Angleterre. Le pays est d'ailleurs considéré comme l'un des « berceaux du Rock » et la plupart de ces genres musicaux ont été fortement critiqués ou le sont encore. Par exemple, le mouvement « Punk » a débuté en Angleterre et y a subit de nombreuses critiques mais aussi des restrictions 12. Aujourd'hui, le même phénomène a tendance à se reproduire avec la « murder-music »13, musique « Rap » ou « Reggae » incitant à la haine et au meurtre, notamment envers les homosexuels. La visibilité de ces groupes sur la scène nationale est forte, mais cela est également le cas sur la scène internationale. Leurs ventes sont élevées, notamment comparées aux artistes français, et ce malgré leurs orientations musicales subversives14. Si ces musiciens étrangers, en l'occurrence finlandais et anglais, arrivent à percer à l'étranger, force est de constater que le même phénomène n'a pas lieu en France. Les médias sont loin d'accorder la même place aux formes d'expression musicales « dangereuses », sauf en cas de polémique comme cela fût le cas pour le rappeur Orelsan15. Le « Rap » est en effet l'un des seuls mouvement musicaux jugé « potentiellement dangereux » bénéficie d'une visibilité de nos jours. Les formations musicales, notamment finlandaises sont nettement sous-représentées, voire totalement absentes des médias français. Parmi ces trois États qui sont soumis à une même base textuelle en matière de liberté d'expression – à savoir les différentes déclarations de droits internationales et européennes – il existe des différences quant aux textes nationaux garantissant la liberté d'expression mais aussi quant aux limites imposées à cette dernière. La musique se ressent de ces différences, la liberté d'expression musicale étant liée aux restrictions de la liberté d'expression. Quelles sont les limites à la liberté d'expression musicale existant en France, en Finlande et en Angleterre ? À quel point sont-elles différentes les unes des autres ? Quel 12 Il en fut ainsi du groupe punk « The Sex Pistols », avec la chanson « God Save The Queen ». 13 Ce genre musical joue sur le registre de l'incitation au meurtre et à la haine envers les homosexuels, ce qui provoque de nombreuses inquiétudes parmi la classe politique britannique. 14 Parmis les artistes ayant vendu plus 300 millions de disques, les groupes de Rock anglais « The Beatles » et « Queen » en font partis, tandis qu'en France parmi ces ventes ne figure que Tino Rossi. « The Rolling Stones » ou le groupe anglo-australien « AC/DC » ont vendus plus de 200 millions de disques et plus de 100 millions pour « Iron Maiden ». Il n'y a plus d'artistes français avant Charles Aznavour ou Johnny Hallyday qui ont vendu plus de 100 millions d'album. 15 Cet artiste a été déprogrammé d'un festival musical et de plusieurs dates de sa tournée du fait de certaines paroles particulièrement violentes à l'égard des femmes dans l'une de ses chansons. 15 peut être leur impact sur les choix artistiques ? Ces limites sont-elles toujours un frein ou bien l'évolution de la technologie permet-elle de passer outre ces barrières ? La Finlande, l'Angleterre et la France sont tous les trois des États réputés pour mettre en avant de la liberté d'expression. Cependant chacun de ces pays en a une conception sensiblement différente (chapitre 1). La définition de ce qu'est la liberté d'expression de manière générale pour un pays considéré est un préambule indispensable. Ce permet de connaître l'étendue de celle-ci, ses limites mais aussi et surtout de mieux apprécier par la suite la liberté dont disposent les musiciens. De plus, la liberté d'expression musicale se situe à différents niveaux, lui donnant différents visages qui vont également varier selon les pays, faisant ainsi varier les limites à la liberté d'expression musicale qui peut se situer à des niveaux différents dans la vie d'une chanson (chapitre 2). Enfin, avec l'avènement de l'Internet, la diffusion musicale est grandement facilité, ce qui n'est pas sans poser problème du fait des spécificités de cette technologie permettant aujourd'hui d'avoir un accès plus aisé à des morceaux musicaux aux paroles jugées subversives (chapitre 3). 16 CHAPITRE 1 : DES CONCEPTIONS DIFFÉRENTES DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION La Finlande, l'Angleterre et la France sont tous trois des États connus pour l'importance qu'ils accordent à la liberté d'expression. Pourtant, la notion même de liberté d'expression est conçue de manière différente dans le droit de ces pays. La Finlande est probablement l'un des pays où la liberté d'expression est la plus forte, elle est considérée comme une norme fondamentale à faire primer sur nombre d'autres (section 1). Dans le droit anglais, la liberté d'expression n'est pas définie par la loi mais par les limites que cette dernière pose (section 2). Enfin, en France, « patrie des droits de l'Homme », la liberté d'expression est protégée depuis plus de deux siècles mais elle connait également des limites (section 3). 17 SECTION 1 : LA FINLANDE D'EXPRESSION OU L'EXTRÊME IMPORTANCE DE LA LIBERTÉ La Finlande protège et promeut la liberté d'expression, à la fois à l'intérieur de ses frontières et sur la scène internationale. Elle le fait notamment grâce à sa loi fondamentale (§1) mais dans les faits, la liberté d'expression est également protégée en ce qu'elle est fortement exposée (§2). §1) LA LIBERTÉ D'EXPRESSION DANS LA LOI FONDAMENTALE La loi fondamentale, c'est-à-dire la Constitution de la Finlande, dispose de la protection de la liberté d'expression (A), mais elle prend également en compte pour cela les conventions internationales relatives aux droits de l'Homme (B). A – LA CONSTITUTION FINLANDAISE Le premier texte constitutionnel finlandais a été promulgué après l'indépendance du pays en 1919. Celui-ci est resté inchangé jusqu'aux révisions constitutionnelles de 1983 et 1987. La révision de 1995 a modifié de façon extensive le chapitre deux de la Constitution relatif aux droits fondamentaux et libertés publiques du citoyen. Cette modernisation intervient afin de tenir compte des évolutions de la protection internationale des droits de l'Homme. La loi fondamentale en vigueur aujourd'hui est celle adoptée le 11 juin 1999 et qui remplace les anciens textes constitutionnels16. L'article 20 de la loi fondamentale dispose de la protection de l'environnement et du patrimoine culturel. Cela fait partie des droits sociaux, économiques et culturels les plus novateurs que la révision de 1999 introduit dans la Constitution finlandaise. Ces innovations viennent compléter les classiques droits civils et politiques qui n'ont pas évolués depuis la révision de 1995. Il s'agit notamment de la liberté d'expression mais aussi de celle de réunion, d'association et la liberté religieuse. Mais le nouveau texte inclus désormais à leurs côtés la liberté de conscience. 16 En plus de la loi fondamentale entrée en vigueur en 2000, il faut prendre en compte la loi sur le parlement de 1995, la « procédure du parlement » de 2000 et la loi relative à la haute cour « d'impeachment » de 1995. 18 La liberté d'expression est une liberté qui fait donc traditionnellement partie des droits de l'Homme pris en compte par les autorités finlandaises. Cela montre l'importance que cette liberté revêt à leurs yeux. Ce qui est d'autant plus vrai puisque contrairement aux déclarations des droits internationales, la Constitution de la Finlande ne prévoit pas de liste de cas dans lesquels une restriction à la liberté d'expression peut être prévue par une loi. Elle n'envisage que la possibilité de l'existence de précisions légales quant à l'exercice de cette liberté et l'instauration de limitations en matière audiovisuelle à des fins de protection des mineurs17. Il y a donc très peu de restrictions possibles à la liberté d'expression, ce qui conduit à ce qu'elle soit assurée avec d'autant plus de force. L'article 22 de cette loi fondamentale précise que les autorités publiques sont tenues de veiller au respect des droits et libertés fondamentales – autrement dit au respect de la Constitution – et des droit de l'Homme issus des conventions internationales que la Finlande s'est engagée à respecter. B – LES CONVENTION INTERNATIONALES SUR LES DROITS DE L'HOMME ET LA FINLANDE La Finlande porte une grande attention aux évolutions des conventions internationales relatives aux droits de l'Homme auxquelles elle est toujours prête à adhérer. La révision de 1995 a été initiée dans le but de tenir compte de ces différentes conventions. Comme tout pays membre de l'Union Européenne, la Finlande a adhéré à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales. Elle se doit donc d'assurer la protection des libertés et droits fondamentaux proclamés dans la déclaration. Les droits et libertés fondamentales protégées par la Constitution de la Finlande sont généralement considérés comme étant le « miroir » de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales. Certes, les libertés qui figurent dans l'une figurent également dans l'autre. En outre, la révision constitutionnelle de 1999 a fait entrer dans le droit finlandais des droits sociaux, économiques et culturels qui n'y figuraient pas jusqu'alors, bien qu'ils devaient être assurés en vertu de la Convention Européenne. Mais, à l'image de la liberté d'expression, la loi fondamentale finlandaise semble aller au-delà. Comme cela a été mentionné plus haut, les dispositions relatives à la liberté d'expression dans la Constitution de la Finlande ne font pas mention d'une quelconque possibilité de restreindre cette liberté pour des raisons d'ordre public par exemple. 17 Article 12 de la Constitution de la Finlande de 1999. 19 De plus, dans le cadre de sa participation à l'OSCE, la Finlande, au travers de son ministère des affaires étrangères, soutien la liberté d'expression dans la mission de l'organisation internationale pour la liberté des médias18. La Finlande met donc fortement en avant sa vision de la liberté d'expression sur la scène internationale en défendant l'importance que cela a pour une société démocratique. Mais la façon dont la protection est assurée dans la pratique permet également de démontrer l'importance de la liberté d'expression en droit finlandais. §2) LA LIBERTÉ D'EXPRESSION DANS LA PRATIQUE FINLANDAISE La loi fondamentale de la Finlande, les lois et le système juridictionnel permettent de protéger la liberté d'expression en général (A). En ce qui concerne les médias en particulier, la protection de la liberté d'expression revêt une importance particulière due à la place que ces médias prennent dans l'exercice de la société finlandaise démocratique (B). A – PROTECTION DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION La protection de la liberté d'expression en Finlande est assurée par trois types de contrôles différents : celui des juridictions administratives (1), celui du Médiateur et du Chancelier de justice (2) mais aussi un contrôle opéré par des groupes d'intérêt privés (3), le tout permettant une mise sur le devant de la scène des atteintes à la liberté d'expression et donc de les éviter. 1) Le contrôle des juridictions administratives La protection des administrés contre les atteintes à leurs droits doit fonctionner avant toute prise de décision. C'est surtout par des méthodes préventives qu'est garantie l'équité dans le fonctionnement de l'administration. Cela passe par un corpus de textes bien rédigés, mais aussi une bonne instruction des fonctionnaires et des administrés quant à leurs droits et obligations. Le suivi du fonctionnement des autorités publiques par les différents médias permet également cette protection en amont. Le plus souvent, l'atteinte aux droits des administrés est causé par un acte illégal émanant d'une erreur administrative. Ces erreurs sont généralement dues à une négligence ou une ignorance et non à un acte illégal délibéré. 18 V. communication du ministère des affaires étrangère de Finlande du 29 février 2008 « Finland defends freedom of speech in the OSCE region ». 20 Les tribunaux administratifs sont compétents dans la plupart des cas pour examiner les recours faits par des administrés contre des actes administratifs illégaux. En revanche, les questions de la responsabilité de l'administration du fait des préjudices causés aux administrés sont tranchées par les tribunaux judiciaires qui accordent des dommagesintérêts en réparation. Afin de décharger les tribunaux administratifs et les autorités administratives supérieures d'une partie du travail et ainsi de réduire les délais d'attente des décisions, des organes spécifiques ont été créées pour examiner les plaintes et régler plus rapidement les affaires. Ainsi par exemple, dans chaque unité médicale publique se trouve un médiateur chargé d'examiner les plaintes ou assister les patients dans leurs contacts avec les autorités médicales, notamment en cas de préjudice causé par les services de santé. L'action des tribunaux administratifs permet ainsi aux citoyens de faire valoir leurs droits et libertés en cas d'actes illégaux de l'administration. Cela participe d'un bon fonctionnement de la protection de la protection des droits et libertés fondamentales : en cas d'atteinte, toute personne doit pouvoir faire valoir ses droits, notamment du fait de l'obligation constitutionnelle imposant à l'État, et donc à son administration, d'assurer l'effectivité de la protection des droits et libertés fondamentales19, et donc parmi elles de la liberté d'expression. Pourtant, s'agissant de cette dernière, l'État ne semble pas intervenir afin de la restreindre. En effet, dans les rapports annuels du département d'État des États-Unis d'Amérique, il est mentionné que le gouvernement finlandais respecte généralement la liberté d'expression prévue par la constitution et la loi 20. De plus, il ne semble pas y avoir de jurisprudence faisant état d'une quelconque action illégale de l'administration. Pourtant l'existence d'un tel recours constitue une garantie, et ce n'est pas la seule car la publication des rapports du Médiateur et du Chancelier de justice permet également de protéger la liberté d'expression. 2) Le contrôle du Médiateur et du Chancelier de justice La Finlande a souscrit au modèle scandinave de l'Ombudsman parlementaire, autorité indépendante dont la tâche est de recueillir les plaintes des administrés à l'encontre de l'administration et de trancher ces litiges. Le Médiateur, ainsi que le Chancelier de justice, doivent protéger les administrés des 19 Article 22 de la loi fondamentale de la Finlande. 20 Rapport du département d'État des États-Unis d'Amérique sur les pratiques des Droits de l'Homme en Finlande en 2009. 21 atteintes à leurs libertés publiques, pour le premier cela concerne uniquement les cas où c'est l'administration qui est mise en cause. Mais l'un comme l'autre examinent avec un grand soin les nombreuses plaintes qu'ils reçoivent. Leur nombre est en constante augmentation et en 2009, le Médiateur a reçu un nombre record de ces plaintes : 4 400 plaintes lui ont été adressées en 2009 contre 3 694 en 200821. Au-delà des demandes des administrés, le Médiateur comme le Chancelier de justice peuvent se saisir eux-mêmes des cas d'atteintes aux droits et libertés fondamentales. Dans le cas où le fonctionnaire ou l'administration mise en cause serait jugée coupable d'une faute de service, ces autorités peuvent le réprimander, voire même, le poursuivre en justice dans les cas les plus graves. Ils s'assurent que l'administré ait obtenu satisfaction de la part de l'administration. Le Médiateur rend compte de son activité chaque année dans un rapport au parlement ce rapport fait état de toutes les atteintes d'une certaine gravité, rendant ainsi public les mauvaise fonctionnements de l'administration. Dans les récents rapports du Médiateur, il n'apparait aucune atteinte sérieuse aux libertés publiques. Certes, il y a eu des plaintes concernant notamment l'administration pénitentiaire ou la police, mais dans la plupart des cas, ces plaintes ont été considérées comme non justifiée, et relevant surtout d'erreurs causées par l'ignorance. Cela démontre un bon fonctionnement de l'administration face aux libertés publiques. Le Médiateur doit aujourd'hui traiter de plus en plus de question relatives à la liberté d'expression des médias. Ces question portent généralement sur la protection de la vie privée et du droit à l'image. Le Médiateur est alors chargé de dire si une autorité, notamment la police, qui interdit la prise d'une photographie ou d'une vidéo, était dans son droit ou bien si la prise d'image était possible. Dans certains cas, il existe des limites légales pour lesquelles l'interdiction de prendre une photographie ou de divulguer une information peut être imposée par une obligation de secret. Dans son rapport pour 200822, le Médiateur précise que la liberté d'expression a ceci de particulier qu'elle ne requiert pas d'autorisation préalable. Seuls le respect des lois sur le secret ou des questions de vie privée peuvent justifier une atteinte à la liberté d'expression. 21 Voir le résume en anglais du rapport d'activité pour l'année 2008 du Médiateur, p.24. 22 Idem, p.16-20. 22 La publicité de ces rapports du Médiateur et du Chancelier de justice rend difficile le fait pour l'administration de garder secret de mauvais fonctionnements. Mais l'action des médias, très présents, et celle des groupes d'intérêts privés rendent cela encore plus difficile. 3) Le contrôle par les groupes privés Les groupes d'intérêts et de pression qui ont pour vocation de protéger les droits et libertés des citoyens sont nombreux en Finlande. Ils ont pour objectif de faire valoir les droits des administrés mais aussi d'exercer des pressions sur les parlementaires et les ministres afin d'influer sur leurs décisions, formant ainsi de véritables lobbies. Ces groupes interviennent dans la défense des droits face à l'administration mais également face aux tribunaux ou au Médiateur, cela grâce à la surveillance exercée par ces groupements sur l'action de l'administration. Ainsi par exemple, le syndicat des journalistes veille au respect de la liberté d'expression des membres de la profession par les autorités administratives. Le fait que des associations diverses exercent une surveillance sur les activités de l'administration permet d'éviter qu'une erreur commise par cette dernière passe inaperçue et donc les droits de l'administré lésé peuvent être défendus dans tous les cas. Cela est aussi possible par l'action des médias qui suivent attentivement les actions de l'administration et exercent leur liberté d'expression en mettant en lumière et critiquant les fautes des institutions. Ils n'hésitent pas à intervenir de manière importante quant ces fautes concernent des violations des droits de l'Homme. Il s'agit là d'une manière de protéger les droits et libertés fondamentales, et notamment la liberté d'expression, car une quelconque violation entraînerait nécessairement une vive réaction médiatique mais aussi auprès des milieux politiques. Mais pour cela, il faut que la liberté d'expression soit effective pour les médias. B – LIBERTÉ D'EXPRESSION DANS LES MÉDIAS Les médias sont très actifs dans la défense des droits de l'Homme. Mais pour cela, il faut que cette liberté soit assurée (1). Or, le système finlandais limite également cette liberté par des restrictions provenant de lois nationales ou de la Convention Européenne des Droits de l'Homme (2). 23 1) Une liberté assurée Les différents rapport, qu'il s'agisse de ceux du Médiateur, du Chancelier de justice ou encore du département d'État des États-Unis d'Amérique démontrent que les violations des droits de l'Homme en Finlande sont peu nombreuses, voire très rares. Cela est particulièrement visible en ce qui concerne la liberté d'expression. Celle-ci est prévue par la Constitution de la Finlande qui ne fixe pas de limite, elle mentionne uniquement que seule une loi peut prévoir les modalités d'exercice de la liberté d'expression. Les autorités publiques respectent cette liberté d'expression des médias et de la presse, ces derniers étant indépendants. Tous les médias expriment une large variété de points de vue sans connaître de restriction. Cela démontre un bon fonctionnement du système médiatique mais aussi du système politique démocratique. En effet, la liberté d'expression et l'indépendance totale des médias pourraient conduire à ce qu'ils prennent une position unique et n'envisagent pas tous les points de vue, mais seulement ceux qui leur conviennent. Pourtant ce n'est pas le cas en pratique, ce qui prouve l'importance que la liberté d'expression occupe dans la société finlandaise et le fait qu'elle soit encrée dans les mœurs. C'est grâce à cela que les atteintes à cette liberté sont peu fréquentes. Il en va de même pour la liberté d'expression sur l'Internet. Ce moyen de communication est utilisé par plus de 8223 pour cents de la population et le gouvernement n'a pas imposé de restriction d'aucune sorte sur l'accès à l'Internet ou sur les courriers électroniques, ou encore les forums de discussion. La pratique elle-même permet de protéger la liberté d'expression. La loi fondamentale de la Finlande promulgue cette liberté comme étant un droit de l'Homme nécessitant une protection, mais c'est la façon dont elle est utilisée dans les faits qui permet de la rendre d'autant plus importante. En effet, l'usage de cette liberté par les médias qui participent aussi à sa défense en surveillant l'action de l'administration la place au premier plan et rend toute atteinte difficilement dissimulable. Pourtant, si cette liberté a une place de choix dans la société finlandaise, elle n'en est pas pour autant absolue et connaît des limites. 2) Une liberté limitée Les lois nationales limitent la liberté d'expression du fait de l'incitation à la haine ou la responsabilité délictuelle pour cause de diffamation. Mais la Finlande doit également 23 Source : statistiques de l'Union Internationale des Télécommunications, 2008. 24 respecter les limites posées par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et par la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme. L'incitation à la haine est définie par la loi finlandaise comme le fait de faire une déclaration publique qui menace ou insulte contre un groupe du fait de la nationalité, de la race, de l'ethnie, de la religion ou d'un groupe similaire. Cette limite qui s'appliquait aux médias traditionnels a été étendue à l'Internet. L'incitation à la haine constitue un crime et les tribunaux finlandais ont la possibilité d'infliger des amendes aux personnes publiant des messages d'incitation à la haine sur l'Internet. Plusieurs décisions ont été rendues en 2008 par différents tribunaux pour publication et distribution de matériel d'incitation à la haine. Ainsi, la cour de district d'Helsinki a condamné un politicien municipal de la ville de Turku pour avoir fait circuler de tels matériaux. Ce dernier avait tenu des propos diffamatoires à l'encontre des immigrants pendant une campagne électorale en 200724. Le même tribunal à condamné un conseiller municipal indépendant pour avoir publier des messages incitant à la haine sur son blog. Les institutions judiciaires sont donc très à l'écoute des problèmes d'incitation à la haine, mais cela ne permet pas de préjuger d'une réelle atteinte à la liberté d'expression. En effet, les droits d'autres personnes sont en jeu et la publication de tels propos pourrait constituer un abus dans l'exercice de la liberté d'expression. L'incitation à la haine se rapproche fortement de la notion de diffamation, la différence est qu'il faut ici qu'il y ait une menace de proférée à l'encontre des personnes visées. Il s'agit donc d'un type de propos particulièrement virulents et non pas de l'expression d'une simple opinion. Le Code pénal finlandais, dans son article 9 du chapitre 24, défini la diffamation comme le fait de répandre de fausses informations ou insinuations à propos d'une autre personne de manière à ce que cet acte conduise à causer des dommages ou des souffrances à la personne visée. Cette interdiction de la diffamation peut s'appliquer aux médias, comme cela a été le cas dans une affaire jugée par la Cour Européenne des Droits de l'Homme le 6 avril 201025. Dans ce cas d'espèce, un journal avait publier un article accusant d'un crime plusieurs membres d'une équipe sportive, pourtant, ce crime n'avait jamais donné lieu à une enquête policière jusqu'alors. Les tribunaux finlandais avaient estimés que la liberté d'expression des journalistes n'était pas supérieure au droit à l'honneur des personnes accusées par eux et que cette liberté fondamentale n'avait pas été atteinte. C'est également la position de la Cour de Strasbourg. 24 Tribunal de district d'Helsinki, 17 mars 2008. 25 CEDH 6 avril 2010, « Affaire Ruokanen et autres c/ Finlande », requête n°45130/06. 25 La loi de 2004 sur la responsabilité délictuelle pose enfin une dernière limite : toute atteinte à la liberté, l'honneur, l'ordre public ou toute atteinte comparable peut être sanctionnée par des dommages-intérêts. La vie privée et le droit à l'image, ainsi que le respect de l'honneur peuvent constituer pour les médias d'autres limites à la liberté d'expression. Il s'agit encore de concilier la liberté d'expression avec les droits d'autres personnes, notamment celles représentées sur les photographies par exemple. Le Médiateur peut être saisi de ces cas, mais ce sont aussi de telles affaires qui, lorsqu'elles concernent la presse, sont amenées à être jugées par la Cour de Strasbourg. Ces limites permettent de protéger les droits des citoyens face à de possibles abus dans l'exercice de la liberté d'expression par les médias. Mais ces médias jouent plus souvent un rôle de gardien de la liberté d'expression. En cas d'atteinte à la liberté d'expression, de la part des autorités publiques ou de personnes privées, l'action des médias et des groupes d'intérêts est forte, ce qui fait que le personnes susceptibles de commettre ces violations se montrent vigilantes, d'où leur faible nombre. Tout cela renforce la liberté d'expression. Si la Finlande protège largement la liberté d'expression, en droit anglais il n'existe aucun texte à valeur constitutionnelle définissant cette liberté. Celle-ci est en réalité définie de façon négative par les limites légales qui sont posées. 26 SECTION 2 : L'ANGLETERRE OU LA LIBERTÉ D'EXPRESSION COMME LIBERTÉ NÉGATIVE Le droit anglais ne garantit pas la liberté d'expression de façon expresse (§1), c'est une liberté négative en ce qu'elle est protégée tant que l'on ne dépasse pas les limites fixées par le Parlement ou la jurisprudence (§2). §1) UNE ABSENCE DE DÉFINITION JURIDIQUE DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION En examinant les différents textes de droit anglais, il est possible de se rendre compte qu'il n'y a pas de déclaration des droits (A), pourtant, depuis 199826, il existe une loi sur les droits de l'Homme transposant la Convention Européenne des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales (B). A – L'ABSENCE DE DÉCLARATION DES DROITS En droit anglais, il n'existe pas de texte constitutionnel protégeant les droit fondamentaux (1). Pourtant ceux-ci ont été théorisés à de nombreuses reprises par différents philosophes (2). 1) Des droits fondamentaux non proclamés Dès 1215, la Grande Charte a eu pour but de protéger les libertés publiques contre le pouvoir arbitraire du monarque. Cependant, seules certaines catégories de personnes pouvaient prétendre à cette protection : les personnes libres. Or, à cette époque, la plupart des personnes vivant en Angleterre étaient asservies. Il serait vain de chercher dans les corpus de textes britanniques une quelconque déclaration des droits. Le « Bill of Rights » de 168927 est en réalité une loi constitutionnelle régissant les règles d'accession au trône. Le droit anglais est avant tout procédural, il s'accommode donc mal des déclarations de principe ou des constitutions écrites qui pourraient conduire à l'enfermer dans un carcan trop rigide. Ce sont donc des procédures spécifiques qui ont été mises en place afin de protéger les 26 « Human right Act », 1998 c.42, adoptée le 9 novembre 1998 et entrée en vigueur le 2 octobre 2000. 27 « Bill of Rights », 1689. Déclaration des droits adoptée par les souverains afin de limiter leurs pouvoirs au profit du parlement, instituant ainsi une monarchie parlementaire en lieu et place d'une monarchie absolue. 27 libertés fondamentales. L'ensemble des procédures permettant aux citoyens britanniques de faire valoir leurs libertés constituait donc le droit constitutionnel anglais. Cela permet d'adapter le droit de l'Angleterre et du pays de Galles en fonction des évolutions de la société et des mœurs. L'adoption d'un ensemble de procédures permet de protéger les libertés fondamentales en fonction de ce que la société du moment considère comme étant les limites de ces libertés. En effet, puisque l'environnement social et la moralité changent au fil du temps, un droit flexible qui peut s'y adapter constitue un avantage en ce que les décisions de justice – la « common law » _ forment un droit en perpétuelle évolution. Selon le juge Lord Wensleydale, il s'agit « d'appliquer à de nouvelles combinaisons de circonstances les règles qui découlent des principes juridiques et des précédents judiciaires »28. cela montre donc bien que ce sont les « circonstances » qui font le droit, d'où une évolution de ce dernier en fonction de l'évolution des circonstances. Cependant, cela n'enlève pas aux libertés individuelles comme la liberté d'expression leur importance. De nombreux auteurs ce sont intéressés à ces libertés et les ont théorisées. 2) Des droits fondamentaux théorisés En l'absence de texte, la protection des libertés en droit anglais a fait l'objet de toutes les attentions des philosophes. Dès le XVIIème siècle, ceux-ci se sont prononcé en faveur de la liberté. Seul Hobbes en 165129 plaidait pour un absolutisme qui serait basé sur la raison. Quelques années plus tôt, John Milton30 se déclarait hostile à la censure que la presse subissait à l'époque de la révolution anglaise du fait du Parlement. Pour lui, cette censure était le produit de l'inquisition et non de la loi, elle est en outre une injure faite au peuple et aux intellectuels à qui on ne fait pas confiance. En outre, elle est pour lui inutile et inefficace puisque ne s'applique pas à tout. Cette première théorisation de la liberté de la presse en Angleterre montre l'importance que les libertés individuelles, et parmi elles la liberté d'expression, ont pour les philosophes du XVIIème siècle. D'autres comme John Locke vont plus loin en considérant la liberté comme un droit naturel de l'Homme qui ne peut découler du parlement, c'est un 28 Définition de la « common law » par le juge Lord Wensleydale dans l'arrêt de la chambre des Lords « Mirehouse v. Rennel » de 1833. 29 Hobbes, « Léviathan », 1651. 30 John Milton, « Areopagitica », 1644. 28 droit inaliénable31. Le pouvoir n'est pour lui qu'en dépôt entre les mains des gouvernants qui doivent respecter la volonté des gouvernés. Afin d'aboutir à cet idéal de libéralisme, ces philosophes, dont John Stuart Mill 32, recommandent une forte répartition des pouvoirs et considèrent que tout ce qui ne concerne qu'un seul individu doit être hors du champ du pouvoir des gouvernants. Cependant, malgré les nombreuses théories des philosophes, il n'y a pas eu de texte formalisant les acquis fondamentaux. Ces derniers sont toujours le fruit des traditions et des décisions de justice. Cela ajoute foi aux théories de Edmund Burke pour qui une société ne peut survivre si elle ne tire pas les leçons de son expérience passée. Selon lui, la seule constitution valable serait celle basée sur les traditions et qui pourrait évoluer au fil du temps. Face à ses possibilités d'évolutions des notions de libertés, force est de constater que cela est favorable à l'univers musical et à la liberté d'expression du musicien. Cette conception permet de rendre acceptable par la société, voire même licite, une forme de musique qui aurait été condamnée par la morale ou par la loi auparavant. Cependant, après avoir rejoint l'Union Européenne, le Royaume-Uni a adopté la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales. Afin de transposer ces droits et libertés en droit anglais, la loi sur les droits de l'Homme a été votée en 1998. B – LA LOI SUR LES DROITS DE L'HOMME En 1998, le parlement a adopté une loi sur les droits de l'Homme, « The Human Rights Act ».Ce texte particulier bouleverse le paysage juridique anglais en matière de libertés fondamentales (1) et de liberté d'expression (2). 1) Un texte bouleversant le paysage juridique En 1998, le Parlement britannique a voté une loi transposant, notamment en droit anglais, la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales que le Royaume-Uni avait adoptée en 1951. Cette loi sur les droits de l'Homme impose aux juges d'interpréter la loi et de juger en étant autant que possible compatible avec les droits établis par la Convention. Cette loi 31 John Locke, « Traité sur le pouvoir civil », 1690. 32 John Stuart Mill, « Essai sur la liberté », 1859. 29 permet aussi de se tourner vers une cour britannique en cas de violation de la Convention plutôt que d'intenter une action devant la Cour Européenne des Droits de l'Homme de Strasbourg. En ce qui concerne les libertés protégée, cette loi ne fait que proclamer le droit à la liberté d'expression, reprenant le texte européen. Aucune protection spécifique n'est organisée par cette déclaration, cela a d'ailleurs conduit certains commentateurs à la considérer comme une véritable déclaration des droits. Cela constitue en effet une véritable révolution en droit anglais, surtout dans la façon de protéger les droits : les droits fondamentaux les plus importants sont désormais partie intégrante du droit positif. Pourtant, si cette loi constitue un texte dont le législateur et les juges doivent tenir compte dans l'exercice de leurs fonctions, elle n'a pas pour objectif d'organiser une réelle protection des libertés fondamentales. 2) Un texte disposant du principe de liberté d'expression Dans son article 10, la loi de 1998 sur les droits de l'Homme déclare que « chacun a le droit à la liberté d'expression ». Il s'agit du premier texte en droit anglais qui pose le principe de la liberté d'expression. Il s'agit de la liberté d'exprimer ses opinions, toutes ses opinions, ainsi que de recevoir les idées et opinions des autres, sans interférence de la part des autorités publiques et sans considération de frontière. En Angleterre, la liberté d'expression comprend la liberté de parole, d'écriture et de publication. Ces trois facettes permettent aux artistes de pouvoir s'exprimer, notamment au travers de la musique. Mais si cela relève des traditions et de la « common law », la loi de 1998 ne reprend pas ces trois conceptions, mais envisage la liberté d'expression de façon globale. Pour autant, cela ne remet pas en cause l'importance de cette loi. La liberté d'expression devient un élément que le législateur et les juges doivent obligatoirement prendre en compte. Mais si les individus sont libres de dire, écrire ou publier ce qu'il souhaitent, cela ne peut se faire que dans le respect des limites posées par la loi et la jurisprudence. En reprenant le texte de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales, la loi de 1998 sur les droits de l'Homme prend en considérations la possibilité de limites légales et nécessaires dans certains cas. Mais le 30 droit anglais en prévoyait déjà trois auparavant. §2) DES LIMITATIONS FIXÉES PAR LA LOI ET LA JURISPRUDENCE En droit anglais, chacun est libre de s'exprimer, sous réserve de ne pas outrepasser les limites fixées par la loi ou la « common law ». Il existe trois limites : la diffamation (A), la sédition (B) et l'obscénité (C). A – LA DIFFAMATION La diffamation est la première limite à la liberté d'expression qui a été posée par la loi et la « common law » (1). Mais l'appréciation de la diffamation en matière musicale mérite une attention particulière (2). 1) Diffamation et liberté d'expression La diffamation est le premier cas de restriction à la liberté d'expression en droit anglais. Il s'agit d'un délit susceptible d'engager la responsabilité civile de son auteur. Il s'agit d'une déclaration mensongère dont l'objet est de discréditer une personne, et principalement le fait de l'exposer à la haine, au ridicule ou au mépris, ou encore qui abouti à l'exclusion de cette personne de la société ou porte atteinte à sa dignité33. La diffamation doit donc être appréciée par rapport à la réaction que les propos litigieux provoquent au sein de la société, et notamment la mise à l'écart de la société de la personne visée ou tout comportement négatif à son encontre. La diffamation peut être écrite, il s'agit du « libel », ou orale, on parle alors de « slander ». Est considérée comme acte diffamatoire écrit tout acte ayant le caractère de permanence. Il peut s'agir d'un document écrit, mais aussi d'une représentation visuelle telle qu'une statue ou une caricature d'une personne représentant cette dernière à son désavantage. En outre, depuis la loi sur la diffamation de 1952 34, le terme d'« écrit » est entendu dans son sens le plus large : sont considérées comme de la diffamation écrites celles réalisées sous la forme d'émissions de radio, de télévision ou de films cinématographiques. Ce qui importe donc est le caractère de la permanence, la fixation 33 FRISON (D.), « Introduction au droit anglais et aux institutions britanniques », éd. Ellipses, 3éd., 2005, p.253-254. 34 « the Defamation Act 1952 ». 31 sur un support permettant la diffusion de l'acte diffamatoire. Dans le cas de la diffamation écrite, la victime n'a pas besoin de rapporter la preuve d'un préjudice afin d'engager des poursuites contre l'auteur de cet écrit. En outre, si cela cause un trouble à l'ordre public, la diffamation écrite peut constituer un délit pénal. Pour ce qui est de la diffamation orale, elle recouvre les actes de nature transitoire telle que les discours ou les gestes exprimant le mépris envers autrui. Dans ce cas, la victime doit prouver l'existence d'un préjudice financier pour pouvoir engager des poursuites. Cependant il existe des cas pour lesquels ce préjudice n'est pas nécessaire. Il s'agit notamment de la situation où le plaignant est accusé d'avoir commis un crime ou bien s'il souffre d'une maladie le discréditant aux yeux du public, ou encore si – dans le cas où il s'agit d'une femme – elle est accusée d'adultère. Le plus souvent, la victime se voit accorder des dommages-intérêts, voire une injonction contre le diffamateur. En matière de musique, l'appréciation de la diffamation peut cependant poser quelques problèmes. 2) Diffamation et musique Le plus souvent, les chansons et airs de musiques sont écrits au préalables et font l'objet d'une fixation sonore ou même sur un vidéogramme. De ce fait, il semble de prime abord que seule la diffamation écrite trouve à s'appliquer. En effet, la loi de 1952 condamne la diffamation par voie de radio ou de télévision, mais c'est avant tout la diffamation persistant dans le temps et diffusée à un public qui est visée. Donc, il est envisageable d'appliquer les règles de diffamation écrite aux chansons et airs de musique enregistrés sur phonogrammes ou vidéogrammes. Certaines chansons incites en effet à la violence, l'émeute ou la haine envers une ou plusieurs personnes, dans ces cas, les personnes visées par ces musiques peuvent intenter une action devant les juridictions civiles afin de demander réparation. Et en cas de trouble à l'ordre public causé par une telle chanson, l'auteur serait passible d'une condamnation pour délit pénal. Cependant, la diffamation orale peut également être utilisée en matière de musique. En effet, il arrive lors de concerts ou de divers rassemblements publics que des musiciens jouent des musiques improvisées, ou encore reprennent une chanson existante en 32 modifiant les paroles de celle-ci. Dans ces cas, il n'y a pas toujours de fixation sur un support quelconque. La prestation perd alors son caractère de permanence et devient éphémère. Si une personne est diffamée au cour de cette prestation, elle ne peut donc invoquer que la diffamation orale. Mais là encore, elle devra prouver un préjudice financier. Cette première limitation à la liberté d'expression permet donc d'envisager les cas où un musicien porterait préjudice à une personne privée par le biais de son art. Le deuxième cas légal de restriction concernait quant à lui – à l'origine – d'avantage les personnes et les institutions publiques. Il s'agit de la sédition. B – LA SÉDITION La seconde limite à la liberté d'expression en droit anglais est la sédition (1). En ce qui concerne la liberté d'expression du musicien, il s'agit alors de la possibilité pour lui d'exprimer ses opinions politiques, en faveur ou non du gouvernement, et sous une forme plus ou moins virulente (2). 1) Sédition et liberté d'expression La sédition, telle qu'elle est définie par la « common law » et les lois, est un délit pénal qui consiste à susciter intentionnellement la haine, le mépris ou la déloyauté envers les gouvernants, la constitution du Royaume-Uni ou son administration. Mais il s'agit aussi de susciter le mécontentement, l'hostilité ou l'usage de la violence physique parmi les sujets du royaume35. Il ne suffit pas de critiquer la politique du gouvernement pour que cela constitue un acte séditieux. Il faut que ces critiques soient faites dans le but d'engendrer des troubles et de la violence. Aujourd'hui, le fait d'appeler la population à manifester contre une décision du gouvernement britannique n'est pas un acte qui puisse être qualifier de séditieux, sous réserve que cette manifestation se fasse sans trouble et sans violence. Des lois successives de 1936 et 1986 sur l'Ordre public, ainsi que celles de 1965 de 1976 relatives aux relations raciales, ont préciser, afin de répondre aux problèmes de violence contre les minorités ethniques, que toute incitation à la haine raciale est un acte séditieux. De même, la loi précitée de 1986 précise les différents actes de sédition. Il s'agit des émeutes, des troubles à l'ordre public avec usage de la violence, les rixes, les menaces physiques ou verbales, le harcèlement, les manifestations non autorisées, les 35 v. note n°33, p.255-256. 33 atteintes aux biens et aux personnes, les « raves » et enfin toute forme d'incitation à la haine raciale. Le principe de sédition a donc évolué. À l'origine conçu comme une atteinte à la Couronne, il est aujourd'hui également utilisé afin de protéger des personnes privées. Cependant, le fond reste toujours le même. Il s'agit de protéger l'ordre public contre toute possibilité de troubles, notamment de troubles violents. En outre, la jurisprudence mais aussi les textes de loi, définissent la sédition comme un acte commis dans l'intention de susciter de tels troubles. Un acte qui ne serait pas suivi de violences ne pourrait donc pas être considéré comme séditieux. À l'inverse, si un trouble à l'ordre public survient après des paroles ou actes critiques à l'égard du gouvernement, mais que ces dernières n'aient pas eu pour but de susciter ces troubles de manière intentionnelle, la question de la soumission de ces actes au régime pénal de la sédition peut se poser. Si l'on s'en tient à la lettre de la définition, tant que l'intention n'est pas démontrée, il ne peut y avoir sédition. Mais la liste des actes de sédition promulguée par les différentes lois depuis 1936 a largement étendu le champ de ces actes, il ne s'agit plus uniquement du fait de susciter la violence, mais il y a une participation active à ces actes qui semble requise. Ainsi, en ce qui concerne les émeutes, ce n'est plus l'acte qui incite au trouble qui est sanctionné par la loi, mais le trouble lui-même. Il ne s'agit plus d'incitation. Cette limitation à la liberté d'expression se justifie donc par les troubles qui peuvent être causés à l'ordre public, ce qui correspond à la loi de 1998 sur les droit de l'Homme, et donc à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales. Cela prouve surtout que la liberté d'expression pour ce qui touche au domaine politique peut aller très loin en Angleterre. La limite étant le trouble et la violence, tout acte à l'encontre du gouvernement qui ne serait pas suivi de ces effet ne saurait être susceptible de constituer un délit. Cela permet notamment de laisser aux musiciens une plus grande marge dans leur choix artistiques. 2) Sédition et musique La musique permet d'exprimer toute sorte de sentiments, mais aussi d'opinions. Les idées politiques ne sont pas en reste et il arrive qu'un artiste fasse le choix de traduire en 34 chanson ce qu'il pense d'un gouvernement, d'un parti politique ou d'un point précis d'une politique publique par exemple. La liberté d'expression leur permet d'extérioriser leurs opinions afin d'en faire partager le public. Cette forme d'expression des idées est autorisée par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales et aussi par le droit anglais par le biais de la loi de 1998. Conformément à la jurisprudence et aux diverses lois en vigueur en Angleterre, toute forme de sédition qui proviendrait d'un morceau musical serait considéré comme un délit pénal. Pour cela, il convient de démontrer que telle ou telle chanson ou rassemblement musical a entraîner un trouble ou des violences, ou encore incite à la haine raciale. Ici encore, de nos jours, il ne suffit pas que le parolier ou le compositeur aient écrit un morceau comportant une de ces composantes, il faut qu'il y ait eu un trouble lié à la chanson incriminée. La seule expression d'une opinion ne suffit pas en elle-même à engager la responsabilité de l'auteur pour sédition. Cela rend d'autant plus importantes les possibilités d'expression des musiciens. Ils peuvent largement communiquer leurs idées, les chances d'être inquiétés étant minimes. Le seul cas où la simple expression d'une opinion serait susceptible d'entraîner des poursuites serait l'incitation à la haine raciale. En effet, puisqu'il s'agit « d'incitation », le fait d'écrire ou de composer de façon a encourager à cette haine raciale suffit à ce que le délit de sédition soit constitué. Si la sédition a pour but de prévenir les troubles à l'ordre public, la troisième limitation possible à la liberté d'expression en droit anglais, l'obscénité, tend à sauvegarder la moralité. C – L'OBSCÉNITÉ La dernière limite que le droit anglais apporte à la liberté d'expression est l'obscénité. Cette restriction s'applique non seulement à ce qui est jugé obscène, mais également à la pornographie (1). cette notion a fortement évolué avec le temps, ce qui a profiter aux musiciens (2). 35 1) L'obscénité et la liberté d'expression L'obscénité, qui recouvre aussi la pornographie, est également un délit pénal dont le contenu a largement évolué et qui recouvre aujourd'hui des domaines que la « common law » ne pouvait envisager auparavant36. C'est la loi de 1959 sur les publication obscènes qui pose le régime actuel de l'obscénité. Selon cette loi, sont interdit les articles qui « tend à dépraver et à corrompre les personnes... susceptibles de lire […] son contenu ou se qu'il renferme ». Le terme d'article inclus également les livres, les films, les images, les disques ou encore les cassettes. En outre, la loi de 1969 relative aux télécommunications proscrit également l'utilisation des télécommunications à des fins obscènes. En ce qui concerne la protection des mineurs, les publications qui leur sont nuisibles sont interdites depuis une loi de 1955. L'étalage d'articles indécents est quant à lui banni par une loi de 1981. Il ne s'agit donc pas de protéger uniquement les mineurs, le concept d'obscénité va au delà. L'objectif est également de protéger une certaine morale « bien pensante ». le support importe peu, seul le contenu est pris en considération afin d'apprécier s'il y a ou non obscénité. La liberté d'expression s'en trouve nécessairement restreinte en ce que tout support contenant un message obscène ou pornographique sera prohibé et susceptible d'entrainer une action devant les juridictions pénales. De peur d'être poursuivi, les auteurs de contenus sont donc susceptibles de se limiter eux-mêmes. Mais ici encore se pose la question de ce qui peut être considéré comme étant obscène ou non. Puisqu'il s'agit de protéger la morale de la société, la notion est fortement sujette aux évolutions de cette société. Ainsi, une publication qui pouvait être jugée obscène dans les années 1960 peut ne plus l'être aujourd'hui. C'est notamment en matière de musique que ces évolutions de la notion de l'obscénité prennent tout leur sens. 2) L'obscénité et la musique De nombreuses chansons ont par le passé été jugées obscènes, certaines le sont encore aujourd'hui. Les paroles, mais aussi les vidéogrammes musicaux, à contenu obscène ou pornographique ne sont pas rares dans certains genres musicaux comme le Rap ou même 36 v. note n°33, p.256-258. 36 le Rock, ce dernier type de musique étant particulièrement implanté en Angleterre. Le fait de poser l'obscénité et la pornographie en limite à la liberté d'expression engendre bien sûr des conséquences pour les musiciens qui peuvent voir leurs chansons faire l'objet d'action en justice, voire même de censure de la part de stations de radio ou de chaînes de télévision. Mais la conception que la société se fait de ce qui est ou non obscène change au fil du temps, le plus souvent dans le sens d'une plus grande ouverture d'esprit et une plus grande permissivité. Ainsi par exemple, dans les années 1940, une chanson de George Formby, « When I'm Cleaning Windows », fut interdite de diffusion sur la radio anglaise « BBC » car elle parlait de voyeurisme. Plus tard, elle pût être diffusée à nouveau. Aujourd'hui, il en faut plus pour qu'une chanson soit jugée obscène, c'est notamment le cas en présence d'insultes clairement prononcées ou de paroles à caractère sexuel facilement identifiables. Pourtant, malgré le fait que ces chansons soient jugées impropres à être diffusées sur certaines stations de radios, elle ne font pas l'objet de poursuites pénales, ce qui montre que les mentalités évoluent mais aussi et surtout que l'appréciation de ce qui rentre vraiment dans le cadre de la prescription de l'obscénité et de la pornographie reste très large lorsqu'il s'agit de musique. Dans ces trois cas de limitation de la liberté d'expression, ce n'est pas l'État qui intervient à priori afin de prévenir un trouble, mais ce sont des délits qui sont tranchés à posteriori par les juges. Cela démontre l'importance de la liberté d'expression dans le droit anglais, il n'y a pas d'ingérence de l'État dans l'expression des opinions par les citoyens. Il existe certes des limites posées par la loi de 1998 sur les droits de l'Homme, l'État a la possibilité de soumettre certaines activités comme le cinéma à une autorisation préalable, cependant, ces quelques cas précis ne sont pas de nature à priver la conception britannique de la liberté d'expression de ses effets considérables sur les possibilités offertes aux artistes et surtout aux musiciens. Pourtant, il est possible de remarquer que le droit anglais reste général quant à la liberté d'expression, il englobe tous les domaines auxquels elle est susceptible de s'appliquer. Au contraire, en France, pays souvent considéré comme celui des droits de l'Homme, bien que cette liberté soit consacrée dans sa généralité depuis longtemps, le droit français a pris en compte la spécificité de la liberté d'expression artistique. 37 SECTION 3 : LA FRANCE OU LA PATRIE DES DROITS DE L'HOMME La France est réputée comme étant le premier pays européen à avoir garanti la liberté d'expression au travers la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789. Ce texte proclame ainsi une des liberté individuelles les plus importantes dans une société démocratique (§1). Mais il faut également envisager cette liberté d'expression comme celle de l'artiste (§2) §1) LA PROCLAMATION D'UNE LIBERTÉ INDIVIDUELLE La liberté d'expression est un droit de l'Homme proclamé dans plusieurs déclarations des droits (A). Mais ces dispositions théoriques conduisent à une concrétisation de cette liberté d'expression en matière de médias (B). A – LES DÉCLARATIONS DES DROITS ET LA LIBERTÉ D'EXPRESSION La liberté d'expression a été promulguée pour la première fois dans la DDHC de 1789, ce qui en fait un texte précurseur (1). Mais elle a été reprise dans de nombreuses autres déclaration des droits auxquelles la France a souscrit (2). 1) La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen La DDHC a été adoptée le 27 août 1789 suite à la convocation des États-généraux et la scission opérée par le tiers-état qui souhaitait l'abolition des privilèges. Les représentants du tiers-état ayant été rejoints par certains représentants du Clergé et de la noblesse, la DDHC se fait l'écho de la pensée philosophique de l'époque des Lumières. Ainsi, si la démocratie et les droits individuels étaient alors synonymes d'anarchie, la Déclaration prend le parti de prôner le respect des droits individuels considérés comme les droits naturels de l'Homme : la propriété, la liberté et le droit à la vie. L'article 11 de cette Déclaration proclame la liberté d'expression, un des visages de la liberté. Il s'agit pour les Révolutionnaires d'un droit fondamental et inaliénable de l'Homme auquel chaque citoyen a droit. Cette liberté a plusieurs niveaux, il s'agit de pouvoir communiquer ses idées et opinions que cela soit en les imprimant, en les publiant ou tout simplement par la parole. La liberté de s'exprimer passe, bien entendu, tout d'abord par la parole et la possibilité de faire part de ses opinions à d'autres personnes et ce, oralement. Cela inclus également la musique dans le sens où celle-ci permet d'exprimer par le chant, donc par la parole, 38 diverses opinions. Mais la conception révolutionnaire de la liberté d'expression permet aussi de pouvoir imprimer et publier les paroles comme cela est souvent le cas, ne seraitce que par nécessité pour l'interprétation. Cependant, cette liberté d'expression n'est pas totale, l'article 11 de la DDHC prévoit que les citoyens seront tenus pour responsable en cas d'abus dans l'exercice de la liberté d'expression. Ces abus doivent être définis par la loi. Ainsi, seule une limite légale peut être acceptable. La DDHC elle-même ne prévoit aucune de ces restrictions. Au-delà de la volonté de réduire l'arbitraire – dans les décisions de censure notamment – cette précaution permet aussi de protéger d'autres droits concurrents. Afin de concilier ces droits avec la liberté d'expression, il convient d'édicter des lois afin que les cas dans lesquels la liberté d'expression est considérée comme dangereuse mais serait tout de même utilisée puissent être réprimés tout en respectant le principe de légalité des délits et des peines. Cette liberté, proclamée à la Révolution, est aujourd'hui d'autant plus importante qu'elle a acquis une valeur constitutionnelle en intégrant le bloc de constitutionnalité. Cela rend la conciliation avec les autres droits et libertés de la DDHC encore plus nécessaire. Si le droit français est grandement influencer par la conception de la liberté d'expression de la DDHC du fait de sa valeur constitutionnelle, il convient également de prendre en compte les différentes déclarations des droits internationales mentionnant cette liberté. 2) Les Déclarations Internationales des Droits Le droit international s'est lui aussi saisi de la question de la liberté d'expression. Au XXème siècle, plusieurs déclaration internationales des droits ont promulgué cette liberté, en faisant un droit de l'Homme. Ces Déclaration ont un impact variable sur le droit français mais toutes permettent d'assurer une interprétation uniforme imposant une certaine force morale. La Déclaration Universelle des Droits de l'Homme de 1948 protège la liberté d'expression dans son article 19. Cette convention internationale protège la liberté de chacun d'avoir ses opinions ainsi que de rechercher, recevoir ou répandre des informations sans interférence et par le biais de n'importe quel moyen sans considération de frontière. Contrairement à la DDHC, la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme ne prévoit aucun cas de restriction, ni même la possibilité qu'il puisse exister une quelconque 39 limitation à la liberté d'expression. Cette proclamation ne signifie pas pour autant que la liberté d'expression est absolue, il est en effet généralement admis qu'elle puisse faire l'objet de limitations quand elle rencontre d'autres droits ou même d'autres valeurs. Ce texte a pour objet d'assurer le respect de la liberté d'expression par les pays signataires au sortir de la seconde guerre mondiale. Le contexte est donc fortement empreint d'émotions et le but premier était de rassembler les différents États autour d'un même texte établissant un socle commun de libertés et de droits à respecter. Le droit européen n'est pas en reste. Dans le cadre du Conseil de l'Europe, la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme de 1950 protège également la liberté d'expression dans son article 10. Celui-ci reprend dans un premier alinéa la mention classique sur la liberté d'expression, celle qui se retrouve dans la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme. Par contre, à l'inverse des autres déclaration, dans un second alinéa la Convention dispose qu'il peut exister des restrictions ou limitations prévues par la loi. Cela tient notamment du fait que dans la conception que le Conseil de l'Europe a de la liberté d'expression, celle-ci comporte des devoirs et des responsabilités. Mais ces formalités ou limitations ne peuvent être édictées que dans des cas limitativement énumérés et ce de manière nécessaire. Contrairement à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme, la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme a une force contraignante et tout pays signataire est soumis à la juridiction de la Cour Européenne des Droits de l'Homme. L'Union Européenne étant elle-même signataire de la Convention, cela renforce encore la contrainte imposée aux États-membres. Mais l'UE a, à présent, sa propre déclaration des droits avec la charte des droits fondamentaux de l'UE entrée en vigueur le 1 er décembre 2009. Celle-ci se contente de proclamer le droit à la liberté d'expression, y compris par le biais des médias37. Cela influe nécessairement le droit français et la conception de la liberté d'expression issue de la DDHC. En effet, ces différents textes doivent être respectés, notamment par les juridictions qui auraient à connaître d'un litige relatif à la liberté d'expression. La liberté d'expression en France n'est donc pas uniquement celle issue de la DDHC, les textes internationaux font nécessairement partie du droit applicable. De ce fait, lorsqu'il s'agit d'examiner l'usage fait de la liberté d'expression dans la musique, il faut tenir compte de ces textes. 37 Charte des droits fondamentaux de l'UE, adoptée le 7 décembre 2000 dans le cadre de l'UE et entrée en vigueur avec le Traité de Lisbonne le 1er décembre 2009. Article 11. 40 Pourtant, ces textes internationaux ne s'éloignent pas du droit français et reprennent une vision similaire de la liberté d'expression. Ce qui est susceptible de différer, c'est la pratique. En effet, la Cour Européenne des Droits de l'Homme tiens fortement au respect de la liberté d'expression tout comme aux autres droits promulgués par la Convention. Elle veille à ce que les États fassent un usage de ce droit conforme aux intérêts des citoyens qui sont ceux protégés par le texte. Parfois, l'action de l'État est condamnée par la Cour, mais il se peut tout à fait que ces actions soient validées. La liberté d'expression se trouve promulguée par de nombreux textes, à différents niveaux. Mais cette liberté trouve sa principale concrétisation dans les médias. B – LA CONCRÉTISATION DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION ET LES MÉDIAS Les médias sont le principal secteur dans lequel la liberté d'expression trouve à s'appliquer en droit français. En effet, les secteurs de la presse (1) et de la communication audiovisuelle (2) permettent une diffusion des idées et des opinions auprès du public et à grande échelle. 1) La liberté d'expression de la presse La liberté de la presse proclamée en 1881 est traditionnellement considérée comme une liberté d'expression, même si elle est de plus en plus souvent analysée en une liberté économique. Pourtant, la part de la liberté d'expression n'est pas négligeable, qu'il s'agisse de la liberté du journaliste ou des questions de responsabilité de la publication. La liberté d'expression s'applique aussi aux journalistes, ils sont également des citoyens et y ont donc droit tout comme le reste de la population. Le fait qu'ils puisse s'exprimer librement est une condition primordiale de l'exercice de leur profession. Elle leur permet de transmettre les informations librement, sans pression et sans censure, comme cela était le cas pendant longtemps notamment sous l'Ancien Régime depuis « La Gazette » de Théophraste Renaudot contrôlée par le pouvoir royal dès sa création en 1631. La presse a été le premier moyen de diffusion de la pensée et donc la première bénéficiaire historique de la liberté d'expression. Celle-ci permet de communiquer au public différents points de vue et différentes tendances, notamment politiques. Il s'agit donc là d'un moyen de préserver et de faire fonctionner la démocratie. Mais cette liberté ne saurait être absolue ou discrétionnaire. Il existe des limites qui constituent des crimes et délits par voie de presse. Ces restrictions ont une vocation préventive, l'existence d'une sanction devant avoir un effet dissuasif. Mais l'existence de 41 ces dernières permet également de réparer les infractions commises. Le premier cas de limitation est la diffamation. Il s'agit de « toute allégation ou imputation d'un fait qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé ». d'après cette définition, il faut donc qu'un fait précis soir allégué de manière à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de son destinataire qui doit être identifiable. Cependant il est également nécessaire qu'il y ait une volonté de porter cette atteinte à l'honneur mais aussi que cela soit fait de manière publique. L'acte de publicité est constitué par la publication dans un titre de presse, il faut donc être en mesure de prouver que les allégations sont faites de mauvaise foi et dans le but de porter atteinte à l'honneur de la personne visée. L'injure est quant à elle toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l'imputation d'aucun fait38. Tout comme pour la diffamation, il existe des types d'injures particulières en raison de la race, du sexe ou encore du handicap. Mais contrairement à la précédente cause de restriction, il existe ici une excuse de provocation permettant de se dédouaner de sa responsabilité. Les atteintes à la vie privée peuvent également être considérées comme une limite à la liberté d'expression. Il s'agit alors de concilier le droit de s'exprimer librement avec celui des tiers à protéger leur vie privée et leur image. Les juridictions se fondent plus volontiers sur la responsabilité civile délictuelle de l'article 1382 du Code civil que sur la loi de 1881. D'autres limites peuvent intervenir, comme la loi pour les publications sur la jeunesse ou encore les publications étrangères. Ces limites peuvent être étendues à la liberté d'expression musicale, bien que pour ce qui est du fondement de l'action, la loi de 1881 n'est pas envisageable contrairement à l'article 1382 du Code civil. En effet, il est possible de penser qu'une personne se sentant diffamée, injuriée ou encore pensant voir sa vie privée atteinte, pourrait tout à fait agir contre un artiste musicien. Avec l'évolution des technologies, de nouveaux moyens de communication des informations, idées et opinions sont apparues, et notamment la communication audiovisuelle. La liberté d'expression doit donc trouver à s'appliquer dans se secteur. 38 Article 30 et 33 de la loi n°1881-07-29 du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse. 42 2) La liberté d'expression de la communication audiovisuelle En matière de communication audiovisuelle, la liberté d'expression connaît quelques spécificités dues notamment à l'utilisation d'une ressource rare pour la diffusion des programmes ainsi qu'au fait qu'il s'agisse d'un moyen d'expression de la démocratie. Mais la liberté de communication audiovisuelle résulte d'une évolution de la jurisprudence et notamment de celle du Conseil Constitutionnel. Ce dernier a fait une interprétation constructive de la liberté d'expression. Celle-ci étant définie comme la liberté de communiquer, le Conseil constitutionnel considère que cela recoupe la communication audiovisuelle. Depuis une décision de 1964, le juge constitutionnel considère qu'il s'agit d'une liberté publique relevant de la compétence du législateur39. Cette liberté consacrée n'est pourtant pas absolue, tout comme les autres facettes de la liberté de communication. La première des limitation est celle liée au pluralisme et à l'expression diversifiée des courants de pensées et d'opinion. Toutes les formations politiques revendiquent le droit d'accéder aux moyens de communication audiovisuelle, des règles ont été édicter afin de permettre un accès, sinon égalitaire, au moins proportionné à la représentativité de la formation. Les opérateurs de communication audiovisuelle ne sont donc pas totalement libre d'organiser leurs communications comme ils l'entendent, ils doivent respecter la liberté d'expression des formations politiques mais également la liberté du récepteur du message d'avoir des informations exprimant une pluralité d'opinions. La liberté des opérateurs est d'autant plus limitée que la ressource en fréquences radioélectriques utilisée pour la diffusion de leurs messages est rare. L'accès à ces fréquences est contrôlée et soumis à l'autorisation du CSA, mais l'exercice de l'activité est lui-même contrôlé, ce qui limite la liberté d'expression des opérateurs en ne leur laissant pour marge de manœuvre que celle prévue dans les convention passées entre le CSA et eux-mêmes. La liberté d'expression ne permet pas seulement de communiquer des opinions politiques via les médias, elle peut servir à exprimer des courants artistiques, ce qui a été pris en compte par le législateur. 39 Cons. Const. N°64-27L du 17 mars 1964 « Radio Télévision française ». 43 §2) LA PRISE EN COMPTE DE LA LIBERTÉ DE L'EXPRESSION ARTISTIQUE L'art sous toutes ses formes est un moyen d'expression, il doit donc pouvoir bénéficier de la liberté d'expression lui aussi. Mais il s'agit d'une liberté particulière (A) qui est aussi réglementée (B). A – UNE LIBERTÉ PARTICULIÈRE La liberté de l'expression artistique n'est pas absolue (1) et elle connait une particularité des plus importantes car il s'agit d'une liberté de l'esprit de façon encore plus marquée (2). 1) Une liberté non absolue Les artistes se réclament tous de la liberté d'expression, quelque soit la forme artistique choisie. Le concept même de la limitation de la liberté d'expression de l'artiste s'oppose à l'art. Pourtant, il existe des possibilités de restriction de cette liberté artistique. La Charte des Droits Fondamentaux de l'Union Européenne, dans son article 13, dispose que les arts sont libres et ne pose aucune restriction 40. Cette liberté d'expression artistique résulte de la liberté d'expression traditionnelle et de la liberté de pensée. La place qui lui est accordée dans la Charte est une consécration spécifique découlant notamment de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l'Homme. En droit français, aucun texte normatif ne prévoit la liberté d'expression artistique ou la liberté des arts. Pourtant, il est reconnu que la protection de la liberté d'expression qui est proclamée et protégée de manière générale comprend également la liberté de l'expression artistique41. Cela résulte d'une longue évolution des mentalités. Pendant longtemps, l'expression artistique était fortement redoutée par les pouvoirs politiques qui opéraient un contrôle sur les arts et n'hésitaient pas à censurer toute œuvre susceptible d'entrer en conflit avec leur point de vue politique et de provoquer des troubles. Aujourd'hui, le contrôle exercé sur cette expression artistique est bien moindre. La censure sur les spectacles a été bannie, comme c'est le cas depuis 1945 pour le théâtre. 40 Charte des droits fondamentaux de l'UE, article 13 : « Les arts [...] sont libres » 41 CEDH, 24 mai 1988, « Müller et a. c/ Suisse » : la CEDH reconnaît que l'article 10 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'Homme ne mentionne pas la liberté de l'expression artistique mais cet article ne distingue pas non plus entre les différentes formes d'expression protégées et englobe donc la liberté d'expression artistique. Cela peut être étendu à la DDHC de 1789. 44 Les spectacles sont toujours soumis à une réglementation issue de l'ordonnance du 13 octobre 194542, il s'agit certes d'un régime libéral plus favorable que celui du cinéma par exemple. Cependant, cela montre que, bien que l'expression artistique soit reconnue et protégée, il existe tout de même certaines restriction. La liberté de l'expression artistique n'est donc pas absolue. Mais la question qui se pose puisque cette liberté n'est pas absolue, c'est celle de la conciliation avec le fait qu'il s'agisse d'une liberté de l'esprit qui est limitée ici. 2) Une liberté de l'esprit L'expression artistique passe nécessairement par l'expression de la personnalité de l'artiste. Il s'agit de faire transparaître les idées de l'artiste de façon concrète. De ce fait, la liberté de l'expression artistique et tout d'abord une liberté de l'esprit, la possibilité de diffuser auprès du public leur art et toutes les idées et opinions qui s'y expriment. Il peut s'agir d'idées politiques, parfois en opposition au pouvoir en place ou même dissidentes. Celles-ci peuvent même heurter la morale d'une société ou encore comporter des messages violents ou pornographiques. Dans certains domaines comme le cinéma, la liberté d'expression de l'artiste peut se trouver limiter pour ces raisons, c'est-à-dire du fait de ce que l'artiste a voulu exprimer. Ainsi, pour ce qui est du cinéma, une classification a été mise en place afin de préserver les publics les plus fragiles des messages pouvant représenter un danger potentiel pour eux. Les films d'incitation à la violence et les films pornographiques sont non seulement interdits aux moins de dix-huit ans, mais ils sont également distribués et diffusés hors du circuit traditionnel, sans oublier qu'ils sont plus fortement taxés que les autres films. Cela entraîne nécessairement une limitation de la liberté d'expression puisque le public touché sera moins grand, non pas du fait de la volonté de l'artiste mais de celle des autorités publiques. La liberté de l'expression artistique est donc avant tout celle de l'esprit et il semble difficilement concevable que cette facette de la liberté puisse être limitée, il s'agit des convictions et des opinions les plus personnelles et les plus intimes qui n'appartiennent qu'à l'auteur lui-même. Pourtant, il existe certaines réglementations en matière de liberté d'expression artistique. 42 Ordonnance n°45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles. 45 B – UNE LIBERTÉ RÉGLEMENTÉE La liberté d'expression musicale n'est pas absolue, elle est réglementée. Le domaine privilégié de cette réglementation est le domaine des spectacles (1), domaine qui est également pris en compte par la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme (2). 1) La réglementation des spectacles Les spectacles font l'objet d'une réglementation en droit français. À côté de celle existant pour les représentations cinématographiques, il existe une ordonnance du 13 octobre 1945 qui régit différentes catégories de spectacles publics. Cette ordonnance pose un régime pour ce qui est notamment du théâtre, des tournées théâtrales, lyriques ou chorégraphiques, des cabarets, des cafés concerts, cirques, exhibitions de chants et danses dans les lieux publics et tous spectacles de curiosité et de variété. Les deux catégories de l'article 13 de l'ordonnance qui regroupent les spectacles musicaux, forain et de danse dans des lieux publics ou encore les cafés concerts, musichalls ou cirques sont soumis à un régime d'autorisation préalables, contrairement aux quatre autres catégories pour lesquelles seuls les pouvoirs de polices spéciaux ou généraux peuvent intervenir, et pour lesquels il n'y a donc pas besoin d'autorisation. Il existe donc une différence entre les spectacles se déroulant dans les théâtres nationaux et les spectacles de variétés se déroulant dans d'autres salles de spectacles 43. Mais de nouvelles formes de spectacles ont pu causer des difficultés. C'est ainsi que les « raves-parties » ont fait l'objet d'un amendement lors de la loi du 15 novembre 2001 44, dit « amendement Mariani ». Celle-ci sont soumises à l'autorisation du préfet alors qu'elles se revendiquent d'un mouvement de fêtes « sauvages » ou « free party ». Il y a eu des mouvements de contestation contre cette loi de « sécurité quotidienne », principalement à l'initiative des organisateurs de ces « free party ». Le préfet peut interdire une telle manifestation ou imposer des mesures de sécurité ou d'ordre sanitaire. Le défaut d'autorisation peut entraîner la confiscation du matériel et une contravention de cinquième classe. 43 Dans un arrêt du 11 juillet 1975, le CE a estimé qu'un festival musical organisé sur un terrain privé constitué un lieu public car la propriété était ouverte au public. 44 Loi du 15 novembre 2001 n°2001-1062 relative à la sécurité quotidienne ou « LSQ », insérant dans la loi du 21 janvier 1995 n°95-73, dite loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité, un article 23-1. 46 La particularité de cette forme d'expression musicale est justement le rassemblement, notamment sauvage. Le fait de limiter les possibilité de rassemblement, de les soumettre à autorisation préalable et de pouvoir imposer des conditions constitue des moyens de restreindre l'expression de cette forme musicale. Le droit interne français n'est pas le seul a envisager la possibilité de réglementer les spectacles et donc la liberté d'expression artistique. 2) La Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et les spectacles La Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme prévoit la liberté d'expression dans sa généralité, mais la jurisprudence de la CEDH a admit que la liberté de l'expression artistique était incluse dans cet article 10. Mais le même article dispose également que certaines formes d'expression artistiques pouvaient être restreintes. Il s'agit notamment de la radiodiffusion, du cinéma ou de la télévision. Pourtant, l'arrêt de la CEDH de 1988 précité, la Cour reconnaît que ces restrictions s'étendent au domaine de l'art. L'action des États qui imposent donc des restrictions à la liberté de l'expression artistique n'est donc pas contraire à la Convention comme la Cour le suggère dans l'arrêt précédent, mais aussi dans un arrêt du 25 novembre 1996 45 confirmant la possibilité de soumettre les entreprises cinématographiques à autorisation. Cependant, la jurisprudence de Strasbourg46 pose une limite à l'intervention étatique dans la liberté de l'expression artistique. La Cour reconnaît la nécessité de l'expression des idées et des opinions au travers de la création, la diffusion, l'interprétation ou l'exposition d'œuvres d'art dans une société démocratique. Cela implique donc que l'État ne puisse pas intervenir indûment dans l'expression artistique. La Cour adopte donc une démarche de conciliation entre les droits des artistes et les nécessités d'une société démocratique d'un côté, et les droits des individus tiers de l'autre. La limite de la liberté de l'expression artistique est l'abus de cette liberté, mais l'État ne doit pas non plus commettre d'abus dans l'exercice de la restriction. Dans un arrêt du 20 septembre 199447, la CEDH a considéré qu'il était possible de saisir ou de confisquer des films si ceux-ci constituent des attaques injurieuses contre une religion. Cette décision a suscité des controverses car il s'agit évidemment d'une limitation de la liberté de 45 CEDH, 25 novembre 1996, « Wingrove c/ Royaume-Uni ». 46 cf. arrêt du 24 mai 1988 précité. 47 CEDH, 20 septembre 1994, « Otto Preminger Institut c/ Autriche ». 47 l'expression du cinéaste. Pourtant, il est possible de prévenir d'éventuels troubles à l'ordre public ainsi que les atteintes à l'honneur en limitant cette liberté d'expression. Mais ces limitations font toujours polémique, surtout quand elles consistent en une confiscation. Il est en effet possible de se demander si cela constitue une mesure nécessaire et proportionnée. Il est donc possible de réglementer les spectacles et d'en restreindre l'exercice, mais les spectacles ne sont pas les seuls constituants de la liberté d'expression artistique ou même musicale. 48 Conclusion du chapitre 1 : Les pays de l'Union Européenne protègent tous la liberté d'expression, ne serait-ce que du fait qu'ils doivent respecter les différentes déclarations des droits européennes et internationales. Cependant, chaque État a sa propre lecture de cette liberté. Ainsi, la Finlande est très protectrice envers la liberté d'expression qu'elle proclame de façon très ouverte en ne promulguant aucune limite constitutionnelle. Bien que la presse rencontre de plus en plus de difficultés face à la vie privée et la diffamation, l'administration et l'État finlandais restent très prudents avec la liberté d'expression. En ce qui concerne la liberté d'expression en Angleterre, celle-ci n'est pas constitutionnellement protégée puisqu'il n'y a pas de Constitution à proprement parler, mais depuis 1998, une loi transposant la CESDH a permis d'introduire cette liberté dans l'ordonnancement juridique britannique. Pourtant, les limites légales qui étaient jusqu'alors les seuls contours de la liberté d'expression, sont toujours en vigueur afin de pouvoir protéger efficacement ce droit de l'Homme qui n'est que proclamé dans la loi. Enfin, en France, si la liberté d'expression est protégée depuis plus longtemps que dans les deux États précédents, et bien qu'elle soit principalement destinée aux médias et à l'art, elle n'en est pas totale pour autant. Dans chacun de ces États, la liberté d'expression est non seulement protégée, mais également limitée. L'existence de limitations à la liberté d'expression dans les différents ordres juridiques ne diminue pas l'importance de cette liberté, il s'agit d'éviter les abus dans son exercice et donc de protéger les droits des tiers. Cette ingérence dans la liberté d'expression est présente dans toutes les matières auxquelles elle s'applique, y compris la musique. Pourtant, en matière de musique, la limitation de la liberté d'expression semble plus délicate du fait de l'impact d'une telle immixtion sur le public. Mais force est de constater qu'il en existe, et ce dans toutes les facettes qui composent la liberté d'expression. 49 CHAPITRE 2 : DES LIMITATIONS DIFFÉRENTES À LA LIBERTÉ D'EXPRESSION Si la liberté d'expression est conçue différemment selon les pays, et s'il existe des différences selon les mises en œuvre au sein même des pays du Conseil de l'Europe, force est de constater que cette liberté revêt toujours trois phases en matière musicales. La liberté de création (section 3), la liberté de diffusion (section 1) et la liberté de prestation (section 2) sont indispensables à un musicien souhaitant exercer son art. En ce qui concerne la liberté de création, celle-ci est sujette aux influences des restrictions à la liberté de diffusion et à la liberté de prestation, elle sera donc traitée en dernier. 50 SECTION 1 : LA LIBERTÉ DE DIFFUSION La diffusion de la musique est le moyen par excellence de la communiquer au public d'une manière la plus large qui soit. Cependant, il se peut que certaines autorités interviennent dans cette liberté de diffusion. Il peut s'agir d'intervention de la part de l'État ou d'une quelconque administration (§1), d'interventions politiques résultant notamment de pressions (§2) et enfin d'interventions de nature commerciales (§3). §1) LES INTERVENTIONS ÉTATIQUES ET ADMINISTRATIVES En France, c'est l'État lui-même qui avait pour habitude d'exercer la fonction de censeur, bien que cela ne soit plus tellement le cas aujourd'hui (A). Les institutions qui interviennent en Angleterre (B) sont plutôt des administrations locales. Le cas de la Finlande est quant à lui plus spécifique (C). A – L'ÉTAT FRANÇAIS ET L'INTERVENTION EN MATIÈRE DE MUSIQUE En France, le moyen historique par lequel l'État intervenait pour limiter la diffusion de certaines formes de musiques est d'interdire leur diffusion en radio. La pratique de la censure n'est pas récente, notamment en France. L'intervention de l'État, qui pendant longtemps était celle du Roi, avait pour but d'annihiler toute forme de controverse quant au pouvoir en place et aux idées qu'il véhicule. Les musiques dissidentes ont également été sujettes à censure. Mais au XX ème siècle, avec l'évolution des technologies et l'apparition de la radiodiffusion qui permet au public d'avoir plus facilement accès à des informations et opinions contraires au pouvoir. La volonté de contrôler les informations diffusées en radio, et donc les œuvres musicales, s'est donc faite jour. Cette tâche revenait notamment pendant la IV ème République au Comité d'Écoute de la Radiodiffusion française, mais aussi au ministère de l'information. Des artistes comme George Brassens ou Léo Ferré ont écrit et composé bon nombre de chansons qui se sont vues censurée à la radio. Le Comité d'Écoute de la Radiodiffusion française avait pour mission de proscrire tout ce qui pouvait être perçu comme contraire au bien de la société de l'époque. Les chansons interdites de diffusion à la radio le sont pour des raison de « bonne morale », comme la chanson « Monsieur Tout-blanc » de Léo Ferré qui prenait partie 51 contre l'attitude du Pape Pie XII pendant la seconde guerre mondiale et son silence face à la situation des camps de concentrations. Le Comité a été estimé que la chanson était contraire à la religion catholique, et donc à la morale. En 1975, une circulaire ministérielle a interdit la diffusion sur la station de radio France Inter la chanson « Hexagone » de Renaud pendant la visite en France du Pape Paul VI. La préservation de la morale et de la politique du gouvernement étaient les principaux objectifs de la censure de diffusion. Aujourd'hui, l'État n'intervient plus pour interdire la diffusion en raison de l'immoralité d'une œuvre. Cependant il reste des règles plus ou moins entendues de ce qu'il est bienvenu de diffuser ou non, notamment quant aux injures. Mais une question peut se poser par rapport aux quotas d'œuvres d'expression originales française sur les ondes. En effet, afin de préserver la langue française, la loi prévoit que les stations de radio doivent respecter certains quotas de chansons française et de nouveaux talents. Cela limite la possibilité pour un musicien, qu'il soit français ou étranger, mais s'exprimant dans une langue étrangères, d'être diffusé en radio. Les artistes sont donc plus ou moins contraints à enregistrer en français afin d'avoir d'avantage de chances d'être diffuser. En Angleterre, les interventions pour restreindre la liberté d'expression en matière musicale sont d'un genre différent en ce qu'elles proviennent plutôt des administrations locales et notamment des communes. B – L'ANGLETERRE ET L'INTERVENTION EN MATIÈRE DE MUSIQUE En Angleterre, le gouvernement ne s'avance pas à restreindre la liberté de l'expression musicale. Il n'existe pas d'exemple où l'État central est intervenu pour de telles limitations. En revanche, il existe bien des cas où une collectivité territoriale prend le parti de bannir certains artistes ou genres musicaux. L'exemple le plus marquant est celui de la ville de Brighton et Hove dans le sud de l'Angleterre. Celle-ci s'est illustrée en interdisant en 2004 dans leurs murs plusieurs genres musicaux que son conseil municipal a jugé dangereux ou trop virulent à l'encontre d'une partie de la population48. 48 Voir l'article du site Internet BBC news « City demands « anti-gay » music ban », 26 novembre 2004. 52 Le Conseil municipal a en effet voté à l'unanimité une disposition selon laquelle les magasins vendant des albums de chanteurs considérés comme homophobes sont incités à retirés les disques de la vente. De nombreuses voix s'étaient déjà élevées dans tout le Royaume-Uni contre ces artistes de Rap et de Reggae chantant ouvertement leur homophobie et incitant à la haine envers les homosexuels. Le débat était notamment monté lorsque ces chanteurs qui s'étaient engagés à présenter des excuses ses sont rétractés, ce qui leur a valu d'être exclus d'une remise de prix musicaux. Suite à cela, les autorités de Brighton et Hove ont estimé qu'il fallait tenter de bannir certains de ces artistes de leur ville. Ils ont ainsi demandé aux trois chaînes de magasins vendant les albums des artistes concernés de ne pas les proposer à la vente. Ces magasins ont estimé qu'en l'absence de loi, ils n'avaient pas la possibilité de censurer de telles chansons. Cependant selon ces chaînes de magasins, les albums visés ne font pas partie de leurs stocks et ils ne sont vendus qu'aux personnes âgées de plus de dix-huit ans qui insistent particulièrement pour les acquérir. Bien que les portes-parole de ces magasins se sont déclarées favorables à une telle mesure, ils estiment qu'une telle décision ne peut appartenir qu'à leurs supérieurs. La décision du conseil municipal n'est ici fondé sur aucune loi, la diffamation ou l'incitation à la haine auraient pu être la base à une action contre les artistes, mais rien ne permettait de prendre une telle décision d'interdiction à la vente de leurs albums. Cette décision est donc principalement guidée par la volonté de protéger la population de la ville, connue pour sa communauté homosexuelle très présente, de tels messages. La liberté d'expression n'est donc pas toujours limitée pour des raisons légales comme cela le prouve, la morale joue encore un rôle important. Bien que les musiciens anglais jouissent habituellement d'une grande liberté dans leurs actes artistiques, il semble qu'aujourd'hui des voix commencent à s'élever de façon de plus en plus fréquente contre les formes musicales virulentes. Ainsi, par exemple, le groupe « The Clash » a réalisé en 1979 un album sur lequel figurait la chanson « London Calling » qui a pour sujet le terrorisme, cette chansons connue de manière internationale a pourtant fait l'objet d'un fait divers plus récent : en 2006, un homme a été arrêté et soupçonné de terrorisme pour avoir fredonné ce morceau dans un taxi le conduisant à un aéroport. Cela montre que la perception de la dangerosité d'une même œuvre musicale varie avec le temps, en l'occurrence, les attentat du 11 septembre 2001 aux États-Unis sont la cause du déclenchement de cette arrestation qui 53 n'aurait sans doute pas eu lieu sans cela. Il est donc possible de s'interroger sur le bien fondé de limitations à une liberté fondamentale basées uniquement sur la morale et l'émotion, et ce dans un pays particulièrement attaché aux libertés. Les différentes conventions internationales sur les droits de l'Homme ainsi que la loi sur les droits de l'Homme de 1998 précisent d'ailleurs que les limitations à la liberté d'expression doivent être prévues par la loi. Une décision comme celle de la ville de Brighton et Hove – bien que ne prévoyant qu'une simple demande faite aux magasins – semble donc aller à l'encontre de ces textes. Il est pourtant évident qu'il s'agit là d'une restriction à la libre expression du musicien qui ne peut pas diffuser sa musique auprès du public en la lui vendant. Pourtant, rien a été fait contre cette résolution depuis 2004. Mais en la matière, la Finlande connaît aussi des cas de restriction de la liberté d'expression musicale qui ne sont pas sans poser de questions. C – LA FINLANDE ET L'INTERVENTION EN MATIÈRE DE MUSIQUE En Finlande, une fois encore, on ne trouve pas de cas de censure qui soit vraiment étatique, ou en tout cas, pas de censure provenant directement du gouvernement. Pourtant, il existe une forme de musique qui a été interdite dans le pays. En effet, au nord du pays, le peuple Same avait développé sa propre culture, avec sa propre religion, le chamanisme. Cette religion incluait un genre musical particulier, le « yoik »49. En l'espèce, c'est l'Église qui a interdit cette musique, comme toute la culture Same traditionnelle. Étant issue du chamanisme, les autorités religieuses considèrent cette musique comme « provenant du diable », donc contraire à la religion et donc au bien du peuple. C'est donc encore la morale qui rentre en compte ici. Pourtant, l'État n'est pas totalement en dehors de cette intervention. L'Église a demandé l'aide de l'État afin de venir a bout de l'athéisme dans certaines régions où elle n'en avait pas le pouvoir. Ainsi, les écoles ont interdit l'utilisation de la langue Same, l'expression de la culture Same a elle aussi été interdite, ainsi que leur musique. Ainsi, la musique Same est un des rares cas, si ce n'est le seul, à être interdit en Finlande. Hormis ce cas, il n'existe aucune interdiction à la diffusion de musique, que ce 49 Voir l'article de M. Ilpo Saastamoinen « Sàmi Land : The destruction of a minority's music culture » sur le site de l'organisation « Freemuse ». 54 soit par la vente ou par la radiodiffusion. De nombreux groupes et artistes trouvent donc en Finlande une grande liberté pour s'exprimer à travers leur musique. Par exemple, plusieurs groupe de Métal comme « The Rasmus » ou « H.I.M.50 » écrivent des paroles parlant beaucoup de la mort et parfois même du suicide, paroles qui pourraient être considérées comme de l'incitation au suicide et donc comme une infraction pénale en France51. La raison pour laquelle il existe une telle différence entre la Finlande et d'autres pays comme la France ou l'Angleterre, est que la Constitution de la Finlande comprend un article 16 qui dispose que « la liberté de […] l'expression artistique […] est garantie ». Or, ni le droit français, ni le droit anglais, ne protègent la liberté d'expression artistique à un tel niveau constitutionnel. Cela montre que la liberté d'expression musicale est tout de même respectée, bien que la musique Same soit bannie. Il s'agit plutôt d'un cas unique dans le pays. C'est là une première grande différence avec ce qui se fait en France où le nombre d'interventions étatiques dérange de plus en plus. Mais une autre différence de taille est qu'il s'agit là du seul type d'intervention qui existe en Finlande. En effet, il n'y a ni intervention de nature commerciale, ni intervention de nature politique. §2) LES INTERVENTIONS DES POLITIQUES Les hommes politiques n'hésitent pas à intervenir également afin de s'immiscer dans la liberté de diffusion des chansons qu'ils estiment potentiellement dangereuses. Il en existe des cas à la fois en France (A) et en Angleterre (B). A – LES INTERVENTION DES POLITIQUES EN FRANCE En France, certaines personnalités politiques agissent directement contre une œuvre musicale (1), cependant, aujourd'hui, la plupart d'entre elles préfèrent intenter des actions en justice (2). 50 « His Infernal Majesty ». 51 Ainsi, la chanson « No Fear » du groupe « The Rasmus » évoque une jeune fille voulant se suicider, ou « Join Me In Death » de « H.I.M. » incite au suicide d'un couple au nom de l'amour. 55 1) L'ingérence des personnalités politiques Les interventions des personnalités politiques en matière de musique, surtout pour limiter l'expression de celle-ci, est un sujet sensible, les médias reprennent volontiers ces faits d'ingérence, ce qui est rendu d'autant plus facile par l'Internet. Or, ces interventions sont en général mal vues par la population. Aujourd'hui, les politiques évitent donc d'intervenir pour interdire un quelconque morceau musical. Les cas d'ingérence politique qui ont pu avoir lieu sont plus anciennes. Les deux cas les plus célèbres d'intervention politique ayant mené à la censure sont celles de chansons « Le Déserteur » de Boris Vian et « Les Ricains » de Michel Sardou. Dans le premier cas, la chanson de Boris Vian se présente comme une lettre au Président de la République écrite par un homme ayant reçu son ordre de mobilisation et il y révèle son intention de déserter. Dès 1954, un conseiller municipal de la Seine, Paul Faber, demande la censure de la chanson dont le passage à la radio l'avait choqué. Malgré les protestations de Boris Vian, l'interdiction de diffusion en radio ainsi que la vente ne seront levées qu'en 1962. cette chanson sera reprise lors de la guerre du Vietnam et celle du golfe. En ce qui concerne la chanson « Les Ricains », celle-ci a été publiée en 1967, au moment même où le Président Charles de Gaulle condamne la guerre du Vietnam et avait quitté le commandement intégré de l'OTAN. Les paroles de cette chansons sont particulièrement engagée en faveur de l'armée américaine. Les autorités gaullistes se sont donc élevées contre cette chanson et en ont demandé la censure, ce fût fait, la diffusion radio en a été interdite. D'autres artistes ont été censurés pour raison d'opposition au gouvernement ou à la morale – comme George Brassens qui a été censuré à de nombreuses reprises – ou encore pour des raisons d'anti-patriotisme : il en a été ainsi de la chanson de Boris Vian « Le Déserteur » qui s'opposait à la guerre d'Algérie. De telles interventions ne saurait avoir lieu aujourd'hui sans entraîner de fortes réactions médiatiques. De plus, les artistes qui subissent de telles ingérences connaissent un soudain regain de notoriété du fait de ces formes politiques de censure. C'est pour cela que les actions en justice sont privilégiées, mais cela ne rend pas l'ingérence politique plus justifiée aux yeux des médias et du public. La liberté d'expression de l'artiste est fortement atteinte lorsqu'une œuvre est interdite de diffusion ou de vente du fait d'une ingérence politique. Celles-ci ne sont en effet 56 basées sur aucun fondement juridique, mais uniquement sur une volonté de ne pas laisser des opinions dissidentes circuler parmi la population au travers de la radio. Désormais, certains hommes et femmes politiques préfèrent engager des poursuites judiciaires contre ces chansons litigieuses. 2) L'engagement de poursuites judiciaires De nos jours, l'intervention directe des pouvoirs publics mais aussi des personnalités politiques afin d'interdire la diffusion d'une chanson à la radio n'est plus utilisée car cela serait mal considéré. Le moyen privilégié aujourd'hui afin de limiter les impacts indésirables de certaines chansons sont les actions en justices intentées par l'État ou ses représentants locaux contre ces œuvres et les artistes les ayant composées. En 2002, une plainte a été déposée par le ministère de l'intérieur contre le groupe de Rap « La Rumeur » pour des propos dirigés contre ce ministère : « les rapports du ministère de l'intérieur ne feront jamais état des centaines de nos frères abattus par les forces de police sans qu'aucun des assassins n'ait été inquiété ». Suite à un non-lieu en première instance le 17 décembre 2004, le procureur de la République a fait appel début 2005. Une autre plainte a été déposée le 18 novembre 2004 par le préfet de Seine-Saint-Denis contre plusieurs rappeurs qui avaient distribués des disques dans la ville de Bobigny, et ce que demande du ministre de l'intérieur. La maire de Bobigny a réagit en dénonçant une « dérive autoritaire qui voit la restriction de la liberté d'expression devenir monnaie courante », elle lance d'ailleurs le jour même du procès un « appel national pour la liberté d'expression ». À l'automne 2005, suite aux émeutes dans les « cités sensibles », une plainte est déposée par un député UMP contre différents groupes de Rap dont certains étaient déjà dissous à cette date, et ce pour « incitation au racisme et à la haine ». Face à ces réactions politiques de plus en plus nombreuses, beaucoup de personnalités des partis politiques de gauche ont dénoncé des tentatives de censure de la parole dans les quartiers sensibles et les qualifient « d'acharnement ». Le Rap n'est pas le seul genre musical a être sujet aux critiques et aux plaintes. Le groupe de Rock « Matmatah »52 a ainsi été condamné en juin 2000 pour « provocation à l'usage de stupéfiants » et « présentation sous un jour favorable de l'usage et du trafic ». La présentation de stupéfiants sous un jour favorable est en effet un délit et la loi du 31 52 Dans sa chanson « L'apologie », Matmatah se prononce en faveur de la dépénalisation du cannabis. 57 décembre 197053 permet de condamner les personnes ayant, par l'écrit mais aussi par la parole ou l'image, provoqué la consommation de stupéfiants. Mais les poursuites ne sont pas toujours engagées sur des bases légales comme l'incitation à la haine ou la provocation à l'usage de stupéfiants. En effet, en 2007, un rappeur a été relaxé après avoir été poursuivi pour une de ses chansons par une association proche des catholiques traditionalistes. Un an plus tôt, il avait déjà été relaxé suite a une plainte jugée irrecevable déposée par un député UMP qui avançait un « outrage aux bonnes mœurs »54. Les représentants de l'État n'hésitent donc pas à intervenir afin de limiter l'impact de chansons qu'ils jugent néfastes. Mais ces actions ne sont pas toujours intentées pour des raisons légales, les bonnes mœurs sont aussi au nombre des valeurs défendues. Cependant, le nombre croissant de ces actions provoque de nombreuses critiques parmi la population et les artistes eux-mêmes. Comme au temps d'« Anastasie » sous LouisPhilippe, l'intervention de l'État dans le but de restreindre la liberté d'expression fait couler beaucoup d'encre et cause bon nombre de troubles parmi les artistes et les intellectuels. En Angleterre, les députés préfèrent compter sur l'aide pouvant être apportée par l'industrie musicale. B – LES INTERVENTIONS POLITIQUES EN ANGLETERRE Les interventions politiques qui ont lieu en Angleterre ne visent pas à interdire une chanson de façon directe. Ainsi, en juillet 2007, M. David Cameron, aujourd'hui Premier Ministre britannique et alors député conservateur, a lancé un appel à destination de l'industrie phonographique afin que cette dernière bannisse les paroles violentes. Cela a pour but d'annihiler les effets que ces paroles violentes ont sur la jeunesse. Il considère ces paroles comme contribuant à la création d'une culture « brisée » et basée sur la violence et la misogynie. Selon ce député, il n'appartient pas uniquement au gouvernement d'intervenir en la matière. Bien qu'il dise ne pas souhaiter la censure, une législation ou un bannissement des contenus, il en appelle à l'industrie musicale afin que celle-ci prenne ses responsabilités et use de son jugement afin de limiter les effets de ces paroles. 53 Loi n°70-1320 du 31 décembre 1970, article L.630 54 Le rappeur Monsieur R avait été poursuivi pour sa chanson « FranSSe » mais il a été relaxé par le tribunal correctionnel de Melun. 58 Bien que cela soit moins intrusif de la part du monde politique, si l'industrie musicale intervient, il s'agira tout de même de restrictions à la liberté d'expression. L'industrie musicale, c'est-à-dire les producteurs ou encore les maisons de disque, ne peuvent avoir de légitimité suffisante afin de limiter ces liberté qui n'appartient qu'aux musiciens. Mais malgré les difficultés rencontrées afin de limiter la diffusion de chansons jugées impropres à cette diffusion, certaines de ces chansons se retrouvent tout de même mises à l'écart des ondes, voire même des circuits de vente, certaines autres sont modifiées afin de pouvoir être diffusées en radio. Mais cela n'est pas dû à une action politique ni même étatique qui causerait trop de troubles au sein de la communauté musicale mais aussi du public. Lorsque l'intervention est commerciale, c'est-à-dire qu'elle provient directement d'une station de radio, le nombre d'exemples d'immixtion augmente nettement. §3) LES INTERVENTIONS COMMERCIALES Sur un plan commercial, il existe aussi des restrictions à la diffusion de certaines chansons. En la matière, il n'existe qu'un seul exemple : l'attitude de la station de radio « BBC radio 1 ». Il s'agit de chansons qui ont été jugées comme portant à controverse à tel point qu'elles méritaient d'être bannies de la diffusion sur la station. La raison en est soit un sujet politique sensible (A), soit la présence de publicité (B) ou enfin – et dans la plupart des cas – de contenu explicite, qu'il soit de nature sexuelle ou grossier (C). A – LES CONTENUS POLITIQUES Bien qu'il ne s'agisse pas d'une intervention politique ou étatique, il existe des cas de censure de chansons pour des raisons politiques, notamment du fait du contenu des paroles qui sont jugées impropres à la diffusion car sont contraire aux positions politiques du gouvernement par exemple. Le premier exemple, qui est sans doute le plus radical, est celui de la chanson « Give Ireland Back To The Irish » du groupe de Rock « Wings » sortie en 1972. Cette réaction en musique aux émeutes sanglantes en Irlande du nord en janvier 1972 a été exclue de tous les médias britanniques, y compris la « BBC radio 1 ». Un autre exemple célèbre de chanson censurée par la BBC est le titre « God Save The Queen » du groupe « The Sex Pistols ». celle-ci a été censurée par la BBC en 1977, année du jubilé de la Reine Elizabeth II, ce qui ne l'a pas empêché d'atteindre la première place des classements des ventes indépendants55. Il était reprochait aux paroles de parler de 55 Selon le classement utilisé par la BBC, le titre n'arrivait qu'en deuxième place des meilleures ventes. 59 « régime fasciste » et de peuple « sans futur ». D'autres chansons ont encore été interdites de diffusion sur la BBC pendant la première guerre du Golf au début des années 1990. ce fût le cas de la chanson du groupe « The Cure » « Killing an Arab », ou encore de la chanson de Cher « Bang Bang (My Baby Shot Me Down) ». La station de radio concernée n'obéit dans ces cas qu'à ses propres décisions. Elle s'érige donc contre des idées politiques dissidentes ou simplement d'opposition afin de maintenir une certaine moralité politique. La liberté d'expression s'en ressent nécessairement puisque cela revient à interdire de radiodiffusion des chansons qui obéissent pourtant aux règles imposées par les textes sur la liberté d'expression. Mais les contenus considérés comme publicitaires sont également visés par les interdictions de diffusion. B – LES CONTENUS PUBLICITAIRES Les raisons pour lesquelles la station de radio « BBC radio 1 » censure certaines chansons sont parfois peu communes, mais parmi celles plus fréquemment rencontrées, il y a la censure pour cause de publicité. Dans ces cas, la restriction est très sévère, les chansons sont interdites de diffusion et non pas simplement modifiée afin d'en changer quelques mots ou de rendre ces derniers inaudibles. Ce cas de figure s'est présenté notamment à deux reprises en 1969 et 1970. Il s'agissait de deux chansons, la première étant « Come Together » des « Beatles » et la seconde « Lola » du groupe « The Kinks », et dans les deux cas la station de radio a estimé que les paroles pouvaient être interprétées comme faisant de la publicité pour la marque de boisson gazeuses « Coca-Cola », cette marque étant citée dans les deux morceaux. En interdisant les chansons mentionnant une marque célèbre, cela limite également la liberté d'expression. En effet, il ne s'agit pas dans ces deux cas de faire ouvertement de la publicité pour la marque, mais simplement de la mentionnée dans un certain contexte. Cela pourrait amener les artistes une fois de plus à s'auto-limiter, il ne pourraient plus citer de marque sous peine de voir leurs œuvres privées de radiodiffusion et donc d'avoir une publicité limitée auprès du public. Mais il ne s'agit pas là de la principale cause de censure sur la BBC, la raison la plus fréquemment avancée est celle des paroles explicites. 60 C – LES CONTENUS EXPLICITES Le plus souvent, la station de radio « BBC radio 1 » argue que les chansons sont interdites à la diffusion ou modifiées car elles contiennent des paroles à caractère sexuel ou encore grossier. Les exemples en la matière sont nombreux et remontent aux débuts de la radiodiffusion. Pour palier ces problèmes les paroles litigieuses sont parfois rendues inaudibles par un moyen technique comme une coupure dans la chanson ou un bruit rajouté pour les couvrir. Cela constitue non seulement une atteinte à la libre expression de l'artiste que l'on empêche de diffuser sa musique de la manière dont il l'entend, mais en plus, cela porte atteinte à l'intégrité de l'œuvre. Dans d'autres cas qui sont largement majoritaires, l'artiste est contraint de modifier sa version de la chanson afin de pouvoir la faire diffuser. Ce fût le cas en 2009 pour la chanteuse Pop américaine Britney Spears dont la chanson « If You Seek Amy » a été jugée comme ayant un caractère sexuel, le morceau a été ré-enregistré pour la radio, la phrase litigieuse a été remplacée par « If You See Amy » et le titre pour le Royaume-Uni a été modifié en « Amy »56. mais dans d'autres cas, les modifications sont demandées sur des bases bien moins évidentes encore, ou même ont pour objet une infime partie de la chanson, comme un seul mot. mais dans certains cas, la BBC n'hésite pas à complètement interdire la diffusion d'une chanson qu'elle considère comme trop subversive. Ainsi, la chanson « Relax » de « Franky Goes To Hollywood » a été bannie des ondes car elle a été jugée comme faisant référence à un climat sexuel prononcé. Cependant, la BBC n'hésite pas à aller loin dans les modifications : la chanson de Gwen Stefani « Hollaback Girls » répétant à 38 reprises le mot « shit », celui-ci a été remplacé par un silence 38 fois. La « BBC radio 1 » joue donc un rôle de gardien des bonnes mœurs en refusant toute forme de grossièreté ou de référence sexuelle. Mais cela est très intrusif dans les choix artistiques des musiciens, entravant de beaucoup leur liberté d'expression 57. La station de radio « BBC radio 1 » n'hésite donc pas à limiter les diffusions de certaines chansons quelque soit le genre de reproches qu'elle leur fait, limitant ainsi la liberté d'expression des artistes, soit en interdisant la diffusion, soit en modifiant les chansons pour rendre certains mots inaudibles, ou encore en imposant aux artistes de 56 La BBC estimait que lorsque les paroles étaient dites rapidement, « If You Seek Amy » pouvait être entendu comme « F.U.C.K. me ». 57 Récemment, en France, le clip vidéo du chanteur Damien Saez pour sa chanson « Sexe » a également été censurée par les différents médias qui refusent de le diffuser. 61 modifier leurs œuvres pour que celles-ci soient diffusées. Tout cela a nécessairement un impact sur la liberté d'expression puisque tous les points de vue, toutes les idées, tous les moyens d'expression ne peuvent être diffusés du fait d'impératifs moraux imposés, non pas par un texte normatif quelconque, mais par des décisions commerciales. Dès lors, les artistes eux-mêmes peuvent être influencés dans leurs choix artistiques du fait de la pression pesant sur eux : en effet, si la chanson n'est pas diffusée en radio, et à plus forte raison en Angleterre sur la « BBC radio 1 », les résultats commerciaux pourraient s'en ressentir. Il existe donc une corrélation non négligeable entre impératifs commerciaux et liberté d'expression musicale. Mais la diffusion de la musique n'est pas la seule facette de la liberté d'expression musicale à pouvoir être atteinte par différents impératifs, qu'ils soient politiques, économiques ou même d'ordre public. 62 SECTION 2 : LA LIBERTÉ DE PRESTATION La liberté de l'expression du musicien doit également pouvoir passer par la possibilité de s'exprimer sur scène, donc de se produire en public (§2), mais aussi de pouvoir se promouvoir, par le biais des affiches par exemple (§1) cela consiste en effet en un acte exécuté directement auprès du public et à la destination de celui-ci sans pour autant forcément impliquer la présence de musique. §1) LA LIBERTÉ DE SE PROMOUVOIR Un musicien doit pouvoir être en mesure de promouvoir sa musique, de se promouvoir. Cela passe bien sûr par le fait de pouvoir faire de la publicité (B), mais aussi par « l'artwork » de ses albums (A). A – « L'ARTWORK » Pouvant être défini comme forme d'expression artistique à la disposition du musicien (1), « l'artwork » est susceptible de connaître certaines limitations ou interdictions (2). 1) Définition de « l'artwork » La traduction littérale de « l'artwork » est « œuvre d'art ». cependant, en matière de musique, « l'artwork » est l'ensemble du travail artistique autour de l'album, tel que la pochette, les photographies ou encore le graphisme. Ces éléments permettent aux musiciens d'illustrer leurs chansons et d'attirer le public en rendant le support considéré attractif. Un « artwork » particulièrement travaillé peut être une véritable œuvre d'art. À travers ces réalisations, l'artiste peut s'exprimer, tout comme au travers de sa musique. De ce fait, cette forme d'expression doit pouvoir prétendre à la même liberté que la musique en elle-même, voire que toute forme d'expression artistique. 2) Interdictions et limitations de l'artwork Bien que « l'artwork » ne soit pas partie intégrante de la musique elle-même, il arrive qu'il soit tout de même limité, voire interdit. Cela revient à limiter la liberté d'expression du musicien pour qui « l'artwork » est le moyen de retranscrire en images ce qu'il veut faire passer dans sa musique, tant au niveau des sentiments que des paroles et de leur 63 significations. Un tel exemple s'est présenté à la fin des années 1960, lorsque les musiciens John Lennon et Yoko Ono enregistrèrent leur premier album commun. La photographie de la pochette les représentait tous deux nus. L'outrage provoqué par cette photographie a obligé les distributeurs britanniques a vendre l'album enveloppé dans du papier brun opaque. Le peu de publicité fait autour de cet album aide sans doute à expliquer le peu de copies qui ont été vendues lors de sa sortie initiale en 196858. L'intervention, même commerciale, afin de limiter la diffusion auprès du public d'une photographie ou d'un graphisme particulier, sous prétexte que ce public pourrait être heurté, revient directement à remettre en cause les moyens d'expression utilisés par l'artiste. Les actions commerciales ont pour but de protéger une certaine morale, notamment dans l'intention de préserver l'image de la société publiant le support ou le vendant au public et dont la réputation pourrait se trouver entachée par la réaction négative d'une partie du public. Cela équivaut à restreindre la liberté de l'expression du musicien puisque des illustrations non conformes à la morale seront « censurées ». Mais si la liberté de l'expression des musiciens est ainsi restreinte, l'impacte reste tout de même moindre que la restriction de la publicité. B – LA PUBLICITÉ Le fait pour un musicien de pouvoir faire sa promotion lui permet de se faire connaître, de faire connaître son travail et donc de permettre la vente de sa musique. Cependant, certaines publicité (1) et certaines affiches (2) se sont vues interdites. 1) L'interdiction de publicités La publicité permet à un artiste de faire connaître son œuvre, mais également de la faire vendre auprès du public. Cette possibilité de pouvoir faire sa promotion fait partie de la liberté dont dispose l'artiste afin de s'exprimer auprès du public. Cependant, le droit de la publicité doit s'appliquer ici, entrant donc en conflit avec la liberté d'expression de l'artiste. En effet, certains aspect du droit de la publicité sont plus strictes que les limites juridiques à la liberté d'expression. Ainsi, la publicité pour le tabac, certains alcools ou certains médicaments sont interdites, ce qui ne l'est pas en matière de musique. 58 5000 copies seulement de « Unfinished music no.1 : two virgins » ont été vendue en Angleterre. 64 En outre, un décret du 27 mars 1992 dispose que la publicité ne « doit contenir aucun élément de nature à choquer religieuses, philosophiques ou politiques des téléspectateurs »59. C'est sur cette base qu'une publicité pour un album musical a été interdite de diffusion télévisuelle car elle intégrait une chanson intitulée « Chirac en Prison ». La reconnaissance du nom de la personnalité politique visée étant aisée, le BVP a notifié par deux fois la nécessité de modifier ce message publicitaire afin que la référence à l'ancien Président de la République ne soit plus explicite, ce qui fût fait. L'intrusion de règles spécifiques à la publicité en matière d'expression artistique montre ici à quel point la liberté d'expression musicale peut être limitée. La présence même d'une chanson dans une publicité est de nature à rendre ladite publicité interdite de diffusion télévisuelle sous peine de poursuites judiciaires. Ici c'est en effet la liberté d'expression même de l'artiste qui est mise en cause car on lui interdit l'accès à la publicité audiovisuelle s'il a des paroles à tendance religieuses, politiques ou philosophiques qui pourraient aller à l'encontre de celles d'une partie de la population. La réaction des médias et d'une partie du public a cet intrusion du BVP a été virulente, le BVP a d'ailleurs été la cible d'attaques de la part de personnes comparant cette intervention à de la censure arbitraire. Le BVP quant à lui considère que son avis négatif été recherché afin de pouvoir faire parler de l'album. Quoi qu'il en soit, la musique qui figurait dans le message publicitaire sanctionné relevait de la seule liberté d'expression des musiciens, le fait d'interdire de diffusion une publicité du fait qu'elle contenait cette chanson revient à porter atteinte à la liberté de l'expression de l'artiste. Mais cette liberté peut également être restreinte du fait de l'interdiction d'affiches permettant la promotion des musiciens. 2 ) L'interdiction d'affiches L'affichage est un autre moyen par lequel un artiste, et notamment un musicien, peut faire sa promotion. Par ces affiches, l'artiste peut, tout comme au travers de « l'artwork », illustrer la musique qu'il joue. Cela relève donc également de la liberté d'expression. Toute atteinte à la liberté d'expression au travers des affiches correspond donc à une atteinte à la liberté de 59 Décret n°92-280 du 27 mars 1992 fixant les principes généraux définissant les obligations des éditeurs de service en matière de publicité, de parrainage et de télé-achat, article 5. 65 l'expression du musicien. Au mois de mars 2010, l'affiche pour la promotion du nouvel album du chanteur et musicien Damien Saez a été interdite par le BVP. Cette affiche représentait une femme nue dans un chariot de supermarché et titrait « J'accuse », du nom de l'album. Par la suite, une seconde affiche, uniquement textuelle, informant de cette interdiction à également été refusée par l'ensemble des réseaux publicitaires. Le motif avancé pour l'interdiction de la première version était que cela était « dégradant pour l'image de la femme ». L'artiste au contraire avançait que cette photographie avait pour but de dénoncer l'utilisation commerciale du corps de la femme dans la société moderne. Ici encore, la liberté d'expression du musicien est limitée, non pas directement du fait d'une loi, mais de la morale. Cela rend la restriction plus que discutable, la morale ne pouvant pas, selon les différentes déclarations des droits, limiter la liberté d'expression. Il s'agit de protéger des intérêts distincts, d'un côté la liberté dont dispose l'artiste afin d'exprimer ses pensées, de l'autre, la protection de la société, voire même d'un certain ordre social. Cependant, l'interdiction de cette affiche pose question car ce qui est exprimé dans la musique, à travers les paroles notamment, demeure. Or, cela est tout autant susceptible de heurter la société que l'affiche. Il est possible de se demander alors si l'interdiction de ces affiches est bien nécessaire. Pourtant, ces affiches sont destinées à être exposées dans des lieux publics, notamment dans les couloirs du métro parisien, contrairement à la musique, dont l'écoute relève plus de la sphère privée. L'interdiction de cette affiche n'a donc pas pour but d'empêcher la diffusion d'un support interdit par la loi, mais plutôt d'éviter à la population d'être mise en contact avec une image qu'une autorité a jugée inappropriée. En outre, la liberté de l'artiste ayant conçu l'affiche ainsi que celle du photographe, qui sont le plus souvent différents des musiciens, est aussi atteinte par de telles interdictions. L'existence de telles interdictions n'est pas sans poser de questions. Mais les musiciens ne voient pas leur liberté de prestation se limiter à la promotion de leur art, il s'agit aussi pour eux de se produire en public. 66 §2) LA LIBERTÉ DE SE PRODUIRE EN PUBLIC La liberté de prestation dont dispose l'artiste comporte, outre la liberté de se promouvoir, la liberté de se produire en public. Cela découle du droit de participer à la vie culturelle (A). Pourtant, il existe des cas dans lesquels ce droit se trouve restreint par une interdiction de se produire (B). A – LE DROIT DE PARTICIPER À LA VIE CULTURELLE Chaque musicien dispose du droit de participer à la vie culturelle, mais ce droit s'étend au-delà des artistes eux-mêmes (1). En France, ce droit, lorsqu'il s'agit de spectacles musicaux autres que les orchestres, est soumis à un régime d'autorisation préalable (2). 1) Un droit de chacun La liberté d'expression musicale ne se limite pas seulement au fait de pouvoir écrire et diffuser la musique telle qu'on l'entend. Elle comprend également le droit de participer à la vie culturelle. En effet, la musique n'est pas seulement un moyen d'expression, c'est aussi une activité culturelle. Dès lors, tous les musiciens doivent pouvoir se voir accorder le droit de participer librement à la vie culturelle par le biais d'une représentation publique de leur musique, et donc la liberté de donner des concerts. Cette liberté est notamment proclamée par la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme qui, dans son article 27 dispose que « toute personne a le droit de prendre part librement à la vie culturelle de la communauté, de jouir des arts […] ». Ce droit est également protégé par le pacte international relatif aux droit sociaux, culturels et économiques dont l'article 15 précise que chaque État partie au pacte « reconnaît à chacun le droit de participer à la vie culturelle ». Cela a non seulement pour but de protéger les artistes qui se produisent sur scène, mais également le droit du public à participer à une manifestation musicale et à apprécier la musique. Mais au delà de ces simples constatations, il faut aussi considérer le droit dont les minorités ethniques disposent. En effet, en ce qui concerne le droit de participer à la vie culturelle, aucune discrimination n'est tolérable, cela est rappelé par la Convention Internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale dans son 67 article cinq. Ce dernier dispose que les États parties s'engagent à interdire toute forme de discrimination raciale dans « le droit de prendre part, dans des conditions d'égalité, aux activités culturelles ». De ce fait, une minorité ethnique est également en droit d'exprimer sa propre culture en public, notamment par des représentations musicales. Le droit de participer à la vie culturelle est donc un droit s'appliquant à toutes personnes, sans aucune distinction. Le fait de se produire en public permet de s'exprimer auprès de ce dernier, et donc de lui faire passer ses idées ou ses opinions. Mais à la différence de la liberté de diffusion, ici, la liberté du public d'assister – ou non – à de telles manifestations est également pris en compte. La différence entre ce droit de participation à la vie culturelle et la liberté d'expression est que, dans ces déclaration des droits, il n'existe aucune base légale à une limitation. Dès lors, toute intervention afin de restreindre cette liberté de prestation ne peut être basée que sur des cas généraux susceptibles de limiter la liberté d'expression comme par exemple la diffamation. Pourtant, en France, le fait de se produire en spectacle pour un musicien est le plus souvent soumit à un régime d'autorisation préalable. 2) Une participation soumise à autorisation Comme toute manifestation à but musical, les concerts dans lesquels des musiciens se produisent rentrent dans les catégories soumises à un régime d'autorisation préalable. En effet, ces catégories regroupent à la fois les café concerts, les music-halls, les exhibitions de chant et de danse dans les lieux publics ainsi que les spectacles de variété. Dans ces cas, le maire dispose du pouvoir d'autoriser ou d'interdire une telle manifestation. Pour ce qui est des musiques plus récentes, les « raves-parties » sont soumises à un régime d'autorisation particulier dépendant du préfet 60. L'existence d'un régime d'autorisation est non seulement de nature à limiter la liberté d'expression, mais en outre, cela semble contraire aux conventions internationales précitées selon lesquelles il ne peut y avoir aucune limitation au droit de participer à la vie culturelle, hors les cas généraux limitant la liberté d'expression. Or, la mise en place d'un régime d'autorisation préalable ne fait pas partie de ces cas généraux. De plus, l'appartenance de ces spectacles musicaux aux catégories des spectacles, 60 TA administratif de Rennes, 10 mai 2007, « Ville de Vannes c/ préfet du Morbihan », R.F.D.A. Septembre-octobre 2007 p.1080. 68 notamment de variété, ne fait plus aucun doute. Dans un arrêt datant du 11 juillet 1975 61, le Conseil d'État rappeler déjà cette affiliation à cette catégorie soumise à autorisation préalable. Dès lors, à moins d'entrer dans la catégorie des orchestres qui échappe au régime d'autorisation préalable, les musiciens sont obligés de ce soumettre à ce régime, quand bien même le spectacle aurait lieu dans une propriété privée. En effet, comme cela a déjà été mentionné plus haut, le Conseil d'État, dans l'arrêt précité de 1975, a estimé que, la propriété privée étant ouverte au public, il s'agissait d'un lieu public. Cette ordonnance instaurant ce régime restreint par la même la liberté d'expression en mettant en place un régime plus rigide. Une déclaration préalable liant le maire, ou encore l'absence de toute formalité préalable auraient été des solutions plus préservatrices de la liberté, et en l'espèce du droit de se produire en public et de participer ainsi à la vie culturelle. Mais au lieu de cela, le législateur a préféré un régime plus stricte. Le texte semble quelques peux surannée et pose des questions, non seulement dans la façon dont il formule les différents types de spectacles existants, mais aussi dans la catégorisation qu'il en fait. Ainsi, les chorales ne sont pas soumises à autorisation, mais les exhibitions de chant dans les lieux publics62 le sont. La question qui se pose inévitablement est celle de savoir s'il existe une raison afin de conserver ces catégories telles qu'elles résultent du texte de 1945. En effet, il est possible de s'interroger sur les motivations qui pourraient pousser à continuer de faire une distinction entre les dangers potentiels que représentent aujourd'hui une exhibition de chant ou un spectacle de variété par rapport à une chorale ou un orchestre. Or sans l'existence d'un possible risque de trouble à l'ordre public, il serait difficile de justifier le recours à un régime d'autorisation préalables. Mais un tel risque peut-il être causé uniquement par les catégories soumises à ce régime ou bien cela est-il envisageable pour les autres catégories ? Dans le second cas, la différence de régime ne serait plus justifiée. En conséquence, le régime auquel les spectacles musicaux sont soumis de nos jours en France ne correspond pas à l'idée même de la liberté de se produire en public telle qu'elle résulte du droit de participer à la vie culturelle internationalement protégé. Cependant, cela n'est pas le seul cas dans lequel ce droit se retrouve restreint. En effet, dans la pratique, il existe des ces d'interdiction de se produire en public. 61 C.E., 11 juillet 1975, « Clément et Association pour la défense de la culture et de la musique contemporaine », A.J.D.A. 1975.564 et 581, et D.1976.213. 62 Or, les lieux privés devenant publics dès lors qu'il y a accès du public, toutes les exhibitions de chant vont se dérouler dans un lieu public. 69 B – L'EXISTENCE DE CAS D'INTERDICTION DE SE PRODUIRE EN PUBLIC Bien que le droit de participer à la vie culturelle est protégé par les conventions internationales et que seules les fondements pour la limiter soient ceux pouvant limiter la liberté d'expression, il existe des cas dans lesquels des interdictions de se produire en public ont résulté d'interventions extérieures, notamment politiques. Cela s'est produit en France face au phénomène de la musique Rap (1), avec la musique violente en Angleterre (2) et enfin avec la culture Same en Finlande (3). 1) La France et le Rap En matière de liberté de prestation en public, il existe également des cas d'interventions politiques ayant conduit à une interdiction de se produire en spectacle pour certains artistes. En France, le phénomène s'est produit notamment pour des musiciens de Rap. Ces cas d'espèces sont généralement relayés et amplifiés par les médias. Un cas récent à en particulier attiré l'attention des médias et du public : le rappeur Orelsan a écrit et composé une chanson qui, une fois publiée sur l'Internet, a provoqué de vives réactions de la part des internautes, notamment féminines, du fait des paroles particulièrement violentes à l'égard des femmes 63. Certaines associations envisagent également l'engagement de poursuites judiciaires. Bien que l'artiste précise ne pas jouer cette chanson sur scène, plusieurs personnalités politiques de gauche, et même secrétaire d'État à la solidarité Mme Valérie Létard, demandent la déprogrammation d'Orelsan du festival musical du Printemps de Bourges. Pourtant, sa participation à l'évènement est maintenu bien que le président du conseil de la région centre 64 ait menacé le festival de sanctions financières65. Au préalable, deux de ses concerts avaient déjà été déprogrammés. Mais au mois de juillet 2009, les organisateurs du festival des Francofolies de La Rochelle annoncent le retrait d'Orelsan de l'affiche du festival. De nombreuses voix s'élèvent alors pour dénoncer une forme de censure arbitraire. En effet, les organisateurs de l'évènement avancent pour leur défense qu'ils ont répondu à une demande de la présidente du conseil régional, Mme Ségolène Royal, qui aurait également menacé le festival du retrait des subventions publiques. Les membres du gouvernement de droite, et notamment le secrétaire général de l'UMP, M. Frédéric Lefebvre, dénoncent 63 Dans cette chanson, intitulée « Sale Pute », le chanteur qui est également l'auteur des paroles fait état de son sentiment de rage et de dégoût pour sa compagne au travers de paroles d'une grande violence. 64 M. François Bonneau, député du Parti Socialiste. 65 Finalement, le cachet du chanteur Orelsan a été déduit du montant de la subvention totale, sans autre réduction ou suppression de celle-ci. 70 cette action et notamment l'intervention de Mme Royal. Le ministre de la Culture M. Frédéric Mitterrand apportera également par la suite son soutient au chanteur. Si les intervention politiques semblaient déjà difficilement justifiables en ce qui concerne la diffusion de la musique qui connaît des possibilités de restrictions plus nombreuses, en matière de prestation en public, celles-ci paraissent encore plus mal venues. Bien que dans l'exemple précité l'intervention semble justifiée par une volonté de préserver les intérêts des droits de la femme et de son image, il ne faut pas perdre de vue que cela a conduit à empêcher un artiste de se produire sur scène, et ce sans se fonder sur une des bases pouvant légitimement limiter une telle liberté de prestation. La question de la proportionnalité de la mesure, mais aussi celle de son bien-fondé, sont au nombre de celles qu'il faut alors se poser. En Angleterre, la situation est légèrement différente en ce qu'elle concerne la musique considérée comme violente. 2) L'Angleterre et la musique violente Le droit anglais pose l'incitation à la haine comme limite à la liberté d'expression. Mais le conseil municipal de la ville de Brighton et Hove est allez plus loin que ce que cette limitation permet. En effet, le conseil municipal a voté une délibération selon laquelle les salles pouvant accueillir des concerts pourraient ne pas voir leur licence renouvelée si elles accueillent des artistes prônant le meurtre et l'incitation à la haine 66. Ainsi, les musiciens incitant à la haine, l'homophobie, à toute forme de discrimination ou au crime se trouvent dans une situation où leurs prestation dans la ville sont rendues impossibles car aucune salle ne souhaitera les accueillir. Ainsi, un musicien jamaïcain a été contraint d'annuler un de ses concerts car la salle de spectacle s'était vue menacée du retrait de sa licence et refusait donc de maintenir le concert. Bien que le but affiché soit, non pas de limiter la liberté d'expression de ces artistes, mais de protéger la communauté homosexuelle habitant la ville, force est de constater que le fait d'interdire aux artistes de se produire sur scène dans cette ville est une restriction à cette liberté. La loi anglaise permet de limiter la liberté d'expression du fait de l'incitation à la haine, mais les œuvres des artistes menacés de cette interdiction n'ont jusque là fait l'objet 66 Voir l'article de la version électronique du journal « The Argus », « City may be first with ban on murder music », par Lawrence Marzouck, 5 février 2007. 71 d'aucune action, qu'il s'agisse d'une action en justice ou bien d'un quelconque acte d'interdiction de diffusion ou de vente, qui soit fondée sur cette loi. La question se pose donc de savoir si une telle mesure est bien nécessaire et proportionnée. L'intervention du conseil municipal afin de restreindre la vente des albums de certains artistes dans l'enceinte de la ville, mais cela n'est en aucune manière contraignant pour les magasins, ce qui tend à prouver que la volonté du conseil municipal n'est pas tellement de bannir ce genre de musique de la ville de manière totale. Dès lors, son intention de rendre impossible les concerts de ces artistes par la biais de sa politique de délivrance des licences de salles de spectacles semble disproportionnée. En tout état de cause, et malgré les interrogations pouvant être posées par une telle interdiction, l'action de la ville de Brighton et Hove est légale. Elle est en effet basée sur un des cas généraux pouvant limiter la liberté d'expression, de ce fait, la restriction apportée au droit de participer à la vie culturelle est fondée sur une base légale. En outre, l'invocation de la protection d'une partie de la population est également fondée puisque la prestation d'un artiste incitant à la haine et à l'homophobie pourrait être susceptible de causer des troubles à l'ordre public. Le droit de participer à la vie culturelle ne doit pas mener à la survenance de quelque incident que ce soit qui serait provoqué par l'expression même de l'artiste. En Finlande, la prestation en public de tels artistes n'est pas restreinte, mais le problème qui se pose est celui rencontré par le peuple Same et sa culture. 3) La Finlande et la culture Same En Finlande, de nombreux groupes de musiques émergent, avec pour point commun des paroles qui pourraient être considérées comme dangereuses, notamment en ce qu'elles incitent au suicide ou à la haine. Pourtant, ces artistes ne rencontrent aucun soucis de limitation de leur droit de participer à la vie culturelle, leurs prestations en public sont libres. Pour autant, il est notable que ce droit n'est pas absolu, même en Finlande. En effet, le peuple Same qui connait déjà des difficultés à diffuser sa culture et sa musique, rencontre également des restrictions lorsqu'il s'agit de représenter celle-ci en public. En effet, sous l'action de l'Église, aidée de l'État, la musique Same, issue de la religion chamane, a été bannie sous toute ses formes pendant longtemps, à tel point que la population elle-même n'osait plus la pratiquée. 72 Le problème posé par cette restriction est majeur en ce qui concerne la liberté de se produire en public. En effet, cette liberté et le droit de participer à la vie culturelle qui en est à l'origine, n'a de limitation possible que les seuls cas pouvant limiter la liberté d'expression de manière générale. Dès lors, interdire à une partie de la population de participer à la vie culturelle en donnant des représentations publiques, ou même tout simplement en jouant de leur musique, constitue une limitation au droit de participer à la vie culturelle qui ne devrait pas être. Ainsi, la liberté d'expression est restreinte sans fondement juridique et de manière à entrainer une violation de cette liberté de la part de l'État qui ne saurait ignorer l'action de l'Église dans un pays où les deux ne sont pas séparés, sans oublier l'action de l'État luimême. Bien que le droit de participer à la vie culturelle soit d'une manière générale respecté en Finlande, l'exemple de la musique Same et le fait qu'ils ne puissent pas en jouer notamment en public montre que la liberté d'expression connait des limites, même en Finlande, pays traditionnellement considéré comme l'un des plus respectueux de la liberté d'expression. Cependant, l'existence de la liberté de se produire en public, au même titre que celle de diffuser la musique, ne saurait exister sans le volet de la liberté d'expression composé par la liberté de création. 73 SECTION 3 : LA LIBERTÉ DE CRÉATION La première des facettes de la liberté de l'expression du musicien est la liberté de création. C'est elle qui pré-existe à la liberté de diffusion et de prestation car sans elle, il n'y aurait pas de musique à diffuser ou à jouer en public. C'est uniquement à l'auteur de l'œuvre qu'appartient cette liberté (§1). Cependant, la particularité de cette liberté est qu'elle peut être restreinte par l'auteur lui-même (§2). §1) UNE LIBERTÉ PERSONNELLE La liberté de création, en matière de musique comme dans tous les arts, appartient au musicien lui-même qui est libre d'écrire et de composer ses œuvres (A). Cette liberté de création est fortement liée à la liberté d'expression et, comme elle, elle connaît des limites légales (B). A – LIBERTÉ DE CRÉATION MUSICALE La liberté de l'expression musicale permet aux artistes d'extérioriser leurs sentiments, leurs idées ou leurs opinions en les traduisant en musique. Cela passe nécessairement par une phase d'écriture et de composition, autrement dit, une phase de création. Dès lors, pour que les possibilités offertes par cette création soit les plus larges possible, il convient également que la liberté d'expression soit respectée à ce niveau : la création doit être libre. Il s'agit ici de l'expression des sentiments et opinions personnelles de l'artiste, celles-ci n'appartiennent qu'à lui et normalement donc, ne doivent pas être influencées par un facteur autre que l'artiste lui-même. Cela lui permet de faire connaître ces idées et opinions au public. La création, et donc la liberté de création, sont les premières étapes de la liberté de l'expression musicale. En effet, la liberté de diffusion et de prestation ne peuvent exister que s'il y a création au préalable. A fortiori, cette création doit être libre pour que la liberté de diffusion et de prestation puissent elles aussi être libres. En droit finlandais, cette liberté de création est protégée à la fois du fait de la proclamation de la liberté d'expression dans les textes européens et constitutionnels, mais elle l'est également du fait de la protection de la liberté des arts dans l'article 16 de la Constitution. Cette garantie supplémentaire permet d'assurer à la musique une liberté 74 fondée non pas sur un principe général, mais sur un principe spécifique aux arts. Or, la notion même de liberté des arts implique la liberté de création. En droit anglais comme en droit français, la liberté de création est protégée au travers des différents textes internes et européens garantissant la liberté d'expression. Mais en droit français, la liberté des activités artistiques est reconnue, notamment du fait de l'existence d'une réglementation des différents domaines de spectacle. Pour autant, la liberté de création n'est pas en elle-même prise en compte par ces textes qui s'attachent plus à la liberté de prestation. Mais en dehors de ces législations spécifiques, aucun texte de rang supérieur ne définit plus précisément la liberté de l'expression artistique et donc la liberté de création. Cette dernière est donc protégée par le biais de la liberté d'expression garantie par les déclarations des droits internationales, européennes et nationales. Pourtant, cela n'enlève pas à l'importance de la liberté de création en matière artistique, l'un ne pouvant de dissocier de l'autre. Dès lors, si la liberté de l'expression artistique doit être garantie, l'État doit nécessairement garantir également la liberté de création, et ce même en l'absence de spécification dans son Droit. La liberté de création en matière de musique est donc d'une importance capitale car elle permet à la musique d'exister et de pouvoir s'exprimer de toutes les manières possibles et en préexistant à la liberté de diffusion et de prestation, elle conditionne ces dernières. De ce fait, cette facette de la liberté d'expression doit être protégée afin de garantir une totale liberté d'expression musicale. Liberté de création et liberté sont intimement liées, notamment en ce qui concerne les limitations légales existant en la matière. B – LIBERTÉ DE CRÉATION ET LIBERTÉ D'EXPRESSION La liberté de création est essentielle en matière de musique. C'est elle qui permet à l'artiste de s'exprimer. Mais cela est vrai dans tous les domaines de la liberté d'expression, si bien que les limitations légales qui existent en matière de liberté d'expression peuvent s'étendre à la liberté de création musicale. La liberté de la création est indissociable de la liberté d'expression, elle ne peut exister sans cette dernière. Cela est vrai autant pour l'importance que revêtent ces deux libertés que pour les limitations qui peuvent y être apportée. Ainsi, le musicien est libre dans sa création, il bénéficie de la protection de la liberté d'expression et a le droit de composer et d'écrire ses chansons comme il l'entend. Cependant, il se verra tout de même limiter par la loi qui a seule la capacité de restreindre 75 la liberté d'expression. Ainsi, l'incitation à la haine, la diffamation, les risques de troubles à l'ordre public ou encore le négationnisme peuvent entraîner une restriction de la liberté de création du musicien. En effet, si la musique permet d'exprimer toute sorte d'idées ou de sentiments, tous ne sont pas autorisés par la loi, de ce fait, un morceau de musique peut se voir interdit pour l'un de ces motifs. C'est donc la liberté de création qui est impactée puisque le fait de composer une chanson, qui comprend généralement l'intention de la diffusée, est constitutif d'une atteinte à la loi. La liberté de création n'est donc pas totale, bien qu'il s'agisse de l'une des liberté les plus personnelles qui soit puisqu'il s'agit de la mise en œuvre de la liberté de pensée et d'opinions dans le cadre de la musique. Il s'agit de transcrire cette liberté de pensée de façon à la rendre tangible et à la mettre en musique. Or, la liberté de pensée est propre à chaque individu, on ne saurait interdire à une personne de penser d'une certaine manière ou d'avoir une certaine opinion. Ce qui peut être interdit, c'est le fait de communiquer ces pensées et opinions, donc la liberté d'expression. Si la liberté de création peut donc être limitée du fait de la loi au nom de la limitation de la liberté d'expression, ce n'est donc qu'à condition que la création musicale qui en résulte soit diffusée auprès du public ou qu'elle soit jouée en public. La loi n'est pourtant pas le plus grand facteur de la restriction de la liberté de la création. Cette liberté a la particularité de pouvoir être restreinte par l'auteur lui-même. §2) UNE LIBERTÉ RESTREINTE PAR L'AUTEUR LUI-MÊME L'auteur peut librement choisir de limiter sa liberté d'expression et donc sa liberté de création. En droit français, cette dernière peut être restreinte dans le cadre de contrats (A), mais surtout, elle est nécessairement influencée par les différentes limitations pouvant intervenir dans la suite de la vie d'un morceau de musique (B). A – LA RESTRICTION PAR LES CONTRATS La liberté de l'expression musicale, et notamment la liberté de création, appartient à l'artiste. C'est à lui seul de décider de ce qu'il a envie d'exécuter ou non, il reste libre de ses choix. Un musicien peut cependant choisir de conclure un contrat dans lequel il précisera la teneur de l'œuvre qu'il compte réaliser, il peut donc choisir de brider sa liberté 76 d'expression. C'est le mécanisme des contrats de droit d'auteur en droit français. La liberté de création de l'auteur préexiste au droit moral, prérogative du droit d'auteur interdisant à ce dernier de céder ou de délaisser certains de ses droits à un tiers. Il s'agit des droits de divulgation, de repentir ou de retrait, du droit au respect de l'œuvre et du droit à la paternité. Ces quatre composants du droit moral montrent que celui-ci se préoccupe avant tout de ce qui concerne la création en elle-même, la façon dont l'auteur souhaite traiter le sujet qu'il entend et la protection de son œuvre de manière à ce que la façon dont celle-ci a été réalisée ne soit pas altérée. Ainsi, en théorie, l'auteur d'une œuvre ne peut pas céder ou abandonner ces droits moraux touchant à la création en elle-même. Pourtant, la liberté de création préexistant aux droits moraux, l'auteur peut en disposer comme il l'entend et notamment il peut limiter sa liberté. Dès lors, l'auteur peut conclure un contrat avec un tiers dans lequel il limite sa liberté de création67. Cela s'applique également en matière de création musicale. Un musicien peut donc librement décider de restreindre sa création en concluant un contrat dans lequel il stipule ce qui ressortira exactement de sa création, les limites qui lui sont imposées, voire même les sujets qu'il doit aborder ou le genre musical concerné. Mais dès qu'il y a intervention d'un tiers, la question qui se pose est celle du respect de la liberté de l'auteur. En effet, si celui-ci peut limiter sa liberté de création, cela ne peut se faire que si cette limitation résulte d'un choix libre de l'auteur, et non de quelconque pression exercées sur lui par son cocontractant. L'abus dans la limitation de la liberté de création reste exclu. Comme tout artiste, le musicien est donc libre de limiter sa liberté de création, et donc sa liberté d'expression, dans le cadre d'un contrat, mais seulement à la condition que son choix ne soit pas entravé. Un auteur-compositeur de musique peut également limiter sa propre liberté de création afin de ne pas subir une quelconque restriction postérieure. B – L'INFLUENCE DES RESTRICTIONS POSTÉRIEURES La liberté de création appartient à l'artiste, lui seul peut choisir de composer ou d'écrire un morceau de musique de la façon dont il l'entend. Cependant, certains choix peuvent mener à ce qu'un organe institutionnel, politique ou commercial prenne la décision de 67 Cour de Cassation, 1ère civ., 7 avril 1987, « État gabonais contre Antenne 2 », pourvoi n°85-12101. 77 porter atteinte à la liberté d'expression du musicien en limitant la diffusion du morceau ou bien encore sa liberté de prestation. Du fait de ces risques de limitation de la liberté d'expression postérieure à la création, cette dernière peut se trouver influencée. En effet, l'artiste peut décider de ne pas écrire ou composer sa chanson d'une manière qui pourrait entraîner la limitation postérieure de la liberté d'expression. Il s'agit en réalité d'une forme d'auto-censure qui est pratiquée par certains musiciens souhaitant voir leur art diffusé auprès du public et voulant exercer leur droit de participation à la vie culturelle. Ainsi par exemple, le chanteur anglais Robbie Williams a choisi de censure une injure dans l'une de ses chansons afin que celle-ci puisse être diffusée en radios 68. Mais ce choix été délibéré et rentrait encore dans le cadre de la liberté d'expression. Ce qu'il faut pouvoir éviter, c'est le fait d'imposer à certains artistes de devoir réenregistrer un morceau afin de pouvoir le rendre propre à la radiodiffusion, comme cela fût le cas pour la chanson précédemment citée de l'américaine Britney Spears qui a dû modifiée les paroles et le titre de la chanson afin que la « BBC radio 1 » accepte de la diffusée. Le fait de choisir de ne pas utiliser un terme ou une tournure de phrase ou encore une mélodie pouvant mener à une restriction de la liberté d'expression par la suite fait encore partie de la liberté d'expression. En effet, c'est le choix de l'artiste de se préoccuper en premier lieu de la diffusion plus ou moins large de son œuvre, il lui appartient donc de choisir les termes à employer pour arriver à cette fin. Le fait de s'auto-censurer n'est donc qu'une autre façon de s'exprimer. Cependant, il ne faut pas que la liberté d'expression de l'artiste soit pleinement dépendante des possibles restrictions ultérieures. Elle doit être libre et le musicien ne doit pas être obligé de se plier aux exigences des différentes autorités institutionnelles ou commerciales souhaitant restreindre sa liberté d'expression. Le choix de cette restriction ne doit dépendre que de l'artiste lui-même. Mais ce choix, même s'il dépend de l'artiste reste sujet aux interrogations. Certaines de ces restrictions sont toutefois licites, comme en ce qui concerne l'incitation à la haine ou au meurtre. Dans ces cas légalement prévus, toute forme de retenue de la part de l'artiste est évidemment justifiée. Mais hors des cas légaux, cette auto-restriction 68 Dans sa chanson « Bodies » sortie en septembre 2009, le chanteur Robbie Williams a délibérément remplacé le mot « fucking » par un effet sonore. 78 reste en proie au doute. Si l'artiste est libre de se limiter lui-même dans ses choix artistiques, lorsque cette limitation provient du fait qu'il existe une possibilité de restriction de la part d'un organe extérieur et ce de manière à réduire postérieurement la liberté d'expression du musicien, ce choix artistique n'est plus totalement libre et apparaît comme la cause directe de ces interventions. De ce fait, l'auto-censure pratiquée par les musiciens sur la base des restrictions futures, notamment dans le cas des chansons modifiées pour être radiodiffusées, semble moins légitime en ce qu'elle dépend d'un facteur extérieur aux choix artistiques de l'artiste. En outre, en France, un critère supplémentaire est à prendre en compte : les quotas de diffusion auxquels les stations de radiodiffusion sont soumis. Ces dernières ont en effet l'obligation de réserver une part de leur programmation aux artistes d'expression en langue française ou de l'une des langues de France. Ainsi, quarante pour cent du temps d'antenne sur la période considérée comme les « heures d'écoute significatives » doit être consacré à des artistes francophones dont vingt pour cent consacrés aux nouveaux talents69. Du fait de ces politiques de quotas, les temps d'antenne pour les artistes étrangers sont donc réduits, ce qui diminue de ce fait les musiciens étrangers pouvant avoir accès aux radios françaises. Mais surtout, les artistes français, et notamment les nouveaux talents, ont plus de chances de voir leurs chansons radiodiffusées s'ils choisissent de s'exprimer en français plutôt que dans une langue étrangère. Cela limite nécessairement la liberté de création en ce que le choix de la langue dans lequel le chanteur s'exprimera lui est dicté par la loi et à défaut de quoi, ses chances de se faire connaître seront nettement moindre. Malgré les difficultés posées et les critiques, cette forme d'auto-censure musicale reste pour les musiciens le plus sûr moyen de voir leurs œuvres diffusée de manière large auprès du public par le biais des médias. Certains artistes se trouvent en effet dans un situation où, n'ayant pas souhaité s'auto-restreindre, leurs chansons n'ont pas été connues du public. La liberté de création est donc intimement liée aux autres visages de la liberté d'expression dont elle dépend, même si en théorie elle devrait être totalement indépendante. Même si cette liberté de création ne connaît en soit aucune intervention extérieure de manière directe, les interventions ultérieures constituent des limitations de la liberté d'expression au même titre que celles existant pour la liberté de diffusion ou de prestation. 69 Loi n°92-61 du 18 janvier 1992 modifiant les articles 27, 28, 31 et 70 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de la communication. Ici, il s'agit de l'article 2 de la loi de 1992 modifiant l'article 28 de la loi de 1986. 79 Conclusion du chapitre 2 : Tout musicien bénéficie de la liberté d'expression, celle-ci étant protégée par les déclarations des droits internationales, européennes ou nationales. Que ce soit en Finlande, en Angleterre ou en France, la liberté d'expression est garantie dans toutes ses composantes, de la création à la prestation en public en passant par la diffusion des supports et des œuvres, notamment par le biais de la radio ou de la vente. Pourtant, bien que ces trois pays ont la réputation d'attacher une importance toute particulière à la liberté d'expression, en matière de musique celle-ci se trouve limitée dans certains cas, et cela ne résulte pas toujours d'une loi. Ainsi, des interventions de l'État, de personnalités politiques ou d'organes commerciaux viennent également limiter cette liberté d'expression musicale à tous les niveaux de son existence. Il est important de remarquer que ces différentes restrictions apportées à cette liberté ont un impact sur la création musicale en elle-même, l'artiste préférant parfois s'autolimiter plutôt que de risquer d'encourir une restriction ultérieure. Les différentes ingérences, et surtout celles intervenant hors du cadre légal, ne sont donc pas anodines et doivent être mesurées afin que l'atteinte à la liberté de l'expression de l'artiste ne soit pas abusive. aujourd’hui, grâce aux différents médias qui n'hésitent pas à relayer ces cas d'ingérence, les abus sont rapidement dénoncés et le débat s'installe au sein du public, comme cela fût le cas en France lorsque le rappeur Orelsan a été déprogrammé du festival de la Rochelle. Cela est d'autant plus facile avec l'Internet qui permet au public de s'informer et de s'exprimer sur ces interventions. Mais l'Internet, en tant que réseau mondial sans frontières et faiblement réglementé ne serait-il pas le moyen d'arriver à une liberté d'expression plus étendue pour les musiciens ? 80 CHAPITRE 3 : LA LIBERTÉ PAR L'INTERNET ? La toile mondiale qu'est l'Internet est largement favorable à la diffusion de la musique qui dépasse alors les frontières (section 1). cependant cette internationalité de la diffusion n'est pas sans poser de problème quant aux contrôles qui peuvent ou non être exercés sur les paroles potentiellement dangereuses (section 2). 81 SECTION 1 : UNE TOILE MONDIALE FAVORABLE À UNE DIFFUSION ACCRUE DE LA MUSIQUE Compte tenu de ses spécificités, l'Internet abat les frontières entre les pays permettant ainsi une communication, mais aussi une diffusion de la musique, de manière internationale (§1). Mais l'Internet a également permis l'éclosion de nouveaux modes de diffusion de la musique (§2), notamment avec le « web 2.0 ». §1) UNE DIFFUSION SANS FRONTIÈRE L'internet permet une diffusion internationale de l'information, des idées et des pensées, ce qui est positif pour la liberté d'expression (A), mais aussi pour les formes musicales faisant polémique (B). A – INTERNET ET LIBERTÉ D'EXPRESSION L'Internet est particulièrement important en matière de liberté d'expression sur laquelle il a un impact considérable, permettant d'assurer son respect (1). Pourtant, cette liberté n'est pas envisagée de la même façon selon les gouvernements (2). 1) L'impact de l'Internet sur la liberté d'expression L'Internet est un réseau de communication à l'échelle mondiale permettant aux personnes qui y sont connectées de s'échanger des informations et autres types de messages grâce aux réseaux d'ordinateurs reliés entre eux. Ce moyen de communication a permis un total renouvellement des télécommunications grâce à des protocoles simples et universels. Cela rend possible la communication entre des personnes du monde entier. De ce fait, tous types de messages peuvent être échangés en tous points de la planète, sans rencontrer de limitations de frontières. Il existe certes quelques limites posées par certains pays, comme la Chine par exemple, afin d'empêcher les internautes d'accéder à des messages jugés comme potentiellement dangereux pour ces internautes ou pour l'État. Cependant, l'Internet reste le réseau de communication le plus libre et le moins soumis aux contrôles. Dès lors, ce nouveau moyen de communiquer est donc particulièrement intéressant en matière de liberté d'expression. En effet, les déclarations des droits, quelle que soit leur origine, disposent toutes du droit de chacun a rechercher, recevoir et répandre les 82 informations, idées et opinions. Or, l'Internet permet ces trois volets de la liberté d'expression. Dès le début de l'Internet, celui-ci a permis aux personnes connectées de rechercher les informations qu'elles souhaitaient trouver. La diffusion de ces informations, mais aussi de messages tels que des idées ou des opinions moins neutres que de l'information brute, a pu être élargie à un niveau supérieur de celui existant jusqu'alors, c'est-à-dire le plus souvent au niveau national. De ce fait, la liberté de tout citoyen de rechercher des informations est renforcée par l'Internet. En ce qui concerne la réception de l'information, cette liberté est également plus forte avec l'Internet. Puisque toute personne peut rechercher des informations plus librement, elles peuvent aussi recevoir celles-ci en réponse à leurs recherches. Mais elles peuvent aussi être acheminées auprès du récepteur sans requête de celui-ci. Dans ce cas, le récepteur ne peut en aucun cas être inquiété pour des informations qu'il aurait reçu sans les avoir demandées. Avec les évolutions de l'Internet, la participation des internautes a été de plus en plus facilité jusqu'à faire de cette toile mondiale le support de sites où les internautes sont les principaux acteurs. La liberté de répandre des informations, des idées ou des opinions est donc grandement facilitée. La liberté d'expression des internautes est donc assurée par les spécificités même de ce réseau où chacun peut échanger sans rencontrer beaucoup de limitations. L'Internet est un vecteur essentiel de la liberté d'expression et permet d'assurer le respect de cette liberté telle qu'elle est proclamée dans les différents textes internationaux, européens ou même nationaux. L'importance de la liberté d'expression pour la société démocratique rend l'existence de l'Internet et son usage par les internautes d'autant plus nécessaire, la société démocratique s'en trouvant renforcée. Cependant, l'attitude des gouvernement face à la liberté d'expression permise par la liberté de l'Internet diffère d'un État à l'autre. 2) Le comportement des gouvernement face à la liberté de l'Internet Si chaque État a une conception différente de la liberté d'expression, il en est de même en ce qui concerne son application sur l'Internet. Certains ont une vision de l'Internet plus libertaire que d'autres. Ainsi, la Finlande est traditionnellement considérée comme accordant une grande place 83 à la liberté de l'Internet dans un pays où plus de 82 pour cents de la population ont accès au réseau de communication mondiale. Les seuls cas dans lesquels la liberté d'expression sur l'Internet peut être limitée sont les actions en justice. Ainsi, les tribunaux peuvent infliger des amendes aux personnes jugées coupables d'incitation à la haine raciale. Plusieurs cas ont été rapportés en 2008 concernant des personnes ayant publié des messages de cette nature. En Angleterre, le principe de liberté d'expression sur l'Internet et le même, tout individu a droit de s'exprimer librement sur la toile, par quelque moyen que ce soit et il n'existe aucune restriction quant à l'accès à l'Internet. Cependant, la loi autorise le gouvernement à surveiller les moyens de communication, y compris l'Internet et ce pour des raisons de sécurité nationale, de sécurité publique ou afin de prévenir ou détecter un crime. Quant à la France, aucune restriction n'a été constatée quant à l'accès à l'Internet. En cas de contenu illicite, la responsabilité de la personne ayant mis ce contenu en ligne ne peut être engagée qu'à posteriori devant les juridictions répressives, et en aucun cas cela ne peut entraîner une restriction de l'accès à l'Internet. Cette absence de restriction d'accès est en train d'évoluer car, avec les deux lois dites « création et Internet » et « HADOPI 2 »70, les internautes jugés coupables de téléchargement illégal seront susceptibles de voir leur abonnement Internet suspendu pendant une certaine durée, ce qui constitue une restriction à l'accès à l'Internet. Or, la question de l'accès à l'Internet est également importante en ce qui concerne la liberté d'expression car, si l'Internet est un vecteur de la liberté d'expression, encore faut-il être en mesure de pouvoir exercer celle-ci, autrement dit, d'avoir accès à l'Internet. Cela passe par les possibilités offertes à l'État de restreindre cet accès, mais aussi par le nombre de personnes ayant accès à l'Internet. D'après l'UIT en 2009, 68 pour cents de la population française a accès à l'Internet contre les 82 pour cents de la Finlande et les 80 pour cents du Royaume-Uni 71. La France a donc un certain retard quant au taux de personnes connectées, diminuant d'autant la liberté d'expression. En outre, contrairement à la Finlande et à la France, en Angleterre l'accès à l'Internet est gratuit dans les bibliothèques publiques. Les Etats sont donc inégaux face à l'appréhension de la liberté de l'Internet, malgré les tentatives d'unification afin de réduire la fracture numérique. Ces différences pèsent sur la 70 Loi n°2009-669 du 12 juin 2009 favorisant la diffusion et la protection des œuvres sur Internet et loi n°2009-1311 du 28 octobre 2009 relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur Internet. 71 Statistiques de l'Union Internationales des Télécommunications, 2009, voir le site de l'UIT. 84 liberté d'expression et son exercice sur l'Internet. Pourtant, l'Internet reste tout de même un moyen essentiel d'assurer la liberté d'expression par une diffusion mondiale. Ainsi, les formes musicales sujettes à polémique et aux restrictions dans le monde physique, peuvent trouver un nouveau moyen de diffusion, exempt de toutes contraintes. B – INTERNET ET MUSIQUE POLÉMIQUE Les évolutions des technologies ont permis d'augmenter la liberté d'expression grâce à l'Internet. Cela bénéficie également à la musique et notamment aux formes de musiques qui sont généralement soumises aux critiques et aux restrictions de la liberté d'expression. L'Internet permet à chaque internaute, y compris les particuliers, de diffuser leurs propres messages. Parmi ces messages figurent des idées et opinions personnelles, qui sont le fait d'internautes et qui peuvent donc exprimer des positions plus ou moins objectives ou dangereuses. Pourtant, cela participe à la liberté d'expression, laissant aux internautes le choix des messages qu'ils recherchent, reçoivent et diffusent. Si les messages répandus étaient restreints, cela reviendrait à restreindre la liberté d'expression. La retrait d'un contenu de la toile doit donc être le fait d'un contrôle attentif et d'une décision de la part de l'autorité judiciaire qui jouit de son indépendance. Dès lors, les artistes et particulièrement les musiciens peuvent faire passer leurs messages par le biais de l'Internet. Les barrières qu'ils rencontrent alors sont beaucoup plus faibles que celles existant dans le monde physique. En outre, les musiciens peuvent désormais transmettre leurs œuvres de façon plus directe au public, sans passer par d'autres intermédiaires que l'Internet lui-même, cela permettant de réduire les frais afin d'en faire bénéficier l'internaute, qui n'est autre que le public recevant le message musical. Le nombre de personnes connectées au réseau fait de ce moyen de communication le vecteur idéal afin de diffuser des œuvres au plus grand nombre. Ceci est un autre facteur de la liberté d'expression des musiciens qui trouvent ici un moyen de répandre leurs créations, mais aussi du public qui peut ainsi rechercher et recevoir les œuvres musicales avec plus de facilité mais aussi moins de contraintes. Tout cela prend son importance lorsque les opinions exprimées dans ses œuvres sont sujettes à polémique ou jugées potentiellement dangereuses, car, dans le monde physique, ces morceaux musicaux seraient soumis à plus de limitations. 85 Si les différents États ont des points de vues différents sur la liberté d'expression des musiciens, la liberté de l'Internet est elle aussi perçue différemment. Cela a donc un impact sur la liberté de l'expression musicale. En effet, l'existence de restrictions à l'accès72 ou quant aux messages diffusés, peuvent influer sur l'accès ou la diffusion aux morceaux musicaux et donc sur la liberté d'expression musicale. L'Internet est donc sans conteste une avancée pour la liberté d'expression et surtout pour celle des musiciens qui ont acquis avec cette évolution de la technologie une nouvelle dimension de la diffusion musicale. Mais cette liberté est également facilité par les nouveaux modes de diffusions apparus avec l'Internet. §2) UNE DIFFUSION MUSICALE SELON DE NOUVEAUX MODES Si l'Internet permet, en tant que tel de favoriser la liberté d'expression des musiciens, les moyens de cette liberté résultent d'évolutions de l'Internet qui ont conduit à l'avènement de nouveaux modes de diffusion des œuvres musicales (A) qui ne sont pas sans impact sur la liberté d'expression musicale (B). A – DE NOUVEAUX MODES DE DIFFUSION DES ŒUVRES L'Internet a évolué depuis sa création, passant d'un outil auxquels quelques professionnels contribuaient à un vaste réseau de contributeurs qui ne sont autres que les internautes. Ce passage du « web 1.0 » au « web 2.0 » a entrainé de nombreuses modifications, autant sur la toile elle-même que dans le comportement des internautes. Ainsi, des modes illégaux de diffusion et de consommation de la musique sont apparus (1). Pourtant, des modes légaux se développent de façon parallèle (2). 1) L'apparition de modes illégaux de diffusion de la musique Les évolutions de la technique ont permis à l'Internet d'évoluer et de devenir un moyen d'échange efficace entre plusieurs internautes privés, et non plus seulement un réseau alimenté principalement par des professionnels. Les particuliers peuvent donc acheminer des messages entre eux, les partager. Cela peut poser problème, notamment lorsque ce qui est échangé par les internautes sont des œuvres de l'esprit appartenant à des tiers et diffusés sur l'Internet sans leur 72 Dans les trois pays ici étudiés, de telles possibilités de restrictions à l'accès à l'Internet n'existent qu'en France dans le cadre de la loi « HADOPI 2 ». 86 autorisation. Si, lors des débuts de ces échanges, les réseaux étaient centralisés sur un seul serveur appartenant à une entreprise, aujourd'hui les serveurs sont constitués par les ordinateurs des internautes. Tout cela n'a pas été sans causé de nombreux contentieux, notamment pour des questions de contrefaçon. Les société propriétaires des premières générations de serveurs ont été jugés coupables de contrefaçon par des juridictions nord-américaines. Cependant, pour ce qui est des secondes génération de serveurs, la question est loin d'être réglée, plusieurs pistes ont été et continues d'être explorées au niveau international et européen. Pour ce qui est du droit européen, les décisions rendues par des pays autres que la France, la Finlande ou l'Angleterre peuvent également être envisagées dans ces États dans la mesure où le droit applicable y est comparable du fait des directives européennes. Les premières cibles de ces actions ont été les société propriétaires des logiciels d'échanges, cependant, ceux-ci ont été jugés non responsables des contrefaçons car ils ne font que fournir le logiciel et n'ont pas les moyens de contrôler les échanges illicites des internautes73. Suite à ces poursuites infructueuses, la responsabilité des fournisseurs d'accès à l'Internet a été recherchée. Une juridiction belge74 a estimé qu'il été possible qu'un fournisseur d'accès soit condamner à bloquer les échanges illicites de ses clients, bien que cela soit susceptible de constituer une violation de la vie privée des internautes. En France comme dans la plupart des pays européens, la principale piste qui est suivie à présent est celle de la responsabilité des internautes. Ceux-ci sont condamnés aux paiement de dommages-intérêts pour avoir téléchargé des contenus illicites en violation du droit d'auteur75. Cependant, malgré toutes ces tentatives afin de juguler le phénomène des téléchargements illégaux, cela semble vain. L'engouement pour le téléchargement gratuit de la musique continue de croitre, tout comme le volume de ces échanges. Pourtant, afin d'éviter les risques dus à ces échanges fait en violation de la loi, des modes légaux, alternatifs aux plateformes de téléchargements illégaux, se développent de 73 Ainsi, le logiciel « Kazaa » n'a pas été tenu pour responsable des contenus illicites. Cette décision d'une juridiction des Pays-Bas datant du 28 mars 2002 a été confirmée par la Cour suprême des PaysBas. 74 Tribunal de première instance de Bruxelles, 26 novembre 2004 et 29 juin 2007, « SABAM contre Tiscali ». 75 TGI Vanne, 29 avril 2004 à propos de l'utilisation du logiciel « Kazaa ». 87 plus en plus en matière de diffusion de la musique. 2) Le développement de modes alternatifs légaux de diffusion de la musique Le succès croissant de la diffusion musicale par le biais de l'Internet a rendu nécessaire la multiplication des types d'offres de musique sur support électronique. L'existence de risque liés au téléchargement illicite a conduit au développement de modes alternatifs et légaux de diffusion et d'acquisition de la musique. Il existe bien sûr une offre légale payante dont les principaux distributeurs sont les sociétés vendant également des supports physiques tels que les magasins de disques, mais aussi la société « Apple » et sa plateforme « Itunes ». Pourtant, ce mode de diffusion, bien que très utilisé, ne constitue pas le mode permettant la plus grande liberté d'expression. Les sites Internet proposant le « streaming », c'est-à-dire une lecture de flux, sans téléchargement du fichier sur le disque dur de l'utilisateur, connaissent un engouement grandissant. Ils permettent l'écoute en ligne de morceaux de musique postés par d'autres internautes, cependant, l'absence de reproduction par l'internaute écoutant le fichier empêche la qualification d'échange illicite. Pourtant, la nature licite ou non de ces plateformes fait encore débat, notamment car elles mettent en jeu le droit de représentation, sans pour autant que celle-ci ait reçu l'aval du titulaire des droits. Mais jusqu'à présent, ces offres ne sont pas considérées comme illicites. Avec les développements du « web 2.0 », de nombreuses plateformes de communication ont pu voir le jour. C'est notamment le cas des « blogs », de « MySpace » ou de « Facebook » qui ont changer les comportements des internautes en leur permettant de communiquer à propos de leur vie privée, mais leur permettent également d'échanger des fichier musicaux. Grâce à ces sites Internet, les artistes peuvent diffuser leur musique au public à une échelle plus grande, et ce, sans réelle contrainte. Ils peuvent produire leurs propres œuvres afin de les diffuser et ainsi se faire connaître plus facilement. Cette diffusion s'accomplissant du fait même des artistes auteurs des œuvres, elle est licite. La multiplicité des modes de diffusion de la musique sur l'Internet permet également d'augmenter l'offre de musique en elle-même, diminuant les coûts de production et ainsi facilitant pour les artistes la possibilité de créer et de mettre à disposition leur musique. Ces modifications dans les modes de diffusion des œuvres ne sont pas sans conséquences sur la liberté d'expression musicale. 88 B – L'IMPACT DES NOUVEAUX D'EXPRESSION MUSICALE MODES DE DIFFUSION DES ŒUVRES SUR LA LIBERTÉ Les nouveaux modes de diffusion de la musique qui sont aujourd'hui permis par l'Internet et ses évolutions sont nettement bénéfiques pour la liberté d'expression des artistes et particulièrement celle des musiciens (2), pourtant, les internautes, autrement dit les récepteurs des œuvres, ne sont pas en reste face à cette augmentation de la liberté d'expression (1). 1) La liberté d'expression du récepteur Les modes de diffusion de la musique qui ont émergé avec les évolutions de l'Internet permettent un fort développement de la liberté d'expression musicale dans toutes ses facettes telles qu'elles sont proclamées dans les déclarations des droits internationales et européennes. Ainsi, la liberté du récepteur s'en trouve elle aussi augmentée. Cela est dû à la multiplication des offres de musique sur l'Internet dont l'augmentation permet parallèlement d'augmenter le nombre de genres musicaux diffusés par ce biais mais aussi de morceaux de musiques. Dès lors, le public qui est le récepteur de ces œuvres voit son choix croitre. Ce choix peut ainsi se porter sur des formes de musique qui sont en général soumises à certaines limitations dues aux idées et opinions exprimées dans ces œuvres et qui sont jugées potentiellement dangereuses. C'est ici la liberté d'expression du récepteur qui est favorisée. L'Internet permet à la fois de lui proposer une plus grande variété de genres musicaux et parmi ces genres un nombre d'œuvres plus élevé. Ces évolutions sont rendues possibles par la diversité des offres de diffusion musicale et par la facilité d'accès à l'Internet. Cela est de nature à augmenter la liberté d'expression du récepteur car ce dernier est alors libre de rechercher et de recevoir des idées et opinions qui font l'objet de restrictions dans le monde physique. En passant outre ces restrictions, et en proposant une offre plus diversifiée et plus large, l'Internet constitue donc un outils précieux de la liberté d'expression musicale. Ces récepteurs peuvent en outre devenir émetteurs à leur tour grâce aux réseaux sociaux mais aussi aux courriers électroniques. Le public peut ainsi, sans être musicien, répandre les œuvres musicales des artistes, renforçant également la liberté d'expression dans sa composante de diffusion de l'information. 89 Dès lors, l'Internet tel qu'il existe et se développe aujourd'hui avec la participation croissante des internautes à son enrichissement permet également de renforcer la liberté d'expression musicale des internautes qui peuvent rechercher, recevoir et répandre les morceaux de musiques qu'ils souhaitent tout en rencontrant des restrictions bien moindres. Mais ces développements profitent aussi aux artistes eux-mêmes. 2) La liberté d'expression de l'artiste La liberté d'expression musicale, bien qu'elle puisse être considérée comme celle du public, est avant tout celle des musiciens eux-mêmes. L'Internet permet également de renforcer la liberté d'expression des musiciens. Ceux-ci voient en effet leurs œuvres diffusées à une plus large échelle et donc auprès d'un nombre de personnes plus important. Cet élargissement du public à une dimension internationale permet de rendre effectif les dispositions des déclarations des droits internationales et européennes qui précisent que la liberté d'expression s'exerce sans considération de frontières. Or, avec les médias traditionnels, les différents types de messages et notamment la musique ne pouvait pas être diffusée de manière réellement internationale : sans l'existence d'un média international, les médias de chaque pays reprennent l'information à leur compte afin de la diffuser dans le pays considéré 76. L'Internet a permis de faire tomber ces barrières en permettant une diffusion en tout point du globe. En outre, avec l'absence quasiment totale de restrictions, la liberté de diffusion des œuvres s'en trouve renforcée. Cela permet donc aux artistes faisant le choix d'exprimer des idées et opinions portant à controverse de pouvoir tout de même être diffuser sans craindre une quelconque ingérence étatique, politique ou commerciale. Ainsi, la liberté de diffusion est assurée grâce à l'Internet qui ne connaît pas de limitation à priori et donc donne aux artistes la possibilité de communiquer leur musique de la façon dont ils l'entendent sans devoir prendre en considération une quelconque forme de limitation et donc de possibles modifications de leurs œuvres afin de les rendre plus « propres à la diffusion ». Les musiciens ont la possibilité de diffuser leur musique plus facilement par le biais du 76 En ce qui concerne les médias audiovisuels, bien que le phénomène électromagnétique des ondes permet à celles-ci de dépasser les frontières, les médias en eux-mêmes s'adressent généralement à un seul pays et n'ont pas de réelle visée internationale, bien que cela soit discutable avec la diffusion par satellite, certaines sociétés pouvant alors choisir de diffuser à l'étranger. Mais l'Internet reste le seul média international par définition. 90 « web 2.0 », sans avoir besoin d'engager autant de frais que dans le monde physique et sans avoir à passer les barrières de l'industrie musicale et des entreprises de radiodiffusion qui peuvent peser sur la carrière des musiciens mais aussi sur leur choix artistiques de manière indirecte. L'Internet permet donc de faciliter pour les musiciens l'exercice de leur art dans des conditions de liberté beaucoup plus grandes, que ce soit quant à la diffusion, mais aussi quant à la création qui ne se trouve pas confrontée à d'autres impératifs. En ce qui concerne la liberté de prestation, celle-ci ne pouvant avoir lieu qu'en public, l'Internet semblerait donc n'avoir aucun impact. Pourtant, à présent certains artistes rediffusent leur prestations scéniques par Internet, que ce soit en directe ou en différé. Cela pourrait également permettre de limiter l'impact des différentes ingérences dans la liberté d'expression musicale. L'Internet semble alors pouvoir satisfaire aux différentes conditions d'exercice de la liberté d'expression telle que celle-ci est définie par les textes mais aussi par ses conditions d'exercice.. Pourtant, si des cas de limitation à la liberté d'expression sont prévus par les textes, c'est afin de protéger des droits et libertés des abus dans l'exercice de cette expression. De ce fait, les États peuvent légitimement souhaiter limiter cette liberté sur l'Internet afin de protéger ces intérêts étatiques et ceux des tiers dont les droits sont violés. Mais ce contrôle s'avère des plus délicats. 91 SECTION 2 : LE L'INTERNET DIFFICILE CONTRÔLE DE LA DIFFUSION MUSICALE SUR L'Internet permet de favoriser la diffusion de la musique, améliorant par la même la liberté d'expression musicale. Pourtant, les États sont parfois amenés à devoir limiter cette liberté comme le prévoit les textes internationaux, européens ou même nationaux. Cependant, cette limitation et ce contrôle ne sont pas sans difficultés, que celles-ci soient liées aux spécificités de l'Internet (§1) ou au droit applicable (§2). §1) LES DIFFICULTÉS LIÉES AUX SPÉCIFICITÉS DE L'INTERNET L'Internet a ceci de spécifique qu'il s'agit d'un réseau de communication ne connaissant aucune barrière à l'accès (A), mais aussi d'une toile bien trop grande pour qu'elle puisse être efficacement surveiller (B). A – L'ABSENCE DE BARRIÈRES À L'ACCÈS À L'INTERNET L'Internet permet de favoriser la liberté d'expression musicale grâce à ses spécificités et ses capacités de diffusion des informations auprès d'un large public. Mais cela est permis également par l'absence de restriction à l'accès à l'Internet. Ce libre accès, sans formalité à accomplir avant de pouvoir y rechercher, recevoir ou répandre des informations, permet aux musiciens d'y diffuser tous types d'œuvres, y compris celles dont les paroles constituent dans le monde physique une cause de restriction à la liberté d'expression de l'artiste. Les musiciens peuvent donc y exprimer leurs idées et opinions, y compris si elles sont constitutives d'une atteinte aux intérêts de l'État ou aux droits d'un tiers. Dès lors, les États qui sont en droit de limiter cette liberté dans certains cas conventionnellement définis, peuvent également souhaiter la limiter sur l'Internet où les risques potentiels sont d'autant plus grands que le public est vaste. Pourtant, ce libre accès qui est si bénéfique à la liberté d'expression représente un problème pour les États qui n'ont pas la possibilité d'agir a priori afin d'éviter les risques de troubles. En effet, dans la plupart des cas d'une ingérence quelconque, celle-ci intervient avant que l'œuvre litigieuse ne soit diffusée auprès du public, comme cela est le cas avec les interdictions de radiodiffusion ou les interventions commerciales. Or, avec l'Internet, il est 92 impossible de restreindre la diffusion de ces chansons en interdisant aux diffuseurs de la communiquer au public car ces diffuseurs sont souvent les internautes et les artistes euxmêmes et non un organe de radiodiffusion : avec une totale liberté d'accès à l'Internet, ces diffuseurs particuliers ne peuvent pas être facilement identifiés. Un autre problème majeur rendant l'action des États difficile est constitué par l'imposante taille du « web ». B – UNE TOILE TROP VASTE À SURVEILLER L'accès libre à l'Internet n'est pas le seul facteur facilitant la liberté d'expression musicale sur la toile et rendant l'action des États difficile. Le nombre de sites Internet proposant des offres de musique au public étant important et surtout croissant, cela favorise la liberté d'expression musicale, aussi bien celle des musiciens qui peuvent diffuser leur art à un nombre de personnes plus grand, mais aussi celle du public qui a accès aux œuvres jugées potentiellement « dangereuses » et dont la diffusion serait normalement restreinte. Mais ce nombre d'offres, qu'elles soient légales ou non, est croissant, ce qui rend la surveillance de ces sites difficile. En effet, un nombre important de sites, diffusant des œuvres toutes aussi nombreuses, ne peuvent être que difficilement surveillés de manière efficace. À cela, il faut ajouter la volatilité des informations sur l'Internet. Une information qui serait retirée du réseau pour une quelconque raison, pourrait à nouveau être mise à disposition du public, y compris sur le site même d'où elle a été enlevée. Cela permet certes d'augmenter la liberté d'expression des musiciens qui peuvent ainsi éviter une ingérence et continuer à diffuser leur musique sur l'Internet. Mais cela n'est pas sans poser des problèmes supplémentaire aux États et aux personnes dont les droits et intérêts pourraient être atteints par la diffusion d'une œuvre. Si une de ces dernière est ôtée du réseau du fait d'une de ces atteintes, la remettre en circulation reviendrait à réitérer cette atteinte. Ces difficultés rendent encore plus souhaitables la surveillance du réseau car les atteintes peuvent avoir un impact encore plus important du fait de la taille du public potentiel. Mais bien que désirable, cette surveillance n'en est pas plus aisée. Ce large public justement n'est pas non plus de nature à faciliter l'intervention des États en cas de violation de ses intérêts ou des droits d'un tiers. En effet, les internautes sont 93 peut-être le public à la destination duquel les musiques s'adressent, mais ils sont aussi des sources de diffusion, que ce soit parce qu'ils sont eux-mêmes musiciens ou qu'ils permettent la rediffusion d'œuvres d'autres artistes. Chaque internaute est donc une source potentielle, y compris une source de chansons polémiques, ce qui rend leur surveillance compliquée. En effet, d'après des statistiques récentes de l'UIT, 25,9% de la population mondiale était connectées à l'Internet en 2009 et 500 millions de personnes était abonnées en haut-débit cette même année77, et ces chiffres ne cessent d'augmenter d'année en année. En outre, les sources d'informations ne se situent pas nécessairement sur le territoire de l'État souhaitant limiter la liberté d'expression, ce qui rend l'action de ce dernier impossible. Cela fait d'autant plus de possibilités de diffusion de morceaux musicaux sujets aux critiques. Le retrait de l'un d'eux n'est pas un gage de sa disparition totale, il ne s'agit que du retrait d'une des sources qui peuvent être multiples. La diffusion par l'Internet est donc un phénomène difficile à juguler. Cela pourrait être positif si la liberté d'expression musicale était absolue. Or, l'intervention des États, qui peut être légitimée et souhaitable dans certains cas, est rendue particulièrement difficile par les particularités de l'Internet. Malgré ces difficultés provoquées par l'Internet lui-même et la façon dont il fonctionne, elles ne sont pas les seules à rendre l'action des États compliquée, le droit applicable en matière de liberté d'expression doit également être pris en considération, ce qui dans ce cas n'est pas de nature à faciliter cette action. §2) LES DIFFICULTÉS LIÉES AU DROIT APPLICABLE Du fait des spécificités de l'Internet, le contrôle de la diffusion musicale sur ce média est plus compliquée. Pourtant, les limites textuelles sont aussi applicables à l'Internet (A) et celles-ci sont à concilier avec la liberté d'expression, ce qui n'est pas sans peine pour ce qui est de l'Internet. En outre, du fait de l'absence de barrières à l'entrée de l'Internet, c'est au juge judiciaire d'intervenir en cas de conflit entre la liberté d'expression musicale et une autre liberté (B). 77 Statistiques de l'Union Internationale des Télécommunications pour l'année 2009, voir site de l'UIT. 94 A – DES LIMITATIONS TEXTUELLES À CONSIDÉRER Les déclarations des droits, qu'elles soient internationales, européennes ou nationales, posent pour certaines des possibilités de limitations à la liberté d'expression dans des cas précis d'atteintes aux droits des tiers (1) ou aux intérêts de l'État (2). La liberté d'expression musicale sur l'Internet n'est pas exempte de ces limites avec lesquelles cette liberté doit être conciliée. 1) Les droits des tiers et la musique sur l'Internet La liberté d'expression est une liberté proclamée à de nombreuses reprises par des textes internationaux, européens ou même nationaux. La musique est également concernée par cette liberté qui permet aux artistes de s'exprimer et l'Internet est bénéfique à la liberté d'expression musicale car la diffusion des œuvres est facilité et s'effectue à une échelle mondiale. Mais lesdits textes prévoient également, pour certains d'entre eux, la possibilité de restreindre la liberté d'expression. Pourtant, les mêmes risques de violations des droits des tiers existent dans le monde physique et sur l'Internet, or, c'est l'un des cas prévus par ces textes et permettant de limiter la liberté d'expression. Il s'agit principalement des droits privatifs des tiers comme les droits de propriété intellectuelle constitués par la propriété littéraire et artistique et parmi elle le droit d'auteur. Cette problématique du droit d'auteur en matière de musique est particulièrement sensible sur l'Internet car la diffusion de certaines œuvres se fait sans l'autorisation des auteurs. Mais il ne s'agit pas là de la seule difficulté envisageable, il est en effet tout à fait possible de diffuser via l'Internet des contrefaçons d'œuvres, comme par exemple des reprises de chansons réalisées en mépris des règles du droit d'auteur. En outre, d'autres droits des tiers peuvent être violés plus facilement sur l'Internet que dans le monde physique. C'est notamment le cas de la diffamation qui peut être plus facilement évitée lors de la diffusion par des modes plus classiques, mais sur l'Internet, la multiplicité des sources et les difficultés d'identification compliquent les choses. L'existence de ces atteintes sur le « web » ne peut être niée, ainsi que l'impact probable à une échelle plus vaste, ce qui rend d'autant plus désirable les tentatives de limitation justifiées de la liberté d'expression musicale sur ce réseau. L'espace de liberté qu'est l'Internet doit donc être concilier avec ces impératifs que sont les droits des tiers. Ces derniers sont également valables sur l'Internet et il convient donc 95 les respecter de la même façon sur l'Internet que dans le monde physique. Cependant, ce respect est conditionné par les spécificités de l'Internet. Si d'un côté la contrefaçon est facilitée, ce qui invite alors à un renforcement de la limitation de la liberté d'expression musicale, d'un autre côté l'intervention des États et des diverses institutions est compliquée par la vaste taille du réseau, la volatilité des informations, la multiplicité des sources et les difficultés d'identification. Il en est de même pour la diffamation, si l'existence d'une telle violation est envisageable, toute tentative de restriction de la liberté d'expression musicale d'une personne sur la toile devient bien moins aisée. La musique diffusée sur l'Internet jouit donc d'une liberté renforcée par rapport aux droits des tiers, ceux-ci étant bien sûr à protéger de manière égale, mais moins facilement protégeables. Les droits des tiers ne sont pas les seuls à devoir être protégés malgré de nombreuses difficultés, les États ont également la volonté de préserver leurs intérêts face à une diffusion de la musique à échelle mondiale et difficilement contrôlable. 2) Les intérêts de l'État et la musique sur l'Internet Si les États ont la charge d'assurer la liberté d'expression, il ont aussi la possibilité de restreindre cette dernière lorsque leurs intérêts, et plus précisément l'ordre public ou la sécurité nationale, sont en jeu. Ainsi, la liberté d'expression musicale peut également être soumise à ces limitations, et l'Internet ne devrait pas pouvoir y échapper. Cela est d'autant plus vrai que les messages, y compris musicaux, diffusés sur l'Internet sont accessibles à un public très large et ce à une échelle internationale. Dès lors, les risques encourus par un État en cas de trouble à l'ordre public ou en matière de sécurité nationale sont d'autant plus grands. L'ordre public, la sécurité publique et même la moralité publique font partie des limitations les plus fréquemment utilisées en cas de limitation de la liberté d'expression, notamment en matière de musique. Mais ces interventions, qu'elle qu'en soit la cause, font généralement l'objet de vives critiques, notamment en France où bon nombre d'artistes de « Rap » ont été pointés du doigt lors des émeutes de l'automne 2005 par exemple. Ces limites prévues par les textes ne sont donc pas faciles à mettre en œuvre lorsqu'il s'agit de musique, et cela n'est pas plus aisé avec l'Internet et ses centaines de millions de sources potentielles réparties sur toute la planète. 96 Pourtant, avec l'Internet, la difficulté majeur pour les États en matière d'ordre public ne réside pas tant dans la multiplicité des sources ou la volatilité des informations, mais plutôt dans l'exercice d'un contrôle a priori. En effet, lorsqu'il s'agit d'intervenir afin de sauvegarder l'ordre public ou l'une de ses composantes, les autorités compétentes agissent dans l'exercice de leur pouvoir de police administrative, forme d'action préventive, afin d'éviter tout risque de trouble. Avec l'Internet, le contrôle a priori est impossible, il n'y a pas de régime de déclarations ou d'autorisations préalables comme cela est le cas pour les prestations scéniques, c'est un régime de totale liberté dans ce qui est diffusé. Dès lors, les autorités de police administrative ne peuvent pas exercer leurs prérogatives. Ces difficultés peuvent être de nature à engendrer de nombreux troubles à l'ordre public que l'État préférerait éviter. Mais même si ce contrôle était possible, la multiplicité des sources ainsi que celles situées à l'étranger rendrait plus compliqué l'exercice de la police administrative. Cette problématique du contrôle a priori est encore plus flagrante en matière de sécurité nationale ou d'intégrité du territoire. Le manque de possibilité de contrôle sur les messages diffusé pouvant porter atteinte à ces intérêts rend la diffusion de la musique sur l'Internet potentiellement dangereuse pour les États qui ne peuvent agir qu'a posteriori, une fois l'œuvre diffusée et les idées transmises au public. Du fait de ce manque de possibilités de contrôle a priori par la police administrative, c'est au juge judiciaire que revient la tâche d'intervenir a posteriori. B – L'INTERVENTION DU JUGE JUDICIAIRE Le juge judiciaire est le seul compétent afin d'intervenir pour restreindre la liberté d'expression, et donc la liberté d'expression musicale, sur l'Internet et ce postérieurement aux faits litigieux (1). Cette particularité offerte à la musique par l'Internet de n'être contrôlée qu'a posteriori renforce encore la liberté d'expression dans ce domaine (2). 1) L'intervention a posteriori de l'autorité judiciaire Si le Conseil Constitutionnel est l'autorité chargée d'apprécier la conformité des lois par rapport aux libertés fondamentales, le contrôle des conditions d'exercice de ces libertés appartient au juge judiciaire. En matière de liberté d'expression musicale sur l'Internet, il n'existe aucune formalité préalable à accomplir : ni déclaration, ni autorisation. Chaque internaute peut donc diffuser librement de la musique et s'exprimer au travers d'elle. Cela relève du choix fait 97 par les législateurs des différents pays de soumettre l'Internet à une régime répressif, autrement dit, un régime libéral sans contraintes à l'accès, il n'y a pas d'obstacle entre la volonté d'un individu d'exercer sa liberté et l'exercice même de celle-ci. Il n'y a pas d'autorisation à solliciter donc pas de possibilité d'interférence dans l'exercice de la liberté d'expression. Il revient donc au juge judiciaire d'exercer son contrôle sur les atteintes à la liberté d'expression musicale, mais aussi sur les violations que cette liberté pourraient causer aux droits des tiers. Ainsi, les relations entre particuliers et aussi les fautes commises par l'administration sont portées devant lui. Le juge judiciaire a en outre suffisamment de poids et d'indépendance afin de condamner l'État sous astreintes en cas de violation d'une liberté fondamentale de son fait. Du fait de la difficulté d'identifier les internautes procédant à la diffusion de la musique sur le « web », la tâche du juge n'est pas facilitée, pourtant, un contrôle a priori serait encore moins aisé. Dès lors, le juge judiciaire est le plus à même de préserver la liberté d'expression musicale sur l'Internet ainsi que les droits des tiers et les intérêts de l'État face aux abus dans l'exercice de cette liberté. En contrôlant a posteriori cette liberté d'expression musicale sur l'Internet, le poids de celle-ci s'en trouve renforcé. 2) Le poids renforcé de la liberté d'expression musicale L'absence de restriction de l'accès à l'Internet et de contrôle a priori ne signifie pas qu'il n'y a aucun contrôle exercé sur ce qui est diffusé sur l'Internet. Le juge judiciaire a la tâche d'effectuer ce contrôle. L'existence d'un tel contrôle a posteriori constitue une garantie supplémentaire pour la liberté d'expression car cela traduit un régime plus favorable aux libertés qui y sont soumises. Un régime répressif est plus libéral, ce régime est donc plus protecteur de la liberté d'expression musicale qu'un régime d'autorisations préalables ou qu'un régime préventif. Le juge judiciaire a le pouvoir, en tant que gardien des libertés fondamentales, d'intervenir dans des conflits opposant des particuliers, mais aussi dans certains cas où l'administration a commis une faute. Le juge judiciaire s'efforce de concilier les libertés fondamentales, et notamment la liberté d'expression musicale, et d'apprécier les atteintes éventuelles que celle-ci cause 98 aux droits des tiers. Mais toutes ces précautions sont bénéfiques pour la liberté d'expression musicale sur l'Internet, plus que pour les droits des tiers et les intérêts des États. En effet, si cette liberté n'est contrôlée qu'a posteriori, c'est avant tout dans le but de lui laisser le plus de champ possible, les contrôles n'interviennent qu'en cas de violation alléguée, mais encore faut-il pour cela que la personne visée ait connaissance de cette violation. Ainsi, l'exercice de la liberté d'expression se fait sans contraintes sur l'Internet, ce qui, en matière musicale est important car il s'agit d'expression artistique, mais cela revient également à élargir cette liberté, lui donnant de nouveaux moyens de s'exprimer en limitant au maximum les risques de restrictions. 99 Conclusion du chapitre 3 : L'Internet permet de faciliter la diffusion de la musique, et ainsi d'augmenter la liberté d'expression des musiciens. Ce phénomène est dû à la réunion de plusieurs facteurs que seul ce réseau de communication rassemble : des sources multiples et internationales, un accès libre et sans contraintes et enfin des modes de diffusion facilement accessibles à tous. Tous cela conduit non seulement à favoriser la liberté d'expression des musiciens qui ne rencontrent plus de restrictions de diffusion, mais aussi celle du public qui peut rechercher et recevoir la musique qu'il souhaite y compris si celle-ci véhicule des messages allant à l'encontre des vues des États, des personnalités politiques ou des intérêts commerciaux. Mais le public voir aussi la liberté d'expression musicale augmentée car il peut, en diffusant la musique qu'il aime, s'exprimer en transmettant ses opinions et goûts musicaux. L'Internet est donc un outil de la liberté d'expression musicale. Mais cet outil si précieux pour la liberté d'expression musicale peut également se retourner contre elle lorsqu'il est utilisé pour violer les droits des tiers ou les intérêts d'un État. Mais bien que celle-ci doit pouvoir être limitée, cela ne pouvant se faire qu'a posteriori par l'action du juge judiciaire, la liberté d'expression des musiciens est plus fortement assurée par ce réseau. 100 CONCLUSION : En matière de musique, la liberté d'expression, qui est définie au niveau international et européen par des textes devant s'appliquer de la même manière en France, en Finlande et en Angleterre, n'est pas perçue de la même façon. Ainsi, si la Finlande reconnaît la liberté d'expression artistique comme une liberté devant bénéficier d'une garantie constitutionnelle, en faisant une liberté très rarement restreinte, la France et l'Angleterre connaissent des limitations beaucoup plus nombreuses mais aussi plus discutables. Ainsi, la question qui se pose n'est pas de savoir si cette liberté peut connaître des restrictions – celles-ci sont autorisées par les textes précités – mais si les raisons et les conditions de ces restrictions sont possibles et acceptables. En effet, en ce qui concerne les interventions des personnalités politiques ou des entreprises de radiodiffusion, c'est alors la morale et sa protection qui sont avancées. Or, même si la moralité publique est l'une des limitations prévues par les déclarations des droits, il ne s'agit pas de protéger le public d'œuvres musicales contrevenant au bon ordre moral mais différant d'une expression « politiquement correcte ». Si la liberté d'expression musicale connait donc des limitations justifiées, les difficultés qu'elle rencontre dans le monde physique du fait de restrictions contestables conduit à une diminution de cette liberté qui est donc aujourd'hui forcée à se réfugier sur l'Internet afin de retrouver sa pleine amplitude. Les quelques voix décriant ces pratiques restrictives injustifiées ne suffisent pas à renforcer la liberté d'expression musicale hors de la toile, de ce fait, ces limitations tant contestées ne sont pas prêtent de s'éteindre. La diffusion musicale d'œuvres plus ou moins virulentes sur l'Internet semble donc être une solution pouvant durer afin de permettre au public d'y avoir accès également. Car, si ces limitations sont parfois injustifiées du point de sont encore plus du point de vue du public qui ne peut pas d'expression puisqu'au lieu de lui donner la possibilité de morceaux musicaux qu'il souhaite, on lui impose de ne potentiellement virulente ou « mal pensante ». vue des musiciens, elles le non plus exercer sa liberté rechercher et recevoir les pas recevoir de musique Dès lors que les limitations ne proviennent pas de l'État, le cadre textuel est franchi et ces restrictions deviennent des atteintes à la liberté d'expression musicale. Pourtant, ces dernières, contre lesquelles quelques voix s'élèvent parmi le public, ne font l'objet d'aucune action concrète pouvant conduire à y mettre une fin, et ce, dans les trois pays considérés. De ce fait, un autre moyen doit être trouvé afin d'éviter ces violations. 101 Ce moyen de contournement, c'est l'Internet. Sur ce réseau, aucune restriction ne peut être mise en place, si ce n'est a posteriori par le juge judiciaire qui, en tant que gardien des liberté fondamentales, s'assure que la limitation est bien nécessaire et légale. 102 BIBLIOGRAPHIE : Ouvrages : DEGUERGE (M.) (dir.) « L'art et le droit – Écrits en hommage à Pierre-Laurent FRIER », éd. Publications de la Sorbonne, 2010, p.91-95. FRISON (D.) « Introduction au droit anglais et aux institutions britanniques », éd. Ellipses, 3ème édition, 2005, 288p. GUINCHARD (S.) et HARICHAUX (M.) (dir.) « Le grand oral : protection des libertés et des droits fondamentaux », éd. Montchrestien, coll. Préparation au CRFPA, 4 ème édition, 2008, 690p. MODEEN (T.), « Droit du Nord – Note sur le droit public finlandais et scandinave – Origine, développement, état actuel », éd. Société de législation comparée, 2004, p.73706. SAEZ (G.) 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(05/05/2010) 106 ANNEXES ANNEXE 1 : TEXTES ÉTRANGERS RELATIFS À LA LIBERTÉ D'EXPRESSION ANNEXE 2 : LISTE DES CHANSONS CENSURÉES 107 ANNEXE 1 : TEXTES ÉTRANGERS RELATIFS À LA LIBERTÉ D'EXPRESSION FINLANDE : ARTICLE 12 DE LA CONSTITUTION FINLANDAISE : Liberté d'expression et publicité Chacun dispose de la liberté d'expression. La liberté d'expression comprend le droit de s'exprimer, de publier et de recevoir des informations, des opinions et d'autres messages, sans en être empêché à l'avance par quelque personne que ce soit. Les modalités plus précises relatives à l'exercice de la liberté d'expression sont fixées dans une loi. Une loi peut instaurer des limitations à cette liberté en matière de programmes audiovisuels, si elles sont indispensables à la protection des enfants. Les documents et autres enregistrements en possession des autorités sont publics, sauf si leur publicité est spécifiquement limitée par une loi pour des motifs impérieux. Chacun a le droit d'obtenir des informations sur les documents et enregistrements publics. ARTICLE 16 DE LA CONSTITUTION FINLANDAISE : Droits culturels Chacun a le droit de recevoir un enseignement de base gratuit. L'obligation scolaire est réglée par la loi. L'État garantit à chacun, conformément à des dispositions plus précises fixées dans une loi, une égale possibilité d'accéder, selon ses capacités et ses besoins particuliers, à une instruction allant au-delà de l'enseignement de base ainsi que de se perfectionner, sans que le dénuement constitue un obstacle. La liberté de la recherche scientifique, de l'expression artistique et de l'enseignement supérieur est garantie. ARTICLE 22 DE LA CONSTITUTION FINLANDAISE : Garantie du respect des droits fondamentaux L'État garantit le respect des droits fondamentaux et des droits de l'homme. 108 ANGLETERRE : ARTICLE 10 DE LA LOI RELATIVE AUX DROITS DE L'HOMME DE 1998 : Liberté d'expression Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. Le présent article n'empêche pas les Etats de soumettre les entreprises de radiodiffusion, de cinéma ou de télévision à un régime d'autorisations. L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. 109 ANNEXE 2 : LISTE DES CHANSONS CENSURÉES FRANCE : CHANSONS CENSURÉES DE GEORGE BRASSENS (LISTE NON EXHAUSTIVE) : « Le Gorille » « Hécatombe » « La mauvaise réputation » « Le mauvais sujet repenti » « La mauvaise herbe » « Vénus callipyge » « La complainte des filles de joie » « Putain de toi » « Les deux oncles » « La tondue » « La fille à cent sous » « Le cocu » « Brave Margot » « La femme d'Hector » « Le fossoyeur » « Les croquants » « Le pornographe » « Les trompettes de la renommée » « Le mécréant » « Le temps ne fait rien à l'affaire » CHANSONS CENSURÉES DE LÉO FERRÉ (LISTE NON EXHAUSTIVE) : « Paris-Canaille » « Et Des Clous » « Le Temps Du Plastique » « Regardez-Les » 110 « Les poètes » « Les Rupins » « Miss Guéguerre » « Thank You Satan » « Mon Général » « La Gueuse » « Les 400 Coups » « Monsieur Tout Blanc » AUTRES CHANSONS CENSURÉES (LISTE NON EXHAUSTIVE) : « La Chanson De Craonne » - (sur un air de la chanson « Bonsoir M'amour » de Charles Sablon) (1917) « La Butte Rouge » - Montéhus et Georges Krier (1919) « Le Déserteur » - Boris Vian (1954) « Les Ricains » - Michel Sardou (1968) « Hexagone » - Renaud (1975) CHANSONS AYANT DONNÉ LIEU À UNE POLÉMIQUE OU UNE ACTION QUELCONQUE EXHAUSTIVE) (LISTE NON : « L'Apologie » - Matmatah (1998) « FranSSe» - Monsieur R. (2006) « Chirac en Prison » - Les Wampas (2006) « Sale Pute » - Orelsan (2009) 111 ANGLETERRE : CHANSONS INTERDITES DE DIFFUSION PAR LA « BBC RADIO 1 » (LISTE NON EXHAUSTIVE) : « Love for Sale » - Cole Porter (1930) « We Can't Let You Broadcast That » - Norman Long (1932) « When I'm Cleaning Windows » - George Formby (1936) « Gloomy Sunday » - Billie Holiday (1941) « Don't Let's Be Beastly to the Germans » - Noël Coward (1943) « I'm Always Chasing Rainbows » - Perry Como (1949) « Answer Me » - Frankie Laine (1953) « Stranger in Paradise » - The Four Aces (1953) « Baubles, Bangles and Beads » – comédie musicale « Kismet » (1953) « Such a Night »- Johnnie Ray (1954) « Hold My Hand »- Don Cornell (1954) « Diggin' My Potatoes » - Lonnie Donegan (1954) « Charlie Brown »– The Coasters (1959) « Mack the Knife » - Bobby Darin (1959) « My Christmas Prayer » - Billy Fury (1959) « Tell Laura I Love Her » - Ray Peterson (1960) « Tell Laura I Love Her »- Ricky Valance (1960) « Made You » - Adam Faith (1960) « Green Jeans »- The Flee-Rekkers (1960) « Tribute to Buddy Holly » - Mike Berry and The Outlaws (1961) « Night of the Vampire » - The Moontrekkers (1961) « Johnny Remember Me » - John Leyton (1961) « Hall of the Mountain King » - Nero and the Gladiators (1961) « Ebony Eyes » - The Everly Brothers (1961) « Baby, Let Me Follow You Down » - Bob Dylan (1962) « Saturday Nite at the Duckpond » - The Cougars (1963) « My Little Ukelele » - Joe Brown and The Bruvvers (1963) « I'm Always Chasing Rainbows » - Ken Dodd (1963) « The Sect Sing Sick Songs » - Downliners Sect (1965) « Bang Bang (My Baby Shot Me Down) » - Cher (1966) (pendant la guerre du golf) 112 « I Can't Control Myself » - The Troggs (1966) « They're Coming to Take Me Away Ha-Haaa! » - Napoleon XIV (1966) « A Day in the Life » - The Beatles (1967) « Boom Bang-a-Bang » - Lulu (1969) (pendant la guerre du golf) « I Am the Walrus » - The Beatles (1967) « Jackie » - Scott Walker (1967) « Let's Spend the Night Together » - The Rolling Stones (1967) « Lucy in the Sky with Diamonds » - The Beatles (1967) « Light My Fire »- Jose Feliciano (1968) « It Would Be So Nice » - Pink Floyd (1968) « Je t'aime... moi non plus » - Jane Birkin and Serge Gainsbourg (1969) « Boom Bang-a-Bang » - Lulu (1969) (pendant la guerre du golf) « Wet Dream » - Max Romeo (1969) « Lola » - The Kinks (1970) « Give Ireland Back to the Irish » - Wings (1972) « Hi, Hi, Hi » - Wings (1972) « Jungle Fever » - The Chakachas (1972) « Let the People Go » - McGuinness Flint (1972) « Sailing » - Rod Stewart (1972) (pendant la guerre du golf) « Love to Love You Baby » - Donna Summer (1975) « God Save the Queen » - Sex Pistols (1977) « Glad to Be Gay » - Tom Robinson Band (1978) « Killing an Arab » - The Cure (1979) (pendant la guerre du golf) « In the Air Tonight » - Phil Collins (1981) « Invisible Sun » - The Police (1981) « So What? » - Anti-Nowhere League (1981) « McDonald's Girl » - Dean Friedman (1982) « Six Months in a Leaky Boat » - Split Enz (1982) « Relax » - Frankie Goes to Hollywood (1984) « Fairytale of New York » - The Pogues featuring Kirsty MacColl (1987) « We Call It Acieeed » - D-Mob (1988) « Imagine » - John Lennon (pendant la guerre du golf) « Ebeneezer Goode » - The Shamen (1992) 113 « Sad Affair » - Marxman (1993) « Summer Smash » - Denim (1997) CHANSONS MODIFIÉES PAR LA « BBC RADIO 1 » (LISTE NON EXHAUSTIVE) : « Killing In The Name » - Rage Against The Machine (1992) « Ich Will » - Rammstein (après les attentats du 11 septembre 2001) « This Love » - Maroon 5 (2004) « U+Ur Hand » - Pink (2005) « Gold Digger » - Kanye West (2005) « Tell Me Baby » - Red Hot Chili Peppers (2006) « Picture To Burn » - Taylor Swift (2008) « Hot N Cold » - Katy Perry (2008) « Fuck You » - Lily Allen (2009) « If You Seek Amy » -Britney Spears (2009) 114 TABLE DES MATIÈRES : INTRODUCTION.......................................................................................................p.6 CHAPITRE 1 : DES CONCEPTIONS DIFFÉRENTES DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION................................................p.17 SECTION 1 : LA FINLANDE OU L'EXTRÊME IMPORTANCE DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION..............................................................................................................p.18 §1) LA LIBERTÉ D'EXPRESSION DANS LA LOI FONDAMENTALE..............................p.18 A – LA CONSTITUTION FINLANDAISE..............................................................................p.18 B – LES CONVENTION INTERNATIONALES SUR LES DROITS DE L'HOMME ET LA FINLANDE......................................................................................................................p.19 §2) LA LIBERTÉ D'EXPRESSION DANS LA PRATIQUE FINLANDAISE..........................p.20 A – PROTECTION DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION...............................................................p.20 1) Le contrôle des juridictions administratives .........................................................p.20 2) Le contrôle du Médiateur et du Chancelier de justice ..........................................p.21 3) Le contrôle par les groupes privés.........................................................................p.23 B – LIBERTÉ D'EXPRESSION DANS LES MÉDIAS.................................................................p.23 1) Une liberté assurée.................................................................................................p.24 2) Une liberté limitée..................................................................................................p.24 SECTION 2 : L'ANGLETERRE OU LA LIBERTÉ D'EXPRESSION COMME LIBERTÉ NÉGATIVE......................................................................................................p.27 §1) UNE ABSENCE DE DÉFINITON JURIDIQUE DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION................................................................................................................p.27 A – L'ABSENCE DE DÉCLARATION DES DROITS..................................................................p.27 1) Des droits fondamentaux non proclamés...............................................................p.27 115 2) Des droits fondamentaux théorisés........................................................................p.28 B – LA LOI SUR LES DROITS DE L'HOMME.......................................................................p.29 1) Un texte bouleversant le paysage juridique...........................................................p.29 2) Un texte disposant du principe de liberté d'expression.........................................p.30 §2) DES LIMITATIONS FIXÉES PAR LA LOI ET LA JURISPRUDENCE......................p.31 A – LA DIFFAMATION..................................................................................................p.31 1) Diffamation et liberté d'expression........................................................................p.31 2) Diffamation et musique..........................................................................................p.32 B – LA SÉDITION..........................................................................................................p.33 1) Sédition et liberté d'expression..............................................................................p.33 2) Sédition et musique................................................................................................p.34 C – L'OBSCÉNITÉ.........................................................................................................p.35 1) L'obscénité et la liberté d'expression.....................................................................p.36 2) L'obscénité et la musique.......................................................................................p.36 SECTION 3 : LA FRANCE OU LA PATRIE DES DROITS DE L'HOMME...........p.38 §1) LA PROCLAMATION D'UNE LIBERTÉ INDIVIDUELLE.........................................p.38 A – LES DÉCLARATIONS DES DROITS ET LA LIBERTÉ D'EXPRESSION....................................p.38 1) La Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen ..........................................p.38 2) Les Déclarations Internationales des Droits.........................................................p.39 B – LA CONCRÉTISATION DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION ET LES MÉDIAS..............................p.41 1) La liberté de la presse............................................................................................p.41 2) La liberté de la communication audiovisuelle.......................................................p.43 §2) LA PRISE EN COMPTE DE LA LIBERTÉ DE L'EXPRESSION ARTISTIQUE.............p.44 116 A – UNE LIBERTÉ PARTICULIÈRE....................................................................................p.44 1) Une liberté non absolue.........................................................................................p.44 2) Une liberté de l'esprit.............................................................................................p.45 B – UNE LIBERTÉ RÉGLEMENTÉE....................................................................................p.46 1) La réglementation des spectacles..........................................................................p.46 2) La Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et les spectacles .........................................................................................................................................p.47 Conclusion du chapitre 1...........................................................................................p.49 CHAPITRE 2 : DES LIMITATIONS DIFFÉRENTES À LA LIBERTÉ D'EXPRESSION.......................................................p.50 SECTION 1 : LA LIBERTÉ DE DIFFUSION............................................................p.51 §1) LES INTERVENTIONS INSTITUTIONNELLES.......................................................p.51 A – L'ÉTAT FRANÇAIS ET L'INTERVENTION EN MATIÈRE DE MUSIQUE.................................p.51 B – L'ANGLETERRE ET L'INTERVENTION EN MATIÈRE DE MUSIQUE...................................p.52 C – L'ÉTAT FINLANDAIS ET L'INTERVENTION EN MATIÈRE DE MUSIQUE............................p.54 §2) LES INTERVENTIONS DES POLITIQUES..............................................................p.55 A – LES INTERVENTION POLITIQUES EN FRANCE..............................................................p.55 1) L'ingérence des personnalités politiques ...............................................................p.56 2) L'engagement de poursuites judiciaires.................................................................p.57 B – LES INTERVENTIONS POLITIQUES EN ANGLETERRE....................................................p.58 §3) LES INTERVENTIONS COMMERCIALES.............................................................p.59 A – LES CONTENUS POLITIQUES......................................................................................p.59 B – LES CONTENUS PUBLICITAIRES.................................................................................p.60 117 C – LES CONTENUS EXPLICITES.......................................................................................p.61 SECTION 2 : LA LIBERTÉ DE PRESTATION........................................................p.63 §1) LA LIBERTÉ DE SE PROMOUVOIR........................................................................p.63 A – L'ARTWORK...........................................................................................................p.63 1) Définition de l'artwork...........................................................................................p.63 2) Interdiction et limitations de l'artwor k..................................................................p.63 B – LA PUBLICITÉ.........................................................................................................p.64 1) L'interdiction de publicités.....................................................................................p.64 2 ) L'interdiction d'affiches.........................................................................................p.65 §2) LA LIBERTÉ DE SE PRODUIRE EN PUBLIC............................................................p.67 A – LE DROIT DE PARTICIPER À LA VIE CULTURELLE..........................................................p.67 1) Un droit de chacun.................................................................................................p.67 2) Une participation soumise à autorisation.............................................................p.68 B – L'EXISTENCE DE CAS D'INTERDICTION DE SE PRODUIRE EN PUBLIC...............................p.70 1) La France et le Rap................................................................................................p.70 2) L'Angleterre et la musique violente ........................................................................p.71 3) La Finlande et la culture Same..............................................................................p.72 SECTION 3 : LA LIBERTÉ DE CRÉATION............................................................p.74 §1) UNE LIBERTÉ PERSONNELLE.............................................................................p.74 A – LIBERTÉ DE CRÉATION MUSICALE..............................................................................p.74 B – LIBERTÉ DE CRÉATION ET LIBERTÉ D'EXPRESSION.......................................................p.75 §2) UNE LIBERTÉ RESTREINTE PAR L'AUTEUR LUI-MÊME.....................................p.76 A – LA RESTRICTION PAR LES CONTRATS.........................................................................p.76 118 B – L'INFLUENCE DES RESTRICTIONS POSTÉRIEURES........................................................p.77 Conclusion du chapitre 2...........................................................................................p.80 CHAPITRE 3 : LA LIBERTÉ PAR L'INTERNET ?..................................................................................................p.81 SECTION 1 : UNE TOILE MONDIALE FAVORABLE À UNE DIFFUSION ACCRUE DE LA MUSIQUE............................................................................................................p.82 §1) UNE DIFFUSION SANS FRONTIÈRE.......................................................................p.82 A – INTERNET ET LIBERTÉ D'EXPRESSION........................................................................p.82 1) L'impact de l'Internet sur la liberté d'expression ..................................................p.82 2) Le comportement des gouvernement face à la liberté de l'Internet ......................p.83 B – INTERNET ET MUSIQUE POLÉMIQUE...........................................................................p.85 §2) UNE DIFFUSION SELON DE NOUVEAUX MODES...................................................p.86 A – DE NOUVEAUX MODES DE DIFFUSION DES OEUVRES.....................................................p.86 1) L'apparition de modes illégaux de diffusion de la musique ..................................p.86 2) Le développement de modes alternatifs légaux de diffusion de la musique .........p.88 B – L'IMPACT DES NOUVEAUX MODES DE DIFFUSION DES OEUVRES SUR LA LIBERTÉ D'EXPRESSION MUSICALE....................................................................................................p.89 1) La liberté d'expression du récepteur......................................................................p.89 2) La liberté d'expression de l'artiste.........................................................................p.90 SECTION 2 : LE DIFFICILE CONTRÔLE DE LA DIFFUSION MUSICALE SUR L'INTERNET..................................................................................................................p.92 §1) LES DIFFICULTÉS LIÉES AUX SPÉCIFICITÉS DE L'INTERNET............................p.92 A – L'ABSENCE DE BARRIÈRES À L'ACCÈS À L'INTERNET..................................................p.92 B – UNE TOILE TROP VASTE À SURVEILLER.......................................................................p.93 119 §2) LES DIFFICULTÉS LIÉES AU DROIT APPLICABLE.................................................p.94 A – DES LIMITATIONS TEXTUELLES À CONSIDÉRER...........................................................p.95 1) Les droits des tiers et la musique sur l'Internet .....................................................p.95 2) Les intérêts de l'État et la musique sur l'Internet ..................................................p.96 B – L'INTERVENTION DU JUGE JUDICIAIRE ......................................................................p.97 1) L'intervention à posteriori de l'autorité judiciaire ................................................p.97 2) Le poids renforcé de la liberté d'expression musicale ...........................................p.98 Conclusion du chapitre 3 …....................................................................................p.100 CONCLUSION........................................................................................................p.101 BIBLIOGRAPHIE..................................................................................................p.103 ANNEXES................................................................................................................p.107 TABLE DES MATIÈRES.......................................................................................p.115 120