"Les différents visages de l`homophobie" Recueil de témoignages
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"Les différents visages de l`homophobie" Recueil de témoignages
"Les différents visages de l'homophobie" Recueil de témoignages Avant-propos "A l'heure où l'égalité des droits pour les couples homosexuels vient tout juste d'être reconnue, on constate encore et toujours une très forte homophobie en France. Regard désapprobateur, insulte, crachat et agression en tout genre sont parfois le quotidien des homosexuel-les et de leurs entourages. A l'occasion de la Journée Mondiale contre l'homophobie le 17 mai 2014, l'équipe de Contact Midi-Pyrénées a recueilli des témoignages poignants de bénévoles à l'association, des jeunes comme des parents, qui ont souffert, ou souffrent encore aujourd'hui, de ce fléau qu'est l'homophobie. Des témoignages auxquels peuvent s'identifier celles et ceux qui n'ont pas le droit à la parole, un recueil pour réveiller les consciences et faire avancer la lutte contre l'homophobie. " Association Contact Midi-Pyrénées L'homophobie de la société hétéronormée me gêne. Tout est fait pour l'hétérosexualité, or quand on ne l'est pas, difficile de trouver sa place... Plus jeune, mon entourage me demandait sans arrêt si j'avais une petite amie. Personne n'a eu l'idée de poser la question autrement durant plus de dix ans : as-tu quelqu'un dans ta vie? C'est la perche que j'attendais pour révéler mon homosexualité. Au collège, j'étais assez timide alors des camarades m'ont déjà traité de "tapette" mais peu importe, c'était une insulte comme une autre. De même, le professeur de sport nous motivait en qualifiant de "tapette" ceux qui n'y arrivaient pas. Pire, en philosophie, l'enseignante citait Freud pour justifier l'homosexualité comme maladie, sans soulever aucune réaction dans la classe. Je me sentais alors très seul... Au moment de mon coming-out, j'ai entendu tout et n'importe quoi : on m'avait jeté un sort, j'étais possédé, j'avais un démon en moi ou encore un démon était tombé amoureux de moi ! Des propos qui ont engendré la peur chez moi et qui m'ont même rendu malade. Comme quoi, c'est bien l'homophobie qui rend maladie, et non l'homosexualité. Plus récemment, ce sont les débats sur le mariage pour tous qui m'ont fait me sentir plus que jamais à part... Les propos et les comportement sont pour moi plus douloureux qu'un coup. Depuis plus de dix ans, cela a laissé des traces... Yassin, 19 ans, volontaire en Service Civique depuis 4 mois Quand j'ai découvert mon homosexualité en 6e, je refusais de m'accepter car j'entendais à la récréation "pédé" et "tapette" : l'homophobie a retardé le moment de m'assumer. Plus tard, en seconde, alors que je commençais doucement à évoluer, j'ai fait l'erreur d'avouer mes sentiments à un copain qui l'a mal pris, avant d'en parler à un autre ami. Ce dernier, très homophobe, l'a dit à toute la classe. Résultat : chuchotements, regards, blagues douteuses, le mot "pédé" écrit sur la table... Plus tard, j'ai appris qu'il était luimême homosexuel et qu'il n'arrivait pas à s'accepter! Heureusement, j'ai fini par me sentir mieux et à ne plus me laisser faire. Tant que je ne m'assumais pas, c'était la porte ouverte à tout. Un jour où je me promenais dans un parc avec des amis et mon copain de l'époque, ce dernier m'a embrassé furtivement. Deux jeunes de 15 ans se sont approchés de nous, armés de couteaux suisses, et nous ont traités de "bande de porcs". Nos amis se sont vite interposés, mais ça a laissé des traces. Un tel comportement pour un petit baiser... Aujourd'hui je vis encore avec cette peur et j'envie celles et ceux qui s'affichent en public. J'ai également connu l'homophobie au travail. En 2011, je travaillais en tant que médiateur du livre dans une bibliothèque d'un petit village. Une fois, j'ai présenté un livre sur l'amitié/amour entre deux garçons mais ma collègue n'a pas apprécié et trouvait que ce n'était pas approprié devant des enfants, que je faisais la promotion de l'homosexualité. Elle m'a questionné sur ma propre sexualité et, à partir de ce moment là, j'ai du mentir. J'étais mal à l'aise, obligé de rire aux blagues homophobes pour garder mon emploi... Finalement je suis parti. Aujourd'hui, je ne demande pas aux autres de devenir gay-friendly, mais juste de me respecter en tant qu'être humain à part entière. Cédric, 24 ans, bénévole depuis 2 ans L'un de mes fils est homosexuel et a déjà subi des réflexions homophobes. Une fois, il se promenait main dans la main avec son copain quand un couple d'un certain âge s'est approché. La femme a alors lancé "Vous n'avez pas honte de faire ça?" mais mon fils s'est bien défendu. Il sait rire de lui-même, avec dérision, et ça me rassure en tant que maman. Moi-même, comme mère d'un enfant homo, j'ai eu droit à quelques remarques, notamment de la part d'une ancienne voisine : "Comment pouvez-vous accepter ça? Une femme bien comme vous". Je l'ai pris avec humour et j'ai tenté de lui expliquer les choses, en lui disant notamment "Que feriez-vous si c'était votre enfant?". A mon club de gym, j'ai plusieurs fois entendu des propos, comme une femme qui dit à son amie : "Arrête de faire ça avec ton fils, tu vas le rendre gay". Je n'ai rien dis car nous étions en plein cours mais une autre fois, j'ai réagi. Le club se situait dans un quartier où se retrouvaient des homosexuels. Or, un soir où nous sommes sortis avec la nuit, une des participantes est repartie seule à vélo en affirmant : "Je n'ai pas peur, les tapettes ne sont pas encore sortis". J'ai rétorqué que mon fils était homosexuel et qu'il pouvait y avoir de belles histoires. Mal à l'aise, elle a vite filé, mais une autre femme présente a glissé : "Tu vas t'attirer des ennuis". Comme s'il fallait ne jamais en parler! Les homophobes voient l'homosexualité de loin, ils ne pensent pas, au contraire, que des homosexuels peuvent se trouver près d'eux. Tant qu'ils ne sont pas agressifs, je tolère les avis différents et, à ce moment là, j'essaie d'engager la conversation de façon la plus sereine possible. Malgré tout, je sens encore beaucoup d'homophobie, le sujet est toujours tabou. Marie-Françoise, 57 ans, à l'association depuis 6 ans J'ai été agressé en février 2013 dans une rame du métro toulousain. J'étais accompagné d'un homme qui, apparemment, regardait de façon un peu trop appuyé deux jeunes de la rame suivante. Alors, à l'arrêt suivant, ces derniers ont quitté leur wagon pour monter dans le notre. Très agressifs, ils nous ont lancé "T'es pédé toi". J'ai pris les devants en répondant : "Oui, on est tous les deux gays". Ils ont commencé à nous insulter violemment et à tenir des propos incohérents. Les menaces ont suivi : "On va te planter avec un cutter". Mon ami s'est levé et m'a entrainé, nous sommes sortis mais ils nous ont suivi. Au dernier moment, on a essayé de rentrer de nouveau dans la rame, seulement moi j'ai réussi à rentrer, laissant mon ami face à nos agresseurs. Je bloquais les portes de la rame en espérant que celle du quai allait se rouvrir. Ça a fonctionné, j'ai pu les rejoindre et envoyer valser un des jeunes. Finalement, un message de Tisséo dans les haut-parleurs a fait fuir nos assaillants. Heureusement, mon ami n'a été que légèrement blessé, moi pas. C'est la première fois que je faisais face à une homophobie aussi forte. Je ne m'y attendais pas, je n'avais pas les mots pour me défendre, je me suis senti plus bas que terre... Aujourd'hui, à la salle de sport, quand j'entends "C'est un poids de tafiole", je me tais alors qu'avant, j'aurais répondu. Je ne pense pas désormais que j'aurai le courage d'oser prendre un garçon par la main dans la rue. Avant, cela ne me posait pas de problème mais cette agression m'a marqué au point de régresser. L'homophobie porte bien son nom : la peur de l'inconnu. Les homosexuels devraient se montrer pour briser les clichés que l'on se fait d'une homosexualité honteuse et associé à la féminité, il n'y a pas de règle ni de fatalité. La sexualité ne devrait être associée qu'à de l'amour et pas à une contrainte, une honte ou une manière d'être. Guillaume, 31 ans, bénévole depuis 4 ans J'ai rencontré un garçon, on s'était mis en couple et il vivait chez moi à Toulouse. Un soir, on rentrait à pied, on n'était pas loin de chez nous. Une fille nous a vu nous tenir la main et nous a lancé : "Mais messieurs, faites attention car, ici, c'est dangereux. Ne faites pas ça!". On a rigolé tous les deux avant de continuer, on ne se rendait pas compte. C'était le premier signal d'alarme, entre guillemets. Justement, il y a eu un épisode dans le métro où on accompagnait une copine un soir. On remontait les escalators pour sortir du métro et on s'est embrassé. Deux hommes se trouvaient en bas et nous ont agressé verbalement : "Bande de pédés, qu'est-ce que vous faites là? Rentrez chez vous". Visiblement on les a agressé, je ne savais pas qu'on pouvait agresser quelqu'un de cette façon. Je ne comprenais pas pourquoi ils nous insultaient, du coup je me suis arrêté, je suis descendu de l'escalator pour les retrouver. "Ça ne va pas, qu'est-ce qui se passe? Vous voulez nous parler? C'est quoi le problème?". Là, ils sont montés et on a eu un échange verbal. Ils me disaient que je n'avais pas le droit d'embrasser mon copain dans la rue, qu'ils se sentaient agressés. Le ton est monté, j'ai alors répondu : "Je ne suis pas chez toi, je suis dans la rue. Je fais ce que je veux, ce n'est pas à toi de dire ce que je peux faire". Ce à quoi mon interlocuteur a rétorqué : "Le mariage pour les homosexuels n'est pas autorisé en France (à l'époque) donc vous n'avez pas le droit de vous embrasser dans la rue". Le temps d'aller prévenir un agent de sécurité de Tisséo, nos agresseurs se sont échappés... Pourtant, je ne voyais pas comment je pouvais me faire agresser, je ne comprenais pas le motif. Vladimir, 30 ans, bénévole, à l'association depuis plusieurs années On parle beaucoup plus de l'homosexualité et de la bisexualité qu'avant au niveau sociétal, surtout dernièrement avec les lois. La lutte contre l'homophobie est par conséquent moins taboue, elle apparait plus légitime. Mais les moyens consacrés à cette cause n'évoluent pas. Or, vu l'ampleur du travail, les associations ont besoin de ressources plus conséquentes. D'autant qu'on constate de fortes différences selon les territoires. Certains endroits en France ne possèdent aucune structure, c'est catastrophique. Quant au niveau individuel, au quotidien, l'homosexualité reste un tabou. La plupart se cachent et n'osent pas se donner la main dans la rue. Ils connaissent la censure, notamment auprès de leurs entourages. C'est un poids important qui reste vécu comme une honte pour toute personne qui se découvre un jour homosexuelle ou bisexuelle. L'homophobie est souvent inconsciente. Certains clament haut et forts qu'ils ne le sont pas, et pourtant, leurs préjugés et leurs comportements s'avèrent très discriminants. Cela revient à traiter et à percevoir différemment l'homosexualité et la bisexualité. Aujourd'hui, je constate que l'homophobie est encore très présente. Il reste un énorme travail à faire de ce côté là, auquel prend part Contact Midi-Pyrénées depuis 10 ans. Un engagement qui va perdurer grâce aux différentes actions que nous menons sur le terrain. Jean-Michel Pugnière, psychologue et coordinateur de l'association Vous souffrez ou vous avez souffert d'homophobie mais vous ne savez pas à qui en parler? Contact Midi-Pyrénées est à votre écoute. N'hésitez pas à joindre l'association au 05 61 55 43 86 ou par mail à [email protected].