Les appareils venimeux des Chilopodes : mécanismes et
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Les appareils venimeux des Chilopodes : mécanismes et
Bulletin de Phyllie n° 20 – 2e trimestre 2004 -CARLBERG U., 1983. – A review of the different types of egglaying in the Phasmida in relation to the shape of the eggs and with a discussion on their taxonomic importance (Insecta). – Biologisches Zentralblatt, 102 (5) : 587-589, 594. -DELFOSSE E., 2004a. – Fiche d’élevage simple : Lonchodes amaurops Westwood, 1859. – Arthropodia : 1. -DELFOSSE E., 2004b. – L’élevage du Phasme brisé de Bornéo : Lonchodes amaurops Westwood, 1859. – Insectes, 133 (2) (OPIE) : 19-20. -GÜNTHER K., 1932a. – Revision des Genus Lonchodes Gray (Orth. Phasm.). – EOS, Revista Espanola de Entomologia, 8 : 381, 388 ; planche 10. -GÜNTHER K., 1932b. – Die von Professor Dr. H. 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De nombreux cas de morsures de Scolopendridés (Scolopendromorpha) recensés dans la littérature sont relatés, ainsi que quelques exemples inédits recueillis par moi-même. Mots-clés – Chilopoda, venimologie, anatomie, pathologie. Page 23 Bulletin de Phyllie n° 20 – 2e trimestre 2004 Abstract – This article exposes the chemical weapons of the Centipedes. Pathologies occasioned are well detailed. Many cases of bites by species of the family Scolopendridae (Scolopendromorpha) are related. Keywords – Chilopoda, venimology, anatomy, pathology. Les Scolopendromorphes et les autres Chilopodes sont bien connus pour être venimeux ; ils sont en effet pourvus de forcipules (pattes modifiées en crochets à venin) qui leur permettent de maîtriser leurs proies mais aussi d’assurer leur défense. Si certains ordres de Centipèdes apparaîssent peu dangereux par le fait qu’ils sont peu susceptibles de mordre l’Être humain du fait de leur petite taille (Craterostigmomorpha, Geophilomorpha, la plupart des Lithobiomorpha et Scutigeromorpha), il n’en est pas de même pour les Scolopendromorphes dont certaines familles (Scolopendridae notamment) semblent relativement dangereuses pour l’Homme. Dans un premier temps, nous décrirons l’anatomie de l’appareil inoculateur des Centipèdes ; nous approfondirons ensuite les effets pathologiques causés par le venin transmis lors des morsures chez de nombreux êtres vivants, y compris l’Être humain. La fonction venimeuse liée aux forcipules n’est pas la seule qui existe chez les Cent-pieds, puisque nous trouvons d’autres parties morphologiques capables d’émissions chimiques défensives chez de nombreux Chilopodes. Nous effectuerons donc aussi une courte synthèse descriptive des parties qui, outre les forcipules, sont capables d’émissions chimiques défensives chez ces Arthropodes. I – L’appareil inoculateur présent chez tous les Chilopodes : les forcipules • Description succinte et mécanisme d’éjection du venin Les forcipules sont des pattes modifiées en puissants crochets à venin, venant s’insérer ventralement sous la tête (cliché 1). Le segment comprenant les membres forcipulaires est nommé « segment forcipulaire », et est situé juste derrière la capsule céphalique. Celui-ci comprend dorsalement un tergite fusionné avec le tergite du 1er segment pédifère, et ventralement un coxosternum forcipulaire (coxosternum : sternite et hanches fusionnés) ; c’est sur ce dernier que s’articulent les télopodites forcipulaires, composés chacun de 4 articles : fémoroïde (un article résultant de la fusion du préfémur et du fémur), tibia et métatarse (tous deux très courts), et le tarse porteur d’une forte griffe acérée densément sclérifiée. La majeure partie de la glande à venin est presque toujours située dans le fémoroïde ; le canal à venin parcourt les articles suivants pour déboucher un peu avant Cliché 1 : forcipules de Lithobius l’extrémité dorso-apicale de la griffe par un petit orifice. forficatus. Cliché d’Etienne Iorio. Chez certaines espèces comme Henia (Chaetechelyne) vesuviana (Newport, 1844) (Geophilomorpha, Dignathodontidae), elle est beaucoup plus éloignée de l’appareil inoculateur (présente dans le 15e segment pédifère chez ce Géophilomorphe). Les forcipules sont utilisées aussi bien pour la prédation que pour la défense. Un Scolopendromorphe est capable de mordre de 5 à plus de 10 fois dans un intervalle de temps Page 24 Bulletin de Phyllie n° 20 – 2e trimestre 2004 très court (Demange, 1993 ; Mauriès, 1995). De plus, la rapidité d’attaque des Scolopendromorphes, très vifs, peut être surprenante (Iorio, 2003). Lorsqu’un Scolopendromorphe ou tout autre Chilopode mord une proie capturée, de nombreux chimio-récepteurs microscopiques situés surtout à l’extrémité de la griffe détectent sa pénétration dans les tissus de la victime. Cela va permettre la libération du venin par l’orifice excréteur, par commande neuromusculaire. En effet, cette commande nerveuse va permettre l’ouverture du sphincter (bague articulaire d’obturation située à l’extrémité de la glande à venin) et va ainsi libérer le contenu de la glande dans le canal à venin, jusqu’à l’orifice préapical de la griffe. En même temps, les fibres musculaires existantes autour de la glande vont se raccourcir pour la comprimer et ainsi favoriser l’éjection (Pawlowsky, 1913 ; Jangi & Dass, 1978). • Effets pathologiques généraux décrits dans la littérature existante pour les Scolopendromorphes : -Sur l’Homme : La pathologie décrite pour l’ensemble des Scolopendromorphes (concernant essentiellement la famille Scolopendridae) est variée ; ainsi, d’une manière générale, les différents symptômes peuvent être : - - en général, « modérés1 » : douleurs plus ou moins localisées, brûlures, démangeaisons, érythèmes, oedèmes, tuméfactions avec nécroses superficielles pouvant durer jusqu’à 3 semaines (voire davantage, comme le montre le cas décrit plus bas pour Scolopendra morsitans Linné, 1758 (Scolopendridae, Scolopendrinae)). parfois plus sérieux : grande anxiété, maux de tête, vertiges, nausées, vomissements, irrégularités cardiaques et respiratoires, lymphangites, paralysie, contractures, et dans les cas extrêmes : la mort. Karoubi (1991) fait part de la méconnaissance du venin des Scolopendromorphes. Il conseille d’une manière générale la prise d’antalgiques, d’antihistaminiques et de désinfectants en cas de morsure. De même, dans les endroits susceptibles d’abriter ces animaux, le port de chaussures lors de ses déplacements, ainsi que la surélévation des sacs, vêtements et chaussures lors de bivouacs, paraissent être des mesures préventives nécessaires ; ceci permet en effet de mettre ses affaires hors de portée de ces animaux édaphiques, qui pourraient s’y réfugier si elles se trouvaient directement sur le sol. Le propriétaire s’exposerait alors à des risques de morsures, notamment lors de son rhabillement. De telles mésaventures se sont déjà produites (Baillot, 1992 ; Anonyme, 2001). Notons que Baillot (1992) émet l’hypothèse qu’en cas d’allergie au venin des Scolopendromorphes, les conséquences sont supposées d’office très graves voir fatales si aucun traitement d’urgence n’est appliqué. -Sur les autres animaux : Selon Karoubi (1991), une cardiotoxine (toxine-S) serait responsable d’un effet léthal sur les Arthropodes, les Oiseaux et les petits Mammifères. Cette toxine avait été décrite en premier lieu chez Scolopendra subspinipes dehaani (Brandt, 1840), par Gomez & coll. (1983) (voir plus loin). Comme le mentionnent Karoubi et d’autres auteurs (Soulie, 1885 ; Duboscq, 1 Ce terme sous-entend que les symptômes décrits juste après ne mettent pas directement la vie des personnes mordues en danger, mais ils s’avèrent tout de même souvent fortement désagréables. Page 25 Bulletin de Phyllie n° 20 – 2e trimestre 2004 1894 ; Brolemann, 1930 ; Demange, 1963 et 1981 ; etc.), les proies capturées habituellement par les Scolopendromorphes et les autres Chilopodes sont très sensibles à leur venin. Chez les Arthropodes, les Arachnides paraissent également très vulnérables puisque les Araignées et Scorpions meurent de façon foudroyante lorsqu’ils sont attaqués et mordus par des Scolopendromorphes, de même que certains Insectes comme les Carabiques (Duboscq, 1894). Nous-mêmes avons pu observer que les adultes d’autres Insectes robustes, comme certaines Blattes [Archimandrita tesselata (Rehn, 1903), Blaberus craniifer (Burmeister, 1838) et Gromphadorhina portentosa (Schaum, 1853) (Blaberidae)] ou Criquets [Locusta migratoria (Linné, 1758) (Acrididae)], mourraient assez rapidement après avoir été capturés et mordus par des Centipèdes comme Scolopendra subspinipes dehaani ou S. heros castaneiceps H. C. Wood, 1861. Les morsures de Scolopendra cingulata Latreille, 1829 et Scolopendra morsitans Linné, 1758 sont très rapidement léthales pour des Grillons adultes Acheta domestica (Linné, 1758), Gryllus bimaculatus (De Geer, 1773) et Gryllus campestris Linné, 1758 (Gryllidae). De même, nous avons pu constater que les Chilopodes plus petits comme Cryptops anomalans Newport, 1844 (Scolopendromorpha, Cryptopidae) ou Lithobius forficatus (Linné, 1758) (Lithobiomorpha, Lithobiidae) maîtrisaient relativement facilement les petits Invertébrés en rapport avec leurs tailles, comme par exemple des Araignées Pardosa sp. (Labidognatha, Lycosidae), des Grillons Nemobius sylvestris (Bosc, 1792) (Gryllidae), etc. En revanche, à l’instar de Demange (1993), nous avons remarqué que les Chilopodes paraissaient peu sensibles à leur propre venin. Nous avons pu observer lors de cannibalisme entre jeunes spécimens d’une même espèce des genres Scolopendra, Alipes (Scolopendridae, Otostigminae) et Lithobius, que l’individu mordu pouvait vivre de plusieurs heures à plusieurs jours après l’attaque, hormis si nous laissions l’assaillant le dévorer. Dans ce dernier cas de figure, la mort nous semble surtout provenir par l’action mécanique des forcipules qui transpercent alors activement les tissus. Nous pensons donc que les Chilopodes sont relativement immunisés contre leur propre venin, tout au moins sur le plan intra-spécifique. Pour les Mammifères, il apparaît que la gravité de la morsure soit en fonction de l’espèce considérée. Ainsi, la morsure de Scolopendra morsitans est léthale pour une Souris adulte et d’autres rongeurs, de même que pour certains oiseaux (Norman, 1897 ; Jourdain, 1900) ; la mort est systématique si l’endroit mordu est situé à proximité immédiate de la tête, alors qu’elle peut se limiter à la paralysie d’un membre chez le lapin si celui-ci est mordu à la patte par Scolopendra cingulata. En revanche, les divers Vertébrés mordus par Scolopendra scopoliana C. L. Koch, 1841 ont tous survécu (Soulie, 1885). Les Reptiles et Batraciens sont eux assez peu affectés par les morsures de Scolopendromorphes (Norman, 1897 ; Remington, 1950), bien que les grandes espèces en capturent occasionnellement (Brolemann, 1930). • Effets pathologiques connus pour quelques espèces de la famille Scolopendridae sur l’Être humain : -Cormocephalus impressus Porat, 1876 Baillot (1992) relate un cas de morsure au pied d’un homme adulte par ce Centipède ; une douleur vive et immédiate s’ensuivit. Son pied devint entièrement rouge et très chaud. Une heure après la morsure, ce fut la jambe entière jusqu’au genou qui était rouge, engourdie, enflée et chaude au toucher. Plus tard, l’inflammation s’est étendue, et l’homme ne pouvait même plus conduire. Il était obligé de maintenir sa jambe hors de contact avec une surface quelconque, pour rendre la douleur plus supportable. Le médecin appliqua par la suite une Page 26 Bulletin de Phyllie n° 20 – 2e trimestre 2004 injection anti-tétanique et lui prescrit un antalgique en comprimés. 24 heures plus tard, les symptômes diminuèrent et les signes cliniques disparurent 48 heures après. -Scolopendra alternans Leach, 1805 En mai 1999, une femme de 38 ans a été mordue au pied par ce Scolopendromorphe (Anonyme 2001) et a ressenti une douleur vive et immédiate. Une heure après la morsure, la douleur était insoutenable. D’autres symptômes comme des nausées et des vertiges apparurent. Un médecin a été appelé et lui a administré des médicaments contre la douleur et une piqûre. Elle n’a pas pu fermer l’œil de la nuit tant la douleur était intense. Le lendemain, la douleur avait disparu d’un coup (sûrement grâce aux médicaments…). Pour la même espèce, Sandefer (1998) fait simplement état de douleur et d’enflure. -Scolopendra cingulata Latreille, 1829 Plusieurs auteurs ont étudié la morsure de cette espèce, dont Duboscq (1894) et Pontuale & coll. (1997), par exemple. La morsure entraîne des enflures, des ganglions et une douleur localisée, parfois assez vive car elle fait penser à une brûlure ; elle peut également quelquefois donner de la fièvre. La morsure d’été est plus grave que celle d’hiver pour les individus septentrionaux (comme ceux du midi de la France par exemple). Le constat détaillé de Carrieu & Harant (1933) à propos d’un cas d’envenimation par cette espèce, est intéressant. Ainsi, chez une femme adulte, deux morsures au niveau de la région deltoïdienne gauche ont très rapidement provoqué l’apparition de deux « boutons » rouges ; lors de l’examen, des saignements ont été provoqués pour tenter d’évacuer le venin. Cette action n’a apparemment pas eu l’effet escompté, puisque à ce moment la région mordue est devenue rouge, puis enflée. L' œdème était dur, rougeâtre et s’est s’étendu à toute la partie supérieure du bras. Cette extension a été accompagnée d’élancements très vifs d’une durée d’une heure et demie, jusqu’au côté gauche du thorax. Ether, ammoniaque et une couche de teinture d’iode ont alors été appliqués. La nuit suivante a été agitée et le malade n’a pu dormir. L’enflure était toujours présente le lendemain, et le bras très ecchymosé ; la personne a même eu de la peine à lever son membre supérieur gauche. L' œdème, puis la gêne des mouvements ont diminué pendant les 3 jours suivants. Au bout d’une semaine seulement, il n’y eut plus de trace des morsures. D’autres anecdotes relatent également une douleur locale importante et des réactions inflammatoires sévères. Le traitement appliqué serait la désinfection locale et éventuellement la prise d’antalgiques comme le Paracétamol. -Scolopendra heros Girard, 1853 De multiples cas de lymphangites aiguës (lymphangite : inflammation des vaisseaux lymphatiques, ceux-ci intervenant dans le drainage et l’immunité des tissus), provoquées par des morsures de cette espèce, ont été relatés par Bayley-de Castro (1921) en Birmanie et aux Îles Andaman ; les victimes présentaient un œdème et une inflammation de la peau et des tissus sous-cutanés avec une nécrose locale. Quelquefois, les lymphangites aboutissaient à des ulcères étendus. À l’époque, 3 mois étaient nécessaires aux blessés pour se rétablir. Page 27 Bulletin de Phyllie n° 20 – 2e trimestre 2004 La morsure est réputée nécrosante et relativement dangereuse ; l’animal est de plus très rapide et imprévisible, en particulier lors des stades intermédiaires. Logan (1985) relate un cas de rhabdomyolyse (destruction du muscle strié) à la suite de la morsure de cette espèce. Celle-ci semble pouvoir être mortelle pour de jeunes enfants puisqu’une fillette mordue au pouce est morte en 6 heures. Sandefer (1998), sans préciser la taille de l’animal, raconte qu’une morsure de S. heros castaneiceps H. C. Wood, 1861 au pouce a engourdi ce membre pendant 5 heures environ. -Scolopendra morsitans Linné, 1758 Sebastiani (in : Bücherl 1971) cite les cas d’un enfant de 8 ans et d’un homme de 49 ans mordus par cette espèce. Ils souffrirent rapidement d’une intense douleur locale, de vomissements, de maux de tête et d’une inflammation étendue autour de la blessure. -Scolopendra subspinipes Leach, 1815 Tout comme Scolopendra heros, ce Scolopendromorphe apparaît comme assez dangereuse, surtout si en plus on tient compte de sa taille (qui atteint aisément 250 mm pour la sous-espèce S. subspinipes dehaani (Brandt, 1840)) et de la grande agressivité des individus. Plusieurs cas de morsures sont relatés, mais la plupart sans que l’on précise la sous-espèce, tout comme chez S. heros. Il est toutefois probable que ces incidents soient attribuables à S. subspinipes subspinipes Leach, 1815 ou à S. subspinipes dehaani. Par exemple, Remington (1950) a été mordu par un individu des Philippines : il a d’abord ressenti une douleur extrême qui a diminué au bout d’une vingtaine de minutes, puis a conservé une douleur tenace mais moins forte durant 3 semaines. Toujours aux Philippines, une enfant de 7 ans mordue par la même espèce est morte en 29 heures. Bartmeyer & Schmalfuss (in : Lewis 1981) rapportent les effets d’une S. subspinipes ayant mordu le bras d’un marin : le point d’inoculation devint bleuâtre, entouré d’une surface enflée et intensément douloureuse, également bleuâtre. La victime devint anxieuse, déprimée, avec des sueurs froides. Ses battements cardiaques furent rapides et irréguliers, et elle ne s’est pas rétablie avant deux jours. Au Japon, il semblerait que les symptômes provoqués par S. subspinipes mutilans L. Koch, 1878 et S. subspinipes multidens Newport, 1844 (2 sous-espèces de « petite2 » taille) soient les mêmes que ceux de S. cingulata (Mohri & coll., 1991). Chez S. subspinipes dehaani, Gomez & coll. (1983) ont mis en évidence l’existence d’une cardiotoxine (toxine-S) qui provoque une chute puis une remontée de tension chez un mammifère comme le chat. Cela pourrait peut-être produire, dans certains cas, un effet similaire chez l’Homme ? Sandefer (1998) relate un cas personnel de morsure par cette dernière ; il parle d’une douleur très intense pendant plusieurs heures, de tuméfaction, d’une forte enflure surtout le 1er jour, de vertiges liés à la douleur, et d’impossibilité de dormir la 1ère nuit. Ce n’est que le 4e jour que tout rentra à peu près dans l’ordre, et qu’il n’y eut quasiment plus de traces de morsure et d’enflure. 2 Respectivement 110 et 125 mm. Page 28 Bulletin de Phyllie n° 20 – 2e trimestre 2004 -Scolopendra viridis Say, 1821 Les symptômes de cette espèce paraissent également identiques à ceux que provoque S. cingulata ; il semble que la douleur soit extrêmement forte dans les premiers temps. Signalons qu’un des effets néfastes causé par toutes ces espèces, à savoir la forte douleur locale régulièrement citée, serait provoqué par un acide aminé 5-hydroxytryptamine (= 5 HT, sérotonine, entéramine) accompagné d’histamine. Ce mélange favorise en outre la diffusion des composants toxiques en augmentant la perméabilité cellulaire et en favorisant le courant sanguin au siège de la blessure. Un double rôle est donc attribué à ces substances : un rôle défensif grâce à la production d’une forte douleur immobilisante et un effet de distribution et de pénétration des composants toxiques comme la toxine-S décrite plus haut (Baillot, 1992 ; Demange, 1993). 3 nouveaux cas de morsures par des Centipèdes Deux personnes nous ont cordialement fait part de leur mésaventure liée à une morsure de Scolopendra lors de rencontres entomologiques. La troisième expérience, plus bénigne, nous est arrivée avec un Lithobiomorphe. Ces trois cas concernent donc des êtres humains adultes. • Morsure d’une Scolopendra morsitans Linné, 1758 La personne s’occupait de la nutrition d’une S. morsitans adulte lorsque cette dernière l’a mordue à la main, entre l’index et le majeur. La morsure a malheureusement été assez longue (quelques dizaines de secondes) car cette personne n’osait pas secouer la main ou essayer de se dégager de l’emprise des crochets de l’animal. L’effet fut quasi-instantané (ressenti moins d’une minute après la morsure) et une douleur relativement intense et persistante s’ensuivit, un peu comme une sensation de brûlure. 2 jours après, des phlyctènes très douloureuses apparurent autour de l’endroit mordu. Lors de démangeaisons, la personne se rendit compte que la chair au-dessous des cloques semblait atteinte d’une nécrose partielle ; d’ailleurs, le lendemain ou surlendemain, des cloques réapparurent sous les précédentes. Cet effet persistant au fil des jours, on pourrait presque dire qu’à chaque phlyctène arrachée, une autre apparaissait 1 ou 2 jours après. Il aura fallu attendre presque 2 mois pour que cela cesse totalement, et que les chairs et l’épiderme soient redevenus normaux. La peau avait enfin retrouvé une coloration rosâtre mais un peu fragile, comme cela peut être le cas lors de brûlures récentes par exemple. La personne a appliqué comme traitement de la béthadine et de l’alcool modifié à 60° tout au long de cette période. Ce cas permet de se rendre compte de la relative gravité et de la gêne occasionnée par une espèce très commune dans certaines régions circumméditerranéennes et sub-tropicales, et que l’on voit fréquemment dans les élevages d’Arthropodes. La nécrose partielle et persistante à l’endroit de la morsure pourrait être causée par l’histamine, les peptidases digestives et autres enzymes présentes dans le venin ; les forcipules, souillées, peuvent contribuer à infecter la plaie. Page 29 Bulletin de Phyllie n° 20 – 2e trimestre 2004 • Morsure d’une Scolopendra heros castaneiceps (H. C. Wood, 1861) L’homme concerné s’est fait mordre au pouce par une S. heros castaneiceps juvénile de 50 millimètres environ (rappelons que l’adulte atteint 200-220 mm) ; les effets se sont rapidement fait sentir (une minute après la morsure) : son bras devint ankylosé, bien que cela resta modéré. Ce symptôme dura environ une demi-heure, après quoi il s’estompa progressivement. Il n’y eut pas d’autre désagrément. Le fait que l’animal soit encore relativement jeune a sûrement contribué à limiter les effets néfastes que peut occasionner cette espèce, réputée dangereuse (à juste titre, comme nous l’avons vu plus haut). La quantité de venin injecté a dû être très inférieure à celle de l’adulte (qui est quatre fois plus grand). • Morsure d’un Lithobius forficatus (Linné, 1758) (Lithobiomorpha, Lithobiidae) Lors d’une étude de l’ontogénèse de Lithobius forficatus, nous avons manipulé un spécimen pour le déposer dans une éprouvette et étudier sa morphologie sous binoculaire ; celui-ci nous a mordu à l’index. L’individu était au stade épimorphe pseudomaturus II [soit l’avant-dernier stade de croissance avant la maturation ; deux mues restent à effectuer pour arriver à l’individu imaginal maturus senior (Joly, 1966 ; Iorio, 2004)] ; il mesurait environ 18 mm. L’animal a quand même réussi à transpercer au moins en partie l’épiderme, suffisamment en tout cas pour que nous ressentions un léger effet peu de temps après (la morsure a été faite au niveau de l’articulation entre phalangine et phalangette, où l’épiderme est plus mince et fragile). Nous avons ressenti, environ une minute après, un léger picotement, d’abord au niveau de la morsure, puis ensuite un léger agacement dans tout l’index (cela nous faisait un peu penser aux picotements que font les orties lorsqu’on s’y frotte, mais en relativement moins fort). Cette sensation a duré environ 5 minutes et a ensuite cessé. Cela permet de constater que même certaines espèces de Lithobies sont susceptibles de mordre et de causer quelques effets bénins. Signalons à ce sujet que l’adulte de L. forficatus atteint 25 à 30 mm, et la morsure d’un grand individu aurait sûrement pu accentuer sensiblement les effets décrits ci-dessus. Ces 3 expériences, en particulier la dernière, montrent que de nombreux genres de Chilopodes pourraient être susceptibles de mordre « efficacement » l’Être humain, contrairement à ce que mentionne Demange (1993) (à savoir réussir à transpercer notre épiderme et inoculer leur venin, même si les effets qui s’ensuivraient seraient probablement peu importants pour la majorité des cas, comme celui décrit pour L. forficatus). Par exemple, ne serait-ce qu’en France métropolitaine, nous connaissons 3 voire 4 genres qui en seraient capables : pour les Scolopendromorphes, nous rencontrons bien sûr les Scolopendra Linné, 1758 (famille Scolopendridae), avec Scolopendra cingulata Latreille, 1829 dans le midi et Scolopendra oraniensis Lucas, 1846 [= S. canidens oraniensis (Lucas, 1846)] en Corse, et il n’existe aucun doute sur leur capacité d’envenimation, surtout pour ce qui concerne la première espèce ! Toujours chez les Scolopendromorphes, nous pouvons citer le genre Cryptops (Cryptopidae), pour lequel nous avons des doutes : il comprend des espèces de morphologie assez grêle et à forcipules médiocrement massives ; cependant, nous trouvons tout de même l’espèce Cryptops anomalans Newport, 1844 [= C. savignyi sensu Brölemann, 1930] qui atteint jusqu’à 40 mm et qui pourrait peut-être y parvenir, de même que C. umbricus Verhoeff, 1931, qui mesure de 35 à 50 mm, et qui a été récemment confirmé pour la faune de France (Iorio & Minelli, à paraître). Chez les Lithobies, certaines espèces des genres Lithobius Leach, 1814 et Eupolybothrus Verhoeff, 1907 (famille Lithobiidae) pourraient aussi Page 30 Bulletin de Phyllie n° 20 – 2e trimestre 2004 transpercer notre épiderme, par exemple : Eupolybothrus fasciatus (Newport, 1844), espèce méditerranéenne qui atteint jusqu’à 45 mm ; Lithobius castaneus Newport, 1844, L. forficatus (Linné, 1758), L. pilicornis Newport, 1844, L. validus Meinert, 1872, qui atteignent tous entre 25 et 30 mm, voire légèrement plus pour les individus âgés. Un autre cas intéressant, renforçant encore le constat émis ci-dessus, nous a été relaté par un collègue de la Réunion (Nicolas Cliquennois, comm. pers.) qui nous a fait part de sa mésaventure ; à Mayotte, il a en effet été mordu à la cheville par un grand Géophilomorphe non identifié, alors qu’il dormait. La douleur a été vive, mais très brève. Il n’y eut par la suite aucune marque à l’endroit mordu. Les Géophilomorphes capables d’inoculer leur venin à l’Homme doivent cependant être très peu nombreux du fait de la morphologie très grêle de la plupart d’entre eux, et de leur relative lenteur et maladresse pour se mouvoir. Il demeure que ce témoignage démontre que certains grands spécimens sont tout de même capables d’y parvenir. Enfin, une anecdote relative à la capacité que pourraient avoir certaines petites espèces de Cent-pieds de causer d’éventuels désagréments à l’Homme, est présente dans le travail effectué par Bücherl (1946). Celui-ci a en effet démontré que le venin d’Otostigmus scabricauda Humb. & Sauss., 1870 (Scolopendridae, Otostigminae), « petite » espèce brésilienne de 60 à 70 mm, s’avérait plus virulent sur des petits Mammifères comme la Souris, que celui des espèces beaucoup plus grandes comme Scolopendra viridicornis Newport, 1844 ou S. subspinipes, bien que la morsure de ces deux dernières soit aussi léthale pour les mêmes animaux. En effet, ses recherches ont déterminé la DL 503 de ces trois Scolopendrides, entre autres ; il est apparu, au terme de cette étude, que la DL 50 par intraveineuse était seulement de 0,012 ml pour O. scabricauda contre respectivement 0,030 et 0,047 ml pour S. viridicornis et S. subspinipes. Le constat est identique par voie intramusculaire (0,070 ml pour O. scabricauda, 0,250 ml pour S. viridicornis et 1,200 ml pour S. subspinipes). Cela doit inciter à la prudence avec certains genres et espèces de Scolopendromorphes méconnus que l’on pourrait s’imaginer peu dangereux du fait de leur faible taille. II – Courte description des autres appareils venimeux existant chez les Chilopodes Certains Chilopodes, notamment les Géophilomorphes, sont capables d’émettre des substances répulsives pour repousser d’éventuels prédateurs. Ces sécrétions, souvent à base de cyanure comme chez certains Diplopodes, peuvent être léthales pour de petits Insectes comme les Fourmis si elles en sont fortement enduites (Demange, 1993). Elles sont émises par des Fig. 1 : Haplophilus subterraneus Shaw, 1789 pores glandulaires souvent regroupés en (Geophilomorpha, Himantariidae) : champs poreux ventraux amas situés sur les sternites du tronc (fig. des sternites 35 et 36. D’après Iorio (2003b) modifié). 1). L’excitation que suscite l’agression par un autre animal provoque la stimulation de grandes cellules sécrétrices débouchant directement dans ces pores, qui déversent alors le répulsif. 3 DL 50 : abréviation de dose léthale 50. La DL 50 est la dose qui tue la moitié du nombre des cobayes traités (ici des souris). Page 31 Bulletin de Phyllie n° 20 – 2e trimestre 2004 Certains Scolopendromorphes seraient aussi pourvues de glandes similaires réparties sur le corps et/ou les pattes. Ainsi, plusieurs auteurs mentionnent que le passage sur la peau nue de certaines espèces comme Scolopendra heros, S. morsitans ou Otostigmus aculeatus Haase, 1887 peuvent irriter l’épiderme en raison de glandes présentes sur les pattes ambulatoires (Houdemer, 1926 ; Lever, 1939 ; Marsh, 1957 ; Lewis, 1981). Le produit secrété peut être non toxique mais fétide chez Cormocephalus nitidus Porat, 1872 (Lawrence, 1968). Conclusion Les informations présentées dans ce travail permettent d’édifier plusieurs constats intéressants sur les Centipèdes et les désagréments que peuvent occasionner leurs appareils chimiques, en particulier l’appareil inoculateur de venin. Il apparaît ainsi que les Chilopodes disposent d’armes redoutables pour immobiliser leurs proies, et que le venin possède une action très rapide voire fulgurante sur celles-ci. Les Arthropodes paraissent les plus sensibles au venin des Cent-pieds, toutefois les petits Mammifères sont également très vulnérables à la morsure de plusieurs espèces de Scolopendrides. De nombreux Chilopodes sont capables d’inoculer leur venin à l’Homme, contrairement à ce que laisse supposer la littérature existante ; cependant, seuls les Scolopendromorphes de la famille Scolopendridae sont réellement à craindre. Effectivement, même si leurs morsures sont rarement mortelles, elles occasionnent des lésions et des effets secondaires fort gênants voire dangereux pour l’animal mordu, et les pathologies peuvent varier en gravité suivant les personnes touchées ; cela induit une certaine imprévisibilité. Ajoutons à cela une grande rapidité de mouvement, une agressivité certaine et la faculté de pouvoir mordre efficacement plusieurs fois en un laps de temps très court, et nous obtenons des animaux avec lesquels une grande prudence s’impose. Chez cette famille, il convient également de ne pas se contenter d’être prudent qu’avec le bien connu et étudié genre Scolopendra ; ainsi Cormocephalus, Otostigmus et sûrement d’autres genres de taille plus faible possèdent un venin potentiellement au moins aussi virulent sur l’Homme que celui des espèces de Scolopendra citées dans nos exemples. Il va de soi que les gens sujets à des allergies s’exposeraient certainement à de graves complications, plus ou moins imprévisibles. Nous finirons cet exposé en conseillant aux personnes qui s’intéressent aux Centipèdes, mais qui sont novices dans ce domaine, de se tourner vers des ordres de Chilopodes quasiinoffensifs (Lithobiomorphes, Scutigéromorphes, Géophilomorphes) lorsqu’ils désirent commencer un élevage afin d’étudier l’éthologie de ces Arthropodes. De plus, ces trois ordres sont relativement méconnus du point de vue de leur comportement et de leur ontogénèse, et ils pourraient donner lieu à des observations tout aussi intéressantes que chez les Scolopendra tropicales, bien plus dangereuses et irritables. Remerciements A Nicolas Cliquennois, Caroline Ollieu et Eric Ythier pour les témoignages qu’ils m’ont aimablement apportés. Références -ANONYME, 2001. – Morsure d’une Scolopendre. – Le Bulletin de Phyllie, 10 (Arthropodia) : 13. -ATTEMS G., 1930. – Myriapoda 2 : Scolopendromorpha. – Das Tierreich : 308 pp. -BAILLOT M., 1992. – Les Scolopendres : Biologie et toxicologie. Présentation des Espèces de l’île St-Barthélémy (Petites Antilles). – Thèse de doctorat, Université Paris V : 127 pp. -BAYLEY-DE CASTRO A., 1921. – The poison of the Scolopendridae being a special reference to the Andaman species. – Indian Med. 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