les collections nelson

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les collections nelson
LES COLLECTIONS NELSON
et leur Fabrication
a vente des volumes des diverses
collections à bon marché édités et
imprimés par la maison Nelson a dépassé
en peu d’années le chiffre formidable de
dix millions d’exemplaires.
Ce succès extraordinaire est dû, d’abord au bon
goût exercé dans le choix des ouvrages, puis au format
commode des volumes, à la bonne impression, à la
belle et durable reliure en toile qui constituent la facture
Nelson, enfin au prix infime auquel on a pu les offrir au
public.
Mais qu’est-ce au juste que cette « facture Nelson »
qui caractérise ces collections ? En premier lieu, tous les
volumes sont d’une grandeur uniforme, la page
mesurant 15 cm ½ sur 10 cm ½ proportions adoptées
comme le format idéal pour les livres de poche,
capables néanmoins de faire bonne figure sur les rayons
de n’importe quelle bibliothèque. Ensuite, tous les
volumes sont imprimés en grands et beaux caractères,
faciles à lire, et identiques dans la plupart des cas à ceux
de cette page ; l’impression est sur papier fin, fabriqué
sans pâte de bois. Chaque volume cousu au fil fort, et
orné d’un frontispice est solidement relié en carton
résistant recouvert de toile anglaise, avec une
ornementation discrète en or et en couleurs, qui assure
qu’il parviendra intact et non défraîchi, aux mains de
l’acheteur. Obtenir un livre dans ces conditions, c’est
pour l’amateur une bonne fortune. Jusqu’ici, en effet,
les éditeurs se sont contentés d’offrir au public des
volumes brochés, et partant fragiles. Bien que légers et
commodes à lire, ils n’ont pas la solidité et les qualités
de durée qui seules assureraient une place permanente
sur les rayons d’une bibliothèque. Il est vrai que les
reliures de luxe possèdent ces qualités, mais
malheureusement, elles ne sont accessibles qu’à
quelques privilégiés. Les collections Nelson offrent
pour la première fois une catégorie intermédiaire de
livres, de format élégant et commode et qui sont en
même temps durables et peu couteux.
Mais , demandera - t’on, comment est -il possible
de produire un livre offrant tous les attraits de la
« facture Nelson », de payer les droits d’auteurs, de
couvrir les frais de publication, de faire aux libraires des
conditions très avantageuses et d’arriver à l’offrir au
public au prix de un franc ou de un franc vingt-cinq ?
C’est ce que nous nous proposons d’expliquer. Le
bon marché étonnant de ces volumes vient de ce qu’ils
sont le produit de l’outillage le plus parfait auquel soit
arrivée la technique de l’édition moderne. La plupart
des machines employées ont été construites
exclusivement pour la fabrication des collections
Nelson. Elles ne servent qu’à cet usage. Il en résulte que
le travail se fait incomparablement mieux, plus
rapidement et à meilleur compte qu’au moyen de
machines moins spécialisées.
Faisons le tour de la merveilleuse fabrique d’où
sortent ces livres. Il y a quelques mois à peine, MM.
Nelson ont accordé à la firme mondiale de Pathé Frères
la permission de photographier leurs ateliers en vue de
la reproduction cinématographique, et ce film a excité
partout le plus vif intérêt. Plus récemment encore
paraissait dans le British Printer, l’organe accrédité de
la typographie anglaise, un article très détaillé sur les
procédés de fabrication de la maison Nelson. C’est à cet
article que nous empruntons les pages qui suivent
.Aucune description de la fabrique n’ayant encore été
publiée en France, nous en offrons l’étrenne aux
lecteurs des Annales.
Construite en 1907 sur un plan nouveau, et dans le
but tout spécial de la production d’éditions à des prix ne
dépassant pas 1 fr 50, la fabrique de MM. Nelson est
située à la sortie d’Edimbourg entre la « Vieille
Fabrique » et le rocher gigantesque, au vague profil de
lion, qui donne à cette ville sa belle ligne d’horizon.
C’est un édifice en béton armé, composé de deux halls
superposés, mesurant soixante mètres de long sur trente
de large, et inondés de lumière par d’immenses vitrages.
Cet édifice est une « fabrique de livres » complète en
soi, aménagée et outillée d’une manière unique au
monde, où l’on découvre à chaque pas quelque
invention géniale, et dont l’ensemble offre un exemple
frappant de ce que peuvent accomplir l’énergie et
l’esprit de progrès.
Le rez de chaussée se compose entièrement de
tout réduire à un minimum de complexité ; on peut dire
que ce tunnel est le cœur de tout l’organisme.
A l’une des extrémités du hall se trouvent les
machines rotatives à bobines, à l’autre extrémité les
volumes complètement achevés tombent dans le
magasin par un système de plans inclinés ; or, si nous ne
tenons pas compte du temps consacré au séchage, il y a
une demi heure à peine qu’ils sont sortis de la rotative ;
c'est-à-dire que dans l’intervalle de nombreuses
opérations se sont effectuées avec une rapidité
merveilleuse. A chaque pas, notre curiosité est éveillée
par quelque mécanisme ingénieux et nouveau ; nous
reconnaissons bientôt que cet aménagement n’a rien
d’ordinaire, que nous sommes vraiment en présence
d’une organisation toute spéciale, uniquement destinée à
la production intensive de volumes du format Nelson.
magasins où s’accumulent les matières premières et les
livres achevés. C’est à l’étage supérieur que se trouve la
fabrique proprement dite.
Dès l’entrée on est frappé par quelque chose
d’inusité, d’unique : l’absence complète d’arbres de
couche, de courroies de transmission. Chaque machine
est actionnée par un moteur électrique spécial. Sous le
plancher se trouve un long tunnel ; pénétrons-y et nous
allons nous rendre compte de la fertilité d’invention
déployée pour répartir la force motrice et lui faire
donner son rendement maximum. Dans ce tunnel se
trouvent les tableaux de distribution destinés à alimenter
les moteurs de la salle supérieure. Aucun ouvrier ne
peut changer à son gré la vitesse de la machine à
laquelle il travaille, toutes les commandes étant
disposées dans le tunnel, ainsi que les pompes
pneumatiques pour celles des machines qui fonctionnent
par l’air comprimé ou par le vide et le tableau de
distribution de l’éclairage. Partout se révèle la tendance
D’un bout à l’autre, cette fabrique est une démonstration
des avantages de la spécialisation dans l’industrie
moderne.
Commençons par les presses. Ce sont des rotatives
König et Bauer, au nombre de six, prenant
uniformément une bobine de 65 cm de large.
Chaque machine débite, tout pliés, trois cahiers de
32 pages. Les six machines dressées, côte à côte à une
extrémité du bâtiment, fournissent donc à chaque tour
un livre entier qui peut aller jusqu’à 576 pages. A partir
de ce moment, le travail se poursuit méthodiquement
sans aucune manipulation superflue. Les cahiers pliés
sont transportés sur une sorte de « trottoir roulant » qui
circule lentement entre des bandes métalliques d’une
hauteur de 10cm. Sur ces transmetteurs, les cahiers
placés sur la tranche, font , tout en séchant, un trajet de
20 mètres ; au bout de ce parcours, ils sont happés par
un dispositif pneumatique et tombent dans leur ordre de
numérotage sur une « ramasseuse » qui occupe toute la
largeur de la salle ; elle reçoit le cahier N°1 du premier
transmetteur, le cahier N°2 du second et ainsi de suite,
jusqu’à ce qu’on obtienne automatiquement, et sans
manipulation, un livre de 9, 12, 15 ou 18 cahiers, selon
la grosseur du volume. L’assemblage terminé, la
ramasseuse termine son parcours, et, après avoir viré,
revient en sens inverse alimenter la longue rangée de
couseuses mécaniques. Des traits noirs, distribués sur le
pli de chaque cahier, permettent de faire, d’un seul coup
d’œil le collationnement. Pendant que le premier et le
dernier cahier s’acheminent vers la ramasseuse,
couper les coins, replier la toile, presser et débiter, tout
cela automatiquement.
Les couvertures passent ensuite aux mains des
doreurs, puis à la gaufrure, qu’effectuent de puissantes
machines. Enfin un dispositif spécial de la maison
Nelson les colle sur les volumes qui passent ensuite une
demi-heure sous la presse hydraulique, après quoi on les
empile sur une table pou l’ inspection. Des ouvrières
aux mains adroites s’étant assurées de la perfection des
volumes, ceux-ci passent à un dernier transmetteur qui
les laissent tomber par des escaliers en zig-zag dans le
magasin d’en bas. Des jeunes filles les y reçoivent, les
revêtent de leur couverture en papier… et le livre est
prêt pour la vente.
Arrêtez-vous un instant au bas des zigzags,
contemplez cette pluie de volumes qui tombe sans
interruption, et vous vous rendez compte du débit
énorme de la fabrique. Aussitôt revêtus de leur
couverture, les livres partent pour l’emmagasinage
ils passent par des machines spéciales qui les munissent
de leurs gardes, et qui collent en position le frontispice.
Les couseuses système Smyth occupent toute la largeur
de la salle ; au nombre de 25, elles suffisent tout juste à
disposer
des
plus
gros volumes au fur et à mesure qu’elles sont alimentées
par transmetteur.
Une fois cousus, les livres sont disposés en paquets
de cinq et remis sur le transmetteur, qui les amène à une
colleuse à fourneau électrique, invention de la maison
Nelson, qui enduit de colle forte le dos des livres
pendant qu’ils sont sous presse, et en opère
immédiatement le séchage, procédé qui assure la
compression et la solidité requises. Les livres passent
ensuite à la rognure, puis à l’endossure.
Ils sont maintenant prêts à recevoir leur couverture.
Celles-ci sont préparées d’avance ; des machines
spéciales chacune douze cents par heure. Rien de plus
merveilleux que de les voir couper la toile et le carton,
enduire la toile de colle, mettre les cartons en position,
et sont rangés en colonnes massives. MM. Nelson
toujours à la fabrique un dépôt d’un million à un million
et demi de volumes, mais c’est là un approvisionnement
pour quelques mois à peine, et la fabrique entière
bourdonne comme une ruche d’un bout de l’année à
l’autre.
Outillage et agencements parfaits, assurant la
rapidité et l’économie de la production, voila donc la
recette qui a permis à la maison Nelson d’atteindre,
parmi les éditeurs, une position unique par le bon
marché et l’excellence de ses nombreuses publications.
L’ avènement de ses collections populaires à reliure de
toile, à des prix minimes ne dépassant pas 1 fr 50, a fait
date dans les annales de la librairie. Dans cette voie
nouvelle où s’est engagée la maison Nelson, d’autres se
sont efforcés de la suivre et si la librairie a vu d’abord
d’un œil peu inquiet la transformation qui
s’accomplissait dans son commerce, elle se range
aujourd’hui à l’opinion que les réimpressions à bon
marché sont pour tous, libraires et lecteurs, une source
de profits. Pour ce qui est de MM Nelson, la
multiplication des éditions à bon marché n’a porté
aucune atteinte aux collections de leur maison, leur
Nouvelle Fabrique fonctionne nuit et jour, et comme il
lui arrive parfois, malgré sa production colossale, de ne
pas suffire à la tâche, elle est obligée d’avoir recours à
la « Vieille Fabrique » qui l’avoisine. Les collections
Nelson comprennent aujourd’hui plus de cinq cent
volumes, auxquels viennent s’ajouter tous les mois une
douzaine de titres nouveaux ;
La série de classiques anglais est très probablement
unique au monde par le bon marché, l’Encyclopédie
Nelson, en 25 petits volumes à 1 fr 25. Unique
également, a remporté dans tous les pays de langue
anglaise un succès phénoménal ; elle se continue par
une série encyclopédique de manuels d’informations
pratiques.
C’est le succès des Collections anglaises qui a
décidé la maison Nelson à pratiquer par toute l’Europe
ses méthodes de librairie. Elle a établi une succursale à
Paris, et entrepris des réimpressions en plusieurs
langues. Elle s’est attachée surtout à la formation des
collections françaises dont le succès, assuré dès le
début, est aujourd’hui retentissant. Par toute le France,
le public a délaissé l’antique volume broché, il a subit le
charme de la collection Nelson (auteurs contemporains),
de l’Edition Nelson des œuvres complètes de Victor
Hugo, de l’Edition Lutetia ( auteurs classiques) . Ces
éditons, du reste, ont reçu un accueil également
favorable dans toutes les parties du monde, et nous
osons espérer qu’elles contribueront pour leur part à
faire gouter, à faire aimer partout le génie et l’esprit
français, à seconder la France dans son énergique effort
pour conserver dans le monde sa souveraineté
intellectuelle.
Le chiffre de la production de ces éditions est
énorme : 250000 en moyenne par semaine. Les
nouveautés paraissent avec la régularité des journaux, la
production et la mise en vente étant organisée de façon
telle qu’il y a rarement du retard dans la publication. Et,
de même que les journaux sont obligés de faire paraitre
de temps en temps des éditions spéciales, l’imprimerie
Nelson a parfois accompli des prodiges de rapidité.
Ainsi, à l’occasion de la mort du roi Edouard VII, il a
été décidé de publier sur-le-champ un abrégé de sa vie :
trois jours après, 120000 exemplaires de cette
biographie étaient imprimés et mis en vente.