Jacques Prévert Un grand poète du XXème siècle

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Jacques Prévert Un grand poète du XXème siècle
Jacques Prévert
1900-1977 (né avec le siècle dans un quartier bourgeois Neuilly sur Seine, et dévot )
Un grand poète du XXème siècle
Son père l’emmènera souvent au théâtre et au cinéma, et sa mère va l’initier à la lecture. Il s’ennuie à
l’école et la quitte à 15 ans après avoir obtenu son certificat d’études. Il fera divers petits travaux, sera
mobilisé en 1918, il poursuivra son service militaire en Lorraine où il rencontrera Yves Tanguy
(peintre), avant d’être envoyé à Istanbul où il rencontrera Marcel Duhamel (éditeur).
En 1925, il participe au mouvement surréaliste (expression de la pensée sans préoccupation
esthétique ou morale) qui se retrouve près de Montparnasse. Mais son esprit indépendant le pousse à
quitter le groupe et André Breton avec qui il ne s’entend plus.
Il écrit des dialogues pour le cinéma français 1935-1945 (films célèbres) : « quai des brumes »,
« les enfants du paradis ».
Il écrit des poèmes qui seront mis en musique par son ami Joseph Kosma dès 1935 avec ses
chanteurs préférés (Montand, frères jacques, Juliette gréco,) et des pièces de théâtre (anticlérical
violent). Il écrit beaucoup pour les enfants.
Dans certains de ses poèmes, il rend hommage à des œuvres musicales qu’il apprécie (goûts divers).
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Le recueil est éclectique, tous les genres sont mélangés.
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Sa poésie paraît facile mais avec l’usage des différents jeux de sons tout devient savant : en
1992 il entre dans la pléiade, ce qui est synonyme de consécration pour un écrivain.
Style :
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Sa poésie est faite de jeux de langage et parfois d’humour noir, il est très attaché à la langue :
il joue avec les mots.
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Sa poésie est faite de jeux de sons pour l’oreille : allitérations (répétitions d’une ou plusieurs
consonnes avant une syllabe accentuée), rythmes variés, rimes.
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Il s’en prend aux stéréotypes du langage qu’il détourne de leur sens (qui aime bien, châtie mal)
ou bien il invente des aphorismes (quand les éboueurs font grève les orduriers sont indignés)
Son recueil « Paroles » publié en 1946 obtient un vif succès : le titre est un défi, à l’inverse
de la pensée courante qui veut que les écrits restent et la parole s’envole, pour Prévert ce sont
les paroles qui restent.
BARBARA
Paroles 1946
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Poème lyrique que se réfère aux 165 bombardements de la ville de Brest entre juin 1940 et
septembre 1944. La destruction de la ville, inspire une réflexion pessimiste au poète sur la
guerre : le lyrisme sert à en dénoncer la cruauté .
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Le poème est lié à la musique de Kosma et à Montant, ce qui a permis une large diffusion
auprès du public.
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ce poème lyrique est une chanson (refrains, reprises « anaphore », absence de ponctuation,
prédominance de l’émotion sur la narration, évocation d’une femme, d’un amour, des jours
heureux, utilisation d’adjectifs, la nostalgie, la passion, le malheur, la destruction, la guerre).
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Entrecroisement des thèmes : l’amour, (épanouie, ravie, ruisselante), la guerre, annoncée au
vers 35 avec l’arsenal, devient inquiétante (quelle connerie la guerre vers37), le souvenir
(nostalgie du bonheur passé, Rappelle toi Barbara), après la narration, le tutoiement. C’est une
histoire d’amour, au cœur des rues. Au début la pluie est gaie, Barbara est souriante car elle va
retrouver son amoureux, après la pluie est triste, comme un déluge de « fer et de sang »
(métaphore).
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Après le temps du bonheur, succède la désolation de la guerre, la destruction, la séparation des
amoureux (vers 45 est-il mort ou bien vivant), on passe du mode narratif au tu, d’un langage
poétique à un langage familier, cru.
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Jeu des temps, des sonorités, alternance crescendo et decrescendo, anaphores (répétitions).
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Présence de Barbara (évocation de la femme, d’un amour, le bonheur) l’atmosphère de la ville,
le souvenir, la nostalgie.
1/ une chanson populaire : amour des rues
2/ cri de colère : la guerre
Avenir pessimiste
Le jeu poétique est très fort à travers une seule image : la pluie. La forme est libre, l’émotion monte.
L’absence de ponctuation contribue au rythme du poème, une seule phrase qui commence par une
majuscule et se termine par un point.
BARBARA
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
Épanouie ravie ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t'ai croisée rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même ce jour-là
N'oublie pas
Un homme sous un porche s'abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie
Ruisselante ravie épanouie
Et tu t'es jetée dans ses bras
Rappelle-toi cela Barbara
Et ne m'en veux pas si je te tutoie
Je dis tu à tous ceux que j'aime
Même si je ne les ai vus qu'une seule fois
Je dis tu à tous ceux qui s'aiment
Même si je ne les connais pas
Rappelle-toi Barbara
N'oublie pas
Cette pluie sage et heureuse
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse
Cette pluie sur la mer
Sur l'arsenal
Sur le bateau d'Ouessant
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu'es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d'acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara
Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n'est plus pareil et tout est abîmé
C'est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n'est même plus l'orage
De fer d'acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l'eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien.
Jacques Prévert (Paroles 1946)