Si les industriels veulent plus tard bénéficier de techni
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Si les industriels veulent plus tard bénéficier de techni
F orum FOR M A T I O N Photos : Cédric Lardière « Avec la réforme des lyc ées, nous sommes dans l’incertitude quant à l’avenir des BTS CIRA » H Au moment de la mise en place de la réforme des lycées, qui a débuté avec les classes de seconde, la revue Mesures est allée à la rencontre de trois professeurs de BTS section CIRA (contrôle, instrumentation et régulation automatique) pour mieux découvrir cette formation initiale des instrumentistes. S’il n’y a pas, pour l’instant, de conséquences directes de la rénovation en lycée sur les BTS, les professeurs sont toutefois tous inquiets concernant l’incertitude qui plane sur l’avenir de leur filière. Ce n’est pas leur seule préoccupation : baisse des recrutements, reconnaissance du niveau Bac+3 par les industriels, mauvaise image de l’industrie véhiculée par les médias, etc. Dans ce contexte, les professeurs ne manquent pourtant pas d’idées : renforcement de la communication auprès des lycéens et de leurs parents, partenariats avec les industriels, projets pédagogiques… Mesures. Dans le contexte actuel d’une certaine désaffection pour l’enseignement scientifique et technique et de la situation économique générale, comment se portent les BTS CIRA (brevet de technicien supérieur contrôle, instrumentation et régulation automatique) qui sont la formation initiale des instrumentistes ? Nicolas Cano. C’est un point sur lequel il faut insister… Les BTS CIRA ont très bien passé la période de crise par rapport à d’autres sections de BTS. Par exemple, EDF a actuellement, et dans le futur, des besoins énormes de personnels de niveau BTS CIRA pour ses centrales nucléaires. On ne va toutefois pas se leurrer, il y a quand même eu une baisse des embauches dans les domaines pétrolier et chimique, en France, depuis dix ans. Plus en raison des changements de politique au niveau de pas mal d’entreprises chimiques et pétrochimiques. Elles avaient en effet externalisé leur pôle instrumentation et régulation interne au profit de sociétés de services comme Saunier Duval, Cegelec, qui ont fortement subi la crise économique. Mais 16 nous les revoyons à nouveau parce qu’il y a des démarrages de projets en vue, parce qu’il y a du travail dans des entreprises comme Alstom, General Electric ou Solvay et que des investissements vont repartir à l’étranger de matériel d’instrumentation, presstataires dans le domaine pétrolier. A côté de cela, on de services) associées à ces pôles. constate également des débouchés dans les Franck Larue. Il est relativement satisfaisant collectivités locales, les de voir qu’il n’y a glomairies, la gestion du balement pas de proSi les industriels veulent chauffage (chauffage particuliers de plus tard bénéficier de techni- blèmes urbain, incinérateurs), recrutement dans les le traitement de l’eau ciens supérieurs sur le marché, entreprises des secteurs (eaux usées et eau po- il est important qu’ils s’impharmaceutiques, la table), certaines papeCosmeticValley, et dans pliquent dans les réformes. teries. les industries de proLaurent Roy. Notre Laurent Roy, lycée René Descartes duction et de gestion lycée étant situé dans le de l’énergie par les couloir de la chimie (Arkema, Bluestar Silicon, temps qui courent… On n’est pas dans les Rhodia), beaucoup d’élèves trouvent un em- plus mal lotis et cela mérite d’ailleurs d’être ploi dans ce secteur-là, mais pas seulement. signalé. Il y a également un important secteur pharmaceutique (Sanofi Aventis, Sanofi Pasteur…) Mesures. Quelles sont les raisons qui font implanté dans la région lyonnaise, ainsi que des sections de BTS CIRA une formation la raffinerie de Feyzin. Sans compter toutes si intéressante, en termes de débouchés les entreprises (constructeurs et installateurs notamment ? “ ” MESURES 832 - février 2011 - www.mesures.com Laurent Roy (professeur de contrôle et régulation), du lycée René Descartes, Vincent Cassabois, Raymond Simonin et Nicolas Cano (coordinateur de la section), du lycée Jules Haag, Jean-Louis Virazels et Franck Larue (chef de travaux), du lycée Jacques Monod (de gauche à droite), lancent un appel aux industriels pour se mobiliser pour l’avenir des BTS CIRA en France. Franck Larue. Dans l’ensemble des BTS existant en France, la section CIRA a, de par le contenu de son programme, une spécificité orientée vers la maîtrise des fluides. Il s’agit principalement des mesures de niveau, de température, de débit et de pression, ainsi que l’analyse des liquides et des gaz. Nos étudiants sont ainsi les seuls à pouvoir prétendre à cette maîtrise au niveau Bac+2. C’est ce qui fait aussi qu’ils peuvent être appelés à travailler dans des industries très diverses et que certaines industries sont très friandes de diplômés de BTS CIRA. Même si elle a un côté industriel très fort, la section de BTS CIRA est quand même un BTS qui reste assez généraliste. Un élève qui souhaite poursuivre ses études après possède, par exemple, un panel de licences professionnelles extrême- ment large, qu’un étudiant issu d’un BTS de mécanique ou d’électronique n’a pas. Cette non-concurrence est un vrai atout, mais un atout méconnu. Laurent Roy. Les sections de BTS CIRA ont pour but de former des techniciens qui seront compétents en instrumentation, en régulation et en automatisme dans les industries de procédés. Le devenir des étudiants sera un peu différent selon que la section de BTS CIRA est plutôt implantée dans un bassin industriel à dominante pétrochimique, agroalimentaire ou métallurgique. Nous constatons, il est vrai, qu’environ 40 % de nos étudiants en section BTS CIRA poursuivent leurs études, essentiellement vers des licences professionnelles. Elles leur apportent en fait une première expérience profession- MESURES 832 - février 2011 - www.mesures.com nelle, puisqu’elles se font par alternance, et permettent une entrée progressive dans le marché du travail plutôt qu’une réelle spécialisation dans le domaine du contrôle et de la régulation. Elles autorisent aussi une diversification par une formation de technicocommercial ou de gestion de projets.Tout ce qui peut augmenter l’employabilité des élèves est bien venu, pour peu que les industriels soient prêts à prendre des élèves en alternance. Nicolas Cano. Le phénomène de poursuite d’études s’est accéléré avec l’ouverture d’un grand nombre de licences professionnelles. Certes, les élèves sont attirés parce qu’ils disent : « Les licences professionnelles sont des licences ». Il faut quand même savoir qu’un industriel recrute un étudiant diplômé ➜ 17 Forum Forum ➜ d’une licence professionnelle selon le niveau salarial d’un Bac+2, celui de la licence professionnelle n’étant pas reconnu. qui, si je caricature, portaient plus ou moins sur les contenus sans toucher aux filières, la nouvelle rénovation change la structure même des filières. De nouMesures. Pour finir de brosser un rapide velles choses, qui sont tout à fait dans portrait, quel(s) est (sont) le(s) profil(s) des l’air du temps, vont faire leur apparilycéens recrutés en section de BTS CIRA ? tion, et les champs les plus proches Franck Larue. Le baccalauréat STL [sciences d’une professionnalisation (régulation, et technologies de laboratoire, NDLR] spé- génie chimique, par exemple) vont discialité physique est quand même la filière de paraître ; c’est un changement énorme prédilection de la section du BTS CIRA. La dans les habitudes… D’où nos interroproportion de lycéens de terminale STL en gations et incertitudes, à l’instar de tous BTS CIRA est autour de 50 %. Le reste des nos collègues. Tout ce que l’on voit est étudiants est issu principalement de la filière une recomposition du rapport entre électrotechnique, un petit peu des filières enseignement général et enseignement électronique et mécanique et un tout petit technologique au profit du premier, ce Nicolas Cano : « Les professeurs de toutes les sections BTS CIRA vous diront que l’investissement est le nerf de la guerre. Monter peu de terminale S, cela étant très variable qui va dans le sens de l’histoire et des des maquettes de régulation avec du matériel récent coûte très cher ». d’une année à l’autre. réformes successives depuis les années Laurent Roy. Notre section de BTS CIRA re- 70. On recule en effet la spécialisation crute également pour moitié des élèves qui de l’élève pour que, avec la nouvelle rénova- Franck Larue. La verticalité directe entre STL viennent de la terminale STL de notre lycée. tion, les vrais choix d’orientation se fassent physique et BTS CIRA n’existera plus. Le baccalauréat STL spécialité physique a ac- en terminale et non plus en première. Laurent Roy. La disparition de cette notion tuellement deux options : une option optique, Laurent Roy. Le baccalauréat technologique, de filière dans la nouvelle mouture du bacde laquelle très peu dans sa dimension calauréat nous pose tout de même un proAvec la nouvelle réforme, d’élèves viennent en plus généraliste et blème, un problème auquel personne n’a de section CIRA, et l’op- on peut espérer que chaque lycée avec un nombre de réponse à l’heure actuelle. Jusqu’à présent, tion contrôle et régufilières restreint aura nous intervenions en tant qu’enseignants dès lation (CR) qui est propose une série STL comme pour vocation de les classes de seconde et nous disposions de dans la droite ligne du une alternative à la série S… proposer un éventail plusieurs années pour essayer de familiariser BTS CIRA. Pour l’autre de poursuites des les lycéens de notre filière avec les industries un S “light” plus axé moitié, le recruteétudes extrêmement de procédé, avec leurs matériels, de rendre ment se fait principa- “sciences physiques”, avec large. L’aspect profes- tout cela attractif à leurs yeux. C’est par ce lement dans la section la partie technique repoussée sionnalisant étant en- biais-là que l’on arrivait à remplir la section STI [sciences et techtièrement gommé de de BTS CIRA avec nos élèves de terminale niques industrielles, après le baccalauréat. leurs études au ni- STL option CR. Dans le cadre de la nouvelle NDLR] génie électro- Nicolas Cano, lycée Jules Haag veau du baccalauréat, série STL, non seulement nous ne pourrons technique et, d’une les élèves pourront plus faire ce travail de sensibilisation, mais manière (bien) plus minoritaire, dans d’autres s’orienter vers de multiples formations. les élèves vont être amenés à aller à se dissections STI, parmi des élèves de série S ou Mais comment connaître et choisir une for- perser vers d’autres formations et le BTS ayant un baccalauréat professionnel. mation spécifique et pointue comme le BTS CIRA pourrait en pâtir. La réponse qui nous CIRA sans en avoir découvert auparavant est donnée est que les séries STL d’autres Mesures. Lors de la rentrée scolaire quelques aspects au cours de ses études ? Il établissements nous enverront des élèves. 2010/2011, l’Education nationale a mis en y a des points positifs dans la réforme à C’est possible, bien que ce ne soit pas le cas place la réforme au niveau des classes de venir. C’est entre autre une heure d’ensei- actuellement… Mais compte tenu de l’hoseconde, en attendant les classes de première gnement technologique en anglais, en pre- raire réduit qui sera accordé à l’enseigneet de terminale dans, respectivement, un an mière STL, qui va se faire conjointement ment technique dans les futurs baccalauréats et deux ans. Cette rénovation aura-t-elle des avec un professeur de technologie et un STL et STI, il risque d’être difficile d’attirer répercussions sur les BTS, et en particulier professeur d’anglais. Cet effort vers la maî- des jeunes vers une filière pointue telle que la section CIRA ? trise des langues étrangères dans un cadre le BTS CIRA, surtout au vu de l’image qu’ils Franck Larue. Pour mieux comprendre la technique va se poursuivre dans les années ont de l’industrie. Il y a de plus fortes chances situation, revenons à ce que la rénovation va à venir. que les élèves se dirigent plutôt vers une carchanger en série STL. Jusque-là en seconde, Nicolas Cano. Avec la nouvelle réforme, on rière socialement plus valorisante à leurs et ce qui est encore le cas en première et peut espérer que chaque lycée propose alors yeux, où l’on est devant l’ordinateur en veste, terminale, il y avait trois spécialités : biotech- une série STL comme une alternative à la avec un casque téléphonique sur les nologie, chimie et physique.Avec la réforme, série S, une sorte de baccalauréat S moins oreilles… les spécialités physique et chimie vont être “mathématique” et plus axé sur la phy- Nicolas Cano. Nous sommes par ailleurs regroupées et on se retrouvera avec deux sique… un S “light” avec la partie technique gênés vis-à-vis des industriels parce que l’on spécialités : physique et chimie du labora- repoussée après le baccalauréat. Ce serait en est incapable de leur expliquer quoi que ce toire et toujours biotechnologie. BTS que les élèves feraient vraiment les choix soit. Ils s’inquiètent forcément de l’avenir de Contrairement aux réformes précédentes techniques, pourquoi pas… cette formation professionnalisante. Ils veulent “ ” 18 MESURES 832 - février 2011 - www.mesures.com être écoutés, avoir un mot à dire dans le contenu de l’enseignement en termes de compétences de terrain. Laurent Roy. Les industriels peuvent avoir un poids non négligeable au moment de la décision, puisqu’ils interviennent dans la définition du référentiel des BTS, contrairement à celle du référentiel de la série STL (ce n’est pas un diplôme professionnalisant). Est-ce que le BTS CIRA est un diplôme adapté au marché de l’emploi ? A-t-on besoin de formations plus qualifiées (Bac+3) ou moins qualifiées ? A-t-on besoin de formations non spécialisées ou pas ? C’est surtout aux industriels qu’il revient de répondre à cette question. Nicolas Cano. Ajoutons à cela les délais : comment va-t-on faire en moins d’un an pour disposer d’un BTS qui tienne compte de toutes ces évolutions ? On semble se diriger vers une filière BTS plus réservée aux baccalauréats professionnels, sans pour autant aller vers une filière directe qui s’appellerait “contrôle et régulation” ou “instrumentation” (au niveau baccalauréat professionnel). Mais, pour l’instant, nous n’avons aucune piste, aucun écho. Franck Larue. Il ne faut pas tout faire au même moment, ce ne serait pas gérable. Donnons un peu de temps au temps et faisons déjà cette réforme. Quand elle sera bien engagée au niveau de la première et de la terminale, on verra peut-être poindre à ce moment-là seulement ce qu’il y aura à faire pour la suite. Dans les lycées où l’enseignement technologique est plus fort que chez nous, les implications seront évidemment plus fortes en termes de locaux, de réorganisation. En ce qui concerne une éventuelle réforme des BTS, on se doute qu’il y en aura une parce que la dernière réforme a eu lieu en 2000. Mais je n’ai aucune information, ni sur la réforme des BTS, ni sur le lien avec celle des lycées. Mesures. M. Roy, vous évoquiez précédemment la mauvaise image que les jeunes peuvent avoir du monde industriel… Nicolas Cano. Pour les élèves, l’industrie, c’est sale, c’est lourd, c’est fatigant. Il ne faut dire ni industriel, ni maintenance… Laurent Roy. Le terme “technique” est devenu péjoratif. A l’heure actuelle, dans l’esprit de beaucoup de parents, envoyer ses enfants dans l’enseignement technique, c’est les envoyer à l’échec. Nous, enseignants des matières technologiques, essayons de faire passer le message qu’il y a réellement des filières porteuses en termes d’emplois, et des métiers qui sont loin de l’image du techni- cien qui va tourner un quart de tour quand on lui dit d’aller le faire. En étant en contact avec les industriels, nous voyons bien qu’un élève de BTS CIRA se retrouve dans des entreprises où il acquiert des responsabilités assez importantes au bout d’un certain nombre d’années. Il peut devenir chargé de projets, être complètement en charge de la mise en place d’unités, etc. Nous devons montrer que c’est également un métier “high-tech”, que l’informatique intervient au quotidien dans les process industriels et à quel point la technicité est importante sur les sites dédiés à l’industrie. Nicolas Cano. C’est vrai que nous n’avons pas la même aura, la même belle image que l’automobile ou l’informatique - même si cette dernière est plus belle que la réalité des débouchés professionnels - auprès des jeunes pour les motiver et les recruter. “ Le BTS CIRA a une spécificité : c’est un BTS orienté vers la maîtrise des fluides. ” Franck Larue, lycée Jacques Monod Mesures. Ne serait-il pas envisageable de changer le nom CIRA s’il est trop abscons pour les gens ? Laurent Roy. Oui, peut-être. Mais le risque est de perdre notre identification par le monde industriel. C’est vrai que l’on a un problème de visibilité par rapport au nom CIRA. Le grand public ne comprend pas la signification de ce sigle et, quand ils comprennent le mot industriel, ce n’est pas forcément vu d’une manière gratifiante. Du côté des industriels, un changement de nom signifierait que le BTS CIRA interviendrait dans un secteur plus large que celui des industries de procédé. Cela signifierait égale- ment une fusion de plusieurs BTS dans une formation plus généraliste. Nicolas Cano. Les BTS informatique industrielle ont été capables de se rénover il n’y a pas longtemps, en changeant notamment leur nom. Ils s’appellent désormais IRIS [Informatique et réseaux pour l’industrie et les services techniques, NDLR]. Peut-être que nous devrions réfléchir à une dénomination différente. Franck Larue. On est tous d’accord… Le sigle CIRA, ce n’est pas qu’il ne veut rien dire, c’est qu’il n’est pas lisible. Il me semble qu’on peut le rapprocher du nom d’automaticien/instrumentiste, un automaticien dédié au domaine des fluides. C’est déjà un peu plus précis pour un élève qui cherche sa voie. Il faut de toute façon prendre le temps d’expliquer, au travers de différents exemples, ce que l’on peut faire comme métier, de communiquer. A nous de faire savoir tous les atouts des sections de BTS CIRA, des opportunités dans le développement durable, les énergies renouvelables, etc. Mesures. Quelles sont les formes de communication que vous mettez en œuvre à destination des élèves et de leurs parents ? Franck Larue. Parmi les vecteurs de communication, on trouve le site Internet du lycée, les réunions parents-professeurs, les journées portes ouvertes, etc. Nous devons encore progresser sur cet aspect-là, modifier des choses déjà faites, trouver de nouveaux modes de communication. Au bout de trois ans, il ne faut pas perdre de vue qu’il n’y a plus de mémoire dans le lycée, que le public des familles évolue. Des messages qui paraissaient naturels il y a quelques années, le sont moins. Cela passe par une écoute permanente, une remise en cause de chacun d’entre nous et toujours plus de communication. Même si, en tant qu’enseignants, communiquer ne nous est pas si aisé que ça ; ➜ Idées reçues sur le BTS CIRA Toute l’industrie va être délocalisée en Chine. Le domaine du BTS CIRA ne me touche pas au quotidien. Il n’y a pas assez d’entreprises de ce domaine autour de Lyon. Je ne peux pas travailler dans l’environnement avec un BTS CIRA. Je vais être payé(e) au SMIC. Je ne peux travailler qu’en bleu de travail avec un BTS CIRA. Je ne peux pas poursuivre mes études après un BTS CIRA. Le BTS CIRA m’enferme dans les métiers de la production. Les professeurs de BTS CIRA ont des dizaines d’exemples pour contredire ces idées reçues ! Source : Lycée René Descartes MESURES 832 - février 2011 - www.mesures.com 19 Forum En bref Lycée René Descartes – Créé en 1998 – Situé à Saint-Genis-Laval (Rhône) – Environ 1 300 élèves et environ 150 personnels – Filières L, ES, S, STL et STI – BTS CIRA Lycée Jules Haag – Créé en 1912 – Situé à Besançon (Doubs) – Environ 1 700 élèves et environ 200 salariés – Filières ES, S, STL, STI et Bac Pro – BTS MAI (Mécanique et automatismes industriels), IRIS (Informatique et réseaux pour l’industrie et les services techniques), CIRA (avec section en apprentissage), IMS (Industrie des matériaux souples) et CIM (Conception et industrialisation en microtechniques) – Licences professionnelles ARIA (Automatique et robotique industrielles pour l’assemblage) et IFMP (Ingénierie des formes et des microproduits pluritechnologiques) Lycée Jacques Monod – Créé en 1989 – Situé à Saint-Jean-de-Braye (Loiret) – Environ 1 400 élèves et environ 240 salariés – Filières L, ES, S et STL – BTS Biotechnologie et CIRA 20 qui ont en fait une vision très floue du BTS CIRA. C’est vrai que c’est difficile parfois d’expliquer l’instrumentation, le process… Le deuxième type d’actions que nous menons est exclusivement en direction des élèves, notamment des élèves de seconde. Il s’agit de démystifier un peu la technique au travers de projets moins orientés vers la production industrielle, mais qui mettent en œuvre du matériel technique professionnel. Il s’agit par exemple de mesurer la pression atmosphérique jusqu’à une altitude de 20 km avec une cellule céramique de transmetteur de pression que l’on a logée dans un ballon sonde. Franck Larue : « Le sigle CIRA, ce n’est pas qu’il ne veut rien dire, Les élèves font alors le lien entre le capc’est qu’il n’est pas lisible. Il me semble qu’on peut le rapprocher teur industriel et celui installé dans le du nom d’automaticien/instrumentiste, un automaticien dédié ballon et, ce faisant, sont amenés à renau domaine des fluides ». contrer des industriels. Les élèves sont en effet très sensibles à la venue des profes- moins d’élèves, vous touchez moins. Si vous sionnels dans les établissements scolaires et touchez moins, vous investissez moins et, si aux témoignages qu’ils apportent. Cela leur vous investissez moins, il est plus difficile de permet de se projeter dans l’avenir avec un recruter… c’est un cercle vicieux. plan de formation dans les domaines de Franck Larue. Deux pratiques existent pour l’instrumentation et du process. C’est ce type les versements de la taxe d’apprentissage aude projets que nous pourrions développer près des organismes ad hoc : soit sans citer la plus tard, dans le cadre de la future STL. Je finalité du versement, soit en indiquant une profite de l’occasion pour insister sur l’aide finalité plus précise. Comme il y a eu une que nous a apportée Endress+Hauser dans la réforme du versement de la taxe d’apprenmise en place des projets. Pour réussir dans tissage il y a quelques années, la vision a été cette démarche, nous avons en fait besoin un petit peu brouillée et cela n’a pas amédes industriels. Nous leur lançons d’ailleurs lioré la situation. un appel, ici, pour qu’ils interviennent, comme ils l’ont fait dans le cadre de l’expo- Mesures. Pouvez-vous nous parler de cette sition sur l’instrumentation, un autre projet exposition sur l’instrumentation ? qui se tient tous les deux ans au lycée. Si les Laurent Roy. Il y a trois ans, nous avons acindustriels veulent plus tard bénéficier de cueilli une exposition industrielle sur l’histechniciens supérieurs sur le marché, il est toire du matériel d’instrumentation, organiimportant qu’ils s’impliquent dans les ré- sée par Michel Feuillent, Jacques Guinet et formes : projets prévus dans la présente ré- Jean-Claude Machetto, à laquelle 17 indusforme des sections STL et définition du ré- triels ont participé, chacun avec un stand. férentiel dans la future réforme du BTS. C’est L’année dernière, nous avons réédité l’évéun pari que nous faisons, mais c’est la seule nement en impliquant cette fois des élèves façon que l’on ait trouvée pour essayer de de première STL et de BTS CIRA. Des sociécontinuer à intéresser les élèves à des car- tés, comme Ekium, Emerson Process Management, Endress+Hauser, Eurotherm (groupe Invensys), rières techniques. Nicolas Cano. En matière de matériel, par Grundfoss, JM Concept, Krohne, M&C TechGroup, exemple, nous sommes quand même tribu- Pyro-Contrôle (groupe Chauvin Arnoux), Samson, taires de ce que les constructeurs nous don- Serv’Instrumentation, Siemens, SPC Consultants, Vega nent. Les professeurs de toutes les sections Technique, Yokogawa, ont prêté du matériel à BTS CIRA vous diront que l’investissement l’avance et ont pris le temps de former un est le nerf de la guerre. Monter des maquettes petit nombre d’élèves sur ce matériel. Nous de régulation avec du matériel récent coûte avons d’autant plus apprécié cette démarche, très cher. A une époque, il y avait bien la pos- compte tenu des très fortes contraintes de sibilité de récupérer des maquettes auprès des disponibilité des entreprises. Les élèves deconstructeurs, mais cela se fait moins. Les vaient ensuite tenir le stand de l’industriel sommes données par les entreprises dans le pendant la durée de l’exposition, ce qui leur cadre de la taxe d’apprentissage vont dans un a permis de se responsabiliser, de les faire pot commun du lycée. Si vous avez un peu dialoguer avec ces sociétés, de les projeter MESURES 832 - février 2011 - www.mesures.com Mesures. Vous avez évoqué les efforts important auprès des élèves. Nous aimerions de communication vis-à-vis des élèves également que les industriels intercèdent et des parents, grâce notamment aux auprès de leurs clients pour que l’on puisse constructeurs. Mais qu’en est-il de vos organiser la visite de verreries, de papeterelations avec les industriels et des ac- ries… On est bien conscient que les industions auprès de ces derniers ? triels s’engagent difficilement sur ce genre Franck Larue. Cela dépend beaucoup de partenariats à long terme. Mais nous poudu type d’entreprises. Au niveau des vons être assez souples afin de décaler une grands groupes, même si c’est aussi date, de se plier aux contraintes des indusencore assez nouveau pour eux, nous triels en ce qui concerne les visites. sommes plus dans une phase de recherche de solutions que dans un Mesures. Pour conclure, avez-vous d’autres grand plan d’information généralisée. idées pour améliorer l’image et le recruDes démarches communes avec EDF, tement des sections BTS CIRA ? dont les départs en retraite importants Laurent Roy. Comme nous avions compris s’accompagnent d’un renouvellement que la filière STL allait être amenée à diffuser massif de ses effectifs, notamment avec largement ses élèves à l’extérieur du BTS Laurent Roy : « L’aspect professionnalisant étant gommé de leurs études au niveau du baccalauréat, les élèves pourront s’orienter vers des diplômés en BTS CIRA, sont en CIRA, un projet de création d’une STI2D SIN de multiples formations. Mais comment choisir une formation spécifique cours. A l’échelle des PME, la situation [sciences et technologies de l’industrie et du et pointue sans en avoir découvert auparavant quelques aspects ». est plus délicate. Elles ne sont pas for- développement durable, spécialité système dans une situation industrielle. Il est très im- cément conscientes de notre existence et d’information et numérique, NDLR] est en portant que les élèves aient accès à une pa- l’atout des BTS CIRA, qui est d’être capable cours. On pourrait ainsi intéresser les élèves role extérieure, celle d’un fabricant, notam- de répondre à une multitude de marchés, de cette filière, qui travaillent sur l’électroment, pour acquérir cette culture technique. devient un inconvénient. Nous ne dispo- nique numérique au sens large, à l’instruL’exposition sur l’instrumentation a un bon sons pas de la force de frappe monolithique mentation numérique de process. Et ce serait retentissement au niveau de l’établissement et organisée d’un BTS électrotechnique alors peut-être une source de recrutement et nous aimerions qu’elle en ait un égale- (génie électrique) ou d’un BTS conception pour nous. A mon avis, les deux sources, ment du côté des clients de ces construc- industrielle (génie mécanique), par STI2D SIN et la nouvelle STL physique et teurs. On rencontre encore trop d’industriels exemple. Il faut donc que l’on s’ouvre à chimie du laboratoire, ne seront pas de trop. du process implantés dans la région qui nous d’autres partenaires, en devenant plus Nicolas Cano. Pourquoi ne pas imaginer des disent : « Ah ! Mais il existe un BTS CIRA, ici ». proche des PME locales. Il nous faut aussi campagnes de publicité à la télévision, à Nicolas Cano. L’organisation de l’exposition mettre en évidence les capacités de nos l’instar de celles pour l’artisanat ? Et poursur l’instrumentation s’inscrit chez nous techniciens CIRA en regard des besoins des quoi ne pas disposer d’un concours national, dans le cadre de deux journées organisées entreprises locales. le Grand Prix du meilleur élève en instruavec l’association des anciens élèves AETA. La Laurent Roy. Nous essayons actuellement de mentation, ou de la plus belle maquette, par dernière édition, qui s’est déroulée les 18 et mettre en place une sorte de partenariat of- exemple, qui permettrait de mobiliser les 19 novembre 2010 au lycée Jules Haag, ficiel entre différents constructeurs ou indus- gens et de mieux présenter la filière aux sas’adresse aussi bien aux étudiants du BTS tries et le lycée. Ce partenariat limité pren- lons et forums ? Propos recueillis par Cédric Lardière CIRA, aux élèves de première et de terminale drait la forme d’un engagement de chaque STL, qu’à l’ensemble du lycée. Des anciens partenaire d’intervenir une demi-journée ou élèves membres de l’AETA viennent égale- d’autoriser une visite par an de son entre- Remerciements ment présenter leurs métiers, leurs évolu- prise… Ce serait déjà incroyable de mettre Les interviews de Nicolas Cano (coordinateur tions de carrière, etc. La prochaine exposi- en place cela avec trois ou quatre industriels ; de la section BTS CIRA au lycée Jules Haag), tion est d’ores et déjà prévue en février 2012. on aurait ainsi une vraie visibilité et un écho Franck Larue (chef de travaux au lycée Jacques Monod) DR ➜ nous sommes là avant tout pour faire passer des savoirs et des savoir-faire. Nicolas Cano. Nous avons vraiment un travail de commercial, en plus de notre métier de professeur. Prenons le cas des forums : on est sur une table, avec une pancarte BTS CIRA, des prospectus et il faut faire la danse du ventre pour attirer les élèves. Nos confrères des IUT mesures physiques ou des classes préparatoires en mathématiques supérieures font de même à côté. Certains élèves, qui ont beau être au lycée Jules Haag depuis trois ou quatre ans, s’en vont alors à Belfort, Dijon ou ailleurs. Laurent Roy. On a d’une part des actions de promotion pures et simples, comme les interventions de sensibilisation au niveau des collèges et dans les classes de seconde, au travers de présentations, ou la participation au Salon de l’étudiant. Nous avons également fait réaliser des plaquettes, conçues par nous-mêmes, que l’on diffuse lors des journées portes ouvertes. Il faut convaincre non seulement les élèves et leurs parents, mais aussi nos collègues des matières générales Forum Que ce soit via un site Internet, la création de plaquettes et brochures, la participation à des salons et forums, les équipes pédagogiques des sections de BTS CIRA mettent en œuvre différents moyens pour promouvoir leur section et filière. Avec les réformes en cours et à venir, ils devront redoubler d’efforts s’ils ne veulent pas voir le recrutement diminuer encore. MESURES 832 - Février 2011 - www.mesures.com et de Laurent Roy (professeur de contrôle et régulation au lycée René Descartes) ont également été l’occasion de rencontrer différents professeurs de chacune des équipes pédagogiques. Je tiens à remercier toutes les personnes ayant participé aux interviews pour leur accueil et leur disponibilité. • Au lycée Jules Haag de Besançon :Vincent Cassabois, Frédéric Girardet, François Jacoutot (chef de travaux), Philippe Leichtnam, Hervé L’huillier, Jean-Yves Renou (responsable des anciens élèves) et Raymond Simonin. • Au lycée Jacques Monod de Saint-Jean-de-Braye : Jean-Louis Brun (physique industrielle), Sylvain Lechevalier (régulation et physique appliquée), Olivier Tissier (régulation et automatisme) et Jean-Louis Virazels, proviseur de l’établissement. • Au lycée René Descartes de Saint-Genis-Laval : Evelyne Aroles, proviseur de l’établissement, Alain Churassy (chef de travaux) et Hervé Reymond (automatismes). 21