Rachel Haziza - Patrimoine Littérature Histoire

Transcription

Rachel Haziza - Patrimoine Littérature Histoire
HAZIZA Rachel - « Autour de l'ivresse... » - Journée des Doctorants et Jeunes Chercheurs de l’équipe ELH-PLH
21 mars 2014
LA POETIQUE RABELAISIENNE : IVRESSE, PRESENCE ET
SYNESTHESIE
« Alors, l'ode, embrassant Rabelais, s'enivra1».
L'image que l'on se fait de Rabelais est souvent celle d'un ivrogne. Image que l'on
trouve notamment dans l’Épitaphe que Ronsard écrit en l'honneur de Rabelais en 1554 et qui
est publiée dans son recueil d'écrits de passe-temps, le Bocage2. Cependant, cette figure de
l'auteur ivre semble être une pure invention. Rien ne nous dit que Rabelais ait été réellement
un amateur de gigantesques beuveries à l'image de ces bons pantagruéliques qu'il met en
scène dans ses romans. Ronsard, dans son Épitaphe assimile Rabelais à son œuvre, ou plutôt
aux héros de sa fiction. Même si cela apparaît comme une forme d'hommage rendu à la
grandeur de l’œuvre rabelaisienne  hommage peut-être quelque peu satirique, la question
reste ouverte  faire de cette œuvre immense et complexe une sorte de grande beuverie, de
vulgaire enivrement hédoniste semble être pour le moins réducteur.
Dans son article « Ivres de savoir », Laurent Zimmermann rappelle que plus tard
Rimbaud nomme Rabelais dans sa petite liste des auteurs qu'il déteste, pour les même raisons
que Ronsard semblait le louer3. Il reprocherait à l'ivresse rabelaisienne de n'être qu'une
« entrée dans un mode de jouissance ne s'intéressant en rien à cette connaissance du monde
que la poésie [selon Rimbaud] devrait permettre d'atteindre ». Mais Laurent Zimmermann
répond à Rimbaud : Rabelais est un des premiers auteurs à avoir inventé : « une ivresse
1
HUGO (Victor), Les Contemplations, Paris, L.G.F., 2002, p. 51.
RONSARD (Pierre de), « Epitaphe de François Rabelais», dans Poésies choisies, Paris, Garnier Frères, 1969,
p. 422-424. « Une vigne prendra naissance / De l'estomac et de la pance / Du bon Rabelais, qui boivoit /
Tousjours ce pendant qu'il vivoit / La fosse de sa grande gueule / Eust plus beu de vin toute seule / (L'epuisant du
nez en deus cous) / Qu'un porc ne hume de lait dous, / [...] / Jamais le Soleil ne l'a veus / Tant fût-il matin, qu'il
n'eut beu, / Et jamais au soir la nuit noire / Tant fut tard, ne l'a veu sans boire. / Car, alteré, sans nul sejour / Le
gallant boivoit nuit et jour ».
3
RIMBAUD (Arthur), «Seconde lettre du Voyant», dans Poésies, Une saison en enfer, Illuminations, Paris,
Gallimard, 1973, p. 205. Arthur Rimbaud écrit cette lettre à son ami poète Paul Demeny le 15 mai 1871. Au
moment où il critique la poésie de Musset, Rimbaud écrit : « Encore une œuvre de cet odieux génie qui a inspiré
Rabelais, Voltaire, Jean La Fontaine».
2
1
complexe, impure, qui s'emporte vers le corps mais qui laisse place au savoir. Pas n'importe
quel savoir pourtant. Non pas un ensemble de résultat, une quelconque doctrine […] mais un
processus, la possibilité du savoir, davantage que sa réalisation. L'ivresse est ainsi ce qui
perturbe la « distribution des valeurs4 ». Ce qui nous offre cette sorte de machine à perturber
les valeurs que sera le roman avec Rabelais, un espace de savoir ouvert, un appel au savoir qui
ne se fige pas en un savoir constitué5 ».
Ainsi, la question de l'ivresse chez Rabelais est beaucoup plus complexe que la pure
recherche hédoniste du plaisir, même si l'entrée dans cet état de gaieté chez Rabelais comme
chez tous bons pantagruélistes qui se respectent, reste primordiale dans la vie d'un homme et
dans son accession au bonheur. Si l'ivresse apparaît dans l’œuvre rabelaisienne au sens littéral
du terme, nous verrons que plus indirectement, ce mouvement d'enivrement apparaît dans le
style même de Rabelais. Poète de la variation, de l'énumération, poète libérateur des mots,
poète polyglotte, poète de l'ouverture, poète qui donne à entendre, à voir, à goûter, à sentir,
poète de la rencontre, de l'expérience, du mouvement, « l'ode en embrassant Rabelais » ne put
que s'enivrer.
Nous nous intéresserons, dans un premier temps, à la question de l'ivresse poétique
chez Rabelais. Poète de la variation, par son style singulier, l'auteur nous fait ressentir à la
lecture de son œuvre des effets comparables à ceux de l'ivresse.
Ivresse poétique : Rabelais, poète de la variation
A l'époque où Rabelais écrit, on voit apparaître le premier dictionnaire du français par
Robert Estienne en 1539 et les premières grammaires comme celle de Palsgrave en 1530 ou
encore de Sylvius en 15316. La langue de Rabelais est une langue « drue », en évolution, pas
encore fixée ni dans son vocabulaire ni dans ses préceptes de grammaire et de style. Ainsi,
Rabelais s'inscrit pleinement dans son temps. Dans ses œuvres, véritable « ouvroir de langue
potentielle », pour reprendre l'expression de Jean-Charles Monferran, il recense aussi bien les
mots rares, dialectaux, propres au langage oral que les mots techniques et savants. Ainsi, JeanCharles Monferran écrit: « [il] forme à sa manière une encyclopédie du français et de ses
4
Expression que Laurent Zimmermann emprunte à Michel Jeanneret. Voir JEANNERET (Michel), Le Défi des
signes. Rabelais et la crise de l'interprétation à la Renaissance, Orléans, Paradigme, 1994, p. 177-178.
5
ZIMMERMANN (Laurent), «Ivres de savoir », dans Le Magazine Littéraire, n° 511, Sept. 2011, p. 84.
6
Comme nous le rappelle Jean-Charles Monferran dans son article « Un ouvroir de langues potentielles ». Voir
MONFERRAN (Jean-Charles), « Un ouvroir de langues potentielles », dans Le Magazine Littéraire, n° 511,
Sept. 2011, p.71.
2
formes, mots de tout type et de toutes origines7 ».
« Un ouvroir de langues potentielles8»
En effet, véritable « Babel rabelaisienne9», cette œuvre est truffée de langues
étrangères, de néologismes, de dialectes, de patois, de jurons. Pour illustrer cette idée nous
pourrions citer au moins deux exemples significatifs, parmi tant d'autres. Le premier, et
sûrement le plus connu, est celui de la rencontre entre le Géant10 et Panurge au chapitre 9 de
Pantagruel. Alors qu'il se promenait hors de la ville, Pantagruel rencontre celui qui deviendra
pour le restant de sa vie son plus fidèle ami. Alors que le Géant lui demande, intrigué : « Qui
estes-vous ? Dont venez vous ? Où allez vous ? Que quérez vous ? Et quel est vostre
nom ?11 », Panurge lui répond successivement en treize langues différentes12 avant de lui
avouer qu'il est français de langue maternelle, originaire de Touraine, le « jardin de France »,
tout comme Pantagruel. Panurge maîtrise l'ensemble de ces langues étrangères et possède le
don de savoir en jouer à souhait. Ainsi, le Géant ne s'offusque en rien et propose même à son
nouveau compagnon de quoi se restaurer à la fin de l'épisode. Dans un épisode qui précède de
quelques chapitres, et qui très souvent est comparé à celui de la rencontre entre le Géant et
Panurge par les critiques rabelaisiennes, Pantagruel rencontre un écolier limousin, au chapitre
6, qui à l'inverse de Panurge, ne sait absolument pas jouer de ses galimatias. En effet, ce
pseudo parisien, originaire de Limoge, qui use d'une langue française latinisée pour se donner
un genre, et qui par la même, masque ses origines, met le Géant terriblement en colère. En lui
criant dessus et en le prenant par le col il parvient à faire resurgir en lui sa langue naturelle et
maternelle qu'est son patois limousin.
7
MONFERRAN (Jean-Charles), ibid.
Voir titre de l'article de Jean-Charles Monferran, Ibid.
9
Expression cette fois empruntée à Mireille Huchon. Voir HUCHON (Mireille), « La Babel rabelaisienne», dans
Le Magazine Littéraire, n° 511, Sept. 2011, p.72.
10
C'est pour rappeler qu'au XVIe siècle ces êtres étaient considérés comme une race particulière d'homme que
nous prenons le parti de mettre une majuscule au mot Géant, adoptant ainsi la démarche de Stephens Walter.
Dans Les Géants de Rabelais : folklore, histoire ancienne, nationalisme, il rappelle la définition de « Géant »
dans l'Encyclopédiea Britannica, publié en 1878, et qui perdurera jusqu'au début du XXe siècle : « Races
spéciales distinctes du genre humain. […] Si l'on en juge par les restes que nous avons retrouvés, il n'apparaît pas
que les géants, entendus comme tribus ayant comme caractéristique une corpulence en tout point surhumaine
aient jamais existé, ou que les hommes de temps anciens aient été, en général, plus grands que ceux qui vivent
aujourd'hui ». Voir WALTER (Stephens) , Les Géants de Rabelais : folklore, histoire ancienne, nationalisme,
trad. F. Preisig, Paris, Champion, 2006.
11
RABELAIS (François), Pantagruel, Paris, Seuil, 1973, 2e éd. 1995, 3e éd. 1996, chap. 9, p. 126. (Edition de
référence pour cet article).
12
En allemand, en une sorte de jargon oriental, en italien, en écossais, en basque, en lanternois (langue inventée
par Rabelais), en hollandais, en espagnol, en danois, en hébreu, en grec, en utopien (autre invention de l'auteur),
puis en latin.
8
3
Lors le print à la gorge, luy disant: « Tu escorche le latin? par sainct Jan! je te feray escorcher le renard,
car je te escorcheray tout vif. »
Lors commenca le pauvre Lymosin à dire: « Vée dicou, gentilastre! Ho! sainct Marsault, adjouda my!
Hau, hau! laissas à quau, au nom de Dious, et ne me tousquas grou! »
A quoy dist Pantagruel: « A ceste heure parle tu naturellement! »13.
Rabelais nous fait donc entendre toutes ces langues et les mélange au français tant et si
bien que nous finissons par entrer dans un tourbillon linguistique enivrant. Si ces deux
épisodes illustrent bien cette esthétique plurilinguiste, il est important de noter que tout au
long de ces œuvres, les personnages, très souvent, mêlent dans leurs propos en français des
citations ou des bouts de phrases latines, souvent extraites de la Bible. Dans cette richesse
linguistique, Rabelais mêle aussi des termes éminemment techniques, comme des termes
médicaux ou juridiques, et invente même des néologismes. Une fois de plus il serait trop long
de recenser ici toutes les occurrences latines et ces vocabulaires variés. Cependant, la
harangue de Janotus de Bragmardo est un excellent épisode pour donner à sentir cette langue
si particulière. Dans le chapitre 19, le sophiste « tondu à la césarine », « vestu de son
lyripipion à l'antique14 », et quelque peu alcoolisé, s'apprête à faire un discours pour récupérer
les cloches de Notre-Dame volées par le Géant et ses compagnons mais rendues entre temps
sans qu'il soit mis au courant. René Favret, dans son article « A propos du style de Rabelais »,
écrit « L'ivresse prétendue de Janotus est une ivresse de mots, d'expressions tournant dans sa
tête, « pot pourri de citations sacrées, de proverbes, de phrases macaroniques », où se
succèdent jeux de mots, parodie, jargon scolastique, accumulation de particules latines,
onomatopées15 ». En effet, dans cet épisode on peut noter la présence : de proverbes latins16,
de néologismes français17 mais aussi latins18. De plus, Janotus pour conclure sa harangue
utilise trois formes de conclusions issues de différents milieux19: « Et plus n'en dict le
deposant », qu'on retrouve dans des dépositions judiciaires, « Valete et plaudite », présent à la
fin des comédies latines et enfin « Calepinus recensui20 », formule qui clôt le travail d'un
scribe. Enfin, au début du chapitre suivant, Rabelais use d'une série de termes médicaux pour
13
Pantagruel, chap. 7, p. 96.
RABELAIS (François), Gargantua, Paris, Seuil, 1973, 2e éd. 1995, 3e éd. 1996, chap. 18, p. 158. (Edition de
référence pour cet article).
15
FAVRET (René), « A propos du style de Rabelais», dans Bulletin annuel des Amis de Rabelais et de la
Devinière, 2012, p. 34-40.
16
Gargantua, chap. 19, p. 162: «Reddite que sunt Cesaris Cesari et que sunt dei deo. Ibi jacet lepus».
17
Ibid. « il y a dix huyt jours que je suis à matagraboliser ceste belle harangue ».
18
Ibid. « O, monsieur domine, clochidonnaminor nobis ».
19
Ibid. p. 166.
20
Calepin était un lexicographe italien, auteur d'un célèbre dictionnaire en latin-italien publié pour la première
fois en 1502.
14
4
décrire la manifestation physique du rire chez les compagnons :
Ensemble eulx, commenca rire maistre Janotus, à qui mieulx mieulx, tant que les larmes leurs venoient
ès yeux par la vehemente concution de la substance du cerveau, à laquelle furent exprimées ces
humiditez lachrymales et transcoullées jouxte de nerfz optiques. En quoy par eulx estoyt Democrite
Heraclitizant et Heraclyte Democritizant representé21.
Ainsi, tous ces jeux langagiers, ce plurilinguisme exacerbé et cette libération des mots
font dire à Jean-Charles Monferran: « la syntaxe de Rabelais résiste, et son dictionnaire
étourdit : mots populaires et savants, mots anciens et nouveaux, mots français et étranges,
venus de partout et de nulle part. Aussi le lecteur [actuel] n'est-il guère plus en peine que celui
de 1550 : il se trouve comme lui face à un nouveau monde, aussi fascinant que profondément
insolite, où l'acclimatation ne permet jamais à l'étrangeté de se dissiper tout à fait 22 ». Dans
l’œuvre de Rabelais les mots sont comme libérés, autonomes et se dérobent à nous et parfois
même aux personnages qui les prononcent comme lors de l'épisode du procès de Humevesne
et Baisecul que Pantagruel est appelé à éclaircir de façon aussi surréaliste que le font les deux
adversaires lors de leurs plaidoiries respectives aux chapitres 10 à 13 de Pantagruel.
La liste rabelaisienne : enivrement par les mots
Nous allons maintenant parler d'une autre caractéristique stylistique que l'on retrouve
tout au long des œuvres rabelaisiennes : la liste. Nous ne pouvons pas, lorsque nous nous
posons la question de l'ivresse dans la poétique rabelaisienne, omettre de mentionner ces
étranges énumérations. Bien sûr, l'esthétique de la liste n'a rien de nouveau en littérature.
Rappelons nous, par exemple, la longue énumération d'Homère lorsqu'au chant 8 de l'Iliade
l'auteur décrit le bouclier « démesuré » d'Achille fabriqué par la Dieu Héphaïstos à la
demande de la mère du guerrier, Thétis. Cependant, Umberto Eco, dans son ouvrage Vertige
de la liste, note qu'à partir de Rabelais l'utilisation excessive de ces listes donne naissance à
une esthétique éminemment moderne23.
Dans son Pantagruel, au chapitre 7, au moment où le Géant part poursuivre ses études
à la grande université de Paris, Rabelais répertorie 144 titres d'ouvrages qui se trouvent à la
bibliothèque de l'abbaye de Saint-Victor. D'ordinaire, une liste de livres de bibliothèque est
21
Gargantua, chap. 20, p. 166.
MONFERRAN (Jean-Charles), « Un ouvroir de langues potentielles », op. cit., p.70.
23
ECO (Umberto), « L'excès, à partir de Rabelais », dans Vertige de la liste, trad. M. Bouzaher, Paris,
Flammarion, 2009, p. 245-277.
22
5
une liste pratique. Mais en intégrant de fausses références parmi des œuvres qui ont
réellement été publiées à l’époque de Rabelais, l'auteur donne à cette liste un aspect poétique.
Ainsi, chez Rabelais, la liste, qui normalement répond à un souci d'ordre pratique, devient
poétique et ne semble n'avoir de fin qu'elle même. Pour visualiser l'ampleur des listes que
Rabelais intègre dans son œuvre, il suffit d'observer celle qui se trouve au chapitre 22 du
Gargantua dans lequel le narrateur énumère les jeux auxquels s'adonne le Géant pendant sa
jeunesse. Elle s'étend sur sept pages24 !
Les listes rabelaisiennes excessives sont chaotiques et ne semblent répondre à aucune
logique. Elles produisent dans l'esprit du lecteur un vertige enivrant. Notre esprit se voit dans
l'incapacité de se poser. Un mot en appelle un autre puis un autre, encore un, et l'on semble
être pris dans un tourbillon infini de mots, de sons, et d'images. Dans le Gargantua, il est
intéressant de noter qu'au chapitre 33, la fiction même représente l'effet que peut provoquer
une énumération dans l'esprit d'un personnage, ici le tyran Picrochole, l'ennemi contre lequel
luttent Gargantua et ses compagnons. Dans ce chapitre, les gouverneurs de Picrochole lui
parlent de ses projets de conquêtes. Le tyran, pris et entraîné par la litanie des termes
géographiques énoncés par ses gouverneurs, entre dans une imagination délirante. La fiction
semble se métamorphoser, dans l'esprit des Picrocholistes et de leur roi, en réalité. Ce qui fera
dire par ailleurs à Echéphron25 s'adressant à Picrochole :
j'ay grand peur que toute ceste entreprinse sera semblable à la farce du pot au laict, duquel un
cordouannier se faisoit riche par resveire26.
René Favret dans son article « A propos du style de Rabelais », note que ces personnages
« sont victimes des mots. Une vue très juste, car souvent, lorsque nous parlons, le mots nous
entraînent au-delà de notre pensée... ».
Véritable corne d'abondance verbale, nous pourrions nous demander pourquoi
Rabelais écrit tout au long de ses œuvres des listes. Est-ce pour mettre en place un savoir
encyclopédique ? Est-ce pour parodier et critiquer l'esthétique logique et sorbonnarde de son
temps ? Est-ce par pur plaisir de jouer avec les mots et leurs sonorités ? Ou pour inviter son
24
Gargantua, chap. 22, p. 178-190. Nous pourrions citer d'autres listes comme par exemple celle qui se trouve
au chapitre 1 de Pantagruel, au moment où le narrateur fait un retour sur la généalogie du Géant ; ou encore
l'énumération des soixante dix-neuf personnages qu'Epistémon rencontre lors de son voyage en enfer au chapitre
30. Nous pourrions aussi évoquer toutes les autres listes qui apparaissent dans le Tiers Livre comme par exemple,
dans le Prologue, la liste de verbes d'actions que Diogène effectue avec son tonneau ou encore dans le Quart
Livre, les deux cent douze comparaisons dont l'auteur se sert pour décrire l'horrible Quaresmeprenant et qui
s'étendent sur trois chapitres! (Voir Quart Livre, chap. 30-32, p. 266-278).
25
Echéphron signifie « le Prudent » en grec.
26
Gargantua, chap. 33, p. 258.
6
lecteur à jouer avec lui et à compléter cette liste qui par définition reste inachevée ? Peut-être
que finalement Rabelais cherche un peu tout cela à la fois. Mais peut-être aussi, et cela semble
essentiel et commun à toutes ces listes, l'auteur trouve en leur esthétique l'incarnation du
mouvement de son art de vivre : un mouvement infini, un mouvement d'ouverture, un
mouvement de libération des mots et par la-même de l'esprit.
Vers un constant renouvellement : une poétique du mouvement
Nous allons maintenant étudier les rythmes et les variations dans la syntaxe
rabelaisienne. Ces rythmes contribuent, tout comme le font les listes, à ce mouvement
enivrant propre à l'esthétique rabelaisienne. Au delà des énumérations, des longues listes, on
remarque chez Rabelais ce que René Favret appelle des « redondances ». Dans son article , il
analyse le rythme de la prose rabelaisienne. Il remarque l'emploi à plusieurs reprises de
rythmes binaires comme par exemple, dans le Prologue du Gargantua : « le voyant et
l'estimant, tant laid et ridicule, pauvre en fortune et infortuné, prélude et coup d'essai,
disciples et fols de séjour, dérisions et gaudisserie ; curieuse leçon et méditation fréquente,
escors et preux, sacrement et mystères ». Le critique note que : « ces un-deux habituels dans
toutes les pages de Rabelais donnent l'impression de mots en marche […]. La reprise de ces
rythmes évoque aussi une sorte de ressac qui revient avec régularité, une poussée de mots vers
le rivage de notre entendement27 ». Il montre également qu'au-delà de ce rythme binaire la
cadence de la syntaxe rabelaisienne enfle et se transforme en rythme ternaire voire
quaternaire. Ainsi, au chapitre 15 de Gargantua, Grandgousier remarque que l'éducation des
sophistes a rendu son fils « fou, niais, tout rêveux et rassoté », ce rythme quaternaire pourrait
être mis en parallèle dans le même chapitre avec les qualificatifs attribués à Eudémon,
disciple du futur précepteur du Géant, Ponocrate, « tant bien testonné, tant bien tiré, tant bien
épousseté, tant honnête en son mantient ».
Rabelais joue sans cesse avec les mots et leurs sonorités. Au chapitre 13, alors que le
jeune Géant expérimente plusieurs « torche-culs » pour savoir lequel sera le plus efficace et le
plus agréable au toucher, son père Grandgousier découvre en lui des talents de poète :
Mais :
Tousjours laisse aux couilles esmorche
Qui son hord cul de papier torche
– Quoy ! (dit Grandgousier) mon petit couillon, as-tu prins au pot, veu que tu rimes deja ?
– Ouy dea (respondit Gargantua) mon roy, je rime tant et plus et en rimant souvent m'enrime 28.
27
28
FAVRET (René), « A propos du style de Rabelais», op. cit., p. 36.
Gargantua, chap. 13, p. 134-136. Notons qu'ici, Rabelais emprunte l'équivoque « rime » et « enrime » à
7
D'autres variations éminemment comiques apparaissent dans le Gargantua. Par exemple, au
chapitre 27, alors que le vaillant Frère Jean des Entommeures vient au secours de la vigne de
son abbaye de Seuillé, pillée par les Picrocholistes, et massacre ces derniers tel un héros sorti
tout droit d'un roman de chevalerie, Rabelais, en une phrase, dresse le tableau pathétique du
champ de bataille après l'exploit guerrier du moine: « Les ungs mouroient sans parler, les
aultres parloient sans mourir. Les ungs mouroient en parlant, les aultres parloient en
mourant29».
Avec Rabelais, un mot inventé en appelle un autre. Il s'adonne dans ses œuvres à
d'autres types de variations reposant cette fois sur un seul mot. Dans l'épisode de la harangue
de Janotus de Bragmardo, au chapitre 19 de Gargantua, l'orateur tousseux s'adonne à une
variation latinisante: « Omnis clocha clochabilis in clocherio clochando clochans clochativo
clochare facit clochabiliter clochantes30 ». Nous retrouvons ce même genre de variation, cette
fois à partir du mot français « moine », dans le portrait de Frère Jean au chapitre 27 de
Gargantua.
En l'abbaye estoit pour lors un moyne claustrier, nommé Frère Jean des Entommeures, jeune, guallant,
frisque, de hayt, dextre, hardy, adventureux, délibéré, hault, maigre, bien fendu de gueule, bien
advantaigé en nez, beau despesccheur d'heurs ; beau desbrideur de messes, beau descroteur de vigiles,
pour tout dire sommairement vray moyne si oncques en feut depuys que le monde moynant moyna
de moynerie ; au reste clerc jusques ès dents en matière de bréviaire 31.
Si nous prenons maintenant l'œuvre de Rabelais dans son ensemble, nous pourrons
noter que l'auteur s'adonne sans cesse au jeu de variations, et de réécriture. Ainsi, son œuvre
est construite en réseaux. Des épisodes se font écho à l'intérieur d'une même œuvre, comme
nous l'avons vu lorsque nous avons mis en parallèle la rencontre du Géant et de l'écolier
Limousin suivie de celle avec Panurge dans le Pantagruel. Mais des échos se font aussi entre
deux œuvres comme par exemple la lettre de Gargantua à son fils au chapitre 8 de Pantagruel
et celle de Grandgousier à son fils au chapitre 29 de Gargantua. Des personnages rabelaisiens
également se complètent comme Panurge et Pantagruel ou encore Gargantua et Frère Jean.
Ainsi la question de la variation et du langage est centrale dans l’œuvre rabelaisienne.
A ce propos, Daniel Ménager note : « Un principe semble commander [la] structure [de
Clément Marot qui publie en 1518 une « Petite Epistre au Roi » dans son recueil L'Adolescence clémentine. Voir
MAROT (Clément), « Petite Epistre au Roi », dans Œuvres Poétiques, tome 1, Paris, Bordas, 1990. «En
m’ébattant je fais rondeaux en rime, / Et en rimant bien souvent, je m’enrime ; / Bref, c’est pitié d’entre nous
rimailleurs, / Car vous trouvez assez de rime ailleurs, / Et quand vous plait, mieux que moi rimassez, / Des biens
avez et de la rime assez ».
29
Gargantua, chap. 27, p. 228.
30
Gargantua, chap. 19, p. 164.
31
Gargantua, chap. 27, p. 222.
8
l'œuvre] : celui de la reprise avec variation. Sans cesse Rabelais revient à un épisode, une
situation ou même une phrase antérieure pour les varier et les récrire. Si la répétition pure et
simple est un principe de mort, cette faculté de renouvellement incessant est une puissance de
vie […]. [Ce] principe de composition [...] s’accorde parfaitement avec la philosophie même
de Rabelais32 ». De même, qu'est-ce que le Tiers Livre sinon une variation sur les langages
propres à une corporation ou à une figure incarnée dans un personnage comme par exemple le
médecin, l'avocat, le fou, qui répond à la question que se pose Panurge concernant son
cocuage et qui finalement apparaît là comme un prétexte à la rencontre ?
La langue de Rabelais est donc une langue qui se lit, qui s'entend, qui se voit et se sent.
Une « langue populaire, colorée, charnue, livrant le monde sous des angles variés et dans des
lumières changeantes » et Marcel Aymé de poursuivre dans sa préface aux œuvres de
Rabelais : « L’œuvre de Rabelais est l'explosion d'une extraordinaire puissance verbale qui
trouve dans le mouvement même sa force et sa signification […] le déferlement des mots nous
entraîne au-delà de ce qu'ils expriment […] comme le ferait la poésie33 ». Il est temps à
présent de se poser une nouvelle question au sujet du style rabelaisien: comment l'ivresse
esthétique chez Rabelais, passe aussi par la convocation des sens de son lecteur?
Synesthésie et esthétique théâtrale chez Rabelais :
A l'époque de Rabelais, bien que l'imprimerie soit en plein essor, la pratique de la
lecture à haute voix est encore présente. Notons que François Ier se fait lire les œuvres de
Rabelais tout haut. De plus, au XVIe siècle, la parole entendue est très fortement présente dans
la vie de tous les jours. On entend dans les rues bruyantes et sur les places publiques, les cris
des bateleurs. Or, René Favret regrette ce temps « où la parole était encore reine » et l'oppose
au nôtre, « [où nous vivons] parmi toutes sortes de machines et le tohu-bohu des images, [où]
32
MENAGER (Daniel), Rabelais en toutes lettres, op. cit., p. 51-52.
Cité par René Favret dans son article « A propos du style de Rabelais», op. cit., p. 40. Nous pourrions, en effet,
noter la ressemblance entre le style de Rabelais et la poétique des « Grands Rhétoriqueurs », qui du XVe au XVIe
siècle montrent leur goût pour les rimes riches, le mouvement des vers qui s'enchainent librement et toutes
formes de jeux langagiers. Nous pourrions nommer, entre autre exemple, le poète et dramaturge Pierre Gringore
(1475-1539), directeur de troupe à Paris. Il est notamment l'auteur de Le Cry du prince des Sotz: « Sotz
lunatiques, sotz estourdis, sotz sages, / Sotz de villes, de chasteaulx, de villages, / Sotz rassotés, sotz nyais, sotz
subtilz, / Sotz amoureux, sotz privéz, sotz sauvages, / Sotz vieux, nouveaux, et sotz de toutes âges, / Sotz
barbares, estranges et gentilz, / Sotz raisonnables, sotz pervers, sotz retifz ; / Vostre prince, sans nulles
intervalles, / Le mardy gras, jouera ses jeux aux Halles ».
33
9
nous ne nous entendons plus au sens phonétique, tant nous sommes environnés de bruits ou
l'attention captée par les images en mouvement34 ». L'œuvre de Rabelais est empreinte de
toute cette atmosphère qui régnait au
e
XVI
siècle. Rabelais nous fait également entendre la
langue, les dialectes de toutes ces régions de France qui avaient chacune son parler, son patois
et ses accents, comme nous l'avons évoqué plus haut. C'est ce qui fera dire à Bakhtine dans
L’œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Age et sous la Renaissance :
« [Rabelais] a puisé à des sources orales un nombre considérable des éléments de sa langue ».
En convoquant, les sens de son lecteur, il nous donne à entendre ces bruits et ces cris, cette
atmosphère qui, hélas, n'est plus la nôtre.
Rires, cris, bruits et onomatopées dans l'œuvre de Rabelais:
Chez Rabelais, les compagnons pantagruéliques crient et rient à gorge déployée. Des
« Haha », des « Hoho » sont, ainsi, retranscrits tels quels dans ses œuvres. Au chapitre 15 de
Pantagruel, alors que Panurge enseigne aux bons compagnons pantagruéliques et au Géant la
« manière bien nouvelle de bastir les murailles de Paris » avec « les callibistrys des femmes »,
à la fin de sa démonstration, l'on entend Pantagruel rire aux éclats:
« Quel diable defferoit telles murailles? Il n'y a métal qui tant resistast aux coups. Et puis que les
couillevrines se y vinsent froter, vous en verriez (par Dieu) incontinent distiller de ce benoist fruict
de grosse verolle menu comme pluye, sec au nom des diables. Dadvantaige, la foudre ne tumberoit
jamais dessus. Car pourquoy? Ilz sont tous benists ou sacrez.
« Je n'y voy q'un inconvenient.
- Ho, ho, ha, ha, ha! (dist Pantagruel). Et quel?
- C'est que les mousches en sont tant friandes que merveilles, et se cueilleroyent facillement et y feroit
leur ordure: et voylà l'ouvrage gasté35!
Selon, Jean Charles Monferran : « Faits en partie pour être lus à haute voix, les romans de
Rabelais nécessitent parfois qu'on les gueule et qu'on les crie36 ». Au chapitre 39 de
Gargantua, lors d'un banquet, le Géant fait appeler et rencontre pour la première fois celui qui
deviendra son plus fidèle compagnon, Frère Jean des Entommeures. Les compagnons
34
FAVRET (René), « A propos du style de Rabelais », op. cit., p. 39. Plus haut (p. 34), René Favret note : « Les
contemporains ne saisissaient sans doute pas toutes les allusions du texte, mais ils le comprenaient autrement : ils
le ressentaient, savouraient ; ils l'entendaient directement, avec une autre prononciation, comme nous ne pouvons
plus le faire, outre que leurs sensibilités, leurs rires, leurs amusements différaient bien des nôtres. Depuis lors,
comme le remarquait Guy Demerson en 1973, « notre langue s'est figée, notre parole est brève et nos
divertissements passifs » ».
35
Pantagruel, chap. 15, p. 182.
36
MONFERRAN (Jean-Charles), « Un ouvroir de langues potentielles », op. cit., p.71.
10
l'accueillent à bras ouverts, dans une atmosphère festive, emplie de cris, d'exclamations, de
bruits.
Quand il feut venu, mille charesses, mille embrassemens, mille bons jours feurent donnez: « Hes! frere
Jan, mon amy! Frere Jan, mon grand cousin, frere jan, de par le diable! L'acollée, mon amy!
- A moy la brassée!
- Czà, couillon, que je te estrene de force de t'acoller! » Et frere Jan de rigoller: jamais homme ne feut
tant courtoys ny gracieux. « Czà, czà, dist Gargantua, une escabelle icy, aupres de moy, à ce bout.
- Je le veulx bient (dist le Moyne), puis qu'ainsi vous plaist. Page, de l'eau! Boute, mon enfant, boute:
elle me rafraischira le faye. Baille icy, que je guargarize 37 ».
Certes, toutes ces exclamations expriment la joie, l'allégresse, l'amitié que partagent nos bons
compagnons. Mais, nous pourrions aussi noter que tous ces cris sont parfois à l'origine de la
création d'un nom. Ainsi, l'onomastique, chez Rabelais, naîtrait des paroles, des exclamations
et des cris des personnages, sortis du cœur, spontanés et naturels. Par exemple, au chapitre 16
de Gargantua, le nom de la région de la Beauce aurait été créé à partir de la parole du Géant
qui, à la vue du paysage entièrement déforesté par sa géante jument, se serait exprimé: « je
trouve beau ce38 » . De même, le nom du Géant, Gargantua, viendrait de l'exclamation de son
père Grandgousier; qui, à la naissance de son fils, en entendant l'enfant crier « A boyre ! »,
aurait dit: « Que grand tu as ! 39». Ainsi, les mots ne naîtraient pas de conventions savantes et
réfléchies mais bien de façon « instinctive ». Les noms entretiendraient donc un lien étroit et
direct avec leurs significations40.
Si dans l'œuvre de Rabelais on entend les personnages rire et crier, on y entend aussi
une multitude de sons, de bruits et d'onomatopées. Au chapitre 27 de Gargantua, Rabelais
retranscrit la psalmodie bégayante des moines de l'abbaye de Seuilly :
37
Gargantua, chap. 39, p. 282-284.
Gargantua, chap. 16, p. 152. « soubdain qu'ilz feurent entrez en la dicte forest et que les freslons luy eurent
livré l'assault, elle desguaina sa queue et si bien s'escarmouschant les esmoucha, qu'elle en abatit tout le boys: à
tord, à travers, deczà, delà, par cy, par là, de long, de large, dessus, dessoubz, abatoit boys comme un fauscheur
faict d'herbes. En sorte que depuis n'y eut ne boys ne frelons, mais feut tout le pays reduict en campaigne. Quoy
voyant, Gargantua y print plaisir bien grand, sans aultrement s'en vanter. Et dist à ses gens : «Je trouve beau ce»,
dont fut depuis appellé ce pays la Beauce ».
39
Gargantua, chap. 7, p. 92. « Le bon homme Grandgousier beuvant et se rigollant avecques les aultres entendit
le cry horrible que son filz avoit faict entrant en la lumiere de ce monde, quand il brasmoit demandant : « A
boyre, à boyre, à boyre! », dont il dist : « Que grand tu as! » (supple le gousier). Ce que ouyans, les assistans
dirent que vrayement il debvoit avoir par ce le nom Gargantua ».
40
Cette remarque pourrait rapprocher Rabelais du cratylisme. Cette théorie naturaliste s'oppose à une théorie
arbitraire du langage et donc à l'idée selon laquelle les mots naitraient d'une convention entre les hommes. En
effet, selon Cratyle, partisan de la conception naturaliste du langage : « Il y a pour chaque chose un nom qui lui
est naturellement approprié et [ce] n'est pas un nom que certains hommes lui ont attribué par convention, en lui
appliquant tel ou tel son de leur voix, mais que la nature a attribué aux noms un sens propre, qui est le même
chez les Grecs et chez les barbares ». Dans PLATON, Cratyle, Paris, GF-Flamarion, 1967, p. 391. Cependant,
nous verrons que si Rabelais entretient ce rapport naturaliste au langage ce n'est pas que pour défendre une
théorie linguistique mais surtout pour montrer que tout mot, langage, doit être perpétuellement incarné, spontané
et vivant.
38
11
les aultres moynes tous estonnez comme fondeurs de cloches, lesquelz voyant chanter : « Ini, nim, pe ,
ne, ne, ne, ne, ne, ne, tum, ne, num, num, ini, i mi, i, mi, co, o, ne, no, o, o, ne, no, ne, no, ne, ne, rum,
ne, num, num »41.
Au chapitre 19, il reproduit les éternuements et les raclements de gorge du tousseux Janotus
de Bragmardo. Ainsi, il ponctue sa harangue de « Ehen hen,hen ! […] Hen, hen, hasch ! […]
Hen, hen, ehen hasch ! […] Hen, hasch, ehasch, grenhenhasch!42 ». Dans le chapitre 39 que
nous venons de citer, Frère Jean, dans la suite du banquet, nous fait même entendre le bruit
des verres qui s 'entrechoquent: « Et dehayt ! Page à la humerie ! Crac, crac, crac ! Que Dieu
est bon, qui nous donne ce bon piot !
43
». Ces mêmes sons des flacons qui s'entrechoquent
sont évoqués au début de Gargantua au chapitre 7 alors que le Géant n'est encore qu'un
énorme bébé. Or, ce son produit chez l'enfant un sentiment de joie immense:
Une de ses gouvernantes m'a dict, jurant sa fy que de ce faire il estoit tant coustumier qu'au seul son des
pinthes et flaccons il entroit en ecstase, comme s'il goustoit les joyes de paradis. En sorte qu'elles,
considerans ceste complexion divine, pour le resjouir au matin faisoient davant luy sonner des verres
avecques un cousteau, ou des flaccons avecques leur toupon, ou les pinthes avecques leur couvercle.
Auquel son il s'esguayoit, il tressailloit, et luy mesmes se bressoit en dodelinant de la teste,
monichordisant des doigtz, et barytonant du cul44.
L'ensemble de ces bruits, onomatopées, cris, rires participent à cette sensation
d'enivrement que l'on éprouve à la lecture de Rabelais. Nos sens semblent être en éveil,
décuplés, ouverts, comme lorsque l'on est ivre. Nous entendons des sons que nous
n'entendrions pas d'ordinaire, et cela tout comme Gargantua, nous rend gai. Toute l'œuvre
rabelaisienne est emplie de « mots de gueule45 », de jurons, qui confèrent un rapport vivant au
langage et face à autrui. Les exclamations, les cris, les rires que l'on entend et que les
compagnons iront même jusqu'à voir dans les chapitres 55 et 56 du Quart Livre,
exprimeraient la volonté de Rabelais de retourner à la fonction première de tout langage: sa
fonction phatique46. Ainsi, les mots vivants créent la connivence entre les amis, renforcent les
41
Gargantua, chap. 27, p. 222.
Ibid., chap. 19, p. 160-166.
43
Ibid., chap. 39, p. 286.
44
Ibid., chap. 7, p. 94.
45
Cette expression est issue du célèbre épisode des « paroles gelées » et qui recouvre les chapitres 55 et 56 du
Quart Livre: « Je vouloys quelques motz de gueule mettre en reserve dedans de l'huille, comme l'on guarde la
neige et la glace, et entre du feurre bien nect. Mais Pantagruel ne le voulut, disant estre follie faire reserve de ce
dont jamais l'on n'a faulte et que tous jours on a en main, comme sont motz de gueule entre tous bons et joyeulx
Pantagruélistes », dans Quart Livre, chap. 56, p. 418.
46
La notion de « fonction phatique » a été inventée par le linguiste Roman Jakobson et correspond à l'une des
fonctions du langage. Elle compte parmi la « fonction incitative (ou conative)» , la « fonction référentielle », la «
fonction expressive », la « fonction poétique » et la « fonction métalinguistique ». Tous les mots que l'on peut
42
12
liens d'amitié entre les hommes dans l'œuvre rabelaisienne. Rabelais, en bon humaniste, se
présente donc comme le défenseur d'une parole vive et toujours incarnée.
Synesthésie et omniprésence du discours : l'esthétique théâtrale chez Rabelais
Dans cette œuvre orale, les discours prédominent sur le récit 47. Ces derniers portent
sur des sujets très variés et sont traités aussi bien par les sages, les fous, les mélancoliques que
les paillards ignorants. On en discute au milieu de ripailles et dans des lieux improbables
comme lors d'une Tempête48 ou dans la bouche de Pantagruel49.
Ces discours sont prononcés de façon libre, comme si les personnages et le narrateur
avaient acquis une autonomie et que finalement l'auteur, plus maître des propos de ses
personnages se désengageait, déclinant toute responsabilité et s'empêchant tout jugement. Or,
souvent, l'ivresse est ce qui amène cette parole libérée de tout carcan, de toute convention de
langage. Au chapitre 5 de Gargantua, juste après la naissance du Géant et lors d'un banquet,
Rabelais retranscrit les « Propos des biens ivres ».
Puis entrerent en propos de resjeuner on propre lieu. Lors flaccons d'aller, jambon de troter, goubeletz
de voler, breusses de tinter:
« Tire! - Baille! - Brouille! - Boutte à moy sans eau, ainsi mon amy. - Fouette moy ce verre
gualentement! - Produiz moy du clairet, verre pleurant. - Treves de soif! - Ha! faulse fiebvre, ne t'en iras
tu pas? - Par ma fy, ma commere, je ne peuz entrer en bette. - Vous estez morfondue, m'amie? - Voire. Ventre sainct Qenet! parlons de boire. - Je ne boy que à mes heures, comme la mulle du pape. - Je ne
boy que en mon breviaire, comme un beau pere gardian. - Qui feut premier, soif ou beuverye? - Soif.
Car qui eust beu sans soif durant le temps de innocence? - Beuverye. Car privatio presupponit habitum.
Je suys clerc: Foecundi calices quem non fecere disertum? - Nous aultres innocens ne beuvons que trop
sans soif [...]50».
Parmi ces ivrognes on peut distinguer des moines, des soldats, des juristes, des commères, un
utiliser pour prendre contact avec son interlocuteur, pour vérifier la transmission effective du message, répondent
à cette « fonction phatique » du langage. On prend souvent pour exemple les termes comme « Allô » ou « Au
revoir » qu'on utilise pour établir, maintenir ou interrompre une conversation avec le récepteur.
47
MENAGER (Daniel), Rabelais en toutes lettres, op. cit. , p. 33. « Le roman […] ne se contente pas de faire
agir, devant nous, un certain nombre de personnages : il leur donne aussi la parole. Les « dicts » sont aussi
importants que les « faicts ». Le roman antique en particulier, élément parmi d'autres du genre ménipéen, laisse
une place de choix à la parole des personnages et à la confrontation des idées. Mais celle-ci n'a pas lieu ; comme
dans le dialogue platonicien, sur le bord souriant d'une rivière ou à l'ombre d'un cyprès. Elle se fera en des lieux
étrangers en général à l'investigation philosophique, comme les bas-fond des grandes villes ».
48
Quart Livre, chap. 18-21, p. 198-222.
49
Pantagruel, chap. 32, p. 328-334.
50
Gargantua, chap. 5, p. 74-76.
13
Allemand, un Basque51. Cependant, leurs discours nous sont retranscrits tels quels. Nous ne
savons pas qui parle exactement. Dans des Mets et des Mots, Michel Jeanneret écrit : « Dans
cette polyphonie de voix discordante, les contraintes de la communication semblent d'ailleurs
levées : la jubilation du cri, le jeu des attractions phoniques, et des transformations lexicales,
toute cette cuisine verbale se suffit à elle même52 ». Ainsi, ce banquet n'a pas pour seul but la
restauration des corps. Le banquet est aussi le lieu de l'échange verbal entre joyeux
compagnons. Et comme l'ajoute Daniel Ménager : « C'est l'individu tout entier qui s'y
épanouit, communiquant sans effort avec son voisin53 ».
Sans intermédiaire, sans discours rapporté par le narrateur, ou très rarement, les propos
des personnages rabelaisiens nous sont donnés in medias res. Le lecteur peut saisir
directement la « saveur propre des mots ». Il se trouve, comme au théâtre, en position de
spectateur. Les personnages rabelaisiens se rencontrent sur scène. Le lecteur-spectateur les
voit, les entend. Gustave Cohen écrit, à ce propos, dans son article « Rabelais et le théâtre »: «
Rabelais parle son livre, bien plus, il le joue54 ». En effet, Rabelais dans son œuvre met en
scène des corps qui s'entendent mais aussi qui se voient et se rencontrent. En cela, nous
pourrions parler chez Rabelais d'une esthétique théâtrale qui convoque tous les sens du
lecteur55.
Les personnages de Rabelais sont d'abord reconnus par leurs discours. C'est ce qui fera
dire à Guy Demerson dans L'esthétique de Rabelais : « Avant d'être défini par le contenu (ou
le manque de contenu) de son discours, le personnage rabelaisien est perçu par le son de sa
voix. Il est annoncé, parfois de loin, et suffisamment caractérisé par ses cris, nasillements,
borborygmes, onomatopées, bégaiement56 ». Comme au théâtre, la présentation des
personnages, leurs traits de caractères sont essentiellement transmis à travers leurs discours et
leurs allures. Ainsi à plusieurs reprises dans l’œuvre rabelaisienne, les personnages sont à
plusieurs reprises mis en scène. Leur présentation, leur description est souvent très succincte.
51
C'est du moins ce que Guy Demerson, qui a annoté notre édition de référence, remarque après avoir souligné
le fait que « Rabelais a considérablement enrichi cette suite vertigineuse de balivernes après sa première édition,
ce qui témoigne de son succès ». Dans Gargantua, chap. 5, note 1, p. 74.
52
Michel Jeanneret, Des mets et des mots, banquets et propos de table à la Renaissance, Paris, Corti, 1987, p.
95. Cité par Daniel Ménager dans Rabelais en toutes lettres, op. cit., p. 50.
53
MENAGER (Daniel), Rabelais en toutes lettres, Ibid.
54
COHEN (Gustave), « Rabelais et le théâtre », dans Revue des études rabelaisiennes 9, Paris, Champion, 1911,
p. 63.
55
Dans la mise en page du chapitre 6 du Quart Livre, Rabelais retranscrit typographiquement le dialogue entre
Panurge et le marchand de moutons Dindenault de façon très théâtrale. En voici un extrait: « PAN. A vostre
commandement. / LE MARCH. Vous allez en Lanternoys ? / PAN. Voire. / LE MARCH. Veoir le monde ? /
PAN. Voire. / LE MARCH. Joyeusement ? / PAN. Voire. ». Dans, Quart Livre, chap. 6, p. 124.
56
DEMERSON (Guy), L'esthétique de Rabelais, Paris, SEDES, 1996, p. 153.
14
Comme dans les didascalies, le narrateur se contente seulement de nous décrire le décor, le
costume et l'état des personnages qui entrent en scène. Pensons, par exemple à l'entrée de
Janotus de Bragmardo dans la fiction rabelaisienne au chapitre 18 de Gargantua.
Maistre Janotus tondu à la Cesarine, vestu de son lyripipion à l'antique et bien antidoté l'estomac de
coudignac de four et eau beniste de cave, se transporta au logis de Gargantua, touchant davant soy troys
vedeaulx à rouge muzeau et trainant après cinq ou six maistres inertes, bien crottez à profit de mesnaige.
A l'entrée les rencontra Ponocrates et eut frayeur en soy, les voyant ainsi desguisez, et pensoit que
57
feussent quelques masques hors du sens .
Janotus commence sa harangue en toussant. Ce réflexe corporel incontrôlable accompagne
son discours. Ainsi comme au théâtre la parole ne va pas sans l’expression du corps. Le
discours est toujours incarné par un corps. Or, le monologue de Janotus produit un effet chez
les bons compagnons pantagruéliques. A la fin de sa harangue, tous, comme au théâtre face à
une scène comique, s'esclaffent de rire.
Nous pourrions analyser de la même manière, l'exposé qu'Eudémon, jeune disciple de
Ponocrate, formule au chapitre 15 de Gargantua. Ici aussi la stature physique, la tenue du
corps a son importance. Rabelais prend le temps de mettre en scène son orateur avant de
rapporter son discours :
Alors Eudémon […] le bonnet au poing, la face ouverte, la bouche vermeille, les yeulx asseurez et le
reguard assis suz Gargantua, avecque modestie juvenile se tint sus ses pieds et commenca le louer et
magnifier […] Le tout feut par icelluy proferé avecques gestes tant propres, pronunciation tant distincte,
voix tant eloquente et languaige tant aorné et bien latin, que mieulx resembloit un Gracchus, un Ciceron
ou un Emilius du temps passé, qu'un jouvenceau de ce siècle58.
Or, ce discours a aussi un effet sur le Géant qui se met à pleurer 59. Ainsi, Rabelais théâtralise
clairement le discours. En mettant l'accent sur l'actio, il crée une ambiance particulière et nous
montre en quoi les mots sont insuffisants s'ils n'ont pas pour support « l'élocution du corps60 ».
Mais, Rabelais va plus loin au sujet de l'expression corporelle de ses personnages en
57
Gargantua, chap. 18 , p. 158-160.
Gargantua, chap. 15, p. 146-148.
59
Ibid. p. 148 : « Mais toute la contenence de Gargantua fut qu'il se print à plorer comme une vache et se cachoit
le visaige de son bonnet, et ne fut possible de tirer de luy une parolle, non plus q'un pet d'un asne mort ».
60
Dans son traité De oratore, composé en 55 av. J.C., Cicéron tente de définir ce qu'est l'art oratoire. Il explique
que l'orateur doit accomplir trois tâches dans son discours : l'invention (quid dicat: quoi dire), la disposition
(quidque loco: dans quel ordre) et l'élocution (quo modo: de quelle façon). Or, selon Cicéron, c'est dans cette
dernière tâche que réside le secret de tout grand orateur. En effet, c'est l'élocution de son corps, ses gestes, les
intonations de sa voix qui vont seuls réussir à faire éprouver des sensations, des émotions à l'auditoire. Un grand
orateur doit donc être avant tout un excellent acteur. Ainsi, comme pour Rabelais, chez Cicéron l'élocution du
corps est primordiale. Tout verbe doit être incarné dans la chair, dans le corps de celui qui parle.
58
15
insérant dans son œuvre de véritables scènes de pantomime. Ainsi, aux chapitres 18, 19 et 20,
Thaumaste, un jeune anglais, clerc et savant part à la rencontre du Géant pour affiner son
savoir et peut-être découvrir enfin le « grand secret ». Finalement ce sera Panurge qui
disputera avec lui à propos de grandes questions cosmogoniques et profondes. Cette dispute
se fera en « langue des signes ». Bien sûr cette scène est éminemment bouffonne et drôle.
Alors que Panurge se contente de faire des signes obscènes, Thaumaste tente de les
déchiffrer61. Finalement à la fin du chapitre 19, tout en sueur, « ravy en haulte
contemplation », Thaumaste accouche, pour reprendre l'image évoquée dans la maïeutique de
Socrate : il se lève « mais en se levant fist un gros pet de boulangier, car le bran vint après, et
pissa vinaigre bien fort, et puoit comme tous les diables62 » avant de s'exclamer, en désignant
Panurge, face à l'assemblée au début du chapitre suivant : « et ecce plusquam Salomon hic
[…] il m'a ouvert le vray puitz et abisme de Encyclopédie63 ».
De même, au chapitre 35 de Gargantua, Rabelais met en scène, un des compagnons du
Géant, Gymnaste, qui dans un numéro de haute voltige et d'acrobaties, parvient à tuer le
capitaine Tripet et d'autres ennemis Picrocholistes.
Adoncq se appoyant sus les poulces des deux mains à la crope davant soy, se renversa cul sus teste en
l'air et se trouva entre le arsons en bon maintien, puis d'un sobresault leva tout le corps en l'air et ainsi se
tint piedz joinctz entre les arsons, et là tournoya plus de cent tours, les bras estenduz en croix et crioit ce
faisant à haulte voix : « J'enrage, diables, j'enrage, j'enrage ! Tenez moy, diables, tenez moy, tenez! »
Tandis qu'ainsi voltigeoit, les marroufles en grand esbahissement disoent l'ung à l'autre : « Par la mer
Dé ! C'est un lutin ou diable ainsi déguisé. Ab hoste maligno libera nos domine. » et fuyoient à la route,
regardans darriere soy comme un chien qui emporte un plumail64.
Ainsi, comme l'écrit Guy Demerson dans L'esthétique de Rabelais, dans ces scènes de
pantomime, « les gesticulations sont présentées aux yeux [...] comme sur la scène 65 ».
Véritables scènes dignes des plus grandes diableries qui farcissaient les Mystères à la fin du
Moyen Age, ces numéros de pantomime, tout comme certains personnages ou certains
épisodes présentés dans l’œuvre rabelaisienne, éminemment dramatiques au sens littéral du
terme, semblent être empreints de toute une tradition théâtrale de la fin du Moyen Age qui se
poursuivra dans la première moitié du XVIe siècle.
61
Au sujet de cette scène, Guy Demerson note : « Panurge est tout en action, perpétuellement mis en scène par sa
gestuelle, qui est celle d'un clown, plus ou moins joyeux, plus ou moins pitoyable » Dans DEMERSON (Guy),
L'esthétique de Rabelais, op. cit., p. 152.
62
Pantagruel, chap. 19, p. 226.
63
Pantagruel, chap. 20, p. 230.
64
Gargantua, chap. 35, p. 266.
65
DEMERSON (Guy), L'esthétique de Rabelais, op. cit., p. 152.
16
La poétique rabelaisienne, vertigineuse, théâtrale, inspirée du style des Farces, des
Mystères ou des monologues comiques de son époque, nous rend ivre de mots, décuple nos
sens. Le lecteur, pris dans ce tourbillon de mots et de sensations enivrantes, pourra ouvrir ses
sens, ses perceptions. Et c'est bien dans cette esthétique enivrante et comique que Rabelais
pourra agir directement sur nous. Dans son style même, à l'intérieur de sa fiction, il nous
empêche de nous poser. Poétique du mouvement perpétuel, l’œuvre de Rabelais en nous
enivrant nous rend gai. Les personnages sans cesse en mouvement, se rencontrent
directement, comme sur la scène. Rabelais montre ainsi que rien ne vaut la rencontre effective
et corporelle. Le lecteur-spectateur voit les compagnons rabelaisiens s'ouvrir à l'autre sans
crainte, naturellement. Ainsi, comme au théâtre, il éprouve l'œuvre directement, en fait
l'expérience immédiate.
Voici ce qu'en définitive nous cherchons à démontrer : on ne peut pas parler d'éthique
chez Rabelais mais plutôt d'esthétique. L'art de vivre que développe Rabelais dans sa fiction
et l'amitié pantagruélique ne s'expose pas, elle se vit, s'expérimente dans la fiction même.
Nous rejoignons donc l'idée de Louise Million selon laquelle :
Il s’agit bien d’une esthétique de la liberté et non d’une éthique, dans la mesure où l’éthique
impliquerait une dimension normative. Il n’en est rien chez Rabelais qui échappe à toute idéologie. Il
travaille avec ses armes de créateur, place des images, aménage un espace de confrontation, dispose,
propose, inquiète, à la manière du « poisson torpille » socratique (Ménon, 80a), mais n’impose jamais
un système de pensée établi66.
Rabelais refuse de théoriser, de systématiser quelque idée que ce soit et par la même il
n’énonce rien clairement. Cependant, il libère son lecteur, libre désormais de toutes
interprétations possibles, tant que lui même ne systématise pas , n’enferme pas l'auteur, ne lui
fait pas dire ce qu'il n'a pas dit, et assume ces idées comme venant de lui même. Ainsi,
l’œuvre de Rabelais est et restera une énigme inexplicable, comme le note René Favret: « Et
c'est pourquoi elle demeure vivante comme un être... »
66
MILLION (Louise), « Le tremblement de la figure analogique chez Rabelais. Entre la bête et l’homme», dans
Images Re-vues, 6, 2009, en ligne, URL: http://imagesrevues.revues.org/385, p. 27.
17
BIBLIOGRAPHIE
Édition de référence et autre édition consultée:
RABELAIS (François), Gargantua, Paris, Seuil, 1973, 2e éd. 1995 , 3e éd. 1996.
RABELAIS (François), Pantagruel, Paris, Seuil, 1973, 2e éd. 1995 , 3e éd. 1996.
RABELAIS (François), Œuvres complètes, établie, présentée & annotée par M. Huchon,
Paris, Gallimard, coll. « Bibliothèque de la Pléiade », 1994.
Source secondaire:
BAKHTINE (Mikhail), L’œuvre de François Rabelais et la culture populaire au Moyen Age
et sous la Renaissance, Paris, Gallimard, 1970.
DEMERSON (Guy), L'esthétique de Rabelais, Paris, SEDES, 1996.
ECO (Umberto), « L'excès, à partir de Rabelais », dans Vertige de la liste, trad. M. Bouzaher,
Paris, Flammarion, 2009, p. 245-277.
FAVRET (René), « A propos du style de Rabelais », in Bulletin annuel des Amis de Rabelais
et de la Devinière, 2012, p. 36
HUCHON (Mireille), « La Babel rabelaisienne », in Le Magazine Littéraire., n° 511, sept
2011, p.72
MENAGER (Daniel), Rabelais en toute lettres, Paris, Bordas, 1989.
MILLION (Louise), « Le tremblement de la figure analogique chez Rabelais. Entre la bête et
l’homme», dans Images Re-vues, 6, 2009, en ligne, URL: http://imagesrevues.revues.org/385,
p. 19-27.
MONFERRAN (Jean-Charles), « Un ouvroir de langues potentielles », in Le Magazine
Littéraire, n° 511, sept 2011, p.70-71
PEDEFLOUS (Olivier), « Polyphonie des patois », in Le Magazine Littéraire., n° 511, sept
2011, p.75.
RIGOLOT (François), Les langages de Rabelais, Genève, Droz, 1996.
ZIMMERMANN (Laurent), « Ivres de savoir », in Le Magazine Littéraire., n°511, sept 2011,
p. 84
18

Documents pareils