Les Ateliers viennois ou Wiener Werkstätte (WW) Il se produisit dans

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Les Ateliers viennois ou Wiener Werkstätte (WW) Il se produisit dans
Les Ateliers viennois ou Wiener Werkstätte (WW)
Il se produisit dans le domaine des arts décoratifs le même mouvement de renouveau que celui observé dans le
domaine de la peinture. L’École des Arts décoratifs de Vienne nomme au poste de directeur, en 1899, Felician
von Myrbach, peintre membre de la Sécession viennoise, et Josef Hoffmann et Koloman Moser, responsables
de départements d’enseignement. Les Viennois soucieux de concilier beauté et fonctionnalité, s’inscrivent dans
un mouvement plus ample né en Angleterre avec le groupe Arts & Crafts de William Morris ou en Écosse avec
l’Ecole d Glasgow, fondée par Charles Rennie Mackintosh, invité à présenter ses créations à la 8ème exposition
de la Sécession en 1900. Il fallait alors réagir contre l’esprit « petit bourgeois » incarné par le style Biedermeier
(Walter Hampel, Intérieur Biedermeier, 1900, Österreichische Galerie Belvedere) qui, pourtant, dans les années
1815-1850, avait permis les conditions de renaissance de l’artisanat ainsi que la formation du goût des acheteurs
de mobilier ou d’objets décoratifs.
La WW a un autre objectif : la création de l’oeuvre d’art totale, réunissant architecture, peinture, sculpture et
arts décoratifs. L’atelier est créé en mai 1903 par Koloman Moser et Josef Hoffmann, soutenus financièrement
par le fabricant de tissus et financier, Fritz Waerndorfer, la salle d’exposition ouvre à Neustifgasse, 32-34 puis
les bureaux et ateliers à Graben, 15, l’avenue la plus prestigieuse de Vienne. La première exposition eut lieu en
décembre 1905 à la galerie Mietke dans Graben. Des ateliers consacrés au travail du métal, de l’or, de l’argent,
des ateliers de reliure, de peausserie, d’ébénisterie, de laquage, de textile et un département mode trouvent leur
place auprès des salles des machines pour une petite production semi-industrielle, de salles de dessins, et du
cabinet de Josef Hoffmann. En 1905, une brochure présente les objectifs de Kolo Moser et de Josef
Hoffmann : « Le désastre incommensurable, que la production de masse de mauvaise qualité, d’une part, et
l’imitation irréfléchie de styles anciens, d’autre part, ont causé dans le domaine des arts décoratifs, inonde le
monde entier tel un fleuve gigantesque. Nager à contre-courant serait de la folie. Et pourtant, nous avons nos
ateliers. Nous voulons instituer des rapports cordiaux entre le public, le concepteur et l’artisan, et fabriquer un
équipement ménager simple et de bonne qualité. Nous partons de la fonction de l’objet ; pour nous, il doit être
avant tout pratique ; nous tirerons notre force de la qualité de nos relations et de la qualité de notre travail. Là où
il conviendra d’ornementer, nous chercherons à le faire, mais sans nous y forcer et pas à n’importe quel prix ».
Koloman Moser (1868-1918), graphiste, créateur de meubles et d’objets utilitaires, peintre, se forma à
l’Académie des Beaux-Arts de Vienne puis à l’Ecole des Arts appliqués où il rencontra Klimt en 1893. Il fut
l’un des membres fondateurs de la Sécession viennoise en 1897, joua le rôle de scénographe lors des 23
expositions présentées au Pavillon de la Sécession. Il quitte la Sécession en même temps que Klimt en 1905.
Ses peintures, Tristan et Iseult, v.1913-1915, Munich, collection particulière, Le Marcheur, 1914-1915, Vienne,
Leopold Museum, Trois femmes accroupies, v.1914, Vienne, musée d’art moderne (Mumok) relèvent du
Symbolisme sans avoir la précision allégorique de Klimt ou le caractère morbide de Schiele.
L’une des premières commandes importantes concerne le sanatorium de Purkersdorf construit par Josef
Hoffmann (1870-1956) de 1904 à 1905 selon un principe de géométrie très stricte appliquée à l’architecture,
comme un cube développé dans l’espace coupé de plate-formes. Cet établissement proposait des cures
thermales et des soins thérapeutiques et recevait des malades atteints de maladies nerveuses. Tout était pensé
pour l’hygiène et le confort du malade comme le montre le hall géométrique où se reconnaît le fauteuil que
Koloman Moser créa spécialement pour l’établissement et réalisé par l’entreprise Prag-Rudniker, en 1903,
meuble en bois tendre laqué blanc, assise en osier tressé évoquant une marqueterie. Il est au mobilier ce que le
bâtiment est à l’architecture : un cube. Hoffmann et Moser avaient une prédilection pour le carré et le cube qui
permettaient la création de fauteuils, par exemple, se logeant facilement sous un bureau ou, mieux, encastrable
dans un secrétaire. Hoffmann et Moser réalisèrent également l’aménagement intérieur du magasin de mode des
sœurs Pauline et Emilie Flöge. L’une de leurs plus grandes réalisations reste cependant l’aménagement du
cabaret Fledermaus situé dans la Kärtnerstrasse, et entrepris à l’initiative de Fritz Waerndorfer. Le cabaret
ouvrit ses portes en 1907 et ferma en 1913. Divers projets d’affiches et de couvertures de revue furent conçus
(Josef von Diveky, Bertold Löffler, Moritz Jung) pour le cabaret dont le bar et la salle de spectacles attiraient le
Tout-Vienne. Les murs du bar recouverts à mi-hauteur de carreaux multicolores ou de figures d’enfants
contrastaient avec le sol en damier noir et blanc conçu et réalisé par la Wiener Keramik, créée en 1906 par
Bertold Löffler et Michael Powolny, également auteur du putto « Automne » qui se tient à côté du vestibule.
Les chaises du bar et les tables rondes (1906) sont dues à Josef Hoffmann ; Bertold Löffler créé une broche
pour l’ouvreuse de la salle de spectacles conçue par Hoffmann afin que chacun soit bien placé tout n’étant pas
trop éloigné de la scène pour une meilleure convivialité.
Le projet le plus ambitieux de la WW reste le palais Stoclet, 279, avenue de Tervueren, Bruxelles, construit
entre 1905 et 1911 pour le financier et amateur d’art Adolphe Stoclet qui donna carte blanche à l’architecte et
aux décorateurs. Hoffmann se libère une fois de plus de l’architecture traditionnelle en privilégiant les formes
élémentaires et géométriques à l’extérieur comme à l’intérieur, conçu comme une succession de pièces de
petites dimensions aux portes de verre transparent et situées sur le même axe. Simplicité des formes et luxe des
matériaux employés sont la marque du palais Stoclet (piliers de marbre jaune pour le hall d’entrée). L’une des
plus belles pièces est la salle à manger aux murs décorés par Gustav Klimt, la frise Stoclet dont le motif central
est L’Accomplissement incarné par un couple s’étreignant.
À côté de ces programmes importants, les créateurs des WW conçurent des meubles et des objets permettant de
démontrer leur savoir-faire. C’est ainsi que Josef Hoffmann réalisa Crédence et vaisselle d’argent présentées à
l’exposition de la WW, La Table est mise en 1907, des fauteuils recouverts de soie avec piétement argenté
semblables à ceux qui se trouvaient dans le vestibule du palais Stoclet, un siège à dossier modulable (la machine
à s’asseoir) en collaboration avec la maison Jacob et Josef Kohn, des vases en collaboration avec Johan Loetze
Witwe, étuis à cigarette et sac à mains, des reliures de livres ou des tissus.
Hoffmann, Koloman Moser et Gustav Klimt s’intéressèrent de près à la création textile comme le prouvent les
modèles portés par Dihta Moser ou Emilie Flöge (photographiée par Klimt ou par Dora Kallmus). Klimt ne
dédaignait pas de s’habiller dans des robes amples de sa création ou encore de porter des costumes de fête
taillés dans des tissus conçus par des créateurs de la WW. La WW réalisait elle-même les tissus imprimés ou
peints à la main et, pour la production mécanique, faisait appel à la maison Backhausen fondée en 1849. C’est
en 1910 que fut créé le département mode sous la direction d’Eduard Wimmer-Wisgrill. Certaines revues
considéraient pourtant que ces modèles de robes n’étaient rien d’autre que des « sacs sans coupe ».
Concluons en soulignant qu’il y eut deux phases de création à la WW, la première, portée par les créations et le
dynamisme de Koloman Moser et de Josef Hoffmann, la seconde, initiée par Dagobert Peche (1887-1929),
architecte et dessinateur, directeur artistique à partir de 1915 et qui infléchit le style des ateliers vers un art plus
baroque et rococo.
En 1914, Fritz Waerndorfer part pour les États-Unis alors que la WW a fait faillite avant de renaître de ses
cendres sous la forme d’une société anonyme dont les actionnaires sont mécènes, clients et des collaborateurs.
Otto et Eugenia Primavesi rachètent peu à peu les parts et dirigent la WW jusqu’au début des années trente. En
1932, la WW présente sa dernière exposition. Les archives de la WW (dessins des projets, recueils de modèles,
échantillons de tissus, dessins publicitaires et photographie sont désormais conservés au musée des Arts
décoratifs de Vienne.

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