Glyphosat - Pro Natura

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Glyphosat - Pro Natura
Informations de fond
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Glyphosate – une menace pour la nature et la santé ?
750 tonnes d’herbicides sont épandues chaque année en Suisse. Les herbicides détruisent les
plantes indésirables. Le poison est absorbé par la surface extérieure de la plante (feuilles, tiges,
etc.) et inhibe un processus métabolique à l’intérieur des tissus, provoquant la mort rapide
de la plante. L’Office fédéral de l’agriculture informe qu’entre 280 à 350 tonnes de glyphosate
sont utilisées annuellement. En plus des grandes cultures et des vergers, le glyphosate est aussi
employé en grandes quantités en horticulture professionnelle et privée, ainsi que sur les voies
de chemin de fer fédéraux et privés. Les jardiniers amateurs ont également souvent recours à
des produits contenant du glyphosate : avec 72 tonnes par an, on estime qu’ils sont à l’origine
de 20% de la quantité de glyphosate répandue en Suisse1.
Herbicides totaux : ils ne tuent pas que la mauvaise herbe
Le glyphosate a été autorisé pour la première fois en Suisse en 1975. La quantité utilisée dans le
monde entier a considérablement augmenté ces dix dernières années, surtout avec les énormes
surfaces allouées aux cultures de soja et de maïs génétiquement modifiés pour résister à cet
herbicide. Le revers de la médaille ne s’est fait pas attendre : les premières « super-mauvaises
herbes », se moquant du glyphosate, provoquent l’inquiétude des agriculteurs américains2.
Même en Suisse les premières plantes résistantes sont apparues3.
Le glyphosate est un herbicide total qui tue toutes les plantes présentes sur un champ au moment du traitement – sauf celles ayant développé des résistances. En plus de ses effets directs
sur la flore adventice des champs, le glyphosate migre par lessivage et érosion jusque dans les
ruisseaux, les rivières et les nappes phréatiques . Le Danemark a interdit le glyphosate suite à
sa trop haute concentration dans la nappe phréatique4 – et cela déjà en 20035 !
L’eau contaminée par le glyphosate met en danger les organismes aquatiques. Des études américaines et allemandes ont démontré que le glyphosate est toxique pour les grenouilles et les
crapauds6. Cela est particulièrement inquiétant parce que les amphibiens forment une classe
animale très menacée sur le plan mondial.
1 OFEV (2010, Résumé). Interdiction de l‘utilisation des herbicides sur et aux abords des routes, chemins et places.
BAFU (2010). Umsetzung des Verbots von Pflanzenschutzmitteln. Untersuchung zum Stand der Umsetzung des An
wendungsverbots von Unkrautvertilgungmitteln auf und an Strassen, Wegen und Plätzen. Bern: 24. (Texte complet en allemand).
2 David A. Mortensen, J. Franklin Egan, Bruce D. Maxwell, Matthew R. Ryan and Richard G. Smith (2012). Navigating a Critical Juncture for Sustainable Weed Management. BioScience, 62 (1): 75-84. doi: 10.1525/bio.2012.62.1.12
3 Agroscope (2014). Confirmation d’un premier cas de résistance au glyphosate en Suisse. Communiqué de presse du 10.02.2014.
4 Vereecken, H. (2005) Mobility and leaching of the glyphosate: a review. Pesticide Management Science Vol. 61
pp 1139-1151.
5 WHO (2004). Chemical hazards in drinking-water - glyphosate and AMPA.
http://www.who.int/water_sanitation_health/dwq/chemicals/glyphosate/en/
6 Relyea RA. (2005) The impact of insecticides and herbicides on the biodiversity and productivity of aquatic commu-
nities. Ecological Applications 15: 618–627, and Relyea RA. (2005) The lethal impact of roundup on aquatic and terrest
rial amphibians, Ecological Applications 15: 1118–1124.
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Le glyphosate altère également la chimie du sol. Il a été observé à ce sujet que la capacité à
fixer l’azote des plantes résistantes au glyphosate est perturbée7, engendrant une utilisation
plus massive d’engrais chimiques. Un véritable cercle vicieux au détriment de l’écologie.
Les recherches faites sur l’homme sont particulièrement préoccupantes : les résultats d’une
étude effectuée par Pro Natura en collaboration avec Friends of the Earth Europe au printemps
2013 révèlent que le glyphosate est présent dans l’urine humaine sur tout le territoire européen.
Un autre prélèvement effectué en 2015 sur un nombre quatre fois supérieur de personnes a
décelé du glyphosate dans l’urine d’une personne sur deux8. Pourtant le panel testé avait été
choisi tant en milieu urbain que rural. On ne comprend pas encore très bien comment ce pesticide parvient dans notre corps. Le constat de l’Organisation mondiale de la sante (OMS) fournit
un autre motif d’inquiétude. Elle a classé au printemps 2015 le glyphosate dans la catégorie
« cancérogène probable »9. Le glyphosate est depuis longtemps soupçonné d’influencer le système hormonal et de générer des perturbations dans le développement embryonnaire et fœtal.
Homologation basée sur les données des fabricants
L’Office fédéral de la santé publique OFSP a évalué la toxicité du glyphosate pour l’être humain
la dernière fois en 1989 (!). L’utilisation du glyphosate fut autorisée dans toute l’Union européenne (UE) en 2002. Cette autorisation a ensuite été valable pour la reconduire en Suisse.
L’autorité d’homologation s’est basée presque exclusivement sur les données fournies par les
fabricants. La plupart de ces données proviennent ainsi directement de l’industrie et n’ont
passé par aucune procédure indépendante de révision par des pairs. De ce fait, les données
originales ne sont pas non plus accessibles pour d’autres tests indépendants. L’homologation
du glyphosate se base sur une dose journalière admissible DJA (acceptable daily intake ADI)
fixée en Suisse à 0,3 milligramme par kilogramme de poids corporel, une valeur reprise de
l’UE. Elle est plus élevée que celle indiquée par différents fabricants (0.05 mg/kg et 0,15 mg/
kg). Une étude indépendante effectuée en 2012 propose même une valeur de seulement 0,025
mg/kg10 – c’est-à-dire dix fois moins que la dose journalière admissible en Suisse ! En 2013,
l’institut fédéral allemand pour l’évaluation des risques Bundesinstitut für Risikobewertung
(BfR) a effectué une nouvelle évaluation du glyphosate et recommandé d’augmenter la DJA à
0.5 mg/kg11!
La procédure d’homologation européenne a jusqu’ici pris en compte uniquement des études
sur la substance active elle-même, mais pas celles sur les herbicides commercialisés (en Suisse
119 produits), c’est-à-dire sans évaluer tous les adjuvants et synergistes – on parle aussi de
« renforçateurs d’efficacité » – qu’ils contiennent. 7
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Kremer RJ & Means NE. (2009) Glyphosate and glyphosate-resistant crop interactions with rhizosphere microorga-
nisms. European Journal of Agronomy 31: 153-161.
G-Tipp (5/2015). Jeder zweite hat riskantes Pestizid im Urin. 6-8.
IARC (2015). IARC Monographs Volume 112: evaluation of five organophosphate insecticides and herbicides,
www.iarc.fr/en/media-centre/iarcnews/pdf/MonographVolume112.pdf (09.06.2015).
Antoniou M et al. (2012) Teratogenic Effects of Glyphosate-Based Herbicides: Divergence of Regulatory Decisions from Scientific Evidence. Journal of Environmental and Analytical Toxicology S4:006. doi:10.4172/2161-0525.S4-006
BFR (2014). Frequently asked questions on the health assessment of glyphosate. http://www.bfr.bund.de/en/frequently_asked_questions_on_the_health_assessment_of_glyphosate-127871.html#topic_189122, suivi le 22.06.2015.
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Des études plus récentes montrent que c’est justement la combinaison de la matière active
de base avec des adjuvants qui en augmente la toxicité par rapport à la seule matière active
glyphosate12.
Des scientifiques avertissent que cette évaluation restreinte de la toxicité lors de la procédure
d’homologation sous-estime le potentiel de dangerosité du produit13.
Position de Pro Natura
Sur la base des connaissances scientifiques actuellement disponibles, il faut donc conclure que
le glyphosate représente un problème environnemental grave et recèle des incertitudes alarmantes pour la santé humaine. Pro Natura exige donc des autorités compétentes qu’elles tirent
au clair comment ce poison parvient dans le corps humain et quelles conséquences sanitaires
à long terme peuvent résulter d’une absorption permanente de petites doses de glyphosate.
Que se passe-t-il avec les résidus de glyphosate présents dans le corps ? Quelles sont les conséquences à long terme de la contamination par le glyphosate sur la biodiversité agricole, sur les
eaux de surface et souterraines ? Les grands distributeurs comme Coop, Migros, Denner, Aldi
et Lidl sont en outre appelés à diminuer la pollution chimique des denrées alimentaires en
systématisant la mise en vente de produits exempts de résidus de glyphosate. Les denrées alimentaires doivent en outre être régulièrement analysées pour vérifier l’absence de glyphosate.
Juin 2015
Marcel Liner; Jessica Roberts
Pro Natura
Dornacherstrasse 192, case postale, 4018 Bâle
Tél. 061 317 91 91, Fax 061 317 92 66
www.pronatura.ch
E-Mail: [email protected]
CP 40-331-0
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Par exemple: Song H-Y et al. (2012) In Vitro Cytotoxic Effect of Glyphosate Mixture Containing Surfactants.
Journal of Korean Medical Science Vol 27 pp 711-715.
Benachour N et al. (2007) Time- and Dose-Dependent Effects of Roundup on Human Embryonic and Placental Cells. Archives of Environmental Contamination and Toxicology 10.1007/s00244-006-0154-8.
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