La déclaration notariée d`insaisissabilité - cridon nord-est

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La déclaration notariée d`insaisissabilité - cridon nord-est
CRIDON NORD-EST
Pour aller + loin
Documentations
1. La déclaration notariée d’insaisissabilité, par F Vauvillé, Rép. Defrénois 2003
p. 1197
2. Questions de déclaration notariée d’insaisissabilité, par F Vauvillé, Droit et
Patrimoine 2006
3. La déclaration notariée d’insaisissabilité, ça
Rép. Defrénois 2011 p. 1292
marche !
par
F
Vauvillé,
4. Déclaration d’insaisissabilité par un débiteur en difficulté, fraude ou pas fraude ?
par F Vauvillé, Rép. Defrénois 2013, p. 784
5. Brèves observations sur le passif de l’auto-entrepreneur, par F Vauvillé, revue des
procédures collectives 2010, étude 3.
6. Commentaire de la loi du 15 juin 2010 relative à l’EIRL par F Vauvillé, Defrénois
2010. Art. 39744
7. Déclaration d’affectation. Formule commentée par F Vauvillé, Defrénois 2011,
Art. 39220
8. La procédure collective de l’EIRL par F Vauvillé, Defrénois 2011. Art. 39191
9. Techniques sociétaires Par W Altide, JCl Ingéniérie du patrimoine, mars 2011
10. Le régime de l’autoentrepreneur, Brochure URSSAF 1er janvier 2013

© CRIDON Nord-Est [formation spécifique : Le notaire face à la petite entreprise] - DOCUMENTATION
[01]
Defrénois, 15 octobre 2003 n° 19, P. 1197 - Tous droits réservés
PROCÉDURE CIVILE
37813. LA DÉCLARATION NOTARIÉE
D'INSAISISSABILITÉ
par Frédéric VAUVILLÉ,
Professeur à l'Université de Lille-II.
1. Il arrive - a-t-on récemment démontré avec brio - que, « transformé en technique d'affichage aux vertus
politiques bien comprises, le titre (de la loi) vise... davantage à mettre en avant la finalité du texte que son objet »
(1)
o
er
. Tel est certainement le cas du titre de la loi n 2003-721 du 1 août 2003 - pour l'initiative économique - qui
(2)
renseigne moins sur son contenu que sur son objectif et sa philosophie . On sent, d'emblée - même si on ne
sait pas tout de suite comment -, qu'il s'agit de favoriser l'esprit d'initiative des acteurs économiques. Ainsi, dès
l'exposé des motifs du projet de loi (déjà intitulé : pour l'initiative économique), affirme-t-on qu'il est
(3)
économiquement fondamental de « favoriser la création, le développement et la transmission des entreprises »
(4)
et qu'en conséquence, « l'esprit d'entreprise doit être encouragé » . On expliquera ensuite que le projet poursuit
(5)
trois objectifs
: dans un contexte jugé « préoccupant » - parce que la création d'entreprise stagne en France
(6)
depuis plusieurs années
- il faut d'abord, même si beaucoup a déjà été fait en ce sens, « simplifier les
(7)
(8)
formalités entourant la création d'entreprise » , « favoriser l'accompagnement des créateurs » pour atteindre,
(9)
comme à la fin des années 1980, le rythme de 200 000 entreprises nouvelles créées chaque année .
Il faut, ensuite, assurer le développement des entreprises existantes et, dans cette perspective, réorienter
l'épargne des Français vers l'entreprise. Enfin, faciliter la transmission des entreprises s'impose car « 500 000
(10)
chefs d'entreprises vont passer la main dans les dix années qui viennent » .
(11)
On retrouve, expressément ou en filigrane, dans l'intitulé des titres du texte définitif
, les ambitions affichées
par ses initiateurs : simplification de la création d'entreprise, transition entre le statut du salarié et celui
d'entrepreneur, financement de l'initiative économique, accompagnement social des projets, développement et
transmission de l'entreprise, soutien au développement international des entreprises (titre ajouté en cours de
discussion qui précède un dernier titre comprenant des « dispositions diverses »).
2. Pour remplir ces objectifs, la loi, éminemment technique, n'a parfois pas hésité à s'écarter des principes
(12)
fermement établis en droit français
. Ainsi, disparaît, dans un souci de simplification, l'exigence d'un capital
(13)
minimum légal pour les S.A.R.L. qui, désormais, peuvent être constituées avec un euro
. En droit du crédit, ce
sont les règles de l'usure qui sont remises à plat, au titre du financement de l'initiative économique ; elles « ne
sont (plus) applicables aux prêts accordés à une personne morale se livrant à une activité industrielle,
(14)
commerciale, artisanale, agricole ou professionnelle non commerciale »
, sauf pour les découverts en compte
(15)
(16)
, solution de compromis qui revient à supprimer le taux de l'usure « pour les crédits négociés à froid »
. En
droit civil (car il s'agit de droit civil même si les dispositions nouvelles prennent place dans le Code de commerce),
la solution la plus novatrice est certainement celle permettant à l'entrepreneur, personne physique, de déclarer
insaisissable son habitation principale. Parce qu'une telle déclaration doit obligatoirement être notariée, elle
figure sûrement parmi celles qui intéressent le plus le notariat.
3. L'innovation doit être rattachée au premier objectif, à la simplification de la création d'entreprise. L'idée est, en
effet, de rassurer le chef d'entreprise, de faire en sorte que son esprit d'entreprise ne soit pas bridé par la peur de
tout perdre, spécialement par celle de perdre sa maison. D'où un dispositif qui entend limiter le risque
d'entreprendre en mettant au moins la résidence principale du futur entrepreneur à l'abri des poursuites de ses
créanciers professionnels. Comme le dit expressément l'intitulé du nouveau chapitre organisant la déclaration
(17)
d'insaisissabilité, c'est une mesure de « protection de l'entrepreneur individuel et du conjoint »
.
4. D'emblée, il a été confessé qu'il ne s'agissait pas, comme les milieux professionnels le réclament parfois, de
consacrer « une séparation entre les patrimoines professionnel et personnel de l'entrepreneur individuel,
permettant à celui-ci d'affecter une partie de son patrimoine à l'exploitation de l'entreprise » ; l'idée était «
séduisante » mais « le projet a renoncé à opérer cette distinction » en raison de « l'extrême difficulté de sa mise
(18)
(19)
en oeuvre »
. Bref, la déclaration d'insaisissabilité ne crée pas un patrimoine d'affectation
: l'immeuble
abritant la résidence principale du déclarant figure dans son patrimoine mais ne peut être saisi par certains de
(20)
ses créanciers
, ceux « dont les droits naissent postérieurement à la publication, à l'occasion de l'activité
professionnelle du déclarant ». Tout au plus, peut-on y voir « le dualisme larvé » que certains auteurs relèvent en
présence d'un « bien ou d'un ensemble de biens soumis à des règles qui en font peu ou prou une masse
(21)
autonome au sein d'un même patrimoine », comme par exemple en présence d'une clause d'inaliénabilité
.
5. S'il n'y a pas d'atteinte directe au principe d'unicité du patrimoine, la déclaration d'insaisissabilité déroge comme pour toutes les hypothèses d'insaisissabilité - à la règle de l'article 2092 du Code civil : la résidence
principale du déclarant ne figure pas dans le gage général de ses futurs créanciers professionnels ; l'entrepreneur
qui s'obligera personnellement à l'occasion de son activité professionnelle ne sera pas tenu de remplir son
engagement sur sa résidence principale. C'est un point commun à toutes les insaisissabilités que la loi du 9 juillet
1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution n'a pas jugé utile d'indiquer en dressant la liste des biens
insaisissables. La loi nouvelle croit bon, pour sa part, de préciser « d'emblée que le dispositif mis en place déroge
(22)
. L'article L. 526-1 du Code de commerce débute ainsi en
aux principes généraux posés par le Code civil »
énonçant que c'est « par dérogation aux articles 2092 et 2093 du Code civil » qu'une déclaration d'insaisissabilité
peut être faite. La référence à l'article 2092 du Code civil - ajoutée dès la première lecture, à l'initiative du
rapporteur du projet, lequel ne visait à l'époque que l'article 2093 - suffisait certainement.
6. L'originalité du nouveau dispositif tient surtout au fait que l'insaisissabilité est soumise à une déclaration au
formalisme rigoureux. En vérité, on sait avec les clauses d'inaliénabilité - qui entraînent, selon une jurisprudence
fermement établie, insaisissabilité - que la volonté, unilatérale ou bilatérale, peut jouer en la matière un rôle de
(23)
. Par ailleurs, et les initiateurs du texte s'y sont expressément référés, le législateur a déjà, dans
premier plan
le passé, mis en place un mécanisme d'insaisissabilité reposant sur une déclaration unilatérale de volonté
émanant du propriétaire débiteur : il s'agit de la notion de biens de famille consacrée par une vieille loi du 12 juillet
1909. Mais l'on a expliqué, au cours des travaux préparatoires, que le dispositif avait été un fiasco, probablement
parce qu'il est limité aux biens d'une valeur maximum de 7 500 € et impose de respecter une procédure lourde
(acte notarié faisant l'objet d'une publicité par affiches, insertion dans les journaux d'annonces légales, publication
(24)
.
au bureau des hypothèques et homologation par le juge d'instance)
7. Avec la déclaration d'insaisissabilité, la loi nouvelle conserve l'esprit volontariste de ce vestige et s'inspire de sa
forme, en maintenant l'exigence d'un acte notarié soumis à publicité. L'article L. 526-2 du Code de commerce
prévoit ainsi que « la déclaration, reçue par notaire sous peine de nullité, contient la description détaillée de
l'immeuble et l'indication de son caractère propre, commun ou indivis. L'acte est publié au bureau des
hypothèques ou, dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au livre foncier de sa
(25)
situation » .
8. La sanction de la nullité révèle que l'intervention du notaire est requise pour la validité même de l'acte (ad
validitatem) qui, dès lors, constitue un nouvel acte solennel. L'exigence d'authenticité a été contestée dès le
(26)
début des travaux préparatoires, en raison de « sa lourdeur et de son coût »
. Il a alors été rétorqué que
l'intervention du notaire présentait un triple intérêt.
9. Vis-à-vis de l'entrepreneur, elle est une « sécurité juridique pour le déclarant, garantie que sa déclaration sera
(27)
. Il faut certainement ajouter
correctement rédigée et pourra effectivement produire les effets attendus »
l'intérêt classique tenant à l'information des parties qui justifie l'exigence de l'intervention du notaire dans les
(28)
actes graves et importants .
On a également mis en avant, pour justifier cette solennité, la règle de l'article 4 du décret du 4 janvier 1955 selon
laquelle « tout acte sujet à publicité dans un bureau des hypothèques doit être dressé en la forme authentique ».
En vérité, le droit de la publicité foncière ne peut suffire à justifier l'exigence d'une authenticité requise ad
validitatem, comme l'impose le nouvel article L. 526-2 du Code de commerce : ce sont plus les effets de la
déclaration d'insaisissabilité que son objet qui justifient sa nature d'acte solennel. Enfin, troisième argument
invoqué lors des débats en faveur de l'acte notarié, l'authenticité met la date de la déclaration à l'abri des critiques
(29)
. C'est à nouveau un avantage classique de l'acte notarié - il fait foi de sa date - qui ne saurait suffire à
légitimer une authenticité requise ad validitatem, même dans une matière où - on le verra - il faut soigneusement
distinguer avant et après : c'est la date de la publication et non celle de la déclaration notariée, qui constitue la
date charnière.
10. Quant à l'argument du coût, il a d'emblée été proposé de prévoir un émolument fixe pour « éviter que le tarif
(30)
soit proportionnel à la valeur du bien »
. L'article L. 526-2 prévoit ainsi dans son dernier alinéa que «
l'établissement de l'acte prévu au premier alinéa et l'accomplissement des formalités donnent lieu au versement
(31)
aux notaires d'émoluments fixes dans le cadre d'un plafond déterminé par décret » .
11. Ces exigences d'authenticité et de publicité n'en posent pas moins la question de savoir si elles ne seront pas
dissuasives. Les meilleurs auteurs le disaient hier à propos de l'institution des biens de famille, ajoutant que
l'échec de la réforme « s'explique peut-être par le fait qu'il y a plus d'inconvénients que d'avantages à rendre
(32)
publique une insaisissabilité qui risque de nuire au crédit de l'intéressé lui-même »
. Ces inconvénients
demeurent bien évidemment pour la déclaration que consacre la loi nouvelle. Il faut ajouter qu'elle présente des
limites - certes justifiées par la finalité économique du dispositif - qui en réduisent nécessairement l'intérêt. Par
ailleurs, les suites de la déclaration qu'organise la loi présentent des inconvénients qui pourraient bien
décourager certains amateurs.
I. Les limites du dispositif
12. Selon l'article L. 526-1 du Code de commerce, « par dérogation aux articles 2092 et 2093 du Code civil, une
(33)
ou exerçant une
personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel
activité professionnelle agricole ou indépendante peut déclarer insaisissables ses droits sur l'immeuble où est
fixée sa résidence principale. Cette déclaration, publiée au bureau des hypothèques ou, dans les départements
du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle au livre foncier, n'a d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits
naissent postérieurement à la publication, à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant ». Malgré la place
du texte dans le Code de commerce, le champ d'application est très large ; tout professionnel, quelle que soit la
nature de son activité, est concerné : commerçants, artisans, agriculteurs, travailleurs indépendants,
(34)
(35)
. Ces derniers, qui sont aujourd'hui les seuls à ne pouvoir invoquer le bénéfice
professionnels libéraux...
(36)
d'une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire
ou celui d'une procédure de
(37)
, auraient certainement préféré un dispositif plus discret, ne leur imposant pas
surendettement des particuliers
une publicité dans un journal d'annonces légales. Quelle que soit la personne du déclarant, la déclaration ne sera
pas opposable à tous ses créanciers : l'insaisissabilité est relative.
A. Les créanciers antérieurs
13. L'objectif poursuivi par la loi explique une première limite majeure : la déclaration n'aura pas d'effet à l'égard
des créanciers dont les droits seront nés antérieurement à la publication de l'acte ; la déclaration n'exclura donc
la résidence principale que du gage des créanciers futurs. Par exemple, l'éventuel prêteur de deniers inscrit sur
l'immeuble pourra donc, comme avant la déclaration, saisir la résidence de son débiteur. C'est heureux pour la
sécurité juridique et dans la logique de l'objectif poursuivi : rassurer le futur entrepreneur individuel avant de se
lancer dans les affaires et non pas le protéger en cas de mauvaises affaires avérées. La déclaration pourra être
faite au seuil d'une nouvelle activité professionnelle alors que certaines dettes sont déjà nées ; par exemple, un
bail aura été signé. D'où la question de savoir si la dette de loyer est antérieure ou postérieure. On retrouve ici
une belle question théorique, qui a donné lieu à un contentieux abondant, à propos du sort de la saisie des
(38)
créances à exécution successive en cas de procédure collective
. Où l'on voit que la finalité du dispositif est
plus économique qu'humanitaire.
14. Cette distinction entre les créanciers « d'avant » et ceux « d'après » devrait se révéler essentielle en cas de
procédure collective de l'entrepreneur. Dès lors que ne peuvent figurer dans l'actif d'une procédure collective et
ainsi être réalisés que les biens saisissables, la résidence du débiteur restera hors d'atteinte si le passif se
compose exclusivement de créanciers dont les droits sont nés postérieurement à la publication, à l'occasion de
l'activité professionnelle du déclarant. Reste qu'il pourra aussi exister des créanciers antérieurs à la publication
(ou, on le verra, des créanciers postérieurs « privés »), ce qui posera la question de savoir si le droit de saisir la
résidence principale qu'ils avaient avant la procédure doit profiter au mandataire de justice et permettre la
réalisation de l'immeuble. On devrait, a priori, répondre par l'affirmative, puisque ces créanciers antérieurs à la
publication sont représentés par les organes de la procédure. Mais il faudra ensuite encore se demander s'il
s'impose de réserver le produit de la réalisation - en clair le prix de vente - aux créanciers auxquels la déclaration
d'insaisissabilité n'est pas opposable.
B. Les créanciers professionnels
15. Seconde limite qui résulte de la lettre de l'article L. 526-1 du Code de commerce : la déclaration ne vaut que
pour les créanciers dont les droits sont nés à l'occasion de l'activité professionnelle. Il en résulte que la résidence
principale reste saisissable par les créanciers « privés » du déclarant.
16. Ici comme ailleurs, on trouvera nécessairement des créanciers pour lesquels la ligne de démarcation sera
délicate à tracer : que décider pour le banquier qui a financé l'acquisition d'un véhicule automobile servant à la
fois à l'entreprise individuelle et à la famille ? La difficulté sera d'autant plus fréquente que, par hypothèse, on
raisonne sur un entrepreneur personne physique. Il faudra, semble-t-il, considérer qu'en présence d'un usage
mixte, le caractère professionnel l'emporte et interdit au créancier de saisir la résidence principale. C'est dans la
logique de la finalité poursuivie par le législateur.
17. On notera, toutefois, que ce dernier a pris en compte la mixité, non pas à l'égard des créanciers, mais à
l'égard de l'immeuble abritant la résidence principale ; l'article L. 526-1 prévoit ainsi, dans un second alinéa, que «
lorsque l'immeuble est à usage mixte professionnel et d'habitation, la partie affectée à la résidence principale ne
peut faire l'objet de la déclaration que si elle est désignée dans un état descriptif de division ». On ne veut pas
que, sous prétexte d'usage mixte, l'insaisissabilité s'étende au-delà de la résidence principale : elle est une
(39)
, pas du lieu de travail. Reste que, pratiquement, l'exigence pourrait conduire à
protection du « lieu de vie »
des solutions ubuesques : à la suite d'une saisie limitée aux biens professionnels, le médecin ou le chirurgiendentiste qui a affecté deux pièces de sa maison à son travail pourrait cohabiter avec un confrère plus chanceux...
Juridiquement, il n'est pas sûr que les choses soient plus simples ; car s'il est possible de faire un simple état
descriptif de division, sans répartition de millièmes, pour les seuls besoins de la publicité foncière, il faudra bien
régler les relations entre les copropriétaires...
C. Les créanciers du conjoint
18. Malgré le silence de la loi, il semble, ensuite, que la déclaration d'insaisissabilité ne soit pas opposable aux
créanciers du conjoint du déclarant.
Le législateur n'a pas oublié que l'entrepreneur pouvait être marié puisqu'il est fait allusion au conjoint dès l'intitulé
du chapitre accueillant les nouveaux textes. De plus, l'article L. 526-4 du Code de commerce introduit par la loi
nouvelle, prévoit que « lors de sa demande d'immatriculation à un registre de publicité légale à caractère
professionnel, la personne physique mariée sous un régime de communauté légale ou conventionnelle doit
justifier que son conjoint a été informé des conséquences sur les biens communs des dettes contractées dans
(40)
l'exercice de sa profession » .
19. La loi ne précise pas pour autant comment articuler le jeu de la déclaration d'insaisissabilité avec les règles
de la communauté légale. Si, avec l'article L. 526-4 du Code de commerce, le législateur manifeste le souci de
protéger le conjoint de l'entrepreneur, il semble bien que les dettes de ce conjoint (non professionnelles ou
professionnelles en l'absence de déclaration d'insaisissabilité de sa part si la profession est séparée) pourront
réduire à néant l'efficacité de la déclaration d'insaisissabilité si la résidence principale dépend de la communauté :
l'un comme l'autre engage par ses dettes l'ensemble des biens communs, conformément à l'article 1413 du Code
civil. Or, on voit mal comment on pourrait prétendre que la déclaration d'insaisissabilité est opposable aux
créanciers du conjoint dès lors que leurs droits ne sont pas nés à l'occasion de l'activité professionnelle du
(41)
déclarant
. Concrètement, les créanciers, professionnels ou non, du conjoint de l'entrepreneur, pourraient
(42)
donc saisir la maison .
20. Il y a peut-être pire : toute activité professionnelle indépendante entraîne nécessairement un passif solidaire
entre les époux. C'est la conséquence d'une jurisprudence, souvent critiquée mais jamais démentie, qui admet
que certaines cotisations obligatoires - en particulier celles d'assurance-maladie et d'assurance-vieillesse - sont
(43)
couvertes par la solidarité ménagère parce qu'elles ont vocation à contribuer à l'entretien du ménage
. Or, il
pourrait certainement venir à l'esprit de l'U.R.S.S.A.F. ou d'une caisse de retraite que l'insaisissabilité ne lui est
(44)
pas opposable car elle agit du chef du conjoint de l'entrepreneur individuel
. Si l'on ne veut pas ruiner l'intérêt
du texte, il faudra l'appliquer à la lettre : la déclaration a effet à l'égard des créanciers dont la créance est née à
l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant, sans qu'il importe que le conjoint du déclarant soit également
débiteur, dès lors que la dette est bien professionnelle à l'égard de l'entrepreneur. Plus techniquement, il faudrait
admettre qu'il y a là une exception qui résulte de la nature de l'obligation, conformément à l'article 1208 du Code
civil, et non pas une exception purement personnelle à l'un des codébiteurs.
21. La question des créanciers du conjoint ne se posera pas tout à fait dans les mêmes termes pour les époux
mariés sous un régime séparatiste qui, on le sait, achètent généralement leur résidence principale en indivision.
S'il existe des dettes (professionnelles ou non) personnelles au conjoint du déclarant, les créanciers peuvent en
(45)
théorie seulement demander le partage des biens indivis
. Mais à nouveau, on ne voit pas comment pourrait
être écartée leur demande de licitation, dès lors que l'insaisissabilité n'a pas d'effet à leur égard, puisqu'ils ne sont
pas des créanciers dont les droits sont nés à l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant. Ici aussi, si la
déclaration d'insaisissabilité permet de sauver la maison en cas de mauvaises affaires, elle ne peut rien contre
les mauvais conjoints qui font trop de dettes... C'est conforme à la finalité économique du texte.
22. Si la dette est solidaire, on sait que le créancier mérite alors la qualité de créancier de l'indivision et peut en
(46)
principe poursuivre la saisie de l'immeuble
. Mais s'il s'agit d'une dette née à l'occasion de l'activité
professionnelle du déclarant (on pense par exemple aux dettes professionnelles couvertes par la solidarité
ménagère), il faudra à nouveau s'en tenir à la lettre de la loi si l'on ne veut pas réduire à néant l'intérêt du
dispositif en permettant la saisie du chef du conjoint.
L'efficacité et le succès de l'innovation dépendent également des suites de la déclaration, qui ont été encadrées
par la loi nouvelle.
II. Les suites de la déclaration
L'article L. 526-3 du Code de commerce envisage trois circonstances qui méritent d'être évoquées.
A. Renonciation
23. L'article L. 526-3 du Code de commerce prévoit dans son second alinéa que « la déclaration peut, à tout
moment, faire l'objet d'une renonciation soumise aux mêmes conditions de validité et d'opposabilité ». De prime
abord, on ne voit pas l'intérêt que le déclarant pourrait avoir à renoncer à l'insaisissabilité. Toutefois, on sent bien
qu'un créancier futur pourrait faire d'une telle renonciation la condition sine qua non de l'octroi d'un prêt à un
(47)
. Pratiquement, cette possibilité de renonciation pourrait bien ruiner l'intérêt du dispositif
débiteur en difficulté
qui disparaîtra au moment où son utilité se profilera à l'horizon.
On ajoutera que la loi impose, semble-t-il, une renonciation faite par acte notarié puis publiée. Mais dès lors,
l'insaisissabilité cessera erga omnes, à l'égard de tous les créanciers alors qu'elle aura probablement été
(48)
l'exigence d'un seul
. Puisque « qui peut le plus, peut le moins », ne peut-on toutefois imaginer une
renonciation qui serait faite au profit exclusif d'un créancier (en pratique, un dispensateur de crédit) ? Rien ne
paraît l'interdire, ni la sécurité juridique, ni les intérêts du créancier et du débiteur : l'entrepreneur nécessairement informé des conséquences de son acte compte tenu de l'exigence de l'authenticité - ne fait
finalement que renoncer à opposer l'insaisissabilité à l'un de ses créanciers. Pratiquement, si l'on écarte une telle
interprétation, la saisie de la résidence principale sera possible par l'U.R.S.S.A.F. pour la seule raison qu'un
banquier, peut-être remboursé, aura voulu se garantir en demandant la levée de l'insaisissabilité...
B. Revente de l'immeuble
24. L'article L. 526-3 envisage ensuite le cas de la revente de l'immeuble. Initialement, il était prévu qu'une
nouvelle déclaration devait être établie en cas de remploi de l'immeuble, objet de la déclaration initiale. Le
rapporteur du projet devant le Sénat, M. Hyest, a considéré en première lecture qu'une telle formulation était
dangereuse car elle laissait penser que le déclarant bénéficie « d'une sorte de droit de suite lorsqu'il vend sa
résidence principale pour en acheter une nouvelle », alors qu'aux « termes de la formulation qui a été retenue, il
ne serait protégé que contre l'action en paiement des créances liées à l'activité professionnelle nées
postérieurement à la nouvelle déclaration, le recouvrement des créances nées antérieurement pouvant être de
(49)
. Il a donc été proposé de faire en sorte que l'effet de la première déclaration ne soit pas
nouveau poursuivi »
annulé par le simple changement de résidence principale et se poursuive, mais pour une durée limitée, « afin
(50)
d'éviter les fraudes » .
25. C'est ainsi qu'a été réécrit le premier alinéa de l'article L. 526-3 du Code de commerce : « En cas de cession
des droits immobiliers désignés dans la déclaration initiale, le prix obtenu demeure insaisissable à l'égard des
créanciers dont les droits sont nés postérieurement à la publication de cette déclaration à l'occasion de l'activité
professionnelle du déclarant, sous la condition du remploi dans le délai d'un an des sommes à l'acquisition par le
déclarant d'un immeuble où est fixée sa résidence principale.
Les droits sur la résidence principale nouvellement acquise restent insaisissables à la hauteur des sommes
réemployées à l'égard des créanciers lorsque l'acte d'acquisition contient une déclaration de remploi des fonds.
Cette déclaration de remploi des fonds est soumise aux conditions de validité et d'opposabilité prévues aux
(51)
articles L. 526-1 et L. 526-2 » .
26. L'idée ainsi consacrée paraît opportune : faire en sorte que le changement de résidence principale de
l'entrepreneur n'anéantisse pas la déclaration d'insaisissabilité. Le législateur veut que l'insaisissabilité de
l'immeuble se reporte sur le prix de vente et se poursuive en cas de remploi, à hauteur toutefois des sommes
remployées.
(52)
Dans son principe, l'idée est séduisante : l'insaisissabilité ne rend pas l'immeuble indisponible
, mais si
l'entrepreneur peut vendre sa résidence principale, il faut faire en sorte qu'il ne perde pas le bénéfice de
(53)
l'insaisissabilité. Sa mise en oeuvre laisse néanmoins perplexe
.
27. On ne voit pas bien comment « les droits sur la résidence principale nouvellement acquise (peuvent rester)
insaisissables à la hauteur des sommes remployées » : ou l'immeuble est insaisissable ou il ne l'est pas ! Un
exemple chiffré permet de mieux comprendre : je suis propriétaire d'un immeuble de 70 (insaisissable par les
créanciers dont les droits sont nés postérieurement à la publication de ma déclaration, à l'occasion de mon
activité professionnelle). Je dispose de 30 à titre d'économies (qui eux sont saisissables). Je vends pour acheter
un immeuble de 100. Le nouvel article L. 526-1 du Code de commerce impose de considérer - en cas de
déclaration de remploi en bonne et due forme - que le nouvel immeuble est insaisissable à hauteur de 70 par les
créanciers auxquels la déclaration d'insaisissabilité est opposable. Mais il faut comprendre qu'ils peuvent
poursuivre la saisie de l'immeuble, même s'ils ne peuvent faire valoir leurs droits que sur une partie du prix. Si
l'interprétation est la bonne, la leçon sera facile à tirer : je ne dois surtout pas vendre mais conserver mon
immeuble de 70 (tout au plus en racheter un de même valeur). Bref, pratiquement, insaisissabilité risque fort de
rimer avec indisponibilité (de fait).
C. La dissolution du régime matrimonial
28. L'article L. 526-3 du Code de commerce vise, enfin, le cas de la dissolution du régime matrimonial, pour
prévoir, dans un troisième alinéa, que « les effets de la déclaration subsistent après la dissolution du régime
matrimonial lorsque le déclarant est attributaire du bien ». Le texte ajoute que « le décès du déclarant emporte
révocation de la déclaration ».
29. La première proposition vise, semble-t-il, dans l'esprit du législateur, le cas du divorce puisque le décès n'est
évoqué que dans un second temps. Dans une telle hypothèse, le législateur a souhaité que l'insaisissabilité de
l'immeuble se poursuive mais seulement si l'entrepreneur devient propriétaire exclusif de la résidence principale,
par exemple, à la suite du partage de l'indivision post-communautaire. Il faut, a contrario, en déduire que
l'insaisissabilité cesse si l'immeuble est attribué à l'ex-conjoint de l'entrepreneur. La solution est dans la logique
du dispositif : le conjoint n'a pas - du moins directement - à profiter de l'insaisissabilité. Le praticien devra y
songer lorsque seront évoquées les attributions en vue du partage.
30. L'article L. 526-3, alinéa 3, du Code de commerce, prévoit également, in fine, qu'en cas de décès du
déclarant, la déclaration se trouve révoquée. A première lecture, on a le sentiment qu'en cas de décès,
l'insaisissabilité disparaît. Il a toutefois été expliqué en première lecture devant l'Assemblée nationale, « qu'il ne
faut pas se méprendre sur les effets d'une telle révocation. Le bien reste protégé de manière permanente, à
l'égard des créances professionnelles qui seraient nées entre la date de publication de la déclaration et le décès
du déclarant. Pour la période postérieure au décès, il appartient au nouveau propriétaire du bien, s'il est
entrepreneur individuel et s'il en fait sa résidence principale, d'établir une nouvelle déclaration en son nom s'il le
(54)
. Toutefois, en première lecture devant le Sénat, certains parlementaires ont souhaité supprimer
souhaite »
cette disposition, car « le bénéfice de la protection de la résidence principale de l'entrepreneur semble devoir
(55)
cesser en cas de décès de l'exploitant » . Il a été répondu par le rapporteur, M. Hyest, qu'une telle suppression
« aurait l'effet exactement inverse de celui recherché ». Il faut comprendre qu'en cas de décès, « l'insaisissabilité
se poursuit pour toutes les dettes professionnelles nées avant le décès, y compris pour celles qui ne deviennent
exigibles que postérieurement. Si l'activité professionnelle est poursuivie par un des héritiers, celui-ci devra faire
(56)
une nouvelle déclaration pour bénéficier de la protection sur sa propre résidence principale... » . Apparemment
convaincues, les deux chambres ont adopté le libellé sibyllin de l'article L. 526-3, alinéa 3, du Code de commerce
: en cas de décès, la déclaration se trouve révoquée... mais l'insaisissabilité demeure. La résidence principale de
l'entrepreneur reste donc insaisissable, même si les héritiers ont accepté purement et simplement la succession,
mais uniquement au regard des créanciers professionnels dont la créance est née entre la publication de la
déclaration et le décès.
31. La solution ne convainc pas si l'on garde à l'esprit que le nouveau dispositif entend protéger la résidence
principale de l'entrepreneur. En effet, d'une part, l'insaisissabilité se trouve maintenue alors qu'il n'y a plus...
d'entrepreneur. D'autre part, on maintient l'insaisissabilité sur un immeuble qui, par hypothèse, n'est plus la
résidence principale de l'entrepreneur et qui, en fait, peut même ne pas être occupé. Reste que, pratiquement, la
résidence sera celle du conjoint et il n'est pas impossible que le législateur ait entendu, sans le dire vraiment,
protéger son logement. Mais il ne s'agit plus alors d'initiative économique et de simplification de la création
d'entreprise : la déclaration d'insaisissabilité participe à la protection du logement du conjoint survivant.
32. Et si l'entrepreneur n'était pas marié ? Apparemment, la résidence principale pourrait rester protégée même si
personne ne l'occupe : prétendre le contraire serait manifestement ajouter au texte. Quoi qu'il en soit, les héritiers
ne doivent pas, parce que la résidence principale du de cujus est protégée par l'insaisissabilité, accepter la
succession déficitaire de l'entrepreneur sans sourciller : leurs biens personnels restent bien évidemment
saisissables, même si, « reprenant l'affaire », ils font à leur tour une déclaration, puisqu'elle ne produira effet qu'à
l'égard de leurs créanciers futurs. C'est l'une des nombreuses subtilités que la nouvelle déclaration
d'insaisissabilité impose au notaire de maîtriser.
***
1 (1) N. Molfessis, « Les titres de la loi », in Etudes offertes à P. Catala, Litec, p. 61.
2 (2) L'utilisation, dans le titre de la loi, de la préposition pour, est assez inhabituelle mais se rencontre à
l'occasion : loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, loi du 10 avril 1825 pour la sûreté de la navigation et
du commerce maritime... Par son dynamisme, ce pour invite à retenir une interprétation de la loi favorable à
l'initiative économique (V. en ce sens, N. Molfessis, art. préc., p. 70).
3 (3) « Credo bien connu » a-t-on dit, v. D. 2003, Act., p. 476.
o
4 (4) Projet de loi n 507 rectifié, Doc. Ass. nat., exposé des motifs, p. 3.
5 (5) V., par exemple, l'intervention de R. Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au
commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation (qui donnera certainement son nom à la
loi) in J.O. Déb. Ass. nat., séance du 25 mars 2003, p. 2057.
o
6 (6) Cf. le rapport de C. Vautrin, Doc. Ass. nat., n 572, t. I, p. 11.
7 (7) Rapport Vautrin préc., p. 16.
8 (8) R. Dutreil, Déb. préc., p. 2057.
9 (9) On nous dit que le nombre d'entreprises nouvelles serait actuellement de 180 000 par an, d'où l'objectif de
créer un million d'entreprises nouvelles à l'horizon de cinq années (rapport Vautrin, préc., p. 11).
10 (10) R. Dutreil, Déb. Ass. nat., préc., p. 2057.
11 (11) Composé initialement de 27 articles répartis en 6 titres, le texte gonflera tout au long des débats
parlementaires pour atteindre, lors du vote définitif le 21 juillet 2003, 58 articles et 7 titres.
12 (12) Si la loi a été présentée comme un « texte novateur » (R. Dutreil, J.O. du 3 juin 2003, Déb. Ass. nat., p.
4436), elle se contente, à maintes occasions, d'étendre le champ d'application de solutions parfaitement connues
; c'est le cas, par exemple, en matière fiscale ou pour le cautionnement (cf. V. Avena-Robardet, « Réforme
inopinée du cautionnement », D. 2003, chron., 2083.
13 (13) Le nouvel article L. 223-2 du Code de commerce se borne à énoncer que le montant du capital de la
société est fixé par les statuts. L'innovation ne convainc pas les premiers commentateurs : v., spéc., T. Massart, «
Une grande réforme à petit budget », Bull. Joly 2002, p. 1361 ; L. Nurit-Pontier, « La détermination statutaire du
er
capital social », D. 2003, p. 1612 ; M. Germain, « La loi n° 2003-271 du 1 août 2003 pour l'initiative économique
», JCP éd. G 2003, Act., p. 1493.
14 (14) Nouvel article L. 313-3 du Code de la consommation.
15 (15) Nouvel article L. 313-5-1 du Code monétaire et financier.
16 (16) D. 2003, Act., p. 477. Adde, D. Caramalli, « La loi pour l'initiative économique et le déplafonnement des
taux d'intérêt : une nouvelle étape dans l'histoire de l'usure », Petites Affiches, 25 août 2003, p. 14 et suiv.
17 (17) L'article 8 de la loi complète ainsi le titre II du livre V du Code de commerce par un chapitre VI intitulé : «
De la protection de l'entrepreneur individuel et du conjoint » et comprenant les articles L. 526-1 à L. 526-4. Reste
que, contrairement à la réforme des régimes matrimoniaux de 1978 qui entendait faire échapper le logement de
la famille aux poursuites des créanciers professionnels, il ne s'agit pas de « protéger le cadre de vie, mais
l'immeuble abritant le logement en tant que valeur économique » (S. Le Chuiton, Existe-t-il un statut du
logement de la famille ?, mémoire D.E.A. Lille-II, 2003, p. 86).
18 (18) Rapport Vautrin, préc., p. 102. Sur le projet initial, v., R. Dutreil, « La problématique de la P.M.E. », Cah.
dr. ent. 2002, n° 6, p. 1.
19 (19) V. O. Padé, « Réflexions sur deux mesures du projet de loi " agir pour l'initiative économique " » JCP éd.
G 2003, p. 702, qui estime qu'« on ne peut pas parler de patrimoine d'affectation ».
20 (20) Il existe bien évidemment un moyen de séparer le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel de
l'entrepreneur : il suffit de constituer une société. Mais il a été souligné, lors des débats parlementaires, que plus
de la moitié des créations d'entreprises représentent des entreprises individuelles, certainement parce que la
formule est plus simple comparativement à la constitution d'une société. La société unipersonnelle, elle aussi
inventée pour protéger les « biens privés » de l'entrepreneur individuel, risque ainsi de perdre son principal
intérêt, d'où la question de savoir si la loi nouvelle n'a pas sonné sa mort (cf. O. Padé, art. préc., p. 703).
o
o
21 (21) A. Sériaux, Rép. civ. Dalloz, V Patrimoine, n 6.
22 (22) Rapport Vautrin, préc., p. 104.
23 (23) On parle alors parfois en doctrine d'« insaisissabilités par la volonté de l'homme », v. R. Perrot et P.
o
Théry, Procédures civiles d'exécution, Dalloz n 219. D'autres auteurs évoquent à propos du nouvel article L.
526-1 du Code de commerce une « insaisissabilité institutionnelle » ; v., M. Laugier, « Initiative économique et
déclaration notariée d'insaisissabilité », JCP éd. E, n° 12, à paraître ; C. Malecki, « La loi pour l'initiative
économique et l'insaisissabilité de la résidence principale de l'entrepreneur individuel », D., Cah. dr. aff., 2003,
2220.
24 (24) Rapport Vautrin, préc., spéc. p. 103.
25 (25) La publicité ne s'arrête pas là puisque ce même article L. 526-2 prévoit que « lorsque la personne est
immatriculée dans un registre de publicité légale à caractère professionnel, la déclaration doit y être mentionnée
» et, lorsque la personne n'est pas tenue de s'immatriculer, par exemple les professionnels libéraux, c'est un
extrait de la déclaration qui doit être publié dans un journal d'annonces légales.
o
26 (26) Rapport Vautrin, préc., n 572, p. 106.
o
27 (27) Rapport Vautrin, préc., n 572, p. 106.
28 (28) On pense en particulier au contrat de mariage, à la donation ou, encore, à l'hypothèque.
29 (29) V., spécialement, l'intervention de M. Dutreil qui reprit ces différents arguments, en seconde lecture du
projet par l'Assemblée nationale, lorsque fut de nouveau contestée la nécessité d'une déclaration notariée (J.O.
du 4 juin 2003, Déb. Ass. nat.).
30 (30) Rapport Vautrin, préc., p. 108. Il a été indiqué lors des débats que le coût de la procédure ne serait pas
négligeable et pourrait dépasser - toutes formalités comprises - 300 € pour un bien d'une valeur de 100 000 €.
31 (31) La loi ne prévoit de dispositions transitoires que pour certains articles ; par exemple, en matière fiscale, la
er
plupart des textes n'entreront en vigueur que le 1 janvier 2004. Il faut en déduire que les textes sur la déclaration
d'insaisissabilité sont d'ores et déjà applicables, mais que les notaires ne savent pas quels émoluments ils
peuvent percevoir...
o
32 (32) R. Perrot et P. Théry, op. cit., n 219.
33 (33) On a savamment expliqué au cours des travaux préparatoires qu'étaient visés le registre du commerce et
o
des sociétés, le répertoire des métiers et le registre de la batellerie artisanale (cf. rapport Vautrin, préc., n 572, p.
104).
34 (34) On retrouve ici le domaine très large consacré pour d'autres dispositions destinées, elles aussi, à protéger
le « patrimoine personnel » de l'entrepreneur individuel : art. L. 313-21, C. monét. et fin., pour le cautionnement
ou art. 22-1 de la loi du 9 juillet 1991 permettant à l'entrepreneur d'orienter l'exécution vers les biens nécessaires
à l'exploitation. Il n'en reste pas moins qu'il y aura des exclus ; on songe, en particulier, au gérant de S.A.R.L.
Certes, la société le protège, mais l'on sait qu'en pratique, il se porte systématiquement caution...
35 (35) Sur cette idée selon laquelle la procédure collective peut aujourd'hui être appréhendée, non comme une
sanction, mais comme une faveur, v. spécialement, F. Pérochon, « Le " bénéfice " sélectif de la procédure
collective » in Mélanges Ch. Mouly, spéc. p. 407.
36 (36) Dès lors, du moins, qu'ils n'exercent pas leur activité dans le cadre d'une société professionnelle.
37 (37) Du moins pour leurs dettes professionnelles, qui ne sont pas davantage prises en compte pour solliciter
er
l'ouverture de la toute nouvelle procédure de redressement personnel (instituée par la loi « Borloo » du 1 août
2003).
38 (38) V., en dernier lieu, Cass. com., 8 juillet 2003, D. 2003, 2094, obs. A. Liénhard.
39 (39) Pour reprendre la belle expression d'H. Périnet-Marquet, rapporteur de synthèse du dernier Congrès des
notaires, v. Defrénois 2003, Act., p. 131 et suiv.
40 (40) En première lecture, un amendement proposait d'imposer, sous le régime de la communauté légale, que
« l'entrepreneur individuel présente le consentement explicite de son conjoint pour engager le patrimoine
commun dans la création d'une entreprise... car il n'est pas rare que l'un des conjoints ait été dans l'ignorance
des engagements pris par l'autre ». Une telle cogestion a été jugée contraire au principe constitutionnel de la
liberté du commerce et de l'industrie, d'où l'idée de se contenter d'une information du conjoint. La solution a été
adoptée par les deux assemblées dès la première lecture (v. par exemple, C. Vautrin et G. Carrez, Doc. Ass. nat.,
o
juin 2003, n 882, spéc. p. 22). Toutefois, rien n'est dit sur les modalités concrètes de cette information. On sait
juste qu'un décret en Conseil d'Etat précisera « en tant que de besoin » les modalités d'application du texte (art.
L. 526-4, al. 2, C. com.). Si l'on se contente de la formule suivante : « Je, soussigné X, conjoint de Y, déclare
avoir été informé des conséquences sur les biens communs des dettes contractées dans l'exercice de la
profession de mon conjoint », cette justification de l'information du conjoint risque fort de manquer sa cible et
d'être vécue comme une formalité inutile. On notera que, depuis peu, les époux sont censés au moins savoir,
grâce au livret de famille, que « la communauté est tenue du paiement des dettes contractées par un époux au
o
cours du mariage » (cf. l'annexe au décret n 2002-1556 du 23 décembre 2002 portant application de l'article 22
o
de la loi n 2001-1135 du 3 décembre 2001 et modifiant le décret relatif au livret de famille).
41 (41) Du coup il importera peu de savoir si leurs droits sont nés antérieurement ou postérieurement à la
publication de la déclaration.
42 (42) En ce sens, M. Laugier, art. préc., n° 14. Si ce conjoint exerce également une profession indépendante, il
lui appartient de procéder, de son côté, à une déclaration d'insaisissabilité.
43 (43) Sur cette jurisprudence, v., récemment, Cass. soc., 4 octobre 2001, RJPF 2002-1/30, obs. F. Vauvillé, à
re
propos de cotisations d'assurance-vieillesse et Cass. civ. 1 , 21 novembre 2001, RJPF 2002-3/26, obs. F.
Vauvillé à propos de cotisations d'assurance-maladie.
44 (44) On aura reconnu l'argumentation - certes rejetée par une jurisprudence célébrissime - développée par les
banquiers pour appréhender les biens communs en cas de procédure collective ouverte à l'encontre d'un époux
marié sous le régime légal.
45 (45) On a relevé que si l'on veut que la protection ait un sens, il faut interdire aux créanciers professionnels de
chaque coindivisaire, auteur de la déclaration, de demander le partage (cf. M. Laugier, art. préc., n° 14).
re
o
o
46 (46) V. récemment, Cass. civ. 1 , 6 novembre 2001, Bull. civ. I, n 271 ; Dr. famille 2002, n 212, obs. B. B. ;
o
JCP éd. G 2002, I, 178, n 4, obs. R. Le Guidec ; adde, l'étude de V. Brémond « L'engagement solidaire de tous
les coindivisaires », in JCP éd. N 2002, p. 1497.
47 (47) Les créanciers pourront, en toute hypothèse, inscrire une hypothèque judiciaire ou légale sur l'immeuble
insaisissable : la jurisprudence l'admet en présence d'une clause d'inaliénabilité qui pourtant empêche la saisie
re
o
(Cass. civ. 1 , 9 octobre 1985, Bull. civ. I, n 252 ; RTD civ. 1986, 622, obs. J. Patarin).
48 (48) Se posera toutefois la question de savoir si l'immeuble devient saisissable uniquement par les créanciers
postérieurs à la renonciation ou par tous les créanciers, y compris ceux dont la créance est née avant.
49 (49) J.O. du 26 mars 2003, Débats Sénat, p. 2115.
50 (50) J.-J. Hyest, J.O. du 26 mars 2003, préc., p. 2115.
51 (51) Cette nouvelle formulation a été adoptée sans discussion par le Sénat, puis par l'Assemblée nationale, la
Rapporteure s'étant déclarée favorable aux modifications apportées par le Sénat, car « elles permettent d'éviter
une rupture dans la protection de la résidence principale, tout en évitant les risques de manoeuvres frauduleuses
en limitant la protection pour les créances antérieures au montant des sommes effectivement réemployées »
o
(rapport Ass. nat., n 882, juin 2003 par C. Vautrin et G. Carrez, p. 23).
52 (52) C'est la solution que retient la doctrine en présence d'un bien déclaré insaisissable dans une libéralité : v.
o
R. Perrot et Ph. Théry, op. cit., n 220.
53 (53) Si les fonds restent entre les mains du notaire, aucun problème ne se posera. Mais quid si le prix est
déposé par l'entrepreneur sur son compte en banque ? il risque fort d'être mélangé avec d'autres fonds. Se
posera dès lors la question de savoir si l'insaisissabilité demeure ou non. Il n'y a aucune raison de ne pas faire
jouer la règle générale de l'article 15 de la loi du 9 juillet 1991, qui prévoit que les créances insaisissables dont le
montant est versé sur un compte demeurent insaisissables.
o
54 (54) Rapport Vautrin, préc., n 572, p. 109.
55 (55) J. Ostermann, J.O. du 26 mars 2003, Déb. Ass. nat., p. 2115.
56 (56) J.-J. Hyest, J.O. Déb. Ass. nat., préc.
DEF40083
Defrénois, 15 septembre 2011 n° 15, P. 1292 - Tous droits réservés
Saisie
La déclaration notariée
d’insaisissabilité : « ça marche ! »
Si la déclaration d’insaisissabilité n’a pas rencontré jusqu’à présent, en pratique, le succès escompté, la
confirmation de son efficacité vient d’être apportée par un récent arrêt de la Cour de cassation. Cette étude en
souligne l’intérêt et les enseignements pratiques pour les entrepreneurs et le notariat.
Saisie – Biens insaisissables – Patrimoine privé de l’entrepreneur individuel – Déclaration d’insaisissabilité –
Effets
par Frédéric Vauvillé
Agrégé des facultés de droit, professeur à l’université de Lille 2, conseiller scientifique du cridon Nord-Est
Cass. com., 28/06/2011, n° 10-15482, cassation partielle (FS-P+B+R+I),
Bull. civ., IV, à paraître
Sur le premier moyen,
après avertissement délivré aux parties :
Vu les articles L. 641-9 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde
des entreprises, L. 526-1 du Code de commerce, ensemble l’article L. 661-5 de ce code et les principes régissant
l’excès de pouvoir ;
Attendu que le débiteur peut opposer la déclaration d’insaisissabilité qu’il a effectuée en application du deuxième
de ces textes, avant qu’il ne soit mis en liquidation judiciaire, en dépit de la règle du dessaisissement prévue par
le premier ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que M. et Mme X., mariés sous le régime de la communauté, sont propriétaires
d’un immeuble d’habitation sur lequel M. X. a effectué une déclaration d’insaisissabilité par acte notarié du 30
avril 2005 publié le 4 mai 2005 ; que, le 2 mai 2006, M. X. a été mis en liquidation judiciaire, M. Y. étant désigné
liquidateur ; que, par ordonnance du 19 juin 2007, le juge-commissaire a autorisé le liquidateur à poursuivre la
vente aux enchères publiques de l’immeuble appartenant à M. et Mme X. ; que, statuant sur recours, par
jugement du 27 novembre 2008, le tribunal a déclaré nulle et de nul effet cette ordonnance ; que, le 17 décembre
2008, le liquidateur a interjeté appel de ce jugement, tandis que le ministère public en a relevé appel le 25 février
2009 ;
Attendu que pour confirmer l’ordonnance du juge-commissaire autorisant M. Y., ès qualités, à procéder à la vente
suivant la forme des saisies immobilières de l’immeuble commun appartenant à M. et Mme X., l’arrêt, après avoir
énoncé que la déclaration d’insaisissabilité effectuée en application de l’article L. 526-1 du Code de commerce,
qui n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent postérieurement à la publication à l’occasion de
l’activité professionnelle du déclarant, ne permet pas de déroger à la règle du dessaisissement à l’égard du bien
concerné, retient que cette déclaration, ne pouvant avoir d’effet à l’égard des créances nées antérieurement à sa
publication ou qui ne sont pas nées à l’occasion de l’activité professionnelle de M. X., ne peut empêcher la vente
du bien ;
Attendu qu’en statuant ainsi, alors que l’immeuble appartenant à M. et Mme X. ayant fait l’objet d’une déclaration
d’insaisissabilité publiée avant l’ouverture de la liquidation judiciaire de M. X., le juge-commissaire ne pouvait
autoriser, sous peine de commettre un excès de pouvoir, le liquidateur à procéder à la vente aux enchères
publiques de cet immeuble dont l’insaisissabilité lui était opposable, la cour d’appel a violé les textes et principes
susvisés ;
Par ces motifs,
et sans qu’il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :
Casse et annule, sauf en ce qu’il confirme le jugement en ce qu’il a déclaré l’« opposition » recevable, l’arrêt
rendu le 3 décembre 2009, entre les parties, par la cour d’appel d’Aix-en-Provence (…).
L'essentiel
• L’entrepreneur individuel débiteur peut opposer, en dépit de la règle du dessaisissement, la déclaration
d’insaisissabilité effectuée avant qu’il ne soit mis en liquidation judiciaire.
• La déclaration d’insaisissabilité fait dans ce cas obstacle à la vente aux enchères publiques de l’immeuble.
La question est posée depuis que la déclaration notariée d’insaisissabilité a vu le jour : interdit-elle, en cas de
procédure collective du déclarant (spécialement de liquidation judiciaire), de poursuivre la réalisation du ou des
biens qui ont été déclarés insaisissables (initialement limitée à la résidence principale, la déclaration a été
étendue par la loi de modernisation de l’économie du 4 août 2008 à « tout bien foncier bâti ou non bâti » non
affecté à l’usage professionnel du déclarant) ?
Curieusement, la loi du 1er août 2003 pour l’initiative économique, qui a fait entrer les dispositions nouvelles dans
un chapitre du Code de commerce intitulé « De la protection de l’entrepreneur individuel et du conjoint », est en
effet restée silencieuse sur l’efficacité du mécanisme en cas de procédure collective ; mutisme regrettable quand
on sait que la loi du 12 juillet 1909 sur les biens de famille, qui a inspiré la loi dite Dutreil, avait pour sa part pris
soin de préciser que l’insaisissabilité (du bien de famille) demeurera « même en cas de faillite ou de règlement
1
judiciaire » .
Ce silence aura suscité, durant près d’une décennie, discussions (de la doctrine), contradictions (de la
jurisprudence) et incertitude (des praticiens).
C’est dire l’importance d’un arrêt de la Cour de cassation en date du 28 juin 2011, qui refuse à un mandataire
liquidateur le droit de poursuivre la vente d’un bien déclaré insaisissable, même si, depuis la création de
2
l’entreprise individuelle à responsabilité limitée, la déclaration fait figure de protection subsidiaire .
Reste toutefois à s’assurer que la lumière apportée aujourd’hui éclaire toutes les zones d’ombre apparues hier.
I – L’ombre, dans l’attente d’un éclaircissement…
La difficulté tient au fait que l’insaisissabilité qu’organisent les articles L. 526-1 et suivants du Code de commerce
3
est relative .
C’est ce caractère qui explique les discussions de la doctrine et les hésitations de la jurisprudence.
A – Discussions doctrinales
On sait que, selon l’article L. 526-1 du Code de commerce, la déclaration d’insaisissabilité n’a d’effet qu’à l’égard
des créanciers dont les droits naissent, postérieurement à la publication, à l’occasion de l’activité professionnelle
du déclarant.
Il y a donc en théorie deux catégories de créanciers : ceux auxquels la déclaration est opposable et qui, donc, ne
peuvent pas saisir le ou les biens déclarés insaisissables (les créanciers professionnels postérieurs) et ceux
auxquels elle ne l’est pas (les créanciers antérieurs, professionnels comme privés, et les créanciers postérieurs
privés).
On sait aussi que seuls les biens saisissables figurent à l’actif de la procédure collective ouverte à l’encontre d’un
débiteur ; en cas de liquidation judiciaire, peuvent ainsi être réalisés tous les biens que le débiteur engage par
ses dettes.
S’il n’existe que des créanciers professionnels postérieurs, le ou les biens déclarés insaisissables le sont erga
omnes, de sorte que l’actif en question est hors procédure : le mandataire qui ne saurait avoir plus de droits que
les créanciers ne peut poursuivre la vente de l’actif déclaré insaisissable.
Reste que, pratiquement, il y aura le plus souvent, pour ne pas dire toujours, à côté des créanciers professionnels
postérieurs, des créanciers auxquels la déclaration ne sera pas opposable, ne serait-ce que les créanciers privés.
En effet, s’agissant par hypothèse d’une personne physique (celui que la loi appelle l’entrepreneur individuel), il y
aura forcément des besoins élémentaires qui, s’agissant d’un débiteur en difficulté, seront à l’origine d’un passif
impayé (électricité, eau, chauffage, téléphone, …).
Dans cette hypothèse, certainement la plus fréquente (si ce n’est systématique), il nous avait semblé hier que le
mandataire, agissant au nom de ces créanciers, pouvait poursuivre la vente du bien déclaré insaisissable ;
néanmoins, au stade de la distribution du prix, il lui appartenait de ne payer que les créanciers auxquels la
4
déclaration n’était pas opposable, et de remettre le cas échéant le solde au débiteur .
Tout le monde n’a pas été convaincu ; des plumes pour le moins autorisées ont soutenu que « le liquidateur, qui
ne peut représenter que la collectivité des créanciers et non pas seulement un groupe de créanciers, ne pourra
5
saisir l’immeuble » , ajoutant que « la loi serait privée d’effet au moment où l’entrepreneur a besoin de protection
6
» .
Être ou ne pas être… dans l’actif réalisable, telle était donc la question.
Jusqu’à présent, si l’on s’en tient aux décisions publiées, les juridictions du fond ont été divisées, même si elles
ont majoritairement répondu par l’affirmative.
B – Hésitations de la jurisprudence
Ainsi, la cour d’appel d’Orléans a-t-elle jugé le 15 mai 2008, qu’en présence de créanciers à qui est inopposable
7
la déclaration, le liquidateur peut poursuivre la réalisation de l’immeuble déclaré insaisissable .
De même, le tribunal de grande instance de Nancy a estimé que la « collectivisation des intérêts des créanciers
permet au mandataire liquidateur d’appréhender et de vendre au profit de la collectivité des créanciers la
résidence principale du débiteur si au jour de l’ouverture de la procédure… il n’existe qu’une seule créance
8
professionnelle non régularisée, née antérieurement à la publication de l’acte d’insaisissabilité de l’immeuble » .
Même son de cloche avec la cour d’appel d’Aix-en-Provence : « la déclaration d’insaisissabilité ne pouvant avoir
d’effet à l’égard des créances nées antérieurement à la publication de la déclaration ou qui ne sont pas nées à
9
l’occasion de l’activité professionnelle du débiteur, cette déclaration ne peut empêcher la vente du bien » .
Dans l’intervalle, la Cour de cassation rendra bien un arrêt mais sans pour autant faire avancer le débat ; par une
décision du 3 février 2009, elle approuvera une cour d’appel statuant sur la recevabilité de la demande d’un
liquidateur, tendant à voir déclarer inopposable à la procédure collective la déclaration d’insaisissabilité du
débiteur, d’avoir jugé qu’en l’absence de litige entre les créanciers et le débiteur, le liquidateur n’avait pas
10
d’intérêt à agir au sens de l’article 31 du Code de procédure civile .
Plus récemment, la cour d’appel de Douai adoptera une solution inverse de celle jusqu’alors retenue par les juges
du fond, en jugeant que « le liquidateur judiciaire a qualité pour agir dans l’intérêt collectif des créanciers lequel
ne se confond pas avec la somme des intérêts individuels de ceux-ci ; qu’il s’en déduit qu’il ne peut invoquer les
droits propres de certains d’entre eux (les créanciers antérieurs et les créanciers extraprofessionnels postérieurs
11
à la déclaration d’insaisissabilité) pour entreprendre la vente de l’immeuble dont s’agit » .
Cette cacophonie devrait prendre fin : le pourvoi formé à l’encontre de l’arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence
du 3 décembre 2009, permet aujourd’hui de connaître la position de principe de la Cour de cassation.
II – La lumière : consécration de l’efficacité de la
déclaration d’insaisissabilité
Par son arrêt du 28 juin 2011, la Cour de cassation consacre l’efficacité de la déclaration d’insaisissabilité en cas
de procédure collective. Pour autant, certaines interrogations demeurent. La pratique notariale devrait tirer toute
une série d’enseignements de cette réponse incomplète.
A – La solution et son fondement
Dans l’affaire soumise successivement à la cour d’appel d’Aix-en-Provence puis à la Cour de cassation, un mari
commun en biens avait déclaré insaisissable un immeuble d’habitation avant d’être mis en liquidation judiciaire un
peu plus d’un an après ; ce délai relativement court explique en l’espèce l’existence de créanciers antérieurs.
C’est dans cette situation de fait que la cour d’appel énoncera trois propositions : d’une part, « la déclaration
d’insaisissabilité ne permet pas de déroger au principe du dessaisissement à l’égard du bien concerné » ; d’autre
part, « la déclaration d’insaisissabilité ne pouvant avoir d’effet à l’égard des créances nées antérieurement à la
publication de la déclaration, ou qui sont nées à l’occasion de l’activité professionnelle (du débiteur) et de telles
créances existant au passif… la déclaration d’incessibilité ne peut empêcher la vente du bien » ; enfin, « la seule
conséquence de la déclaration d’insaisissabilité sera l’affection du produit de la vente au paiement des seuls
créanciers auxquels la déclaration est inopposable ».
C’est sur le terrain du dessaisissement que le pourvoi jugera bon de placer la discussion en relevant que
contrairement à la première proposition des juges du fond, en cas de liquidation judiciaire, les biens immobiliers
ayant fait l’objet d’une déclaration notariée d’insaisissabilité sont exclus du dessaisissement.
Une telle orientation, éloignée du débat doctrinal, est loin d’être évidente : le dessaisissement, qui règle une
question de pouvoir, n’est que la conséquence de l’inclusion des biens dans l’actif de la procédure, laquelle se
déduit de la saisissabilité de l’actif du chef du débiteur.
Mais, et c’est là qu’est la difficulté, en présence d’une déclaration notariée d’insaisissabilité, la saisissabilité de
l’actif concerné est relative.
Affirmer que les biens déclarés insaisissables sont exclus du dessaisissement constitue dès lors un raccourci qui
n’a rien d’évident.
Ce n’est d’ailleurs pas la formule que reprendra à son compte la Cour de cassation, même si elle cassera l’arrêt
aixois sur le fondement du dessaisissement ; en cas de liquidation judiciaire, « le débiteur peut opposer la
déclaration d’insaisissabilité qu’il a effectuée avant qu’il ne soit mis en liquidation judiciaire, en dépit de la règle du
dessaisissement ».
Selon la juridiction suprême, le débiteur a donc le pouvoir d’invoquer le bénéfice de la déclaration, bien qu’il soit
dessaisi ; ce serait l’un de ses droits propres qu’il peut exercer « en dépit de la règle du dessaisissement ». Dont
acte. Mais alors pourtant que le dessaisissement ne règle pas la question du sort du bien, la Cour de cassation
estime que le juge-commissaire ne pouvait autoriser, sous peine de commettre un excès de pouvoir, le liquidateur
à procéder à la vente de l’immeuble dont l’insaisissabilité lui était opposable. C’est certes la position d’une partie
de la doctrine, mais l’on ne sait pourquoi la juridiction suprême s’y rallie, car le dessaisissement ne saurait suffire
12
à justifier que le mandataire ne puisse réaliser l’actif en question .
Au-delà du fondement théorique, d’autres interrogations, de portée pratique, demeurent.
B – Enseignements pratiques
Trois points retiennent l’attention.
Observation
Compte tenu de l’orientation que semble avoir pris la jurisprudence, les notaires pourront donc désormais
accueillir dans leurs études ces débiteurs aux abois et leur proposer in extremis de déclarer insaisissable
l’ensemble de leurs immeubles non professionnels, sachant que, à en croire la Cour de cassation, la déclaration
serait à l’abri des nullités de la période suspecte puisqu’il suffit qu’elle soit publiée avant l’ouverture de la
procédure collective.
• En premier lieu, on doit observer que rien n’est dit de la nature des créances en l’espèce. L’opposabilité de
l’insaisissabilité au liquidateur est ainsi énoncée sans que soit évoquée la présence de créanciers auxquels la
déclaration serait opposable, c’est-à-dire des créanciers postérieurs professionnels.
On voit toutefois mal comment la déclaration pourrait être opposée au liquidateur alors qu’il n’existerait que des
créanciers auxquels la déclaration serait inopposable, sachant que l’hypothèse n’est pas d’école : qu’on songe au
débiteur en difficulté qui déposerait le bilan au lendemain de la publication de sa déclaration.
Reste que, dans l’affaire soumise à la Cour de cassation, compte tenu des dates, il y avait sans nul doute des
créanciers professionnels postérieurs, auxquels la déclaration était donc opposable ; dès lors, si on suit la logique
de la Cour de cassation, il suffirait d’un créancier auquel la déclaration serait opposable (un créancier
professionnel postérieur), pour que la déclaration devienne, en cas de procédure collective, également
opposable, non pas aux créanciers antérieurs, mais au liquidateur…
Inventée pour les créateurs d’entreprise ayant peur de perdre leur maison, la déclaration notariée
d’insaisissabilité devient un mécanisme de protection qui permet de venir au secours d’un débiteur en difficulté
pensant un peu tard à protéger ses biens, ce que ne permet pas le récent statut d’EIRL (v. infra encadré
Observation).
• On relèvera, en second lieu, qu’il y a eu en pratique, compte tenu de l’incertitude régnant en la matière, des
ordonnances autorisant la vente d’immeubles déclarés insaisissables.
Il pourrait encore y en avoir demain, tant que, du moins, l’arrêt du 28 juin 2011 n’aura pas connu la publicité qu’il
mérite (et que la Cour de cassation entend lui donner avec le label P+B+R+I).
Le juge, comme le précise la Cour de cassation en l’espèce, commettrait alors un excès de pouvoir.
Quelle devrait être l’attitude du notaire invité à régulariser la vente en vertu d’une telle ordonnance ?
Qu’il informe le débiteur de ses droits – en l’occurrence du droit de former un recours dit nullité, recours
13
exclusivement ouvert aujourd’hui, par la jurisprudence, en cas d’excès de pouvoir – ne fait pas de doute.
Reste que, pratiquement, le notaire interviendra alors que la décision sera le plus souvent définitive : selon
l’article R. 661-3 du Code de commerce, le délai d’appel est de dix jours à compter de la notification de la
14
décision et ce délai vaut aussi pour le recours-nullité .
Rien ne devrait alors s’opposer à la régularisation de la vente, autorisée en vertu d’une décision de justice
critiquable mais non critiquée…
• Enfin et surtout, jusqu’à présent, les notaires devaient certainement faire preuve de prudence en recevant une
déclaration d’insaisissabilité et informer leur client, d’une part, des limites de la protection (l’insaisissabilité
relative) et, d’autre part, des incertitudes quant à son efficacité en cas de procédure collective.
Leur discours devrait être plus rassurant au lendemain de l’arrêt du 28 juin 2011. Une interrogation nous paraît
pourtant demeurer : si le mandataire ne peut réaliser l’immeuble déclaré insaisissable, c’est qu’il est hors
procédure.
On ne peut donc lui appliquer les règles des procédures collectives. Mais alors, les créanciers auxquels la
déclaration est inopposable, devraient pouvoir saisir le bien, sans qu’on puisse leur opposer l’arrêt des
poursuites, règle élémentaire du droit des procédures collectives qui ne joue que pour l’actif compris dans la
15
procédure . L’arrêt du 28 juin dernier fermerait donc la porte au mandataire, mais les créanciers pourraient
passer par la fenêtre ! Échappant ainsi à la procédure, ils pourraient bien conseiller, en amont, à leur débiteur
(spécialement s’il est emprunteur) de faire une déclaration d’insaisissabilité…
Préconisation
Dans ce cas, il faudrait toutefois, selon nous, procéder à une ventilation du prix (comme dans l’arrêt d’Aix-enProvence) pour déterminer quelle part doit revenir au mandataire liquidateur ; si les créances auxquelles la
déclaration est inopposable étaient inférieures au prix, le reliquat devrait être remis au débiteur.
Vu par…
Frédéric Roussel
notaire à Lille, secrétaire du bureau du CSN
La déclaration d’insaisissabilité ne doit sa survie qu’à la commission des lois du Sénat. Le projet de loi relatif à
l’EIRL initial prévoyait sa suppression car le nouveau régime était réputé corriger les « disfonctionnements » de la
déclaration. Mais le Sénat a souhaité conserver ce « mécanisme simple et suffisant de protection du patrimoine
personnel pour beaucoup d’entrepreneurs qui pourraient ne pas souhaiter passer en EIRL ». Aujourd’hui,
l’entrepreneur peut encore préférer opter pour la déclaration d’insaisissabilité, qui a connu un essor inattendu
depuis 2009, plutôt que pour l’EIRL.
Mais en réalité les deux régimes de protection peuvent être combinés : l’entrepreneur individuel qui a scindé son
patrimoine en en affectant une partie à un patrimoine professionnel peut, au moyen d’une déclaration
d’insaisissabilité, protéger ses actifs immobiliers non professionnels conservés dans le patrimoine privé,
notamment des créanciers issus de ses autres activités professionnelles, elles aussi restées dans le patrimoine
privé (au moins jusqu’au 1er janvier 2013, date à laquelle un entrepreneur individuel pourra devenir pluri-EIRL).
Les notaires (mais aussi naturellement les experts-comptables et avocats) seront donc bien inspirés, en présence
d’entrepreneurs individuels (artisans, commerçants, professionnels libéraux, agriculteurs) disposant d’un
patrimoine immobilier non professionnel, de leur conseiller systématiquement une déclaration d’insaisissabilité
dans le cadre de leur devoir ou obligation de conseil.
1 1. V. par exemple, notre étude, « La déclaration notariée d’insaisissabilité » : Defrénois 2003, p. 1197 et s., art.
37813
2 2. V. Defrénois flash 18 juill. 2011, « L’efficacité confirmée de la déclaration d’insaisissabilité », p. 1 et s., n° 238
3 3. Sur ce caractère, v. par exemple, D. Autem, « L’insaisissabilité de la résidence principale de l’entrepreneur
individuel » : Defrénois 2004, p. 327 et s., art. 37890
4 4. V. notre étude préc., n° 14 et « Déclaration notariée d’insaisissabilité et procédure collective du déclarant » :
Act. proc. coll. n° 17, 31 oct. 2003
5 5. P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action, n° 572-40. Adde : même auteur, «
Protection de l’entrepreneur individuel et déclaration d’insaisissabilité » : AJDI 2004, p. 179
e
6 6. C. Saint-Alary-Houin, Droit des entreprises en difficulté, 6 éd., n° 1214. Adde : D. Voinot, Droit économique
des entreprises en difficulté, LGDJ, n° 640, qui estime que la déclaration passée en période suspecte doit pouvoir
être annulée et qu’à défaut, elle doit jouer pleinement, quelle que soit la date de naissance de chaque créance.
7 7. CA Orléans, 15 mai 2008 : Act. proc. coll. 2008, n° 239, note P. Cagnoli - M. Cabrillac et P. Pétel, in JCP E
2009, 1008, n° 9
8 8. JCP E 2010, n° 1229, note C. Lebel
9 9. CA Aix-en-Provence, 3 déc. 2009 : Act. proc. coll. 2010, n° 164, obs. J. Vallansan
10 10. Cass. com., 3 févr. 2009 : D. 2009, act. jurispr. p. 494, obs. A. Lienhard ; BJS mars 2009, p. 226, éclairage
M. Sénéchal ; Procédures 2009, comm. n° 159, note Roland
11 11. CA Douai, 23 sept. 2010 : JCP E 2011, n° 2076, note C. Lebel
12 12. Ce qui explique que les premiers commentateurs évoquent « une belle économie de moyens dans la
formule » : v. A. Lienhard, in D. 2011, p. 1751
13 13. V. Cass. ch. mixte, 28 janv. 2005 : Bull. civ., ch. mixte, n° 1 ; D. 2005, inf. rap. p. 386, obs. V. AvenaRobardet
14 14. V. spéc. Cass. com., 15 janv. 1991 : Bull. civ., IV, n° 26 ; D. 1992, somm. p. 91, obs. F. Derrida ; JCP E
1991, II, 165, note O. Barret ; Gaz. Pal. 1992, 1, p. 85, note J.-P. Marchi
15 15. V. dans le même sens, C. Lebel, note ss CA Douai, 23 sept. 2010, préc. note 11 et ss arrêt rapporté in
JCP N 2011, n° 1238
Defrénois, 15 septembre 2010 n° 15, P. 1649 - Tous droits réservés
ENTREPRISE
39144. Commentaire de la loi du 15 juin 2010 relative à l'entrepreneur individuel à
responsabilité limitée (a)
En raison de l'importance patrimoniale des dispositions que comporte la récente loi relative à
l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), les notaires seront amenés à
conseiller leurs clients sur l'opportunité d'adopter ce nouveau statut.
Dans ce but, l'auteur de cette étude commente les points clés du dispositif d'affectation du
patrimoine, en le mettant en parallèle avec un autre mécanisme protecteur des entrepreneurs,
celui de la déclaration d'insaisissabilité.
par Frédéric VAUVILLÉ,
Professeur à l'université de Lille 2,
Conseiller scientifique du Cridon Nord-Est,
Avocat au barreau de Lille.
***
La création de l'entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) se fonde sur un double
constat ; le premier est d'ordre socio-économique, le second est plus juridique.
Le premier tient au fait que la moitié des entrepreneurs français exercent, en nom propre, leur
activité professionnelle (1) . Il a, de manière plus précise, été souligné qu'au 1er janvier 2008,
sur les 3 003 693 entreprises recensées en France par l'Insee, 1 540 130 prenaient la forme
d'une société, soit 51,4 %, tandis que 1 459 563 étaient des personnes physiques exerçant en
nom propre, soit 48,6 %. De plus, en 2008, sur 331 439 entreprises créées, 169 631 étaient des
entreprises individuelles, soit 51,2 %. En 2009, eu égard au succès de la formule de l'autoentrepreneur, les entreprises individuelles représentaient un total de 427 890 sur 580 193, soit
73,7 %.
À cette importance économique indéniable de l'entreprise individuelle, il faut associer une
donnée juridique essentielle. Conformément à l'article 2284 du Code civil, l'entrepreneur
individuel engage l'intégralité de son patrimoine par ses dettes professionnelles. Il en résulte
que « la totalité du patrimoine de l'entrepreneur et de sa famille peut être mise en péril en cas
d'échec de l'entreprise ou simplement de difficultés professionnelles passagères »
été présenté comme une « profonde injustice » (3) .
(2)
, ce qui a
D'où – on le sait depuis longtemps – la nécessité de réfléchir à une protection patrimoniale de
l'entrepreneur individuel. Selon le législateur de 2010, les réponses apportées jusqu'à présent
par la loi ne se sont pas révélées satisfaisantes. Il a ainsi, en premier lieu, été souligné que la
création de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL), par la loi du 11 juillet
1985, « n'a pas rencontré le succès escompté » (4) . Il a été expliqué que cette formule ne
représentait, en 2008, que 6,2 % du nombre total des entreprises, insuccès que l'on a expliqué
par la psychologie des entrepreneurs réticents à constituer une personne morale et, plus
généralement, à suivre des procédures et à remplir des formalités. De plus, cette technique
sociétaire – comme toute technique sociétaire d'ailleurs – se révèle imparfaite sur le plan de la
protection patrimoniale, puisque, en pratique, les banques n'hésitent pas à exiger des garanties
sur le patrimoine privé de l'associé unique lors d'un crédit accordé à la société. Quant à la loi
Madelin du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle, il a été reconnu
qu'elle apportait une protection très relative du patrimoine familial (5) .
L'approche a été plus nuancée s'agissant de l'insaisissabilité de la résidence principale
instituée par la loi du 1er août 2003 pour l'initiative économique. Applicable à « tous les types
d'entrepreneurs individuels », cette déclaration n'a certes d'effet qu'à l'égard des créanciers
professionnels dont les droits sont nés postérieurement à sa publication, mais elle constitue
une réelle protection contre « les aléas de l'activité professionnelle », dès lors que la maison
de l'entrepreneur individuel ne pourra pas être saisie à la demande de ses créanciers
professionnels.
La protection est d'autant plus appréciable qu'elle a été étendue par la loi du 4 août 2008 de
modernisation de l'économie à tous les biens fonciers, bâtis ou non, que le déclarant n'a pas
affectés à son activité professionnelle (6) ; par ailleurs, elle constitue une procédure simple et
peu coûteuse dont le coût global a été évalué autour des 500 €.
Reste que, d'après l'exposé des motifs du projet de loi, la déclaration d'insaisissabilité
concernerait peu d'entrepreneurs et n'aurait pas rencontré le succès attendu. Il a, à cet égard,
été relevé par le rapporteur du projet devant le Sénat que la déclaration demeurait un dispositif
méconnu pour lequel n'avait pas été effectuée une promotion suffisante auprès des intéressés.
Il a ainsi été avancé au cours des débats qu'Infogreffe n'aurait comptabilisé que
12 000 déclarations d'insaisissabilité (7) . Une telle présentation du bilan de la déclaration
d'insaisissabilité n'est pas sans étonner : sur un plan statistique tout d'abord, il est bien évident
que le nombre de 12 000 déclarations révélé par Infogreffe est trompeur : d'une part, parce
qu'il ne recense pas les déclarations ayant donné lieu à une publicité dans un journal
d'annonces légales (il s'agit des entrepreneurs individuels exerçant une activité agricole ou
indépendante) et, d'autre part, le nombre doit être mis en regard avec celui des entrepreneurs
individuels qui seraient propriétaires de leur immeuble, nombre qui n'est pas avancé.
Au-delà de l'aspect quantitatif, il manque surtout une donnée d'ordre qualitatif, puisqu'on ne
sait toujours pas si la déclaration d'insaisissabilité permet à l'entrepreneur individuel mis en
procédure collective de « sauver » le ou les immeubles qu'il aura préalablement déclarés
insaisissables, dès lors du moins qu'il existe des créanciers auxquels la déclaration ne peut pas
être opposée, en particulier des créanciers « privés ».
Quoi qu'il en soit, l'extension de la déclaration d'insaisissabilité à l'ensemble des immeubles
non affectés à l'activité professionnelle en 2008 annonçait nécessairement un dispositif de
protection plus étendu, tant il était peu cohérent de ne protéger que les immeubles privés.
Le législateur de 2010 a considéré qu'en ces temps de crise, où la mondialisation de
l'économie favorise le travail non salarié (8) , il fallait franchir un pas de plus et instituer « le
patrimoine professionnel d'affectation ».
Il a été rappelé au cours des débats parlementaires que l'idée consistant à créer un patrimoine
d'affectation pour protéger les entrepreneurs individuels n'était pas nouvelle. On se souvient
ainsi qu'en 1978, un groupe de travail présidé par le professeur Champaud avait rédigé un
rapport préconisant la création d'une entreprise personnelle à responsabilité limitée, et qu'au
lendemain de la loi de 1985 sur l'EURL, le sénateur Marini avait suggéré la création d'un
patrimoine fiscal d'affectation. Plus récemment, en 2008, un rapport rédigé par M. de Roux et
remis à Hervé Novelli, alors secrétaire d'État en charge des entreprises et du commerce
extérieur, avait à nouveau suggéré la création d'un patrimoine d'affectation (9) .
C'est ainsi qu'à la fin de l'année 2009, le Premier ministre a annoncé la création du statut
d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, considérant, après l'extension de la
déclaration d'insaisissabilité à l'ensemble du patrimoine immobilier non professionnel, qu'il
était devenu « artificiel de distinguer les biens immobiliers des autres biens ». Selon les
initiateurs du texte, il s'agit, avec l'EIRL, de « faire le choix du patrimoine d'affectation, afin
de permettre de limiter le risque pesant sur le patrimoine personnel et familial de celui qui
entreprend, sans lui imposer les formalités de constitution et de gestion d'une société, fusse-telle unipersonnelle » (10) . Bref, il est question de protéger, comme s'il y avait société, mais
sans avoir à suivre les formalités qu'impose la création d'une personne morale. Certains
diront : « le beurre et l'argent du beurre »…
Plus juridiquement, ensuite, il s'agit de faire « le choix du patrimoine d'affectation » (11) et de
scinder le patrimoine de l'entrepreneur individuel pour distinguer, d'une part, un patrimoine
personnel et, d'autre part, un patrimoine professionnel qui ne répondra que des dettes
professionnelles ; pratiquement, la séparation s'effectue par une simple déclaration
d'affectation qui revient à rendre saisissables les biens professionnels, le contraire d'une
déclaration d'insaisissabilité…
Le projet de loi a été présenté en conseil des ministres le 27 janvier 2010, avant d'être adopté
par l'Assemblée nationale, en première lecture, le 17 février 2010 dans le cadre d'une
procédure d'urgence. Le Sénat y a apporté quelques retouches le 8 avril 2010, d'où
l'intervention d'une commission mixte paritaire dont le texte a été adopté par le Sénat le 5 mai
et par l'Assemblée nationale le 12. Le texte a été soumis au Conseil constitutionnel qui, le
10 juin 2010, a censuré des dispositions jugées sans lien avec l'EIRL ; en revanche, toutes les
dispositions relatives à celle-ci ont été jugées conformes à la Constitution. Le texte est ainsi
devenu la loi du 15 juin 2010, publiée au Journal officiel du lendemain (12) .
L'un des principaux points de discorde entre les deux assemblées a été de savoir s'il convenait
de maintenir, ou non, la déclaration notariée d'insaisissabilité. L'affectation qui permet à
l'entrepreneur individuel de protéger son patrimoine personnel des poursuites de ses
créanciers professionnels conduit, en effet, à rendre insaisissable l'ensemble de ses biens
privés. L'EIRL est donc plus protectrice que la déclaration notariée d'insaisissabilité qui
permet de ne mettre à l'abri que les immeubles non professionnels. En d'autres termes, sur le
plan de la protection patrimoniale, l'EIRL absorbe la déclaration d'insaisissabilité. C'est ce qui
explique qu'à l'origine du projet, il était prévu de supprimer la déclaration d'insaisissabilité
dans un délai de neuf mois à compter de la publication de la loi nouvelle.
Le Sénat a pour sa part estimé qu'il était préférable de maintenir la déclaration
d'insaisissabilité. Il a d'abord été avancé que sur les 12 000 déclarations recensées de 2003
à 2009, 10 000 avaient été faites pour la seule année 2009, accélération « sans doute due à la
crise économique » permettant d'affirmer que « l'insaisissabilité commence enfin à rencontrer
le succès » (13) . En vérité, les chiffres sont faux, puisque, lors de la loi de modernisation de
l'économie, il avait été avancé le chiffre de 10 000 déclarations (14) … Toujours est-il que le
Sénat a estimé qu'il ne serait pas pertinent de supprimer ce dispositif au motif qu'il n'intéresse
pas les entrepreneurs. Il a, par ailleurs, été ajouté que « le législateur doit veiller à donner aux
entrepreneurs la liberté de choisir eux-mêmes la forme de protection ou la forme d'exercice
professionnel qui leur convient le mieux » (15) . Dans la même logique, il a été considéré qu'il
n'y avait pas lieu d'envisager de supprimer, pour l'avenir, l'EURL ; là encore, il convient de
laisser le choix à l'entrepreneur individuel de choisir le cadre juridique qui lui paraît
correspondre le mieux à sa situation personnelle, étant entendu qu'il est possible de cumuler
les dispositifs, par exemple, le statut d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée et
l'insaisissabilité (16) .
La commission mixte paritaire a également considéré qu'il convenait de maintenir la
déclaration d'insaisissabilité, au motif que ce dispositif « peut présenter un intérêt pour ceux
des 1,5 million d'entrepreneurs individuels qui ne font pas le choix de l'EIRL » (17) .
Il n'en demeure pas moins que ce maintien d'une pluralité de dispositifs de protection pose
question. D'ores et déjà des critiques fortes apparaissent, en particulier lorsqu'on se livre à un
parallèle entre l'EIRL et l'EURL (18) et qu'on tente de cerner l'utilité du nouveau dispositif.
Assurément, le praticien sera interpellé demain par les entrepreneurs individuels qui
s'interrogeront sur la protection la mieux adaptée à leur situation et se demanderont quels sont
les avantages et inconvénients de chaque dispositif. C'est dire si le notariat, conseil
traditionnel de l'entrepreneur individuel, doit s'efforcer de se familiariser avec ce nouveau
statut de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, qui soulève deux questions
principales : comment se crée l'entreprise (I) et quelle protection elle apporte (II).
I. L'affectation
Le principe de l'affectation est consacré par l'article L. 526-6 du Code de commerce : « tout
entrepreneur individuel peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de
son patrimoine personnel, sans création d'une personne morale ».
La première question qui se pose est celle du contenu de ce patrimoine professionnel (A). Il
conviendra ensuite de rechercher comment se réalise cette affectation (B).
A. La composition du patrimoine affecté
Selon l'article L. 526-6, alinéa 2, du code précité, « ce patrimoine est composé de l'ensemble
des biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire,
nécessaires à l'exercice de son activité professionnelle. Il peut comprendre également les
biens, droits, obligations ou sûretés dont l'entrepreneur individuel est titulaire, utilisés pour
l'exercice de son activité professionnelle et qu'il décide d'y affecter ».
Dans l'esprit des initiateurs du texte, il y a, comme en matière fiscale, deux catégories de
biens (19) susceptibles d'êtres affectés :
– d'une part, les biens nécessaires à l'exercice de l'activité professionnelle qui doivent
obligatoirement être affectés (20) ;
– d'autre part, l'entrepreneur a la possibilité d'affecter des biens qui sont utilisés pour
l'exercice de son activité professionnelle (21) .
Il a été donné comme exemple le cas du commerçant pour lequel le fonds de commerce
constitue un bien nécessaire, tandis que le véhicule personnel qu'il utilise pour se rendre chez
ses fournisseurs y chercher les produits qu'il vend sera seulement considéré comme un bien
utilisé. De la même manière, les outils de l'artisan seront un bien nécessaire, tandis que
l'atelier qu'il a aménagé dans sa résidence et qui lui sert pour son activité professionnelle sera
un bien utilisé (22) .
Si l'affectation est ouverte à tous les entrepreneurs individuels, la composition du patrimoine
affecté combine une obligation (les biens nécessaires) et une faculté (les biens utilisés). Il y a
ainsi d'un côté des biens qui sont « affectés par nature » à l'activité (23) et des biens
simplement utilisés pour les besoins de l'activité professionnelle, c'est-à-dire des biens à usage
mixte personnel et professionnel (24) .
Cette distinction, présentée comme empruntée à la doctrine et à la jurisprudence fiscale, pose
nécessairement la question de savoir si la faculté qui s'offre à l'entrepreneur individuel,
s'agissant des biens utilisés, pourrait, ou non, être critiquée ; s'agissant d'une affectation qui
rend saisissable le bien par les créanciers professionnels, on ne voit pas a priori l'intérêt qu'a
l'entrepreneur à affecter le bien qui est seulement utilisé, si on lui offre la possibilité de ne pas
le faire.
Reste que, selon les travaux préparatoires, « le dispositif est optionnel (et) respectueux de la
liberté de l'entrepreneur… (mais) garantit que les biens purement professionnels
constitueront le gage des créanciers, tandis que l'entrepreneur peut moduler une partie de
son niveau d'engagement financier » (25) .
Deux observations complémentaires :
– d'une part, selon l'article L. 526-6, alinéa 2, in fine, du Code de commerce, « un même bien,
droit, obligation ou sûreté ne peut entrer dans la composition que d'un seul patrimoine
affecté » ;
– d'autre part, selon l'article 14 de la loi, qui paraît accorder un délai de réflexion au
législateur, « un même entrepreneur individuel peut constituer plusieurs patrimoines
affectés », mais seulement à compter du 1er janvier 2013.
Il s'agit de prendre en compte l'hypothèse de la pluriactivité, hypothèse dans laquelle on
pouvait hésiter entre héberger « plusieurs activités au sein d'un même patrimoine affecté ou,
au contraire, permettre une pluralité de patrimoines affectés » (le projet initial prévoyait
qu'« un même entrepreneur individuel ne peut constituer plusieurs patrimoines affectés »).
B. La procédure d'affectation
Compte tenu des conséquences juridiques de l'affectation à l'égard des tiers, une publicité est
nécessaire ; clients, fournisseurs et prêteurs doivent savoir que le professionnel est un
entrepreneur individuel à responsabilité limitée.
1. Les règles générales de publicité
a. On doit, en premier lieu, relever que la loi impose à l'entrepreneur individuel à
responsabilité limitée de révéler sa qualité à l'occasion de l'exercice de son activité
professionnelle. C'est ainsi que, selon l'article L. 526-6, alinéa 3, du Code de commerce,
« pour l'exercice de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté,
l'entrepreneur individuel utilise une dénomination incorporant son nom, précédée ou suivie
immédiatement des mots : “entrepreneur individuel à responsabilité limitée” ou des initiales :
“EIRL” ». C'est ainsi, par exemple, qu'on pourra lire demain sur un courrier professionnel ou
une facture : « EIRL Durand ».
Le législateur est attaché à cette publicité, à tel point que, selon l'article L. 526-20, le
ministère public, ainsi que tout intéressé, peuvent demander au président du tribunal statuant
en référé d'enjoindre sous astreinte un entrepreneur individuel à responsabilité limitée de
porter sur tous ses actes et documents sa dénomination, précédée ou suivie immédiatement et
lisiblement des mots : « entrepreneur individuel à responsabilité limitée » ou des initiales :
« EIRL ».
Bref, la qualité d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée doit s'afficher. Cette
publicité ne saurait naturellement suffire.
b. L'article L. 526-7 prévoit ainsi que « la constitution du patrimoine affecté résulte du dépôt
d'une déclaration effectuée :
1. soit au registre de publicité légale auquel l'entrepreneur individuel est tenu de
s'immatriculer ;
2. soit au registre de publicité légale choisi par l'entrepreneur individuel en cas de double
immatriculation ;
Dans ce cas, mention en est portée à l'autre registre ;
3. soit, pour les personne physiques qui ne sont pas tenues de s'immatriculer à un registre de
publicité légale ou pour les exploitants agricoles, à un registre tenu au greffe du tribunal
statuant en matière commerciale du lieu de leur établissement principal ».
On retrouve les deux catégories d'entrepreneurs individuels que vise l'article L. 526-1 du Code
de commerce en matière de déclaration d'insaisissabilité ; ce texte distingue en effet, d'une
part, les personnes physiques immatriculées à un registre de publicité légale à caractère
professionnel et, d'autre part, celles qui exercent une activité professionnelle, agricole ou
indépendante.
En matière de déclaration d'insaisissabilité, celle-ci doit être mentionnée au registre où le
professionnel se trouve immatriculé, c'est-à-dire, en pratique, le registre du commerce et des
sociétés ou le répertoire des métiers. Il en ira de même pour la déclaration d'affectation, avec
cette différence, qu'en cas de double immatriculation, la déclaration d'affectation sera
effectuée auprès d'un registre, mais mention en sera faite au second (ainsi, l'artisan qui, à titre
accessoire, fait du commerce et se trouve alors immatriculé au registre du commerce et des
sociétés et au répertoire des métiers, fera sa déclaration au répertoire des métiers, mais
mention de la déclaration sera faite au registre du commerce).
S'agissant des personnes physiques qui ne sont pas tenues de s'immatriculer ou exercent une
activité agricole, l'article L. 526-2 prévoit, à propos de la déclaration d'insaisissabilité, une
publicité dans un journal d'annonces légales.
Une telle publicité n'a pas paru suffisante en matière d'EIRL pour assurer l'information des
tiers ; on imagine mal, en effet, que le fournisseur d'un entrepreneur individuel à
responsabilité limitée soit tenu de consulter les journaux d'annonces légales des années
passées pour s'assurer de l'existence d'une EIRL. C'est pourquoi le législateur a fait le choix
d'un point de rattachement fixe en créant un nouveau registre. La méthode n'est pas sans
précédent ; c'est celle qui a été retenue en droit des procédures collectives lorsque la matière a
été ouverte aux agriculteurs puis aux professionnels indépendants : il existe un registre spécial
tenu par le greffe du tribunal de grande instance.
En matière d'EIRL, le registre sera tenu par le greffe du tribunal statuant en matière
commerciale du lieu de l'établissement principal. La solution est curieuse, puisque sont par
hypothèse concernées, d'une part, des personnes qui ne sont pas tenues de s'immatriculer à un
registre de publicité légale, c'est-à-dire les professionnels indépendants et, d'autre part, les
« exploitants agricoles » ; or, les uns et les autres n'exercent pas une activité commerciale
mais une activité civile, ce qui explique, par exemple, la compétence du tribunal de grande
instance en cas de procédure collective. Le choix du tribunal de commerce est alors étonnant,
puisqu'en aucun cas, le professionnel indépendant ou l'agriculteur n'est amené à relever de
cette juridiction…
c. Cette publicité fait l'objet d'un contrôle quant aux pièces qui doivent accompagner la
déclaration lors de son dépôt. L'article L. 526-8 du Code de commerce prévoit, à cet égard,
que « les organismes chargés de la tenue des registres (…) n'acceptent le dépôt de la
déclaration qu'après avoir vérifié qu'elle comporte… » certaines pièces.
La déclaration doit d'abord comporter « un état descriptif des biens, droits, obligations ou
sûretés affectés à l'activité professionnelle, en nature, qualité, quantité et valeur ». Si l'on
reprend l'exemple du commerçant affectant son fonds de commerce, ce dernier devra donc
procéder, non seulement à sa désignation, mais aussi à son estimation.
L'article L. 526-8 impose ensuite de mentionner l'objet de l'activité professionnelle à laquelle
le patrimoine est affecté, sachant que, si l'objet est modifié, il conviendra de le mentionner au
registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration.
L'article L. 526-8 prévoit enfin la vérification des documents attestant de l'accomplissement
des formalités visées aux articles L. 526-9 à L. 526-11, ce qui correspond à des situations
particulières.
2. Les règles spéciales d'affectation
a. Les biens de valeur
L'article L. 526-10 du Code de commerce concerne le cas des éléments d'actif – autres que
des liquidités – qui seraient d'une valeur déclarée supérieure à un montant fixé par décret ; le
texte initial prévoyait un seuil fixé par décret, mais l'Assemblée nationale a jugé bon de fixer
ce seuil à 30 000 €, solution sur laquelle est revenu le Sénat, estimant préférable de revenir au
système de la fixation d'un seuil par décret afin de ne pas empêcher la réévaluation nécessaire
pour tenir compte de l'inflation (26) .
En présence d'un tel élément d'actif, l'évaluation doit être faite « au vu d'un rapport annexé à
la déclaration et établi sous sa responsabilité par un commissaire aux comptes, un expertcomptable, une association de gestion et de comptabilité ou un notaire désigné par
l'entrepreneur individuel » (mais « l'évaluation par un notaire ne peut concerner qu'un bien
immobilier »).
Il était prévu à l'origine l'intervention d'un commissaire aux apports, mais l'Assemblée
nationale a préféré remplacer le recours de ce commissaire aux apports par un commissaire
aux comptes ou encore par un expert-comptable, « interlocuteur habituel de l'entrepreneur et
dont les prestations sont habituellement moins onéreuses » (27) .
Selon les travaux préparatoires, cette exigence est à rapprocher de celle prévue en cas de
société à responsabilité limitée (C. com., art. L. 223-9).
Ce souci d'alignement, clairement affiché par les parlementaires, a conduit à poser deux autres
règles :
– lorsque l'affectation d'un bien de valeur est postérieure à la constitution du patrimoine
affecté, elle fait l'objet d'une évaluation dans les mêmes formes et donne lieu au dépôt d'une
déclaration complémentaire (C. com., art. L. 526-10, al. 2, qui a été mis en comparaison avec
l'article L. 222-33 du même code en cas d'augmentation du capital d'une SARL) ;
– il a été souligné que, « de même que pour les SARL, l'absence d'évaluation entraîne la
responsabilité de l'entrepreneur individuel, à l'égard des tiers, sur la totalité de son
patrimoine professionnel comme personnel, à hauteur de la valeur attribuée aux biens dans la
déclaration. Cependant, en cas de déclaration d'une valeur supérieure à celle figurant dans
l'évaluation, la responsabilité est limitée à la différence entre ces deux valeurs, alors qu'elle
porte toujours sur la totalité de la valeur attribuée aux apports pour les sociétés à
responsabilité limitée » (28) .
L'article L. 526-10 prévoit ainsi que « lorsque la valeur déclarée est supérieure à celle
proposée par le commissaire aux comptes, l'expert-comptable, l'association de gestion et de
comptabilité ou le notaire, l'entrepreneur individuel est responsable pendant une durée de
cinq ans à l'égard des tiers sur la totalité de son patrimoine, affecté et non affecté, à hauteur
de la différence entre le valeur proposée et la valeur déclarée ».
De même, en l'absence de recours à un professionnel, l'entrepreneur individuel est
responsable, pendant une durée de cinq ans… sur la totalité de son patrimoine… à hauteur de
la différence entre la valeur réelle du bien au moment de l'affectation et la valeur déclarée.
L'objectif est « d'éviter les surévaluations de nature à fausser la perception de la consistance
du patrimoine affecté » (29) .
b. Les immeubles
Selon l'article L. 526-9 du Code de commerce, « l'affectation d'un bien immobilier ou d'une
partie d'un tel bien est reçue par acte notarié et publiée au bureau des hypothèques ou, dans
les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, au Livre foncier de la situation
des biens ».
L'on comprend que, lors du dépôt de la déclaration d'affectation, il conviendra de joindre une
copie authentique de l'acte d'affectation immobilière.
Comme en matière de déclaration d'insaisissabilité, il est prévu que l'entrepreneur individuel,
qui n'affecte qu'une partie d'un immeuble, désigne celle-ci dans un état descriptif de
division (30) . De même est-il prévu que l'établissement de l'acte notarié et l'accomplissement
des formalités de publicité donnent lieu au versement d'émoluments fixes dans le cadre d'un
plafond déterminé par décret (C. com., art. L. 526-9) (31) .
Il y a néanmoins une différence sensible : il s'imposera, en matière d'EIRL, de respecter
l'exigence d'un état descriptif du bien en nature, qualité, quantité et valeur et, dès lors que
l'immeuble dépassera la valeur fixée demain par décret, le notaire sera tenu d'évaluer
l'immeuble, exigence qui n'existe pas en matière de déclaration d'insaisissabilité.
On notera, par ailleurs, deux règles spécifiques à l'EIRL :
– lorsque l'affectation d'un immeuble sera postérieure à la constitution du patrimoine affecté,
il conviendra, comme pour les biens de valeur, de procéder à une déclaration complémentaire
au registre (C. com., art. L. 526-9, al. 3) ;
– en matière de déclaration d'insaisissabilité, la déclaration doit être reçue par notaire, sous
peine de nullité. En matière d'EIRL, il est seulement prévu que le non-respect des règles
prévues au présent article (c'est-à-dire non seulement l'exigence d'un acte notarié, mais
également l'exigence de la publicité foncière ou de l'état descriptif de division) entraîne
l'inopposabilité de l'affectation ; doit-on comprendre que, si l'affectation est inopposable,
l'immeuble doit être considéré comme figurant dans le patrimoine privé et se trouve en
conséquence à l'abri des créanciers professionnels ou doit-on, au contraire, considérer que
l'immeuble est le gage de tous les créanciers ? Logiquement, on devrait admettre que
l'immeuble n'est finalement pas affecté et se trouve en définitive à l'abri des poursuites des
créanciers professionnels, contrairement à ce que voulait l'entrepreneur individuel.
c. L'affectation d'un bien commun ou indivis
Comme pour la déclaration d'insaisissabilité, le législateur a pensé au cas où le bien affecté
n'appartiendrait pas exclusivement à l'entrepreneur individuel mais dépendrait ou d'une
communauté ou d'une indivision.
Dans une telle hypothèse, l'article L. 526-11 du code précité pose une double exigence :
l'entrepreneur individuel doit justifier de l'accord exprès de son conjoint ou de ses
coïndivisaires, d'une part, et de leur information préalable sur les droits des créanciers
professionnels sur le patrimoine affecté, d'autre part.
Si l'on songe à nouveau à l'artisan ou au commerçant qui affecte son fonds, si ce fonds est, par
exemple, commun pour avoir été acquis ou créé durant le mariage, le conjoint doit donner son
accord exprès, mais il doit aussi être informé du fait que les créanciers professionnels n'ont de
droit que sur le patrimoine affecté, de sorte qu'ils pourront saisir le fonds commun (de
manière redondante, eu égard à l'article L. 526-6, alinéa 2, l'article L. 526-11, alinéa 1er,
prévoit, in fine, qu'« un même bien commun ou indivis ou une même partie d'un bien
immobilier commun ou indivis ne peut entrer dans la composition que d'un seul patrimoine
affecté »).
L'exigence de cogestion laisse entendre que, dans l'esprit du législateur, l'affectation est un
acte grave (32) . C'est ce que confirme l'exigence d'une information préalable, information qui
est également prévue depuis la loi du 1er août 2003 ayant créé la déclaration d'insaisissabilité ;
selon l'article L. 526-4, lorsqu'un époux commun en biens entend s'immatriculer à un registre
de publicité légale à caractère professionnel, il doit justifier que son conjoint a été informé des
conséquences sur les biens communs des dettes contractées dans l'exercice de la profession,
c'est-à-dire informé de l'engagement de toute la communauté par les dettes professionnelles.
Reste que l'affectation d'un bien commun ne dégrade pas la situation juridique du bien au
regard des dettes professionnelles ; sans affectation, le professionnel engage par toutes ses
dettes, quelles qu'elles soient, professionnelles ou privées, la totalité des biens communs en
vertu de l'article 1413 du Code civil. Si le professionnel affecte un bien commun, celui-ci est
toujours engagé par les dettes professionnelles, mais il ne l'est plus par les dettes privées. En
d'autres termes, à l'égard des biens communs et du conjoint, l'affectation est protectrice : elle
maintient les poursuites des créanciers professionnels sur les biens affectés mais les empêche
désormais sur les biens non affectés.
De ce point de vue, la double exigence légale – cogestion et information – ne se justifie pas.
Reste que, par l'affectation de l'époux professionnel, le conjoint ne peut plus offrir par ses
dettes les biens affectés (33) ; son crédit s'en trouve donc diminué. La cogestion ne se justifie
donc pas, comme c'est généralement le cas, par l'importance du bien et/ou la dangerosité de
l'acte ; elle tient à l'atteinte que porte l'affectation des biens communs au crédit qu'offrent,
normalement, l'article 1413 du Code civil et l'engagement de toute la communauté.
La sanction que prévoit la loi paraît confirmer cette orientation spécifique.
Traditionnellement, l'exigence de cogestion se trouve sanctionnée par la nullité. L'article
L. 526-11 du Code de commerce prévoit pour sa part que « le non-respect des règles prévues
au présent article entraîne l'inopposabilité de l'affectation ». Si l'on comprend, comme pour
l'article L. 526-9, que, par exemple, le fonds de commerce ne sera pas affecté, les créanciers
de l'époux dont le consentement a fait défaut pourront poursuivre le fonds nonobstant
l'affectation.
S'agissant des biens indivis (par exemple, le fonds de commerce appartenant à des époux
séparés de biens ou à des partenaires), en exigeant l'information de l'autre coïndivisaire quant
aux droits des créanciers professionnels, le législateur laisse entendre, qu'en cas d'affectation
d'un bien indivis par un indivisaire, les créanciers professionnels pourront saisir le bien
indivis, tandis que les créanciers privés ne le pourront plus. C'est oublier que, selon
l'article 815-17 du Code civil, les créanciers personnels ne peuvent pas saisir les biens indivis
et, qu'en principe, les créanciers professionnels d'un indivisaire qui exploite seul un fonds de
commerce indivis sont des créanciers personnels.
Selon nous, l'affectation d'un bien indivis ne saurait conférer aux créanciers professionnels un
droit de saisir que le droit de l'indivision leur refuse, de sorte que l'affectation ne préjudicie
pas au coïndivisaire.
Pour autant, l'affectation ne nous paraît pas sans intérêt ; un créancier privé, bénéficiant de la
solidarité, constitue un créancier de l'indivision qui peut, normalement, saisir les biens
indivis ; s'il s'agit d'un créancier privé, en cas d'affectation du bien indivis, il ne pourra plus
saisir le bien indivis.
d. L'affectation par un mineur
On sait que traditionnellement le mineur, même émancipé, ne peut faire le commerce
(C. com., art. L. 121-2). La justification traditionnelle tient à la dangerosité de l'activité
commerciale. L'EIRL la rend bien évidemment moins dangereuse. Il eut dès lors été logique
de lever l'interdiction de faire le commerce, mais à condition de créer une EIRL. Ce n'est pas
la logique qu'adopte la loi nouvelle.
D'une part, si le mineur émancipé peut désormais être commerçant, c'est à la condition d'être
autorisé par le juge des tutelles au moment de la décision d'émancipation ou par le président
du tribunal de grande instance s'il formule cette demande après avoir été émancipé (la même
règle est reprise par les articles 413-8 du Code civil et L. 121-2 du Code de commerce).
D'autre part, le mineur, même s'il n'est pas émancipé, peut « accomplir seul les actes
d'administration nécessaires pour les besoins de la création ou de la gestion d'une entreprise
individuelle à responsabilité limitée ou d'une société unipersonnelle, à condition d'être
autorisé par, d'une part, ses deux parents qui exercent en commun l'autorité parentale ou par
son administrateur légal sous contrôle judiciaire et, d'autre part, le juge des tutelles »
(néanmoins les actes de disposition ne peuvent être effectués que par ses deux parents ou, à
défaut, par son administrateur légal sous contrôle judiciaire avec l'autorisation du juge des
tutelles : C. civ., art. 389-8).
Selon l'article 389-8, alinéa 2, du Code civil, l'autorisation visée au premier alinéa (c'est-à-dire
l'autorisation parentale) revêt la forme d'un acte sous seing privé ou d'un acte notarié et
comporte la liste des actes d'administration pouvant être accomplis par le mineur (l'article 401
du Code civil prévoit la même solution en cas de tutelle, auquel cas c'est le conseil de famille
qui autorisera le mineur par acte sous seing privé ou notarié).
II. Les effets de l'affectation
L'affectation produit naturellement effet sur le plan passif ; au-delà de cette conséquence qui
est la plus notable sur le plan juridique, l'affectation entraîne un certain nombre de
conséquences à l'égard du débiteur. Enfin, la loi s'est préoccupée de préciser les effets de
certains évènements à l'égard de l'EIRL.
A. À l'égard des créanciers
a. En matière de déclaration d'insaisissabilité, l'article L. 526-1 du Code de commerce
impose de procéder à une double classification. On sait, en effet, que la déclaration « n'a
d'effet qu'à l'égard des créanciers dont les droits naissent, postérieurement à la publication, à
l'occasion de l'activité professionnelle du déclarant », de sorte qu'il faut opposer les
créanciers antérieurs et postérieurs pour considérer que la déclaration d'insaisissabilité n'a pas
d'effet à l'égard des créanciers antérieurs. S'agissant des créanciers postérieurs, il faut
distinguer selon que la créance est née, ou non, à l'occasion de l'activité professionnelle du
déclarant, pour considérer que la déclaration est sans effet à l'égard des créanciers privés. Il y
a donc des créanciers auxquels la déclaration d'insaisissabilité est opposable et des créanciers
auxquels la déclaration d'insaisissabilité est inopposable.
On ne retrouve cette logique qu'en partie avec la déclaration d'affectation.
b. S'agissant de la déclaration d'affectation, l'article L. 526-12 énonce, en premier lieu, que
la déclaration d'affectation est opposable de plein droit aux créanciers dont les droits sont nés
postérieurement à son dépôt.
Alors que le projet initial prévoyait « de ne pas léser les créanciers existants, qui ont
contracté avec l'entrepreneur en pensant que leur créance serait gagée sur la totalité du
patrimoine » (34) , l'Assemblée nationale a souhaité rendre opposable aux créanciers antérieurs
la déclaration d'affectation. Comme l'a pertinemment relevé le Sénat, « l'opposabilité aux
créanciers antérieurs revient à réduire de façon imprévisible et éventuellement très
significative, selon l'ampleur de l'affectation, leur gage, remettant en cause l'équilibre des
contrats qu'ils ont conclus avec les entrepreneurs »… (si bien que l'on) « peut s'interroger sur
la constitutionnalité d'une telle disposition… » (35) .
À l'initiative de la commission mixte paritaire, a été retenue une solution intermédiaire,
présentée comme « plus protectrice des droits des créanciers (et) inspirée du régime des
fusions d'entreprises et de la cession de fonds de commerce » (36) .
C'est ainsi que, selon l'article L. 526-12, « la déclaration d'affectation est opposable aux
créanciers dont les droits sont nés antérieurement à son dépôt à la condition que
l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée le mentionne dans la déclaration
d'affectation et en informe les créanciers dans des conditions fixées par voie réglementaire ».
On croit comprendre qu'il n'y a pas lieu d'établir, dans la déclaration d'affectation, la liste des
créanciers, mais simplement d'indiquer que l'entrepreneur entend rendre sa déclaration
d'affectation opposable à ses créanciers antérieurs.
Une fois informés dans des conditions qui seront probablement proches de celles régissant la
cession de fonds de commerce, les créanciers pourront, selon l'article L. 526-12, alinéa 3,
former opposition (là encore dans des conditions qui pourraient bien ressembler à la cession
de fonds de commerce), opposition qui n'a « pas pour effet d'interdire la constitution du
patrimoine affecté » (C. com., art. L. 526-12, al. 3).
Mais, contrairement à l'opposition en matière de cession de fonds de commerce, l'opposition
du créancier déclenchera nécessairement l'intervention du juge (on ne sait pas lequel, la loi
visant simplement une « décision de justice »). Le juge (saisi par qui et dans quel délai ?)
pourra alors ou rejeter l'opposition, ou ordonner, soit le remboursement des créances, soit la
constitution de garanties, si l'entrepreneur individuel en offre et si elles sont jugées suffisantes
(C. com., art. L. 526-12, al. 3).
On imagine que, si l'activité est prospère et si les biens affectés sont d'une valeur suffisante
pour désintéresser le créancier opposant qui serait un professionnel, le juge pourrait bien
rejeter l'opposition. Le remboursement pourrait, au contraire, être ordonné si la créance
dépassait la valeur des biens affectés, puisque l'affectation serait alors préjudiciable au
créancier professionnel, ainsi privé du droit d'agir sur les biens privés.
Le créancier qui ne fait pas opposition ou dont l'opposition est rejetée est un créancier auquel
la déclaration d'affectation est opposable. La déclaration est seulement inopposable au
créancier dont l'opposition a été admise, si la créance n'a pas été remboursée ou si les
garanties ordonnées n'ont pas été constituées. L'inopposabilité paraît signifier que le créancier
antérieur pourra faire comme s'il n'y avait pas eu de déclaration d'affectation et ainsi saisir tant
les biens professionnels que privés.
Les droits des créanciers antérieurs sont donc préservés ; c'est ce qui explique que le Conseil
constitutionnel n'ait de ce point de vue rien trouvé à redire.
c. C'est à l'égard des créanciers postérieurs qu'apparaît toute l'originalité du dispositif.
Dérogeant aux articles 2284 et 2285 du Code civil, comme le dit dans les mêmes termes
l'article L. 526-1 du Code de commerce en matière de déclaration d'insaisissabilité, l'article
L. 526-12 limite le droit de poursuite des créanciers professionnels au patrimoine affecté et
limite le gage des créanciers privés au patrimoine non affecté.
Il est ainsi prévu que « les créanciers auxquels la déclaration d'affectation est opposable et
dont les droits sont nés à l'occasion de l'exercice de l'activité professionnelle à laquelle le
patrimoine est affecté ont pour seul gage général le patrimoine affecté ; les autres créanciers
auxquels la déclaration est opposable ont pour seul gage général le patrimoine non affecté ».
C'est l'objectif recherché par l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée : scinder son
patrimoine en deux masses pour limiter les poursuites de ses créanciers professionnels aux
biens affectés et protéger ainsi ses biens privés qui ne pourront être saisis que par ses
créanciers non professionnels.
Reste que cette compartimentation n'est pas parfaite. L'article L. 526-12 du Code de
commerce distingue, à cet égard, trois hypothèses :
– l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée est tout d'abord responsable sur la totalité
de ses biens et droits en cas de fraude ou en cas de manquement grave aux règles prévues au
2e alinéa de l'article L. 526-6 ou aux obligations prévues à l'article L. 526-13.
L'article L. 526-6, 2e alinéa, concerne l'affectation des biens nécessaires à l'activité
professionnelle ou utilisés pour l'exercice de l'activité professionnelle. On comprend que
l'entrepreneur qui n'affecterait pas des biens nécessaires, pour les protéger de ses créanciers
professionnels, manquerait gravement aux règles d'affectation, de sorte qu'il serait responsable
sur la totalité de ses biens. En sens inverse, il pourrait y avoir « affectation abusive de biens
non nécessaires à l'activité professionnelle ni même utilisés dans l'exercice de celle-ci »
de manière à se protéger de créanciers privés.
(37)
,
L'article L. 526-12 vise également un manquement grave aux obligations prévues à l'article
L. 526-13, c'est-à-dire on le verra, aux obligations comptables et bancaires qui pèsent sur
l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée ;
– il y a également atteinte à la compartimentation en cas d'insuffisance du patrimoine non
affecté, c'est-à-dire si des créanciers privés n'obtiennent pas paiement en procédant à la saisie
des biens non professionnels. Dans ce cas, le droit de gage des créanciers privés « peut
s'exercer sur le bénéfice réalisé par l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée lors du
dernier exercice clos ».
Doit-on comprendre que les créanciers privés pourront saisir les biens professionnels à
hauteur du bénéfice ? Ce n'est pas ce que dit le texte : le droit de gage s'exerce sur les
bénéfices. Mais que signifie saisir un bénéfice ? Il faut semble-t-il comprendre que les
créanciers privés pourront saisir le compte professionnel de l'entrepreneur individuel à
concurrence du bénéfice (38) ;
– une troisième atteinte à la compartimentation est prévue en cas de fraude tant en matière
fiscale que sociale. C'est ainsi que l'article L. 273 B, I, du Livre des procédures fiscales vise le
cas de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée qui aurait, par des manœuvres
frauduleuses ou à la suite de l'inobservation grave et répétée de ses obligation fiscales, rendu
impossible le recouvrement des impositions et pénalités ; dans ce cas, le recouvrement des
impositions et pénalités peut être recherché sur le patrimoine non affecté. Réciproquement,
lorsque l'entrepreneur rend impossible par fraude ou inobservation grave et répétée de ses
obligations fiscales le recouvrement des impositions et pénalités étrangères à son activité
professionnelle, le recouvrement peut être recherché sur le patrimoine affecté (LPF, art.
L. 273 B, II).
La même solution est prévue à propos des cotisations de contribution sociale par l'article
L. 133-4-7 du Code de la sécurité sociale.
Au-delà de ces dispositions de défiance, destinées à éviter l'instrumentalisation de l'affectation
aux fins d'organiser l'insolvabilité, se pose une question-clé à laquelle la loi n'a pas
expressément répondu : l'entrepreneur peut-il ouvrir ses biens privés à ses créanciers
professionnels, et conférer à cette occasion, une sûreté sur un bien non affecté (par exemple,
une hypothèque sur la résidence principale pour garantir un prêt de trésorerie) ? Certains
commentateurs ne doutent pas de l'efficacité de telles sûretés dont on sait qu'elles ruinent la
protection de l'EURL ou de la SARL (39) ; d'autres sont plus circonspects, mais se demandent
ce qui pourrait invalider cette modification de gage (40) .
Il est vrai qu'on ne voit pas pourquoi il ne pourrait pas être dérogé par convention à la
compartimentation prévue par l'article L. 526-12 du Code de commerce, sachant que l'on peut
toujours renoncer à l'EIRL, ce que, on le verra, prévoit la loi.
On retrouve ici le débat qui est apparu avec la déclaration d'insaisissabilité : peut-on y
renoncer au profit d'un créancier déterminé alors que la loi prévoit seulement le principe d'une
renonciation globale (41) ? Le législateur a dû intervenir pour régler la question ; depuis la loi
de modernisation de l'économie de 2008, l'article L. 526-3 du Code de commerce prévoit que
la renonciation à la déclaration d'insaisissabilité « peut être faite au bénéfice d'un ou plusieurs
créanciers » professionnels. Il se pourrait bien qu'une disposition identique soit prise demain
en matière d'EIRL, tant il est vrai qu'il serait regrettable que l'incertitude en la matière
conduise à imposer une renonciation globale.
B. À l'égard du débiteur
Dans le prolongement de la compartimentation patrimoniale qu'emporte la déclaration
d'affectation, l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée doit déterminer les revenus
qu'il verse dans son patrimoine non affecté (C. com., art. L. 526-18).
Sur le plan financier et comptable, l'article L. 526-13, alinéa 3, impose à l'entrepreneur
individuel à responsabilité limitée « de faire ouvrir dans un établissement de crédit un ou
plusieurs comptes bancaires exclusivement dédiés à l'activité à laquelle le patrimoine a été
affecté ».
L'article L. 526-13 prévoit en outre que « l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est
affecté fait l'objet d'une comptabilité autonome, établie dans les conditions définies aux
articles L. 123-12 à L. 123-23 et L. 123-25 à L. 123-27 », c'est-à-dire les conditions prévues
pour le commerçant. Ces obligations comptables seront néanmoins simplifiées pour les autoentrepreneurs (C. com., art. L. 526-13, al. 2).
Ces obligations revêtent une importance particulière en matière d'EIRL ; en effet, « les
comptes annuels de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée sont déposés chaque
année au registre auquel a été effectué le dépôt de la déclaration pour y être annexés… à
compter de leur dépôt, ils valent actualisation de la composition et de la valeur du patrimoine
affecté » (C. com., art. L. 526-14).
Ce sont des contraintes non négligeables pour de petits entrepreneurs, mais c'est le prix de la
protection qu'offre l'EIRL (42) . Il a ainsi été expliqué que l'entrepreneur peut affecter de
nouveaux biens postérieurement à la déclaration constitutive et qu'il est alors nécessaire que
ces entrées dans le patrimoine affecté soient retracées quelque part (43) .
Cette actualisation (de valeur et de composition) par voie comptable pose problème : « elle est
une simple photo du passé qui n'est plus nécessairement le reflet de la réalité actuelle » (44) ;
d'où cette question : le créancier professionnel pourra t-il saisir un bien qui n'est plus affecté
ou un nouveau bien acquis en remplacement si ces transferts ne sont pas encore enregistrés
sur un plan comptable ? Il semble bien que la subrogation en la matière soit conditionnelle ;
par exemple, le matériel acquis en remplacement de l'ancien sera à l'égard des tiers dans le
patrimoine affecté mais seulement lorsque les pièces comptables (spécialement le bilan
retraçant l'actif) seront déposées au registre de déclaration.
On doit ajouter que pour certains biens importants, une déclaration complémentaire sera
nécessaire : les immeubles (C. com., art. L. 526-9, al. 3) et les biens dont la valeur dépasse le
seuil qui impose le recours à un professionnel (C. com., art. L. 526-10, al. 2) ; pour de tels
biens, l'actualisation semble pouvoir survenir au moment de la publicité de la déclaration
complémentaire et non pas seulement au moment du dépôt des comptes, puisque les tiers en
sont informés.
S'agissant de ces évolutions dans la composition du patrimoine affecté, on notera enfin qu'« il
n'est pas possible, sous peine de manquement aux règles d'affectation, de retirer du
patrimoine affecté un bien nécessaire à l'activité professionnelle. En revanche, concernant un
bien utilisé, le retrait est possible et apparaîtra dans les comptes annuels » (45) .
Sur le plan fiscal, l'article 1655 sexies, VII, du CGI pose un principe d'assimilation entre
l'EIRL et l'EURL (ou l'exploitation agricole à responsabilité limitée). Il en résulte que
l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée peut choisir, soit de demeurer soumis à
l'impôt sur le revenu pour les revenus de l'activité professionnelle, soit d'opter pour l'impôt sur
les sociétés (46) . Cette option est d'ores et déjà présentée comme « une avancée significative
permettant d'unifier le régime fiscal applicable aux PME quelle que soit la forme juridique
retenue » (47) .
Dans cette hypothèse d'option à l'impôt sur les sociétés, la loi a prévu une clause dite « antiabus » destinée à limiter les pertes de recettes des organismes sociaux (48) .
En effet, dès lors que l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée est un travailleur non
salarié, il doit verser des cotisations sociales calculées sur le revenu professionnel des nonsalariés retenu au titre du calcul de l'impôt sur le revenu.
En cas d'option pour l'impôt sur les sociétés, les cotisations sont calculées sur les revenus de
l'activité prise en compte pour le calcul de l'impôt sur le revenu, donc sur la rémunération,
mais il a été décidé d'assujettir aux cotisations sociales de droit commun, à partir d'un certain
montant, les revenus de l'activité professionnelle versés au sein du patrimoine personnel sous
forme de dividendes. Le seuil de déclenchement de l'assujettissement aux cotisations est, soit
de 10 % du montant de la valeur des biens du patrimoine affecté constatée en fin d'exercice,
soit de « 10 % du montant du bénéfice net si celui-ci est supérieur » (49) . Il a été expliqué que
« les dividendes versés en deçà de ces seuils sont libres de cotisations, ce qui présente un
avantage certain pour l'entrepreneur et une incitation à opter pour l'impôt sur les
sociétés » (50) . On peut ainsi lire sur le site officiel du Gouvernement qu'« en cas d'option à
l'IS, l'entrepreneur individuel cotisera sur sa rémunération, augmentée d'une part des revenus
de capitaux mobiliers excédant 10 % de la valeur du patrimoine affecté ou 10 % du
bénéfice ».
C. Les suites de l'affectation
Comme en matière de déclaration d'insaisissabilité, le législateur a souhaité préciser le sort du
dispositif dans certaines circonstances particulières.
1. La renonciation et le décès
En matière de déclaration d'insaisissabilité, la loi vise le cas de la renonciation, celui du décès
et de la dissolution du régime matrimonial, ce qui permet d'englober le cas du divorce.
En matière d'EIRL, l'article L. 526-15 du Code de commerce pose en principe qu'« en cas de
renonciation de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée à l'affectation ou en cas de
décès de celui-ci, la déclaration d'affectation cesse de produire effet ».
Le texte initial prévoyait que dans ces circonstances (renonciation ou décès), le patrimoine
affecté était liquidé et que cette liquidation entraînait le désintéressement des créanciers
professionnels. La formule finalement retenue paraît devoir être comprise comme signifiant
que le patrimoine se trouve réunifié. Le texte précise toutefois, qu'en cas de cessation de
l'activité concomitante à la renonciation ou en cas de décès, les créanciers professionnels
comme privés conservent pour seul gage général celui qui était le leur au moment de la
renonciation ou du décès. En d'autres termes, dans l'hypothèse du décès, la déclaration cesse
de produire effet mais le droit de poursuite des créanciers s'apprécie au regard de la
déclaration d'affectation… qui continue donc de produire effet ! Il faut donc comprendre :
« cesse de produire effet » à l'égard des créanciers de demain, mais demeure efficace à l'égard
des créanciers d'hier.
Deux précisions complémentaires :
– selon l'article L. 526-15, alinéa 2, du Code de commerce, « en cas de renonciation,
l'entrepreneur individuel en fait porter la mention au registre auquel a été effectué le dépôt de
la déclaration prévue à l'article L. 526-7. En cas de décès, un héritier, un ayant droit ou toute
personne mandatée à cet effet en fait porter la mention au même registre » ;
– selon l'article L. 526-16 du même code, « l'affectation ne cesse pas dès lors que l'un des
héritiers ou ayants droit de l'entrepreneur individuel décédé, sous réserve du respect des
dispositions successorales, manifeste son intention de poursuivre l'activité professionnelle à
laquelle le patrimoine était affecté ». C'est alors à lui de faire porter la mention au registre
auquel a été effectué le dépôt de la déclaration initiale dans un délai de trois mois à compter
de la date du décès. Par ailleurs, « la reprise du patrimoine affecté, le cas échéant après
partage et vente de certains des biens affectés pour les besoins de la succession, est
subordonnée au dépôt d'une déclaration de reprise au registre auquel a été effectué le dépôt
de la déclaration initiale ».
On comprend que les créanciers professionnels de l'héritier repreneur dont les droits naîtront
après le décès du chef de ce repreneur n'auront d'action que sur les biens affectés. Mais quid
des créanciers professionnels du défunt ? En cas d'acceptation pure et simple de l'héritier,
auront-ils action sur tous les biens de cet héritier ou uniquement sur le patrimoine affecté ?
Il a été précisé au cours des débats qu'il était inutile de préciser que la reprise avait pour effet
de maintenir sur le patrimoine affecté repris le droit de gage des créanciers professionnels de
l'entrepreneur individuel décédé (51) . L'affectation continue donc de pouvoir être opposée aux
créanciers du défunt. C'est une exception à l'obligation ultra vires de l'héritier pur et simple,
confirmation que le patrimoine d'affectation bouleverse les principes du droit civil.
2. La cession et l'apport en société
Il s'agit d'une question absente du projet de loi initial, qui a été introduite par l'Assemblée
nationale sur proposition de la Commission des affaires économiques : le patrimoine affecté
peut être cédé ou apporté en société. L'article L. 526-17-I prévoit ainsi que « l'entrepreneur
individuel à responsabilité limitée peut céder à titre onéreux, transmettre à titre gratuit entre
vifs ou apporter en société l'intégralité de son patrimoine affecté et en transférer la propriété
dans les conditions prévues au II et III du présent article sans procéder à sa liquidation ».
Selon le II, la cession à titre onéreux ou la transmission à titre gratuit entre vifs du patrimoine
affecté à une personne physique entraîne sa reprise avec maintien de l'affectation dans le
patrimoine du cessionnaire ou du donataire. Cette reprise sera opposable aux tiers après
l'accomplissement d'une déclaration de transfert au registre auquel a été effectué le dépôt de la
déclaration initiale.
En revanche, en cas d'apport en société ou de cession du patrimoine affecté au profit d'une
personne morale, il y a transfert de propriété dans le patrimoine du cessionnaire ou de la
société mais sans maintien de l'affectation.
L'artisan ou le commerçant ayant affecté son fonds ne procédera donc pas à la vente de son
fonds mais à la vente de son patrimoine affecté. Il devra à cette occasion effectuer et publier
une déclaration de transfert qui sera accompagnée d'un état descriptif des biens, droits,
obligations ou sûretés composant le patrimoine affecté.
Selon l'article L. 526-17, III, alinéa 2, du Code de commerce, « les articles L. 141-1 à L. 14122 ne sont pas applicables à la cession ou à l'apport en société d'un fonds de commerce
intervenant par suite de la cession ou de l'apport en société d'un patrimoine affecté ». Dit
autrement, la cession de patrimoine affecté n'est pas considérée comme une cession de fonds
de commerce, de sorte que les règles spécifiques de la cession de fonds ne s'appliquent pas. Se
trouvent ainsi écartés, non seulement le formalisme informatif qui caractérise la matière, mais
également les règles destinées à protéger les créanciers du vendeur (droit d'opposition et droit
de surenchère).
Pour autant, les créanciers ne sont pas sacrifiés, puisque « le cessionnaire, le donataire ou le
bénéficiaire de l'apport est débiteur des créanciers de l'entrepreneur individuel à
responsabilité limitée mentionnés au 1o de l'article L. 526-12 (c'est-à-dire les créanciers
professionnels), en lieu et place de celui-ci, sans que cette substitution emporte novation à
leur égard ».
Par ailleurs, les créanciers professionnels antérieurs (ainsi que les créanciers antérieurs à la
déclaration initiale auxquels cette déclaration n'est pas opposable lorsque le patrimoine affecté
fait l'objet d'une donation entre vifs) peuvent former opposition à la transmission du
patrimoine affecté. Dans ce cas, une décision de justice rejette l'opposition ou ordonne, soit le
remboursement des créances, soit la constitution de garanties, si le cessionnaire ou le
donataire en offre et si elles sont jugées suffisantes. À défaut de remboursement des créances
ou de constitution des garanties ordonnées, la transmission du patrimoine affecté est
inopposable aux créanciers dont l'opposition a été admise.
Il a été expliqué que « cette substitution de débiteur n'emporte pas novation à l'égard des
créanciers antérieurs, c'est-à-dire que les obligations contractées par l'entrepreneur
individuel demeurent inchangées à la charge du nouveau débiteur. Ainsi, la continuité de
l'affectation avec un autre titulaire entraîne la continuité des obligations à l'égard des
créanciers » (52) .
Reste qu'on voit mal comment les parties pourront s'entendre sur un prix, puisqu'on ne peut
pas savoir à l'avance quelles sont les créances qui seront « reprises » et quelles sont celles qui
devront être payées suite à opposition… On n'improvise pas avec le patrimoine d'affectation !
3. La procédure collective de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée
En matière de déclaration d'insaisissabilité, aucune disposition n'est consacrée à cette
hypothèse majeure, ce qui conduit depuis l'origine à s'interroger sur l'efficacité réelle de la
déclaration en tant que technique de protection patrimoniale (53) .
À l'origine, le projet de loi prévoyait que compte tenu du recours à la procédure accélérée, la
loi serait suivie, dans un délai de neuf mois, de deux ordonnances : l'une pour adapter à
l'EIRL les dispositions du droit des procédures collectives et procéder aux harmonisations
nécessaires en matière de droit des sûretés et de droit des procédures civiles d'exécution ;
l'autre pour assurer la coordination entre le patrimoine d'affectation et le droit des régimes
matrimoniaux et des successions. Le Sénat a estimé que « l'habilitation en matière de régime
matrimonial et de droit des successions ne semble pas réellement utile » (54) . Mais si, selon le
projet initial, l'ordonnance devait être publiée dans un délai de neuf mois suivant la
publication de la loi, celle-ci était applicable dès sa publication. Comme l'a souligné le Sénat,
« les entrepreneurs individuels pourraient donc constituer des patrimoines affectés alors
même que les procédures collectives n'auraient pas encore été adaptées » (55) .
Il a finalement été prévu d'autoriser le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance, dans
un délai de six mois à compter de la publication de la présente loi (c'est-à-dire le 16 juin
2010), les dispositions relevant du domaine de la loi nécessaires pour adapter au patrimoine
affecté de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée les dispositions du livre VI du
Code de commerce relatives à la prévention et au traitement des difficultés des entreprises et
aux responsabilités et sanctions encourues par l'entrepreneur à cette occasion, afin de
permettre à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée d'adhérer à un groupement de
prévention agréé et de bénéficier des procédures de prévention et des difficultés des
entreprises, du mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire et de
liquidation judiciaire, et procéder aux harmonisations nécessaires en matière de droit des
sûretés, de droit des procédures civiles d'exécution et de règles applicables au surendettement
des particuliers. D'autre part, la loi prévoit que les dispositions relatives au patrimoine affecté
n'entreront en vigueur qu'à compter de la publication de cette ordonnance.
C'est ce qui explique que, sur le site officiel du Gouvernement, il soit d'ores et déjà indiqué
que le nouveau statut entrera en vigueur le 1er janvier 2011 ; en vérité, le texte sera applicable
plus tôt, en principe au plus tard le 16 décembre 2010.
Fondamentalement, la question sera de savoir si, dès lors qu'il y a deux sous-patrimoines, la
procédure collective ne concernera que le patrimoine affecté ; par exemple, devra-t-on
soumettre à la discipline collective tous les créanciers, professionnels comme personnels, ou
l'arrêt des poursuites sera-t-il opposable aux seuls créanciers de l'entreprise (56) ? Certaines
réponses paraissent imposées par la logique du patrimoine d'affectation, comme le législateur
l'a admis à propos de la fiducie. Ainsi, seul le patrimoine affecté devrait être concerné par la
procédure et réciproquement, le patrimoine non affecté devrait être « hors procédure » (57) .
D'autres questions sont plus politiques ; par exemple, l'entrepreneur individuel à
responsabilité limitée peut-il engager son patrimoine non affecté en cas de faute de gestion
ayant contribué à l'insuffisance d'actif, de la même manière que le gérant de SARL perd le
bénéfice de l'écran social en cas d'action en comblement de passif (58) ? C'est l'une des
nombreuses interrogations que posera immanquablement l'EIRL…
***
1 (a) Cette étude s'inspire de conférences organisées par le Cridon Nord-Est et publiées in
Florilège de printemps 2010.
2 (1) Rapp. AN no 2298, févr. 2010, par L. de La Raudière.
3 (2) Rapp. Sénat no 362, mars 2010, par J.-J. Hyest.
4 (3) Rapp. AN préc.
5 (4) Rapp. Sénat préc.
6 (5) V. en particulier, rapp. Sénat préc.
7 (6) Sur cette extension souvent critiquée par les commentateurs, v. par exemple, C. Lebel,
« Brèves remarques sur le projet de modernisation de l'économie (à propos de l'entrepreneur
individuel) » : JCP E 2008, 240 – M. Suquet-Cozic, « L'insaisissable réforme de la déclaration
d'insaisissabilité » : BRDA 21/08 – O. Salati, « Modifications apportées au dispositif
d'insaisissabilité de la résidence principale de l'entrepreneur individuel par la loi du 4 août
2008 de modernisation de l'économie » : Procédures nov. 2008, Alerte no 39 – D. Bert, « La
nouvelle physionomie de la déclaration d'insaisissabilité après la LME » : Dr. et patr.
mai 2009, p. 44 – S. Piedelièvre, « Le nouveau droit de l'insaisissabilité » : Defrénois 2008,
art. 38856, p. 2245 et s. – L. Lauvergnat, « De l'abolition du droit des créanciers
professionnels : la loi du 4 août 2008 » : Dr. et procéd. 2009, p. 68. Adde : notre étude,
« Brèves observations sur les dettes de l'auto-entrepreneur » : Rev. proc. coll. janv.févr. 2010, no 3, p. 17.
8 (7) Rapp. AN préc.
9 (8) Sur cet aspect économique, v. spéc. X. de Roux, « Esprit général du projet de loi », in
dossier « Le patrimoine professionnel d'affectation (premières analyses de l'EIRL) » : Dr.
et patr. avr. 2010, p. 62 et s., spéc. p. 62.
10 (9) Sur ces précédents, v. en particulier, rapp. Sénat préc., p. 19 et 20. Adde : J.-L. Pierre,
« L'entreprise à patrimoine affecté : la résurgence d'un serpent de mer » : JCP E 2009, 2184.
11 (10) Rapp. Sénat préc., p. 21.
12 (11) S. Piedelièvre, « L'entreprise individuelle à responsabilité limitée » : Defrénois 2010,
art. 39134, p. 1417 et s., no 5.
13 (12) V. Defrénois SR 24 juin 2010, p. 7 et s. – S. Piedelièvre, art. préc.
14 (13) Rapp. Sénat préc., p. 31. D'autres commentateurs avancent le chiffre de
20 000 déclarations : v. S. Piedelièvre, « L'entreprise individuelle à responsabilité limitée » :
Defrénois 2010, art. 39134, no 3.
15 (14) V. par exemple, A. Rabreau, « L'entrepreneur individuel et son patrimoine : nouvelles
perspectives » : Dr. et patr. déc. 2009, p. 37.
16 (15) Rapp. Sénat préc., p. 31.
17 (16) V. en ce sens, rapp. Sénat préc., p. 32.
18 (17) Rapp. AN no 2461, avr. 2010 et rapp. Sénat no 420, avr. 2010, p. 4.
19 (18) V. par exemple, M. Menjucq, « L'entreprise individuelle à responsabilité imitée :
quelle utilité ? » : Rev. proc. coll. mars-avr. 2010, p. 1 à 3. Adde : F.-X. Lucas, « Défense et
illustration de l'EURL », in dossier spécial préc., p. 67 et s., qui parle de « fausse bonne idée »
– J.-L. Pierre, art. préc., no 69. Comp., plus nuançé, J. Prieur, « EIRL ou société : quels
critères de choix ? », in dossier spécial préc., p. 64 et s., spéc. p. 64. Pour une critique plus
orientée sur l'atteinte portée à la théorie du patrimoine, v. « l'éclairage » de R. Libchaber,
« Feu la théorie du patrimoine » : Bull. Joly Sociétés avr. 2010.
20 (19) Alors que le texte initial visait les biens, droits et sûretés, l'Assemblée nationale a jugé
utile d'ajouter les obligations ; en réalité, le terme de bien aurait suffi. Sur ce débat, v. spéc.
T. Revet, Introduction, in dossier spécial préc., p. 56 et s., spéc. p. 58. Adde, à propos des
sûretés : P. Théry, « Le passif. Situation générale », in dossier spécial préc., p. 85 et s., spéc.
p. 87.
21 (20) La logique du dispositif nous paraît imposer au déclarant de posséder ces biens
nécessaires au moment de la déclaration ; il n'y a pas de déclaration portant sur des biens
futurs : v. en ce sens, S. Piedelièvre, art. préc., no 18.
22 (21) Sur cette présentation, v. rapp. Sénat préc., p. 23 et 40.
23 (22) Sur ces exemples, v. rapp. préc., p. 40.
24 (23) Rapp. AN no 2298 préc., p. 28.
25 (24) Rapp. Sénat préc., p. 40.
26 (25) Rapp. AN no 2298 préc., p. 31.
27 (26) Rapp. Sénat préc., p. 45.
28 (27) Rapp. AN no 2298 préc., p. 32.
29 (28) Rapp. Sénat préc., p. 46.
30 (29) Rapp. Sénat préc.
31 (30) On retrouvera donc sur ce point les difficultés rencontrées avec la déclaration
d'insaisissabilité : v. notre étude, « Pratique notariale et déclaration notariée
d'insaisissabilité » : Dr. et patr. févr. 2006.
32 (31) Comme pour la déclaration d'insaisissabilité, il est prévu, d'une part, un droit fixe de
25 € et, d'autre part, qu'aucune perception ne sera due au titre de la publicité foncière (CGI,
art. 846 bis mod.).
33 (32) Pour autant, l'affectation ne paraît pas être un acte de disposition, mais un acte
d'administration : v. en ce sens, S. Piedelièvre, art. préc., no 11 – E. Dubuisson, « Projet de loi
relatif à l'EIRL. Comprendre la technique et les enjeux » : JCP N 2010, 1115, no 44.
34 (33) V. en ce sens, M. Sénéchal, « Le patrimoine affecté à l'épreuve du droit des
procédures collectives », in dossier spécial préc., p. 89 et s., spéc. p. 93. Adde : E. Dubuisson,
art. préc., no 51, qui évoque une « perte de gage général pour le couple ». Si l'on admet que
les créanciers du conjoint ne peuvent plus saisir les biens affectés, la dette privée assortie de la
solidarité (conventionnelle ou légale) ne le permet pas davantage (contra : S. Piedelièvre, art.
préc., p. 1430, et J.-L. Pierre, art. préc., no 53, qui estiment que le fisc peut saisir les biens
communs indépendamment du patrimoine d'affectation). Et la dette professionnelle assortie
de la solidarité ? Le créancier a pour seul gage le patrimoine affecté en vertu de l'article
L. 526-12 du Code de commerce, ce qui renvoie à la question de savoir si l'on peut déroger à
la compartimentation. Et le conjoint caution bien connu de la pratique et de la jurisprudence ?
Les droits du créancier semblent bien « nés à l'occasion de l'exercice de l'activité
professionnelle ».
35 (34) Rapp. AN préc., p. 29.
36 (35) Rapp. Sénat préc., p. 48. La décision du Conseil constitutionnel du 10 juin 2010
montrera que la crainte du Sénat était légitime et que la solution de l'Assemblée nationale
aurait entraîné la censure du texte.
37 (36) Rapp. AN no 2461 préc., et rapp. Sénat no 420 préc., p. 4.
38 (37) Rapp. Sénat préc., p. 49.
39 (38) V. en ce sens, S. Piedelièvre, art. préc., no 24 – E. Dubuisson, art. préc., no 64, qui
parle de « recours sur les liquidités de l'entreprise ».
40 (39) V. par exemple, S. Piedelièvre, art. préc., no 6.
41 (40) T. Revet, art. préc., p. 58 – S. Schiller, « Quelle perméabilité contractuelle entre le
patrimoine affecté et le patrimoine non affecté », in dossier spécial préc., p. 88 et s., spéc.
p. 88. Adde : E. Dubuisson, art. préc., nos 86 et s. La seule constitution d'une sûreté ne nous
paraît pas suffire à écarter l'article L. 526-12 du Code de commerce, car une sûreté ne donne
pas en elle-même le droit de saisir ; que l'on songe à l'hypothèque prise sur un bien
insaisissable ou sur un bien indivis par un créancier personnel ; la question est de savoir,
indépendamment d'une sûreté, si l'on peut déroger à la compartimentation qui naît de l'EIRL ;
dit autrement, l'article L. 526-12 est-il d'ordre public ?
42 (41) Pour certains commentateurs de la loi du 15 juin 2010, la renonciation « est
nécessairement intégrale » (S. Piedelièvre, art. préc., no 38).
43 (42) Comp. J.-L. Pierre, art. préc., no 39, qui souligne que le formalisme nécessaire à la
protection des tiers est contraire à la simplicité revendiquée par les tenants du patrimoine
d'affectation.
44 (43) Rapp. Sénat préc., p. 51. Adde, sur cette question : S. Schiller, « L'évolution dans la
composition du patrimoine affecté », in dossier spécial préc., p. 84 et s., spéc. p. 84.
45 (44) S. Piedelièvre, art. préc., no 28. V. aussi en ce sens, E. Dubuisson, art. préc., no 75.
46 (45) Rapp. Sénat préc.
47 (46) Rapp. Sénat préc., p. 59.
48 (47) V. sur le site Entreprise individuelle à responsabilité limitée.fr, la fiche pratique sur le
régime fiscal de l'EIRL. On a néanmoins introduit une différence « entre entrepreneur EIRL et
entrepreneur non EIRL » (E. Dubuisson, art. préc., no 20).
49 (48) Rapp. Sénat préc., p. 62.
50 (49) Ibid.
51 (50) Ibid.
52 (51) Rapp. Sénat préc., p. 54.
53 (52) Rapp. Sénat préc., p. 55.
54 (53) V. par exemple, F. Vauvillé, « Déclaration d'insaisissabilité et procédure collective du
déclarant » : Act. proc. coll. 31 oct. 2003.
55 (54) Rapp. Sénat préc., p. 63. Pourtant les interrogations ne manqueront pas : v. par
exemple, sur le plan successoral, les développements de M. Sénéchal et S. Piedelièvre, art.
préc.
56 (55) Rapp. Sénat préc., p. 63.
57 (56) Sur cette problématique, v. J. Vallansan, « Le sort de l'éventuelle entreprise à
patrimoine affecté soumise à une procédure collective » : JCP E 2010, 1083. Adde :
M. Sénéchal, art. préc., p. 89 et s.
58 (57) V. en ce sens, M. Sénéchal, art. préc.
59 (58) Sur cette question, v. F.-X. Lucas, « Les dangers de l'EIRL » : Dr. et patr. mai 2010,
p. 49. Adde : M. Sénéchal, art. préc., spéc. p. 96, et J. Prieur, art. préc., spéc. p. 66.
Defrénois, 30 mars 2011 n° 6, P. 620 - Tous droits réservés
ENTREPRISE
39220. Déclaration d'affectation
Formule annotée
par Frédéric VAUVILLÉ,
Agrégé des facultés de droit,
Professeur à l'université de Lille 2,
Conseiller scientifique du Cridon Nord-Est,
Avocat au barreau de Lille.
L'an ...
Et le ...
Me ..., notaire à ...
A reçu le présent acte contenant :
Déclaration d'affectation
Par et à la requête de :
M. ... (nom, prénom, date et lieu de naissance, domicile),
Situation matrimoniale : …
Ci-après nommé « L'ENTREPRENEUR INDIVIDUEL À RESPONSABILITÉ LIMITÉE ».
EXPOSÉ PRÉALABLE
M. … (déclarant) exerce à ... (adresse de l'établissement principal), depuis le... (date), l'activité
professionnelle commerciale/artisanale/agricole/libérale de... (description de l'activité) en
qualité d'entrepreneur individuel (no de Siren : …), activité pour laquelle il est immatriculé
au registre du commerce et des sociétés (ou : au répertoire des métiers) de... (lieu), sous le
numéro ... (no RCS).
(Variante : ... activité qui, compte tenu de sa nature, ne nécessite pas d'immatriculation à un
registre de publicité légale).
M. … (déclarant) a l'intention de poursuivre cette activité de … en adoptant le statut
d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, prévu par les articles L. 526-6 et suivants
du Code de commerce.
(Variante, s'il s'agit d'un début d'activité :
M. … (déclarant) a l'intention de débuter l'exercice d'une activité professionnelle
commerciale/artisanale/agricole/libérale de ... (description de l'activité) en qualité
d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, prévu par les articles L. 526-6 et suivants
du Code de commerce).
DÉCLARATION D'AFFECTATION
En vertu des articles L. 526-6 et suivants du Code de commerce, l'entrepreneur individuel à
responsabilité limitée déclare affecter les biens, droits, obligations et sûretés, ci-après
détaillés, à l'exercice de son activité de ... (description de l'activité).
L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée exercera cette activité en qualité
d'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, sous la dénomination de « EIRL (nom du
déclarant) ».
Par cette déclaration, l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée affecte l'ensemble des
biens, droits, obligations et sûretés qui sont, d'une part, nécessaires à l'exercice de son
activité, d'autre part, utilisés pour l'exercice de cette activité, tels qu'ils sont désignés cidessous :
Éléments d'actif
Biens immobiliers
(1)
a) État descriptif de division préalable
Parmi les biens affectés, figure le local dans lequel l'entrepreneur individuel à responsabilité
limitée exerce son activité professionnelle. Ce local dépendant d'un immeuble à usage mixte,
dont le surplus n'est pas affecté, il doit d'abord être procédé à un état descriptif de division,
conformément à l'article L. 526-9 du Code de commerce.
Cet immeuble est situé à ... (désignation de l'immeuble conforme aux règles de la publicité
foncière).
L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée (et, le cas échéant, son
conjoint/coïndivisaire, ci-après plus amplement nommé si le bien est en communauté ou en
indivision) procède(nt) à la division en deux (2) lots dudit immeuble, savoir :
– Lot numéro un (1) affecté à l'activité professionnelle et comprenant :
...
– Lot numéro deux (2) affecté à l'habitation et comprenant :
...
b) Affectation
L'entrepreneur déclare affecter le lot no 1 à l'exercice de son activité.
Ce lot a été évalué à la somme de … €, en vertu d'un rapport dressé par Me ..., notaire
soussigné, le ..., dont un exemplaire est annexé au présent acte.
Fonds de commerce
a) L'entrepreneur déclare affecter un fonds de commerce (ou : un fonds artisanal ; un fonds
agricole ; un fonds libéral (2) ) de ..., connu sous l'enseigne de ..., sis et exploité à ...,
comprenant les éléments suivants :
1) Éléments incorporels :
...
2) Matériels :
...
3) Les marchandises et stocks :
...
b) Le fonds a été évalué à la somme de 125 000 € en vertu d'un rapport établi par M …,
expert-comptable, le ..., dont un exemplaire est annexé au présent acte en vertu de l'article
L. 526-10 du Code de commerce et décrit, conformément à l'article R. 526-6 du Code de
commerce, le mode d'évaluation retenu.
Éléments de passif
1o) Conformément à l'article L. 526-12, l'entrepreneur entend rendre opposable la présente
déclaration aux créanciers dont les droits sont nés avant le dépôt de celle-ci.
Sont ainsi affectées les dettes suivantes
(3)
:
a) Emprunts
Détail de chaque emprunt (né antérieurement au dépôt de la déclaration) :
– Identité du créancier : …
– Encours restant dû : …
– Terme prévu pour le remboursement : …
b) Autres dettes
• Dettes fournisseurs :
– Identité du créancier : …
– Montant dû : …
– Date d'échéance : …
• Dettes sociales :
...
• Dettes fiscales :
...
2o) Le notaire soussigné informe l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, ce qu'il
reconnaît, qu'il lui appartient d'informer personnellement les créanciers précités,
conformément aux articles R. 526-8 à R. 526-10 du Code de commerce ci-après reproduits,
en leur adressant par lettre recommandée AR copie de la présente affectation et en leur
indiquant qu'ils disposent d'un mois pour former opposition :
« Art. R. 526-8. – L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée porte à la connaissance
de chacun des créanciers dont les droits sont nés antérieurement au dépôt de la déclaration
d'affectation les informations mentionnées aux 1o à 8o de l'article R. 526-3. Il les informe
également de leur droit de faire opposition à cette déclaration d'affectation et du délai dont
ils disposent pour agir en justice devant le tribunal compétent selon les règles de droit
commun.
« Art. R. 526-9. – L'information mentionnée à l'article précédent est effectuée par lettre
recommandée avec accusé de réception dans le mois suivant le dépôt de la déclaration
d'affectation.
« Art. R. 526-10. – L'opposition mentionnée au troisième alinéa de l'article L. 526-12 est
formée dans le délai d'un mois à compter de la date de première présentation de l'information
individuelle prévue à l'article R. 526-8 (4) ».
L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée est également averti, ce qu'il reconnaît
aussi, que le juge pourra soit rejeter l'opposition, soit ordonner le remboursement de la
créance de l'opposant ou la constitution de garanties si l'entrepreneur en offre et si elles sont
jugées suffisantes.
À défaut de remboursement des créances ou de constitution des garanties ordonnées, la
déclaration sera inopposable aux créanciers dont l'opposition aura été admise, mais ne
rendra pas l'affectation sans effet au regard des autres créanciers.
Elle sera pareillement inopposable à ceux des créanciers dont les droits seront nés
antérieurement à son dépôt, mais que l'entrepreneur n'aurait pas informés personnellement.
Origines de propriété
Biens immobiliers
...
Fonds de commerce
...
Effets de la déclaration d'affectation
L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée est informé que, selon l'article L. 526-12,
« les créanciers auxquels la déclaration d'affectation est opposable et dont les droits sont nés
à l'occasion de l'exercice de l'activité professionnelle à laquelle le patrimoine est affecté ont
pour seul gage général le patrimoine affecté ; les autres créanciers auxquels la déclaration
est opposable ont pour seul gage général le patrimoine non affecté ».
Son attention est néanmoins attirée sur les limites de cette protection.
1o) L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée est tout d'abord responsable sur la
totalité de ses biens et droits en cas de fraude ou en cas de manquement grave aux règles
prévues au deuxième alinéa de l'article L. 526-6 (c'est-à-dire la nécessité d'affecter les biens
nécessaires) ou aux obligations prévues à l'article L. 526-13.
Selon ce texte, l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée devra tenir une comptabilité
autonome conforme aux règles posées par les articles L. 123-12 à L. 123-27 du Code de
commerce, c'est-à-dire en particulier établir un bilan et un compte de résultat.
Conformément à l'article R. 526-3 du Code de commerce, il déclare que la date de clôture de
l'exercice comptable est le 31 décembre de chaque année et s'engage à déposer au registre où
la déclaration d'affectation sera déposée, dans un délai de six mois suivant la clôture, ses
comptes annuels.
L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée devra par ailleurs ouvrir un compte
bancaire dédié exclusivement à l'exercice de son activité professionnelle à laquelle le
patrimoine est affecté ; conformément à l'article R. 526-11, ce compte contiendra dans son
intitulé la mention « EIRL (nom du déclarant) ».
2o) En cas d'insuffisance du patrimoine non affecté, c'est-à-dire si des créanciers privés
n'obtiennent pas paiement en procédant à la saisie des biens non affectés, le droit de gage des
créanciers privés « peut s'exercer sur le bénéfice réalisé par l'entrepreneur individuel à
responsabilité limitée lors du dernier exercice clos », c'est-à-dire saisir le compte
professionnel de l'entrepreneur individuel à concurrence du bénéfice (art. L. 526-12).
3o) Enfin, selon l'article L. 273 B, I du Livre des procédures fiscales, si l'entrepreneur
individuel à responsabilité limitée a, par des manœuvres frauduleuses ou à la suite de
l'inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales, rendu impossible le recouvrement
des impositions et pénalités, le recouvrement des impositions et pénalités pourra être
recherché sur le patrimoine non affecté. Réciproquement, si l'entrepreneur rend impossible
par fraude ou inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales le recouvrement des
impositions et pénalités étrangères à son activité professionnelle, le recouvrement pourra être
recherché sur le patrimoine affecté (art. L. 273 B, II).
La même solution est prévue à propos des cotisations de contribution sociale par l'article
L. 133-4-7 du Code de la sécurité sociale.
4o) En cas de procédure collective, l'entrepreneur est informé que, selon l'article L. 680-2 du
Code de commerce, « les dispositions des titres Ier à VI du présent livre qui intéressent la
situation économique ou les biens, droits ou obligations du débiteur entrepreneur individuel à
responsabilité limitée doivent, sauf dispositions contraires, être comprises comme visant les
éléments du seul patrimoine affecté à l'activité en difficulté ou, si l'activité est exercée sans
affectation de patrimoine, du seul patrimoine non affecté ».
Néanmoins, selon l'article L. 621-2, « un ou plusieurs autres patrimoines du débiteur
entrepreneur individuel à responsabilité limitée peuvent être réunis au patrimoine visé par la
procédure, en cas de confusion avec celui-ci. Il en va de même lorsque le débiteur a commis
un manquement grave aux règles prévues au deuxième alinéa de l'article L. 526-6 ou aux
obligations prévues à l'article L. 526-13 ou encore une fraude à l'égard d'un créancier
titulaire d'un droit de gage général sur le patrimoine visé par la procédure ».
D'autre part, selon l'article L. 651-2 : « Lorsque la liquidation judiciaire a été ouverte ou
prononcée à raison de l'activité d'un entrepreneur individuel à responsabilité limitée à
laquelle un patrimoine est affecté, le tribunal peut (en cas de faute de gestion) condamner cet
entrepreneur à payer tout ou partie de l'insuffisance d'actif. La somme mise à sa charge
s'impute sur son patrimoine non affecté ».
Enfin, le tribunal pourra prononcer la faillite si l'entrepreneur individuel à responsabilité
limitée a « disposé des biens du patrimoine visé par la procédure comme s'ils étaient compris
dans un autre de ses patrimoines ou sous le couvert de l'activité visée par la procédure
masquant ses agissements, a fait des actes de commerce dans un intérêt autre que celui de
cette activité » ou a « fait des biens ou du crédit de l'entreprise visée par la procédure un
usage contraire à l'intérêt de celle-ci à des fins personnelles ou pour favoriser une personne
morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ». De
même, selon l'article L. 653-6 du Code de commerce, « le tribunal peut prononcer la faillite
personnelle du dirigeant de la personne morale ou de l'entrepreneur individuel à
responsabilité limitée qui n'ont pas acquitté les dettes mises à leur charge » au titre de la
responsabilité pour insuffisance d'actif.
Intervention du conjoint
À l'instant intervient :
M. ... (comparution conforme aux règles de la publicité foncière),
Ci-après nommé(e) « LE CONJOINT ».
Lequel, connaissance prise de ce qui précède :
– déclare que le bien ... (désignation succincte du bien meuble ou immeuble) ci-dessus
désigné dépend de la communauté de biens existant entre l'entrepreneur individuel à
responsabilité limitée et lui pour avoir été acquis à titre onéreux durant le mariage ;
– déclare que le bien ci-dessus n'a fait l'objet de son chef d'aucune déclaration d'affectation
préalablement à celle résultant du présent acte ;
– déclare, conformément à l'article L. 526-11 du Code de commerce :
1o) donner son accord à l'affectation par M./Mme (rayer la mention inutile) (nom et prénom
de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée), entrepreneur individuel à responsabilité
limitée exerçant sous la dénomination de « EIRL (nom du déclarant) », du (des) bien(s)
commun(s) ci-dessus mentionné(s) à son activité professionnelle ;
2o) avoir été informé(e) que les créanciers auxquels la déclaration d'affectation est opposable
et dont les droits sont nés à l'occasion de l'exercice de l'activité professionnelle à laquelle un
patrimoine comprenant le(s) bien(s) commun(s) susmentionné(s) est affecté ont pour seul
gage général le patrimoine affecté ;
3o) avoir été informé(e) qu'un même bien commun ne peut entrer dans la composition que
d'un seul patrimoine affecté, et que tant que durera l'affectation dudit bien résultant de la
présente déclaration, il ne pourra donc lui-même procéder à aucune affectation de ce même
bien au titre de l'article L. 526-6 du Code de commerce.
Formalités de publicité
Publicité à la conservation des hypothèques
Le présent acte sera publié au ... bureau des hypothèques de ... dans les délais de droit, à la
diligence du notaire soussigné.
Tous pouvoirs sont conférés au notaire soussigné et à ses collaborateurs à l'effet de procéder
aux formalités de publication, dresser et déposer toutes attestations et tous actes rectificatifs.
Publicité professionnelle
Conformément aux dispositions de l'article L. 526-7 du Code de commerce, une copie
authentique du présent acte comportant les mentions de publication sera déposée au registre
du commerce et des sociétés de ... (ou : au répertoire des métiers de ... ; à la chambre
d'agriculture du département du … ; au répertoire spécial des EIRL de …), après
accomplissement des formalités de publicité foncière.
Déclarations générales
L'entrepreneur individuel à responsabilité limitée déclare :
– que son état civil, sa nationalité et sa résidence fiscale sont ceux indiqués en la comparution
qui précède ;
– avoir la pleine capacité à l'effet des présentes, et notamment :
• ne pas être sous tutelle, curatelle, ni sous sauvegarde de justice ;
• ne pas être en procédure de sauvegarde, en redressement ou liquidation judiciaire, ni
susceptible de l'être à court terme ;
• ne pas être en situation de surendettement ou ne bénéficier d'aucune des mesures
qu'organise le Code de la consommation ;
• ne pas avoir de patrimoine affecté autre que celui constitué aux termes des présentes ;
(Variante [à partir du 1er janvier 2013] :
• ne pas avoir d'autre patrimoine affecté que celui constitué aux termes des présentes, à
l'exception toutefois de celui constitué pour l'exercice de l'activité de ... et ayant fait l'objet
d'une déclaration dans les termes de l'article L. 526-6 du Code de commerce auprès du
registre du commerce et des sociétés de ... (ou : au répertoire des métiers de ... ; à la chambre
d'agriculture du département du … ; au répertoire spécial des EIRL de ...) ;).
– et qu'aucun des biens inclus dans la présente déclaration n'a fait l'objet d'une déclaration
d'affectation préalablement aux présentes, qui serait encore en vigueur.
Ainsi que le révèle, pour les biens et droits immobiliers inclus dans la présente affectation, un
état hypothécaire hors formalité délivré par le ... bureau des hypothèques de ... le ..., annexé
au présent acte.
Déclarations fiscales
L'entrepreneur se reconnaît informé que, par défaut, il sera soumis au régime d'imposition
sur le revenu des personnes physiques mais qu'il peut, conformément aux dispositions de
l'article 1655 sexies du Code général des impôts (CGI), opter pour l'impôt sur les sociétés.
Cette option (en principe irrévocable) devra, le cas échéant, être exercée par déclaration
séparée, les présentes ne pouvant en aucune manière être considérées comme valant option à
un tel régime.
Enregistrement
L'enregistrement des présentes résultera de leur publication à la conservation des
hypothèques compétente, ainsi qu'il est dit ci-dessus.
À cet effet, en l'absence de texte exprès, l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée
sollicite l'application des dispositions de l'article 846 bis, alinéa 2 du CGI et acquittera la
taxe de publicité foncière au droit fixe de vingt-cinq euros (25 €).
Frais
Tous les frais, droits et émoluments des présentes, et tout ce qui en sera la suite ou la
conséquence, seront à la charge de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée, qui s'y
oblige.
...
Dont acte sur … pages.
***
1 (1) L'article L. 526-6 du Code de commerce impose de déclarer les biens nécessaires à
l'exercice de l'activité professionnelle mais ouvre une faculté pour les biens simplement
utilisés (v., par exemple, notre étude, « L'entreprise individuelle à responsabilité limitée » :
Defrénois 2010, art. 39144). Sauf exception, par exemple un hôtel, les immeubles feront
partie des biens utilisés et ne seront donc pas forcément affectés ; tout dépendra de la volonté
de l'EIRL qui souhaiterait, dans un objectif de crédit, élargir le gage de ses créanciers
professionnels. Pratiquement, il y a tout lieu de penser qu'ab initio, l'entrepreneur adoptera
une approche minimaliste et n'affectera que les biens nécessaires ; si ensuite un créancier
Le
point sur…
Le régime
Auto-entrepreneur
’activité déclarée sous le régime auto-entrepreneur peut
être exercée à titre principal, par exemple, par un
chômeur qui veut se lancer «à son compte» ou à titre
complémentaire par un salarié du secteur privé, un fonctionnaire
ou un retraité qui a un projet de développer une activité annexe
ou encore par un étudiant qui souhaite créer sa première activité
alors même qu’il poursuit ses études. Ce régime permet, par
exemple, de débuter un projet d’entreprise.
L
Parmi les caractéristiques du dispositif on peut noter que les
formalités liées à la création d’entreprise sont simplifiées (sur
www.lautoentrepreneur.fr). Le régime auto-entrepreneur permet
d’anticiper le paiement des charges fiscales (sur option) et
sociales à partir d’un taux forfaitaire sur le chiffre d’affaires.
L’auto-entrepreneur peut bénéficier du statut de l’EIRL
(entrepreneur individuel à responsabilité limitée) en affectant à
son activité professionnelle un patrimoine spécifique séparé de
son patrimoine personnel. Il conserve toutefois le régime fiscal
et social forfaitaire lié au régime de l’auto-entreprise.
Attention : avant d’adhérer au régime auto-entrepreneur, il
convient de vérifier que ce régime est adapté à votre situation.
En effet certaines professions ne peuvent pas, par exemple,
être exercées sous le régime auto-entrepreneur. Tel est le
cas notamment des activités relevant de la TVA immobilière.
Il en est de même des activités exercées dans le cadre d’un
lien de subordination pour lesquelles seul le salariat doit être
retenu. L’exercice d’une activité dans le cadre d’une société
ne permet pas de recourir à ce dispositif. Le chiffre d’affaires
ne doit pas dépasser cer tains seuils. Selon les cas, une
qualification est obligatoire...
Aussi, nous vous invitons à bien vous informer sur le régime
auto-entrepreneur. Dans ce cadre, vous pouvez vous rapprocher
de votre Chambre de commerce et d’industrie, de votre
Chambre de métiers et de l’artisanat ou de votre Urssaf.
Le présent document, volontairement synthétique vous
donnera les principales informations sur ce dispositif.
BON À SAVOIR...
L’auto-entrepreneur bénéficie de l’exonération de la cotisation
foncière des entreprises l’année de la création et les deux années
suivantes.
Nous vous rappelons que les formalités et informations relatives
au dispositif sont accessibles sur www.lautoentrepreneur.fr
L’auto-entrepreneur qui obtient l’Aide aux chômeurs
créateurs ou repreneurs d’entreprise (Accre) bénéficie d’un
taux forfaitaire minoré.
Vous pouvez sur ce site assurer l'ensemble des formalités
relatives à l'auto-entrepreneur.
Ce site est le seul portail officiel contenant les informations
relatives à l'auto-entrepreneur.
Nous vous mettons en garde contre des organismes qui vous
réclameraient des frais d'inscription.
À JOUR AU 1er janvier 2013
À qui s’adresse ce régime ?
Toute personne peut, sous conditions,
devenir auto-entrepreneur. Que ce soit à
titre principal pour, par exemple, un
chômeur qui veut se lancer ou à titre
complémentaire pour un salarié du secteur
privé, un fonctionnaire ou un retraité qui
souhaite développer une activité annexe en
complément de son salaire, de son
traitement ou de sa retraite ou encore par
un étudiant qui créé sa première activité
alors même qu’il poursuit ses études.
Toutefois, cette activité doit être exercée
sous forme d’entreprise individuelle et
relever pour l’assurance vieillesse du Régime
social des indépendants (RSI) ou de la Caisse
interprofessionnelle de prévoyance et
d’assurance vieillesse (Cipav).
Un entrepreneur individuel déjà en activité
peut, sous certaines conditions, opter pour
le régime auto-entrepreneur jusqu’au
31 décembre 2013, s’il relève du RSI ou de
la Cipav pour son assurance vieillesse pour
une application au 1er janvier 2014.
Un auto-entrepreneur peut bénéficier du
statut de l’EIRL.
En affectant à son activité professionnelle un
patrimoine spécifique, il protège son
patrimoine personnel. La déclaration
d’affectation peut s’effectuer sur :
www.lautoentrepreneur.fr
Pour en savoir plus : www.eirl.fr
Quelles conditions ?
L’entreprise individuelle doit relever du
régime fiscal de la micro-entreprise,
c’est-à-dire réaliser un chiffre d’affaires qui
ne doit pas dépasser pour une année civile
complète en 2013 :
- 81 500 € pour une activité de vente de
marchandises, d’objets, de fournitures,
de denrées à emporter ou à consommer
sur place, ou pour des prestations
d’hébergement, à l’exception de la
location de locaux d’habitation meublés
dont le seuil est de 32 600 € ;
- 32 600 € pour les prestations de services
relevant de la catégorie des bénéfices
industriels et commerciaux (BIC) ou des
bénéfices non commerciaux (BNC).
L’entreprise est en franchise de TVA (pas de
facturation, ni de récupération de TVA).
Le régime auto-entrepreneur ne dispense
pas de l’obligation :
Attention : certaines activités sont exclues du
régime fiscal de la micro-entreprise et par
conséquent du régime auto-entrepreneur.
Sont notamment concernées, les activités
relevant de la TVA immobilière (opérations de
marchands de biens, lotisseurs, agents
immobiliers, opérations sur les parts de sociétés
immobilières), les locations d’immeubles nus
à usage professionnel, certaines activités
commerciales ou non commerciales comme
la location de matériels et de biens de
consommation durable.
- de l’obtention d’une qualification ou
d’une expérience professionnelle pour
des activités telles que les métiers du
bâtiment, de l’automobile, de
l’alimentaire, de la coiffure, de
l’esthétique… ;
- de l’inscription au répertoire des métiers
(RM) pour les activités artisanales à titre
principal ;
- de la souscription d’une assurance
professionnelle pour certaines activités,
notamment pour le bâtiment.
Le régime auto-entrepreneur ne peut pas
être choisi lorsque l’activité est exercée dans
le cadre d’un lien de subordination pour
laquelle seul le salariat doit être retenu.
Pour certaines activités artisanales (voir
annexe), l’auto-entrepreneur est tenu
d'attester de sa qualification professionnelle
lors de sa déclaration de début d’activité.
BON À SAVOIR...
Le chiffre d’affaires est à proratiser en fonction de la date de création de l’activité. Par exemple, pour une activité de prestations de services
commencée au 1er mars 2013, le montant maximum du chiffre d’affaires à ne pas dépasser est de (32 600 x 306) / 365 soit 27 330 euros.
Quelles spécificités ?
Lors de la création de l'entreprise, l'autoentrepreneur est dispensé d'immatriculation
au registre du commerce et des sociétés (RCS)
et au répertoire des métiers (RM).
Toutefois, l'auto-entrepreneur qui crée
une activité artisanale à titre principal,
doit s'inscrire au RM. Il est dispensé du
stage préalable à l'immatriculation au RM.
Il est également exonéré des frais liés aux
formalités d'immatriculation et, jusqu'à la
fin de la 2e année civile suivant celle de la
création de son entreprise, de la taxe pour
frais de chambre de métiers.
Attention :
l’artisan ou le commerçant déjà en activité
qui souhaite devenir auto-entrepreneur ne
peut pas bénéficier de la dispense
d’immatriculation au RCS ou au RM.
Les agents commerciaux restent tenus de
s’immatriculer au régime spécial des agents
commerciaux auprès du greffe du tribunal
de commerce dans le ressort duquel ils sont
domiciliés.
L’auto-entrepreneur bénéficie du régime
micro-social simplifié. Ses cotisations et
contributions sociales sont déclarées et
calculées par lui-même en appliquant un
taux forfaitaire au chiffre d’affaires ou aux
recettes réalisés.
L’auto-entrepreneur est exonéré de la
cotisation foncière des entreprises
l’année de la création de son entreprise
et les deux années suivantes.
Il peut opter pour le versement libératoire
de l’impôt sur le revenu, à condition que
le revenu de son foyer fiscal ne dépasse
pas 26 420 € par part de quotient familial
en 2011, soit :
- 26 420 € pour une personne seule ;
- 52 840 € pour un couple ;
- 79 260 € pour un couple avec deux
enfants.
BON À SAVOIR...
La demande d’option pour le
versement libératoire de l’impôt sur le
revenu doit se faire au plus tard le
dernier jour du 3e mois suivant celui de
la création pour une application
immédiate et avant le 31 décembre de
l’année en cours pour une application
l’année suivante.
Le versement libératoire est calculé en
appliquant sur le chiffre d’affaires ou les
recettes un taux spécifique (1 % pour les
ventes, 1,70 % pour les prestations BIC et
2,20% pour les prestations BNC). Il est payé
en même temps que les cotisations et
contributions sociales.
Le bénéficiaire de l’aide aux chômeurs
créateurs ou repreneurs d’entreprise (Accre)
peut bénéficier en même temps du régime
auto-entrepreneur. Dans ce cas, un taux
spécifique pour le calcul des cotisations et
contributions sociales est appliqué.
Attention :
le cumul avec d’autres dispositifs
d’exonération (installation en zone franche
urbaine - ZFU, en zone de redynamisation
urbaine - ZRU) n’est pas possible.
Si l’auto-entrepreneur demande, au
moment de la création de l’activité, l’une
de ces exonérations, il bénéficiera :
- dans un premier temps de l’exonération
applicable selon des modalités de
déclaration et de calcul de droit commun
(calcul des cotisations à titre provisionnel
puis régularisation sur la base du revenu
professionnel) ;
- puis, au terme de l’exonération, du calcul
des cotisations sur le chiffre d’affaires à
partir des taux forfaitaires applicables à
l’auto-entrepreneur.
Comment adhérer ?
g Dans le cas d’une création, le plus simple et le plus rapide est
de remplir le formulaire de déclaration d’activité spécifique autoentrepreneur et de le transmettre en ligne sur
www.lautoentrepreneur.fr, en joignant un justificatif d’identité.
À défaut, la déclaration d’activité peut être :
- imprimée sur www.lautoentrepreneur.fr et transmise au
centre de formalités des entreprises avec un justificatif d’identité;
- ou effectuée auprès du centre de formalités des entreprises.
Dans le cas d’un entrepreneur individuel déjà en activité, le
g formulaire de la demande d’adhésion peut être également rempli
et transmis en ligne sur www.lautoentrepreneur.fr.
À défaut, la demande d’adhésion peut être obtenue auprès :
- du centre de paiement du régime social des indépendants (RSI)
ou de la caisse RSI pour les activités artisanales et commerciales ;
- de l‘Urssaf ou de la caisse RSI pour les activités libérales.
Comment déclarer et payer ?
Au moment de l’adhésion, l’auto-entrepreneur choisit de déclarer
et payer ses cotisations et éventuellement l’impôt sur le revenu
mensuellement ou trimestriellement.
Il est conseillé à un demandeur d’emploi qui choisit de continuer
à percevoir mensuellement ses allocations de Pôle emploi de choisir
le paiement mensuel afin de pouvoir justifier de ses déclarations
auprès de Pôle emploi.
L’auto-entrepreneur doit systématiquement compléter et adresser
sa déclaration. En l’absence de chiffre d’affaires (CA), il doit
mentionner un CA nul, en inscrivant «0», pour la période concernée.
À défaut de déclaration, une pénalité d’un montant de 47 €
(en 2013) vous sera appliquée pour chaque déclaration manquante.
Si vous n’avez pas régularisé votre dossier en fin d‘année, vous
serez taxé d‘office sur une base forfaitaire.
Cette taxation peut entraîner, le cas échéant, une perte du bénéfice
du régime auto-entrepreneur.
La déclaration et le paiement s’effectuent :
- sur www.lautoentrepreneur.fr
Un guide « mode d’emploi » pour s’inscrire, déclarer et payer en
ligne est disponible sur le site / rubrique « documents utiles ».
- ou par voie postale auprès du centre de paiement du RSI pour les
artisans commerçants ou à l’Urssaf pour les professions libérales.
BON À SAVOIR...
Les cotisations sociales et les charges fiscales
sont calculées à titre définitif et ne font,
en aucun cas, l’objet d’une régularisation.
Comment sortir du dispositif ?
L’auto-entrepreneur peut choisir de sortir du dispositif volontairement:
- en effectuant une déclaration de cessation d’activité sur
www.lautoentrepreneur.fr ou auprès du centre de formalités
des entreprises (CFE) compétent ;
- en renonçant au régime micro social simplifié.
Attention, la sortie du dispositif est automatique en cas :
- de dépassement, l’année de la création, des seuils applicables au
régime fiscal de la micro-entreprise (81 500 euros pour le commerce
ou 32 600 euros pour les services et les activités libérales)* ;
- d'absence de chiffre d’affaires pendant 24 mois civils ou
8 trimestres civils consécutifs. Dans ce cas, l’auto-entrepreneur
perdra le bénéfice du régime et pourra éventuellement être radié
d’office ;
- de dépassement pendant deux années consécutives des seuils
applicables au régime fiscal de la micro-entreprise (tout en
restant inférieur à 89 600 euros pour le commerce ou
34 600 euros pour les services et les activités libérales) ;
- de dépassement des seuils de 89 600 euros ou 34 600 euros* ;
- d’option pour un régime réel d’imposition ;
- de déclaration d’une nouvelle activité hors champ du dispositif.
* Dans ces deux cas, il bénéficie du régime micro-social simplifié jusqu’au
31 décembre de l’année de dépassement, mais l’option pour le prélèvement
libératoire de l’impôt sur le revenu cesse rétroactivement au 1er janvier de
l’année de dépassement.
Si l’auto-entrepreneur sort du dispositif, mais souhaite
poursuivre son activité, il doit s’immatriculer, le cas échéant, au
Registre du commerce et des sociétés ou au Répertoire des métiers.
Il ne bénéficie plus du régime micro-social simplifié et ses cotisations
sont calculées selon les règles de droit commun.
Quels sont les taux de cotisations et de l’impôt sur le revenu ?
Le régime micro-social simplifié permet de calculer et de payer les cotisations et contributions de protection sociale obligatoire et
éventuellement l’impôt sur le revenu en fonction du chiffre d’affaires ou des recettes. Des taux forfaitaires sont appliqués. Ils concernent
pour la partie sociale, les cotisations d’assurance maladie-maternité, d’indemnités journalières (excepté pour les professions libérales),
de CSG/CRDS, d’allocations familiales, de retraite de base, de retraite complémentaire obligatoire, du régime d’invalidité et de décès.
Il est à noter que l’auto-entrepreneur est également redevable de la contribution à la formation professionnelle.
Cas général
Organisme
de retraite
RSI
CIPAV
Activités
Exemple d’activités
concernées
Régime microsocial simplifié
Régime micro-social simplifié
avec option pour le versement libératoire
de l’impôt sur le revenu
Ventes de marchandises (BIC)
Restaurateurs, opticiens,
magasins prêt-à-porter,
chaussures…
14,00 %
15,00 %
Prestations de service BIC
Coiffeurs, cordonniers,
plombiers…
24,60 %
26,30 %
Prestations de service BNC
Agent commercial,
exploitant d’auto-école…
24,60 %
26,80 %
Activités libérales (BNC)
Architecte, psychologue,
consultant…
21,30 %
23,50 %
Bénéficiaire de l’Accre
Si l’auto-entrepreneur bénéficie de l’Accre, le cumul de l’exonération et du régime micro-social simplifié se traduit par l’application
de taux spécifiques :
1ère période
2e période
3e période
Au-delà
e
Organisme
de retraite
Activités
Jusqu’à la fin du 3
trimestre civil qui suit le
début de l’activité
Les 4 trimestres suivants
Les 4 trimestres suivants
Sans option Avec option Sans option Avec option Sans option Avec option
fiscale
fiscale
fiscale
fiscale
fiscale
fiscale
RSI
CIPAV
Ventes de marchandises (BIC)
3,50 %
4,50 %
7,00 %
8,00 %
10,50 %
11,50 %
Prestations de service BIC
6,20 %
7,90 %
12,30 %
14,00 %
18,50 %
20,20 %
Prestations de service BNC
6,20 %
8,40 %
12,30 %
14,50 %
18,50 %
20,70 %
Activités libérales (BNC)
5,40 %
7,60 %
10,70 %
12,90 %
16,00 %
18,20 %
Cf.
Cas général
BON À SAVOIR...
L'option « auto-entrepreneur » est prise au moment de la déclaration de création d'activité ou jusqu’au dernier jour du 3e mois qui suit
cette déclaration. Une fois complété, votre dossier Accre doit être déposé auprès de votre CFE, en même temps que votre déclaration de
création d’activité ou au plus tard le 45e jour suivant ce dépôt.
Contribution à la formation professionnelle
Pour calculer cette contribution obligatoire, l’auto-entrepreneur doit appliquer à son chiffre d’affaires l’un des taux suivants en fonction
de sa catégorie professionnelle.
Catégorie
professionnelle
Commerçant
Artisan
(hors Alsace)
Artisan
(Alsace)
Profession libérale
TAUX
0,10 %
0,30 %
0,17 %
0,20 %
Les prestations sociales
Maladie - maternité, allocations familiales
L’activité d’auto-entrepreneur est l’activité principale. L’auto-entrepreneur bénéficie :
- de l’assurance maladie-maternité, gérée par le RSI, pour les prestations maladie en nature identiques à celles des salariés
(médicaments, soins, hospitalisation…), le droit aux prestations indemnités journalières (uniquement pour les artisans et
commerçants) soumis aux conditions habituelles des travailleurs indépendants et les prestations maternité et paternité ;
- des allocations familiales, gérées par la Caisse d’allocations familiales (Caf), avec des prestations identiques à celles des
salariés.
L’activité salariée reste l’activité principale et l’auto-entrepreneur :
- reste affilié au régime salarié pour son assurance maladie-maternité (remboursements maladie, prestations
maternité/paternité et indemnités journalières salariées) ;
- bénéficie des prestations d’allocations familiales, gérées par la Caf ou la Mutuelle sociale agricole (MSA).
Retraite
L’activité d’auto-entrepreneur est l’activité principale :
BON À SAVOIR...
l’auto-entrepreneur obtient des droits à la retraite de base et à la retraite
complémentaire, gérées par le RSI (artisans, commerçants) ou la Cipav
(professions libérales). L’acquisition de droits relatifs à son activité
d’auto-entrepreneur est fonction de son chiffre d’affaires.
Si vous exercez simultanément
une activité salariée et une activité d’autoentrepreneur, la durée d'assurance prise
en compte pour la retraite de base ne
peut pas excéder, tous régimes de base
confondus, 4 trimestres par an.
L’activité salariée reste l’activité principale :
l’auto-entrepreneur acquiert également des droits de retraite de base et
de retraite complémentaire au RSI (artisans, commerçants) ou à la Cipav
(professions libérales) pour son activité d’auto-entrepreneur en fonction
de son chiffre d’affaires.
Montant de chiffres d’affaires (CA) à réaliser pour validation de trimestres
Quelle que soit la date de création d’activité, l’auto-entrepreneur doit réaliser un chiffre d’affaires minimum pour
valider 1, 2, 3 ou 4 trimestres de retraite.
Organisme
de retraite
RSI
CIPAV
Activités
Validation
1 trimestre
Validation
2 trimestres
Validation
3 trimestres
Validation
4 trimestres
Chiffre d’affaires
minimum à réaliser
Chiffre d’affaires
minimum à réaliser
Chiffre d’affaires
minimum à réaliser
Chiffre d’affaires
minimum à réaliser
Ventes de marchandises
(BIC)
6 502 €
13 006 €
19 509 €
26 013 €
Prestations de service BIC
3 771 €
7 543 €
11 315 €
15 087 €
Prestations de service BNC
2 857 €
5 715 €
8 572 €
11 430 €
Activités libérales (BNC)
2 857 €
5 715 €
8 572 €
11 430 €
POUR ADHÉRER :
- vous bénéficiez d'un accompagnement pour remplir votre
déclaration d'activité ;
- vous accédez directement au formulaire Accre ;
- vous avez immédiatement l'accusé de réception de votre
déclaration avec un numéro de dossier...
POUR DÉCLARER ET PAYER, pensez à vous inscrire
dès réception de votre numéro Siret
- vous bénéficiez d'une aide en ligne ;
- les cotisations sont automatiquement calculées ;
- vous êtes prélevé à la date d'échéance
Pour vous accompagner dans ces démarches, consultez le guide « mode
d’emploi de la dématérialisation » sur www.lautoentrepreneur.fr
dans la rubrique « documents utiles ».
Réalisation : Acoss/Urssaf - NAT/ 2169 / janvier 2013 / Auto-entrepreneur - Impression : Rotocolor - Photo : © Goodshoot
Ayez le
flexe Internet : www.lautoentrepreneur.fr
é
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souhaite étendre le gage aux immeubles utilisés, il y aura soit affectation complémentaire,
soit, plus probablement, affectation hypothécaire au profit du créancier en question, de sorte
qu'il se pourrait bien qu'il n'y ait jamais d'affectation d'immeuble à une EIRL.
2 (2) Le fonds d'entreprise paraît constituer le bien irréductiblement affecté, quelle que soit
l'activité, compte tenu de son caractère nécessaire. Curieusement, le modèle type de
déclaration d'affectation proposé par l'arrêté du 29 décembre 2010, s'il évoque bien à titre
illustratif le fonds de commerce, le fonds artisanal, le fonds agricole, cite pour les activités
libérales, le droit de présentation de la clientèle, comme si le texte avait peur de parler de
fonds libéral, alors que la Cour de cassation l'a consacré il y a plus de dix ans… Autre
motif (plus grave) d'étonnement : l'arrêté évoque la possibilité d'affecter des parts de SCP ; or
comment le titulaire de ses parts pourrait être un entrepreneur individuel ? Seul ce dernier
peut pourtant constituer une EIRL (sur cette question à propos de la déclaration
d'insaisissabilité, v. notre étude, « Pratique notariale et déclaration notariée
d'insaisissabilité » : Dr. et patr. févr. 2006).
3 (3) Ce « pointage » suppose la volonté de rendre la déclaration opposable aux créanciers
antérieurs et ne concerne que les créanciers auxquels l'entrepreneur entend rendre l'EIRL
opposable (par exemple, il veut limiter les poursuites de l'Urssaf à laquelle il doit des
cotisations à ses biens affectés). Il s'agit donc d'un paragraphe facultatif de la déclaration.
4 (4) La logique du dispositif pourrait laisser à penser qu'il y a un délai pour faire opposition,
puis un délai pour agir en justice. En réalité, les textes ne précisent qu'un délai (un mois) et ne
disent mot des formes de l'opposition ; l'on comprend donc que les créanciers ont en fait
un mois pour
assigner.