la guerre en musique : analyse thematique

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la guerre en musique : analyse thematique
LA GUERRE EN MUSIQUE : ANALYSE
THEMATIQUE
Quel rôle tient la musique en temps de guerre ? Hymnes nationaux, chants patriotiques, ou
thèmes musicaux particuliers repris à des fins de galvanisation des troupes, la musique est
omniprésente.
Comment la musique s'approprie-t-elle le thème de la guerre ? Défense d'une idéologie, mise en
exergue des sentiments humains, ou encore travail de mémoire, la musique explore ses
thématiques autour de la guerre.
Quelle influence la guerre a-t-elle sur les compositions musicales ? Engageant de vives émotions la
thématique de la guerre se répercute sur la manière d'appréhender la musique.
Cette fiche de révision se propose d'approfondir ces questions et ainsi rendre compte de l'action
corrélée de la musique et des conflits mondiaux.
I. LES CATEGORIES DE LA MUSIQUE GUERRIERE :
HYMNES NATIONAUX, CHANTS PATRIOTIQUES ET
THEMES MUSICAUX GUERRIERS
Les hymnes nationaux se rapportent bien souvent à la guerre. Les exemples sont multiples : Het
Wilhelmus, hymne national néerlandais écrit pendant la guerre de Quatre-vingts Ans, le Kimi Ga
Yo, hymne national du Japon qui bien que devenu officiel qu'en 1999 avait déjà fait office d'hymne
lors des événements de la Seconde Guerre mondiale. Ou encore bien évidemment La Marseillaise
qui naquit avec la Révolution française. Les hymnes nationaux en ce qu'ils ont de fédérateurs
prennent une importance singulière en temps de guerre.
Nés dans le conflit, ou mis en lumière par leur qualité patriotique lors de période de guerre, ces
hymnes nationaux entendent réunir le peuple autour d'un souverain, d'une idéologie ou de
qualités morales. L'hymne national sonne alors comme un cri de ralliement, il réveille l'honneur de
la patrie, appelle à l'union sacrée de contrer l'oppresseur. Il entend valoir comme étant le ferment
de la nation, de la cause nationale.
D'autres champs patriotiques ont tenu une importance considérable en temps de guerre. Trop
populaires pour devenir discours officiel, trop contestataires pour être entérinés par les pouvoirs
politiques, ou simplement tombés dans l'oubli, ces chants n'en demeurent pas moins marqués du
sceau de la guerre.
La chanson de Craonne fait partie de ceux-là. Entonné par les soldats français au cours de la
Première Guerre mondiale, elle fut censurée par les hauts-gradés de l'armée française. Elle fut le
chant des mutins en contestation des combats considérablement meurtriers de la bataille du
Chemin des Dames commandée par le général Nivelle. Chant antimilitariste il devint pourtant le cri
de ralliement de nombreux soldats français qui trouvèrent en lui la force de tenir face à l'horreur
de la guerre.
La chevauchée des Walkyries, quant à elle, écrite par le compositeur allemand Richard Wagner au
milieu du 19e siècle illustre bien la réappropriation qui peut être faite de la musique en temps de
guerre. A l'origine prélude à l'acte III de l'opéra Die Walküre, elle accompagne une scène inspirée
de la mythologie nordique lors de laquelle des femmes guerrières s'emparent des corps des
guerriers tués au combat pour les conduire au Valhalla, paradis des vikings. Ode à l'héroïsme elle
fut reprise au cours de la Seconde Guerre mondiale par les troupes allemandes. Elle devint à cet
effet un puissant outil de propagande nazie. L'énergie de ses harmonies nourrissait l'entrain au
combat.
II. LA THEMATIQUE DE LA GUERRE DANS LA MUSIQUE
A travers les hymnes nationaux, les chants patriotiques et les thèmes musicaux repris ou
composés à des fins de propagande, la musique représente un élément fédérateur en temps de
guerre. Il s'agit là de la dimension symbolique de la musique. Mais l'analyse de la musique relative
au thème de la guerre conduit à prolonger les caractéristiques de celle-ci, à chercher sous le
symbole unificateur les articulations de ses prérequis.
La musique de guerre peut ainsi se constituer comme l'élaboration d'une idéologie. L'hymne de
l'Union soviétique d'août 1944 composé par Alexandre Aleksandrov n'est pas seulement le
symbole de la guerre et de la révolte en temps de guerre, il édifie toute une idéologie qui
construira le culte de Staline. Ces paroles sont une interprétation de faits historiques qui
s'efforcent de magnifier l'avènement et l'extension du pouvoir sous Staline. L'annexion autoritaire
et violente des républiques à l'URSS de 1922 prend alors la forme d'une pleine adhésion à la cause
soviétique. Les événements liés aux combats meurtriers se parent d'un lyrisme visant à louer les
valeurs patriotiques et héroïques des soldats de l'armée soviétique. Enfin la prise du pouvoir de
Staline y confine à l'apparition divine, le pouvoir y côtoie la foi. Art de propagande par excellence
l'hymne de l'Union soviétique n'est pas seulement symbole guerre, il est aussi l'asservissement des
esprits et l'édification d'un paradigme politique.
En contrepoint de cette démarche la musique est aussi porteuse d'une réflexion sur l'horreur de la
guerre. Certains artistes en ont fait l'objet d'un travail de mémoire, la nécessité de ne pas oublier,
la volonté de dépasser le caractère simplement factuel des conflits pour donner à penser.
Composée bien des années après le conflit, dans un contexte relativement apaisé, par un artiste
dont l'image n'est pas circonscrite au thème de la guerre, Nuit et brouillard (1963) de Jean Ferrat
participe à cette activité mémorielle de la musique.
La chanson d'après-guerre travaille au paradoxe de cette période tiraillée entre un certain recul
pris sur les événements et un certain oubli des traumatismes causés par ceux-ci. Le titre de la
chanson fait référence au nom de code donné par le commandement nazi à l'accomplissement de
la Shoah (initialement ''solution finale à la question juive''). La notion de code vient signifier ici la
mise au secret de certains faits de la seconde guerre mondiale. Le terme devenu conventionnel de
''nuit et brouillard'' en masque l'horreur. Ferrat va chercher sous l'abstraction des mots les
événements tragiques qui s'y rapportent. Son texte tente de redonner une identité concrète aux
victimes de guerre, ils les nomment par leur prénom et à travers leurs religions. Il s'offusque d'une
société qui veut taire le drame, qui détourne le regard et encourt alors le risque de faire
l'économie d'une réflexion sur la condition humaine et ses terribles travers.
Harmonies guerrières de la musique
La guerre appelle naturellement un vocabulaire de l'engagement, de la révolte, de la souffrance ou
de l'héroïsme. Mais l'influence de la guerre sur les compositions musicales ne se restreint pas au
contenu de leurs paroles.
L’accroissement des rythmes, déséquilibre des partitions, ou à l'inverse ordre réglé des notes,
organisation stricte des harmonies, la guerre réveille les paradoxes musicaux.
Chez Arnold Schönberg par exemple, avec Un Survivant de Varsovie (1947) la structure classique
est abandonnée au profit d'une exécution de l'œuvre en un seul tenant. Schönberg use de plus de
contrastes saisissant passant des nuances du piano à celles du forte et d'une étendue mélodique
enchaînant les graves et les aigus. Cette œuvre s'accompagne de plus d'un récit parlé et chanté sur
lequel s'accorde le tempo de la musique. Schönberg allie ainsi la puissance de la musique,
soutenue par un orchestre, à la tessiture des voix, entrecroisement d'une émotion de la
mécanique et de l'humain que la guerre cristallise.