comment vont les marches

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comment vont les marches
COMMENT VONT LES MARCHES ?
En voilà une petite synthèse du CYCLOPE des marchés mondiaux 2002 rédigé par l’équipe dirigée par
Philippe Chalmin, professeur associé à l’Université Paris Dauphine.
M.
DOUTES ET INCERTITUDES DU MONDE
Après la grisaille de 2002, 2003 dans le monde : un monde en proie au doute et aux incertitudes
économiques. Ainsi la menace d’Al Qaeda demeure dans les pays en difficultés politiques ou économiques à
majorité musulmane. La probable guerre en Irak risque de renforcer la fracture entre l’Occident et le monde arabomusulman, et le conflit israélo-palestinien demeure. La stabilité de la Russie reste à surveiller, en tant que véritable
« émirat pétrolier » qui pourrait alimenter l’Occident, en alternative a l’OPEP. Les tensions régionales sont
nombreuses. En Asie, l’Indonésie et les Philippines, qui connaissent des difficultés économiques, ainsi que des
conflits ethniques et religieux sont à surveiller. En Amérique Latine, l’Argentine détient le record 2002 de la plus
forte récession, le Brésil va devoir se lancer dans une réforme agraire attendue, et l’économie du Venezuela a été
détruite par le pétrole (le prix de ce dernier remonte, surveillé par les Etats-Unis). L’Europe, quant à elle, a lancé
l’euro avec succès, ainsi que préparé son élargissement, mais doit mettre en place les institutions nécessaires, et
gérer les problèmes de gouvernance économique et de croissance médiocre. Les Etats-Unis sont une puissance
sans contre-poids.
Malgré ces turbulences, il faut construire la mondialisation. Ainsi le G7/G8 au Canada a vu naître une initiative
pour le développement africain, et le Sommet de la Terre de Johannesburg a permis une prise de conscience des
divers acteurs (Etats, ONG, entreprises), et Kyoto devrait entrer en vigueur en 2003. L’OMC 2001 en revanche, a
été freiné par des blocages agricoles et il faut attendre Cancun en 2003. Le bilan est donc mitigé.
2002 fut une année médiocre. La croissance mondiale a certes été meilleure qu’en 2001, atteignant 1,7% (2,5%
pour les USA, moins de 1% pour l’Eurolande, et 0% pour le Japon). La situation du Japon et de l’Allemagne
(considérés comme les grands malades), la bulle boursière (affaire Enron), et la situation internationale ont
alimenté le pessimisme des chefs d’entreprises, ralentissant l’investissement. Les attentes concernant 2003 sont
liées aux incertitudes géopolitiques, à la croissance en Asie, et aux croissances nulles au Japon et en Allemagne
(crises de société). La croissance 2002 en Europe et aux USA était due à la consommation des ménages et
l’incertitude demeure quant aux investissements des entreprises en 2003.
Le cas de l’Allemagne : en stagnation économique depuis 3 ans et aux portes de la récession, elle a un déficit de
3,8% de son PIB. Des facteurs conjoncturels expliquent cette situation : la plus faible part des services dans
l’économie allemande la rend plus sensible aux cycles industriels, et l’unification (parité Mark est et Mark ouest) a
permis la mise en évidence de faiblesses internes (crise du secteur du BTP par exemple). Mais le malaise est
« hausgemacht » (il vient de l’intérieur) : une fécondité très faible (moins de 1,5%) qui génère des problèmes liés
au vieillissement de la population et au brassage culturel du fait de l’immigration, une éducation moins bonne que
dans la plupart des autres pays européens, et le chômage élevé sont des causes de ce malaise ; ainsi que
l’ébranlement de 2 piliers : la Deutschland AG (harmonie entre entreprises et milieux financiers), brutalisée par un
capitalisme à l’anglo-saxonne, et la Mitbestimmung (cogestion) génératrice de rigidités (du marché du travail). De
plus les Allemands dépensent plus à l’extérieur que chez eux. Ainsi la modernisation du modèle rhénan prendra du
temps, il faut bâtir un nouveau modèle, européen. Mais l’Allemagne dispose d’un atout, sa population de l’Est qui
veut sa place au soleil.
L’Amérique du Sud entre les réformes et l’enlisement.
L’Argentine sort lentement de l’abîme. Le PIB a chuté de 18%, le revenu moyen par habitant de 22% et 1/5
citadins est au chômage. La fin du régime de parité fixe entre le $ et le peso accentue la crise financière et
augmente la récession. La valeur du peso diminue, faisant fondre les réserves de la BC.
En 2002, la hausse des prix est de 40%, pour les produits liés au commerce extérieur, mais les prix des
services publics n’augmentent pas, et la TVA passe de 21% à 19%, ce qui permet une relative stabilisation des
prix. Le peso est donc toujours l’unité de référence des transactions quotidiennes. Les investissements diminuent
(depuis 4 ans). La consommation et les emplois baissent également donc il n’y a pas d’inflation. Mais la diminution
des liquidités en circulation asphyxie l’activité commerciale. Pour éviter la faillite des banques, les emprunts sont
convertis à 1 peso=1$ et les dépôts bancaires à 4 pesos = 1$. L’Etat fournit également une aide financée par une
émission de titres. Le système bancaire est très fragile et n’a plus la confiance des déposants et donc ne peut
correctement apporter la liquidité à l’économie.
Aucune réforme budgétaire ou fiscale n’a été faite pour assainir le budget public. L’Argentine s’est quasiment
isolée de la communauté financière internationale : ne rembourse pas les emprunts, n’émet pas de titres sur les
marchés extérieurs, ses investissements directs à l’étranger diminuent… La récession a causé la décrédibilisation
des leaders politiques. Les élections de mai 2003 pourraient permettre un regain de confiance et donc une
amélioration. L’excédent commercial augmente, ainsi que le tourisme. Fin 2002, le gouvernement a rétabli la
liberté totale d’utilisation des dépôts. La BC a pu augmenter ses réserves. Il faut que l’Argentine retrouve son crédit
sur les marchés financiers internationaux et organise le refinancement de la dette publique.
Au Brésil, la gauche est au pied du mur. Avec une croissance très faible (1,4%) et une inflation de 11% (soit 2
fois l’objectif officiel), le Brésil souffre de la dégradation de l’environnement extérieur (Argentine) et de sa
dépendance des capitaux étrangers. Ce pays a pourtant besoin de la confiance du marché (les sondages
électoraux ont beaucoup influencé le cours du real), qui permettrait une baisse des taux d’intérêt, car sa dette est
financée à court terme. La fuite des capitaux a engendré une inflation donc les autorités ont augmenté le taux
d’intérêt pour accroitre le crédit et juguler l’augmentation des prix. Le passif du public a donc augmenté, le coût des
emprunts aussi et toute croissance significative de l’économie est alors interdite.
Le FMI a fait un prêt exceptionnel contre une promesse de rigueur budgétaire. Lula voudrait redonner des
marges de manœuvre à l’Etat. Il faudrait pour cela poursuivre une politique de rigueur budgétaire (pour réduire la
dette publique, sans ajouter de pressions fiscales) et engager des réformes structurelles, avant de pouvoir engager
une action sociale ambitieuse (ce pour quoi Lula a été élu). Par exemple le gouvernement devra réformer le
système injuste des retraites, supprimant certains privilèges, ce qui devrait déjà permettre d’assainir les finances
publiques. Une jugulation de l’inflation est également nécessaire.
Le sommet de Johannesburg était centré sur les perspectives de développement durable. Le choix du site
de Johannesburg porte une triple charge symbolique : ce choix consacre la réhabilitation de l’Afrique du Sud
dans le concert international, et fait paraître l’Afrique mieux intégrée; c’est en outre une ville représentative des
différentes dimensions du développement durable. Le développement durable est un concept onusien qui
intègre 3 dimensions : l’économique, l’environnemental et le sociétal.
La Mondialisation est source d’intégration, mais aussi d’exclusion : la pauvreté, qui dépend largement du
modèle économique du pays concerné, qui recule avec une extrême lenteur, mais sa répartition géographique
change du fait de l’accélération de la mondialisation. L’écroulement des économies de l’ex bloc soviétique, le vif
ralentissement du Japon et de l’UE ont empêché l’amélioration de l’allocation des ressources que l’on pouvait
espérer grâce à la libéralisation et la sophistication des marchés financiers. Le Sommet de Johannesburg n’a pas
apporté de solution a ce problème, à cause du conflit agricole Nord Sud, du coût du traitement du sida etc... qui ont
freiné les débats.
Les flux financiers Nord/Sud ont montré un coup d’arrêt à la baisse de l’aide publique . L’ONU recommande
aux pays développés d’allouer 0,7% de leur ressources à l’aide publique au développement (APD). La plupart des
pays sont en dessous de ce seuil. De plus les flux de capitaux privés qui permettaient de compenser s’effondrent
depuis 1998. Une réforme de l’APD a été décidée : moins de prêts et plus de dons afin de soulager la dette. En
plus du montant, les modalités d’utilisation de l’ADP on été redécidées. Le Fonds pour l’Environnement Mondial a
été recapitalisé à hauteur de $3 milliards, et de nouvelles impulsions en faveur du partenariat public/privé
(dans une logique complémentaire) ont vu le jour.
La lutte contre les changements climatiques : l’avancée la plus importante est l’accélération de la ratification du
protocole de Kyoto. Mais il faut faire face à des conflits de priorités tels que privilégier un développement rapide
des PVD ou la limitation des émissions de gaz à effet de serre.
Johannesburg a vu l’irruption de la société civile dans l’enceinte multilatérale : l’ensemble des acteurs de la
vie économique et sociale a participé à ce sommet (ONG, entreprises, syndicats…).
Un retour au protectionnisme a dominé 2001-2002. Les USA ont instauré des droits anti-dumping sur les
importations américaines d’acier, puis l’Europe et la Chine ont mis en place des quotas d’importations pour
certaines sortes d’acier etc… L’effet sur le reste du monde a été déplorable et a affaibli la position diplomatique
des USA. Le prochain objectif est Cancun, en septembre 2003 : il faudra que les gros dossiers aient
suffisamment avancé pour pouvoir établir un compromis acceptable.
On constate également, en 2001-2002, un souci d’éviter les provocations (patience face à la modification des
FSC de la part de l’Europe, abstention d’attaque sur le dossier des OMG de la part des USA…) et un progrès
dans la diplomatie (élargissement de l’Europe, accords USA-Chili…).
QUID DES MARCHES FINANCIERS : BOURSES, MONNAIES, TAUX EN 2002-2003
En ce qui concerne les Bourses et marchés des actions, le cours de la bourse et son rôle dans le financement
diminuent, ainsi que le nombre de fusions acquisitions. En revanche la volatilité des marchés augmente. Cet
engrenage génère une crise de confiance. Wall Street est sérieusement ébranlée par 3 ans de baisse. Les
scandales ont conduit à la loi Sarbane-Oxley (Corporate Accountability Act), qui augmente l'encadrement des
marchés financiers.
En Amérique Latine, les incertitudes sont nombreuses. Le peso dévalué perd sa fonction de réserve de
valeur, ce qui enlève toute signification à l’évolution des cours de Bourse en monnaie nationale. Au Brésil,
l’élection du président Lula entraîne la défiance des investisseurs internationaux, entraînant la baisse du real. Le
cour de la Bourse est donc en baisse en $ (à valeur égale en real). Au Japon on remarque une baisse absolue
du PIB (c’est le seul pays industriel à connaître ce phénomène). La bourse est en baisse, et l’opération vérité
lancée par le gouvernement sur les créances douteuses a ébranlé la confiance. La croissance s’est renforcée en
Asie en 2002, et la Chine est entrée dans l’OMC. Mais les contrastes entre les pays restent forts. Le recul du
MSCI reste acceptable. En Eurolande, on observe que les gouvernements sont mal coordonnés, le DAX est en
baisse et le Footsie aussi. On assiste en revanche à une remontée des bourses d’Europe orientale. En effet,
l’élargissement de l’UE attire les investisseurs. Budapest, Varsovie et Moscou se portent donc bien, mais la
Turquie est la seule ombre au tableau.
SUR LES MARCHES DE TAUX ET DE DEVISES, LES POLITIQUE MONETAIRES SONT LARGEMENT UTILISEES. AINSI LES TAUX
D’INTERET AMERICAINS N’ONT CESSE DE BAISSER (JUSQU'A 1,25% EN DECEMBRE 2002). ADDITIONNE A L A HAUSSE DES
PRIX DE DETAIL, CELA F AIT QUE LE PRIX DE L’ARGENT A COURT TERME EST DEVENU NEGATIF AUX USA, PERMETTANT DE
LUTTER CONTRE LES TENDANCES AU RATIONNEMENT DU CREDIT. L A BCE A BAISSE EGALEMENT SON TAUX DIRECTEUR,
ELLE EST FLEXIBLE DEVANT L’INCERTITUDE. L A BOJ INTERVIENT SUR LE MARCHE DES ACTIONS (NE POUVANT DECEMMENT
PLUS REDUIRE SES TAUX D’INTERET), EN ACHETANT DES TITRES POUR INJECTER DES LIQUIDITES DANS LE CIRCUIT
ECONOMIQUE. LA B ANK OF ENGLAND A M AINTENU SON TAUX DIRECTEUR A 4% POUR EVITER UN ENDETTEMENT
DOMESTIQUE EXCESSIF.
Sur les marchés obligataires, on observe une détente des taux à long terme. 2 facteurs de cette détente sont
l’accroissement des primes de risque sur le marché des actions (poussant les investisseurs vers les obligations), et
l’affaiblissement des perspectives économiques (abaissant l’anticipation des investisseurs sur les rythmes
d’inflation future). Le rendement des obligations a donc chuté : sévèrement aux USA, en dessous de 1% au
Japon. Ce recul a été plus fort que celui des taux monétaires, annonçant sans doute un ralentissement de l’activité.
Il a allégé le coût réel de l’argent à long terme des pays industrialisés sauf Allemagne (car reflux du rythme de
l’inflation).
L’aversion croissante des investisseurs à la prise de risque génère un élargissement des spreads entre les
différents compartiments du marché obligataire. La perception des risques engendre une certaine défiance à
l’égard de pays comme l’Argentine ou le Brésil, qui ne bénéficient donc pas de la décrûe du rendement des
obligations sur le marché international. Beaucoup d’entreprises ont été rétrogradées par les agences de rating d’où
un financement plus difficile de ce fait et du fait de l’accroissement du rendement des obligations d’entreprises,
relativement aux obligations souveraines. L’accroissement des spreads a joué en défaveur de la reprise
économique. La montée des déficits publics est aussi un risque important. Les capitaux ont afflué car l’économie
est très lente donc les taux se sont quand même détendus, mais dès que les entreprises auront besoin de
financement, une pression nouvelle sera exercée sur la demande de capital.
On assiste à l’affaiblissement du dollar et à la remontée de l’euro. L’inversion de l’échelle des rendements à
long terme entre les USA et le reste du monde, et la défiance à l’égard de Wall Street ont tari les entrées de
capitaux aux Etats-Unis. Le $ s’est donc affaibli face à l’euro et au yen, accroissant la compétitivité des Etats-Unis
(le déficit courant des paiements américains est d’environ 5% du PIB). Ce niveau de l’euro donne à la BCE une
marge de manœuvre supplémentaire en relance monétaire mais pourrait plomber les exportations. Dans la zone
asiatique, les grandes devises sont restées ancrées au $ et n’ont pas beaucoup varié. La crise des changes en
Argentine et au Brésil (dépréciation de 70% et 30% respectivement face au $) alourdit le poids de la dette
extérieure.
Du côté des marchés dérivés et opérateurs, les volumes sont en croissance. Les principaux marchés à terme
sont les européens Euronext et Eurex (taux de croissance de 15% a 30%) ainsi que le CME et le CBOT de
Chicago. Dans les commodités (taux de croissance de 16%), le 1er marché est le Nymex (énergie et métaux). Les
principaux contrats traités dans le monde sont ceux de l’énergie.
On assiste à la concentration des marchés. La plupart des marchés sont électroniques, ce qui diminue la
différence entre marchés organisés et de gré a gré. La sécurité financière est assurée par les clearing houses pour
les futures. Les places de marchés créées dans les 90ies ont fermé, sauf la grande réussite ICE (international
commodity exchange) qui contrôle l’IPE (international petroleum exchange) et qui est concurrente du Nymex.
Malgré des exemples d’innovations comme le nickel à Osaka, il y a peu d’innovations sur ces marchés. Le
champ des commodités couvertes par des marchés derivés n’a pas augmenté, au contraire. On observe une
croissance seulement dans les domaines de l’acier et des céréales européennes. La frontière entre négoce et
industrie est de plus en plus ténue (le métier de broker se financiarise), mais tant qu’il y aura des risques et
incertitudes, il y aura des « traders »…
CONSTANCE JOIRE – NOULENS

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