« Ruy Blas ou le romantisme en scène », Victor Hugo (1838) Cette

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« Ruy Blas ou le romantisme en scène », Victor Hugo (1838) Cette
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« Ruy Blas ou le romantisme en scène », Victor Hugo (1838)
Cette séquence a été préparée par M. Carlos GUERREIRO, professeur Certifié de Lettres
Modernes, pour ses élèves de 1ère du Lycée Benoit de L’Isle/Sorgue (84)
Objet d'étude : « Le théâtre : texte et représentation »
Problématique : Comment porter sur scène la révolution romantique ?
Lectures analytiques :
L.A n°1 (Acte I, scène 1) : l'exposition
L.A. n°2 (Acte II, scène 2) : le monologue de la reine
L.A. n°3 (Acte III, scène 2) : la tirade de Ruy Blas, de « Bon appétit, messieurs – ô ministres intègres ! » jusqu'à
« Babel est dans Madrid. »
L.A. n°4 (Acte IV, scène 2) : Don César ou l'intermède burlesque
L.A. n°5 (Acte V, scène 4) : le dénouement.
Documents complémentaires :
Art poétique, Nicolas Boileau : les règles de la tragédie classique
Extraits de la préface de Cromwell, Victor Hugo, 1827
Mise en scène de Jacques Weber (2002) adaptée pour la télévision
Document sur le travail du scénographe autour des costumes et du décor (extrait du dossier de presse de la mise en
scène de Ruy Blas par la Comédie-Française en 2002)
Lectures cursives obligatoires :
Document sur le contexte historique et culturel du XIXe (Littérature Hatier, "Des textes au séquences", 1ère)
La préface de Ruy Blas
Phèdre, Racine (1677)
Séance 1 : Contextes
Objectifs : Introduire l’œuvre, son époque, son auteur ...
Introduction au contexte historique, politique, social et culturel du XIXème : il s'agit de replacer l’œuvre dans le
contexte du XIX marqué par le douloureux enfantement de la démocratie, l'avènement d'une société industrielle dans
une double dimension (le positivisme du Progrès s'accompagne de la prolétarisation d'un peuple d'ouvriers de plus en
plus miséreux), et par le développement d'une culture de masse où la figure de l'écrivain occupe une place importante.
Éléments de la biographie de Victor Hugo, avec notamment ses combats littéraires, sociaux et politiques.
Le demi-siècle romantique : il s'agit de présenter grossièrement les « forces » littéraires en présence à l'aube du siècle
(« classiques » vs. « romantiques ») qui ont conduit à la fameuse bataille d'Hernani.
Activités : Lecture cursive des documents.
Supports :
Document sur le contexte historique et culturel du XIXème (Littérature Hatier, "Des textes au séquences", 1ère).
Document support résumant les points marquants (voir à la fin).
Séance 2 : L'exposition (I,1) : l'ouverture d'un drame romantique, entre tradition et innovation
Objectifs : Percevoir dans quelle mesure cette scène assume un rôle d'exposition et mesurer son originalité par rapport à la
tradition classique.
Supports : Acte I, scène 1
Questions préparatoires :
Quelles sont les fonctions d'une scène d'exposition ?
En quoi cette scène remplit-elle ces fonctions ?
Lisez la première scène de Phèdre. Quels points communs et quelles différences principales notez-vous entre cette
exposition et celle de Ruy Blas ? (intrigue, statut des personnages, didascalies, registres, langage, ...)
Projet de lecture : Dans quelle mesure cette scène d'exposition s'écarte-t-elle de la tradition classique ?
I. Une exposition qui répond à un double objectif d'information et de séduction (l'ancrage spatio-temporel – les
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personnages, l'intrigue – les procédés de la séduction)
II. Une exposition qui par certains aspects se rapproche de la tradition classique (l'efficacité dramatique de l'exposition
conforme aux préceptes de Boileau – la reprise du motif traditionnel de la scène de confidence – l'installation d'un
univers proche du théâtre classique par certains aspects)
III. Une exposition caractéristique du drame romantique rompant avec la tradition classique ( une rupture annoncée dès le
titre et le premier vers – la « couleur locale » et l'Histoire – le mélange des genres et le traitement du vers)
Séance 2bis : Entraînement à la rédaction du commentaire (séance TICE)
Objectifs : Suite à la lecture analytique de la scène 1 menée en classe, on demande aux élèves de rédiger l'intégralité de la
première partie du commentaire. L'objectif principal est d'amener les élèves à une insertion rigoureuse et syntaxiquement
correcte des citations issues du texte. Les élèves réalisent cet exercice sur un support informatique, véritable brouillon
numérique, qui permet de retoucher et d'améliorer la syntaxe (et l'orthographe) des productions d'une manière simple.
Déroulement de l'activité : On procède en plusieurs étapes. Les élèves saisissent leur production sur un espace en ligne dédié et
le professeur procède à une première correction, en mettant en évidence les fautes d'orthographe et de syntaxe (mais sans les
corriger). Une première note est attribuée : celle-ci est calculée en retirant un point à chaque faute d'orthographe ou de syntaxe.
Le barème peut paraître sévère, mais il est destiné à faire en sorte que les élèves prennent conscience de l'importance cruciale
de la correction de l'expression. Les élèves sont ensuite invités à améliorer leur production en corrigeant les fautes signalées :
cette nouvelle version est corrigée une dernière fois par le professeur pour l'attribution d'une note définitive en suivant le même
principe de notation.
Exemple de mise en oeuvre : http://carlosguerreiro.free.fr/wiki/wakka.php?wiki=Espace1ereS1#6
Bilan de l'expérimentation : L'utilisation du support informatique comme brouillon numérique est un réel atout car il permet de
retravailler la syntaxe et l'orthographe d'une manière simple et efficace. Par ailleurs, en concentrant la notation sur les aspects
syntaxiques et orthographiques, on souligne l'importance d'une expression rigoureusement correcte : c'est une nécessité dont les
élèves n'ont pas toujours conscience et qu'ils négligent, même pour les meilleurs, pensant que l'à-peu-près est suffisant, à partir
du moment où l'on comprend (parfois très vaguement) ce qui est écrit. Il faut cependant ajouter que ce travail nécessite une
double correction très méticuleuse du professeur et exige donc beaucoup de temps : on conseillera donc de privilégier des
productions assez courtes.
Séance 3 : Le monologue de la reine (II, 2)
Objectifs : Percevoir l'originalité de ce monologue lyrique qui permet de parachever le portrait psychologique de la reine en
héroïne romantique exaltée, et mesurer l'intérêt dramatique de la scène.
Supports : Acte II, scène 2
Questions préparatoires :
Situez le passage.
Dégagez les trois parties de ce monologue et donnez-leur un titre.
Comment ce monologue est-il relié à l'intrigue principale (et notamment à l'acte I) ?
Quel portrait ce monologue dessine-t-il de la reine ?
Quels sont les éléments tragiques de la scène ?
Projet de lecture : Quelle est la fonction et l'originalité de ce monologue romantique ?
I. Composition et fonction dramatique du monologue (le monologue, une convention théâtrale – les fonctions du
monologue (exutoire, dramatique, ...) – une composition originale et dynamique)
II. Un monologue lyrique qui dépeint la reine en personnage romantique exalté (le registre lyrique – un autoportrait en
paroles – un lyrisme qui n'exclut pas une tonalité tragique)
Séance 4 : Analyse de la mise en scène de Jacques Weber (Actes I et II)
Objectifs : L'adaptation télévisée de Weber se déroule dans le décor naturel d'un palais portugais : celui-ci permet donc de
s'affranchir de certaines contraintes liées à la scène. On demande aux élèves d'analyser la fidélité/les divergences de l'adaptation
par rapport au texte de Hugo dans le choix des décors, dans le traitement des personnages (costumes, attitudes, ...) et des objets,
en s'attachant plus particulièrement aux scènes I,1 et II,2 étudiées en classe.
On s'attachera à mettre en évidence le respect partiel des indications données par Hugo et la visée à la fois mimétique (volonté
de reproduire un décor réel du XVIIe) et symbolique des choix de Weber. Par exemple, dans l'acte I, l'atmosphère ténébreuse
de mélodrame du début du texte est restituée et fait symboliquement écho à la noirceur de l'âme de Don Salluste, notamment
avec les jeux de lumière. En revanche, le lieu (le « salon de Danaé » dans le texte) n'est pas respecté. L'intrigue prend
rapidement place dans une cuisine où une table déborde de victuailles : ce choix rappelle symboliquement le statut de valet de
Ruy Blas et la débauche de nourriture symbolise les gaspillages auxquels se livrent les grands d'Espagne. Dans l'acte II, le
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monologue de la reine est très écourté (même si le personnage et son costume sont fidèles au texte) puisque Weber ne conserve
que la lecture de la lettre de Ruy Blas. En revanche, on note un jeu intéressant de la caméra qui filme la reine à travers les
barreaux de la cage aux oiseaux morts : ce jeu de caméra dit symboliquement l'enfermement de la reine dans le carcan de
l'étiquette et de l'ennui mortifère de la cour.
Supports : Visionnement de l'acte I et II du DVD
Séance 4bis : Comparaison de trois mises en scène (prolongement TICE)
Objectif : Le site de l'Institut National de l'Audiovisuel met gratuitement à disposition du public les 10 premières minutes de la
mise en scène de Claude Barma (1965) et de Raymond Rouleau (1972) sur Internet. Au cours d'une séance en salle
informatique, on demande aux élèves de visionner les deux extraits et de compléter un tableau comparatif fourni sous forme
informatique (la colonne consacrée à la mise en scène de Weber aura été préalablement complétée).
Jacques Weber (2002)
Raymond Rouleau
(1972)
Claude Barma (1965)
Décors (lieu, meubles,
objets, lumière, sons, ...)
Ruy Blas (costumes,
attitude/déplacements,
gestes, ...)
Don Salluste (costumes,
attitude/déplacements,
gestes, ...)
Don César (costumes,
attitude/déplacements,
gestes, ...)
Synthèse
(registres,
fidélité au texte ?, visée
mimétique/symbolique ?,
...)
Adresses Internet : Raymond Rouleau : http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&id_notice=CPF86636942 et
Claude Barma : http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php?vue=notice&id_notice=CPF86636941
Séance 5 : Méthodologie de la dissertation
Objectifs : Révisions méthodologiques autour de la dissertation.
Séance 6 : Dans quelle mesure la mise en scène constitue-t-elle une interprétation ?
Objectifs : Entraînement à la dissertation.
Supports :
Actes I et II du DVD de Weber
Documents sur le travail du scénographe autour des costumes et du décor (extrait du dossier de presse de la mise en
scène de Ruy Blas par la Comédie-Française en 2002) : voir ci-après.
Corpus du Devoir Maison (voir le sujet proposé plus loin).
Activités : Après une analyse des différents documents proposés, on procède à une recherche d'idée commune avec prise de
notes au tableau. Les élèves sont ensuite invités à élaborer un plan détaillé de réponse à la problématique. Correction commune
au tableau.
Documents autour de la mise en scène de la Comédie Française (2002) :
Texte 1 : Entretien avec Ezio Toffolutti, scénographe et costumier de Ruy Blas pour la Comédie-Française (20012002). Propos recueillis le 1 octobre 2001.
On est frappé à la lecture de Ruy Blas par l’importance et la précision des indications scénographiques que donne V.
Hugo. Ces indications sont-elle une aide ou une contrainte pour le décorateur qui aborde la pièce ?
Hugo a effectivement pris le soin de détailler méticuleusement le décor et les costumes, et pour le décorateur, la tâche
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n’est pas facile. On est loin de l’univers shakespearien1 qui laisse toujours une grande liberté de suggestion. La précision
dont Hugo fait preuve atteste de l’importance qu’il accordait aux éléments visuels, surtout pour des raisons dramaturgiques.
Dans Ruy Blas en effet, les travestissements, les déguisements font partie intégrante de l’action. Le costume y joue donc un
rôle moteur et nécessite de ce fait un traitement particulier.
De quelle façon avez-vous abordé ce travail ?
Malgré la précision des indications de l’auteur, je ne voulais pas adopter une démarche réaliste. J’ai même essayé, au
tout début, de voir si la transposition à l’époque contemporaine pouvait fonctionner. Très vite, j’ai dû abandonner cette idée
parce qu'elle était vraiment trop éloignée du texte, mais, néanmoins, j’ai cherché à faire en sorte que les costumes ne soient
pas décoratifs et ornementaux. Je voulais qu’ils aient une vie, un sens profond, qu’ils soulignent la complexité des
personnages et révèlent à quel point ils sont prisonniers de leur enveloppe. J’ai pris le parti de recréer des costumes très
riches, comme ils pouvaient l’être à la cour d’Espagne au XVIIe siècle, en m’inspirant essentiellement des tableaux de
Velazquez2. Mais je voulais que les costumes ne soient pas complètement finis, qu’ils soient comme des bâtis qui
laisseraient entrevoir constamment une autre personne sous l’apparence vestimentaire, qu’ils fonctionnent un peu comme
des masques. Mon travail pourrait s’apparenter à la démarche d’un Picasso3 ou d’un Bacon4 travaillant sur les tableaux de
Velazquez en y apportant un éclairage moderne qui ouvre de nouveaux points de vue.
Et le décor ?
Là aussi, je n’ai pas cherché à faire réaliste, même si je me suis largement inspiré des fonds de tableaux de Velazquez et
de Caravage5 et des dessins de Victor Hugo qui avait lui-même conçu le décor à la création de l’œuvre. Ruy Blas est une
pièce située uniquement en intérieurs, dans un univers clos, qui peut devenir étouffant et oppressant. Il y entre très peu de
lumière et peu d’éléments extérieurs, et j’ai beaucoup travaillé sur la matière pour restituer cette atmosphère.
L’espace choisi donne donc cette impression de claustrophobie plus ou moins accentuée selon les moments de l’action.
C’est également une pièce sur le pouvoir, sur la manipulation, sur des forces qui écrasent l’homme et l’empêchent de
vivre. J’ai cherché à concrétiser cette réflexion sur le pouvoir par des moyens visuels : le décor, même s’il présente une
unité, est donc très mobile: des portes et des fenêtres s’ouvrent, des murs bougent suggérant les perspectives et des
tensions. Le décor accompagne constamment les personnages ; il est comme un paysage qui évoquerait leur évolution, leur
conflit et leur souffrance.
Texte 2 : Propos sur Ruy Blas, par Brigitte Jacques-Wajeman, metteur en scène (Comédie Française, 2002) - extrait
Un rêve immense
La pièce m'est apparue comme un immense rêve. Un conte, un cauchemar. Où affleure l'inconscient. L'allusion
constante aux couloirs, aux fonds, aux trappes, aux égouts, au puits - aussi sombre que les personnes - et réciproquement :
un univers absolument étranger. On descend comme dans les entrailles de la terre. Aussi avais-je envie d'un décor aux murs
mouvants, presque organiques - des images de gens attrapés par des chauve-souris, pris dans des filets - un monde à la
Goya6 : une « glu hideuse », comme dit Hugo, où les gens sont saisis dans un tissu, où ils ignorent de quoi sont faits leurs
songes et leurs désirs. Mais le caractère organique de ces murs dissimule une machinerie très organisée : constructions,
machines, pièges, souterrains, arcanes, comme dans les gravures de Piranese7. Ruy Blas est d'ailleurs une grande pièce sur
l'angoisse ; ce en quoi elle est romantique. Comme lorsqu'on entend du Schumann8, du Verdi9, avec le pathétique qui s'y
attache. Les sujets sont pris dans un destin, mais non plus au sens grec. Les gens évoluent donc dans un monde à part, et
c'est de cette étrangeté que se dégage la poésie. Ce monde implique aussi qu'il y a de l'impossible à montrer : d'où la
floraison d'apartés, une dialectique du dehors et du dedans, où, comme dit Ruy Blas à don César de Bazan : « Le dehors te
fait peur, si tu voyais dedans ! »
Machine, machinerie, machination
Les murs qui bougent fabriquent un grand théâtre mental. Et le vers (« romantique ») essaie d'ailleurs de rendre cet
affolement de la pensée : les mouvements du cœur, de l'âme, battent dans des êtres de chair qui vivent entourés de pantins
et de marionnettes. Il faut rendre ces mouvements dans le jeu par des sentiments violents, en parvenant au sentiment au
sens où Louis Jouvet en faisait l'essence du jeu de l'acteur. Je me suis du reste aperçue que Jouvet10 était souvent
secrètement inspiré par Victor Hugo, dans son style même « terrible et merveilleux ». Tant de gens ont d'ailleurs été
marqués par Victor Hugo! Cette influence profonde a dû être brisée par le structuralisme : ainsi Roland Barthes reprochant
à Jean Vilar d'être tombé bien bas parce qu'il monte Ruy Blas. On a prôné le vide, une certaine rareté (Beckett, Duras). Au
contraire, tout est traversé chez Hugo par un immense flux de sang, de larmes, d'humanité. Oui, un goût extraordinaire pour
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Les pièces de théâtre de Shakespeare ont fortement influencé les conceptions romantiques.
Peintre espagnol (1599-1660)
Peintre espagnol (1881-1973) qui a repris certaine oeuvres de Velazquez, qui le fascinait.
Peintre britannique (1909-1992) inspiré, lui aussi, par les oeuvres de Velazquez.
Peintre italien (1573-1610)
Peintre espagnol (1746-1828)
Graveur et architecte italien (1720-1778)
Compositeur allemand romantique (1810-1856)
Compositeur italien romantique (1813-1901)
Jouvet et Vilar, célèbres acteurs et metteurs en scène
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l'humanité, pour les pauvres, pour le peuple.
Texte 3 : didascalie de Ruy Blas (acte III, scène 1)
La salle dite salle de gouvernement, dans le palais du roi à Madrid. Au fond, une grande porte élevée au-dessus de
quelques marches. Dans l'angle à gauche, un pan coupé fermé par une tapisserie de haute lice. Dans l'angle opposé, une
fenêtre. À droite, une table carrée, revêtue d'un tapis de velours vert, autour de laquelle sont rangés des tabourets pour huit
ou dix personnes correspondant à autant de pupitres placés sur la table. Le côté de la table qui fait face au spectateur est
occupé par un grand fauteuil recouvert de drap d'or et surmonté d'un dais en drap d'or, aux armes d'Espagne, timbrées de
la couronne royale. À côté de ce fauteuil, une chaise.
Au moment où le rideau se lève, la junte du despacho universal (conseil privé du roi) est au moment de prendre séance.
Document 4 : photographie représentant le décor conçu par Ezio Toffolutti
[cf. p153 du manuel « Les pratiques du français – Méthodes et textes », Hatier 2007]
Questions
1) A partir des textes 1 et 2, quels sont les rôles des costumes et du décor ?
2) En comparant le texte 3 et le document 4, vous direz en quoi le scénographe s'est inspiré des didascalies de Hugo et
en quoi il s'en est éloigné.
Séance 7 : La tirade de Ruy Blas « Bon appétit, messieurs – ô ministres intègres ! » (III,2)
Objectifs : Il s'agit d'analyser comment ce violent réquisitoire, aux accents épiques et romantiques, se charge d'une visée
critique, à l'encontre de la corruption et de la vénalité des Grands d'Espagne qui pillent le royaume, au détriment d'un peuple
accablé et exploité.
Supports : Acte III, scène 2 de « Bon appétit, messieurs » à « Babel est dans Madrid ».
Questions préparatoires :
Situez le passage.
Découpez la tirade en plusieurs parties et donnez-leur un titre.
Étudiez l'ironie des premiers vers. Quelles métaphores soulignent la bassesse des conseillers du roi (v1 à 9)?
Quels éléments relèvent du registre épique (v12 à 26, et v41 à 54) ?
Vers 34 à 40 : en quoi la description du « peuple » est-elle pathétique ?
Projet de lecture : Comment RB dénonce-t-il l'infamie des Grands d'Espagne ?
I. Un violent réquisitoire ... (une cinglante apostrophe – la décadence du royaume : déclin politique et économique – une
société en crise : misère du peuple, anarchie civile)
II. Aux accents épiques et romantiques ... (le souffle épique de la tirade – une tirade caractéristique de l'esthétique
romantique – une tirade qui dévoile un héros romantique)
III. Qui dénonce le régime politique en place (une satire indirecte de la France de 1838 – une affirmation de la pensée
politique de V. Hugo)
Séance 8 : Don César ou l'intermède burlesque (IV, 2)
Objectifs : Il s'agit de percevoir en quoi cette scène comique tranche avec la tonalité tragique de la scène précédente où Ruy
Blas livrait son désespoir dans un monologue lyrique, et dans quelle mesure elle répond aux exigences du drame romantique
dans le mélange des genres et registres.
Supports : Acte IV, scène 2, jusqu'à « De plus spiritueux! »
Questions préparatoires :
Situez le passage.
En quoi cette scène vous paraît-elle comique ?
Projet de lecture : En quoi cette scène comique est-elle représentative du drame romantique ?
I. Une scène comique ... (le comique de situation : un moment de théâtre dans le théâtre – le comique de gestes – le
comique de paroles et la truculence d'un récit picaresque)
II. Représentative du drame romantique (une libération du langage – la mise en scène du grotesque à travers l'exhibition
du corps – le mélange des genres et des registres)
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Séance 9 : Le dénouement (V, 4)
Objectifs : Appréhender l'originalité d'un dénouement romantique dans sa volonté de rupture par rapport à la tradition classique.
Inscrire cette scène dans l'horizon des thèmes romantiques et proposer une lecture symbolique de la mort de Ruy Blas.
Supports : Acte V, scène 4
Questions préparatoires :
En quoi cette scène est-elle spectaculaire ? (Vous pourrez étudier notamment la gestuelle, les procédés de
dramatisation, ...)
En quoi cette scène mêle-t-elle le registre tragique, pathétique et lyrique ?
Combien de répliques composent l'alexandrin du vers 22 ? En quoi est-ce surprenant ? Quel est l'effet produit ?
Relevez les éléments qui font référence à la religion. Quelle dimension cela confère-t-il à la mort de Ruy Blas ?
Dans quelle mesure la mort de Ruy Blas est-elle, paradoxalement, aussi une (re)naissance ?
Projet de lecture : En quoi ce dénouement est-il original ?
I. Un dénouement romantique qui rompt avec la tradition classique ... (le refus de la règle de bienséance – le mélange des
genres et registres – une libération du langage)
II. Pour accéder au sublime (L'amour impossible et fatal, un thème romantique par excellence – une mort sublime – une
mort symbolique)
Séance 10 : Poursuite de l'analyse de la mise en scène de Jacques Weber (Actes III, IV et V)
Objectifs : Réflexion autour de la mise en scène (décor, costumes, personnages, objets, ...), fidélité au texte ?
Supports : Visionnement de l'acte III, IV et V du DVD
Activités : On demandera aux élèves d'identifier les différences entre la mise en scène et le texte dans les passages étudiés en
lecture analytique. On sera notamment attentif à la valeur symbolique de certains choix opérés par le metteur en scène (par
exemple : le choix d'une salle de banquet où une table est couverte des reliefs d'un repas à la place de la « salle du
gouvernement » dans la scène 2 de l'acte III).
Séance 11 : Synthèse de la séquence : les caractéristiques du drame romantique
Objectifs : Il s'agit de confronter la définition théorique du drame romantique donnée par Hugo dans la préface de Cromwell
avec les éléments de Ruy Blas étudiés pendant la séquence (notamment sur les aspects suivants : respect ou non des unités,
traitement de l'alexandrin classique, mélange du sublime et du grotesque, mélange des genres et registres, souci de réalisme
historique opposé à l'intemporalité classique, ...).
Supports :
Extrait d'Art poétique de Boileau (les règles du théâtre classique)
Extraits de la préface de Cromwell
Textes étudiés en lecture analytique
Nicolas Boileau 1636-1711, Art poétique (chant III), les règles de la tragédie classique :
Vos froids raisonnements ne feront qu'attiédir
Un spectateur toujours paresseux d'applaudir,
Et qui, des vains efforts de votre rhétorique
Justement fatigué, s'endort ou vous critique.
Le secret est d'abord de plaire et de toucher
Inventez des ressorts qui puissent m'attacher.
Que dès les premiers vers, l'action préparée
Sans peine du sujet aplanisse l'entrée.
Je me ris d'un acteur qui, lent à s'exprimer,
De ce qu'il veut, d'abord, ne sait pas m'informer,
Et qui, débrouillant mal une pénible intrigue,
D'un divertissement me fait une fatigue.
J'aimerais mieux encor qu'il déclinât son nom,
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Et dît : « Je suis Oreste11, ou bien Agamemnon »,
Que d'aller, par un tas de confuses merveilles,
Sans rien dire à l'esprit, étourdir les oreilles.
Le sujet n'est jamais assez tôt expliqué.
Que le lieu de la Scène y soit fixe et marqué.
Un rimeur, sans péril, delà les Pyrénées,
Sur la scène en un jour renferme des années.
Là, souvent, le héros d'un spectacle grossier,
Enfant au premier acte, est barbon12 au dernier.
Mais nous, que la raison à ses règles engage,
Nous voulons qu'avec art l'action se ménage ;
Qu'en un lieu, qu'en un jour, un seul fait accompli
Tienne jusqu'à la fin le théâtre rempli.
Jamais au spectateur n'offrez rien d'incroyable
Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable.
Une merveille absurde est pour moi sans appas :
L'esprit n'est point ému de ce qu'il ne croit pas.
Ce qu'on ne doit point voir, qu'un récit nous l'expose
Les yeux, en le voyant, saisiraient mieux la chose ;
Mais il est des objets que l'art judicieux
Doit offrir à l'oreille et reculer des yeux.
Victor Hugo, Préface de Cromwell (1827) : Véritable manifeste du drame romantique, cette préface dénonce l'absurdité des
règles classiques et plaide pour un théâtre total.
Extrait n°1 : les trois unités
Quoi de plus invraisemblable et de plus absurde en effet que ce vestibule13, ce péristyle14, cette antichambre15, lieu banal
où nos tragédies ont la complaisance de venir se dérouler, où arrivent, on ne sait comment, les conspirateurs pour déclamer
contre le tyran, le tyran pour déclamer contre les conspirateurs, chacun à leur tour [...].
L'unité de temps n'est pas plus solide que l'unité de lieu. L'action, encadrée de force dans les vingt-quatre heures, est
aussi ridicule qu'encadrée dans le vestibule. Toute action a sa durée propre comme son lieu particulier. Verser la même dose
de temps à tous les événements ! appliquer la même mesure sur tout ! On rirait d'un cordonnier qui voudrait mettre le même
soulier à tous les pieds. Croiser l'unité de temps à l'unité de lieu comme les barreaux d'une cage, et y faire pédantesquement
entrer, de par Aristote16, tous ces faits, tous ces peuples, toutes ces figures que la providence déroule à si grandes masses
dans la réalité ! c'est mutiler hommes et choses, c'est faire grimacer l'histoire. Disons mieux : tout cela mourra dans
l'opération ; et c'est ainsi que les mutilateurs dogmatiques arrivent a leur résultat ordinaire : ce qui était vivant dans la
chronique est mort dans la tragédie. Voilà pourquoi, bien souvent, la cage des unités ne renferme qu'un squelette [...].
Il suffirait enfin, pour démontrer l'absurdité de la règle des deux unités, d'une dernière raison, prise dans les entrailles de
l'art. C'est l'existence de la troisième unité, l'unité d'action, la seule admise de tous parce qu'elle résulte d'un fait : l'œil ni
l'esprit humain ne sauraient saisir plus d'un ensemble à la fois. Celle-là est aussi nécessaire que les deux autres sont inutiles.
C'est elle qui marque le point de vue du drame ; or, par cela même, elle exclut les deux autres. Il ne peut pas plus y avoir
trois unités dans le drame que trois horizons dans un tableau. Du reste, gardons-nous de confondre l'unité avec la simplicité
d'action. L'unité d'ensemble ne répudie en aucune façon les actions secondaires sur lesquelles doit s'appuyer l'action
principale. Il faut seulement que ces parties, savamment subordonnées au tout, gravitent sans cesse vers l'action centrale et
se groupent autour d'elle aux différents étages ou plutôt sur les divers plans du drame. L'unité d'ensemble est la loi de
perspective du théâtre.
Quel jugement Hugo porte-t-il sur les trois unités héritées du siècle classique ?
Quels arguments avance-t-il pour se justifier ?
Extrait n°2 : le vers romantique
Si nous avions le droit de dire quel pourrait être, à notre gré, le style du drame, nous voudrions un vers libre, franc,
11 Oreste : Dans la mythologie grecque, fils d'Agamemnon et de Clytemnestre. Après le meurtre de son père par Égisthe, l'amant de Clytemnestre, il
tue sa mère et son amant avec l'appui de sa soeur Electre.
12 Barbon : vieillard, vieux beau (péjoratif)
13 Vestibule : petite pièce d'entrée d'un édifice ou d'une maison.
14 Péristyle : cour intérieure entourée de colonnes (antiquité).
15 Antichambre : pièce d'entrée qui donne accès aux autres pièces.
16 Aristote : philosophe grec qui fixa les règles de la tragédie reprises au XVIIème.
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loyal, osant tout dire sans pruderie17, tout exprimer sans recherche ; passant d'une naturelle allure de la comédie à la
tragédie, du sublime au grotesque ; tour à tour positif et poétique, tout ensemble artiste et inspiré, profond et soudain, large
et vrai ; sachant briser à propos et déplacer la césure pour déguiser sa monotonie d'alexandrin ; plus ami de l'enjambement
qui l'allonge que de l'inversion qui l'embrouille ; fidèle à la rime, cette esclave reine, cette suprême grâce de notre poésie, ce
générateur de notre mètre ; inépuisable dans la variété de ses tours, insaisissable dans ses secrets d'élégance et de facture ;
prenant, comme Protée18, mille formes sans changer de type et de caractère, fuyant la tirade ; se jouant dans le dialogue ; se
cachant toujours derrière le personnage ; s'occupant avant tout d'être à sa place, et lorsqu'il lui adviendrait d'être beau,
n'étant beau en quelque sorte que par hasard, malgré lui et sans le savoir ; lyrique, épique, dramatique, selon le besoin ;
pouvant parcourir toute la gamme poétique, aller de haut en bas, des idées les plus élevées aux plus vulgaires, des plus
bouffonnes aux plus graves, des plus extérieures aux plus abstraites, sans jamais sortir des limites d'une scène parlée ; en un
mot tel que le ferait l’homme qu'une fée aurait doué de l'âme de Corneille et de la tête de Molière. Il nous semble que ce
vers-là serait bien aussi beau que de la prose.
Quels sont les principales caractéristiques du vers romantique ?
Extrait n°3 : le sublime et le grotesque
Le christianisme amène la poésie à la vérité. Comme lui, la muse moderne verra les choses d'un coup d'œil plus haut et
plus large. Elle sentira que tout dans la création n'est pas humainement beau, que le laid y existe à côté du beau, le difforme
près du gracieux, le grotesque au revers du sublime, le mal avec le bien, l'ombre avec la lumière. [...]. Elle se mettra à faire
comme la nature, à mêler dans ses créations, sans pourtant les confondre, l'ombre à la lumière, le grotesque au sublime, en
d'autres termes, le corps à l'âme, la bête à l'esprit ; car le point de départ de la religion est toujours le point de départ de la
poésie. Tout se tient.
Ainsi voilà un principe étranger à l'antiquité, un type nouveau introduit dans la poésie ; et, comme une condition de plus
dans l'être modifie l'être tout entier, voilà une forme nouvelle qui se développe dans l'art. Ce type, c'est le grotesque. Cette
forme, c'est la comédie.
Et ici, qu'il nous soit permis d'insister ; car nous venons d'indiquer le trait caractéristique, la différence fondamentale qui
sépare, à notre avis, l'art moderne de l’art antique, la forme actuelle de la forme morte, ou, pour nous servir de mots plus
vagues, mais plus accrédités, la littérature romantique de la littérature classique [...].
Cette beauté universelle que l'antiquité répandait solennellement sur tout n'était pas sans monotonie ; la même
impression, toujours répétée, peut fatiguer à la longue. Le sublime sur le sublime produit malaisément un contraste, et l'on a
besoin de se reposer de tout, même du beau. Il semble, au contraire, que le grotesque soit un temps d'arrêt, un terme de
comparaison, un point de départ d'où l'on s'élève vers le beau avec une perception plus fraîche et plus excitée. La
salamandre fait ressortir l'ondine ; le gnome embellit le sylphe.
Et il serait exact aussi de dire que le contact du difforme a donné au sublime moderne quelque chose de plus pur, de plus
grand, de plus sublime enfin que le beau antique ; et cela doit être.
Comment Hugo propose-t-il de révolutionner l'art ? Comment justifie-t-il sa démarche ?
Quels synonymes Hugo emploie-t-il pour désigner le « grotesque » ? le « sublime » ? Proposez une définition de ces deux
termes.
Séance 12 : Devoir surveillé
Commentaire réalisé en 2 heures (élaboration du plan, rédaction de l'introduction et de la première partie) :
Séance 13 : Simulations orales
Exposés de 10 minutes préparés par les élèves à la maison sur une question de type bac :
L.A 1 : En quoi cette exposition est-elle originale ? / Cette scène d'exposition remplit-elle ses fonctions ?
L.A 2 : Quelle est la fonction de ce monologue lyrique ? / Quel portrait de la reine dessine ce monologue ?
L.A 3 : Que dénonce Ruy Blas et comment ? / En quoi cette tirade est-elle caractéristique du drame romantique ?
L.A 4 : En quoi s'agit-il d'une scène de comédie ?
L.A 5 : Quelle est l'originalité de ce dénouement ?
17 Ici, fausse pudeur.
18 Dieu grec capable de prendre de multiples formes.
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Devoir surveillé 1ère – objet d'étude : théâtre (texte et représentation)
Commentaire – Ruy Blas (1838), Victor Hugo, Acte III, scène 4
La reine vient d'avouer son admiration et son amour à Ruy Blas. Celui-ci se laisse alors aller
à un monologue où il exprime son bonheur.
Scène IV - Ruy Blas, seul.
Il est comme absorbé dans une contemplation angélique.
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Devant mes yeux c'est le ciel que je vois !
De ma vie, ô mon Dieu ! Cette heure est la première.
Devant moi tout un monde, un monde de lumière,
Comme ces paradis qu'en songe nous voyons,
S'entrouvre en m'inondant de vie et de rayons !
Partout en moi, hors moi, joie, extase et mystère,
Et l'ivresse, et l'orgueil, et ce qui sur la terre
Se rapproche le plus de la divinité,
L'amour dans la puissance et dans la majesté !
La reine m'aime ! Ô Dieu ! C'est bien vrai, c'est moi-même !
Je suis plus que le roi puisque la reine m'aime !
Oh ! Cela m'éblouit. Heureux, aimé, vainqueur !
Duc d'Olmedo, – l'Espagne à mes pieds, – j'ai son coeur !
Cet ange, qu'à genoux je contemple et je nomme,
D'un mot me transfigure et me fait plus qu'un homme.
Donc je marche vivant dans mon rêve étoilé !
Oh ! Oui, j'en suis bien sûr, elle m'a bien parlé.
C'est bien elle. Elle avait un petit diadème
En dentelle d'argent. Et je regardais même,
Pendant qu'elle parlait, – je crois la voir encor, –
Un aigle ciselé sur son bracelet d'or.
Elle se fie à moi, m'a-t-elle dit. – Pauvre ange !
Oh ! S'il est vrai que Dieu, par un prodige étrange,
En nous donnant l'amour, voulut mêler en nous
Ce qui fait l'homme grand à ce qui le fait doux,
Moi, qui ne crains plus rien maintenant qu'elle m'aime,
Moi, qui suis tout-puissant, grâce à son choix suprême,
Moi, dont le coeur gonflé ferait envie aux rois,
Devant Dieu qui m'entend, sans peur, à haute voix,
Je le dis, vous pouvez vous confier, madame,
À mon bras comme reine, à mon coeur comme femme !
Le dévouement se cache au fond de mon amour
Pur et loyal ! – Allez, ne craignez rien ! –
Vous proposerez un plan de commentaire en deux ou trois parties :
I) ..................................................................................
II)..................................................................................
Vous rédigerez ensuite l'introduction et une des parties du commentaire.
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Devoir maison 1ère – Objet d'étude : théâtre (texte et représentation)
1) Vous répondrez d'abord à la question suivante (4 points) : Quels sont les points communs aux trois textes ?
2) Vous traiterez ensuite un des sujets suivants au choix (16 points) :
Invention : Imaginez un monologue dans lequel un personnage prépare la déclaration d'amour mensongère qu'il
s'apprête à faire à un autre. Il en juge, au fur et à mesure, la qualité et en prévoit les effets. Vous n'oublierez pas de
donner, au fil du texte, les indications de mise en scène que vous jugez nécessaires.
Dissertation : Assister à une représentation théâtrale permet-il d'apprécier davantage une pièce et de mieux la
comprendre ?
Texte A - Molière (1622 - 1673), extrait de Dom Juan (1665), acte II, scène 4
Pour obtenir les faveurs d'une jeune paysanne, Charlotte, Dom Juan, un grand seigneur, lui a promis qu'il l'épouserait. Mais
Mathurine, une autre paysanne à qui il a fait la même promesse, survient.
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MATHURINE, à Dom Juan - Monsieur, que faites-vous donc là avec Charlotte ? Est-ce que vous lui parlez d'amour
aussi ?
DOM JUAN, bas à Mathurine - Non, au contraire, c'est elle qui me témoignait une envie d'être ma femme, et je lui
répondais que j'étais engagé à vous.
CHARLOTTE, à Dom Juan - Qu'est-ce que c'est donc que vous veut Mathurine ?
DOM JUAN, bas à Mathurine - Tout ce que vous direz sera inutile ; elle s'est mis cela dans la tête.
CHARLOTTE - Quement donc ? Mathurine ...
DOM JUAN, bas à Charlotte - C'est en vain que vous lui parlerez ; vous ne lui ôterez point cette fantaisie.
MATHURINE - Est-ce que... ?
DOM JUAN, bas à Mathurine - Il n'y a pas moyen de lui faire entendre raison.
CHARLOTTE - Je voudrais...
DOM JUAN, bas à Charlotte - Elle est obstinée comme tous les diables.
MATHURINE - Vrament...
DOM JUAN, bas à Mathurine - Ne lui dites rien, c'est une folle.
CHARLOTTE - Je pense...
DOM JUAN, bas à Charlotte - Laissez-la là, c'est une extravagante.
MATHURINE - Non, non : il faut que je lui parle.
CHARLOTTE - Je veux voir un peu ses raisons.
MATHURINE - Quoi ?
DOM JUAN, bas à Mathurine - Gageons qu'elle va vous dire que je lui ai promis de l'épouser.
Texte B - Beaumarchais (1732 - 1799), extrait de Le Mariage de Figaro (1781), acte V, scène 7
Suzanne, suivante de la comtesse Almaviva, va épouser le valet Figaro. Mais le comte Almaviva, qui la désire, veut obtenir ses
faveurs. Suzanne avertit sa maîtresse et son fiancé. Pour ramener à elle son époux, la comtesse décide de prendre la place de
Suzanne, lors d'un rendez-vous que le comte lui a fixé dans le jardin, à la tombée de la nuit. Figaro, mis au courant de la
rencontre, assiste à la scène.
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LE COMTE prend la main de la femme : Mais quelle peau fine et douce, et qu'il s'en faut que la Comtesse ait la main
aussi belle !
LA COMTESSE, à part : Oh ! la prévention !
LE COMTE : A-t-elle ce bras ferme et rondelet ? ces jolis doigts pleins de grâce et d'espièglerie ?
LA COMTESSE, de la voix de Suzanne : Ainsi l'amour ?...
LE COMTE : L'amour... n'est que le roman du cœur : c'est le plaisir qui en est l'histoire; il m'amène à vos genoux.
LA COMTESSE : Vous ne l'aimez plus ?
LE COMTE : Je l'aime beaucoup ; mais trois ans d'union rendent l'hymen1 si respectable !
LA COMTESSE : Que vouliez-vous en elle ?
LE COMTE, la caressant : Ce que je trouve en toi, ma beauté...
LA COMTESSE : Mais dites donc.
LE COMTE : ... Je ne sais : moins d'uniformité peut-être, plus de piquant dans les manières ; un je ne sais quoi, qui fait
le charme ; quelquefois un refus, que sais-je ? Nos femmes croient tout accomplir en nous aimant ; cela dit une fois,
elles nous aiment, nous aiment ! (quand elles nous aiment), et sont si complaisantes, et si constamment obligeantes, et
toujours, et sans relâche, qu'on est tout surpris, un beau soir, de trouver la satiété2, où l'on recherchait le bonheur !
LA COMTESSE, à part : Ah ! quelle leçon !
LE COMTE : En vérité, Suzon, j'ai pensé mille fois que si nous poursuivons ailleurs ce plaisir qui nous fuit chez elles,
c'est qu'elles n'étudient pas assez l'art de soutenir notre goût, de se renouveler à l'amour, de ranimer, pour ainsi dire, le
charme de leur possession, par celui de la variété.
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LA COMTESSE, piquée : Donc elles doivent tout ?...
LE COMTE, riant : Et l'homme rien ? Changerons-nous la marche de la nature ? Notre tâche, à nous, fut de les obtenir :
la leur...
LA COMTESSE : La leur ?
LE COMTE : Est de nous retenir : on l'oublie trop.
LA COMTESSE : Ce ne sera pas moi.
FIGARO, à part : Ni moi.
SUZANNE, à part : Ni moi.
LE COMTE prend la main de sa femme : Il y a de l'écho ici; parlons plus bas.
1. l'hymen : le mariage.
2. la satiété : état d'une personne totalement rassasiée
Texte C - Edmond Rostand (1866 - 1918), extrait de Cyrano de Bergerac (1897), acte III, scène 10 (vers 1504 - 1539)
La scène se passe à Paris, au XVIIème siècle. Cyrano, aussi célèbre pour ses prouesses militaires que pour son physique
disgracieux, aime sa cousine Roxane. Mais celle-ci lui a confié qu'elle aime le beau Christian et en est aimée. Elle reproche
cependant à ce dernier de ne pas savoir lui parler d'amour. Prêt à se sacrifier, Cyrano, poète à ses heures, décide d'aider
Christian. Ainsi, quand celui-ci, dissimulé avec Cyrano sous le balcon de Roxane, la désespère par la maladresse de son
discours amoureux, Cyrano décide de venir en aide à son rival en se faisant passer pour lui.
ROXANE, s'avançant sur le balcon
C'est vous ?
Nous parlions de... de... d'un...
CYRANO
Baiser. Le mot est doux !
Je ne vois pas pourquoi votre lèvre ne l'ose ;
S'il la brûle déjà, que sera-ce la chose ?
5 Ne vous en faites pas un épouvantement :
N'avez-vous pas tantôt, presque insensiblement,
Quitté le badinage et glissé sans alarmes
Du sourire au soupir, et du soupir aux larmes !
Glissez encore un peu d'insensible façon :
10 Des larmes au baiser il n'y a qu'un frisson !
ROXANE
Taisez-vous !
CYRANO
Un baiser, mais à tout prendre, qu'est-ce ?
Un serment fait d'un peu plus près, une promesse
Plus précise, un aveu qui veut se confirmer,
Un point rose qu'on met sur l'i du verbe aimer;
15 C'est un secret qui prend la bouche pour oreille,
Un instant d'infini qui fait un bruit d'abeille,
Une communion ayant un goût de fleur,
Une façon d'un peu se respirer le cœur,
Et d'un peu se goûter, au bord des lèvres, l'âme !
ROXANE
20 Taisez-vous !
CYRANO
Un baiser, c'est si noble, madame,
Que la reine de France, au plus heureux des lords,
En a laissé prendre un, la reine même !
ROXANE
Alors !
CYRANO, s'exaltant.
J'eus comme Buckingham1 des souffrances muettes,
1
J'adore comme lui la reine que vous êtes,
25 Comme lui je suis triste et fidèle...
ROXANE
Et tu es
Beau comme lui !
CYRANO, à part, dégrisé.
C'est vrai, je suis beau, j'oubliais !
ROXANE
Eh bien ! montez cueillir cette fleur sans pareille...
CYRANO, poussant Christian vers le balcon
Monte !
ROXANE
Ce goût de cœur...
CYRANO
Monte !
ROXANE
Ce bruit d'abeille...
CYRANO
Monte !
CHRISTIAN, hésitant
Mais il me semble, à présent, que c'est mal !
ROXANE
30 Cet instant d'infini !...
CYRANO
Monte donc, animal !
Christian s'élance, et par le banc, le feuillage, les piliers,
atteint les balustres qu'il enjambe.
CHRISTIAN
Ah ! Roxane !
Il l'enlace et se penche sur ses lèvres.
CYRANO
Aïe ! au cœur, quel pincement bizarre !
Baiser, festin d'amour, dont je suis le Lazare2 !
1. Duc anglais, amant de la reine de France dans Les Trois mousquetaires d'Alexandre Dumas.
2. Personnage de l'évangile, pauvre et malade, qui vivait des restes de festin de la table d'un riche.
Devoir maison : pistes de correction
Question
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Il s'agit dans les trois textes d'une situation théâtrale fondée sur le mensonge où s'opère une séduction amoureuse dans un
trio de personnages (pour être parfaitement exact, le texte B met aussi en scène la vraie Suzanne, mais de manière très
discrète). Les personnages se partagent donc en deux catégories : trompeurs et trompés. Dom Juan (dupeur) ment à Charlotte
et à Mathurine (dupées) pour s'attirer leurs faveurs, de la même façon que la comtesse Almaviva (dupeuse) déguisée en
Suzanne (et sous le regard complice de Figaro, caché) trompe le comte (dupé) qui tente de la séduire, et que Cyrano (dupeur)
abuse Roxane (dupée) avec la complicité passive de Christian.
Par ailleurs, chacun des trois textes tire parti du mécanisme de la double énonciation à l'oeuvre au théâtre (rappelons que
l'on désigne ainsi le fait que toute parole prononcée sur scène a un double destinataire : les autres personnages et le public).
Ainsi, si toutes les paroles prononcées sur scène sont entendues du public, elles ne le sont pas toujours des autres personnages.
Ce mécanisme se manifeste avec le plus d'évidence dans les apartés. Dans le texte A, la didascalie « bas à Mathurine » indique
que les paroles de Dom Juan ne sont pas perçues par Charlotte (et réciproquement avec « Bas à Charlotte »). La didascalie « à
part » des textes B et C indique que les propos tenus ne sont entendus que du public. Ceci crée un forme de complicité avec le
spectateur, placé dans une position de supériorité vis à vis des personnages, car il est le seul à posséder toutes les données de la
situation : le public sait que Dom Juan trompe les deux paysannes, que la comtesse est déguisée, que Figaro est caché sur scène,
que Cyrano parle à la place de Christian, alors que les paysannes, le comte et Roxane l'ignorent. Ce procédé, à l'oeuvre dans les
trois passages, produit des effets différents : il est source de comique dans les textes A et B et plutôt producteur d'ironie
tragique dans le dernier texte où l'envolée lyrique de la séduction laisse bientôt la place au pathétique de la souffrance de
Cyrano (puisqu'il devient en quelque sorte le dupeur dupé, le grand perdant de sa propre victoire).
Écriture d'invention
Il est indispensable de respecter scrupuleusement les consignes :
La forme : un « monologue » (un seul personnage sur scène, pas de dialogue)
Le contenu du discours : une « déclaration d'amour mensongère » (le personnage s'apprête à abuser sa victime en
feignant de l'aimer : évitez les contresens, cet amour n'a rien de sincère !)
« Il en juge » : le personnage doit mesurer lui-même la qualité, le degré de perfection de son futur mensonge, en le
modifiant éventuellement « au fur et à mesure »
« Il en prévoit les effets » : le personnage doit imaginer les réactions de sa victime (il est sans doute préférable que
celle-ci se laisse berner ...)
Présence de didascalies.
Quelques erreurs trouvées ci et là dans vos copies et quelques conseils :
Les verbes dans les didascalies se conjuguent au présent (et non pas à l'imparfait comme certains l'ont fait)
Matérialisez clairement les didascalies (par exemple avec des parenthèses) : la lecture du correcteur doit être rendue
la plus aisée possible.
Attention au respect du sujet : il ne s'agissait pas d'écrire une lettre (quelques élèves sont concernés) mais de la
préparation d'une déclaration d'amour qui devra se faire en présence de l'intéréssé(e) : c'est une lecture légèrement
biaisée du sujet (pénalisée) car elle ne permet pas les mêmes effets de théâtralisation.
Attention au choix des prénoms : certains semblent tout droit venus d'une mauvaise série américaine ! (à éviter)
Évitez les clichés !
Les copies qui ont su théâtraliser le monologue ont été valorisées (on pouvait, en effet, imaginer un jeu de scène qui
reproduisait par anticipation la déclaration d'amour).
Dissertation – proposition de plan
Les deux défauts les plus fréquents :
La structure du devoir n'est pas matérialisée clairement : il faut marquer de manière évidente les grandes parties
(saut de ligne) et les sous-parties (alinéa)
Trop peu d'exemples sont cités (parfois aucun) et aucun n'est emprunté au corpus du devoir, ni même à Ruy Blas. Vous
devez citer au moins un exemple par sous-partie pour illustrer l'argument que vous avancez.
Voici un plan qu'il convient de compléter à l'aide d'exemples.
I) La lecture présente certains avantages ...
a) le seul moyen d’accès au théâtre à défaut de représentation
b) une lecture préalable pour aider à la compréhension paraît nécessaire, surtout quand la langue est ardue et lointaine
c) lire, c’est aussi relire, et mieux comprendre alors que la représentation est par nature éphémère
d) lire, c’est laisser son imagination investir la scène intérieure de son esprit (surtout lorsque les didascalies sont très pauvres,
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comme dans le théâtre classique)
II) Mais, le texte de théâtre implique par nature la représentation
a) le théâtre : un texte spécifique auquel la représentation donne vie
b) le théâtre : un spectacle total
c) assister à une représentation pour mieux comprendre une pièce et ressentir des émotions plus vives (p. ex : pathétique,
comique, ...)
III) L’incomplétude du texte théâtral rend sa représentation, à la fois nécessaire et problématique
a) l’incomplétude du texte théâtral implique le travail de mise en scène (cf. Anne Ubersfleld : « texte troué »)
b) la représentation est une œuvre d’art en elle-même qui permet de livrer une interprétation de la pièce
c) les interprétations d’une pièce peuvent être multiples, privilégier certains aspects, parfois trahir le sens initial de l'auteur
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Document support pour la séance 1 : « Contextes »
Le XIXème : un siècle de bouleversements :
1804-1815
1815-1830
1830
1830-1848
1848
1848-1852
1852-1870
1870-1871
1871
1871-1940
Empire (Napoléon 1er Empereur)
Restauration : Louis XVIII (1815-1824) puis Charles X (1824-1830)
Révolution des Trois Glorieuses (27,28, 29 juillet)
Monarchie de juillet (Louis-Philippe 1er)
Seconde Révolution
Seconde République (Louis-Napoléon Bonaparte président)
Second Empire (Napoléon III Empereur- Coup d'état le 2 décembre 1851)
Guerre Franco-allemande
Insurrection de la Commune (Mars-Mai 1871)
Troisième République
Faits marquants :
Le douloureux enfantement de la démocratie, qui ne naît pas sans difficultés (six régimes se succèdent,
entrecoupés de crises violentes)
Le passage à une société industrielle, avec d'un côté l'essor de l'économie et de l'industrie (la science et la
technique deviennent des espèces de religions nouvelles), et de l'autre, la misère sociale extrême des ouvriers, leur
exploitation par l'homme ou par la machine (cf. par exemple, le travail des enfants dès huit ans sur les machines
textiles : voir le poème Melancholia de Hugo).
Les prémisses d'une culture de masse, avec l'essor du journal et le succès des romans populaires. L'écrivain est une
figure majeure de son temps.
Victor Hugo (1802-1885) :
Figure exceptionnelle dans la littérature française, il domine le XIXe siècle par l'ampleur et la qualité de sa
production (poésie, romans, théâtre, ...).
Génie précoce (« Je veux être Chateaubriand ou rien », écrit-il en 1816), il reçoit plusieurs récompenses littéraires
dès 16 ans (notamment, de l'Académie française en 1817) et est élu à l'Académie française en 1841.
Homme de tous les combats (le XIXe est traversé par deux révolutions, un coup d'état et une guerre), il mène une
triple lutte : sur le plan littéraire pour la révolution romantique, socialement contre la misère et pour le peuple,
politiquement pour la liberté, contre la censure (cf. notamment son combat contre Napoléon « Le Petit » lors de son
exil sur les îles anglo-normandes de 1852 à 1870.)
Figure de l'écrivain engagé, il prend part aux grands débats politiques de son temps et lutte pour plus de justice
sociale et contre la peine de mort (cf. Claude Gueux (1834) et Le Dernier jour d'un condamné (1829)).
Chef de file des romantiques, il mènera cette bataille au théâtre de 1827 à 1843 avec les oeuvres :
Cromwell (1827), dont la préface, véritable manifeste, définit le drame romantique.
Hernani (1830) : la bataille d'Hernani consacre le succès du drame romantique
Ruy Blas (1838) - Ruy Blas prend sa source dans l'histoire de l'Espagne de la fin du XVIIème siècle, pendant
une période de décadence de la monarchie et de la noblesse (Charles II et Maria de Neubourg).
Les Burgraves (1843) – échec de la pièce
Le contexte littéraire du demi-siècle romantique :
Au début du siècle et sous la restauration (1815-1830), deux « camps littéraires » s'opposent :
Les nostalgiques de l'Ancien Régime qui souhaitent un retour à l'ordre, à la tradition : les « classiques »
Les « romantiques », épris de liberté et partisans d'une révolution de l'art dramatique.
La tragédie classique est usée et son succès est moindre en ce début de siècle.
Un nouveau public, plus large, plus populaire investit les théâtres : celui-ci est avide d'émotions fortes et fait le
succès du mélodrame. Genre mineur qui privilégie le spectaculaire (mises en scène grandioses) et le pathétique,
plutôt simpliste, il privilégie l'intrigue au détriment de la psychologie, et met en scène des personnages et des
situations stéréotypées : le traite odieux, la victime vertueuse défendue par le jeune amant beau et héroïque, le niais
grotesque et bouffon, autant de personnages manichéens entraînés dans de sombres machinations où les crimes
abondent19. Le mélodrame ne respecte pas les règles classiques (unités, vraisemblance, ...) : même si sa valeur
littéraire est très contestable, ses influences sur les conceptions romantiques ne peuvent être niées.
19 La plupart des théâtres parisiens où se jouaient les mélodrames se situaient boulevard du Temple, surnommé « le boulevard du crime » à cause
des très nombreux crimes commis ... sur scène !
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C'est dans ce contexte que naît le drame romantique avec des difficultés bien réelles :
Comment trouver sa place entre le mélodrame de piètre qualité et la tragédie (qui malgré son affaiblissement
garde ses adeptes et ses places fortes comme la Comédie-Française20) ?
Comment résister à la censure, bien présente, qui voit d'un mauvais oeil cette « révolution romantique » ?
Comment convaincre les acteurs réticents et décontenancés par les hardiesses du romantisme, acteurs
accoutumés aux règles de la tragédie, à son ton, à sa rhétorique ?
La bataille d'Hernani :
Il s'agit des affrontements, restés célèbres, entre les « classiques » - ou les « grisâtres » - et les « romantiques » - les
« flamboyants », autour de Théophile Gautier et de son gilet rouge - lors des représentations de la pièce « Hernani » en
1830. C'est en fait un triple combat que remportera Hugo :
contre les acteurs (notamment la célèbre Madame Mars qui a 50 ans jouait le rôle de Dona Sol, 17 ans... et dont les
réticences à jouer le drame étaient nombreuses),
contre la censure qui n'admettait pas que l'image d'un roi soit ternie (« le roi s'exprime comme un bandit, [...] la fille
d'un Grand d'Espagne n'est qu'une dévergondée »),
contre les « classiques », scandalisés par les audaces romantiques.
La pièce conquit le public, fut un succès commercial et permit l'avènement de la génération romantique sur la scène.
20 Le théâtre s'appelait à l'époque Le Théâtre français.
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Fiche bilan : le romantisme et le drame romantique
Le Romantisme
Mouvement artistique de la première moitié du XIXème, il s'oppose à la tradition classique du XVII et au rationaliste du
XVIII et vise à une libération de l'imagination, de la sensibilité et de la langue. Le romantisme privilégie notamment
l'expression du Moi et les thèmes de la nature et de l'amour.
Auteurs romantiques : Hugo, Lamartine, Vigny, Musset
Thèmes récurrents : le moi en souffrance (explosion des sentiments, nostalgie de moments regrettés, ....), les passions, la
nature, la fuite du temps, la spiritualité, etc.
Deux notions sont indissociables du Romantisme : le lyrisme et l'engagement.
Le registre lyrique (le lyrisme)
L'adjectif lyrique est formé sur le mot «lyre», qui désigne un instrument de musique. Cet instrument est associé au poète
et musicien de la mythologie grecque, Orphée, dont la légende raconte qu'il était capable, par sa poésie et par ses chants,
de charmer les bêtes sauvages. Le sens du mot « lyrique » a évolué : il s'appliquait initialement à tout ce qui pouvait être
chanté. Depuis le XIX° siècle, il est utilisé pour caractériser l'expression des sentiments et des émotions. On dira ainsi
d'un poème qu'il est lyrique s'il rapporte ce que ressent celui qui parle : joie, bonheur, espoir, ou chagrin,
amertume, douleur, regret.
Principaux procédés du registre lyrique :
présence d'un lexique de l'affectivité (émotions et sentiments)
utilisation fréquente de la première personne (expression du « moi »)et de la deuxième personne pour inviter le
destinataire à partager la force des émotions ressenties
ponctuation expressive (exclamations, interjections, interrogations, ...)
figures d'insistance suggérant la force des émotions : anaphores, hyperboles, gradations, ...
musicalité de la syntaxe : cadence des vers, ampleur des phrases, ...
On rencontre ce registre à plusieurs époques et dans des genres littéraires divers, mais il a été particulièrement utilisé par
les poètes romantiques du XIXème siècle.
L'engagement
On nomme engagement l'attitude de celui qui pense que l'art doit servir les hommes par une participation directe de
l'écrivain aux problèmes de son temps. L'écrivain engagé est donc actif dans son époque, et son œuvre a pour lui une
utilité immédiate.
Hugo a publié, par exemple, Le dernier Jour d'un Condamné, réquisitoire contre la peine de mort et a choisi de combattre
contre la dictature du second Empire de Napoléon III. Lamartine a, de son côté, occupé des fonctions politiques
importantes allant jusqu'à devenir ministre et se présenter aux élections présidentielles.
Le drame romantique
Les écrivains romantiques veulent renouveler complètement le genre dramatique, d'où une floraison d'écrits théoriques.
Se réclamant des auteurs allemands et de Shakespeare (qu'ils admirent pour sa liberté de ton et sa diversité de tons), ils
sont en quête d'un théâtre vivant, accordé à la sensibilité de leur temps et attaché à la vérité des caractères, du langage et
des situations.
Cette volonté réaliste leur fait rejeter les règles classiques; seule reste l'unité d'action qui donne une cohésion
d'ensemble. Ils prônent le mélange des genres, langue noble et ton familier, prose ou textes en vers, sublime et
grotesque "qui se croisent dans le drame, comme ils se croisent dans la vie et dans la création" (Victor Hugo). Les
notions de pudeur et de bienséance sont abandonnées au profit d'un souci d'exactitude psychologique et d'affirmation de
l'individu. Les sujets sont historiques, permettant des allusions politiques contemporaines, la recréation d'un univers
et la peinture d'une crise sociale où peuvent s'exacerber les passions. Ce théâtre total jouant sur l'émotion du spectateur
est dominé par l'idée de liberté et de fatalité et veut refléter "tout ce qui existe dans le monde, dans l'histoire, dans la vie,
dans l'homme" (Hugo). Il a aussi une visée didactique : "Le théâtre est une tribune, le théâtre est une chaire [...] le drame
a une mission nationale, une mission sociale, une mission humaine" (Hugo).
Malgré un succès relatif (mais spectaculaire), le drame romantique est un échec. Trop livresque, il utilise les acteurs du
mélodrame et emprunte à ce genre ses conventions (intrigues rocambolesques, escaliers dérobés, déguisements, etc.), ce
qui introduit la confusion chez les spectateurs qui confondent deux genres aux visées différentes. Enfin, l'Histoire n'est
qu'un décor, "un clou où le tableau est accroché", reconnaît Alexandre Dumas. Les réussites du drame romantique
tiennent surtout à la poétique du style et la peinture de destinées individuelles, bien loin de la description des situations
collectives et de prédication sociale qu'il se proposait de faire. (Source : Gallica)
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Fiche bilan : notions essentielles autour du théâtre
Vocabulaire élémentaire
Une réplique : paroles prononcées sur scène par un acteur
Une tirade : longue réplique adressée à un autre acteur sur scène
Un monologue : long discours d'un personnage qui se parle à lui-même, seul sur scène
Une stichomythie : enchaînement de répliques brèves et très rapides qui indique souvent un moment de tension
dramatique.
Un aparté : réplique qu'un acteur s'adresse à lui-même, à l'insu des autres personnages sur scène, et que seul le public
peut entendre
Un quiproquo : confusion/malentendu qui consiste à prendre un personnage ou une chose pour une autre (provoque
souvent le rire)
Une didascalie : indication de mise en scène (en italique, le plus souvent)
Exposition : première(s) scène(s) d'une pièce où sont présentés les différents personnages, le cadre spatio-temporal
ainsi que les premiers éléments de l'intrigue théâtrale.
Dénouement : scène(s) finale(s) qui vient clore l'intrigue, dénouer la crise théâtrale et éclairer le sens général de la
pièce.
Principaux genres théâtraux
Comédie classique
Tragédie classique
Drame romantique (1ère
XXème
(XVIIème)
(XVIIème)
moitié XIXème)
Composition 3 ou 5 actes en prose ou vers, 5 actes en alexandrins, ton 1, 3 ou 5 actes ou
Diversité extrême des
registre soutenu ou familier noble
« tableaux », en vers ou
formes, hors de toute
contrainte.
Règles des trois unités, de Règles des trois unités, de prose, registre courant ou
soutenu
Reprise de mythes
la bienséance et de la
la bienséance et de la
vraisemblance.
vraisemblance.
Refus des règles classiques, antiques, théâtre d'idées,
théâtre de l'absurde.
Registre comique.
Registre tragique.
mélange
grotesque/sublime,
mélange des registres
comique/tragique/lyrique.
Lieux familiers/ordinaires, Antiquité, époque biblique, Diversité des lieux et des
Divers
Lieu(x) et
cadre urbain et domestique dans des palais
époques (drame historique
époque(s)
ou intrigue contemporaine
contemporain du public
du public)
Personnages Bourgeois, petite noblesse, De très haut rang : rois, Toutes les classes sociales Divers
valets, ... souvent couple
héros mythologiques, ... sont représentées (du peuple
au roi)
maître (dupé) / valet (rusé)
Personnages historiques ou
fictifs.
Amours contrariés par les
Le héros est accablé par un L'homme face à l'histoire et Divers, mais souvent
Sujets et
malheureux.
à la société. Souci de
dénouement pères de famille, thème de destin funeste qui le
l'argent.
conduira à un dénouement réalisme. Force des passions.
Dénouement le plus souvent malheureux.
Dénouement heureux ou
malheureux.
heureux
La tragédie cherche à
Rendre compte de la
Faire réfléchir sur le sens
Fonctions
Critique de la société en
faisant rire = « corriger les susciter terreur et pitié
complexité de l'homme,
de la vie, engagement,
moeurs par le rire »
(« catharsis » d'Aristote). émouvoir, critiquer la
réflexion sur la société
Fonction didactique
société.
(instruire) / plaire /
émouvoir.
XVII : Molière, Corneille
XVII : Corneille, Racine XIX : Hugo, Musset, Vigny Giraudoux, Beckett,
Auteurs
XVIII : Marivaux,
Ionesco, Sartre, Camus,
Beaumarchais
...
Les grandes règles du théâtre classique au XVIIème (cf. Nicolas Boileau Art poétique, règles héritées d'Aristote)
Règle des trois unités : un seul lieu, unité de temps (24 heures maximum), une seule action prise à un moment de crise.
Règle de la vraisemblance : ce qui se déroule sur scène doit être crédible
Règle de la bienséance : rien ne doit choquer le spectateur (on interdit donc toute violence, le sang, la représentation de
la mort, ...)
Le registre comique :
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Il vise à faire rire le spectateur (mais il n'est généralement pas gratuit, puisqu'il possède souvent une visée didactique : corriger
les mœurs en faisant rire). On distingue plusieurs formes de comique :
le comique de mots ou de paroles : jeux de mots, insultes, traits d'esprits, ...
le comique de situation : naît d'une situation particulière (trompeur trompé, arroseur arrosé, voleur volé, quiproquo,
personnage caché, ...)
le comique de gestes : provient essentiellement de la gestuelle d'un acteur : mimiques, chutes, bastonnades, gifles,
grimaces, ...
le comique de répétition : dû à un effet mécanique de répétition (de paroles, de gestes, ...)
le comique de caractère : s'appuie sur un trait ridicule et grossi de la personnalité d'un personnage (jalousie maladive,
avarice, ...)
On ajoutera deux autres notions :
le burlesque : forme de comique qui provient du décalage entre le fond et la forme (par exemple, personnage de haut
rang qui s'exprime de manière vulgaire ou inversement, personnage ordinaire qui tente de s'exprimer en termes relevés)
la farce : comique grossier qui s'appuie sur des situations schématiques (coups de bâtons, bousculades, renversements
de situation : arroseur arrosé, ...).
On cherchera toujours à analyser précisément les procédés comiques, notamment en mettant en évidence une forme de décalage
(chute, effets de surprise, décalage entre le ton et le contenu du discours, ...), souvent à la source du comique.
Le registre pathétique :
Il vise à susciter la pitié, la compassion.
Principaux procédés (liste non exhaustive) :
évocation d'une situation douloureuse
champ lexical de la douleur, de la souffrance
hyperboles, exclamations, ... soulignant la douleur.
Le registre tragique :
Il met en scène un personnage confronté à une force supérieur (= le destin) qui l'accable et le mène inexorablement à sa perte. A
l'origine, intimement lié au genre de la tragédie, on le trouve aujourd'hui dans d'autres genres (comédies, roman, poésie, ...). Ce
registre vise à provoquer terreur et pitié chez le spectateur. On retiendra trois éléments fondamentaux pour sa définition :
une issue funeste : champ lexical de la mort, de la souffrance, ...
la présence d'une force supérieure (on pourrait dire transcendante) qui écrase le héros et le pousse à sa perte (= le
destin ou la fatalité). Cette fatalité peut prendre plusieurs visages : les dieux, les passions, les contraintes sociales
(honneur, statut social, ...), l'hérédité, ...
la nécessaire conscience du héros de cette fatalité (et ses efforts pour s'y soustraire) : le sentiment tragique naît, en
effet, de cette prise de conscience du destin et de la lutte du personnage pour y échapper.