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CULTURE
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AUTREFOIS
(© Rocky Grimes - Fotolia.com)
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Bartholdi, sculpteur de la Liberté
La statue de la liberté fut inaugurée à New-York en 1886
par le président des États-Unis, en présence
de son créateur alsacien, Auguste Bartholdi.
À
l’énoncé de son nom, on
serait tenté de penser
qu’Auguste Bartholdi
était d’origine italienne.
Il n’en est rien. Ses ancêtres sont germaniques, les Barthold (ou
Berthold). C’est son aïeul qui, venant en
France comme pasteur à Wissembourg,
prendra ce patronyme au début du XVIIIe
siècle. Par la suite, la famille Bartholdi
fera partie de la bonne société de Colmar.
Dans cette ville alsacienne Frédéric
Auguste voit le jour, le 2 août 1834. Son
père Jean-Charles est conseiller à la préfecture, sa mère Charlotte Beyser est née
à Ribeauvillé. Auguste (de son nom usuel)
a un frère aîné, Charles, né en 1831.
Hélas, l’enfant ne connaîtra que très peu
son père, décédé en 1836 à l’âge de 45
ans. Charlotte, veuve et chargée de famille,
quitte Colmar pour habiter Paris, où elle
séjournera de longues années chez un
oncle. Mais la famille garde des attaches
à Colmar où elle revient souvent. Les
enfants, feront donc leurs études à la capitale. Au lycée Louis-le-Grand, Auguste
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fait preuve très tôt de talent pour le dessin
et le modelage. Il devient l’élève des sculpteurs Antoine Étex et François Soitoux,
du peintre Ary Scheffer. À 18 ans, il
sculpte sa première œuvre marquante,
devenue une célébrité à Colmar : Agnès
de Hergenheim, fondatrice du couvent
d’Interlinden (1) . Puis il part pour un
voyage d’études en Égypte et au MoyenOrient d’où il rapporte une importante
documentation et surtout un certain
attrait pour la sculpture monumentale.
En 1856, il assiste à l’inauguration de sa
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première œuvre publique à Colmar, une
statue du général Rapp, symbole de la
gloire militaire française. Devenu un
artiste reconnu, Auguste Bartholdi réalisera plusieurs autres sculptures pour sa
ville natale.
Éclairer le monde
En 1865, Édouard de Laboulaye, professeur au Collège de France, envisage de
construire un monument prestigieux,
offert par la France aux États-Unis, cette
grande nation amie, pour célébrer le Centenaire de l’Indépendance, en 1876. Cette
initiative n’est pas pour déplaire à Auguste
Bartholdi qui recherche depuis longtemps
l’occasion de réaliser une œuvre grandiose.
Mais il sera bientôt mobilisé pendant la
guerre de 1870, mettant ses autres projets
en sommeil. La capitulation de la France
et l’annexion de l’Alsace-Lorraine par
l’Allemagne, le laissent profondément
meurtri. Pourtant tous ces événements
feront naître en lui une autre idée de la
liberté. Celle-là même, qui, à ses yeux,
devrait éclairer le monde et les hommes
pour un avenir de paix.
Toujours est-il que le 8 juin 1871, il
s’embarque pour un voyage de plusieurs
mois aux États-Unis, où il va mûrir son
projet et en déterminer l’emplacement.
De retour à Paris, il réalise une statue de
La Fayette pour la ville de New-York.
Mais son esprit est surtout pris par
l’ébauche de la maquette de la future statue de la liberté sauf qu’il faut de l’argent,
beaucoup d’argent. C’est en septembre
1875, que le comité de l’Union Francoaméricaine lance une souscription. La
fonderie parisienne Gaget et Gauthier
assurera la construction qui durera dix
ans, aidée par les ateliers de Gustave Eiffel qui réalisent l’ossature métallique.
Le jour du centenaire de l’Indépendance des États-Unis, seul le bras portant
la torche sera réalisé, et présenté lors de
l’Exposition Universelle de Philadelphie
où Auguste Bartholdi est commissaire
adjoint de la délégation française. C’est
aussi l’année de son mariage à Newport,
en décembre 1876, avec Émilie Baheux
de Puisieux, française née à Bar-le-Duc
et qui vit aux États-Unis. En 1878, la
tête de la statue est achevée et présentée
dans le cadre de l’exposition universelle
à Paris. Pendant ce temps, le fameux Lion
de Belfort est inauguré en août 1880, sans
trop de cérémonies, puis la statue de Rouget de l’Isle, auteur de La Marseillaise, à
Lons-le-Saunier, deux ans plus tard.
Emballée dans 210 caisses
Puis vient le grand jour, le 4 juillet
1884, jour de la Fête Nationale des ÉtatsUnis. La statue est terminée et présentée
dans la cour des établissements Gaget et
Gauthier, à l’ambassadeur des États-Unis
Morton, et remise officiellement par le
Comité de l’Union Franco-américaine,
au cours d’une somptueuse cérémonie.
Il ne reste plus maintenant qu’à transporter la monumentale statue vers sa destination finale. Démontée pendant l’hiver
1884-1885, elle est emballée dans pas
moins de deux cent dix caisses.
Au printemps 1885, elles sont transportées à Rouen, sur la frégate l’Isère qui
appareillera en mai pour New-York.
Auguste Bartholdi qui devait être du
voyage, dû y renoncer en raison de la mort
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CULTURE
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de son frère aîné Charles. La précieuse
cargaison a bien failli ne pas arriver à
New-York, l’Isère ayant essuyé une terrible
tempête pendant la traversée ! Bartholdi
s’embarque en octobre vers l’Amérique
pour donner ses instructions aux spécialistes chargés du montage sur l’ossature
réalisée par Gustave Eiffel. Le monument
emblématique de la ville de New-York
sera inauguré le 28 octobre 1886 par le
président Stephen Grover Cleveland, en
présence d’Auguste Bartholdi, élu citoyen
d’honneur de la ville, et de son épouse
Émilie, ainsi que des membres du Comité
de l’Union Franco-américaine.
Auguste Bartholdi va-t-il se reposer
sur ses lauriers ? Ce serait mal le connaître, car pour lui, seuls le travail et la création ont un sens. Mais la dimension de
ses autres œuvres sera de taille plus classique comme la statue de Christophe
Colomb pour la ville de Providence aux
États-Unis (1893), le groupe de La
Fayette et Washington pour la ville de
New-York, terminé en 1900. Et enfin, la
statue de Vercingétorix à Clermont-Ferrand, inaugurée en 1903, juste un an
avant son décès. Au cours de sa carrière
il aura également réalisé un certain nombre de monuments funéraires, mais la
statue de la Liberté et le Lion de Belfort
restent ses œuvres majeures(2). Malade et
fatigué, Auguste Bartholdi décède à son
domicile parisien en 1904, à l’âge de 70
ans et est inhumé au cimetière Montparnasse. Puisse la Liberté éclairer le
monde dans un univers de paix, pour respecter son vœu !
René Seigneuret
(Sources et remerciements :
Musée Bartholdi, à Colmar)
(1) Devenu depuis un musée de la ville de Colmar.
(2) Plusieurs copies de plus petite taille de la statue de
la Liberté ont vu le jour à Colmar, Paris, Roybon en
Isère, Saint-Cyr-sur-Mer…