Mettons en pratique le traitement des dyslipidémies selon les

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Mettons en pratique le traitement des dyslipidémies selon les
Mettons en pratique le traitement
des dyslipidémies selon les nouvelles
recommandations européennes
O. S. Descamps
À travers l’analyse d’un cas clinique,
nous revoyons les différentes étapes
décisionnelles du traitement des dyslipidémies selon les nouvelles recommandations Européennes et Belges.
Nous essayons de nous y conformer au
mieux pour le bien de nos patients tout
en tenant compte, bien sûr, des limitations économiques requises par l’INAMI
il y a deux ans.
INTRODUCTION
Les récentes recommandations publiées par l’EuropeanAtherosclerosis Society et l’European Society of Cardiology (1) ont apporté quelques nouveautés par rapport à celles du
précédent « Joint European Societies’ Task Force guidelines on the prevention of CVD in
clinical practice » de 2007 (2, 3). Ces nouveautés ont été résumées pour l’essentiel dans
deux articles précédents (4, 5). Parmi les plus importantes : la stratification plus nuancée
du risque en quatre catégories (très élevé, élevé, modéré, bas) plutôt qu’en deux (élevé,
bas), avec la possibilité de nuancer le calcul du risque par SCORE en fonction du cholestérol HDL, le renforcement des cibles de cholestérol LDL (LDL-C), l’arrivée d’une nouvelle
cible, le cholestérol non-HDL (non HDL-C) et une stratégie pour faire face au problème de
tolérance (musculaire et hépatique).
Ici, nous apporterons un éclaircissement pratique à l’utilisation de ces recommandations à partir d’un algorithme qui les schématise (figure 1) et à travers l’analyse d’un
cas clinique pas à pas (en italique dans les encadrés ci-dessous). Le cas discuté a été
imaginé pour regrouper une série de difficultés dans la prise de décision thérapeutique.
Nous partirons aussi du principe que la patiente a déjà reçu tous les soins pour améliorer
les autres facteurs de risque (mais sans perte de poids, et sans réduction suffisante de sa
tension artérielle). Loin d’être un cas de figure exceptionnel, il s’avère malheureusement
qu’il est plus difficile de réduire quantitativement ces facteurs de risque que le taux de
cholestérol. Nous essayons aussi de nous conformer aux limitations exigées par l’INAMI
en matière de prescription de médicaments « bon marché », qui doivent impérativement
être balancées par le bien du patient.
La patiente, une femme de 59 ans, vient nous consulter parce qu’elle a atteint
l’âge auquel sa sœur a fait un infarctus il y a deux ans.
Histoire personnelle : une épreuve d’effort récente normale avec un effort sous
maximal.
Histoire familiale : sa mère est obèse et diabétique traitée environ depuis l’âge
de 60 ans, et sa sœur a bénéficié d’un pontage coronarien,
suite à un infarctus, à 59 ans.
Habitudes hygiéno-diététiques : fumeuse (15 cigarettes par jour), sédentaire
(travaille dans un bureau, ne pratique pas de
sport, et ne se livre qu’à des loisirs d’intérieur).
Examen clinique : poids : 92 kg ; taille 1,74 m (Index Masse Corporelle – IMC :
30,5 kg/m²) ; tour de taille : 99 cm ; Pression artérielle :
145 / 85 mm Hg, pas de souffle, pas de xanthome, pas d’arc
cornéen.
MOTS-CLEFS
Prévention,maladie cardiovasculaire, risque
cardiovasculaire,cholestérol, Triglycérides,
HDL cholestérol, Diabète.
166
Biologie : cholestérol total : 227 mg/dl; cholestérol HDL (HDL-C) : 33 mg/dl;
triglycérides (TG): 385 mg/dl: cholestérol LDL (LDL-C) : 117 mg/dl
(tableau 1); glycémie : 112 mg/dl ; fonction rénale, hépatique et thyroïdienne normale.
Louvain Med. 2012; 131 (4): 166-176
C. A. R. D.
Cœur
Artères
Rein
I
Diabète
Compliqué
Age > 40 ans
Risque
A
QUE
Intense, Isolé
Questionner SCORE
Cholestérol > 300 mg/dL
HTA > 18/10 mm Hg
Autres Diabètes
(> 1 facteur)
(jeune sans complication)
(j
p
)
Cerveau
+
SCORE
10
(%)
Risque
q très élevé
LDL
< 70 mg/dL
Statine
(± association)
+
9
8
7
6
5
4
3
2
Risque
q élevé
Risque
q modèré
LDL
< 100 mg/dL
Statine
LDL
<115
115 mg/dL
/dL
(± statine)
1
(± association)
Risque
q bas
Pas de
statine
SCORE
< 5%
SCORE
< 10%
non HDL
< 100 mg/dL
0
non HDL
< 130 mg/dL
SURVEILLANCE
Lipide
Enzyme hépatique
Enzyme musculaire si myalgie
FIGURE 1
Algorithme du traitement des dyslipidémies en prévention cardiovasculaire.
1. PREMIÈRE QUESTION (FIGURE 1) : QUEL EST
LE RISQUE CARDIOVASCULAIRE DU PATIENT ?
En quelques questions rappelées par les lettres et syllabes de
l’acronyme « C.A.R.D.I.A.QUE. », il est facile de positionner le
patient dans une des quatre catégories (figure 1).
1.1. Acronyme « C.A.R.D.I.A.QUE. »
S’il y a une histoire de maladie cardiovasculaire (« C »), coronarienne ou cérébro-vasculaire ou artérielle ( « A » ) en général
(artérite périphérique, anévrisme, …), s’il y a une insuffisance
rénale (« R ») définie par une filtration glomérulaire inférieure à
60 ml/min/1,73 m² ou si il y a un diabète (« D ») soit de type I
ou II compliqué de l’atteinte d’organe (microalbuminurie), ou de
type II sans complication mais chez un patient (comme c’est le
plus souvent le cas), âgé de plus de 40 ans et souffrant d’autres
facteurs de risque (notons que, dans le diabète, les trois conditions de « Complication, d’Âge et de facteur de Risque, reproduisent aussi l’acronyme « CAR », ce qui peut constituer un
moyen mnémotechnique supplémentaire), on dira que le patient
est d’emblée à « risque très élevé »..
Pour les autres (« A ») patients diabétiques sans les caractéristiques ci-dessus (il est jeune et n’a aucun facteur de risque)
et aussi pour les autres patients, qui ont un facteur de risque
particulièrement sévère ou intense (« I ») même s’il est isolé
(« I »), comme une hypercholestérolémie familiale (cholestérol >
300 mg/dl) ou une hypertension artérielle sévère (>180 mm Hg),
il a un « risque élevé ».
Tous les autres individus qui ne présentent pas l’une des caractéristiques ci-dessus, devront faire l’objet d’un questionnement
(« QUE ») , dernière syllabe de l’acronyme « C.A.R.D.I.A.QUE »)
par SCORE Belgique (6).
1.2. SCORE avec deux nouveautés
SCORE est la charte utilisée depuis 2003 pour calculer le risque
de mortalité cardiovasculaire à 10 ans en fonction des cinq
facteurs classiques de risque (sexe, âge, habitude tabagique,
pression artérielle systolique et taux de cholestérol total). On
nuancera aussi ce risque de manière « semi-quantitative »
(plus haut ou plus bas) avec les autres facteurs de risque.
Première nouveauté: il est maintenant possible de nuancer de
manière quantitative le risque SCORE selon la présence d’antécédents familiaux et selon le taux de cholestérol HDL (1,7, 8)
167
Age
FFumeuses
Pre
ession artérrielle systo
olique (mm
m Hg)
X 1,5
X 1,2
X1
X 0,8
X 0,7
40
45
55
60
70
X 1,7
Triglyc. > 150 mg/dL
Tour de taille > 80 cm
Sédentarité
Précarité sociale
Pl
Plaque
à l’écho
l’é h
artérielle
Lp(a) > 30 mg/dL
Autres facteurs
présent
Antécédents
familiaux
X 1,8
30
(mg/dL)
HDL-C
Multiplier le
SCORE par les
f t
facteurs
cii
dessous :
N fumeurs
Non
f
Age
FFumeurs
Cholestérol total (mg/dL)
X 1,1
X1
X 0,9
X 0,8
X 0,7
40
45
55
60
70
X 2
Triglyc> 150 mg/dL
Tour de taille > 94 cm
Sédentarité
Précarité sociale
Pl
Plaque
à l’écho
l’é h
artérielle
Lp(a) > 30 mg/dL
Autres facteurs
présent
Antécédents
familiaux
X 1,3
30
(mg/dL)
HDL-C
Multiplier le
SCORE par les
f t
facteurs
cii
dessous :
FIGURE 2
Table de risque SCORE, calibrée pour la Belgique (risque de mortalité cardiovasculaire à 10 ans) et ajustement selon le taux de cholestérol HDL et des antécédents familiaux. Référence : Adapté de De Backer et al. (6) et Descamps
O et al 2012 (8)
Cholestérol total (mg/dL)
N fumeuses
Non
f
Pre
ession artérrielle systo
olique (mm
m Hg)
Hommes
150
190
230
270
310
Femmes
150
190
230
270
310
168
(voir les indices de multiplications dans la figure 2). On verra
dans notre exemple comment la prise en compte du HDL-C et
d’autres facteurs peut modifier, parfois de manière importante,
le calcul du risque à l’échelle individuelle.
Autre nouveauté : on ne classera plus les patients selon une
seule « frontière de risque » (en dessous ou au dessus de 5%),
mais sur base de trois « frontières de risque », 1%, 5% et 10 %.
Ainsi, si le risque SCORE est inférieur à 1%, il sera dit « bas »,
entre 1 et 5%, on parlera de risque « modéré », entre 5 et 10%,
de risque « élevé », et au dessus de 10%, de risque « très élevé ».
Pour notre patiente qui n’a ni histoire cardiovasculaire, ni
diabète, ni facteur de risque extrêmement sévère, nous
devons calculer le risque SCORE.
 Compte tenu de son sexe, âge, pression artérielle
systolique et taux de cholestérol total, nous voyons
que le risque SCORE est de 4 % (figure 2).
 Compte tenu du cholestérol HDL proche de 30 mg/
dl, nous pouvons multiplier ce risque par le facteur de
correction spécifique ( X 1,8 ; voir figure 2), soit 7,2%.
 Compte tenu de son antécédent familial (chez sa
sœur, une femme avant 60 ans) nous pouvons aussi
le multiplier par 1,7 (voir figure 2), soit un SCORE réel
de 12,2%.
 Outre ces deux-ci, la présence d’autres facteurs de
risque (taux élevés de triglycérides, obésité, sédentarité, …, cfr figure 2) justifie que l’on considère le
risque plus élevé que calculé (ici pas de correction
quantitative, mais juste une modulation vers le haut).
Ainsi, au total, on peut estimer que le risque de cette
patiente de mourir de maladie cardiovasculaire dans
les 10 ans approche vraisemblablement les 15%1
(tableau I), soit donc dans la catégorie de risque dit
« très élevé ».
1 Pour justifier le passage d’un risque SCORE de 12% à un risque SCORE
d’au moins 15% (>15%) suite à la présence de trois facteurs de risque
(taux élevés de triglycérides, obésité, sédentarité), il faut se rappeler
qu’un facteur peut être considéré comme facteur de risque indépendant
et significatif sur le plan clinique à la condition qu’il augmente au minimum
le risque de 10% après ajustement des autres facteurs de risque (soit
on multiplie le risque par un facteur multiplicatif de 1,1) (Nordestgaardet
al. JAMA. 2007;298:309–316). Soit ici pour trois facteurs de risque (taux
élevés de triglycérides, obésité, sédentarité), 1,1 x 1,1 x 1,1 = 1,33. On
peut ainsi multiplier 12% par 1,3 (ce qui donne 16% ; nous avons pris
15% comme base pour faciliter les calculs par la suite).
On voit comment d’un risque « modéré » de 4%, on peut passer à
un risque plus élevé mais plus réaliste de 15% en affinant avec le
taux d’HDL-C, les antécédents familiaux, et les autres FR.
Si on veut connaître le risque total (fatal et non fatal), il suffit de
multiplier par 3 pour les hommes, par 4 pour les femmes, par un
peu moins pour les personnes plus âgées (soit pour notre patient
de 59 ans, par 3, et donc ici un risque global de ~45%). Cette autre
façon d’exprimer le risque total (avec un chiffre plus élevé !!!) peut
être un moyen de mieux sensibiliser le patient pour qu’il soit plus
motivé à suivre son régime et à prendre ses médicaments.
2. DEUXIÈME QUESTION (FIGURE 1), COMMENT
TRAITER LE CHOLESTÉROL DE CE PATIENT ?
Le taux de LDL-C reste la cible primaire. Toujours pour mieux
nuancer la prévention cardiovasculaire, il n’est plus question de
se limiter à un seul taux cible de LDL-C (< 100 mg/dl pour le
risque haut, et rien pour le risque bas) mais d’adopter des cibles
plus nuancées et pondérées selon le risque. Entre autre, un taux
cible très bas (>70mg/dl) de LDL-C pour les patients à risque le
plus élevé, puisque les études tendent à indiquer que c’est la
condition pour obtenir la régression des plaques d’athérome,
autrement dit « un rajeunissement » des artères.
Retenons aussi dés à présent que lorsque le taux de LDL-C est
indisponible (parce que non calculable, c’est le cas si le taux de
TG est > 400 mg/dl), nous nous baserons non plus sur le taux
de cholestérol total, comme cela était suggéré auparavant mais
sur le taux de cholestérol non HDL (voir §4).
2.1. Trois cibles
Pour chaque catégorie de risque, les cibles thérapeutiques sont
les suivantes : cholestérol LDL < 70 mg/dl si le risque est « très
élevé », < 100 mg/dl si le risque est « élevé », et < 115 mg/dl si
le risque est « modéré ». Pour certains patients « à risque très
élevé », où la cible de 70 mg/dl ne peut être atteinte (parce que
le LDL-C est trop élevé au départ), on recommandera de réduire
le taux de LDL-C d’au moins 50%. Dans la majorité des cas,
ceci exigera de prescrire une statine puissante (rosuvastatine,
atorvastatine), à dose appropriée ou l’association d’une statine
avec l’ezetimibe (Ezetrol®).
2.2. Quelle statine, à quelle vitesse et à quelle dose
La statine sera toujours le traitement de première intention
(même en cas de dyslipidémie mixte avec élévation du cholestérol et des triglycérides, comme nous le verrons plus bas (§4)).
On commencera par la prescription de la statine à la dose la
plus efficace compte tenu du taux de base et du taux cible de
LDL-C. On ajustera ensuite le traitement d’autant plus vite que
le risque est élevé. L’idéal serait en effet d’intensifier, si cela
est nécessaire, le traitement rapidement pour obtenir la cible
souhaitée dans les plus brefs délais. L’observance et la satisfaction du patient et du médecin en dépendent.
2.2.1. Aspects scientifiques dans le choix de la statine
Scientifiquement, le choix et la dose de la statine doivent être
basés sur un critère quasi mathématique : la réduction du LDL-C
à obtenir. Le pourcentage de réduction nécessaire est facilement
estimable par l’écart entre le taux de départ du LDL-C et la valeur
cible à atteindre (fonction du niveau de risque) divisé par le taux
de départ du LDL-C.
C’est en fonction de ce pourcentage qu’on choisira la statine et
son dosage ? La figure 3 montre la puissance de réduction du
LDL-C de chaque traitement qui, pour les statines, est par ordre
croissant : fluvastatine<pravastatine<simvastatine< atorvastatine
<rosuvastatine (9). Un doublement de la dose de statine conduit,
en moyenne, à une diminution supplémentaire du taux de LDL-C
de 4 à 6 %. Une autre manière d’intensifier le traitement est d’associer à la statine un des autres médicamentsanti-dyslipidémiants
169
(figure 3). Parmi ceux-ci l’ezetimibe (Ezetrol®) est celui qui donne
la plus grande réduction supplémentaire (20% à 25%) de LDL-C.
2.2.2. Aspects économiques
dans le choix des statines
D’un point de vue pratique, il faudra aussi tenir compte des
réglementations actuelles de l’INAMI (10) visant à favoriser
les traitements par statine bon marché (simvastatine générique ou Zocor®, pravastatine générique ou Prareduct® et à
l’avenir atorvastatine). La règle actuelle est de demander au
médecin de « toujours » débuter le traitement par ce type de
statine en prévention primaire et « en général » en prévention
secondaire ou en cas de diabète. Dans ce dernier cas, il reste
donc une possibilité de commencer avec une autre statine,
notamment si l’écart est trop important entre la concentration
de LDL-C et la valeur cible à atteindre. D’autres limitations
notoires par rapport aux nouvelles recommandations européennes existent sous l’effet de certaines règles de l’INAMI.
D’une part, il n’est pas possible de prescrire (même si on est
en chapitre II, c’est-à-dire contrôle a posteriori) un traitement
hypolipémiant pour les patients à risque modéré (entre 1
et 5%). D’autre part, même chez les patients à risque élevé
Prava 20 mg
Atorva 10 mg
((Gene ou Pravasine)) ((Gene ou Lipitor)
p )
Fluva 40 mg
Simva 20 mg
(Gene ou Lescol)
(Gene ou Zocor)
Rosuva 10 mg
((Crestor))
ou très élevé, la prescription d’hypolipémiants n’est possible
que si le taux de LDL-C du patient dépasse 115 mg/dl, en
prévention primaire1, ou 100 mg/dl en prévention secondaire
ou dans le diabète (10). Il est à souhaiter que la réglementation puisse s’ajuster dans le futur à ces nouvelles recommandations européennes.
2.3. Avant la prescription d’une statine,
on s’assurera…
Avant la mise en route d’un traitement, on s’assurera que les
taux de CK (créatine phosphokinase) ne sont pas trop élevés.
S’ils sont très élevés (> 5 fois la limite normale supérieure), on
s’abstiendra de commencer le traitement, on vérifiera d’abord
le taux quatre à six semaines plus tard et on en cherchera la
cause (Exercice physique intense ? Traumatisme ? Injection
intramusculaire récente ? …). Pour limiter le risque d’effets
secondaires musculaires, il faudra être plus vigilant chez les
patients âgés, en cas de polymédication comprenant un traitement susceptible d’interférer (via les cytochromes P 450) avec
le métabolisme de la statine envisagée, ou en présence d’une
insuffisance hépatique ou rénale.
3 exemples pour obtenir une
réduction du LDL-C de 55%
Simva
20 mg
-25%
25%
Atorva
10 mg
Rosuva
10 mg
-35%
35%
-45%
45%
Chaque doublement de la dose apporte
de plus de réduction du LDL-C
+ fibrate
-10%
10%
+ chelateur
-15%
- 6%
+ ezetimibe
EZE 10 mg
(Ezetrol®))
(Ezetrol
-20% à
- 25%
45%
-35%
35% -35%
35% -45%
X 2 : 20 mg
+ EZE 10 mg
- 6%
X 2 : 40 mg
-20% - 6% X 2 : 20 mg
- 6%
X 2 : 80 mg
à
- 6% X 2 : 40 mg
- 6%
-25%
25%
1 Les taux cibles de cholestérol total sont respectivement 190 mg/dl en prévention primaire et 175 mg/dl
en prévention secondaire. À noter que ces cibles de cholestérol total n’existent plus dans les nouvelles
recommandations et ont été remplacées par celles du « cholestérol non-HDL » (voir §4).
170
Pour notre patiente, on ne tardera pas trop à arriver à
la cible. Même si elle n’a pas eu d’infarctus et n’est pas
diabétique, elle présente tout de même un risque très
élevé : 15 % de mortalité à 10 ans, ce qui veut dire 45%
de risque de maladie cardiovasculaire (soit presque une
« chance » sur 2) à 10 ans.
 La cible est donc < 70 mg/dl
 La réduction du LDL-C nécessaire est : 117 mg/dl 70 mg/dl = 47 mg/dl, ce qui nécessite une réduction
de 40% du LDL-C (47 / 117 = 40%).
 Pour atteindre une telle réduction de 40%, (figure 3),
on peut soit prescrire de la simvastatine à condition
de monter à la dose de 40 mg ou de l’atorvastatine
20 mg (il y a très peu de chance d’atteindre une telle
réduction avec pravastatine et même avec simvastatine 20 mg).
 On vérifie bien-sûr d’abord les taux de CPK et les
enzymes hépatiques, si cela n’a déjà été fait, avant
de prescrire le médicament.
 Remarques INAMI : Même s’il s’agit d’un patient
à très haut risque, comme il s’agit d’une prévention
primaire, nous proposons en accord avec la législation
belge, une statine bon marché parmi les trois possibilités (pravastatine, simvastatine et atorvastatine)
 Nous prescrivons simvastatine en prenant soin de
spécifier 40 mg (autrement le patient recevrait le plus
petit dosage à 20 mg).
3. TROISIÈME QUESTION (FIGURE 1),
COMMENT SUIVRE LE PATIENT ?
Il est recommandé de revoir le patient huit semaines plus tard
afin de vérifier l’efficacité et la bonne tolérance. Par après, dès
que les taux de lipides ont atteint les valeurs cibles selon le risque
du patient et que la bonne tolérance se maintient, un contrôle
annuel est suffisant.
3.1. Surveillance de la tolérance
La surveillance des enzymes hépatiques (figure 4) est nécessaire
tout au long de la thérapie tandis que les enzymes musculaires ne
doivent être analysés qu’en cas de plaintes subjectives évoquant
une possible toxicité musculaire. Tant que les enzymes ne sont
pas trop élevées (< 3 x la limite normale supérieure ou LNS), on
peut poursuivre le traitement. Par contre, si les enzymes dépassent trois fois la LNS pour les enzymes hépatiques et cinq fois
la LNS pour les enzymes musculaires (figure 4), on arrêtera les
statines et on recontrôlera les enzymes quatre à six semaines plus
tard (même deux semaines si CPK très élevés). En cas de forte
élévation des CPK, on contrôlera alors aussi la fonction rénale.
Lorsque les enzymes seront revenues à une valeur normale, on
réintroduira prudemment le traitement. Face à ces augmentations
d’enzymes, il faudra exclure d’autres causes, telles que, parmi les
plus communes, efforts musculaires intenses et traumatismes (y
compris injections intramusculaires et crampes) pour les CPK ou
stéatose hépatique ou excès de boissons alcoolisées pour les
enzymes hépatiques.
Avant traitement
Lipides
Enz hépatiques : ALT (GOT)
Enz musculaire : CK
Si CK > 5 x LNS .
8ème semaine
Lipides
Enz hépatique
Enz musculaire si myalgie
ou risque de myopathie*
Enzymes
anormaux
• ne pas instaurer de médicaments
• revérifier
ALT (GOT)
ш 3 x LNS,
Ou CK
ш 5 x LNS
• Stop statine (si CK ј) ou réduire si ALT ј
• Contrôler la fonction rénale (si CK ј)
• Envisager
g d’autres causes possibles
p
• Recontrôler après 2 semaines (si CK ј)
ou 4 semaines (si ALT/GOT ј)
• Réintroduire prudemment si normalisation
ALT (GOT)
< 3 x LNS,,
Ou CK
< 5 x LNS
• Continuer statine
• Recontrôler les enz après 4 semaines
• Envisager d’autres causes possibles
• Recontrôler après 2 semaines (si CK ј)
ou 4 semaines (si ALT/GOT ј)
Enzymes OK
1 X par an
Lipides
Enz hépatique : ALT (GOT)
Enz musculaire : CK
Enzymes
anormaux
* Risque de myopathie plus élevé si patient âgés, traitement concomitant interférant,
polymédication, insuffisance hépatique ou rénale
FIGURE 4
Surveillance biologique des enzymes hépatiques et musculaires.
171
Tableau I – Évolution du profil lipidique au fil des choix thérapeutiques conseillés au patient
Cibles
LDL-C < 70 mg/dl
Deuxième tentative
pour ↓ LDL-C < 70 mg/dl
Non HDL-C < 130 mg/dl
(↓ LDL-C)
Traitement prescrit
Taux de base
Simva 40 mg
Simva 40 mg + EZE 10 mg
Rosuva 40 mg + EZE 10 mg
Cholestérol
Triglycérides
HDL-C
LDL-C
Non-HDL-C
227 mg/dl
385 mg/dl
33 mg/dl
117 mg/dl
193 mg/dl
359 mg/dl
34 mg/dl
87 mg/dl
153 mg/dl
345 mg/dl
35 mg/dl
49 mg/dl
153 - 35 = 118 mg/dl
SCORE
15% (très élevé)
166 mg/dl
354 mg/dl
34 mg/dl
61 mg/dl
166 - 34 = 132 mg/dl
9,2% (élevé) à 10% (très élevé) selon le calcul (voir texte)
Alternative pour ↓ non HDL-C
< 100 mg/dl (↓ VLDL-C)
Simva 40 mg + EZE 10 mg +
fenofib 145 mg
134 mg/dl
245 mg/dl
37 mg/dl
58 mg/dl
134 - 37 = 97 mg/dl
Simva : Simvastatine (générique ou ZOCOR®); Rosuva : Rosuvastatine (CRESTOR®); Atorva : Atorvastatine (générique ou LIPITOR®) ; EZE : Ezetimibe (EZETROL®) ; fenofib. :
fenofibrate (générique ou LIPANTHYL®)
3.2.1. En quoi est-ce si important que la cible soit atteinte ?
Huit semaines après la prescription de simvastatine
40 mg, la patiente ne se plaint pas de myalgie (nous
nous abstenons donc de demander les CPK). Les taux
de GOT ont été contrôlés et sont normaux. Toutefois, on
est un peu déçu du profil lipidique de la patiente qui est
devenu (tableau I) :
Cholestéroltotal : 193 mg/dl ;
LDL-C : 87 mg/dl ;
HDL-C : 34 mg/dl (les statines augmentent un peu
le taux de HDL-C)
Triglycérides : 359 mg/dl (les statines diminuent
un peu les taux de triglycérides).
On voit que le traitement est bien toléré mais que la cible
n’est pas atteinte. En effet, curieusement, la réduction
n’a pas atteint les 40% espérés (mais seulement 25% !).
Le bénéfice des statines dépend essentiellement de leur capacité à abaisser le LDL-C mais aussi du risque initial. Dans une
récente méta-analyse réunissant les 170.000 participants des 26
études d’intervention avec les statines, on observait une relation
universelle (quels que soit l’âge, le sexe et les autres facteurs de
risque), précoce (dés la première année) et quasi linéaire entre la
réduction du taux de LDL-C et celle de l’incidence des maladies
CV à 4-5 ans : chaque diminution de 40 mg/dl du LDL-C par une
statine (figure 5) était associée à une diminution relative d’à peu
près 20% des évènements coronariens, vasculaires cérébraux,
et mortels cardiaques (11). En termes de réduction absolue,
celle-ci est d’autant plus grande que le risque initial est grand.
Ainsi, plus le risque CV de départ est élevé, plus il y a intérêt à ce
que la réduction du LDL-C soit importante.
On voit en quoi il est important de s’astreindre à atteindre les valeurs
en dessous de la cible, même si parfois cela semble difficile.
3.2. Surveillance de l’efficacité
Si la cible n’est pas atteinte, et spécialement si la réduction
observée est plus faible que la réduction attendue, comme c’est
le cas ici, il faut d’abord vérifier la bonne observance. On sait
que sur une année et en moyenne, les patients ne prennent réellement leur statine qu’environ 50% des jours (soit une réduction
de moitié de la dose). Si celle-ci est optimale, il est possible que
la réponse inadéquate soit le fait d’une résistance aux statines
comme cela se rencontre chez 10% des individus. Il faut alors
adapter le traitement.
Nous discutons l’observance avec la patiente. Sans lui
poser de but en blanc la question si elle prend ou non ses
médicaments. Nous lui demandons comment elle « gère »
la prise de la statine, quelle stratégie elle emploie pour se
souvenir de le prendre, quelles difficultés elle rencontre…
En fin de ce dialogue, nous nous rendons compte que la
patiente à probablement bien pris son traitement !
 Nous illustrons donc ici un cas de résistance aux
statines.
Que peut-on proposer alors pour obtenir la réduction
nécessaire de LDL-C ? Mais d’abord, faut-il absolument atteindre cette cible alors qu’une statine a déjà été
prescrite ?
172
Pour notre patiente, et par une simple règle de trois, on
peut calculer que la réduction actuelle de LDL-C de 30
mg/dl (117-87 = 30 mg/dl) (tableau II, figure 5)
– réduit les évènements CV de manière relative de
15%,
– fait passer le risque absolu de mortalité CV de 15%
à 13%,
– fait passer le risque CV global (multiplier par 3, voir
plus haut) de 45% à 39%.
Une réduction plus importante en dessous de la cible de
70 mg/dl (tableau 2, figure 5), permettrait :
– de réduire de manière relative les évènements CV de
23%,
– de faire passer le risque absolu de mortalité CV de
15% à 11%,
– de faire passer le risque CV global, fatal et non
fatal de 45% à 33%.
Ce qui veut dire que ne pas atteindre la cible chez
une centaine de patients aurait pour conséquence
la survenue d’évènements CV (infarctus, et accident
vasculaire cérébral) chez 6 (39% - 33%) d’entre eux dont
2 (13% - 11%) en décéderaient.
Risque
cardiovasculaire
Global à 10 ans
Mortalité
Cardiovasculaire
à 10 ans (SCORE)
- 40 mg/dL LDL = -20% RCV
FIGURE 5
Évolution de la mortalité cardiovasculaire à
10 ans (SCORE) et du risque cardiovasculaire
global (fatal et non fatal) à 10 ans sous diffèrent régime de traitement. Le risque cardiovasculaire global (fatal et non fatal) est calculé
en multipliant par 3 le risque SCORE.
45 %
15 %
39 %
13 %
33 %
11 %
En traitant 100 patients à 60 mg/dL au lieu de 90 mg/dl,
on gagne 6 (39-33) évènements CV dont 2 vies (13 -11).
Soit un « NNT » de 16.
Réference
En général (méta-analyses)
A. Notre exemple
B. Si on atteint la cible < 70
mg/dl
60 90
Tableau II – En quoi est-ce important d’atteindre la cible de 70 mg/dL
S’associe une ↓ des évène- Que devient après réduction du LDL ...
ments CV
La mortalité CV (CV)
- 20%
- 15%
15%  13%
A toute ↓ du
LDL-C de …
- 40 mg/dl
- 30 mg/dl
- 60 mg/dl
- 30%
14%  11%
120
LDL-C en mg/dl
Le risque CV global (=3 x CV)
45%  39%
45%  33%
En traitant 100 patients selon B plutôt que A, on gagne 6 (39-33) évènements
CV dont 2 (13 -11) vies. Soit un NNT de 16*.
↓ = réduction ; CV = cardio-vasculaire
* Il ne faut traiter que 16 personnes de manière plus intense pour sauver un événement
3.2.2. Que faire si la cible n’est pas atteinte ?
Si la cible n’est pas atteinte, il faudra adapter le traitement, soit
en augmentant la dose de la statine (avec la règle de 6, c’est-àdire que chaque doublement de dose engendre une réduction
supplémentaire de 6%, soit en la remplaçant par une statine
plus puissante (voir la différence d’une statine à l’autre selon la
figure 3), soit en l’associant à l’ézétimibe (avec une réduction
supplémentaire de 20 à 25 %). Si la cible n’est pas atteinte parce
que la réduction apparait inférieure à celle espérée comme c’est
le cas chez notre patiente, il est possible que la réponse inadéquate soit le fait d’une résistance aux statines. Si le patient est
résistant à la dose initiale, il le sera également lors du doublement
de la statine (l’effet du doublement n’atteindra plus que 4 % voire
3 %). On peut alors préférer d’ajouter de l’ézétimibe, puisque
ce traitement s’associe à une réduction du LDL-C d’autant plus
importante que le patient est résistant aux statines.
 Que peut on proposer pour obtenir la réduction
supplémentaire ? (voir figure 3)
– Remplacer par une statine d’égale puissance
(exemple : atorvastatine 20 mg). Mais il y a des
chances que cela donne un résultat identique,
vu que la résistance s’applique à toutes les
statines.
– Augmenter la dose de statine ? Cela ne suffirait
pas puisqu’en quadruplant la dose d’atorvastatine
à 80 mg, on obtient qu’une réduction supplémentaire de 12% du LDL-C
– Remplacer par la rosuvastatine à 40 mg ? Cela
pourrait permettre de gagner encore 5% (rosuva
10mg) + 12% (quadruplement du dosage à 40
mg) soit une réduction supplémentaire de 15 %
du LDL-C.
– Ajouter à la statine initiale de l’ezetimibe ?
Cela permettra d’obtenir une réduction supplémentaire de 20 % du LDL-C et même, peut être
plus (25%) vu que la résistance aux statines
s’accompagne d’une meilleure réponse à l’ezetimibe.
 Remarques INAMI : pour le remboursement de
l’ezetimibe (en chapitre IV), il est requis que le taux
de LDL-C soit au-dessus de 115 mg/dL (ce qui n’est
pas le cas ici) ou que le taux de cholestérol total soit
au-dessus de 190 mg/dL (ce qui est le cas ici.)
173
3.2.3. Atteindre la cible « ASAP2 ».
Nous l’avons dit plus haut, le bénéfice des traitements qui
abaissent le LDL-C est significatif dès la première année.
Atteindre l’objectif « aussi rapidement que possible » est
d’autant plus important que le risque est élevé chez le patient.
Ainsi, chez une patiente comme la nôtre, un risque de 15%
de mourir de maladie CV à 10 ans ou de 45% de souffrir d’un
évènement CV à dix ans, équivaut à des risques respectifs
de 1,5% de risque de mortalité et 4,5% de risque CV global
par an. Même si cela peut sembler peu, retarder de la même
façon la réduction nécessaire de LDL-C pendant un an chez
une centaine d’individus comme celle-ci, résultera en au moins
quatre à cinq évènements CV (dont un décès) parmi eux. Or
dans notre pratique, nous devons reconnaître que les excuses
avancées par le patient ou par nous-mêmes sont légions pour
retarder l’adaptation du traitement face à une prise de sang
insatisfaisante (par exemple, un repas d’anniversaire, une fête
de Noël ou de Pâques, un carnaval, une communion, un séjour
en all-inclusive … quelques jours avant la prise de sang !).
Notre habitude est donc souvent de progresser trop lentement,
alors qu’une escalade plus franche serait plus salutaire pour le
patient (figure 6).
4. QUATRIÈME QUESTION (FIGURE 1) :
FAUT-IL ALLER PLUS LOIN DANS LA
CORRECTION DE LA DYSLIPIDÉMIE ?
Même après réduction du LDL-C sous la bonne valeur cible,
il peut persister un risque résiduel non négligeable (entre 60 et
Après l’ajout d’ezetimibe à la statine, le profil de la
patiente devient (tableau I) :
Cholestérol total : 166 mg/dl ;
LDL-C : 61 mg/dl ;
HDL-C : 34 mg/dl
Triglycérides : 354 mg/dl.
 La cible de LDL-C (moins de 70 mg/dl) a bien été
atteinte mais il reste toutefois des taux élevés de
triglycérides et un taux bas de HDL-C ! Faut-il s’en
inquiéter ?
80% du risque initial). Une partie de ce risque résiduel peut être
attribuée à la persistance d’autres altérations du profil lipidique.
Ainsi, si après le traitement du LDL, le patient présente encore
un « risque élevé ou très élevé »,et qu’il a une dyslipidémie
combinée (triglycérides [TG] élevé > 150 mg/dl et cholestérol
HDL [HDL-C] trop bas < 45 mg/dl pour les hommes ou <50
mg/dl pour les femmes), on prendra soin d’encore améliorer le
profil lipidique. On ne visera pas à atteindre les taux limites de
TG et HDL-C (ci dessus). En effet, cela est souvent impossible,
car les taux de TG varient trop d’un jour à l’autre, et les taux
de HDL-C sont à peine augmentables (même une élévation de
20% d’un taux de 30 mg/dl équivaut à 6 mg/dl, ce qui ne permet
d’atteindre qu’un taux de 36 mg/dl, à peine perceptible vu la
limite de précision des laboratoires). Alors, on opte pour une
Années
Statine
Start !
ReControle controle Re-Recontrole
Tit ti
Titration
Titration
Switch
Association
« Taux cible de LDL-C »
Réduction
du LDL-C
2 As Soon As Possible ; aussi rapidement que possible
174
FIGURE 6
Une escalade rapide est plus salutaire qu’une progression trop lente dans l’intensité de traitement.
cible nouvelle, plus réaliste: le taux de cholestérol non-HDL
(non-HDL-C). Ce taux résulte d’un simple calcul :
Non-HDL-C = cholestérol total – HDL-C
En fait, comme on peut le comprendre à partir de la formule de
Friedewald3, ce non HDL-C correspond à la somme [LDL-C +
cholestérol VLDL]. L’originalité de ce paramètre est donc qu’il
intègre toutes les lipoprotéines potentiellement athérogènes,
à savoir les LDL bien connues et les VLDL, particulièrement
élevées en présence d’un HDL-C bas et de TG élevés (exemple,
dans le syndrome métabolique) (12).
Les conditions et les taux cibles du non-HDL-C sont faciles à
déduire des valeurs cibles du taux de LDL-C puisqu’on prend en
compte d’atteindre un LDL-C < 70 ou 100 mg/dl auquel s’ajoute
un taux idéal de VLDL-C de moins de 30 mg/dl (30 est obtenue
en divisant le taux idéal de TG, soit moins de 150 mg/dl, par 5,
selon la formule de Friedewald). Le taux de non-HDL-C devrait
donc être inférieur à 100 mg/dl ou 130 mg/dl selon que le risque
est « très élevé » ou « élevé », respectivement.
Dans le cas de notre patiente, faut-il s’inquiéter des taux
élevés de triglycérides et des taux bas de HDL-C ? Oui,
avec toutefois la précaution de s’adresser à la bonne
cible qui n’est pas l’un de ces taux mais qui est le cholestérol non HDL !
D’une part, le risque SCORE calculé à ce stade (avec un
cholestérol total de 166 mg/dl) reste encore élevé : le
risque SCORE est de 3 % (figure 2), qu’il faut multiplier
par 1,8 (puisque le cholestérol HDL est toujours proche
de 30 mg/dl) et par 1,7 vu son antécédent familial, soit
un risque résiduel « élevé » de 9,2% (tableau I) et même
« très élevé » (> 10%) vu la persistance d’une hypertriglycéridémie, d’une obésité, … Une autre façon de calculer
est de considérer le risque initial SCORE de 15% et d’en
retirer la réduction du risque CV apportée par la réduction du LDL-C de 46 mg/dl (117 – 61 mg/dL) (voir calcul
plus haut : le risque SCORE aurait donc été réduit à 10%
(soit aussi un risque très élevé).
La réduction du taux de non-HDL-C peut être entreprise par un
abaissement supplémentaire du LDL-C via la prescription d’un
dosage plus élevé de la statine (en cas de bonne tolérance), ou
via son remplacement par une statine plus forte ou encore via
une association avec l’ezetimibe (Ezetrol®). Si cela ne suffit pas,
on peut réduire le non-HDL-C en abaissant le taux de VLDL-C
(donc de TG) par une association avec un fibrate (12, 13) (le
plus utilisé en Belgique et le plus étudié est le fénofibrate). Une
troisième possibilité et d’associer la statine avec de la niacine
(sous forme magistrale ou sous la forme commercialisée mais
non remboursée Tredaptive®) qui réduit le taux de LDL-C, de
VLDL-C (donc de TG) et élève le taux de HDL-C (14).
Remarquons que le taux de cholestérol non HDL-C peut aussi
devenir la cible primaire (à la place du taux de LDL-C) lorsque le
LDL-C n’est pas calculable par la formule de Friedewald (c’est
le cas si les taux de triglycérides sont supérieurs à 400 mg/dl).
Dans ce cas aussi, on commencera toujours par une statine de
force d’autant plus grande que l’écart à la norme (130 mg/dl
pour risque élevé, et 100 mg/dl pour risque très élevé) est grand
que l’on associera éventuellement, par la suite, avec l’ezetimibe
ou un fibrate.
CONCLUSIONS
Les nouvelles recommandations offrent une approche, à la fois
plus précise et plus nuancée, dans la prise en charge du profil
lipidique en prévention CV. Ainsi, la nouvelle stratification en
quatre niveaux de risque, l’ajustement éventuel avec le taux de
HDL-C et l’addition de nouvelles cibles (non-HDL-C ou apoB),
à côté de la cible classique du LDL-C, permettront de mieux
orienter le traitement vers une prise en charge hygiéno-diététique, associée ou non à un traitement médicamenteux.
S’il est admis que la correction du profil lipidique constitue un
élément capital de la prévention CV, il ne faut cependant pas
oublier l’importance des mesures hygiéno-diététiques (alimentation, activité physique, …), d’une part, et de la prise en charge
de l’ensemble des facteurs de risque, dans toute la mesure du
possible, d’autre part.
D’autre part, le cholestérol non HDL (166 - 34 = 132 mg/
dl) dépasse les 130 mg/dl (la « cible » pour un risque
élevé) et les 100 mg/dl (la « cible » pour un risque très
élevé) (tableau I).
La patiente bénéficierait donc d’un abaissement de ce
taux de non HDL-C. Comment y arriver ?
– Soit en renforçant la réduction du LDL-C en remplaçant la statine par une autre plus puissante (selon ce
qui a déjà été fait précédemment).
CORRESPONDANCE :
– Soit en modifiant les taux de triglycérides avec un
fibrate ou de la niacine.
Département de Médecine Interne
Centre de Recherche Médicale de Jolimont
Hôpital de Jolimont
159, rue Ferrer
B-7100 Haine Saint-Paul
[email protected]
Ces deux alternatives donneraient des profils différents
mais aboutissant toutes deux à une réduction du cholestérol non-HDL (tableau I).
Dr. O.S. Descamps
3 Cholestérol total = cholestérol LDL + cholestérol HDL + cholestérol VLDL (ce dernier est calculé par TG
divisé par 5).
175
SUMMARY
Through the analysis of a clinical case, we examine the successive decisional steps of the lipid management according to the new European
and Belgian guidelines. We try to conform to it closely for the wellbeing of our patients, taking into account the economic limitations requested
by the Healthcare Authorities, last year.
KEY WORDS:
Prevention, cardiovascular disease, cardiovascular risk, cholesterol, Triglycerides, HDL-C cholesterol, Diabetes.
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