La cohabitation du chien et du chat L`expression populaire « s

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La cohabitation du chien et du chat L`expression populaire « s
La cohabitation du chien et du chat
(Texte co- rédigé avec Florence Cailliot d'Ivernois éthologue et comportementaliste spécialiste du chat )
L’expression populaire « s’entendre comme chien et chat » dont le sens
n’échappe à personne, suggère que les relations d’individus de ces 2
espèces ne sont pas spécialement harmonieuses.
Les chiens et les chats s’entendent-ils si mal ?
Parce que l’on peut en voir qui sont les meilleurs amis du monde… qu’est ce
qui a pu favoriser une si paisible cohabitation ?
A leur origine, chiens et chats n’étaient pas fait pour cohabiter, encore moins
pour s’entendre, et c’est l’homme qui a pourtant fait vivre ces 2 espèces
ensemble, en grande promiscuité parfois.
Leur compréhension mutuelle des émotions et des intentions n’est pas facilitée, parce que l’un et
l’autre n’ont pas les mêmes codes de communication : postures, mimiques ou sons émis peuvent
avoir des sens différents … Et l’on peut observer que certains de leurs signaux, pourtant presque
identiques, expriment en réalité des états et donc des messages parfois complètement opposés.
Assurément ce sont là des sources de malentendus ne favorisant pas l’harmonie des relations !
En ne s’en tenant par exemple qu’aux mouvements de leur queue, chiens et chats expriment
justement des émotions contraires.
En effet, chez le chien, les battements de la queue de gauche à droite indique à un congénère sa
franche sympathie à son égard, l’envie de jouer ou le bien être, alors que chez le chat cela signifie
l’agacement, voire clairement l’hostilité. Le chien «mal informé» des codes du petit félin pourrait
prendre ce mouvement pour un signe d’humeur joviale. En retour, il risque pourtant de se voir accueilli
à coups de griffes !
D’autres possibilités de méprise et contre sens sont envisageables avec d’autres postures, tout aussi
difficilement déchiffrables pour l’un et l’autre.
Par exemple, le chien qui se roule sur le flanc en exposant son ventre se met dans une attitude de
soumission on ne peut plus claire. Cette même posture prise par le chat indique qu’il est sur la
défensive, qu’il a très peur et qu’il pourrait attaquer si on le provoquait d’avantage. Malheur à Brutus
qui s’approcherait de Minet « supposé soumis » et qui est en fait prêt à se défendre férocement !
C’est une familiarisation précoce des deux espèces l’une à l’autre chez l’éleveur ou la famille de
naissance, qui aide plus tard le chiot ou le chaton à une approche confiante entre félidé et canidé. Par
la suite, c’est beaucoup plus simple pour l’un et l’autre de se comprendre et d’éviter les quiproquos.
L’importance de cet aspect de la socialisation du jeune âge est à retenir, pour le choix d’un chiot ou
d’un chaton, si l’on a déjà un sujet de l’autre espèce à la maison.
La socialisation du chaton
Le développement du cerveau dépend directement du niveau de stimulation de l’environnement : plus
l’environnement du chaton est stimulant, plus son cerveau se développe et grossit.
C’est vrai durant une période précise, celle que l’on appelle la période de socialisation, où toutes les
expériences rencontrées par le petit chat auront des effets positifs ou négatifs majeurs sur son futur
comportement d’adulte. Tout ce qu’il enregistrera sera inscrit en lui pour toute sa vie.
La période de socialisation permet :
• l’identification à sa propre espèce ou à l’espèce qui a été présente durant cette période
• et l’attachement ou la familiarisation à d’autres espèces et individus.
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La socialisation du chaton à l’homme et aux autres animaux, doit s’effectuer entre la 2
et la 9
semaine.
Au cours de cette période, si un chaton naît dans un milieu où vivent déjà (ou sont introduits) des
humains, des chiens, des hamsters, des oiseaux, des poissons etc.: il y sera habitué et socialisé. Cela
signifie entre autre qu’il n’identifiera pas ces animaux comme des espèces ennemies ou des proies
potentielles, mais bel et bien comme des espèces amies. S’il venait à faire une trop mauvaise
expérience avec un être vivant d’une de ces espèces pendant ces quelques semaines, il en gardera
un souvenir gravé qu’il sera bien difficile d’effacer. Réconcilier le chat avec cette espèce ne pourra se
faire par la suite, qu’avec un long travail de patience, sans vraiment l’assurance d’y parvenir.
Autre élément important concernant la socialisation du chaton : plus son environnement est calme et
favorable, plus la période de socialisation s’allonge, pouvant aller jusqu’à 15 semaines ! A l’inverse,
plus l’environnement du chaton est anxiogène, stressant, plus cette période s’écourte. Le chaton
devient moins capable d’apprentissage et c’est ainsi qu’il peut par la suite, craindre l’approche de
certaines espèces. D’autre part si sa socialisation est écourtée le petit animal a moins de chance de
pouvoir rencontrer un nombre suffisant de situations et d’espèces auxquelles il pourrait s’habituer.
Passé ce délai, il risque donc de se montrer hostile à toutes les espèces auxquelles il n’aura pas été
familiarisé.
Un chat ne sait pas instinctivement qu’il est un chat. C’est la vie en communauté avec sa mère et ses
frères et sœurs qui lui permettront de s’identifier à l’espèce « chat ». Cette identification lui fait savoir
reconnaître plus tard son partenaire sexuel, et ne pas courtiser un chien…ce qui arrive parfois lorsque
le chaton a été élevé très tôt par une chienne. Il s’est alors identifié à l’espèce « chien » !
De la même manière, un chaton privé de sa mère avant 9 semaines et sevré au biberon par l’homme
risque de s’identifier à l’espèce humaine.
Au-delà de l’identification, la période de socialisation est aussi utile pour développer des attachements
à d’autres espèces. C’est ainsi que les personnes et animaux qui entourent le chaton deviendront des
êtres familiers auxquels il s’attachera et dont la présence sera apaisante.
L’attachement que le chaton éprouve pour un individu (humain ou animal) n’implique pas forcément
qu’il se soit habitué et attaché à tous les individus de l’espèce. Être familiarisé à un chien ne signifie
l’être à tous les chiens. Si votre chat à été habitué à un Cavalier King Charles, il fuira peut être de peur
devant un Golden ou un Westie.
Même chose pour les humains : un bébé, une femme, un homme, une personne âgée ou handicapée
représentent autant « d’individus singuliers » pour le chat, auquel il devra être présenté pour y être
familiarisé. De la même façon, on ne mange pas un être d’attachement…mais les autres, oui ! …Un
chat peut gentiment papouiller le lapin blanc de la maison, et se mettre à poursuivre et chasser un
lapin marron qui lui est inconnu.
Plus l’animal aura été confronté à des individus et espèces différentes, plus il lui sera facile étant
adulte de se familiariser à d’autres individus qu’il rencontrera par la suite.
Lorsque le chaton s’attache à divers animaux, il s’attache d’abord à l’espèce la plus ressemblante à la
sienne : il préfèrera les chats aux chiens, les chiens aux humains, les humains aux oiseaux ou aux
lapins.
Les chattes montrent un instinct maternel particulièrement fort. Lorsque deux chattes mettent bas
dans le même temps, elles s’occupent toutes les deux des deux portées, l’une pouvant allaiter les
chatons de l’autre, se partageant ainsi le travail. On peut voir aussi une chatte allaiter ou en tout cas
materner d’autres animaux : des chiots, des lapins, des rats parfois ! Inutile de préciser que ces petits
protégés feront toujours partie de la famille de la chatte, qu’elle y ait été socialisée ou non.
En effet, même si une chatte ne supporte pas les chiens, elle peut tout à fait adopter des chiots si elle
a eu elle-même une portée de chatons, ne voyant pas en eux des chiens, mais des être infantiles qu’il
faut materner : son instinct maternel prime alors sur ses instincts de peur et de chasse.
La socialisation du chiot
Dès sa naissance, le chiot comme le chaton doit se voir offrir un environnement à la fois paisible, mais
riche et stimulant pour la poursuite de la construction de lui-même.
A ce stade, son cerveau toujours en développement est immature et d'une grande plasticité. Hormis
des cellules nerveuses (neurones) à l'activité autonome, et d'autres transitoires (utiles pour assurer les
réflexes des nouveaux nés) une majorité de neurones se trouveront mis en activité par les
stimulations de l'environnement, reçues de tous les organes des sens.
Des contacts corporels, de la lumière, des bruits, des odeurs, puis des interactions avec les
congénères, et autres espèces vont forger, sculpter et programmer richement ce cerveau (+ de
sollicitations et stimulations conduisant à + de connexions neuronales, et plus tard à + de facilité à
intégrer le non connu)
Pour le chiot comme pour le chaton, pas de stimuli extérieurs à lui-même, résultat: pas de capacités
motrices, tactiles, visuelles, auditives et olfactives performantes. Pas de capacité à connaître et
ensuite reconnaître les siens et pas non plus de capacités à communiquer aisément et efficacement.
Dans une 2è phase (de sa 3è à sa 8è semaine) et au fur et à mesure du perfectionnement de ses
capacités sensorielles et motrices, le chiot curieux de tout, a la plus grande capacité à se familiariser
facilement à toute forme nouvelle.
Cette période de forte attraction sociale sera très propice à le préparer à tout ce qu’il sera amené à
rencontrer dans une vie avec des êtres humains. Pour faire face à une infinie variété de mode de vie
où il voisinera sûrement avec une grande diversité d’espèces animales, le chiot doit apprendre en
l’expérimentant à catégoriser le monde :
• Le familier : en figures et objets qu’il ne craindra pas à l’avenir, parce qu’il y aura été confronté
très tôt, quand il ne connaissait pas la peur
• Ou à l’inverse : le non familier, en formes non connues donc redoutées, auxquelles devenu
adulte il peinera à s’accoutumer et voudra éviter, en fuyant toute situation nouvelle.
On note qu’à partir de sa 5è semaine apparaissent des réactions de peur et vers la 7è semaine une
augmentation de cette tendance liée à l’absence ou l’insuffisance de contacts sociaux divers.
D’où l’importance très tôt, de proposer au chiot de développer sa socialisation à l’humain et toute
espèce animale qu’il pourra être amené à côtoyer. Toutes ces rencontres devant toujours être vécues
positivement par le très jeune animal, pour ne pas risquer d’aboutir au contraire du but poursuivi.
Privé d’interactions multiples avec ses congénères à cet âge, un chiot risque plus tard d’être mal
socialisé aux autres chiens, de les craindre et mal communiquer avec eux.
De même pour l’espèce humaine et les autres espèces animales (chat, petits rongeurs, volailles,
cheval etc.) auxquelles le chiot doit être familiarisé pour les classer plus tard comme non nuisible et
non proie.
Toutes ces rencontres précoces avec humains et animaux divers, restent individualisées. Pour rendre
plus tard au chiot, toute approche encore un peu plus facile, il est bon de le confronter avec beaucoup
de types d’individus de ces diverses espèces. Lui faire côtoyer des humains adultes âgés ou ados,
enfants, bébés, des chats, noirs, blancs etc.…l’aidera encore à aborder sans stress tant de
morphologies différentes.
Si le chat n’a pas été socialisé à une autre espèce étant petit, tout n’est pas perdu. Introduire un chiot
auprès d’un chat adulte est tout à fait envisageable, car celui-ci a le temps de s’y habituer avant qu’il
ne grandisse et n’aboie suffisamment fort pour l’effrayer.
Introduire un chien adulte auprès d’un chat adulte est une opération bien plus difficile, mais si le chat
été correctement socialisé à un grand nombre de stimuli, et qu’en gros il n’est pas peureux, alors il y a
un espoir. Encore vaut-il mieux lui présenter un chien particulièrement calme et doux dans ses gestes
et déplacements, pour que le chat puisse s’y habituer lentement jusqu’à ne plus le craindre. Minet
devra apprendre à ne pas courir, ce qui risque de déclencher l’instinct de prédation de Brutus.
Les attitudes des maîtres dans ces différentes mises en présence, sont capitales bien sûr. Ne pas
« forcer » l’un ou l’autre lors de la 1ère confrontation est indispensable (en tenir un ou les deux !! dans
les bras, met chacun des deux animaux dans l’inconfort assuré. Par contre, leur offrir de pouvoir se
découvrir, se flairer, s’évaluer sur un espace où chacun d’eux pourra s’avancer à sa guise ou se retirer
pour apprendre à gérer sa crainte, et cela en intervenant le moins possible, optimise les chances
d’une rapide familiarisation.
En conclusion, prendre connaissance d’une mutuelle socialisation du jeune âge des 2 espèces, chat
et chien, et leur offrir dans la mise en présence les meilleures conditions de se connaître et
« s’apprendre » librement, garantira la future harmonie des relations.
Danièle Mirat
Texte rédigé en collaboration avec Florence Cailliot d’Ivernois
éthologue et comportementaliste spécialiste du chat