Parois végétales brevetées

Transcription

Parois végétales brevetées
© Francesca Cerri
Des murs végétaux basés sur
un système autoporteur fait de
matières poreuses en céramique
pouvant héberger la végétation.
La présence d’un sol permet
aujourd’hui de faire abstraction
des conditions climatiques.
Innovation
© Francesca Cerri
Parois végétales brevetées
La Haute Ecole du paysage,
d’ingénierie et d’architecture
(Hepia) a
breveté deux murs
végétalisés correspondant à
des applications différentes. O
n présente souvent les
murs végétaux sous un jour
extraordinaire. Ils
fascinent
et offrent aux architectes la
possibilité de rendre à la nature
possession des lieux; transformant certains bâtiments en ouvrages «vivants». Mais cette nouvelle technique de
culture verticale est réservée à un
certain nombre d’espèces poussant sur
des supports dépourvus de sols.
Le
principe étant que leurs racines,
fixées superficiellement sur ces
supports, captent en permanence l’eau de
ruissellement de surface. «Ces murs
demandent des conditions d’entretien
difficiles et se révèlent d’un coût assez
élevé et peu en rapport avec des critères de développement durable»: c’est
ce qu’en pense Pascal Boivin, professeur agronome,
responsable du laboratoire sols et substrats de la Haute Ecole
du paysage,
d’ingénierie et d’architecture (Hepia) de Genève. 64
bâtir > mai 2010
Pour le professeur, «ces murs ont
besoin de fertilisation et d’une irrigation permanente. Il faut parfois
même recourir à des substrats
particuliers que l’on importe de l’étranger
à l’exemple de la sphaigne du
Chili. Ils
fonctionnent pour des projets tenant
plus de la performance artistique que
du produit pour grand public.»
Propriétés isolantes
C’est pourquoi depuis trois ans
les
filières d’architecture du paysage
et d’agronomie de l’école réfléchissaient
à un système végétalisé, poussées par une très forte demande pour
ces
édifices verdis qui, au-delà de leur
attrait esthétique, renforcent l’insonorisation de l’intérieur des bâtiments et
absorbent même une partie des bruits
de la rue pour les passants. Ils améliorent aussi l’isolation thermique des
bâtiments. Brevet déposé
Or c’est maintenant chose faite!
Un brevet vient d’être déposé par
l’équipe
interdisciplinaire constituée
d’agronomes, de thermiciens du
bâtiment,
d’architectes, des paysagistes, d’architectes d’intérieur et…
d’un céramiste. L’invention
consiste
en un système de modules révolutionnaires constitués d’une matière à la
fois poreuse,
solide et durable. D’où la
présence dans ce projet du céramiste
Jacques Kaufmann. «J’ai rejoint ce
groupe de recherche, explique-t-il, car
après
plusieurs essais de matériaux,
il s’est avéré que la céramique était
bâtir pratique
•
Texte: Sophie Kellenberger
«Sur cette idée du verdissement vertical s’est greffé un autre projet
de recherche sur lequel nous travaillons depuis deux ans dans notre
laboratoire sols et substrats, raconte Pascal Boivin. Il s’agit des
biobeds; des fosses remplies de substrat y compris de la paille, dont
les micro-organismes biodégradent les effluents qui y transitent. Ces
biobeds épurent ainsi les restes de lessivage de pulvérisateurs de
produits phytosanitaires que les agriculteurs et les jardiniers sont
amenés à utiliser régulièrement, représentant jusqu’à 90% de la
pollution en pesticides des eaux naturelles.
L’invention bascule le biobed à la verticale, évitant l’encombrement
au sol, et le couvre de végétation décorative. La végétation «transpire» et élimine l’eau efficacement. Sans le risque d’engorgement qui
dans le système horizontal asphyxie le sol, annulant l’absorption des
pesticides par les plantes et entraînant même leur volatilisation. Ces
murs d’épuration pourraient soit se fixer sur des bâtiments agricoles,
soit servir à séparer des espaces. Avec en plus comme avantage une
esthétique plus favorable que des bacs ou des fosses.
© Sophie Kellenberger
En ravalement de façade
Ces murs pourront être posés en ravalement de façade, et seront soit
autoporteurs, soit fichés par des agrafes directement sur la façade. «Aujourd’hui il
est envisagé de construire une villa
dont une des façades
serait végétalisée», raconte Pascal Boivin. Le projet
est mené par Ecavert, une start-up
créée par un ancien étudiant, diplômé
ingénieur agronome soutenu par le
bureau UNITEC de l’Université de
Genève.
Dans l’absolu, ces murs végétalisés pourraient servir d’épurateurs
d’eau,
grâce aux propriétés d’épuration des systèmes sols-plantes. Et les
inventeurs mettent
en avant l’énorme
potentiel écologique de leur système.
Selon eux, on peut
aujourd’hui envisager d’épurer les eaux grises de toiture
du bâtiment au travers du substrat
de
sa façade végétale et agir ainsi sur
le climat urbain. «Non seulement
à
l’échelle de la façade, mais aussi à
l’échelle d’un quartier.» «Aujourd’hui
les recherches continuent, explique
Pascal Boivin. L’un des
objectifs est de
trouver des systèmes poreux solides à
partir de
matériaux plus économiques
comme le béton. On répondra ainsi
mieux à la demande
d’un produit de
construction grand public.»
Un mur vert qui épure
© DR-Hepia
le
plus intéressant. J’ai d’abord testé
des mélanges d’argile intégrant des
copeaux de bois, de la paille, du carton
haché, diverses fibres… Avant de choisir des mousses qui, trempées dans de
l’argile, émaillées puis cuites, ont les
propriétés requises. Ce sont les bulles
interconnectées de ce matériau qui
permettent au tissu racinaire, à l’eau
et aux matières nutritives (substrat)
de
s’infiltrer.» Et si les plantes choisies
demandent plus de
substrat, derrière
la paroi poreuse se trouve un espace
dédié à ce besoin. Les modules ont la
faculté de s’empiler et de se juxtaposer.
L’invention permet au mur végétal
de
devenir alors autonome, économe en
eau et en entretien. Ci-dessus, à droite de
la photo, les biobeds
à l’horizontale dans des
bacs. Ils ont comme inconvénient, notamment,
d’être engorgés par
les effluents à filtrer,
qui asphyxient du même
coup tout le système.
L’invention de la Hepia
bascule ces biobeds à
la verticale, permettant
entre autres un gain de
place au sol, une surface
végétalisée «transpirante» plus importante
et une esthétique plus
réjouissante.
bâtir > mai 2010
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