Les femmes vont-elles finir par faire pipi debout ?

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Les femmes vont-elles finir par faire pipi debout ?
Les femmes vont-elles finir par faire pipi debout ?
Les toilettes, les WC, le petit coin, le cabinet, le pipi-room, le trône… Chacun l’appelle comme il le
désire. Au cours de notre existence, nous passons l’équivalent de deux à trois ans sur la cuvette. Alors,
pourquoi pas une enquête sur les toilettes ? Les sanitaires sont indispensables, vitaux et universels.
Ne les prenons pas à la légère et à la rigolade. Preuve qu’ils sont un enjeu planétaire, se tient chaque
année en Asie depuis 2001, un sommet international des toilettes. Allons plus loin ! Le mois dernier,
le 19 novembre, se tenait la journée mondiale des toilettes, avec pour but de promouvoir ces lieux
d’aisance, d’améliorer la santé publique, et surtout d’attirer l’attention sur cet enjeu international.
Et les toilettes publiques à la française ? Nommées autrefois « vespasiennes », elles sont inventées
en 1834 sous la volonté du préfet de la Seine, le comte Claude-Philibert de Rambuteau. Depuis,
des évolutions ont eu lieu en matière d’hygiène, de confort et de design. Mais, nous, utilisateurs
contemporains, nous en avons un mauvais à priori quant à la mauvaise hygiène réputée. Alors nous nous y
intéresserons plus précisément. Il est temps de lever le voile sur ces quelques mètres carrés d’intimité !
En quoi la mauvaise hygiène réputée des toilettes publiques influe-t-elle sur nos comportements ? Quelles
solutions sont développées pour y remédier ? Tirons la chasse sur ces questions une bonne fois pour toutes !
En quoi la mauvaise hygiène réputée des toilettes
publiques influe-t-elle sur nos comportements ?
Témoignages de deux étudiantes, phobiques des toilettes publiques.
Lucile Lerouvillois, 22 ans, étudiante en droit à Nancy.
Au quotidien, je vis mieux ma phobie des toilettes publiques
mais il y a une période où je n’y allais vraiment pas pendant
la journée. Je me retenais tout le temps jusqu’au jour où j’ai
eu des cystites à répétition. Imaginez tous les gens qui y vont,
ce n’est souvent pas très propre, la chasse d’eau pas tirée,
les tampons usagés qui ne sont pas dans les poubelles. J’ai
développé cette peur car je suis un peu maniaque. Quand j’y
vais, uniquement à la fac, je vérifie s’il y a du papier toilette
et je ne m’assois bien-sûr pas sur la cuvette. J’ai peur que l’on
m’entende donc j’y vais aux horaires où il n’y a pas beaucoup
de monde car les cloisons sont très fines. Cette phobie a eu des
impacts sur mes études car je devais tout le temps rentrer chez
moi lors des pauses. Quand j’étais petite, j’avais peur qu’il y
ait des monstres dans les toilettes, c’était la crise à la maison,
mais la phobie est là depuis le lycée. J’avais fait le ménage dans
une colonie de vacances, c’était très sale, j’ai fait un travail
sur moi, thérapie de choc ! Je n’irai jamais dans les toilettes
publiques en ville car je ne sais pas quelle population s’y rend.
Les toilettes automatiques pourraient me donner confiance
mais il faut quand même que quelqu’un passe derrière.
Pauline Gardan, 20 ans, étudiante en économie à
Rennes.
Je ne vais JAMAIS aux toilettes publiques car ce n’est
pas propre et ça pue. Ce n’est pas du tout hygiénique,
ça ne donne vraiment pas envie d’y entrer. Alors, je
m’organise. Je vais aux toilettes le matin et le soir
chez moi, mais jamais dans la journée. En vacances,
c’est un peu l’horreur. A Dublin, l’année dernière,
je ne suis pas allée aux toilettes pendant plus d’une
semaine. Après, ça devient difficile je dois me forcer
car je tombe malade. A part cette question de
propreté, le temps entre aussi en compte car j’aime
être tranquille aux toilettes. Chez moi j’y lis par
exemple. Enfin, il y a le contexte. Je ne me sens pas
chez moi, c’est vraiment impersonnel des toilettes
publiques. Pour toutes ces raisons, une barrière
entre les toilettes publiques et moi s’est installée.
ANECDOTES
60 000.
C’est le nombre de lieux d’aisance
disponibles par plusieurs applications sur
androïd comme « Où sont les toilettes ? »
ou « P’tit coin » !
Zéro.
C’est la note de conduite attribuée
aux Français concernant le lavage des
mains. Alors que 89 % des Anglais, des
Allemands ou des Finlandais se lavent
systématiquement les mains en sortant
des toilettes, seulement 76,6 % des
Français pensent à ce geste primaire
d’hygiène.
La faute aux utilisateurs.
Toute vérité est bonne à dire, même celle qui sent mauvais ? Attention...
il paraît que c’est de votre faute ! « Les WC sont solides. Si personne ne
tape dedans, ils sont sensés durer cent ans ! » déclare Yvon Mercurin,
employé chez Brossette Sanitaire et BTP, (une entreprise qui vend
entre autres des toilettes publiques à des collectivités). D’autant plus
qu’elles sont dotées d’un émail facilement nettoyable, elles devraient
normalement être propres ! Surtout que « les collectivités s’équipent
de toilettes publiques de très bonne qualité » ajoute le commercial.
Bémol, lorsque leur budget est presque épuisé : « elles choisissent
une autre marque au détriment de la qualité. Ou si rénovation
il y a à faire, c’est alors petit à petit et non tout d’un coup. ».
Mais les collectivités ne sont pas les seuls acheteurs de ce type de
matériel, il y a aussi les restaurants... Bref, tous les endroits publics.
Avant, Yvon Mercurin était gérant d’une station service, endroit
où laver les toilettes fait parti du travail des employés. Ils ont une
feuille à signer après chaque lavage. Pas d’autorité d’un service de
ménage, mais une visite de la grande direction. « C’est ahurissant de
voir à quel point les gens ne respectent pas les toilettes publiques »
affirme Yvon Mercurin. Selon lui, si elles sont aussi sales, ce n’est
pas uniquement à cause des services d’entretiens, mais des citoyens.
Aucun respect
Un avis que partage Nathalie Gérard, agent d’entretien à la faculté de
Nancy 2. Les gens ne respectent pas ces lieux. Nathalie Gérard explique
que sur son étage, elle n’a pas trop à se plaindre, mais certaines de
ses collègues lui racontent des faits bien plus choquants (alors que le
nettoyage est réalisé tout les jours...). Le pire dans cette faculté, selon
elle, c’est la dégradation par les tags, très nombreux et difficiles à enlever.
Plutôt embêtant puisque « quand un coup de peinture est redonné, dès
le lendemain de nouveaux tags voient le jour » déclare l’employée.
Avec ses consignes bien tenues (ouvrir les fenêtres pour aérer, remplir le
distributeur de savon...), ses produits adéquats (lingettes, détartrants,
gants...), Nathalie Gérard pense très sincèrement que ces saletés, qui
peuvent mener à des peurs et dégouts, sont fautes aux utilisateurs.
Quelles solutions sont développées pour y remédier ?
Nous voulons pisser dignement !
Le droit au logement décent c’est une chose, mais qu’en est-il du droit au soulagement
décent ? En 2005, 2,6 milliards de personnes dans le monde ne disposaient pas de toilettes
dites « améliorées » soit 41 % de la population mondiale. Ces personnes, quand elles y ont
accès, doivent utiliser les toilettes publiques, des endroits souvent insalubres et inadaptés
où l’on trouve de tout sauf du papier toilette et du savon. Ces lieux posent des problèmes,
Stéphanie Moinet, psychiatre, aborde les comportements psychologiques des hommes et
des femmes par rapport à l’utilisation des toilettes publiques. « J’ai vu plusieurs patients
qui souffraient d’une peur de la contamination, ils sont persuadés d’être plus sujets aux
microbes que les autres, ils sont convaincus qu’ils vont en mourir : ça peut aller très loin. La
mauvaise hygiène des lieux publics, dont votre problématique sur les toilettes, devient un
problème psychologique qui est un réel handicap chez ces personnes sensibles. ». Les toilettes,
autrefois disponibles dans les parcs ou dans les gares, se sont raréfiées et/ou se sont, pour
la plupart, automatisées. Concernant les cafés et les bars, ils restreignent l’accès à leurs
services en les limitant à leurs consommateurs et/ou en les tarifant. Certaines municipalités
se sont tournées vers la gratuité, comme la ville de Paris depuis le 15 février 2006, mais les
toilettes publiques gratuites ne se trouvent pas partout, contrairement à ce qu’impose la loi.
40 %.
C’est le pourcentage de la population
mondiale qui n’a pas accès à
des toilettes « convenables, sans contact
entre l’homme et les eaux usées »,
( selon l’enquête des Nations unies ).
Outre la santé, l’absence de toilettes a
des conséquences en matière de sécurité
: femmes et enfants sont exposés au
harcèlement ou aux agressions s’ils
doivent sortir la nuit en quête d’un
endroit isolé.
17 %.
C’est le pourcentage de Français qui
utilisent rarement voire jamais les
toilettes sur leur lieu de travail.
2,6 milliards.
C’est le nombre de personnes dans
le monde qui ne disposaient pas de
toilettes dites « améliorées » en 2004
(soit 41 % de la population mondiale),
c’est-à-dire devant quotidiennement
utiliser des toilettes publiques, ou des
endroits insalubres et inadaptés, voire
devant faire leurs besoins dans la nature.
68,3 %.
C’est le pourcentage des enfants qui
attendent de rentrer chez eux pour aller
aux toilettes, d’après le sondage mené
dans le cadre de la Journée mondiale des
toilettes, l’année dernière.
D’AILLEURS, Que dit la loi ?
Il existe une législation en
matière de toilettes publiques,
mais pas de grande politique
publique nationale à proprement
parlé, malgré les actions de
l’Agence générale des Nations
unies qui avait déclaré l’année
2008 « année internationale
de
l’assainissement ».
Dernièrement, la loi 2005-102
s’appliquant à toute construction
ou aménagement d’un bâtiment
public, implique que les toilettes
s’y trouvant devront, au 1er janvier
2015, être toutes accessibles
aux handicapés. La loi, précise
que « tout ERP doit posséder
un WC accessible par sexe si les
sanitaires sont séparés par sexe
pour les valides. Il doit être
convenablement signalé par un
logo et un fléchage, et accessible
par un chemin praticable »
(arrêté du 1er aout 2006). Pour
être aux normes, les toilettes
devront répondre à de nombreux
impératifs : porte d’accès de 0,90
m de large minimum, poignée de
porte et interrupteur entre 0,40 et
1,30 m maximum de haut, surface
de 1,30 m sur 0,80 cm ménagée à
côté de la cuvette pour permettre
le transfert latéral du fauteuil à la
cuvette. Et la liste des exigences
est encore longue. Comme quoi
un acte basique exige parfois
un savoir-faire très technique !
En matière d’obligation
quantitative ou qualitative à
respecter pour les communes,
la loi impose certaines mesures,
qui ne sont pas toujours suivies.
On sait que les règlements
sanitaires départementaux, qui
s’intéressent
aux
déjections
et pollutions de toute nature,
permettent
de
punir
les
personnes qui feraient leurs
besoins dans l’espace public. En
réponse à cela, afin d’imposer la
présence de toilettes pour tous
sur le territoire, le préambule
de l’article 114-1 du Code pénal
instaure que « L’Etat reconnaît
qu’il est désormais d’utilité
publique que chaque habitant
du territoire puisse avoir accès
à des toilettes publiques de
façon gratuite. Par conséquent,
il est de l’ordre du Ministère
des Services Publics de veiller à
ce que cet accès soit permanent
et indispensable à tout instance
publique. ».
Malgré
tout,
gratuité et propreté ne sont
pas toujours au rendez-vous.
Qui trône sur le marché des toilettes publiques ?
Des fabricants s’attèlent pourtant à créer de nouvelles
installations toujours plus ingénieuses dans le but d’améliorer ce
service d’utilité public. On connait évidemment JC Decaux, qui est
ce qu’on pourrait appeler le « roi des toilettes publiques ». Il a en
effet reçu en 2011 la récompense de la meilleure toilette, avec
son modèle « Sanisette ». Oui, après les prix littéraires, voici la
récompense pour les WC. Cette multinationale a également remporté
le contrat d’une durée de 15 ans de 400 sanitaires automatiques
à accès universel de la ville de Paris suite à un appel d’offres.
Modernes, spacieux, lumineux, leur design est signé Patrick Jouin et
cerise sur le gâteaux, ils sont conçus écologiquement. Accessibles à
tous, ces installations seront gratuites pour tous les utilisateurs. A
côté du géant Decaux, il y a Toilitech, une entreprise qui impose sa
patte dans le marché. En s’appuyant sur le design, sur des sanitaires
mieux travaillés en termes de conception et d’esthétique, mieux
intégrés dans l’environnement et plus agréables à utiliser, Toilitech
aide les collectivités locales à mieux assurer le véritable service
public que représentent les sanitaires publics. Valérie Jerofoyer, la
responsable des ventes, explique que l’entreprise développe « des
sanitaires automatiques assez performants : nettoyage cuvettes,
des murs et des sols. L’hygiène passe en priorité, l’objectif est que
les personnes qui rentrent dans les sanitaires soient bien accueillies
et soient contentes ». Elle explique que les collectivités sont leur
unique clientèle et reconnaît que « c’est un petit marché, une petite
niche ». À côté de ces acteurs classiques, d’autres se creusent la
tête pour nous proposer une autre manière d’aller aux toilettes.
L’implantation de Toilitech dans l’hexagone, en 2011.
Une drôle d’alternative
L’urinette P-Mate ressemble à une
chaussure en carton dont l’orteil est
coupé.
Développé depuis mars 2011, l’urinoir
P-Mate, révolutionne l’offre en proposant
aux femmes de faire pipi debout, une
aubaine pour les phobiques des toilettes
publiques, entre autres. On peut le
trouver soit dans les agences, soit sur
internet au prix de 2,99 euros mais aussi
sur les salons. Les ventes dépendent
des manifestations qui sont faites. « Sur
du régulier, on en vend 30 et 50 par
semaine, lors de salons ça peut aller de
100 à 500 produits ». Aurore Foissier,
responsable d’exploitation, explique
que c’est « difficile de changer les
habitudes des femmes mais on y croit.
Mais ça marche bien j’en ai un dans ma
voiture que j’utilise pour échapper aux
Stéphanie Moinet, psychiatre,
interrogée sur les préconisations pour
soigner les phobiques.
Pour ce genre de troubles obsessionnels,
j’utilise la thérapie comportementale
et cognitive. Elle consiste dans un
premier temps en un travail de
réflexion, pour notre exemple, ce
sont des recherches sur la réalité des
microbes, sur internet ou dans des
livres. Je demande à mes patients
de ramener ce qu’ils ont trouvé par
rapport à leur peur, à leur phobie, pour
ensuite les travailler ensemble. Dans
un deuxième temps, j’opère un travail
toilettes publiques. » et « espère que ce
sont le produit que les femmes auront
dans leurs sac a main comme la serviette
hygiénique, toujours dans le sac. ».
Il apparaît clairement que les solutions
ne manquent pas mais que les besoins
restent énormes au vu de la hausse
constante de la population urbaine.
À part à Paris où l’on dénombre une
centaine de toilettes automatisées, les
villes sont globalement sous-équipées,
à l’image de Marseille, ville réputée
pour sa saleté, qui ne compte pas plus
de dix toilettes automatiques, soit
environ une pour 85 000 personnes !
d’exposition. Pour des personnes ayant
peur des toilettes publiques, je leur
demanderai d’abord de rester 5 minutes
dedans, puis 10 minutes, ainsi de suite.
Ensuite je vais leur demander d’y aller
et de toucher les toilettes, sans se laver
les mains etc. Autant d’actions qui
vont leur montrer qu’ils n’ont pas de
raison d’avoir peur. Ils se rendent alors
compte qu’ils ne sont pas plus sujet aux
microbes que d’autres et ce processus
annule leurs pensées. Cette technique
fonctionne souvent très bien, pour 85 à
90 % des patients, je ne les revois plus.
Dossier traité par Bazzara Aurélie,
Baechler
Charlotte,
Mercurin
Audrey
&
Morvan
Aurélia.

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