les chretiens sionistes

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les chretiens sionistes
Il Dott. Sami Antoine Khalifé, che abbiamo avuto come gradito ospite
assieme a P. Salim Daccache in occasione del Dies Academicus il 21
novembre scorso, ci concede gentilmente di pubblicare un suo articolo sul
sionismo cristiano. Si tratta di una versione ampliata rispetto al testo
pubblicato recentemente nel settimanale nazionale libanese Hebdo Magazine.
LES CHRETIENS SIONISTES
ATTENTION: DANGER D’AMALGAME
Dans son édition du vendredi 5 octobre 2012, L’Orient Le Jour,
publiait en première page un encart, Dernière heure : «Des milliers de
chrétiens sionistes marchent pour Israël ». Cette nouvelle diffusée
aussi par des médias nationaux et internationaux illustre un risque
d’amalgame bien réel et néfaste pour les chrétiens d’Orient.
Le «sionisme chrétien» doit être distingué du christianisme pour deux
raisons fondamentales: En premier, le christianisme, dans ses valeurs, sa
morale et son enseignement, qui prêche l’amour est en opposition totale
avec ce que prône le «sionisme chrétien» tant par ses objectifs, sa vision que par ses méthodes
pour les atteindre. En second, le «sionisme chrétien» (20 millions) qu’on retrouve
essentiellement aux Etats-Unis, n’est pas représentatif des chrétiens du monde. La majorité
des Eglises (2.2 milliards), y compris Evangéliques le considèrent déviant par rapport aux
enseignements chrétiens.
Le «sionisme chrétien» a précédé de plus de deux siècles le «sionisme juif», il
représente aux Etats-Unis le plus fort soutien au second pour la fondation du «grand Israël».
Le cri d’alarme est venu des chrétiens d’Orient qui constataient que, plus le règlement du
problème palestinien s’éloignait, plus l’animosité des musulmans envers eux grandissait, les
considérant de plus en plus les suppôts d’Israël ; Ce qui évidement n’est pas le cas mais
résulte, entre autre, de la confusion, dans le conscient et/ou subconscient musulman,
entre tous les chrétiens et les «chrétiens sionistes».
HISTOIRE ET FONDEMENTS BIBLIQUES
Le «sionisme chrétien» est une croyance des évangélistes fondamentalistes américains
qui considèrent que le retour du peuple juif en terre sainte et la création en 1948 de l’Etat
d’Israël sont en accordance avec les prophéties bibliques ; Ils croient que le «rassemblement»
des juifs en Israël et la reconstruction du Temple à Jérusalem sont des conditions pré-requises
pour le retour de Jésus sur terre comme le Christ triomphant de l’Apocalypse et qu’il faut
œuvrer pour hâter leur réalisation.
La désignation «sionisme chrétien» remonte au milieu du XXème siècle et recouvre
des courants comme le «Restaurationisme1» et le «dispensationalisme2». Ces mouvements se
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- Mouvement protestant fondamentaliste du XIXème siècle qui milite pour le retour des juifs en terre sainte,
basé sur une interprétation littéraliste des Ecritures de la Bible.
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rejoignent sur l’essentiel des textes prophétiques de l’Ancien Testament dans le Livre de
Daniel, d’Isaïe et d’Ezéchiel de même que l’Apocalypse du Nouveau Testament.
La croyance dans la « restauration » des juifs a commencé en Angleterre, parmi les
«Puritains» au XVIIème siècle. Leur premier adepte était Oliver Cromwell (1599-1658), le
premier chef d’Etat à réclamer la création de l’Etat d’Israël ; Il sera suivi par le Premier
Ministre B. Disraeli puis A. Balfour (1917) qui feront de cette création un des objectifs de
l’Angleterre au M-O.
Cette théorie fut introduite en Amérique par les Puritains fuyant l’Angleterre. La
théologie «dispensationaliste» de John Nelson est considéré comme la fondation de ce
mouvement. Elle était diffusée dès 1909 par «La Bible de Scofield». Le champion des
«Restaurationistes» était le magnat des affaires William E. Blackstone, qui fut un des
premiers à préconiser la création d’un Etat juif; Il persuada en 1891, le Prés. B. Harrison, de la
restauration des juifs en lui présentant le «Blackstone mémorial», une pétition signée par 413
personnalités et dignitaires célèbres.
Les Prés. W. Wilson et H. Truman ont été influencés par ce mouvement et plus
récemment le Prés. J. Carter qui écrivait dans ses mémoires: «L’établissement de l’Etat
moderne d’Israël est l’accomplissement de la prophétie biblique».
C’est sous la présidence Reagan, «sioniste chrétien» déclaré, qu’une coopération
étroite s’est développée entre l’Administration Reagan et Israël. Plusieurs réunions tenues à la
Maison Blanche, rassemblaient des représentants du lobby juif (AIPAC) et des organisations
du «sionisme chrétien»; Parmi les présents se trouvaient H. Lindsay, J. Falwell, M. Evans, P.
Robertson et d’autres… Grâce à cette coopération, M. Begin développait des liens très forts
avec les chefs du «sionisme chrétien». J. Falwell a changé le Sénateur J. Holmes, Prés. de la
«Commission des Affaires Etrangères», d’un critique virulent de l’Etat d’Israël en un de ses
plus grands défenseurs.
Netanyahou est un des chefs israéliens préférés des «sionistes chrétiens»; Depuis les
années 1990, quand il représentait Israël aux Nations Unies, «Bibi» était un conférencier à la
plupart des rassemblements «sionistes chrétiens». Peu après sa victoire en 1996, Bibi invitait
dix-sept chefs religieux fondamentalistes en Israël où ils ont fait une déclaration retentissante
soutenant le programme du Likoud y compris l’implantation juive dans les territoires occupés,
la reconnaissance de Jérusalem unifié sous l’autorité israélienne, etc. le tout agrémenté de
citations bibliques propres au «sionisme chrétien».
Le soutien indéfectible des E-U pour Israël est inconditionnel, il s’appuie sur des
considérations religieuses et des Textes sacrés interprétés littéralement. Le Pasteur M.
Evans, un ami de G. Bush et un ténor du Parti Républicain déclare :
« Dieu veut que les américains déplacent leur Ambassade de Tel Avive à Jérusalem,
car Jérusalem est la capital de David. Le démon essaie d’empêcher les juifs de choisir leur
capitale. Si vous ne reconnaissez pas Jérusalem propriété juive, nous paierons le prix avec la
vie de nos fils et de nos pères. Dieu bénit ceux qui bénissent Israël et châtie ceux qui la
châtient ». En réponse à Robert McFarlane, Secrétaire d’Etat à la Sécurité Nationale qui lui
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- Mouvement qui croit que les chrétiens doivent soutenir activement le retour des juifs en terre d’Israël, car
c’est une des conditions pour le retour de Jésus, de même qu’en parallèle il faut encourager la conversion des
juifs au christianisme.
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disait : « La politique étrangère des E-U ne peut être définie par les textes sacrés et Jérusalem
n’est pas la capitale d’Israël. La situation de Jérusalem devrait être définie en négociation
avec les pays arabes… » ; Mike Evans déclarait : « Les livres sacrés ne sont pas sujet à
négociation, Dieu ne Bénit pas l’Amérique si nous tournons notre dos à son monde sacré. Les
chrétiens Evangélistes (entendu sionistes) ne tourneront jamais le dos sous aucune condition,
au peuple juif ni à la parole de Dieu. Israël a été promis sa capitale Jérusalem dans le Livre
Saint… ».
DEMOGRAPHIE ET INFLUENCE
On pourrait croire que les américains sont tous des fondamentalistes! Ce n’est
évidemment pas le cas. On estime le nombre des Evangélistes autour de 90 millions, parmi
eux, entre 18 et 20 millions se rattachent à la théologie du «sionisme chrétien». Alors
comment se fait-il que 20 millions d’américains, (6.5% d’une population) puissent avoir tant
d’influence sur la politique américaine?
A- L’influence des «sionistes chrétiens» se fait sentir surtout en matière de politique
étrangère du M-O et en ce qui se rapporte à Israël.
B- Les «sionistes chrétiens» bénéficient de la sympathie des Evangélistes du «Bible
Belt». Ils les mobilisent, lors des élections, comme ce fut le cas pour Reagan ou
Bush, etc. Leur nombre (6.5%) est déterminant car ils font pencher la balance…
C- Ils ont une capacité à placer des hommes influents de leur courant, à des postes
décisionnels surtout dans la sphère de politique étrangère au M-O. Le Pasteur
Robertson, (proche de Reagan l’a accompagné au long de ses 2 mandats, l’a
convaincu de se joindre à la croyance «dispensationaliste»), assistait à la Maison
Blanche à toutes les réunions qui touchaient au M-O. On peut en citer d’autres:
John Hagee, Dan Rumsfeld, Dick Cheney, G.W. Bush, Mike Ashcroft, Tom Delay
et d’autres membres du Congrès ou Mike Hackabee candidat aux présidentielles.
D- «L’évolution des moyens matériels dont disposent les évangélistes conservateurs,
nous donne un indicateur de leur réussite. La totalité des budgets des
organisations qui se réclament de leur mouvance était estimé (en 2004) à 22
milliards de dollars.»
E- Ils bénéficient d’une incroyable force de frappe médiatique (même si certaines
personnes ne sont plus, la relève est assurée) :
1- P. Robertson, avec la Christian Broadcasting Network CBN, touche 16
millions de familles, soit plus de 19% des américains possédant une
télévision ;
2- J. Swaggart de Baton Rouge, Louisianne, 9.25 millions ou 10% ;
3- J. Baker, 6 millions ou 6.8% ;
4- O. Roberts, 5.77 millions ou 6.8%
5- J. Falwell, 5.6 millions 6.6% ;
6- Etc.
A ceci, il faut ajouter plus de 80 mille pasteurs qui, à travers 400 stations de
radio, prêchent leurs messages quotidiennement.
F- Le «sionisme chrétien» dispose de plus de 250 organisations actives dans les
domaines culturels, religieux, financiers, politiques, diplomatiques, etc.
1- The American Christian Trust for Israel, La seule banque américaine ayant
une branche en Israël, finance l’achat des terres arabes, le financement des
colonies juives, l’immigration des juifs vers Israël, etc.
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2- The National Christian Leadership Conference for Israel, dont la devise
est: «Pour être chrétien tu dois être juif».
3- The National Christian Congress, sa mission est de s’opposer à toute vente
d’arme à un pays arabe ou musulman.
4- Christian United for American Security, sa devise est «La sécurité des E-U
est de la sécurité d’Israël».
5- The Christian Voice,
6- Christian United for Israel,
7- International Christian Embassy-Jerusalem, milite pour la réalisation des
prophéties bibliques.
8- Etc.
Il n’échappe à personne que le mot « Christian » est présent (on ne peut pas leur
contester ceci, à charge des autres chrétiens de faire la distinction) dans toutes ces
appellations, ce qui porte le public musulman en général à prendre les actions de ces
organisations comme étant celles de tous les chrétiens. L’amalgame est dangereux car il
est instrumentalisé contre les chrétiens au M-O en particulier.
G- Il y a bien sûr d’autres explications géopolitiques de contrôle des sources
énergétiques et des routes de pétrole, etc. qu’il n’y a pas lieu d’aborder ici car cela
mérite une analyse spécifique.
D’autre part, il faut relever que le «sionisme chrétien» considère que «La seule loi
applicable aux juifs était, est et sera la loi Divine». Ceci met Israël au dessus des lois et des
règlements internationaux. Pas étonnant alors de voir toutes les résolutions des Nations Unies
concernant Israël rester lettres mortes avec l’aval des E-U.
LE SIONISME CHRETIEN ET LES AUTRES EGLISES
Le «sionisme chrétien» regroupe une minorité parmi les Evangélistes (près de 20
millions) des E-U. Le «National Council of the Churches of Christ» qui rassemble 34
confessions compte plus de 40 millions d’adeptes, refuse les interprétations littéralistes des
Ecritures et toute idéologie fondamentaliste; d’autres s’y opposent aussi: Les Baptistes
(21.2M), les Méthodistes (7.8M), les Presbytériens (2.8M), les Episcopaliens, la United
Church of Christ, etc.
Aux E-U la «Déclaration de La Grange» signée en 1979 par plus de 5000 chefs
d’Eglises américaines, refuse les interprétations littéralistes des Ecritures par le
«sionisme chrétien».
Plus proche de nous, la Déclaration de Jérusalem signée le 22 août 2006, par Mgr
Michel Sabbah (Latin), Mgr Swerios Malki Mourad (Orthodoxe), Mgr Riah Abu-Elassi
(Episcopale), Mgr Munib Younan (Evangélique Luthérien), dit :
« Nous rejetons catégoriquement les doctrines chrétiennes sionistes comme de faux
enseignements qui corrompent le message biblique de paix, de justice et de réconciliation».
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L’essentiel de la Déclaration de Jérusalem concernant les positions théologiques
fondamentalistes fut repris le 15 décembre 2009 dans le document Kairos Palestine, de
même, les travaux du Synode pour les Eglises du Moyen-Orient en octobre 2010, ont
souligné les préoccupations du Synode vis-à-vis de l’amalgame entre chrétien et « sionisme
chrétien » au Moyen-Orient.
Quand aux Eglises Orthodoxes, elles s’opposent, depuis des décennies,
catégoriquement sur des bases dogmatiques, aux doctrines du « sionisme chrétien »
(Armageddon, et autres…), qu’elles considèrent comme des affabulations.
« Last but not least », les positions de l’Eglise Catholique étaient et sont on ne peut
plus claires dans leur refus du « sionisme chrétien ». Déjà en mai1897, à la veille du premier
congrès sioniste, la Déclaration Civilt à Cattolica-1 disait : « Mille huit cent vingt sept ans se
sont écoulés depuis la prophétie du Christ que Jérusalem sera détruite… Quand à ce qui
concerne la reconstruction de Jérusalem pour qu’elle devienne un centre pour un Etat
israélien qui sera reconstruit, nous devons ajouter que ceci contredit les prophéties du Christ
lui-même qui nous a annoncé d’avance que Jérusalem sera piétinée par les païens jusqu’à ce
que soit accomplie l’époque des nations païennes (Luca 21 ; 24) c.à.d. jusqu’à la fin des
temps ».
Sept ans après cette prise de position de l’Eglise Catholique, le Pape Pie X envoie
une réponse à Théodore Herzl, le fondateur du sionisme juif, lui disant : « Nous ne pouvons
tolérer ce mouvement (sionisme), nous ne pouvons interdire aux juifs de se diriger vers
Jérusalem, mais nous ne pouvons absolument pas l’accepter… Si vous venez en Palestine et
votre peuple s’installe là-bas, nous serons prêts, églises et moines à vous baptiser tous ».
Après la Déclaration de Balfour le Pape Benedict XV déclara à l’envoyé du
mouvement sioniste venu le rencontrer le 10 mai 1917 : «Non à une souveraineté juive sur la
Terre Sainte »…
Le 15 mai 1922, le Vatican envoie une Déclaration officielle à la Ligue des Nations,
critiquant avec véhémence la création d’un pays pour les juifs en Palestine. Les Anglais et les
Américains ont réussi à déjouer l’opposition du Vatican. Malgré ceci, le Vatican n’a pas cessé
de s’opposer à la judaïsation de la Palestine. En 1937, face à la volonté britannique de vouloir
partager la Palestine en deux états arabes et juifs, le Vatican s’oppose le 6 août 1937 au
gouvernement britannique qui revient alors sur son projet de division.
Les journaux catholiques américains ont fait écho de la position du Vatican : « La
Palestine n’est pas et ne sera pas un Etat pour le peuple juif ». Le Vatican a persisté dans
cette position même après le vote des Nations-Unies d’accepter Israël comme membre. Deux
semaines avant la reconnaissance par les Nations-Unies de l’Etat d’Israël, le Pape Pie XII
écrit le 1er mai 1948 : »En ce moment, il y a une cause qui nous attriste et fait saigner notre
cœur. Nous voulons parler de la cause des Lieux Saints en Palestine… Cette patrie c’est la
Palestine».
Le Vatican continue dans sa position opposée à la théologie du « sionisme
chrétien » qu’il considère comme des allégories et lui oppose par exemple dans Mathieu : »
Le Royaume de Dieu vous sera enlevé et donné à une nation qui produira ses fruits » ou la
doctrine de St-Paul dans les Galatiens : « Dans le Christ il n’y a ni juif ni grec ».
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Le Bx, le Pape Jean-Paul II déclare à son arrivée à l’héliport de Bethléem le 22 mars
2000 : « Le Saint Siège a toujours reconnu que lq peuple palestinien a le droit naturel de
posséder une patrie et le droit de pouvoir vivre en paix… » Nombreuses déclarations du
Vatican vont dans ce sens ; un autre exemple est l’intervention de S.Exc. Mgr Diarmuid
Martin à la 58ème session des Nations-Unies le 5 avril 2002…
CONCLUSION
Il est évident que les 20M de «sionistes chrétiens» n’ont rien en commun, sur le plan
théologique, dogmatique et interprétation des écritures bibliques avec les autres 2.2 milliards
de chrétiens. Malgré les objectifs finaux qui les opposent, les deux sionismes ont depuis plus
d’un siècle, une convergence d’intérêts; Ils influencent voire dirigent la politique des EU au
M-O pour la création d’Israël avec Jérusalem judaïsée comme capitale, la reconstruction du
Temple sur les ruines de la Mosquée Al-AQSA et la Restauration du peuple juif…
Partant des commandements bibliques «Tu ne tueras point, tu ne voleras point…», une
question se pose: Comment se fait-il qu’Israël, avec l’appui des «sionistes chrétiens», tue le
peuple Palestinien et vole sa terre, se basant sur une interprétation littérale des Ecritures?
Sami Antoine Khalifé
Ingénieur Physique
Beyrouth, le 2 novembre 2012.
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