A livre ouvert
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50 À L I V R E O U V E R T F r a n ç o i s - X a v i e r Lettre ouverte aux femmes de ces hommes (pas encore) parfaits… de Jacques Arènes Fleurus, 2005 P O U D A T en réalité aux femmes qu’il considère désormais comme “les hommes forts” du foyer et leur lance un vrai défi : N’est-ce pas à elles de réintroduire les hommes dans la vie du couple et de la famille, à elles de légitimer les pères ? C’est également un point de vue ancré dans une certaine représentation de la famille qui ne correspond peutêtre pas à tous les couples. - VOL. XIV, N°52 Cerveau, sexe et pouvoir De Catherine Vidal et Dorothée Benoit-Browaeys Belin, 2005 J acques Arènes est connu pour ses chroniques au journal La Vie, et de nombreux livres qui ont été remarqués comme Y a-t-il encore un père à la maison ? (Fleurus, 1997) ou La parole et le secret (Desclée de Brouwer, 2003). Il est psychanalyste et rédacteur en chef de la revue Imaginaire et inconscient. Jacques Arènes s’adresse aux femmes et aborde le thème très actuel de la fragilité, voire de la “faillite”, des hommes. Il témoigne du discours disqualifiant des femmes envers les hommes qui ne correspondent pas à leur idéal : “Tous les hommes sont des salauds, mais je ne parle pas pour vous bien entendu !”. Ce sont des propos qui traduisent les difficultés dans le couple, le temps de la séparation… Certaines femmes sont plus nuancées, précise-t-il, mais la déception domine et se décline : “Les hommes fuient avant l’engagement” ; “Ils sont absents dans le couple” ; “Ils ne sont pas présents pour les enfants” ; “Ils finissent par être infidèles…”. Les hommes n’agissent pas, et, quand ils le font, c’est de façon inadéquate. En tant que thérapeute, Jacques Arènes est confronté à un discours différent de la part des hommes qui le consultent, adoptant un profil bas, endossant le costume du coupable. Depuis la fin du patriarcat, les hommes ont du mal à trouver leurs marques : Ils adoptent ce “profil bas” ou s’enfuient, alors que, dans le même temps, les femmes tiennent un discours amer et désillusionné vis-à-vis d’eux. Ce livre est en réalité un entretien avec Vincent Villeminot, ce qui donne un caractère dynamique au discours, pour aborder la question de la crainte des hommes devant les femmes, du désir des hommes d’être père et des freins à le devenir. Jacques Arènes s’adresse libre volonté des individus ? Quelle doit être la marge d’intervention de l’état en matière sexuelle ? Ce livre répond à la plupart de ces questions en abordant les principales implications juridiques de l’exercice de la liberté sexuelle. À ce titre, il peut être un appoint dans notre compréhension de la sexualité, de ses comportements et de ses limites. La liberté sexuelle Sous la direction de Daniel Borrillo et Danièle Lochak PUF, 2005 C e très intéressant livre collectif coordonné par des juristes de l’université Paris X associe des historiens, des sociologues, philosophes et avocats, pour comprendre le degré de liberté de la représentation et du vécu de la sexualité dans la société. Est-ce une liberté ou un droit ? Quel est le statut de la liberté sexuelle ? Quelles limites a cette liberté ? Neutralité ou non de l’état ? Quelle protection pour les droits et les intérêts d’autrui ? Y a-t-il de nouveaux habits à la morale ? Quelle protection pour l’enfant ? À mesure que s’est affaibli le poids de la morale traditionnelle, à forte connotation religieuse, la liberté sexuelle s’est progressivement affirmée comme une dimension fondamentale d’autonomie individuelle et un élément de la vie privée qui doit rester à l’abri de toute ingérence étatique. Toutefois, les débats actuels autour de la prostitution, du harcèlement ou de la pornographie et la sévérité croissante de la répression des infractions sexuelles montrent les limites de cette évolution. Comme concilier des valeurs telles que liberté, égalité et dignité ? Jusqu’où le droit peut-il intervenir pour limiter la ous connaissons bien Catherine N Vidal, neuro-biologiste à l’Institut Pasteur à Paris, elle fait ici un petit ouvrage de vulgarisation des connaissances en matière de neurobiologie et de psychobiologie avec une journaliste scientifique, dans la collection “regards” chez Belin. Ce livre, très bien référencé, montre dans quelle mesure nos connaissances en matière de neuro et psychobiologie de la sexualité ont des limites, et ne correspondent certainement pas à tout ce qui est dit et popularisé dans les journaux. À ce titre, Catherine Vidal va remettre les idées en place en ce qui concerne la théorie des deux cerveaux, et des extrapolations trop larges qui en ont souvent été faites ; “l’affaire du corps calleux” qui avait beaucoup excité les médias dans la mesure où certains chercheurs avaient tenté de montrer que le corps calleux était plus épais chez les femmes, et qu’à partir de cette particularité, elles pouvaient avoir des facilités à mobiliser plus facilement leurs hémisphères en même temps ! Cela aurait également aidé à renforcer le stéréotype sexuel bien connu selon lequel les hommes ne pourraient faire qu’une seule chose à la fois ! Les travaux scientifiques sont contradictoires et l’on ne peut pas déduire grand-chose de variations non significatives. À la lumière des connaissances actuelles, ce livre lève de vieux préjugés sur les différences biologiques entre les hommes et les 51 femmes, rétablit quelques “vérités” et replace surtout le débat de la différence des sexes sur un terrain scientifique rigoureux au-delà des idées reçues. L’enjeu est de comprendre le rôle de la biologie, mais aussi l’influence de l’environnement social et culturel dans la construction de nos identités d’hommes et de femmes. Catherine Vidal répond donc clairement : Le cerveau a-t-il un sexe ? Oui, puisqu’il contrôle les fonctions de reproduction. Non, parce que la différence biologique entre hommes et femmes n’est pas discriminante. Un livre intéressant qui remet les idées en place et surtout donne des limites à une lecture peu rigoureuse des publications scientifiques. Petites infidélités dans le couple De Patrick Blachère et Sophie Rouchon Albin Michel, 2005 atrick Blachère est bien connu dans P notre domaine de la sexologie, il est psychiatre et enseignant en sexologie à l’université de Lyon. “S’engager aujourd’hui dans une vie à deux oblige à tenir compte des “scores” actuels du divorce.” Le livre de Patrick Blachère commence ainsi en posant des réalités qui sonnent comme des limites de la vie conjugale : “On n’aime pas beaucoup l’idée que la moitié des hommes mariés et une épouse sur trois trompent au moins une fois leur conjoint.” Patrick Blachère interroge le phénomène de la fidélité à la fois dans nos racines animales, chez nos cousins les singes où les femelles en pincent parfois pour des inconnus, mais aussi chez les campagnols des montagnes qui semblent, à l’opposé de leurs cousins des plaines, génétiquement fidèles à leur partenaire. Existe-t-il une prédisposition à l’adultère et/ou une régulation sociale de l’interdit. Personne ne peut aujourd’hui répondre à cette question. Quoi qu’il en soit, l’adultère et l’infidélité existent et ce petit livre nous en donne une description, une compréhension mais également quelques conseils pour “limiter les dégâts”. Les limites en sont bien précisées : ce livre n’est ni un manuel du “savoir trom- per”, ni un bréviaire pour supporter les incartades de son conjoint avec résignation. Il répond simplement et très clairement à des questions que chacun se pose : Pourquoi est-il si difficile de rester fidèle ? Les besoins masculins et féminins sont ils différents ? Est-il normal d’être jaloux ? Comment vivre avec un conjoint volage ? L’échangisme est-il bon pour le couple ? Comment sortir d’une crise de couple à la suite d’une infidélité ? Le style et la clarté de ce livre le rendent accessible à tous, notamment par une finesse et une justesse de l’analyse des attitudes qui le rendent très parlant. Par exemple : Dis-moi comment tu aimes, je te dirai qui doit se méfier. Trois cas de figure sont ainsi évoqués : Il dépend de moi ; il me valorise ; il est ma conquête… Il est évident que selon le type d’attachement ou de représentation du couple, nos attitudes et nos relations sont alors différentes. Ce petit livre très pratique peut être utilement indiqué à nos patients pour se “repérer” dans un moment difficile de leur couple ; il peut aussi nous aider à mettre un cadre bien précis sur des situations difficiles à gérer. Mesure et démesure du couple de Jean Kellerhals, Eric Widmer et René Levy Payot, 2004 e très nombreux ouvrages ont été D écrits sur le couple, ses crises, sa prise en charge, etc. Ils émanent pour la plupart de thérapeutes, rares sont ceux qui nous proposent une analyse, des modèles et des outils pour cette analyse. Ce travail émane d’une équipe suisse ayant effectué un remarquable travail d’enquête sur 1 500 couples vivant en union hétérosexuelle. Les trois auteurs sont sociologues, professeurs aux universités de Genève et de Lausanne, tous trois reconnus pour leurs recherches sur le couple, la famille ou les inégalités de genre. Ils insistent tout d’abord sur les cinq changements démographiques qui ont marqué les quatre dernières décennies : l’aug- mentation du taux de divorces, multipliés par trois ou quatre ; la généralisation des unions libres ; le développement des familles recomposées ; la transformation des identités sociales et psychologiques des genres féminins et masculins ; la profonde évolution des cycles de vie de la famille traditionnelle vers des trajectoires individualisées. La dynamique conjugale a ainsi profondément évolué autour de l’opposition presque constante du projet familial et de l’individualisme qui amène des contradictions internes dans le couple et des réactions diverses comme tension, ambivalence, nomadisme, éloignement… Le travail analytique sur cette large cohorte de couples les amène à définir cinq styles de conjugalité : le style “bastion”, caractérisé par un niveau élevé de fusion, cultivant la similitude des goûts et des opinions et valorisant les activités communes ; le style “cocon”, toujours dans la fusion mais profondément marqué par une clôture du couple qui se ferme sur luimême sort peu, évolue dans un cercle restreint ; le style “association”, qui met en avant l’autonomie des conjoints ; le style “compagnonnage”, assez fusionnel, partageant les goûts et les activités, mais ouvert sur l’extérieur et en interaction avec les autres ; le style “parallèle”, avec des activités propres à chacun, des goûts, des idées, un imaginaire séparés. Cette lecture sommaire n’est qu’une évocation d’une analyse complexe, profonde et utile des styles conjugaux. Dans leur grand échantillon, la répartition de ces types est inégale : les styles “association” (29 %) et “compagnonnage” (24 %) sont plus fréquents que les trois autres (de 15 à 17 %). Mais il est plus intéressant de réfléchir au mode adaptatif de ces différents styles en situation de problème conjugal ou de conflit. Cette discussion point à point est tout à fait passionnante, elle ne dégage pas réellement de règles mais nous permet d’utiliser cette grille de lecture pour mieux comprendre les constellations conjugales que nous rencontrons. La dernière partie de l’ouvrage est consacrée à la gestion des problèmes et aux stratégies d’adaptation selon le style conjugal. Un ouvrage utile et nécessaire à notre approche des couples car il propose des modèles là où nous n’avons d’habitude que des hypothèses. - VOL. XIV, N°52 52 Nos déclarations d’amour Isabelle Yhuel La Martinière, 2005 Isabelle Yhuel est réalisatrice à D France Culture et journaliste. Elle a écrit de nombreux ouvrages dont Quand les femmes rompent (Lattès, 1999) et Les femmes et leur plaisir (Lattès 2001). Ce nouveau livre est un florilège d’érudition, reprenant de grandes pages de la littérature amoureuse, des correspondances, des journaux intimes, etc. dans un style d’une grande limpidité qui nous accompagne de la première à la dernière page. Si la pudeur conditionnait autrefois l’économie des mots (“Je crois que je n’ai jamais dit “Je t’aime” à mon mari. Ce n’était pas la peine car il y a des gestes qui le disent plus sérieusement que les mots”, témoigne Marcelle, 83 ans), (“J’ai très peu souvent dit “Je t’aime” à une femme”, raconte Georges, né en 1911), les plus jeunes générations manient facilement le verbe (“J’ai sciemment murmuré un “Je t’aime” tout en faisant comme si je l’avais prononcé à mon insu”, raconte Blandine, 38 ans). À travers de très nombreux exemples et fines histoires qu’elle a recueillies, Isabelle Yhuel montre toute la réserve, la retenue, parfois même l’ambivalence des “Je t’aime”, qui ne sont jamais si faciles à dire. “L’amour ne va pas sans dire”, écrivait Lacan, toute la difficulté de l’expression des sentiments est contenue dans - VOL. XIV, N°52 cette phrase entre désir et retenue. Isabelle Yhuel nous montre la diversité des attitudes puis développe un très joli thème, celui de la durée des “je t’aime”, qui est certainement un indicateur de la complicité de l’instant, parfois même un pacte sur l’avenir. Le sous-titre de ce très beau livre, Ce que nous disons quand nous disons je t’aime, ne peut être qu’une incitation à la lecture. Voyage au centre de la terre-mère, Jules Verne chez le psychanalyste de Michel Sanchez-Cardenas Albin Michel, 2004 lors que nous sommes entrés dans A l’année Jules Verne, dont nous rappelons la naissance à Nantes, un auteur nantais a osé, et je peux le dire, de manière extrêmement captivante et divertissante, effectuer une lecture psychanalytique personnelle du Voyage au centre de la Terre de Jules Verne. Cet ouvrage est un champ d'investigation privilégié, son titre : Voyage au centre de la terre-mère, ou Jules Verne chez le psychanalyste. Sous les apparences d’un récit d’aventures, le Voyage au centre de la Terre constitue, nous dit l’auteur, l’exemple même du récit initiatique : Axel, jeune orphelin timoré, s’en va braver mille dangers et, victorieux, il devient un adulte courageux, prêt à prendre femme. Mais c’est un récit hautement métaphorique. Verne nous entraîne ainsi dans un véritable Voyage au centre du psychisme. Lourd d’une symbolique sexuelle omniprésente, ce roman, nous dit l'auteur, navigue entre le désir inconscient d’une fusion incestueuse avec la terre et l’interdit œdipien. Il montre en somme comment se met en place la découverte sexuelle pour le jeune garçon dans son inconscient et quels cheminements, masqués par le refoulement, celui-ci doit suivre. Michel Sanchez-Cardenas, psychiatre et psychanalyste nantais, membre de la Société Psychanalytique de Paris et du London Bilogic Group, ne manque pas, dans un langage clair et didactique, de rappeler les notions analytiques nécessaires à son exposé. Par ailleurs, je voudrais vous convier à la lecture de son dernier ouvrage, écrit sous le pseudonyme de Zygmunt Freudsky aux éditions Azoi Press, ouvrage au titre énigmatique mais prometteur : L'homme aux Phoques (http://perso.wanadoo.fr/azoipress/start.htm) – Extraits de la psychanalyse d'un patient souffrant de névrose baltique. Ce livre est d'une drôlerie provocatrice à souhait, d'une richesse pédagogique étonnante, foi de comportementaliste !