PLANTES DANGEREUSES PLANTES DANGEREUSES

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PLANTES DANGEREUSES PLANTES DANGEREUSES
PLANTES DANGEREUSES
Francis Trotin
Université de Lille
Nous aimons nous entourer de plantes, les cultiver, profiter de leur apport esthétique, acquérir telle ou telle
ornementale, acheter telle "nouveauté" venant maintenant facilement de l'autre côté du globe, collectionner.....profiter de la flore sauvage lors d'une promenade ... et rapporter un pied à repiquer qui a séduit par
son aspect. Parfois les plantes s'installent d'elles-mêmes
au milieu de nos plantations : quelques petits coins plus
touffus ou négligés, et les voilà installées, les oiseaux
vont se charger de les propager si elles-mêmes ne sont
pas parfois prolifiques. Cela fait bien du monde. Certaines présentent un risque. Tout végétal n'est pas comestible, tout n'est pas anodin en cas d'ingestion ou de
contact. Voyons quelques notions sur ces risques. Excluons les plantes allergisantes ou responsables de dermatoses, sujet traité au cours de ce colloque par le Dr.
Couteaux
1. Il vaut mieux être informé du caractère inhabituel ou
dangereux d'un minimum de plantes, bien qu'un peu de
bon sens puisse nous aider. Pour simplifier très fort,
essayons de nous demander: pourquoi cela ne se manget-il pas habituellement?
Réponses possibles:
- c'est nouveau/inconnu (plantes nouvellement introduites).
- c'est un médiocre comestible ou malcommode à employer (ex: fruits des aubépines monogyne/laevigata,
farineux, petits).
- des emplois alimentaires anciens ont été plus ou moins
oubliés, allant de pair avec la concurrence de légumes
productifs, améliorés, répondant aux goûts (ou à la pauvreté du goût). Les exemples sont nombreux de plantes
remises "à la mode" en cuisine, faisant voisiner jeunes
feuilles de bourrache et rosettes de bourse à pasteur. De
ce point de vue, des spécialistes nous éclairent dans
l'édition actuelle.
- c'est fade, farineux ou déplaisant : amer, astringent
(Rosacées,
Lamiacées,
Astéracées),
âcre
(Renonculacées), piquant (Brassicacées, Alliacées).
- la plante n'est consommable que très jeune, ou prétraitée à l'eau chaude : coutumes locales de consommation
de plantes agressives sauf aux stades précoces : Tamier...
c'est connu comme dangereux: en vedette, la digitale…
2. Les franchement dangereuses : il y a des "familles à
risque", car riches en espèces à actifs toxiques,
(éventuellement médicamenteux). De ce point de vue,
dans le domaine ornemental, il vaudrait mieux par principe être très méfiant vis à vis de toute nouvelle plante
introduite qui sera proposée et ressemblera à une Aracée (genres : Arum etc...), à une Euphorbiacée (Ricin,
Euphorbes...), ainsi qu'à des Liliacées (Vérâtre, Colchique, Gloriosa, Urginea..), des Solanacées (Belladone,
Datura, Solanum, Nicotiana..). Les Renonculacées ont
quelques genres très dangereux aussi (Aconitum, Delphinium, Helleborus, Ranunculus...). N'oublions pas les
Thyméléacées, Anacardiacées, mais il faut arrêter là.
3. Un facteur est la perte d'habitude liée au mode de vie
actuel. Un environnement pur béton, des plantes apprêtées et civilisées sous cellophane, des fruits en barquettes (quand on les a vus autrement qu'en gelée) peuventils expliquer un certain nombre de méprises qui nous
paraîssent étonnantes : baies rouges, légumes-racines,
feuilles d'Apiacées.
4. Ajoutons à notre armement un minimum d'observation (on ne sait plus beaucoup observer). Les amateurs
de plantes et jardiniers (qui ne sont pas les seuls) ont en
général ce sens, allant de pair avec un peu de patience...
Bien sûr, observation demande éducation. Les premières fois qu'un néophyte fait une sortie "plantes" dans la
nature, il n'y voit rien ; passe à côté alors que les habitués voient tout.
Oui, un fruit rouge de Daphne mezereum, c'est rouge et
mou comme une groseille, non, il n'est pas en grappes.
Ses rameaux sont clairs, courts, portent des points
bruns, les fleurs et fruits sont sessiles, et les feuilles
(simples, étroites) réunies en haut de la tige, de quoi
trouver que le "groseillier" est bizarre… De toute façon, vous allez le savoir immédiatement en goûtant un
seul fruit, mais ce peut être assez grave très vite. Ces
réflexions "Daphne" sur les différences d'aspect, bien
sûr, ne valent en aucun cas pour un enfant.
Un petit coup d'œil permet facilement de différencier
une tige tachetée de pourpre d'une tige vert uni, des
* contrairement à tout ce qu'on lit à ce jour, une tache d'encre ou de
feuille de plante n'a pas d'accent circonflexe.
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feuilles opposées (gentiane) et des feuilles alternes
(vérâtre). Si l'on froisse une feuille de petite ciguë, elle
est inodore par rapport au cerfeuil cultivé, et d'ailleurs,
son ton vert foncé aurait déjà suffi en l'absence de ses
ombelles avec des bractées en languettes retombantes...
5. Qui est sujet à accident ? Les données que l'on peut
avoir des Centres Anti Poison montrent que les appels
concernant les végétaux supérieurs (appel n'est pas intoxication, il y a aussi des demandes de renseignements
ou de conseils de prévention) sont une petite proportion
du total: on tourne de 3 à 6% selon les régions et les
pays. Les sujets les plus incriminés sont les enfants, et la
moitié environ d'entre eux a 3 ans ou moins. La proportion diminue en montant en âge et est faible pour les
adultes.
Chez ces derniers, la confusion avec une plante alimentaire (fruits d'anis vert, fenouil/ciguë; racines d'Apiaceae toxiques/racines comestibles ; laurier-sauce/laurierrose), parfois une médicinale, est assez classique. On
rencontre enfin quelques cas de tentatives de suicide.
6. A propos de la phytothérapie traditionnelle, il y a
beaucoup à dire: on rencontre parfois des cas de doses
d'emploi ou préparations inadaptées de plantes, certes
médicinales, mais dangereuses et inutilisées de nos jours
à cause de leurs inconvénients (douce-amère). Des
conseils de rebouteux aboutissent encore à des applications locales (arthrose, contusions) de plantes très irritantes (petite douve), quand on ne trouve pas au marché des tranches de tamier. Chaque cas peut apparaître
anecdotique et farfelu, mais alimente la rubrique chez
les professionnels notamment hospitaliers qui en ont
connaissance. La bibliographie scientifique et l'ethnopharmacologie montrent que certains pays d'Europe ont
conservé parfois plus que nous des traditions d'emplois
médicinaux encore vivaces: Italie, Pologne, emplois qui
couvrent aussi les soins vétérinaires.
7. Des inattentions grossières sont parfois à l'origine de
quelques accidents : bulbes de narcisses traînant à la cuisine et finissant dans le coq au vin. Mais aussi le vase du
muguet et son eau qu'on a laissé un moment sur la table
après avoir jeté les fleurs fanées. Le nombre est limité,
mais cela se reproduit de temps en temps.
8. Facteurs influant sur la rencontre avec le végétal dangereux :
- caractère attirant/coloré : les fruits, spécialement rouges ou noirs, mais pas seulement (symphorine). Quelques toxiques aggravent leur cas en ayant un goût agréable (vérification personnelle : belladone).
-saison : encore les fruits...été, automne...
-abondance : plante sauvage s'installant en colonies
(Arums) , plante ornementale en massifs (Houx,
Troêne, Cotoneaster, Pyracantha...).
- graines nombreuses et toxiques, fruits secs s'ouvrant
facilement ou seuls (Datura)
- hauteur/accessibilité : plante basse (Arum) ... (on ne va
pas chercher le gui en été)...
- persistance/durée, notamment de la fructification ;
plante de jardin, et d'intérieur (Solanum, Aracées) ...
- abondance dans la flore locale : Apiacées des lieux humides, grande Ciguë, Bryones, Tamier, Laurier rose,
Daphne, Belladone...
Quelques facteurs diminuent au contraire la fréquence
des accidents, alors que la plante est parfois assez dangereuse: couleurs peu attirantes, hauteur plus importante, caractère coriace des feuilles qui sont plus épaisses, piquants/épines, âcreté, odeur déplaisante si on
brise.
Petit panorama rapide et incomplet
de quelques plantes dangereuses.
Les sauvages
(certaines sont aussi cultivées ou présente des variétés
d'ornement)
Arbustes:
Troène,
Fusain d'Europe,
Bourdaine
Arbrisseaux, lianes ligneuses
Daphne
Chèvrefeuilles
Douce-amère
Outsider: le Gui
Herbacées:
Belladone
Datura
Jusquiames
Grande cigüe
Oenanthes
Petite cigüe
Digitales: pourpre, jaune
Hellébores: noir, vert, fétide
Renoncules et douves, anémones
Clématite des haies
Bryone
Tamier
Morelle noire
Arums
Colchique
Parisette
Sceau de Salomon
Chélidoine
Euphorbes: épurge, petit-cyprès,
réveil-matin...
Mercuriales....
Etc.
Les ornementales extérieures
Arbres:
If
Arbustes:
Cytise
Laurier-Cerise
Cotoneaster, Pyracantha
Laurier rose
Brugmansia
Genêt à balais
Genêt d'Espagne
Herbacées Digitales
Muguet
Aconits & Delphiniums
Ricin
Amaryllidacées: Hippeastrum, Narcisse,
Jonquille, Perce-neige etc.
Arums, Zantedeschias
Les ornementales intérieures
Aracées:
Philodendron, Monstera
Dieffenbachia, Caladium, Anthurium etc.
Euphorbiacées: Ponsettia, Codiaeum (Croton)
Solanacées: Solanum pseudocapsicum.
Etc.
Jardins, environnement et santé
11e colloque scientifique de la SNHF
15 mai 2009
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