STRIPPING: UTILE OU NON
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STRIPPING: UTILE OU NON
STRIPPING: UTILE OU NON QUESTION : Le décollement des membranes chez les grossesses à terme non compliquées est-il efficace et sécuritaire pour diminuer les grossesses post-termes et les inductions? AUTEUR : Kimberly Ridgeway (Septembre 2009) P : Femmes enceintes d’une grossesse à terme non compliquée I : « Stripping » des membranes entre 38-40 semaines C : Pas de stripping O : Diminution des inductions et prévention des complications des grossesses post-termes CONTEXTE : Le décollement des membranes est une intervention qui est reconnue pour son potentiel à initier le travail en augmentant la production locale de prostaglandines. Pendant mon stage d’obstétrique, j’ai vu plusieurs patientes arriver à la salle d’accouchement en travail suite à un décollement des membranes fait plus tôt au bureau. Je me suis alors demandée si cette méthode est efficace et sécuritaire pour diminuer les inductions et les complications des grossesses post-termes. Mon exposition était bien entendu biaisée, car je ne voyais que les patientes chez qui le décollement avait fonctionné ou avait causé des saignements. RECHERCHE : Dans Cochrane, Ovid (MEDLINE + EMBASE), Pubmed, Trip Database Mots clés: sweeping, stripping, induction, labor J’ai trouvé 1 revue systématique et 3 RCT subséquents. RÉSULTATS : 1. Boulvain M, Stan CM, Irion O. Membrane sweeping for induction of labour. Cochrane Database of Systematic Reviews 2005, Issue 1. VALIDITÉ Études issues de « Cochrane Pregnancy and Childbirth Group trials register » (6 juillet 2004) qui fait des recherches exhaustives dans différentes banques de données 22 études incluses (2797 femmes, de 1977 à 2002). De celles-là, 14 comparent le décollement à aucun traitement (habituellement un toucher vaginal simple) chez les femmes avec un âge gestationnel de 36 à 40 semaines. Qualité des études : De ces 14 études, 3 ne décrivent ni leur processus de randomisation ni le masquage de l’allocation. Dans 5 autres études, bien que la randomisation soit décrite, le masquage de l’allocation ne l’est pas. Il n’y a donc que 6 études qui répondent à ces deux critères. 1 Dans leur conclusion, les auteurs mentionnent que dans la majorité des études les cliniciens et les patientes n’étaient pas à l’insu de l’intervention réalisée. Ils mentionnent aussi un possible biais de publication. RÉSULTATS: Césarienne : Col non favorable : Primipare : Multipare : RR 0.90 (0.70-1.15) NS RR 0.98 (0.49-1.95) NS RR 0.68 (0.33-1.42) NS pas de données Mortalité ou morbidité néonatale: Col non favorable : Primipare : Multipare : RR 1.28 (0.31-5.14) NS impossible à estimer RR3.0 (0.13-71.92) NS pas de données Mortalité ou morbidité maternelle : Hémorragie post-partum: impossible à estimer RR 0.31 (0.11-0.89) (I2 = 62% NNT = 19) D’autres issues cliniques présentant un intérêt sont rapportées mais n’étaient pas spécifiées au début des études. Pas d’accouchement à 41 semaines : Primipares: RR 0.59 (0.46-0.74) (I2 = 83% NNT = 9) RR 0.46 (0.31-0.68) (I2 = 80% NNT =6 ) Pas d’accouchement à 42 semaines : Col non favorable : RR 0.28 (0.15-0.50) (I2 = 0% NNT = 11) RR0.03 (0.00-0.42) (une seule étude NNT = 2) Inconfort durant l’examen vaginal : RR 2.83 (2.03-3.96) (I2 = 0% NNH = 3) Saignement vaginal : RR 1.75 (1.08-2.83) (I2 = 0% NNH = 12) Contractions sans travail : RR 3.20 (1.63-6.28) (une seule étude NNH = 4) Besoin d’induction : Col non favorable : Primipare : Multipare : RR 0.60 (0.51-0.71) (I2 = 76% NNT = 7) RR 0.51 (0.37-0.71) (I2 = 87% NNT = 4) RR 0.51 (0.38-0.69) (I2 =82% NNT = 6) RR 0.73 (0.49-1.09) NS Infection maternelle : RR : 1.05 (0.68-1.65) NS Infection néonatale : RR : 0.92 (0.30-2.82) NS Rupture prématurée des membranes RR1.14 (0.89-1.45) NS (NS dans tous les sousgroupes; pas de sous-groupes spécifiquement sur col dilaté) Similarité des résultats : Lorsqu’on regarde les « forest plots » il ne semble pas avoir de grande disparité entre les résultats des études individuelles et le résultat final de l’analyse. Toutefois certains résultats ont un I2 très élevé. On est donc en droit de se demander si on doit se fier à ces résultats. 2 APPLICABILITÉ Grossesses de 38 semaines et plus, en général non compliquées. Dans plusieurs études, les femmes dont le col est non favorable ou le score de Bishop est inférieur à 5 sont exclues. Autrement, la similarité avec les patients est grande. Dans plusieurs études le décollement est fait aux semaines ce qui diffère un peu de notre pratique. Il serait intéressant d’avoir des études en fonction de la parité et de la maturité du col de façon combinée. 2. Hill MJ. McWilliams GD. Garcia-Sur D. Chen B. Munroe M. Hoeldtke NJ. The effect of membrane sweeping on prelabor rupture of membranes: a randomized controlled trial. Obstetrics & Gynecology. 111(6):1313-9, 2008 Jun. DESCRIPTION 300 patients, Honolulu (Hawaï), entre mars 2006 et mai 2007. 162 groupe traitement, 138 groupe contrôle. Décollement à chaque semaine à partir de 38 semaines. Induction à 41 semaines si pas de travail spontané. VALIDITÉ Randomisation par ordinateur. Patients comparables dans les 2 groupes. Tous à l’insu sauf la personne qui performe le stripping et le clinicien responsable des suivis obstétricaux. Personnel de la salle d’accouchement et médecin qui recueillait les données dans le dossier étaient à l’insu du groupe d’assignation. Aussi, il est attendu que plusieurs patients seront en mesure de deviner leur allocation suite à l’inconfort causé par l’intervention. Masquage de l’allocation semble adéquat mais aurait pu être plus clair. Aucune perte au suivi (100%) Analyse selon l’intention de traiter. IMPORTANCE DES RÉSULTATS Césarienne : p 0.22 NS Induction : p 0.15 NS Travail spontané: p 0.92 NS Rupture spontanée des membranes : p 0.12 NS Grossesses de 42 semaines ou plus : p 1 NS PROM : Non significatif Total: p 0.19 NS Nullipares: p 0.46 NS Multipares : p 0.33 NS Dilatation 1 cm ou moins : p 0.89 Dilatation plus de 1 cm : RR 1.10, (95% IC 1.03–1.18) p < 0.05 4.9% vs 0% (NNH = 20) 3 Différence non significative pour endométrite, chorioamnionite, infection néonatale, admission aux soins intensifs. APPLICABILITÉ Grossesses à terme (38 semaines et plus) non compliquées. Bonne similarité avec mes patients et la population choisie. Par contre, cette étude se penche davantage sur la rupture spontanée des membranes résultant du « stripping » et le nombre de patients a été choisi afin de détecter une différence significative pour cet « outcome » primaire. L’analyse par sous-groupe suggère que le stripping amène une augmentation des ruptures prématurées des membranes chez les femmes dont le col est dilaté à plus de 1 cm. Cela ne se traduit pas en une augmentation statistiquement significative d’induction selon cette étude. Par contre, toutes les femmes qui ont eu une rupture prématurée des membranes ont nécessité une induction. Les paramètres pertinents à ma question (grossesses posttermes, inductions) sont plutôt des « outcomes » secondaires alors je prends moins en compte le manque de différence statistiquement significative, car l’étude n’a pas été conçue dans ce but. 3. Kashanian M, Akbarian A, Baradaran H, Samiee MM. Effect of membrane sweeping at term pregnancy on duration of pregnancy and labor induction: a randomized trial. Gynecol Obstet Invest. 2006;62(1):41-4. Lieu: Akbarabadi Teaching Hospital in Tehran,Iran DESCRIPTION : 122 femmes avec un âge gestationnel de 39 semaines. Grossesse sans complications, un seul fœtus avec présentation céphalique et membranes intactes. 60 femmes groupe traitement (décollement des membranes; si le col ne permettait pas l’insertion d’un doigt il était massé pendant 2 minutes) et 62 groupe contrôle (examen vaginal). Induction à 41 semaines si pas de travail spontané. VALIDITÉ Randomisation par bloc mais les patientes choisissaient leur enveloppe. Âge maternel, parité, score de Bishop similaires dans les 2 groupes. Masquage de l’allocation : enveloppes opaques, scellées mais reste douteux. À l’insu : Les patientes et le médecin assurant le suivi de la patiente étaient à l’insu du groupe d’assignation. % ayant complété l’étude : 83% groupe traitement, 82% groupe contrôle Analyse selon l’intention de traiter : NON 4 IMPORTANCE DES RÉSULTATS Jours entre le « stripping » et l’accouchement : 7.7 jours +/- 6.9 jours groupe traitement vs 7.1 +/- 5.6 groupe contrôle p 0.61 NS Rupture des membranes : 4 % vs 7.8% groupe contrôle p 0.68 NS LA teinté de méconium : 16% vs 10% Fièvre maternelle : 6% vs 4% p 0.39 NS p 0.68 NS Saignement vaginal significatif pas observé (aucune définition ou chiffre à l’appui) APPLICABILITÉ Grossesses de 39 semaines et plus, non compliquées La population répond aux critères de ma question, mais les croyances des patients et les pratiques obstétricales en Iran divergent sans doute de nos croyances et pratiques ici au Canada. La validité et la qualité de cette étude ne sont pas optimales, les « outcomes » observés sont incomplets et la puissance de cette étude est sans doute insatisfaisante. Pour ces raisons, je ne tiendrai pas compte de ces résultats dans mon interprétation. 4. Miranda E, van der Bom JG, Bonsel GJ, Bleker OP, Rosendaal FR.Membrane sweeping and prevention of post-term pregnancy in low-risk pregnancies : a randomised controlled trial. BJOG. 2006 Apr;113(4):402-8. Epub 2006 Feb 20. DESCRIPTION : Cette étude répond à une question légèrement différente, mais j’ai décidé de la conserver quand même car elle ajoute des éléments d’analyse intéressants) 750 femmes à 41 semaines de gestation. Décollement des membranes chaque 2 jours jusqu’au travail ou 42 semaines. Lorsque décollement impossible à cause d’un col fermé, un massage du col était effectué pendant 15 secondes. VALIDITÉ Randomisation par blocs de 25 (méthode non spécifiée). Groupes similaires (âge maternel, âge gestationnel, parité) Masquage de l’allocation : Enveloppes opaques scellées numérisées distribuées dans les différentes maisons de naissance. Les sages-femmes n’étaient pas au courant de la méthode de randomisation. Résultats stratifiés par centre pour éliminer différences entre pratiques des sages-femmes. 5 Pas à l’insu car l’intervention est posée (ou non) par la sage-femme et les femmes du groupe contrôle n’ont pas du tout d’examen vaginal. Bon suivi, seulement 1 « lost to follow-up » dans chacun des groupes + certaines exclusions Analysé par « intention-to-treat », : NON mais chiffres analysés très près des chiffres randomisés. IMPORTANCE DES RÉSULTATS Diminution significative des grossesses post-terme : RR 0.54 (95% IC 0.42-0.70); NNT 6, particulièrement dans les premiers 2 jours. Diminution du besoin d’induction après 42 semaines apparente seulement chez les multipares ((27/177 versus 47/175, RR 0.57 (95% IC 0.37-0.86), pas d’effet chez les nullipares (57/198 versus 60/192, RR 0.92 [95% IC 0.68–1.25]). Augmentation des inductions avant 42 semaines : RR 1.80 (1.06-3.08) entre autres pour rupture des membranes > 24 heures : 3% vs 1% Diminution du temps entre la randomisation et l’accouchement par 1 journée ( 3.5 vs 4.47 jours) Aucune différence sur la rupture prématurée des membranes, le mode d’accouchement, l’augmentation du travail, le faux travail, la fièvre, l’analgésie, le bienêtre fœtal. Effets secondaires : Augmentation des saignements (111/364 vs 16/345, RR 6.58 [95% CI 3.98–10.87]). Fréquence et caractère des contractions similaires, mais plus prolongées dans le groupe d’intervention Niveau de douleur de l’intervention même : ♦ Pas douloureux : 31% ♦ Un peu douloureux : 51% ♦ Douloureux ou très douloureux : 17% 88% choisirait d’avoir un décollement des membranes à une grossesse suivante. APPLICABILITÉ Bonne similarité avec mes patientes, Intervention effectuée à tous les 48hrs, ce qui ne reflète pas vraiment notre pratique ici au Québec. Quel est le nombre moyen d’interventions nécessitées pour chaque femme? Cela ne nous permet pas non plus de comparer le décollement multiple au décollement unique tel que nous le pratiquons ici. 6 Il aurait été intéressant d’évaluer le décollement des membranes en fonction du score de Bishop afin de déterminer qui en bénéficierait davantage. Cependant, les observations portent à croire que le score de Bishop est comparable chez les nullipares et multipares. Cette étude semble démontrer que la diminution des inductions post-terme s’applique davantage aux multipares. Il est possible que l’analyse par sous-groupes diminue la puissance de l’étude et nous empêche d’apprécier l’effet chez les nullipares. CONCLUSION : À la lueur de cette revue systématique et de ces études plus récentes, le « stripping » effectué chez les femmes qui ont une grossesse à terme non compliquée me semble sécuritaire et probablement efficace pour diminuer les grossesses post-termes. Pour ce qui est des inductions, elles semblent être diminuées après 42 semaines mais il existe une contradiction avant 42 semaines. Les études s’adressent par contre à une population légèrement différente (40 semaines et moins vs 41 semaines) alors c’est à prendre avec un grain de sel. La question qui se pose relève surtout de la valeur cliniquement significative de cette intervention. En effet, le taux de césarienne et de complications demeure inchangé, tandis que les effets secondaires sont augmentés. Je crois que la réponse à cette question dépendra plutôt des croyances et attentes de chaque patiente. Je serais donc portée à offrir le décollement des membranes à mes patientes à terme dont la grossesse est non compliquée, primipares et multipares, tout en leur expliquant les avantages observés et les effets secondaires. L’effet néfaste qui demeure non élucidé selon moi est l’association avec la rupture prématurée des membranes, qui n’est pas reproductible d’une étude à l’autre. Les études tendent à démontrer que certains groupes sont plus susceptibles de bénéficier du « stripping ». Il serait intéressant de tenter de cibler plus précisément cette population, basé sur des critères tels que la maturité du col, la parité, etc. 7