Sommes nous vraiment faits pour dormir ensemble
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Sommes nous vraiment faits pour dormir ensemble
GÉO & POLITIQUE TÉLÉVISIONS Droit d’inventaire au Royaume-Uni Le bon parti des TV américaines Emmanuel Le Roy Ladurie : « Les paysans survivront ! » Fox News ou MSNBC ont choisi leur candidat... et ça paye L’historien analyse les menaces sur l’agriculture française PAGE 17 Les piliers de l’establishment sont ébranlés par la crise et les scandales Dimanche 21 - Lundi 22 octobre 2012 - 68e année - N˚21074 - 1,60 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr --- Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directeur : Erik Izraelewicz Lesderniers joursdeKadhafi Les conseils me de M Royal à M. Hollande t Enquête sur la mort du dictateur libyen et le rôle des services français Q ue s’est-il vraiment passé le 20 octobre 2011 sur la route à quatre voies à l’ouest de Syrte ? Comment est mort le « Guide », qui avait dirigé la Libye pendant quarante ans ? Les envoyés spéciaux du Monde, Christophe Ayad et Benjamin Barthe, ont reconstitué les dernières heures de la fuite du dictateur. Depuis la maison du district numéro 2 de Syrte où il avait trouvé refuge jusqu’aux canalisations sous la route à quatre voies où il fut repéré et tué. Il semble que les forces françaises, ayant situé la bande des fuyards grâce au téléphone portable de Kadhafi, aient ensuite bombardé leur convoi, causant la mort de 53 fidèles du « Guide ». Mais qui a finalement tué le leader libyen ? Des insurgés ivres de vengeance ou un membre des forces spéciales françaises au sol ? Toutes les pistes paraissent envisageables. p Page 16 t Dans un entretien au « Monde », l’ex-candidate estime que le pouvoir doit lancer des réformes de structure et donner un cap clair t Elle rappelle qu’elle « peut toujours être utile au pays » Lire pages 7 et 18 Ségolène Royal à Paris, le 17 octobre 2012. ROBERTO FRANKENBERG/MODDS POUR « LE MONDE » Le Liban hanté par la peur de la contagion syrienne Europe, les trois crises à venir L UK price £ 1,70 e conseil européen des 17 et 18 octobre à Bruxelles n’a rien donné. Au fond, c’est rassurant. Signe que l’Europe est sortie de la phase la plus aiguë de la crise, lorsque, de sommet de la dernière chance en réunion de crise, les dirigeants européens s’efforçaient de sauver l’euro. Depuis le pic de la crise, atteint il y a un an au G20 de Cannes, l’Europe s’est dotée d’un pacte budgétaire et d’un mécanisme de solidarité. Elle va mettre en place, bon an mal an, une union bancaire. De nouveaux dirigeants, Mario Monti en Italie et Mariano Rajoy en Espagne, décident de réformes courageuses. La Banque centrale européenne (BCE), pendant l’été 2011, a garanti la survie du système. Les failles de construction de Maastricht sont largement corrigées. Après la crise de l’euro, voici venir les temps des crises de l’Eu- rope. La première sera budgétaire : en octobre, les dirigeants européens s’écharperont sur le budget communautaire pluriannuel. S’annonce un affrontement entre les défenseurs des avantages acquis – agriculture, aides régionales dont les vertus méritent d’être sérieusement vérifiées – et ceux qui plaident pour un budget ambitieux, tourné vers les investissements d’avenir et le capital humain. Le premier ministre britannique, David Cameron, dont le Editorial pays bénéficie d’un rabais négocié par Margaret Thatcher en 1984, a annoncé la couleur en menaçant par avance d’imposer son veto. La deuxième crise opposera la zone euro à l’Union européenne à Le regard de Plantu 27. L’intégration économique de l’union monétaire devient telle qu’elle rend quasi impossible le maintien d’un marché unique homogène: une banque espagnole, protégée par les nouveaux mécanismes de solidarité, sera avantagée, et fortement, par rapport à une banque hongroise. Plus la zone euro s’intègre, plus elle s’éloigne du marché pur et parfait voulu par Londres. La question du statut de la City, place off shore de la zone euro non soumise aux règles de la zone euro et à la taxe sur les transactions financières, est posée. La troisième crise portera sur le contrôle économique au sein de l’union monétaire. A force d’efforts douloureux, les pays du Sud (Portugal, Espagne) et l’Irlande ont rattrapé environ la moitié du retard accumulé par rapport à l’Allemagne depuis le lancement de l’euro. Mais l’accalmie monétaire inquiète Berlin et les banquiers centraux, qui craignent que les pays peu compétitifs ne s’assoupissent. Angela Merkel veut désormais contraindre les pays à engager des réformes structurelles. Elle propose que ceux qui bénéficient de la solidarité, par le biais d’un éventuel budget réservé à la zone euro, signent des engagements contraignants. Si François Hollande a engagé la réduction des déficits publics, le chef de l'Etat n’a pas – encore – réalisé le « choc de compétitivité » promis. Il est attendu de pied ferme par ses partenaires. Mais aussi par les marchés, qui pourraient aller chercher noise à la France lorsque, convaincus des efforts accomplis, ils reprendront le chemin des pays du sud de l’Europe. p ATTENTAT Le chef des renseignements libanais a été tué, vendredi 19 octobre à Beyrouth, lors de l’explosion d’une voiture piégée, qui a fait 8 morts et 90 blessés. P. 3 Moscou renforce son emprise sur le secteur pétrolier RUSSIE Rosneft, présidée par un proche de Vladimir Poutine, va prendre le contrôle de TNK-BP. P. 12 Lire pages 5 et 13 Corse: le cri d’alarme du juge Thiel A près l’assassinat de l’avocat Antoine Sollacaro, mardi 16 octobre à Ajaccio, le juge antiterroriste Gilbert Thiel, chargé des dossiers corses, s’inquiète de la faiblesse de la réponse judiciaire. «L’appareil policier et judiciaire ne brille pas par son degré de performance, confie-t-il au Monde. Il y a des résultats, mais pas à la hauteur des enjeux.» EnCorse,souligneM.Thiel,«ilya aujourd’hui environ 80 attentats par an» : «C’est encore énorme, il y aurait 80 attentats en Lozère on enverraitl’armée.»Vendredi19octobre, environ un millier de personnes, dont 150 avocats, ont assisté aux obsèques de Me Sollacaro à Propriano. p Lire pages 2 et 9 Par l’auteur du MONDE SELON MONSANTO et NOTRE POISON QUOTIDIEN + un film en VOD & DVD - www. arte.tv/moissonsdufutur Algérie 150 DA, Allemagne 2,20 ¤, Antilles-Guyane 2,00 ¤, Autriche 2,40 ¤, Belgique 1,60 ¤, Cameroun 1 600 F CFA, Canada 4,25 $, Côte d’Ivoire 1 600 F CFA, Croatie 18,50 Kn, Danemark 28 KRD, Espagne 2,00 ¤, Finlande 2,80 ¤, Gabon 1 600 F CFA, Grande-Bretagne 1,70 £, Grèce 2,20 ¤, Hongrie 750 HUF, Irlande 2,00 ¤, Italie 2,20 ¤, Luxembourg 1,60 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,20 ¤, Portugal cont. 2,00 ¤, Réunion 2,00 ¤, Sénégal 1 600 F CFA, Slovénie 2,20 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,20 CHF, TOM Avion 380 XPF, Tunisie 2,00 DT, Turquie 6,50 TL, USA 3,95 $, Afrique CFA autres 1 600 F CFA, 0123 page deux Dimanche 21 - Lundi 22 octobre 2012 Guerre des sexes au pied du mur des Lamentations T Interrogé jeudi par Le Monde, Micky Rosenfeld, porte-parole de la police israélienne, confirme l’incident, mais affirme ne pas être « au courant» des conditions de détention rapportées par Mme Hoffman. « Elle aurait pu rentrer chez elle le soir même, indique-t-il, mais elle n’a pas accepté les exigences qui lui ont été présentées.» Lesquelles? Renoncer à revêtir un tallith au Kotel, renoncer à troubler l’« ordre public ». Si elle a été arrêtée, précise M.Rosenfeld, c’est parce qu’elle n’a pas « respecté les règles en vigueur ». ous les juifs ne sont pas égaux devant le Kotel (mur des Lamentations). La halacha, la loi juive, impose des différences entre hommes et femmes. Tout d’abord, les premiers disposent d’un espace deux fois plus important pour prier que les secondes. Mais cela n’est rien : les femmes n’ont pas le droit d’arborer un tallith (châle de prière), de tenir en main une torah, encore moins de lire et prier à haute voix, et bien sûr de souffler dans un shofar (corne de bélier utilisée lors de cérémonies religieuses juives). Anat Hoffman, chef de file du mouvement Women of the Wall (« Femmes du mur ») sait tout cela, mais cela ne l’empêche pas de se battre depuis plus de vingttrois ans pour obtenir des droits égaux devant le Mur occidental. Dans la soirée du mardi16 octobre, elles étaient environ 250 à s’être rassemblées pour Rosh Hodesh (début de chaque mois selon le calendrier lunaire juif), ainsi qu’elles le font tous les mois. Comme souvent, la police intervient lorsque les femmes du Kotel font mine de prier à haute voix et portent un tallith. Cette fois-ci, cela s’est mal passé : menottée, Anat Hoffman a été emmenée sans ménagement. Son récit de l’incident, rapporté par le journal Jerusalem Post de jeudi 18 octobre, fait froid dans le dos : « Cette fois, ils m’ont fouillée nue, complètement, sans sousvêtements. Ils m’ont traînée sur le sol sur 15 mètres ; mes bras ont été meurtris. Ils m’ont mis dans une cellule sans lit, avec trois autres prisonniers, dont une prostituée. Je suis restée sur le sol en me couvrant de mon tallith. » La détention durera douze heures. « Une erreur » Le gardien du strict respect de la halacha au mur des Lamentations, c’est le rabbin (orthodoxe) du Kotel, Shmuel Rabinowitz. Il y a quelques jours, il nous avait expliqué la genèse de ce malaise des membres de Women of the Wall. En 1967, lors de la guerre des Six-Jours, lorsque les parachutistes israéliens « ont libéré le Mur occidental, on a considéré que les femmes priaient moins que les hommes, et donc qu’elles avaient besoin de moins d’espace devant le Kotel»… C’est pour cela, précisait-il, qu’aujourd’hui elles ne disposent que d’un tiers de l’espace. «C’était une erreur», reconnaîtil. Quant au port du tallith et à la lecture à haute voix de la Torah, Shmuel Rabinowitz constate qu’« on ne peut donner à tout le monde les mêmes droits». En tout état de cause, le rabbin du Kotel ne veut pas « entrer dans un débat sur la halacha avec ce groupe de femmes » pour « ne pas leur donner de prétexte ». « Elles font de la provocation », assure-t-il. p Laurent Zecchini (Jérusalem, Correspondant) Les indégivrables Xavier Gorce Entretien Le juge antiterroriste Gilbert Thiel, chargé des dossiers corses, analyse comment le nationalisme, le crime organisé et la vendetta alimentent la violence insulaire. Il s’inquiète de la faiblesse de la réponse judiciaire «Qui est fort en Corse? Le crime organisé. Qui est faible? Les élus» des pies et racontent leurs exploits pour briller auprès des filles. L’affaire des Clandestini corsi, même chose: il s’agissait de mineurs de 17 ans, de Bastia, qui s’en prenaient aux Marocains, avec un discours franchement raciste. Resistenza corsa, un groupuscule xénophobe qui a lui aussi fait des attentats contre les Maghrébins a finalement été «Il y a aujourd’hui environ 80attentats par an [enCorse] (…). C’est encore énorme, il y aurait 80attentats en Lozère on enverrait l’armée» absorbé par le FLNC, heureux de l’aubaine. J’ai vu des jeunes qui voulaient entrer dans la police ou l’armée et qui n’ont pas été pris pour des raisons évidentes, alors ils sontentrés au FLNC.Prestige de l’uniforme. Mais ça a quelque chose d’effrayant. Vous écrivez que « la mondialisation a frappé le nationalisme de plein fouet ». Le juge Gilbert Thiel était l’invité du « Grand Journal » de Canal mercredi 17 octobre, au lendemain de l’assassinat de l’avocat Antoine Sollacaro à Ajaccio. KENZO TRIBOUILLARD/AFP G ilbert Thiel est premier juge d’instruction à la section antiterroriste de Paris, chargé principalement des affaires corses depuis septembre1995. Auteur de Derniers jugements avant liquidation (Albin Michel, 245 p., 18,25 euros), il livre son analyse de l’évolution de la criminalité en Corse. L’assassinat de Me Antoine Sollacaro, mardi 16 octobre, est-il le signe d’une escalade de la violence ? Ce crime est dans le prolongement du bain de sang danslequel est baignéela Corse depuis des décennies. Est-ce un assassinat symbolique? On ignore si Antoine Sollacaro a été tué en sa qualité d’avocat ou s’il a été tué alors qu’il était avocat. Si c’est un assassinat symbolique, il rappelle évidemment celui du préfet Erignac – c’était le symbole de l’Etat qui était visé. Sinon, les criminelsont agi par intérêt ou par vengeance. Au travers de ces deux options, on voitce dont souffrela Corse, un nationalis- «On ne sait plus si le groupe armé rackette pour se donner les moyens de la lutte ou s’il se donne les moyens de la lutte pour pouvoir racketter» Société éditrice du « Monde » SA Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus Directeur du « Monde », membre du directoire, directeur des rédactions Erik Izraelewicz Secrétaire générale du groupe Catherine Sueur Directeurs adjoints des rédactions Serge Michel, Didier Pourquery Directeurs éditoriaux Gérard Courtois, Alain Frachon, Sylvie Kauffmann Rédacteurs en chef Eric Béziat, Sandrine Blanchard, Luc Bronner, Alexis Delcambre, Jean-Baptiste Jacquin, Jérôme Fenoglio, Marie-Pierre Lannelongue (« M Le magazine du Monde ») Chef d’édition Françoise Tovo Directeur artistique Aris Papathéodorou Médiateur Pascal Galinier Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget Directeur du développement éditorial Franck Nouchi Conseil de surveillance Pierre Bergé, président. Gilles van Kote, vice-président 0123 est édité par la Société éditrice du «Monde » SA Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS). Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707Paris Cedex 13 Tél. : 01-57-28-20-00 Abonnements par téléphone : de France 32-89 (0,34 ¤ TTC/min); de l’étranger : (33) 1-76-26-32-89 ou par Internet : www.lemonde.fr/abojournal La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritaire des publications et agences de presse n° 0712 C 81975 ISSN 0395-2037 Président : Louis Dreyfus Directrice générale : Corinne Mrejen PRINTED IN FRANCE 80, bd Auguste-Blanqui, 75707 PARIS CEDEX 13 Tél : 01-57-28-39-00 Fax : 01-57-28-39-26 Imprimerie du Monde 12, rue Maurice-Gunsbourg, 94852 Ivry cedex me radical extrêmement violent et un grand banditisme qui s’est implanté au tout début des années 1980, avec au nord le gang de la Brise de mer et au sud le parrainJean-JéColonna. Commesi celane suffisaitpas, la Corse souffreencore du clanisme traditionnel et des vieilles querelles : les gens se tuent avec une fréquence assez remarquable parfois pour des raisons qui remontent à plusieurs générations et qu’ils ne connaissent même plus. Dans tout cela il y a une constante : qu’il s’agissedesnationalistes,du crimeorganisé ou des vendettas, les gens finissent toujours par se tuer entre eux, après en avoir assassiné quelques autres. Ces trois foyers de violence s’autoalimentent. La Corse est la région la plus criminogène d’Europe. Vous constatez une porosité entre nationalisme et banditisme ? Les nationalistes ont évidemment besoin d’argent pour entretenir leur petite armée clandestine. Dès les premières années,le FLNC procuraitune sortede pension à ses détenus à la sortie de prison. Pour trouver de l’argent, ils ont « l’impôt révolutionnaire», en clair, le racket.La tentation est grande pour les racketteurs d’en prendre une pincée pour eux. Au point qu’on ne sait plus si le groupe armé rackette pour se donner les moyens de la lutte ou s’il se donne les moyens de la lutte pour pouvoir racketter. Certains dirigeants avaient de solides appétits financiers, notamment immobiliers: le littoral corse est un trésor. Et c’est toujours le plus fort qui écrase le faible. Qui est fort en Corse ? Le crime organisé. Qui est plus faible ? Les élus, qui font l’objet de sollicitations pour rendre constructibles des terrains qui ne le sont pas. Des voyous sont ainsi devenus nationalistes par intérêt, des nationalistes ont versé dans le banditisme. Richard Casanova, l’un des barons de la Brise de mer, était d’abord un militant nationaliste. Le parcours le plus éloquent est sans doute celui de Gilbert Casanova, l’un des nationalistes engagés dans l’action dure. Il a survécu à la guerre fratricide des nationalistes, est devenu président de la chambre de commerce et d’industrie d’Ajaccio, avant d’être finalement condamné pour trafic de drogue. Pour des gens qui taguaient vingt ans plus tôt « a droga fora », « la drogue dehors», le raccourci est saisissant. Ceux qui ne versent pas dans les affaires deviennent des intégristes. Le commando Erignac dénonçait cette dérive crapuleuse et a voulu retourner à « la pureté originelle » de la lutte. La pureté, c’est un mot qui fait froid dans le dos au regard de l’Histoire. Et qui fait abattre un préfet. Vous indiquez dans votre livre que le recrutement des clandestins « laisse de plus en plus à désirer tant sur le plan de la formation politique que sur celui des capacités pyrotechniques » ? J’ai vu passer à partir de 1995 des types qui avaient une formation politique – ce n’était déjà plus celle des pères fondateurs du FLNC de 1976, mais ils pouvaient expliquer leurs idées. C’étaient des militants, des gens un peu articulés – ça ne veut pas dire qu’on n’y comptait pas des voyous qui se servaient du parapluie idéologique. Aujourd’hui, vous avez l’affaire de l’Oréedu bois, jugée cet été – une douzaine d’actions terroristes, dont une grenade avec 6 000 billes d’acier jetée dans la cour de la préfecture de région, c’est un miracle qu’il n’y ait pas eu de morts. On a arrêté un groupe de gamins d’une vingtaine d’années, pas un n’a été capable d’expliquer pourquoi il avait fait ça, sauf pour avoir une sorte de statut social. Ils étaient attirés par l’uniforme, la cagoule et le treillis, ne savaient pas trop quoi faire de leur vie et étaient incapables d’articuler trois mots. Ces jeunes désœuvrés sont recrutés par de glorieux anciens, qui ont passé l’âge de monter « au front », si j’ose dire. Le type qui a jeté la grenade est allé ensuite braquerun tabacpour se faireun peu de monnaie, avec une voiture volée par le FLNC et un copain. En plus ils sont bavards comme Mais oui, les douanes ont saisi en juillet2011 à Marseille 25 000 Ribellu, des petits porte-clés qui représentent le célèbre tireur cagoulé, agenouillé, avec une kalachnikov. C’est là qu’on a appris que les partisans les plus acharnés des produits identitaires font désormais fabriquer les emblèmes de la clandestinité en Chine… La lutte contre le terrorisme ou le crime organisé est-elle efficace ? L’appareil policier et judiciaire ne brille pas par son degré de performance. Il y a des résultats, mais pas à la hauteur des enjeux. Les pouvoirs publics d’abord ont mené une politique pour le moins intermittente. Robert Broussard, lorsqu’il était préfet de police en Corse, en 1983-1984, avaittiré le signal d’alarmeet dit que la criminalité organisée investissait pour blanchir l’argent sale. Il n’a pas été écouté, les pouvoirs publics ont été très longs à prendre la mesure du problème posé par la Brise de mer. Roger Marion, le chef de la division nationale antiterroriste, avait même dit que la Brise était un mythe et fait supprimer des fichiers certains de ses chefs. Elisabeth Guigou, alors garde des sceaux, a bien installé un pôle financier à Bastia, mais la lutte contre le blanchiment, ce n’est pas comme le Saint-Esprit qui descend sur les têtes, il faut des magistrats formés et des enquêteurs compétents, à qui on demandait d’ailleurs de traiter d’abord le terrorisme, et c’est parti en capilotade. Sur le terrorisme, il y a eu dans les années 1980 les politiques de négociation clandestines, de Charles Pasqua ou JeanLouis Debré ; des amnisties à répétition, les gens ne restaient pas longtemps en prison. Il y a aujourd’hui environ 80 attentats par an, on se dit que ce n’est pas beaucoup – effectivement, j’ai connu des années où il y en avait jusqu’à 800. Mais c’est encore énorme, il y aurait 80 attentats en Lozère on enverrait l’armée. Pour le crime organisé, il faut un peu de temps. Les juridictions interrégionales spécialisées (JIRS) ont été créées en 2004, mais celle de Marseille est réellement opérationnelle depuis 2008-2009. Il est encore tôt pour un bilan, mais il n’y a pas beaucoup de règlements de comptes résolus. L’outilest probablementadapté,mais performant,certainementpas. C’estunequestion de moyens, de qualité des hommes et surtout de constance de l’action de l’Etat. Vous êtes inquiet ? Jesuisinquietdel’architecturequisedessine. La police judiciaire ne fait plus de renseignement, c’est devenu un monopole de la DCRI, la direction centrale du renseignementintérieur,etcommetouslesmonopoles, il a des effets pervers. Ma crainte, c’est que la PJ soit à la remorque de la DCRI, qui trie ses informations selon des critères inconnus de tous. Quand une machine qui déploie beaucoup d’énergie n’a pas de résultats depuis quatre ans, c’est probablement qu’il faut repenser le système. p Propos recueillis par Franck Johannès international 0123 Dimanche 21 - Lundi 22 octobre 2012 3 LechefdurenseignementlibanaistuéàBeyrouth La mort de Wissam Al-Hassan dans un attentat ranime les craintes d’une contagion, au Liban, de la crise syrienne Beyrouth Correspondance Une lente déstabilisation Q Juin 2011 Affrontements entre pro et antisyriens à Tripoli. Octobre L’opposition dénonce le tir d’obus syriens contre des localités libanaises. Février 2012 Nouveaux combats sanglants à Tripoli. Mai Flambée de colère dans le nord du Liban, après la mort d’un cheikh sunnite à un barrage de l’armée, attribuée par l’opposition à Damas. Combats à Beyrouth. Protestations dans les quartiers chiites, après l’enlèvement en Syrie de onze Libanais. Août Enlèvement de Syriens par un clan chiite au Liban. Octobre Tirs d’obus syriens contre le territoire libanais. Des enquêteurs sur le site de l’explosion qui a ravagé une rue du quartier chrétien d’Achrafiyeh, vendredi, à Beyrouth. AHMED JADALLAH/REUTERS Liban dans la tourmente. Vendredi soir, l’opposition a pointé la responsabilité directe du président syrien, Bachar Al-Assad, ainsi que celle de ses « alliés régionaux » et de ses « outils locaux» dans l’attentat contre Wissam Al-Hassan, aussitôt condamné par Paris, Washington… et Damas. Ce camp a aussi réclamé sans détour la démission de l’exécutif en place, dominé par la coalition du Hezbollah, allié des Assad, et celle du premier ministre. « Najib Miqati assume personnellement la responsabilité du sang versé par le général Wissam Al-Hassan et par les innocents », a indiqué Ahmed Hariri, secrétaire général du Courant du futur et l’une des figures du 14-Mars. Au sein de la majorité, le Hez- ViVez l’élection américaine sur BFmtV aVec le monde 0123 bollah a quant à lui dénoncé un « crime odieux visant à déstabiliser le Liban et à saper son unité nationale », tandis que son allié chrétien Michel Aoun souhaitait « n’accuser personne au moment du crime » et attendre les résultats de l’enquête. Le Hezbollah a dénoncé un « crime odieux visant à déstabiliser le Liban» Les déclarations politiques, qui se sont multipliées au cours de la soiréede vendredi,ne sont intervenues que tardivement. Car en fait, la mort de Wissam Al-Hassan n’a été connue que plusieurs heures après l’attentat. Au point que les habitants témoins de l’attentat s’interrogeaient tout au long de l’après-midi sur ses mobiles : « Pourquoi avoir visé notre ruelle ? Il n’y a pas de député qui y vit, pas de bureau politique ! », se demandait ainsi Hala Chahrour, au milieu des éclats de verre jonchant le sol de son appartement, quelques mètres au-dessus de la scène de l’attentat. « On va revivre le chaos », s’inquiétait-elle, d’une voix à peine audible, étranglée par les larmes. « On a déjà eu tant d’attaques de ce type, il y a quelques années, ça risque de recommencer. C’est une catastrophe », s’alarmait Nadia, 68 ans, dans son magasin de textiles à la vitrine brisée. Sur le plan politique, le meur- tre de Wissam Al-Hassan est d’une extrême gravité. Quant à l’attentat, il renvoie les Libanais au cauchemar des années 2005-2008, lorsque plusieursattaques à la voiture piégée ont visé des personnalités antisyriennes. Devant l’un des hôpitaux qui ont accueilli les blessés de l’explosion, un jeune homme sanglote, sousle choc, attendantdes nouvelles de sa mère : « Juste après l’explosion, j’ai accouru vers la maison de mes parents, j’entendais ma mère crier “Je vais mourir”. » Des femmes ressortent de l’hôpital, le regardhagard, le corps encore couvert de traces de sang laissées par les éclats de verre soufflés par l’explosion. Dans ce même hôpital, sonnés, des Libanais donnent leur sang, en geste de solidarité. Sur les lieux de l’explosion, des témoins décrivent l’incendie qui a envahi la ruelle, après que le son de deux détonations a été entendu, tandisque des enquêteursrelèvent les indices, au milieu de carcasses de véhicules carbonisés, devant un immeuble à la façade éventrée. Des habitants chrétiens disent craindre de se retrouver visés par Damas, alors qu’une partie de la communauté soutient la révolte en Syrie. A l’annonce de la mort du général Wissam Al-Hassan, plusieurs manifestations de colère se sont succédé. A Tripoli (nord), des échanges de tirs ont opposé quartiers pro et antisyriens. Sur l’un des principaux axes de Beyrouth, au centre d’un quartier sunnite, des jeunes ont bloqué la route en brûlant des pneus. Autour de la place Sassine, près de laquelle s’est produit l’attentat, de nombreux véhicules militaires étaient déployés vendredi soir. Tandis que samedi était déclaré jour de deuil national. p 4ème World Innovation Summit for Education “Collaborating for Change*” Du 13 au 15 novembre 2012 - Doha, Qatar Pour WISE, l’éducation doit contribuer à relever les grands défis mondiaux (pauvreté, guerre, chômage, inégalités) et offrir à chacun des opportunités à la hauteur de ses espérances. * Collaborer pour le changement. Credit photo : Romain Staros Staropoli u’une personnalité libanaise de haut niveau soit tuée dans un attentat, sur fond de conflit syrien : ce scénario était redouté depuis des mois par les observateurs occidentaux à Beyrouth, tant il risque de déstabiliser davantage le Liban, déjà éprouvé par les divisions entre alliés et adversaires de Damas. Il s’est produit vendredi 19 octobre. Wissam Al-Hassan, le chef du renseignementdes Forces de sécurité intérieure (FSI), a été tué dans la puissante explosion à la voiture piégée qui a dévasté, en début d’après-midi, une ruelle d’Achrafiyeh, quartier chrétien de Beyrouth, faisant sept autres morts et près de 90 blessés. Proche de la famille Hariri – du père Rafic, d’abord, assassiné en 2005, puis de l’héritier, Saad, actuel chef de file de l’opposition libanaise –, le général Wissam Al-Hassan comptait parmi les bêtes noires du régime syrien. Silhouette athlétique, fine moustache, ce sunnite introduit dans les cercles occidentaux avait participé activement aux enquêtes sur l’attentat contre Rafic Hariri. Agé de 47 ans, il s’était aussi distingué,au mois d’août, en supervisant l’arrestation de l’un des plus proches alliés de Damas à Beyrouth, le chrétien Michel Samaha. Wissam Al-Hassan le soupçonnait d’avoir préparé des attentats à caractère confessionnel, sur ordre du régime syrien, pour embraser le Liban. Selon le dirigeant chrétien Samir Geagea, membre de l’oppositiondu 14-Mars, lechef du renseignement « avait installé sa femme et ses enfantsà Paris car il se sentait visé. (…) Il était parmi les responsables de sécurité qui n’avaient peur de rien ». Le 14-Mars, qui soutient la révolte syrienne, avait déjà dénoncé la main de Damas derrière plusieurs épisodes de violences survenus au Liban, l’accusant de chercher à faire diversion en plongeant le C’est dans cette perspective que le 4ème World Innovation Summit for Education (WISE) réunira plus de 1000 décideurs internationaux des secteurs de l’éducation, de l’entreprise, du monde politique et de la société civile. Pendant 3 jours d’échanges et de rencontres, ces innovateurs venus de plus de 100 pays débattront, proposeront des solutions innovantes et initieront de nouveaux projets. Sous le thème de «Collaborating for Change*», WISE 2012 identifiera les approches les plus inspirantes et les plus à même de redynamiser les systèmes éducatifs et d’inventer les sociétés de demain. Inscrivez-vous dès maintenant pour assister à WISE 2012 : www.wise-qatar.org Partenaires Partenaires médias internationaux United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization Sponsor Laure Stephan 4 0123 international Dimanche 21 - Lundi 22 octobre 2012 IsraëletlesEtats-Unis Divisée et harcelée, l’opposition russe est réduite à l’impuissance réaffirmentleur Alors que Russie Unie a largement remporté les élections régionales partielles, le pouvoir alliancemilitaire multiplie les procédures judiciaires et les campagnes de calomnie pour discréditer les opposants D’importantesmanœuvresstratégiques doiventdébuterdimanche21octobre Jérusalem Correspondant O fficiellement, comme l’a assuré, mercredi 17octobre, le général CraigFranklin,de l’armée de l’air américaine, les manœuvres israélo-américaines, baptisées « Austere Challenge 2012 », ne sont liées « ni à des élections ni à la perception de tensions au Proche-Orient ». Au-delà de la prudence diplomatique de ce responsable militaire – à laquelle répondent avec une même réserve ses homologues israéliens –, force est de constater que cet exercice, le plusimportant dans l’histoire dela coopération militaire entre les deux pays, intervient à un moment propice. Des sources militaires confirment que les manœuvres débuteront dimanche 21 octobre et se termineront trois semaines plus tard. Soit au moment de l’élection présidentielle américaine du 6 novembre. Cette concomitance tombe bien pour le président Barack Obama, régulièrementcritiquépar son adversaire, Mitt Romney, pour son manque de soutien présumé à Israël. Les relations entre l’Etat juif et les Etats-Unis sortent tout juste d’une période de tension liée à l’éventualité de frappes militaires israéliennes contre les sites nucléaires de l’Iran, dont la Maison Blanche, tout particulièrement en cette période électorale, ne voulait pas. Si le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a fini par se laisser convaincre par les multiplesmises en garde de Washington et a repoussé cette possibilité au printemps ou à l’été 2013, c’est notamment parce qu’il ne disposait pas d’un soutien suffisant pour une telle opération au sein de son cabinet de sécurité, et auprès des principaux responsables militaires israéliens. Les manœuvres Austere Challenge 2012, qui sont axées sur la défense antimissile, vont permettre d’afficher, au-delà de ce différend diplomatique, une apparente convergence de vues stratégiques. « Le fait que nous nous entraînions et travaillions ensemble est ensoiunmessagefort », acommenté le général israélien Nitzan Nuriel, assurant que l’objectif de ces manœuvres est « de faire face à des menaces venues de tous les fronts ». Le général Nuriel n’a pas été plus explicite, mais il est clair Moscou Correspondante que le premier « front » considéré estl’Iran.Cetentraînementmilitaire va associer quelque 3 000 soldats américains (un millier d’entre eux seront présents en Israël), et 1 000 soldats israéliens. Initialement prévu en avril, il avait été repoussé, semble-t-il, à la demande des deux pays. Défense antimissile Austere Challenge 2012 est d’abord un exercice de simulation, par l’intermédiaire d’ordinateurs, quinenécessitepas deplacerbeaucoup de moyens sur le terrain. Il s’agit de mettre en œuvre des scénarios de détection et d’interceptiondemissiles,etdevérifier,précise un expert militaire, « l’interconnexion des systèmes ». Comme ils l’avaient fait à la même époque en 2010, lors des manœuvres « Juniper-Cobra», les Etats-Unis et Israël cherchent à renforcer l’interopérabilité de leurs deux armées en matière de défense antimissile. Israël mettra en œuvre le système Iron Dome, actuellement utilisé pour intercepter les roquettes lancées par les groupes islamistes de Gaza, et ses batteries de missiles Arrow2, destinées à la destruction de missiles balistiques. Des batteries américaines et israéliennes de missilessol-air de moyenneportée Patriot (PAC-3) feront partie de l’exercice, ainsi qu’une frégate américaine équipée du système de détectionAegiset demissilesSM-3. Parmi les scénarios figurera l’interception de drones, ce qui tombe bien : en Israël, une polémique s’est développée sur l’efficacité de l’intervention de l’armée de l’air, qui a détruit, le 6 octobre, un drone lancé par le Hezbollah, mais de fabrication iranienne. Dans le quotidien Haaretz, l’expert militaire Reuven Pedatzur qualifie d’« échec retentissant » le fait que ce petit avion sans pilote ait pu voler «pendant plus de deux heures au-dessus de la mer » sans être détecté. Tout comme l’exercice naval sous commandement américain associant une vingtaine de pays, qui s’est déroulé dans le golfe Arabo-Persique fin septembre, Austere Challenge 2012 se veut un avertissement aux dirigeants iraniens : pour empêcher Téhéran de se doter de l’arme nucléaire et pour faire face à d’éventuelles représaillesde missilesiraniens,Israëlet les Etats-Unis feront preuve d’une même détermination. p Laurent Zecchini A l’hiver 2011-2012, la longévitépolitiquedeVladimirPoutine semblait compromise. «Il ne pourra pas achever son mandat », expliquaient à l’envi les politologues. La classe moyenne, en révolte contre la « démocratie dirigée» semblait lui avoir définitivement tourné le dos. Dix mois plus tard, Vladimir Poutine, nettement réélu pour un troisième mandat, n’ajamaisété aussisolidementinstallé au sommet. Sa côte de popularitéestconfortableetsonparti,Russie unie, a remporté haut la main les élections régionales partielles du 14 octobre. Dans cinq régions de la Fédération (sur 83 en tout), les gouverneurs, réélus au suffrage direct pour la première fois en huit ans, l’ont emporté sans difficulté sous l’étiquette Russie unie. La très faible mobilisation des électeurs (25% en moyenne) est sans importance, la notion de seuil de participation a été abolie il y a quelques années. Malgré l’apparition de dix-neuf nouveaux partis – parmi lesquels celui des « réseaux sociaux », l’Union des citoyens, celui des « buveurs de bière » et une formation baptisée La Russie intelligente – l’opposition n’est pas parvenue à mobiliser l’électorat. Il faut dire que le vote en Russie est plus un exercice de soumission au pouvoir en place que d’expression d’une opinion politique. Le parti de l’opposition libérale unie, Parnas, a fait son entrée au conseil municipal de Barnaoul (région de l’Altaï). L’égérie des écologistes, Evguénia Tchirikova est arrivée deuxièmeavec 17 % dessuffrages à Khimki dans la banlieue de Moscou face au maire sortant, Sergueï Chakhov, de Russie unie, élu avec 48 % des votes. Treize candidats se présentaient à Khimki, parmi lesquels quelques farfelus venus jouer les troublefête, tel le rocker Sergeï Troitski, dit l’Araignée, qui promettait de faire de cette ancienne ville fermée le Las Vegas russe et de s’entourer de collaboratrices dénudées. Selon les observateurs, là où le vote anticipé et les urnes à domicile étaient légion, les scores de Russie unie ont flambé, comme à Khimki où 25 % des électeurs (pour une participation de 30%) ont voté de façon anticipée sur leur lieu de travail. Ceux qui se sont rendus aux urnes étaient principalement des fonctionnaires de l’Etat et des ouvriers des grandes usines tandis que les sympathisants de l’opposi- Une opposante tient une affiche « libérez Lebedev » à Moscou, jeudi 18 octobre. IVAN SEKRETAREV/AP tion restaient chez eux. « Le mouvement anti-Poutine a perdu le fil. Après s’être imposée en tantqueforcevivedelasociété,l’opposition s’est montrée incapable de s’organiser et d’offrir une alternative nouvelle pour les élections », constate Alexeï Moukhine, directeur du Centre pour l’information politique à Moscou. Le politologue omet de préciser à quel point la marge de manœuvre des opposants est devenue étroite : lois liberticides, harcèlement des figures de l’opposition. Alexeï Navalny, le blogueur anti corruption, est sous le coup d’une enquête du parquet. Le député Guennadi Goudkov a été privé de sonmandatparses pairssurunclaquement de doigt, sans enquête ni décision de justice. Ksénia Sobtchak, vedette du show-business, a retrouvé l’argent (1,5 million d’euros) confisqué par la police lors d’une perquisition maissamère,LioudmillaNaroussova, la veuve d’Anatoli Sobtchak, ancien maire de Saint-Pétersbourg et mentor politique de Vladimir Poutine, vient d’être dépossédée de son mandat de sénatrice.La veuve avait été la seule à condamner à voix haute la nouvelle loi concoctée par le Kremlin pour restreindre le droit de manifester. Mal lui en a pris. La chaîne câblée Soverchenno Sekretno qui avait diffusé une interview d’elle où elle critiquait vertement M. Poutine et rappelait la mort aussi étrange que brutale de son mari, décédé dans un hôtel de Kaliningraden 2000, a vu sa diffusion stoppée net. Les médias alternatifs sont mal en point. Le site d’information en ligne Ura. ru est sous le coup d’une enquête, le site d’opposition grani. ru ne trouve plus de sponsors, le bi-hebdomadaire Novaïa Gazeta, propriété du milliardaire Alexandre Lebedev et de l’ancien président Mikhaïl Gorbatchev, est asphyxiéfinancièrement.Lessponsorsne sont pas chaudspour financer des voix dissonantes au «L’opposition s’est montrée incapable de s’organiser et d’offrir une alternative nouvelle » Alexeï Moukhine directeur du Centre pour l’information politique moment où une telle chape de plomb s’abat sur la société civile. « De façon naturelle l’ivraie sera éliminée et des personnes brillantes, intéressantes, cohérentes apparaîtront»,aexpliquéVladimirPoutinedansunerareallusionàl’opposition lors d’une interview diffusée sur la chaîne NTV le 7 octobre, jour de son 60e anniversaire. Le même jour, le journaliste Arkadi Mamontov, spécialiste des informations bidonnées, montrait sur la même chaîne un de ces documentai- resimaginatifs dont il a le secret. L’opposant communiste Sergueï Oudaltsov et deux de ses compagnons y étaient montrés en train de recevoir les instructions d’un proche du président géorgien Mikheïl Saakachvili dans le but de «fomenter des troubles» en Russie, enéchanged’unefortesommed’argent, disait le commentaire. Ce film a servi de prétexte au Comité d’enquête - placé directement sous l’autorité de M. Poutine- pour inculper Sergueï Oudaltsov et surtout son adjoint Konstantin Lebedev, placé en garde à vue jusqu’au 16 décembre au moins. Accusés d’avoir voulu renverser le régime, ils risquent 10 ans de prison. Pour relancer la dynamique, l’opposition organise samedi20 et dimanche21 octobreun cyberscrutin. 160 000 internautes se sont enregistrés. Ils vont élire les 45 membresdu«Parlementdel’opposition » parmi les 211 candidats en lice. Une fois de plus, le Kremlin a attaqué. 64 candidats qui cherchaient à s’enregistrer sans succès au cyber scrutin ont porté plainte pourescroqueriecontrel’organisateurduvote,LéonidVolkov,unproched’AlexeïNavalny.Les 64savent de quoi ils parlent, tous sont issus de l’ancienne pyramide financière MMM qui ruina des centaines de milliers d’épargnants russes de 1992 à 1994. Le Parquet a ouvert une enquête. p Marie Jégo L’opposition tunisienne dénonce un «assassinat politique» lors d’une manifestation La mort d’un militant du parti Nida Tounes, à Tataouine, marque une nouvelle aggravation de l’affrontement entre islamistes et progressistes Tunis Envoyée spéciale R edouté par les uns, souhaité par d’autres, l’affrontement entreprogressistesetislamistes devient chaque jour un peu plus oppressant en Tunisie. Il a pris un tour dramatique, jeudi 18 octobre, avec la mort d’un homme à Tataouine (sud) où de violentes échauffourées ont opposé les deux camps. La victime, Lotfi Naguedh, âgé d’une cinquantaine d’années, était le responsable local de Nida Tounes («Appel de la Tunisie»), un parti créé par Béji Caïd Essebsi, deuxième premier ministre de la transition après la chute de Zine El-Abidine Ben Ali, qui apparaît comme le grand rival d’Ennahda,le parti islamiste au pouvoir. Devant la presse, vendredi matin, Béji Caïd Essebsi, n’a pas hésité à qualifier la mort de son Tunis Kairouan A LG É R I E Gafsa Sidi Bouzid Sfax Mer Méditerranée Gabès Tataouine L I BY E AFRIQUE 150 km représentant à Tataouine de « premierassassinatpolitiquedela Tunisie après la révolution» et à dénoncer une « vague de violence préparée et organisée». « La situation est en train de prendre une grave tournure, a lancé cet ancien compagnon de route d’Habib Bourguiba, pèrede l’indépendancetunisienne. Cequis’estpassé estun crimed’Etat, un crime politique». Après lui, l’ensemble des partis d’opposition a pris le relais pour réclamer la « dissolution » de la Ligue populaire de protection de la révolution, impliquée dans les affrontementsde Tataouine,considérée comme la « milice » d’Ennahda, ainsi que celle du ministre de l’intérieur, Ali Larayedh, issu des rangs du parti islamiste. A Tataouine,les faits demeurent confus. Selon Ahmed Rached, un témoin oculaire des événements qui se déclare apolitique, quelques jours auparavant, une voiture avait commencé à circuler dans les rues de la ville, avec unmégaphone « pour appeler à l’épuration des RCDistes [du nom des membres du RCD, l’ancien parti de Ben Ali] », l’une des principales accusations lancées par les adversaires de Nida Tounes décrit comme l’héritier de l’ancien régime. Partie jeudi vers 9 h 30 de la Maison du peuple, la manifestation s’est dirigée vers le localdel’Uniontunisiennedesagriculteurs et des pêcheurs présidée par la victime, Lotfi Naguedh. Le cortègea étéaccueillipardesjetsde cocktails Molotov envoyés depuis le balcon du premier étage du syndicat, comme l’atteste une vidéo tournée sur place, et les esprits se sont échauffés. « Une quinzaine de personnes sont montées pour négocier, mais lorsque Lotfi est sorti, des personnes l’ont jeté à terre et frappé jusqu’à ce qu’il perde connaissance, il a même reçuunebriquesurle thorax», affirme Lotfi Ben Abdallah Rebedh, un parent accouru sur place. « Lorsque la police est montée chercher la victime qui lançait avec sa bande des cocktails Molotov sur les manifestants, ils l’ont trouvé dans un état de fatigue extrême», réplique Habib Smida, le responsable local d’Ennahda. Plusieurs témoinsévoquent la passivité de la police, pourtant alertée. Jeudi soir, le ministère de l’intérieur a affirmé, sur la base de premières constatations médicales, que la cause du décès serait une crise cardiaque. Une version contestée par la famille de M.Naguedh et par Nida Tounes qui ont réclamé, à Tunis, une nouvelle autopsie. Bataille médiatique Entre les deux camps la bataille se joue aussi dans les médias. Vendredi, le journal Maghreb, proche de l’opposition, reproduisait un communiqué de la Ligue de la protection de la révolution qui prévenait que « chaque personne qui collabore avec les RCDistes nouveaux (…) ou tentant de ranimer le RCD, sera considérée comme un ennemi de dieu et de la nation » ; le quoti- dien El Fajr, l’organe d’Ennahda, publiait le dessin d’une main aux couleurs de la Tunisie poussant d’une chiquenaude des dominos à l’effigie, après l’ancien dirigeant Ben Ali, des principaux responsables de Nida Tounes sous le titre : « Les fondements de la contrerévolution». Dans la soirée, le président Moncef Marzouki, dont le parti, le Congrès pour la République (CPR), membre de la coalition au pouvoir, est impliqué dans la manifestation, a reconnu à la télévision l’hypothèse d’un « lynchage ». « Comment une telle opération de lynchage est-elle possible en Tunisie ? », s’est-il exclamé, en évoquant une « atrocité absolue, inacceptable ». Sans commentaire, le gouvernements’estcontenté d’annoncer le remplacement du directeur de la sécurité nationale. p Isabelle Mandraud 0123 international & europe Dimanche 21 - Lundi 22 octobre 2012 Climat apaisé à la veille des élections au Pays basque espagnol Le scrutin intervient un an après « l’arrêt définitif de ses actions armées » par l’ETA Bilbao, Leioa (Pays basque) Envoyée spéciale M algré le ciel menaçant, une foule se masse, jeudi 18 octobre, sur la place de Recalde, quartier populaire de Bilbao, au Pays basque espagnol. A trois jours des élections au Parlement autonome, prévues dimanche, elle est venue écouter le candidat socialiste et actuel président du gouvernement basque, le lehendakari Patxi Lopez, exposer son programmecontrelacriseet brandirla menace des thèses indépendantistes qui « divisent au lieu d’unir ». Détendu malgré les sondages qui lui prédisent une défaite sévère, celui qui a rompu trenteans de mainmise politique du Parti nationaliste basque (PNV, droite) en s’alliant avec les conservateurs du Parti populaire (PP) lors des précédentesélectionsde 2009,savourecette campagne pas comme les autres. « Nous avons repris l’espace public», déclare-t-il au Monde. Il y a un an, le 20octobre 2011, le groupe séparatiste armé ETA annonçait « l’arrêt définitif de ses actions armées». La campagne de ces élections régionales s’est donc déroulée, pour la première fois depuis le retour à la démocratieen 1975, sans la menace des bombes. « Nous sommes devenus normaux, résume le député socialiste basque Eduardo Madina, luimême victime d’un attentat à la voiturepiégéeen2002quiluiacoûté l’amputation de la moitié de la jambe gauche. Auparavant, nous aurions été plus surveillés et il aurait fallu partir rapidement », ajoute-t-il avant d’aller prendre un café avec M.Lopez. Durant la campagne, centrée sur la crise économique, les partis ont remisé au placard le thème de l’ETA, tout comme la question de la convivencia, la possibilité de vivre ensemble en paix dans une société basque divisée. Dans la rue, un sentiment de tranquillité domine, mais aussi l’envie de faire table rase de ce qui appartient au passé. Les entrepreneurs, qui ne subissent plus de racket et de menaces, savourent une « sensation de liberté absolue», dit le directeur du Cercledesentrepreneursbasques,Enrique Portocarrero. La tentation de l’oubli est forte. « L’existence de l’ETA était si anachronique que sa disparition semble déjà durer depuis une éternité.» Cette nouvelle donne a permis à Batasuna,vitrine politiquede l’ETA interdite depuis 2003, de revenir dans l’arène politique lors des élections municipales de mai 2011 par lebiaisdelacoalitiondepartisindépendantistes de gauche, Bildu. A présent, « pour la première fois depuis 2001, nous allons élire un Parlement dans lequel se trouvent toutes les forces politiques, se félicite Laura Mintegi, tête de liste de la coalition. C’est le signal d’un début de normalité mais il en manque d’autres : la fin de l’ETA comme organisation politique, une politique pénitentiaire juste et la reconnaissance de toutes les victimes. » Même sémantique Entre les bâtiments du campus de l’Université du Pays basque à Leioa, à 10 km de Bilbao, sur la place Mikel-Laboa, mercredi, une soixantaine d’étudiants et une quinzaine de professeurs assistent au meeting que tient cette enseignante de littérature et écrivain de 57 ans, aux yeux clairs et aux cheveux gris coupés courts. A-t-elle changé de position depuis le temps où elle figurait sur les listes de Batasuna, en 1987 et 1989 ? « Pas du tout, dit-elle avant de se reprendre: La différence est que la gauche abertzale n’envisage pas la possibilitéque quelqu’unpuisseutiliser la violence pour atteindre ces objectifs.» En revanche, la sémantique est restée la même : les étarras sont qualifiés de « prisonniers politiques », les « victimes » se trouvent d’un côté comme de l’autre et les gouvernements espagnols et français, « acteurs du conflit », devraient négocier avec l’ETA. « Leur rejet de la violence est une simple formalité mais dans le fond, ils continuent à traiter les membresd’ETAcommedes héros et àtravailler pour l’impunité de ses crimes et la réécriture de l’histoire », regrette Maite Pagazaurtundua, présidente de la Fondation des victimes du terrorisme (Covite), dont le frère, policier à Andoain, a été assassiné par l’ETA en 2003. Cet été, lors des fêtes de ce village situé à 15km de Saint-Sébastien, l’une des « attractions » offertes par la mairie, gouvernée par Bildu, était la possibilité, pour un euro, d’être pris en photo aux côtés de la photo grandeur nature d’un etarra. « Cela me sembleraitune injustice terrible si ceux qui ont soutenu trente ans de violences apparaissaient comme les artisans de la paix », conclut Patxi Lopez. p Sandrine Morel Balkans Rencontreentre lespremiers ministresserbe et kosovar BRUXELLES. Les premiers ministres serbes, Ivica Dacic, et kosovar, Hashim Thaçi, se sont rencontrés pour la première fois, vendredi 19 octobre, sous l’égide de l’Union européenne à Bruxelles. Cet événement s’inscrit dans le cadre du dialogue technique engagé en mars 2011 entre les deux pays, interrompu depuis plusieurs mois. Dans la soirée, M.Dacic a affirmé que Belgrade « était prêt à continuer ce dialogue» pour trouver un « accord historique ». Mais il a souligné que « la Serbie ne change pas de position lorsqu’il s’agit du Kosovo et ne reconnaîtra jamais son indépendance unilatéralement proclamée.» – (AFP.) p Terrorisme Les cinq accusés dans le procès du 11-Septembre boycottent une audience GUANTANAMO. Les cinq accusés des attentats du 11-Septembre ont boycotté, vendredi 19 octobre, une nouvelle journée d’audience devant le tribunal militaire de Guantanamo, destinée à préparer leur procès. Ils demandaient son annulation car le vendredi est «jour de prière». – (AFP.) Afghanistan Visite de Laurent Fabius à Kaboul KABOUL. Le ministre des affaires étrangères français, Laurent Fabius, est arrivé, samedi 20octobre, à Kaboul pour discuter de la mise en œuvre d’un traité de coopération entre la France et l’Afghanistan, signé en janvier par le chef de l’Etat afghan, Hamid Karzaï, et Nicolas Sarkozy. – (AFP.) 5 Menace de veto britannique sur le budget de l’Union européenne Le premier ministre David Cameron s’oppose à toute nouvelle hausse des dépenses Bruxelles Bureau européen U ne menace annonciatrice d’une nouvelle épreuve de force : le premier ministre britannique, David Cameron, s’est dit prêt, à l’issue du Conseil européen vendredi 19 octobre à Bruxelles, à mettre son veto au projet de budget pluriannuel de l’Union européenne (UE) s’il prévoyait des hausses de dépenses « inacceptables » sur la période 2014-2020. « On ne peut pas toujours ajouter desdépensesauxdépenses»,aprécisé le chef de gouvernementconservateur, à l’heure où les Vingt-Sept vontselancer,d’iciauConseileuropéen des 22 et 23 novembre, dans un périlleux marathon budgétaire sur fond d’austérité généralisée. LapostureadoptéeparM. Cameron est prise très au sérieux à Bruxelles. Elle témoigne du fossé qui se creuse entre l’UE et le Royau- me-Uni,sous la pression d’uneopinion publique et d’un gouvernement conservateur de plus en plus eurosceptiques. En moins d’un an, David Cameron s’est déjà démarqué, dans le contexte de la crise des dettes souveraines qui frappe l’Union monétaire, de trois projets portés par les dirigeants européens: le traité budgétaire négocié à la demande de la chancelière allemande Angela Merkel, en décembre 2011, la supervision des banques de la zone euro, et la taxe sur les transactions financières. Négociations compliquées M.Cameronveut«moinsd’Europe» tandis que la zone euro fait des efforts d’intégration pour surmonter la crise. « Tout le monde veut une Europe à plusieurs vitesses. Il y en a même qui ont passé la marche arrière», a ironisé François Hollande, en prévoyant « plusieurs nuits » de négociations en novembre. Deux camps se toisent depuis des mois : celui des contributeurs nets, qui réunit l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Suède, la Finlande, les Pays-Bas et l’Autriche et qui plaide en faveur d’une réduction drastique du futur budget. Et les pays plus pauvres qui bénéficient des fonds structurels, avec à leur tête la Pologne, la Roumanie ou la Hongrie. Ces derniers craignent que les économies ne se fassent à leur détriment, pour mieux épargner la politique agricole commune défendue par la France. Depuis son arrivée, François Hollande a pris ses distances avec le camp des contributeurs nets et avec David Cameron, plus proche de Nicolas Sarkozy. Les négociations risquent d’être d’autant plus compliquées que les pays de l’Union monétairemènent parallèlement des discussions sur un budget de la zone euro : une initiative embryonnaire qui donne dessueurs froidesaux pays d’Europe centrale, alors que David Cameron y voit au contraire une occasionderéduirel’engagementfinancierdesonpaysenEurope.Pourcalmer le jeu, Herman Van Rompuy, le président du Conseil européen, qui mènera les discussions avec la présidence chypriote des VingtSept, s’efforce de faire la distinction entre les deux exercices. La Commission européenne a proposé en juillet une enveloppe sur sept ans de 1 033 milliardsd’euros en crédits d’engagements. Une somme qui prend en compte l’adhésion de la Croatie en 2013 et représente une hausse de près de 5 % par rapport à la période 2007-2013. M. Cameron exige, au minimum un gel des dépenses. Sans oublier de défendre le rabais dont Londres bénéficie sur sa contribution depuis Margaret Thatcher. p Philippe Ricard 6 planète 0123 Dimanche 21 - Lundi 22 octobre 2012 La Tanzanie veut briser le moratoire surl’ivoire Le pays souhaite vendre 101 tonnes dedéfenses malgré le braconnage P our la Tanzanie, le commerce de l’ivoire n’est pas incompatible avec la survie des éléphantsd’Afrique.Bousculantlestatu quo difficilement préservé depuis 1989 avec l’adoption d’un moratoiresurlecommerceinternational de l’ivoire, les autorités tanzaniennes viennent de demander très officiellement à la Convention sur le commerce international des espècesmenacées(Cites)l’autorisationde vendreles 101tonnesd’ivoire que le pays a accumulées depuis vingt-trois ans – soit les défenses de quelque 10 000 éléphants. La Tanzanie réclame dans le même temps que sa population d’éléphants soit retirée de l’annexe 1 de la convention – celle qui assure la protection maximale au plus grand mammifère terrestre – pour rejoindre l’annexe 2, qui offre plus de souplesse aux pays quiveulenttirerprofitdu commerce de leur faune. Seuls quatre pays en bénéficient à ce jour : l’Afrique du Sud, le Botswana, la Namibie et le Zimbabwe, dont la communauté internationale a reconnu que l’avenir de leurs populations d’éléphants était assuré. Dans un argumentaire de vingtdeux pages rendu public par la Cites le 16 octobre, le gouvernementtanzaniens’attacheàdémontrer que le pays peut à son tour rejoindre ses quatre voisins. « Le nombre des éléphants en Tanzanie est passé de 55 000 en 1989 à 110000en2009»,plaideleministère des ressources naturelles, qui a rédigé le document. Sans rappeler cependant que le pays avait vu disparaître la moitié de ses pachydermes au cours des années 1980. Alors que les chiffres publiés au mois de juin par la Cites montrent que le massacre des éléphants d’Afrique pour alimenter des mafiasen directionde l’Asieatteint des niveaux inégalés depuis dix Une clôture électrique de 400 km autour du mont Kenya Le Kenya a décidé de recourir aux grands moyens pour isoler ses éléphants trop envahissants. Une clôture électrique de 400 km de long et de 2 mètres de haut va être construite autour du mont Kenya, classé par l’Unesco au Patrimoine mondial de l’humanité en 1997. Le gouvernement espère ainsi réduire les tensions croissantes entre les villageois et les pachydermes. L’ouvrage doit aussi per- mettre de renforcer la protection d’un des principaux châteaux d’eau du pays, aux versants encore largement boisés. Le chantier prendra cinq ans et coûtera 11 millions de dollars (8,4 millions d’euros). L’ONG Rhino Arc, qui a été chargée de la construction de l’ouvrage, assure qu’il ne présentera aucun danger pour les hommes ou pour les animaux qui recevront une décharge en cas de contact. Parc national de Tsavo-Ouest, au Kenya. Quelque 5 tonnes d’ivoire de contrebande saisies à Singapour sont sur le point d’être brûlées. Contrairement à son voisin tanzanien, le Kenya défend le moratoire sur le commerce international de l’ivoire. XINHUA/ZUMA/REA ans, l’initiative relance avec fracas ledébat surl’avenirde l’embargoet l’impact des ventes ponctuelles autorisées par deux fois, en 1999 et en 2008, à la demande des quatre pays d’Afrique australe. La Tanzanie n’en est pas à sa première tentative, mais en 2010, face à un refus annoncé de la communautéinternationale,elleavaitfinalement retiré sa demande. Une majorité de deux tiers parmi les 176 pays membres de la Conventionestnécessairepourqu’uneproposition soit adoptée. Cette fois-ci,sans attendre la discussion qui aura lieu lors de la conférence de la Cites en mars2013 à Bangkok, le Kenya, le Burkina Faso, le Togo et le Mali – euxmêmes en butte à un intense braconnage – ont allumé les contrefeux en déposant une «contre-proposition»exigeantqu’aucunedérogation au moratoire ne soit accordée. « Nous ne sommes pas dans une situation où il est encore possi- ble de prendre des risques en autorisant des ventes ponctuelles», expliquent-ils, affirmant qu’il « n’existe aucune preuve scientifique robuste démontrant que les ventes légales n’ont pas d’incidence négative sur la survie des espèces ». Massacres d’éléphants Dans son plaidoyer, la Tanzanie prend sans surprise le contre-pied de cette affirmation, sans qu’il soit possible de départager les deux camps.Lesexpertschargésde plancher sur ce sujet ne sont euxmêmes pas parvenus à trancher. Pour les ONG de conservationet les Etats qui tentent de démanteler les réseaux criminels de l’ivoire, un feu vert enverrait quoi qu’il en soit un signal très négatif. Sur le terrain, la Tanzanie est confrontée, comme la majorité des pays africains où subsistent encore des pachydermes, à un trafic massif. « Nous vivons une guerre de l’ivoire », raconte, sous Biodiversité: les paysdéveloppéss’engagent à doublerd’ici à 2015l’aidefinancièreaux Etatsdu Sud L’accord arraché à l’issue de la conférence d’Hyderabad, en Inde, ne cite aucun montant New Delhi Correspondant U n nouvel élan dans la lutte en faveur de la protection de la biodiversité? La onzième conférence des parties (COP11) delaConventionde ladiversitébiologique s’est achevée à Hyderabad, en Inde du Sud, dans la nuit du vendredi 19 au samedi 20 octobre, sur uncompromisenmatièredefinancement d’actions visant à enrayer la disparition des espèces animales et végétales. Arrachéàl’issued’âpresnégociations entre les représentants de plus de 180 Etats, l’accord stipule que les pays développés doubleront d’ici 2015 leurs contributions – publiques comme privées – aux pays en voie de développement afin d’aider ces derniers à financer leurs programmes de préservation de la biodiversité. « C’est un bon résultat», a commenté la ministre française de l’écologie, Delphine Batho. «Ce n’est pas une révolution, mais c’est un soulagement, a réagi la députée européenne Sandrine Bélier (EELV). Un pas a été franchi à Hyderabad.» LasseGustavsson,directeurexécutif des programmesde conservation à WWF-International, a toutefois qualifié le résultat de « décevant» au regard des ambitions affichées lors de la précédente COP, en 2010, à Nagoya (Japon). A l’époque, cette réunion avait été saluée comme « historique» car elle avait fixé un certain nombre d’objectifs précis à l’horizon 2020. La communauté internationale s’était notamment engagée à porter les aires protégées à 17 % de la surface terrestre (13,5 % aujourd’hui) et 10 % de la superficie des océans (contre moins de 2 %) et à élaborerdesplansnationauxincorporant des objectifs de préservation de la biodiversité. En outre, les parties avaient adopté le Protocole de Nagoya , qui prévoit un partage des bénéfices tirés de l’utilisation des ressources génétiques afin de lutter contre la bio-piraterie. Deux ans après, Hyderabadétait censé prolonger cette dynamique en donnant de la substance financière au catalogue de promesses. Selon WWF-International, une somme annuelle de 200 milliards de dollars (153 milliards d’euros) serait nécessaire pour atteindre les objectifs de Nagoya. Or, selon une estimation approximative – faute d’étude de synthèse disponible –, seuls 10 milliards de dollars (7,6 milliards d’euros) seraient affectés chaque année à la protection de la biodiversité. C’est cette somme qui est vouée à être multipliée par deux d’ici à 2015. Faiblesse du compromis Toutefois, le document final adopté à Hyderabad ne cite aucun chiffre censé représenter la base de départau « doublement» annoncé. Là est la principale faiblesse du compromis. « Cet objectif de doubler les sommes affectées à la biodiversité n’engage pas à grand-chose, pointe Romain Pirard, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales, présent à Hyderabad. Car on ne sait pas de quelles sommes on parle. » Des progrès sur la protection de la haute mer Au-delà de l’accord sur le financement, la conférence de la Convention sur la diversité biologique (CDB), réunie à Hyderabad du 8 au 19 octobre, a permis de progresser sur le dossier de la protection de la haute mer. Après l’échec du sommet de Rio + 20 en juin, c’est désormais au sein de la CBD que la réflexion avance sur cette question de la gouvernance de la biodiversité dans les eaux internationales. A Hyderabad, 56 aires marines d’« importance écologique ou biologique » ont été identifiées. Cet inventaire n’a pour l’instant qu’une valeur scientifique, mais il pourrait servir de base à l’établissement futur de zones protégées. « C’est un progrès », s’est félicité Lasse Gustavsson, directeur exécutif des programmes de conservation à WWF-International. L’Islande et la Norvège se sont toutefois opposées à ce que l’Atlantique nord figure dans cette liste. Quoi qu’il en soit, Hyderabad n’a pas brisé l’élan politique de Nagoya, et c’est ce que chacun veut retenir. Pour en arriver là, pays développés et pays en développement, dont l’affrontement a dominé les débats sur le financement, auront dû assouplir chacun leurs positions initiales. En échange des contributions consenties par les Etats du Nord, les pays en développement se sont engagés à adopter des mécanismes de vérification et de traçabilité des fonds qu’ils recevront. LeBrésil,dontl’activismeencoulisse a été noté, a fait cause commune avec les pays africains lors des tractations. L’Inde a également pesé de tout son poids pour arracher des engagements financiers aux pays développés, même si sa qualité de pays hôte la posait surtout en acteur de compromis. Les discussions ont été par ailleurs compliquées par les divisions au sein de l’Union européenne, les Britanniques ayant durci leur position dans la foulée de la récente nomination d’Owen Paterson au poste de secrétaire d’Etat à l’environnement. D’autre part, le Japon et le Canada ont résisté longtemps, cherchant à s’assurer du maximum de garanties sur le bon usage des futures aides. Au bout du compte, chacun a fait un geste, ce qui fait dire à Sandrine Bélier que « la communauté internationale a tenu les promesses» de Nagoya. p Frédéric Bobin couvert d’anonymat, le représentant d’une ONG de conservation. Il n’est pas nécessaire de séjourner longtemps dans le pays pour palper la peur que soulève la simpleévocationdusujet.Fonctionnaires, ONG, organisateurs de safaris ouvillageoistémoinsde massacres d’éléphants, personne ne veut prendrelerisquede parlerouvertement. Dans un récent rapport à la Cites, l’ONG Traffic pointait la prépondérance des ports tanzaniens dans les routes de l’ivoire vers l’Asie. Une place sur un tel podium ne se décroche pas sans complicités à des niveaux élevés de l’administration. Ni sans corruption. Ce n’est pourtant pas en priorité à la lutte contre le braconnage que la Tanzanie promet de consacrer les 55 millions de dollars (42 millions d’euros) qu’elle estime pouvoir tirer de la vente de ses 101 tonnes d’ivoire à la Chine et au Japon. Le sort des éléphants repose davantage, selon les autorités du pays, sur la bonne cohabitation avec des populations rurales en pleine expansion. « 109 personnes ont été tuées par des éléphants depuis 1997. Les animaux sont une nuisance pour les paysans pauvres, qui deviennent progressivement opposés à leur conservation.» Voilà « la réelle menace » qui rend urgent, pour le gouvernement tanzanien, de démontrer à sa population que la protection de la faune peut avoir des retombées financières pour les villageois qui en supportent les conséquences. C’est un vrai débat, mais doit-il conduire à inonder le marché de nouvelles quantités d’ivoire? Cette « proposition est tout simplement ridicule», tranche Mary Rice, directrice exécutive d’Environmental Investigation Agency, une ONG baséeàLondres,parmilesplusactives dans la campagne contre le commerce de l’ivoire. Les Etats réunis à Bangkok en mars jugeront. p Laurence Caramel En Inde,des intouchables sur la route de Michelin L es villageois de la caste des intouchables de Thervoy, dans le Tamil Nadu, un Etat du sud de l’Inde, auront-ils raison contre Michelin, qui souhaite implanter une usine sur leurs terres ? S’il est trop tôt pour le dire, ils ont indéniablement remporté une première victoire, après cinq ans passés à essayer de faire valoir leurs droits : la direction de Michelin, qui compte prochainement inaugurer son usine de pneumatiques dans le parc industriel de Thervoy, va devoir s’expliquer devant l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Le point de contact national (PCN) de l’OCDE, auprès duquel une plainte avait été déposée en juillet par cinq organisations, a jugé, jeudi 18octobre, « la saisine recevable». Le PCN français (composé de représentants syndicaux, du Medef et de plusieurs ministères) considère que les « questions soulevées méritent d’être approfondies» et a convoqué l’entreprise française et les cinq plaignants le 22novembre. Selon les ONG, Michelin a violé plusieurs des principes de l’OCDE sur l’environnement, les droits de l’homme, l’information des populations… Pour l’heure, la multinationale déclare prendre acte de la décision du PCN. « La position de Michelin est claire : nous réfutons les accusations contenues dans cette saisine et Michelin s’en justifiera devant le PCN de l’OCDE», a-t-elle expliqué au Monde. L’affaire remonte à 2007, quand les 6000 villageois de Thervoy découvrent que la compagnie State Industries Promotion Corporation of Tamil Nadu (Sipcot) veut détruire 456 hectares de la forêt collective entourant le village pour y implanter un parc industriel. Michelin a signé avec l’Etat indien un contrat pour la construction d’une usine de pneus destinés au marché local. Ce projet a tout de suite été combattu par le village, peuplé à 95% par des dalits (intouchables, selon le système des castes), qui vivent grâce à la terre, à l’élevage et aux forêts. Complexe routier Des plaintes ont été déposées devant la cour de justice de Madras, qui a ordonné, en mai2009, le paiement d’indemnités par la Sipcot, toujours non versées à ce jour. Une autre plainte a été déposée devant une juridiction indienne créée en 2010, les « tribunaux verts ». A la veille du démarrage de la production, onze panchayat de la région, des autorités locales correspondant aux conseils municipaux, ont adopté une résolution condamnant les conditions d’ouverture du site. L’implantation de ces usines nécessite encore de grands travaux de raccordement, notamment un complexe routier construit par les autorités indiennes, et aura des conséquences sur l’accès à l’eau ainsi qu’en termes de pollution. p Rémi Barroux france 0123 Dimanche 21 - Lundi 22 octobre 2012 7 Ségolène Royal: «Passons au rêve français!» Après une période de «diète médiatique», l’ancienne candidate à la présidentielle livre ses vérités au «Monde» Entretien C ela faisait plusieurs semaines qu’elleavait acceptél’entretien. Mais plusieurs fois, elle avait reporté. « Trop tôt », disait-elle.« Je ne le sens pas», répétait-elle. Et puis elle a rappelé pour dire qu’elle était « prête ». Et qu’après la « diète médiatique » qu’elle s’était imposée depuis la rentrée, le temps était venu, pour elle, de « dire les choses ». Parler, donc. Mais sur quel ton ? Ce mercredi 17 octobre, dans son bureau de Montparnasse où elle reçoit Le Monde, Ségolène Royal prévient d’emblée : « Je ne veux pas apparaître comme une donneuse de leçons. » Anticipant qu’on l’interrogerait sur les difficultés du gouvernement, elle a griffonné quelques formules sur de petites feuilles blanches, et s’y rattachera à plusieurs reprises pendant l’entretien, aux moments où les mots pourraient dépasser sa pensée. « Je veux que la gauche réussisse. Je dois donc être au-dessus et en avant. Je ne veux pas jouer les Mère Fouettard. » «Dix ans de droite au pouvoir, donc dix ans d’habitudes pour l’administration, cela crée des freins et des blocages» Par souci du « gagnantgagnant », comme elle dit, on ne l’entendra donc pas sur les débats qui traversent le gouvernement et la majorité. Sur la dépénalisation du cannabis et le droit de vote des étrangers, par exemple, on connaît ses réserves, mais elle refusera de les réaffirmer. Sur la procréation médicalement assistée, la présidente du conseil régional de Poitou-Charentes, qui n’a jamais hésité à afficher ses convictions sur les sujets de société, quitte à prendre à revers ses camarades socialistes, n’entend pas aujourd’hui jouer les trouble-fête. Sur les affaires privées, l’ex-candidate à la présidentielle garde la même discrétion. Comment a-t-elle vécu le fait que le chef de l’Etat ne la salue pas, l’autre jour, dans les couloirs de l’ONU ? « Ne revenons pas sur cet incident », ditelle, précisant simplement qu’elle s’en est expliquée « avec François » et que « la page est tournée ». Elle n’en dira pas davantage, refusant toute question qui pourrait la « ravaler à un personnage de théâtre de boulevard », n’acceptant de répondre qu’à celles qui s’adressent à la « femme politique ». Le premier, c’est la démocratie parlementaire. Le Parlement doit retrouver un espace d’initiative. Il faut davantage de propositions de loi pour accélérer le rythme des réformes. Il aurait pu y en avoir davantage lors de la session parlementaire de juillet. Le deuxième changement, c’est la démocratie territoriale. Il y a beaucoup d’attente, la nouvelle phasede décentralisationdoit permettre aux régions plus d’efficacité et de rapidité pour l’emploi, en s’appuyant sur un Etat enfin en phase avec elles. Le troisième changement, c’est la démocratie citoyenne et participative.Les grandesréformes structurelles que j’évoquais ne réussiront que si les Français sont associés. Je pense en particulier à la grande réforme fiscale promise pendant la campagne. Si l’on veut que l’impôt ne soit pas seulement vécu comme une punition mais comme un élément de cohésion nationale, il faut un grand débat démocratique. Cette semaine a été annoncée en conseil des ministres la création de la Banque publique d’investissement (BPI), que vous réclamez depuis longtemps. Estelle conforme à vos attentes ? Je ne peux que m’en féliciter, bien sûr. Mais pour que la BPI soit pleinement une réussite, il faut que trois critères soient remplis. Le premier, c’est la rapidité de sa mise en œuvre, d’ici un mois, compte tenu du manque criant de fonds de roulement dont souffrent les PME. Le deuxième, c’est sa puissance d’intervention: la BPI doit avoir une vraie force de frappe, et qu’on ne retombe pas dans les erreurs du fonds stratégique d’investissement (FSI), bureaucratique et lent. Troisième critère de réussite, c’est l’appui sur les régions, car aucune PME n’ira frapper à la porte d’un guichet à Paris. Les antennes régionales de la BPI doivent engager 80 % des dépenses. Sinon, on retombera dans un système rigide où les filières les plus innovantes seront ignorées. Cinq mois après l’élection de François Hollande, quel regard portez-vous sur l’action du gouvernement ? A une semaine du congrès du PS, quel regard portez-vous sur la succession de Martine Aubry ? Le PS d’aujourd’hui est loin de celui que vous défendiez en 2008, quand vous ambitionniez d’être première secrétaire… Cette première phase de l’actiongouvernementaleest une opération vérité réussie : le chef de l’Etat a pris la mesure de la crise, il a dit la vérité aux Français, il a mis fin aux opérations de diversion du gouvernementprécédent,il a réparé les injustices les plus flagrantes et rétabli la sérénité républicaine. De ce point de vue, ces cinq premiers mois ont été constructifs. Maintenant, il faut passer à une nouvelle phase, celle des réformes destructures promisesdans le programme présidentiel: réforme du système financier, réforme fiscale, révolutionécologique,avenir de la jeunesse. En un mot, après l’« opération vérité », passons au « rêve français». Comprenez-vous l’impatience des Français pour qui le gouvernement ne va pas assez vite et pas assez loin ? Bien sûr, et le gouvernement aussi l’a comprise, en accélérant. Il faut quand même rappeler ceci : dix ans de droite au pouvoir, donc dix ans d’habitudes pour l’administration, ce qui a forcément créé des freins et des blocages quand le nouveau pouvoir s’est installé. Faceà cela,laréponse,c’est ladensification de l’impulsion politique, car la haute administration, en France, est loyale, mais elle se met dans le mouvement si le pouvoir politique fixe clairement un cap et donne du sens à son action. Ce cap, justement, trouvez-vous qu’il manque aujourd’hui à l’action gouvernementale ? C’est le moment de le donner, aprèslesbonnesdécisionsd’urgen- Marcher est une valeur sûre. Fabrication Française Je vous accorde que cela peut paraître un peu étrange que le parti à l’origine des primaires ouvertes à tous les citoyens ait adopté desstatutsconduisantàune prédésignation du premier secrétaire par quelques-uns. Cela dit, essayons de voir le côté positif : au moins, cette fois, on n’aura pas un congrès d’affrontement, mais un congrès d’apaisement. « Le temps viendra où je serai utile », aviez-vous déclaré après votre défaite aux législatives. Le temps est-il venu de nouvelles responsabilités ? ROBERTO FRANKENBERG POUR « LE MONDE » ce et les mesures courageuses pourréduireles déficitsque ladroite a laissés. Les Français ont besoin de comprendre le sens des efforts qui leur sont demandés. Prenons par exemple les 3 % de déficit en 2013. Le président de la République a été clair, car il faut protéger les Français contre les risques de la dette, et il n’y a pas la moindre contestation à avoir sur le sujet. Mais c’est un critère comptable, pas un objectif politique. La question, c’est d’expliquer pourquoi il faut atteindre les 3 %, au nom de quel projet de société. Je suis sûre qu’alors les Français vont reprendre confiance en l’avenir. Claude Bartolone, le président socialiste de l’Assemblée nationale, ou Harlem Désir, le premier secrétaire du PS, ont exprimé des doutes sur les 3 %. Les comprenez-vous ? Disonsqu’ils étaienten phase de rodage… Après les tâtonnements compréhensibles du début, l’heure est venue de la cohésion sans faille. Vous dites cela aussi pour les ministres ? Les uns et les autres ont pris leurs marques. Des talents individuels se sont affirmés. Mais un gouvernement, ce ne sont pas seulement des individus qui s’additionnent, ce sont des hommes et des femmes qui se mettent au service d’un projet collectif. Voilà ce qu’on attend maintenant: passer de l’addition des talents individuels à leur démultiplication pour construire l’avenir du pays. En clair, sur la dépénalisation du cannabis, Vincent Peillon aurait dû se taire… www.paraboot.com Il a reconnu son erreur. En effet, toute prise de parole qui permet à la droite d’avoir un angle d’attaque est à éviter. Les Français veulent un gouvernement fort. Il faut donc bannir l’éparpillement et l’improvisation. Jean-Marc Ayrault manque-t-il d’autorité ? Le premier ministre est solide alors qu’il est la cible d’attaques très rudes. Mais si la politique était facile, ça se saurait ! J’exhorte la droite à cesser d’utiliser un vocabulaire injurieux que jamais nous n’avons utilisé par respect pour le débat démocratique dans l’opposition. Ses difficultés prouvent qu’il s’attaque aux vrais problèmes, car le choix a été fait de prendre les mesuresdifficilesaudébutduquinquennat. En complément, il s’agit maintenant d’en expliquer le sens. Mais comment ? En disant clairement comment on va atteindre nos objectifs et la vision du pays dans cinq ans. Par exemple, comment crée-t-on des emplois dans l’économie de l’intelligence? Comment réalise-t-on la révolution écologique ? Comment transforme-t-on la France en pays d’entrepreneurs ? Com- «Je vous confirme que ma passion pour la politique est intacte et que je veux toujours être utile à mon pays» ment fait-on pour que les jeunes soient dans une meilleure situation à la fin du quinquennat qu’au début ? Comment permeton aux catégories populaires et aux classes moyennes de croire à nouveau dans la promesse républicaine d’ascension sociale ? Comment redore-t-on, en cinq ans, ce talisman de la gauche qu’est l’éducation nationale, en la hissant au premier rang ? Quelle Europe voulons-nous? Voilà ce que les Français veulent savoir : quels sont les objectifs fixés et comment on les atteint. Mais cela passe aussi par une profonde rénovation de notre système de gouvernance. Qu’entendez-vous par là ? Depuisl’électionprésidentielle, ily a eu l’apaisementaveclespartenaires sociaux. Les corps constitués, méprisés par le gouvernement précédent,ont été réintégrés au dialogue démocratique. Tout cela est très positif et permet d’engager trois autres changements. Oui, je vous confirme que ma passion pour la politique est intacte et que je veux toujours être utile à mon pays. Ce temps viendra pour la bonne raison que, quand la tâche est difficile et immense, il faut rassembler toutes les forces et toutes les expériences. p Propos recueillis par David Revault d’Allonnes et Thomas Wieder mobeco AVANT LES TRAVAUX D’EMBELLISSEMENT LIQUIDATION DU STOCK par autorisation préfectorale - déclaration n° 118 - Art. L1310 du Code du Commerce - Décret n° 2005-39 du 18-12-2005 du 1er octobre au 1er décembre 2012 239-247 rue de Belleville - 75019 Paris Métro Télégraphe Matelas et sommiers Convertibles Rangements Relaxation Meubles et déco Canapés et salons 7 jours sur 7 01 42 08 71 00 LEMONDE93150LIQUIDATION société 8 0123 Dimanche 21 - Lundi 22 octobre 2012 Invité de l’USM, Manuel Valls assure qu’il ne dressera pas la police contre les juges Réunie en congrès, l’Union syndicale des magistrats accueillait pour la première fois un ministre de l’intérieur. «Nous espérons beaucoup, nous craignons d’être déçus», a dit son président Colmar Envoyé spécial I Marie-Hélène « Marie-Hélène Lafon fait remonter à la surface les sentiments anciens, les interdits qui durent, les forces naturelles, les rituels d’église. » Xavier Houssin, Le Monde des livres « Marie-Hélène Lafon fait partie de ces romancières qui tracent leur sillon avec talent et ténacité. » Bernard Lehut, RTL « Marie-Hélène Lafon décrit superbement un monde qui s’en va… Lumineux. » François Busnel, L’Express « La Depardon de la littérature française. » Clara Dupont-Monod, France inter « Un auteur à lire absolument. » Philippe Claudel de l’académie Goncourt w w w . b u c h e t c h a s t e l . f r BUCHET R CHASTEL © Jean-Luc Paillé lafon l est vrai qu’il est habitué mais cette fois encore, c’était lui la vedette. Manuel Valls, parfaitement à l’aise, était vendredi 19octobre le premier des ministres de l’intérieur à assister, à Colmar, au congrès de l’Union syndicale des magistrats (USM, majoritaire). C’était aussi le premier à être invité – «Bizarrement, il ne nous était pas venuàl’espritd’invitervosprédécesseurs », a plaisanté Christophe Régnard, le président du syndicat. Le ministre de l’intérieur a indiqué qu’il avait conscience de vivre un moment « sinon historique, en tout cas privilégié » et a annoncé solennellement qu’il était venu « tourner la page d’une décennie, dix années durant lesquelles, malgréles mises en cause provenantdes plus hautes autorités de l’Etat», les juges «n’ont jamais cédé à la provocation ». C’est évidemment ce qu’avaient besoin d’entendre les magistrats, qui n’ont pas oublié que le précédent chef de l’Etat trouvait qu’ils ressemblaient plutôt à des petits pois. «Je n’admettrai pas de manifestations des forces de l’ordre contre desdécisionsdejustice,aditavecforce le ministre, devant un rang de représentantsdessyndicatsdepolice qui n’ont pas bronché, je désapprouve les commentaires partiaux et les polémiques entretenues à des fins partisanes. » Christophe Régnard avait auparavant dénoncé « les dérapages inacceptables» et les manifestations de policiers contre des décisions de justice, pour lesquels le président de la République de l’époque avait plutôt manifesté sa sympathie. M. Valls a été plus loin : il ne veut plus que «la communicationsur les affairesmédiatiséessoit le monopole des organisations syndicales» de policiers, et pour éviter «que certaines situations ne dégénèrent », entend autoriser davantage ses directeurs à parler à la presse. Il refuse ensuite « la dictature du fait divers» et annonce que le gouvernement«nelégiférerapasàchaque drame ». Il répugne « à utiliser lasouffrancedesvictimespourorganiserlasurveillancedesjugesetdresser la police contre les juges». Enfin, «laloipénalenesedécrètepasàl’Elysée,laloines’imposepassurdemande du ministère de l’intérieur, la loi s’écrit au ministère de la justice, pas contrelui,passanslui».C’esteffectivement un gros changement. «Je n’admettrai pas de manifestations des forces de l’ordre contre des décisions de justice» Manuel Valls M. Valls a longuement salué sa coopération avec Christiane Taubira, entend avoir «un respect absolu de l’indépendancede la magistrature », mais réclame en contrepartie «l’ouverture de la justice sur les préoccupations légitimes des policiers et gendarmes» – il n’oublie jamais les gendarmes –, « parce qu’avant tout, nous sommes républicains ». Le ministre a été chaleureusement applaudi par une USM heureuse- ment surprise, et s’en est retourné satisfait à Paris regarder le dernier Astérix avec ses enfants. Christiane Taubira, la garde des sceaux, a pris la suite avec l’aisance qu’on lui connaît pour un long discours fleuri et sans notes, avec la rafale de citations traditionnelles –Balzac,PhilippeClaudel(Paulc’est trop commun), Orwell (pas celui de 1984, mais celui plus obscur de son premier livre, Une histoire birmane), Montaigne (en ancien françois) et Gandhi pour finir : « Sois toimêmelechangementquetusouhaitesvoirdanslemonde.»Belleprestationmaissurlefond,peudenouvelles et une seule annonce. Elle a indiqué que la collégialité des juges, longtemps espérée et constamment repoussée, serait bien mise en place en 2014, dans une forme aménagée. Le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) sera bien réformé mais on n’a pas le détail. La ministre a d’ailleurs lancé plein d’audits dans plein de secteurs. Elle est longuement revenue sur sa circulaire de politique pénale, certes novatrice, mais qui ne vaut pas une bonne petite loi. ChristopheRégnard,dansundiscours brillant et assez vif, avait lui réclamé une série de mesures parfoisradicalespourassurerenfinl’indépendance de la magistrature, le thème de ce 38e congrès, et notamment un CSM totalement dégagé de la tutelle gouvernementale. «Beaucoup de chantiers ont été lancés, mais aucun n’a encore pu aboutir, s’est inquiété le président. Nous espérons beaucoup, nous craignons aussi d’être déçus. Les promesses du passé rarement suivies d’effet sont là pour nous convaincre de rester prudents.» ChristianeTaubiraavoululerassurer : « Nous serions bien misérables si nous décidions de louvoyer encore.» Christophe Régnard a été mollement rassuré, mais la salle a longuement applaudi, debout, la ministre qui sait si bien brosser l’hermine dans le sens du poil. La garde des sceaux avait, avant les juges et avec les mêmes aimables méthodes, obtenu un triomphe semblable devant les notaires, puis devant les avocats au Conseil national des barreaux. p Franck Johannès Manuel Valls et Christiane Taubira au congrès de l’USM à Colmar, vendredi 19 octobre. PATRICK HERTZOG/AFP FrançoisHollandeexigeune diminutionprogressive maistangibledes dépassementsd’honoraires Dans un discours sur la santé, samedi, devant la Mutualité française, le président de la République devait se prononcer pour la généralisation de l’accès à des contrats de qualité d’ici à 2017 I l n’y aura pas que les congressistesdelaMutualitéfrançaise,réunisàNice,quiserontattentifsau premier discours sur la santé que devaityprononcerFrançoisHollande, samedi matin 20 octobre. En plein bras de fer sur l’épineux dossier des dépassements d’honoraires, patients, médecins mais aussi internes attendaient des gages. Maîtriser ces dépassements est le premier dossier que le gouvernementamissurlatablepouraméliorer l’accès aux soins. C’était pourtant loin d’être le plus simple. Le président de la République devait préciser son objectif, samedi, en indiquant que la conclusion d’un accord était conditionnéeà la diminution, progressive mais réelle, de ce qui reste à la charge des patients. Il devait notamment plaider pour le plafonnement des dépassements – ce que certains syndicats refusent. De quoi séduire le président de la Mutualité, Etienne Caniard, qui s’était inquiété jeudi que l’accord aboutisseà la stabilisation des dépassements d’honoraires, pas à leur réduction. Devant la Mutualité française, organisme qui regroupe la quasitotalité des mutuelles de santé, M.Hollande devait aussi réitérer la menace de sa ministre de la santé : faute d’accord, le gouvernement passera par la loi pour encadrer les dépassements. La dernière séance de négociations est prévue lundi à l’assurance-maladie,aveclesmédecins et les complémentaires. D’autres voix commencent à se faire entendre. Le Parti de gauche a prévude distribuer lundi, devant le siègede laCNAM,des « cartesVitale gold» pour dénoncer un « simulacre d’encadrement» des dépassements, tandis que les internes manifesteront pour réclamer le maintiendusecteur2(àhonoraires libres), qu’ils jugent menacé. Un autresujet les inquiète: une propositionducandidatàl’Elyséedelimiter la liberté d’installation des médecinseninterdisantde nouvelles arrivées en secteur 2 dans les zones surmédicalisées. Le président élu, lui, semble vouloir, du moins pour l’instant, se cantonner auxmesuresincitativespours’attaquer aux déserts médicaux. Il devait aussi rappeler la création de 200 postes de « praticiens territoriaux de médecine générale» dans les zones les moins bien dotées, une proposition inscrite dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2013, dont la discussion commence mardi 23 octobre. « Inégalités de santé » Mais les dépassements et les déserts médicaux ne résument pas à eux seuls les freins à l’accès aux soins. M. Hollande, qui estime que les bons résultats apparents affichés par la France, notamment en termes d’espérance de vie, cachent de «profondes inégalités de santé», juge que des décisions pénalisant les assurés sociaux ont été prises ces dix dernières années, comme la création des franchises ou d’un taux de remboursement à 15%. Pour faciliter le recours aux soins, le président compte sur la généralisation de l’accès à une couverturecomplémentairede qualité d’icià 2017.Reprenantla critiquede la Cour des comptes selon laquelle les 4,3 milliards d’aides fiscales et sociales à l’acquisition d’une complémentaire de santé profitent davantage aux cadres des grandes entreprises qu’aux temps partiels, retraités ou chômeurs, il devait annoncerqu’ilvademanderaugouvernement de les réorienter. Il devait aussi s’engager à une révision de la fiscalité des assurances complémentaires, en proposant une modulation de la taxe sur les contrats dits responsables (sans discrimination d’âge ou de situation de santé). Il était très attendu sur ce point. En 2011, le gouvernementFillonl’avait augmentée,provoquant la colère des mutuelles – et une hausse des cotisations. Autre geste, il devait se dire favorable à ce qu’elles soient autorisées à passer des contrats avec des médecins dans le cadre de réseaux de soins où les tarifs sont négociés, une possibilité jusque-là réservée aux assureurs. Il y a un autre sujet sur lequel M. Hollande compte marquer sa différence avec la droite : l’hôpital public, qui « ne sera jamais une entreprise ». 354 millions d’euros doivent y être investis en 2013 et 170millions en 2014. Le PLFSS prévoit déjà la suppression de la convergence des tarifs versés aux établissements publics et privés. Le président veut aussi en finir avec la multiplication des plans de santépublique.Dequoisurcepoint faire surtout des mécontents. p Laetitia Clavreul 0123 9 société Dimanche 21 - Lundi 22 octobre 2012 Ultime hommage à l’avocat Antoine Sollacaro, entre tristesse et inquiétude Environ un millier de personnes, dont de très nombreuses personnalités de l’île, ont assisté, vendredi 19octobre à Propriano, aux obsèques du magistrat assassiné mardi à Ajaccio Reportage un aspect méconnu de l’histoire américaine Propriano (Corse-du-Sud) Envoyé spécial U ne haie de robes noires figées au garde-à-vous dans un silence pesant que seul le vent osait rompre a salué la dépouille de l’avocat ajaccien Antoine Sollacaro, 63 ans. Vendredi 19 octobre, le bâtonnier Sollacaro a reçu l’ultime hommage de ses confrères, de ses proches, de nombreux amis et anonymes. Ils étaient environ un millier de personnes dont 150 femmes et hommes en robe noire d’avocat massés dans la trop petite église Notre-Dame-de-la-Miséricorde à Propriano (Corse-du-Sud) et sur le parvis pour assister aux obsèques de l’homme assassiné mardi 16octobre à Ajaccio. Il était environ 13 h30 et déjà les habitants de Propriano avaient commencé à prendre place sur les bancs. Les femmes à gauche et les hommes à droite. Le cortège funèbre long de 200 voituresvenu d’Ajaccion’avaitpas encore atteint la petite localité de 3 000 habitants située en bord de mer dont Antoine Sollacaro était natif. Il y avait là sur ce parvis bâti au-dessus de la mer et cerné par les montagnes de l’Alta Rocca des responsables politiques de l’île parmi lesquels Dominique Bucchini (PCF), président de l’Assemblée territoriale,SimonRenucci(PS),maire d’Ajaccio, Paul-Marie Bartoli (PRG), maire de Propriano, Jean-Jacques Panunzi (DVD), président du conseilgénéralde Corse-du-Sud…Il y avait aussi les chefs nationalistes, ceux du mouvement autonomiste comme Jean-Christophe Angelini ou ceux du mouvement indépendantiste comme Jean-Guy Talamoni. Il y avait encore des magistrats dont Xavier Bonhomme, procureur de la République d’Ajaccio, et son prédécesseur Thomas Pison qui avait fait le voyage de Nancy, il y avait des familles qui avaient été clientes d’Antoine Sollacaro, comme la sœur et le frère d’Yvan Colonna, Christine et Stéphane. Et puis il y avait, enfin, celles qu’un drame semblable à celui survenu mardi a Des avocats portent le cercueil d’Antoine Sollacaro devant l’église de Propriano, le 19 octobre. PASCAL POCHARD/AFP frappées, comme Mme Feliciaggi, veuve de Robert, l’élu assassiné d’une balle de pistolet dans la tête, un soir de mars 2005, sur le parking de l’aéroport d’Ajaccio. Cette fois encore, le meurtrier s’était enfui à moto. Il n’a jamais été retrouvé. Cet homicide avait en quelque sorte ouvert la série macabre qui depuis n’a toujours pas été interrompue. « Déliquescence » Comme à chaque fois qu’elle enterre une de ses figures, victimes de tueurs, la Corse cherche à comprendre.Unefoisdepluselles’inter- roge, une fois de plus elle s’indigne, et une fois de plus elle répète ces phrases et ces constats tellement entendus au cours de ces journées funestes. « C’est un drame terrible; l’enfoncementdansunprocessusde déliquescence. La société corse se referme sur elle-même », déplore l’avocat nationaliste Lucien Felli, qui fut, avec Antoine Sollacaro, parmi les défenseurs des premiers nationalistes jugés devant la cour desûretédel’Etatàlafindesannées 1970. Dominique Bucchini demande, lui, «un programme pour lutter contre la mafia sur dix ou quinze ans», et attend de voir « les proposi- Le parquet de Marseille ouvre une information judiciaire Le parquet de la juridiction interrégionale spécialisée (JIRS) de Marseille a ouvert, vendredi 19 octobre, une information judiciaire pour « assassinat en bande organisée » et « association de malfaiteurs ». Les juges marseillais Christine Saunier, Thierry Azéma et Christophe Perruaux ont été chargés de l’instruction. Ce même jour, le Fauteuils & Canapés Club Haut de Gamme procureur de la République, Jacques Dallest, a lancé un appel à témoins garantissant l’anonymat de ceux qui le souhaiteraient. Concernant l’enquête, les policiers ont retrouvé le propriétaire de la moto, une BMW de grosse cylindrée, dont les tueurs se sont servis pour exécuter leur forfait. Elle avait été volée il y a deux mois à Ajaccio. tions du gouvernement». D’autres préfèrent ne rien dire. Dans cette foule, la tristesse et le recueillement le disputent à l’inquiétude. C’est palpable. Dans quel état la Corse s’est-elle mise au cours de ces dernières années pour être là où elle en est, s’interroge-t-on mezzo voce ? Cette Corse dont certains de ses enfants tuent certains autres de ses enfants dans un climat de banalisation tel qu’il fautqu’unepersonnalitéemblématique tombe sous les balles pour que la population s’alarme. Le diacre Antoine Peretti ne s’y trompe pas. Dans son homélie, il exhorte « les gens à renoncer à la violence ». Et de lancer à tous : « N’ayez pas peur », tout en fustigeant « l’invasion de la drogue, du sexe, de la haine, de l’envie, de la jalousie et de la rumeur». Même si lescausesdecetteviolenceendémique ne se limitent probablement pas à ces seules explications. Antoine Sollacaro repose désormais au cimetière marin. Au-dessus des flots du golfe de Propriano. p « La romancière américaine d’origine japonaise boucle son majestueux livre en disant tout d’un sujet demeuré tabou. Ses voix ont libéré une parole longtemps muselée. » Françoise Dargent, Le Figaro « Un grand chœur invisible. Tragique. Magnifique. » Fabienne Pascaud, Télérama « Le calvaire de ces femmes, Julie Otsuka le retrace avec une voix durassienne, un lamento parfois résigné, parfois courroucé. » André Clavel, Lire Yves Bordenave Fait divers Unlycéenaccuse la policede violences: uneenquêteest ouverte Une enquête a été confiée à l’IGS (la « police des polices») sur les accusations portées par un lycéen qui affirme avoir été roué de coups par trois policiers de la brigade anticriminalité du Val-de-Marne après avoir tenté d’échapper à une interpellation à Sucy-en-Brie, dans la nuit du 5 au 6octobre. Selon le récit de l’avocat du plaignant, Me Jérôme Karsenti, Chaïn, scolarisé en 1re ES, aurait été interpellé alors qu’il rentrait d’un match de football. L’adolescent pris de panique aurait voulu s’enfuir. Un médecin lui a prescrit une interruption temporaire de travail de cinq jours. – (AFP.) Emploi Contratde génération: accord entrelessyndicatset le patronat Quatre syndicats sont parvenus, vendredi 19octobre, à un accord avec le patronat sur le futur contrat de génération qui vise à encourager l’embauche de jeunes et le maintien en activité des seniors. La CFDT, FO, la CFTC et la CFE-CGC ont défini les modalités du futur dispositif avec le Medef, la CGPME et l’Union professionnelle artisanale. La CGT reste réservée. Le contrat de génération doit faire l’objet d’un projet de loi, présenté le 12décembre au conseil des ministres, pour un vote début 2013. – (AFP) « Une voix d’une force bouleversante à des femmes anonymes aux destins effacés. Un chœur sacré contre l’oubli. » Marie Chaudey, LaVie « La plus envoûtante des mélopées. » Alexis Liebaert, Marianne « Une incantation poétique, émouvante aux larmes » Isabelle Courty, Le Figaro Magazine « Un roman puissant à côté duquel il ne faut pas passer. » Pierre Maury, Le Soir Santé Une mère perd son enfant avant d’arriver à la maternité L’indémodable fauteuil CLUB, plus de 80 ans et toujours plus de succès ! Cuir mouton ciré, patiné, vieilli, suspension et ressorts. Plus de 30 modèles en exposition. 80, rue Claude-Bernard - 75005 PARIS Tél. : 01.45.35.08.69 www.decoractuel.com Une mère a perdu son nouveau-né, vendredi 19octobre, après avoir accouché seule alors qu’elle se rendait à la maternité de Brive, en Corrèze, située à une heure de route de son domicile dans le Lot. Après les fermetures des maternités de Figeac et de Gourdon, le Lot ne compte plus qu’une seule maternité, à Cahors, pour une population de 170000habitants environ. Banditisme Des armes découvertes près de Belfort Une nouvelle cache d’armes a été découverte, mercredi 17 octobre, à Chèvremont, près de Belfort, dans le cadre de l’enquête sur un vaste trafic de kalachnikovs vraisemblablement destinées à alimenter le milieu du banditisme. Un homme a également été interpellé. Trois personnes soupçonnées d’être impliquées dans ce trafic ont été mises en examen fin septembre pour infraction à la législation sur les armes. – (AFP.) w w w. e d i t i o n s p h e b u s . f r 10 0123 politique Dimanche 21 - Lundi 22 octobre 2012 Les régions s’opposent à l’Etat Le gouvernement sur la Banque publique d’investissement justifie son recul Les collectivités régionales réclament un rôle accru dans la gestion de la future BPI. Le président de l’Association des régions de France, M.Rousset, dénonce «un dialogue de sourds» avec Bercy face aux «pigeons» Le ministre du budget, Jérôme Cahuzac, cherche à apaiser la majorité parlementaire L Jean-Pierre Jouyet, futur président de la Banque publique d’investissement, lors du congrès des régions, jeudi 18 octobre à Lyon. JEFF PACHOUD/AFP C de la BPI, national et régional. Concrètement, l’ARF formule trois grandes revendications: elle réclame trois sièges d’administrateurs sur quinze pour les régions, au lieu de deux prévus, dans le futur conseil d’administration de la BPI; elle exige que l’Etat et la CDC soientreprésentésaucomiténational d’orientation, présidé par les régions, afin de mieux échanger avec les deux grands actionnaires de la banque sur les choix d’investissement ; enfin, l’ARF veut des comités régionaux d’orientation à la composition plus ouverte, où l’Etat (et les préfets) ne régneraient pas en maîtres. Elle souhaite que les comités d’engagement régionaux promettent des montants substantiels (de 10 à 50 millions d’euros), sans en référer au niveau national de la banque. « Le projet qui vise à faire sortir l’Etat central par la porte pour STEINER DUVIVIER BUROV DIVA COLLINS & HAYES STRESSLESS e PARIS 15 STRESSLESS STEINER DUVIVIER BUROV DIVA COLLINS & HA mieux le réintroduire par la fenêtre COLLINS & HAYES STRESSLESS STEINER DUVIVIER BUROV D est un mauvais projet», analyse un observateur. L’Etat doit comprenDIVA COLLINS & HAYES STRESSLESS STEINER DUVIVIER BUROV dre « qu’il ne peut pas reprendre BUROV DIVA COLLINS & HAYES STRESSLESS STEINER DUVIVIER d’une main ce qu’il a accordé de DUVIVIER BUROV DIVA COLLINS & HAYES STRESSLESS STEINE l’autre », s’exaspère Jean-Paul STEINER DUVIVIER BUROV DIVA COLLINS & HAYES STRESSLESS Huchon, président de la région Ilede-France. « Nous avons un dialogue de sourds avec l’appareil technique de Fabrication française, label qualité NF Bercy. Il pense macroéconomie, Cuir de mouton patiné et ciré à la main alors que la relance de notre industrie passe par la réactivité des terriCONDITIONS AUTOMNALES ! toires », déplore Alain Rousset. « J’ai travaillé dix ans au ministère des finances; je connais, poursuitil. Le ministère est composé d’énarques et de hauts fonctionnaires dont la pensée dominante s’élabore ’est en rangs serrés que les présidents de région ont ouvert le feu, les 18 et 19 octobre, lors du Congrès des régions qui setenaitàLyon.Leurcible:leministère des finances, premier frein, selon eux, à leur volonté de jouer unrôledechefdefiledudéveloppement économique et de l’innovation. Si la question du futur projet de loi sur la décentralisation, prévu début 2013, inquiète les régions, les tensionsactuellessont centréessur leur poids dans la future Banque publique d’investissement (BPI) – ce bras armé de l’Etat, géré conjointement avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC), qui sera créé d’icià lafin del’annéeafin desoutenir les PME industrielles et de stimuler la croissance économique. Le coup d’accélérateur dont a besoin l’économie française passera par la « régionalisation du soutien aux PME », avance Alain Rousset, président PS de l’Association des régions de France (ARF) et de la région Aquitaine. « Pour une aide à l’innovation, à l’équipement, à la formation ou à l’obtention de garanties pour l’export, les régions sont les mieux placées, du fait de leur proximité, pour comprendre et répondre aux besoins des entrepreneurs », souligne le président de l’ARF. Dans une lettre adressée, le 10 octobre, au premier ministre Jean-MarcAyrault, que s’est procurée Le Monde, M. Rousset réclame ainsiune clarificationet un renforcement des pouvoirs accordés aux régions dans les différents étages Le Club Fauteuil Culte Première maladresse du futur président de la BPI © A Paris depuis 1926 CANAPÉS, LITERIE, MOBILIER : 3 000 M2 D’ENVIES ! www.topper.fr 7J/7 • M° BOUCICAUT • P. GRATUIT Canapés : 63 rue de la Convention, 01 45 77 80 40 Literie : 66 rue de la Convention, 01 40 59 02 10 Mobilier Gautier : 147 rue St-Charles, angle 58 rue de la Convention, 01 45 75 02 81 Jean-Pierre Jouyet, directeur général de la Caisse des dépôts et futur président de la Banque publique d’investissement (BPI) a commis une première maladresse, vendredi 19 octobre. Interrogé sur l’opportunité d’aider le site industriel de Florange (groupe ArcelorMittal), M. Jouyet a répondu que la BPI n’avait pas vocation à soutenir « les canards boiteux ». Il s’est aussitôt fait reprendre par le chef de l’Etat, qui, au sortir du sommet européen, a estimé que le cas de l’aciérie de Florange ne relevait pas de la BPI et que cette usine, ainsi qu’ArcelorMittal, n’étaient pas des « canards boiteux ». entre le boulevard Saint-Germain et la rue du Faubourg-Saint-Honoré. Ils n’ont aucune idée, et aucun respect pour ce qui se réalise dans les régions», relance M. Huchon. Les régions, dont 21 sur 22 en métropolesont dirigées par la gauche, regrettent que le projet de loi créant la BPI, adopté le 17 octobre enconseildes ministres,ait été inspiré par un rapport de l’inspection des finances, prévoyant de leur accorder un rôle jugé trop secondaire. D’où le tir de barrage de l’ARF. « Le modèle jacobind’organisation de l’Etat veut des collectivités aux compétences émiettées, « François Hollande n’a pas beaucoup de cartouches à tirer, il ne doit pas rater celle-là » Jean-Jack Queyranne président de la région Rhône-Alpes s’insurge Alain Rousset, ce n’est pas l’intérêt général! » A Bercy, où la lettre de M. Roussetaétéadresséeencopieauministre de l’économie, Pierre Moscovici, on se dit ouvert à la discussion. Le débat parlementaire sur ce projet de loi permettra d’amender le texte, assure-t-on. La demande pourtroisadministrateurs,notamment,ne paraît pasirrecevable.« Le diable se nichant dans les détails, nous regarderonsavec attention les textes qui sortiront », avertit M. Rousset. Le bras de fer avec le gouvernement, des présidents socialistes de région se disent prêts à le mener. « En matière d’emploi, de formation, les régions se sont engagées à soutenir le gouvernement dans son projet de croissance, et l’Etat ne pourra pas le faire sans nous. Ce n’est pas pour se faire mettre dans le vent à la première occasion», fait valoir M.Huchon. « Cette réforme peut revitaliser le modèle industriel français, remettre du carburant intellectuel au cœur du développement économique », analyse Jean-Jack Queyranne, président du conseil régional de Rhône-Alpes. « FrançoisHollande doit réussir la décentralisation. Il n’a pas beaucoup de cartouches à tirer, il ne doit pas rater cellelà », avertit-il. p Anne Michel et Eric Nunès es députés achèveront lundi 22 octobrel’examen de la premièrepartie de la loi de finances pour 2013, qui doit être votée par scrutin public mardi 23 octobre. Quand la séance a été levée, peu avant 3 heures, dans la nuit de vendredi à samedi, il restait encore 76 amendements à examiner. Le gouvernement semblait avoir franchi la plus haute haie de sa course d’obstacles budgétaire en faisant adopter – finalement sans grandes difficultés – les principales dispositions de son projet de loi. A commencer par celles qui avaient concentré la polémique, ces derniers jours, suite à la mobilisation des entrepreneurs qui s’étaient baptisésles«pigeons»contreledispositif de taxation des plus-values de cession. Ce qui avait contraint le ministre délégué au budget, Jérôme Cahuzac, à revoir sa copie, qu’il soumettait à la discussion vendredi après-midi. L’affaire aurait pu mal se présenter. L’opposition n’allait pas se priver de profiter de la volte-face du gouvernement. Le climat, à la reprise de la séance, s’en ressentait. Celle-ci a failli d’emblée déraper. Nathalie Kosciusko-Morizet (UMP, Essonne) s’apprêtait à prendre la parole pour défendre « le monde de l’entreprise » lorsque le rapporteur général, Christian Eckert (PS), a lâché – hors micro – : « Tiens, voilà les conflits d’intérêts qui s’amorcent ! », provoquant un tollé de l’opposition. « Politique de Gribouille » Passé ce moment d’ébullition, le débat a repris son cours normal. La droite a accusé le gouvernement d’avoir « la main lourde et maladroite», demener« une politique de Gribouille », d’« envoyer un signal négatif aux entrepreneurs», de faire des entrepreneurs « les adversaires du gouvernement »… « Le mal est fait », a insisté Laure de la Raudière (UMP, Eure-et-Loir) considérant que la nouvelle rédaction proposée par le gouvernement ne changerait rien à l’affaire. Il revenait à M. Cahuzac de faire œuvre de pédagogie. Sans grand espoir de convaincre l’opposition mais avec celui d’apaiser le sentiment, dans sa majorité, que le gouvernement avait été bien prompt à lâcher du grain aux « pigeons». Leministrea assuméson«changement d’opinion ». « Le projet de loi,sur certainsaspects,étaitprobablementerroné,a concédéM. Cahuzac. Nous avons estimé qu’une erreur avait été faite, nous avons tenté de la corriger le mieux et le plus vite possible. Certains ont pu être choqués de la manière dont le gouvernement a tenté de le faire. J’espère que, au regard des explications que je donne, ils comprendront la rapidité avec laquelle nous avons agi. » Autant de précautions à usage de sa propre majorité. Il s’est toutefois défendu de vouloir remettre en cause le principe directeurdeceprojetdeloidefinances, à savoir que « le capital doit contribuer autant que le travail ». Reste que l’amendement du gouvernement à son projet de loi initial entraîne une perte de 800millionsd’eurossur lemilliardque cette disposition était censée rapporter. Le choix du gouvernement de compenser cette moindre recette en prolongeant de deux ans la surtaxe à 35 % d’impôt sur les grandes sociétés a calmé les aigreurs à gauche. Les amendements du gouvernement ont été adoptés par l’ensemble de la majorité. Face à une opposition finalementmoins pugnace que lesdéclarations véhémentes de ses dirigeants ne le laissaient attendre, le ministre du budget a dû, à plusieurs reprises, s’employer pour tempérerlesdemandesde samajorité. Ni les écologistes ni le Front de gauche n’ont réussi à voir aucune de leurs demandes d’alourdissement de la fiscalité exaucées. « Les entreprises sont déjà suffisamment sollicitées, il convient de ne pas trop chargerla barque», leur a régulièrement opposé M. Cahuzac. Qui a dû aussi composer avec le groupe socialiste. Certains députés s’inquiétaient ainsi des abattements consentis sur les cessions de terrains à bâtir. En commission des finances avait été adopté un amendementmodérantce dispositif. Le gouvernement n’y était pas favorable. « Je vous demande d’en rester au texte gouvernemental», a insisté M. Cahuzac, s’adressant à ses anciens collègues du groupe PS. Les députés socialistes ont cédé de bon gré aux arguments du ministre du budget. p Patrick Roger Durcissement atténué du malus automobile LE MATCH n’est pas terminé, mais l’industrie automobile française peut se féliciter d’avoir remporté une première victoire. Contre l’avis du gouvernement, les députés ont voté, vendredi 19 octobre, un amendement de la commission des finances au nom « de la défense de l’industrie automobile française», limitant le durcissement du malus aux seuls véhicules émettant plus de 155 g de CO2 par km. Dans le dispositif initial défendu par le gouvernement, présenté dans le cadre du projet de loi de finances, les acquéreurs de voitures se voyaient affectés d’un malus sensiblement alourdi: 100 euros contre zéro auparavant pour les véhicules dégageant de 135g à 140g, 300 euros contre 200 euros aujourd’hui de 140g à 145g, 400euros contre 200 euros entre 145g et 150g, 1000 euros contre 500 euros de 150g à 155g. Des augmentations jugées trop élevées par les députés: pour ces catégories de véhicules, l’amende- ment adopté annule la hausse envisagée. Le reste du dispositif gouvernemental, concernant les véhicules les plus polluants, n’a en revanche pas été modifié: au-dessus de 155g d’émissions de CO2, le malus est plus que doublé dans la plupart des catégories, atteignant même 6000 euros au-dessus de 200g. Le ministre du budget, JérômeCahuzac, a annoncé qu’il ferait procéder «à une seconde délibération» pour revenir sur le vote des députés, lequel représente, selon lui, une perte de recettes de «140millions d’euros» pour l’Etat. Le vote de cet amendement risque également de provoquer la colère des écologistes, qui trouvaient déjà le dispositif trop indulgent d’un point de vue environnemental. Ils avaient, de leur côté, déposé un amendement proposant d’inclure les émissions de particules fines dans le calcul du bonus-malus, une mesure qui ciblait les moteurs diesel. Mais leur amendement a été rejeté. p Rémi Barroux (Publicité) Lettre ouverte aux hommes politiques, aux économistes ainsi qu’aux femmes et aux hommes intéressés par la situation économique actuelle de l’Europe POUR LUTTER CONTRE LA CRISE : LE CHOC DE LA DEMANDE Nous sommes entrés dans la période économiquement difficile, qui fait suite à une crise de la dette. Ce type de situation se rencontre une fois par siècle. Cette période peut être longue et pénible, elle peut être même très longue et très pénible si on n’y prend pas garde. Ceci, peut-être, parce que l’on n’a pas compris exactement dans quel type de crise l’on se trouve. Pour remonter presque jusqu’à l’origine, il faut revenir au début des années 80, après la stagnation, et l’hyper inflation des années 70. La politique énergique de Monsieur Volker aux USA, de hausse vigoureuse de taux d’intérêt, suivie un peu partout dans le monde, a réussi alors à stopper les anticipations inflationnistes. L’économie dans sa globalité repartit sur des bases nouvelles, avec une inflation désaccélérant à partir de sommet de près de 15 % dans les années 70, à près de 2 % au début des années 2000. Les taux d’intérêts ont suivi le même chemin, passant de sommet de près de 15 % pour les taux d’intérêts d’Etat à 10 ans, à moins de 1,5 % dans certains pays en 2012. Cette diminution de l’inflation, ces taux d’intérêts de plus en plus favorables à l’emprunt, une macro économie globalement considérée comme moins cyclique que par le passé, ont favorisé l’endettement des ménages et des états, au-delà de la mesure. Ceci parce que l’on n’en voyait plus les conséquences négatives. On était supposé être rentré dans l’ère d’un nouveau paradigme d’économies moins risquées, de croissance technologique, d’ouverture des frontières, d’offres de plus en plus compétitives. Au début des années 90 certains Etats de l’Europe du Sud ne voyaient plus pourquoi leurs dettes ne pourraient pas continuer à croître indéfiniment. Au début des années 2000, des hommes politiques français considéraient que cela durerait aussi longtemps qu’eux-mêmes. Il eut toutefois en 2007 un ministre français qui déclara presque incongrûment, que notre pays était virtuellement en faillite. Les hommes politiques, les banquiers, les autorités monétaires et celles en charge de la régulation, les agences de notation ne s’étaient pas aperçus qu’au milieu des années 2000, le système économique de l’endettement était rentré dans une phase de perversion extrême, dont les crédits « subprime » aux EtatsUnis en furent un des exemples symptomatiques. Il n’était plus question de calculer si les emprunteurs auraient la capacité de rembourser un jour leurs dettes, puisque de toute façon, après quelques années, lorsque le prix de leurs maisons aurait monté suffisamment, les emprunts seraient renégociés dans des termes plus favorables. On leur accorderait alors un nouveau crédit hypothécaire et un nouveau crédit à la consommation, adossés sur l’accroissement de la valeur supposée du bien, objet de l’hypothèque « subprime ». Le problème économique de ce type d’attitude face aux risques, est qu’elle ne fonctionne que dans la phase ascendante du cycle de crédit. C’était l’époque où l’on considérait que la balance des paiements et la balance commerciale, n’avaient plus d’importance, comme le soutenaient certains économistes anglais et américains. L’important pour la prospérité économique d’un pays était d’avoir une bourse qui monte, une bourse qui attire toujours plus de capitaux à l’intérieur du pays. Cette situation avait l’avantage de combler miraculeusement le déficit de la balance des paiements. Cette politique optimiste, comme nous l’avons rappelé, ne fonctionne que dans la phase ascendante du cycle de crédit. Si l’économie reste cyclique, malgré des cycles plus faibles que dans les années d’après guerre, cette approche est suicidaire à terme. C’est le nœud du problème que peu d’économistes ont perçu, car il était masqué par le nouveau paradigme économique de la globalisation. Le cycle du crédit repartit ainsi de plus belle de 2003 à 2007. Il est vrai que ce cycle de crédit, que l’on peut dater du début des années 80, mais plus encore du début des années 90, à partir de 93 – 94, est le cycle qui a permis l’actuelle globalisation. Cette globalisation a eu pour « moteur du monde », le consommateur américain, et le déficit du même pays. Les importations américaines ont permis le décollage industriel des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine). Le moteur s’est grippé au milieu des années 2000, vers 2007, lorsqu’ au vu d’une activité économique plus incertaine, de risques croissants, les banquiers puis les consommateurs américains ont considéré confusément, que le système était devenu trop dangereux pour continuer à prêter et à emprunter. Dans ce type de situation, à un moment donné, les banques ne prêtent plus, les consommateurs mal à l’aise ne veulent plus emprunter. C’est ce que Hayek a appelé la « barrière monétaire » dans son célèbre livre sur la crise des années 30, « Prix et Production ». C’est ce que Kindleberger appelle un « déplacement » dans son livre sur les crises financières. A un moment donné, il s’opère un déplacement dans les appréciations du risque, dans les anticipations des banquiers, des consommateurs et des emprunteurs. Ils estiment que l’activité économique est trop incertaine, le risque trop élevé, l’endettement trop dangereux pour continuer à prêter, pour les banquiers d’abord, puis à emprunter pour les autres, les consommateurs et entreprises (ceci démontre assez qu’une offre de monnaie supplémentaire ne peut être le remède à elle seule). Les « subprime » ont semblé d’un seul coup monstrueux. L’endettement des ménages a culminé dans la 2ème moitié des années 2000, parfois à près de 140 % de leur revenu annuel, contre moins de 50 % 25 ans plus tôt. D’un seul coup, les consommateurs ont repris conscience que l’activité pouvait être cyclique. Ils ont voulu réduire leur consommation et augmenter leur épargne. Cette rupture s’est traduite par un choc récessif extrêmement brutal en 2008, avec une chute de la production allant jusqu’à 7 %. Depuis lors, la production a remonté avec beaucoup d’hésitation. En 2012, cette récupération aurait tendance à s’infléchir sinon à s’inverser, dans certains pays. L’Allemagne et les Etats-Unis sont les deux seuls pays occidentaux à avoir retrouvé leur niveau de production de 2007. Les autres sont très en deçà. C’est une crise durable, peut-être aussi durable, et peut-être même plus durable que celle des années 30. Les politiques d’austérité ont leur limite. Un chancelier de l’échiquier anglais constatait l’an dernier, avec un certain effarement, que malgré sa politique d’austérité et ceci bien qu’il ait lu toutes les études afférentes, la croissance ne repartait pas. Au 1er semestre 2012, la Grande Bretagne s’enfonce à nouveau dans la récession après 5 ans de crise. QUEL EST LE MAL ? QUEL EST LE REMEDE ? Le mal est assez simple à analyser, c’est une crise de surendettement. Après s’être surendettés en grande partie à cause de taux d’intérêts trop faibles, les ménages souhaitent réduire leur endettement. Aussi, se trouve t-on dans la situation assez terrible d’avoir une volonté d’épargne proportionnellement plus grande, sur un revenu lui-même diminuant, comme c’est le cas en Angleterre en 2012. Comment s’étonner alors, que la consommation baisse ? C’était inéluctable et relativement facile à anticiper. A partir de 2008, devant cette baisse de la consommation généralisée, les Etats occidentaux ont décidé, pour éviter une forte diminution globale de la demande, de ne pas réduire leurs dépenses et de laisser filer leur déficit. Les Etats-Unis poursuivent dans cette direction. L’Europe, dans un contexte de désunion, a décidé d’adopter une politique différente en réduisant les déficits publics. Nous constatons ainsi en Europe une récession qui se poursuit, alors que les Etats-Unis connaissent une croissance réelle, toutefois plus faible que ne l’auraient espérés les tenants de la politique de déficit. Pour reprendre l’enchainement dangereux, les ménages ont un revenu décroissant, alors même qu’ils souhaitent épargner plus sur ce revenu décroissant, afin de faire baisser leur endettement global, de près de 140 % aux USA, à par exemple moins de 100 %, de leur revenu annuel. Il est aisé de percevoir que c’est un processus long et difficultueux qui peut durer une décennie, voire plus. Si l’on n’y prend garde, on peut rentrer dans une spirale déflationniste de type japonaise. Ce pays connaît une économie stagnante depuis plus de 20 ans, avec un endettement croissant de l’Etat, à plus de 200 % du PIB, et un désendettement décevant des ménages. Le maintien des taux de la Banque centrale japonaise à 0 %, et une hausse régulière des dépenses publiques n’ont pas suffi à contrebalancer l’impact de ce mouvement de désendettement graduel des ménages japonais. Du fait d’un manque de réformes structurelles menées suffisamment en profondeur pour redynamiser l’économie, celle-ci a perdu une part de sa capacité d’innovation. Elle est par ailleurs handicapée, comme l’Europe mais plus qu’elle, par le poids d’une population vieillissante. C’est la voie que l’Europe ne doit pas suivre, et, le cas dangereux que nous devons garder en tête à tout instant. Monsieur Bernanke est bien conscient de cet écueil, il l’a même théorisé, raison pour laquelle il est très actif pour éviter de tomber dans cette trappe. Par ailleurs, il faut garder à l’esprit que le développement de cette crise de l’endettement se réalise dans un cadre global plus compétitif, plus dangereux qu’autrefois pour les économies occidentales. Lors de la récession du début des années 90, Il n’y avait pas de pays émergents en croissance, faisant monter le prix des matières premières comme aujourd’hui. En 2012, le consommateur est pris dans une tenaille plus dangereuse qu’à l’époque, dans la mesure où, pour la première fois, dans la phase descendante d’un cycle, nous constatons des prix des matières premières ascendants. Ce phénomène a pour conséquence que les anticipations de taux d’inflation et les taux d’inflation sont restés dans les pays occidentaux, jusqu’à ce jour, après 5 ans de crise, à plus de 2 %, notamment aux USA et en Angleterre. Ce taux est situé au-delà de la ligne haute du « target » de la politique monétaire des banques centrales occidentales. C’est un paradoxe dont elles ne pourront pas faire l’économie de la réflexion dans la gestion du binôme prix-emploi. Les objectifs d’inflation de politique monétaire des banques centrales, devront être déplacés raisonnablement vers le haut, pour ne pas handicaper la croissance. La demande est atone, les ménages se désendettent, les salaires augmentent moins vite que l’inflation, notamment en Angleterre et dans le sud de l’Europe. Sans un choc salutaire, nous sommes entrés dans un cercle vicieux dépressionniste. Les Etats n’y peuvent plus rien, ils se sont eux-mêmes surendettés dans la 1ère phase de la crise, afin de compenser la baisse de la demande des consommateurs. Ils sont aujourd’hui en Europe, et demain sans doute aux Etats-Unis, en cure d’austérité. Il faut casser ce cercle vicieux. Aussi est-il nécessaire de créer des anticipations reflationnistes par une demande plus dynamique. En Europe, seul un choc de la demande réalisé, parce que les consommateurs pensent qu’ils vont bénéficier d’un revenu durablement plus élevé, peut faire diminuer un taux d’épargne trop important. Ce taux d’épargne est devenu profondément déflationniste. Il est nécessaire de créer ce choc de la demande. Les états européens, les patronats européens et les organisations représentatives des salariés doivent décider tous en même temps, que les salaires minimaux, nationaux, sectoriels ou par entreprises sont augmentés de 2 % immédiatement, si nécessaire par la loi, peut-être dans le cadre d’une réorganisation plus globale du marché du travail. Les faibles salaires devront, pour une période suffisante, de 3 à 5 ans, augmenter de 2 % plus vite que l’inflation, chaque année. Cette période assez longue permettra une contamination progressive de la hausse des salaires les plus faibles, vers les salaires intermédiaires. Cette anticipation par les salariés, d’une période assez longue de hausses de salaires, permettra d’ancrer des anticipations de revenus et de dépenses plus élevées. Seule cette échelle mobile des salaires faibles, qui sont ceux des salariés qui consomment le plus, peut casser le cercle vicieux des anticipations négatives, et permettre aux consommateurs d’épargner un peu moins. Il faut simplement réamorcer la pompe. Cette inversion des anticipations est le point crucial qui peut mettre fin à la crise. Ce ne sera pas un retour marqué à une croissance forte, mais une inflexion suffisamment significative pour inverser une tendance. Il faut un choc brutal et puissant pour l’obtenir. Pour que ce choc de la demande soit efficace, il doit provoquer un rebond fort de la confiance des ménages. Cela sera possible si les ménages observent que cette hausse des salaires s’accompagne des mesures nécessaires de réformes structurelles, permettant de dessiner à terme un environnement porteur donnant la possibilité d’affronter efficacement, les défis de la concurrence mondiale. Par ailleurs, il serait souhaitable que la BCE continue à baisser ses taux d’intérêts afin que l’euro se déprécie pour qu’il n’y ait pas, après la hausse des salaires, de perte de compétitivité extérieure de la zone euro. Toutefois, l’immense réserve de productivité, en raison du faible taux d’utilisation des capacités de production, en Europe et dans le monde, auquel nous sommes parvenus, devrait garantir une accélération faible de l’inflation. Dans un premier temps, la reprise fait baisser les coûts unitaires des biens produits. Il y aura une augmentation de la demande puisque la presque totalité de l’augmentation des faibles salaires sera dépensée. De surcroît, une faible baisse du taux d’épargne abondera la demande globale. C’est seulement dans un deuxième temps, lorsque l’on s’approche de la pleine utilisation des capacités de production, que des goulets d’étranglement apparaissent. Ils font alors monter les prix, mais nous en sommes loin. Il faudra des années avant d’y arriver, car ce sera une reprise modérée. Il y aura globalement une progression du pouvoir d’achat garanti sur une période suffisante. Ce nouvel état devrait permettre aux consommateurs de reprendre le chemin des achats optimistes afin de constituer un choc positif des demandes. Si il y a une bonne coordination des états, des organismes patronaux, des organisations représentatives des salariés et des entreprises, les demandes augmenteront partout en même temps, les profits des entreprises suivront. Les marchés salueront cette unité d’action retrouvée des principaux acteurs économiques. Cette unité d’action est cruciale. Elle a beaucoup manqué depuis 5 ans pour le rétablissement de la confiance. Cette politique n’exclut pas, par ailleurs, pour des pays qui ont été particulièrement peu diligents quant à leur coût de production, de commencer à mettre en œuvre une politique de l’offre. Cette politique de l’offre prendra des années à produire ses effets. Elle est indispensable mais elle ne sera pas capable de réamorcer la pompe. Il y a un ordre hiérarchique des priorités : les politiques de l’offre, de baisse des coûts, de réduction des déficits budgétaires, sont une impasse si le consommateur ne reprend pas le chemin des supermarchés, les achats d’automobiles, de biens d’équipement… Par ailleurs, il faut faire en sorte que les banques puissent prêter. Aussi la mise en place de ratios de solvabilité plus exigeants pour les banques et les compagnies d’assurances, est une erreur si l’on procède trop rapidement. Les banques doivent pouvoir prêter, les compagnies d’assurance doivent pouvoir investir dans le capital risque et les valeurs immobilières en bourse. Les nouveaux critères de solvabilité leur interdisent quasiment d’y parvenir. Après avoir fait l’erreur dans les années 2000 de permettre aux banques de mettre en levier leurs bilans de façon excessive, ce serait une très mauvaise politique que de les obliger maintenant, à les réduire drastiquement, dans la précipitation. Comme un écolier pris en faute, les autorités monétaires veulent réparer leurs erreurs avec une rapidité très dangereuse pour la croissance économique. Après une erreur de négligence, il ne faut pas ajouter une faute de précipitation. Hausse des salaires au niveau européen, réformes structurelles pour une politique de l’offre vraiment renforcée, baisse des taux d’intérêts, baisse de l’euro, application retardée et modifiée des critères de solvabilités bancaires et assurances, permettront d’inverser les anticipations et de réamorcer la pompe. Il n’y aura pas de miracle mais comme le choc a été calibré pour ne pas fragiliser les entreprises, avec environ 1 % de croissance supplémentaire de la masse salariale par année sur 5 ans, en trois ou quatre ans, nos économies devraient avoir repris la bonne direction, avec la capacité de résoudre sur une période encore assez longue, la gigantesque crise de surendettement que nous connaissons. Cette crise n’est pas le fruit de quelques disfonctionnements actuels, mais la mise en place sur plus de 30 ans d’un mécanisme économique et psychologique excessivement dangereux, duquel il est impossible de sortir sans prendre de la hauteur et briser des tabous. La crise de surendettement est une crise profonde de nos sociétés, qui doivent réapprendre une certaine rigueur et une certaine morale, tant économique que politique. Didier Voydeville Economiste [email protected] économie 12 LES FILMS DU LOSANGE, X FILME CREATIVE POOL et WEGA FILM présentent 0123 Dimanche 21 - Lundi 22 octobre 2012 Igor Setchine, le tsar du pétrole russe, met la main sur TNK-BP Le président de Rosneft réalise un vieux rêve de son ami Vladimir Poutine: accroître l’emprise de Moscou sur le secteur Moscou Correspondante L “Trintignant, impérial et touchant.” LE FIGARO “Amour nous bouleverse, Amour est immense.” LIBÉRATION “★★★★” PREMIÈRE JEAN-LOUIS TRINTIGNANT EMMANUELLE RIVA AVEC LA PARTICIPATION DE ISABELLE HUPPERT AMOUR Un film de MICHAEL HANEKE LE 24 OCTOBRE La bande originale interprétée par ALEXANDRE THARAUD est disponible sur disques Virgin Classics e dernier épisode du feuilleton de l’année en Russie se joue en ce moment à Londres, où les patrons des majors britannique BP et russe Rosneft achèvent de redessiner leur alliance stratégique. Le pacte devrait être officialisé lundi 22 octobre. Détenue à 75 % par l’Etat russe, Rosneft veut privatiser 12,53 % de ses parts, BP est acquéreur. En échange,la major britannique met dans la corbeille la moitié de TNKBP, troisième producteur de brut en Russie. Elle en partageait jusqu’ici la propriété avec le consortium Alfa-Access-Renova (AAR), détenu par un quarteron de milliardaires russes installés à l’étranger (Mikhaïl Fridman, Viktor Vekselberg, Len Blavatnik et German Khan). Mais AAR et BP sont à couteaux tirés depuis de longs mois. Rosneft, de son côté, convoite TNK-BP. Les 50 % de BP lui sont donc acquis, contre des actions et 15 milliards de dollars (11,5 milliards d’euros). Des négociations ontdémarréavecAARpourl’acquisition des 50 % restants, qui devraient lui coûter quelque 28 milliards de dollars. Si l’affaire va à son terme, Rosneft se hissera au rang des premiers producteurs d’hydrocarbures de la planète, avec 3,3 millions de barils par jour, contre 2,4 millionsactuellement.Mais ellese traduira aussi par une hausse de l’endettement de Rosneft, qui doit déjà quelque 25 milliards de dollars aux banques. Ce qui risque, ont prévenu les agences de notation Fitch et Standard & Poor’s, de nuire à son profil financier. Rosneft détient avec Gazprom le monopole de l’exploitation des gisements en eaux profondes, notamment dans l’Arctique, le nouvel eldorado des pétroliers. Maissa gestionlaisse à désirer,l’investissement est insuffisant. Et Igor Setchine, le président de Rosneft, en visite à Caracas, au Venezuela, le 27 septembre. RIA NOVOSTI l’action de la major a perdu 6 % en Bourse depuis six ans que l’entreprise est cotée. Igor Setchine, lui, se frotte les mains. Le président de Rosneft vient de réaliser, à 52 ans, ce que Vladimir Poutine attendait de lui : augmenter l’emprise de l’Etat sur le secteur pétrolier, qui passe ainsi de 30 % à 50 %. Originaire de SaintPétersbourg, tout comme le président, il fut son secrétaire particulier en 1991, son chef de cabinet en 2000, son vice-premier ministre en 2008. Jadis interprète de l’armée soviétique en Angola et au Mozambique, il est un membre du premier cercle, le chef de file des « siloviki », comme on appelle ces « hommes en épaulettes » favorables à la mainmise de l’Etat sur l’économie. Hommede l’ombre,il en est sorti en prenant la tête de Rosneft en 2004. Le groupe public n’est alors qu’un acteur mineur. Grâce à la captation des principaux actifs de la major privée Ioukos, après l’arrestation de Mikhaïl Khodorkovski, son PDG, il devient numéro un du secteur. Le « faucon » Setchine joua un rôle décisif dans le démantèlement de Ioukos, confia un jour l’oligarque déchu, qui purge actuellement treize ans de prison pour fraude fiscale. Conditions drastiques Ces derniers mois, Igor Setchine a bataillé avec le premier ministre Dmitri Medvedev, alors que les libéraux du gouvernement veulent empêcher Rosneft d’acquérir des sociétés électriques qui doivent être privatisées. Il n’en faut pas plus à Igor Setchine pour réclamer la médiation du maître du Kremlin, dont il a l’oreille depuis l’époque où les deux hommes travaillaient à la mairie de SaintPétersbourg,dans les années 1990. Un familier des lieux décrit BP se recentre sur l’exploration-production Londres Correspondant BP compte sur la cession à Rosneft de sa participation de 50 % dans la coentreprise TNK-BP pour accélérer son opération de recentrage sur le cœur du métier, l’exploration-production. Le géant des hydrocarbures d’outreManche espère que cet ancrage permettra de soutenir son cours en Bourse, qui se languit depuis la tragédie du naufrage, le 20 avril 2010, de la plate-forme Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique. L’offre de Rosneft devrait financer l’accord final avec les autorités américaines concernant la plus grave pollution écologique de l’histoire des Etats-Unis. Les compensations versées à ce jour, soit 38 milliards de dollars (29,2 milliards d’euros), ont été payées grâce aux cessions d’actifs non stratégiques, principalement de vieux gisements, des opérations de raffinage ou des réseaux de stations-service. En s’ancrant à Rosneft, dont BP se retrouve au passage actionnaire, le pétrolier britannique va participer à la grande aventure de l’exploitation des hydrocarbures de l’Arctique, tout en se débarrassant des oligarques russes d’AAR avec qui elle était associée au sein de TNK-BP. Au-delà de la nouvelle frontière pétrolière russe, l’ex-British Petroleum dispose d’autres relais de croissance. L’entreprise demeure le premier opérateur dans le Golfe du Mexique, où elle a pu reprendre ses forages par le truchement de son associé texan Noble Energy. Par ailleurs, le groupe, dirigé par Bob Dudley, aligne nombre de nouvelles coentreprises d’explora- tion (Jordanie, Brésil, mer de Chine, Australie…) en vue de compenser la venue à maturité de ses champs traditionnels d’Alaska et de la mer du Nord. La société est également bien placée au Canada pour tirer bénéfice de l’extraction des schistes bitumineux. p Marc Roche M. Setchine, dont le bureau jouxtait celui de M. Poutine, alors responsable des relations extérieures, comme celui qui gérait l’accès au « patron». Il consignait les coordonnées de chaque entrant dans un carnet de cuir, « aussi épais que le roman “Guerre et Paix” de Léon Tolstoï». Enonze ans,lefonctionnaireterne estdevenule tsar du pétrolerusse. Le 28 septembre, revêtu d’un maillot à l’effigie de Hugo Chavez, il regardait jaillir la première production des gisements de brut de l’Orénoque (Junin 6), aux côtés du président vénézuélien, vantant « le premier pétrole extrait par la Russie sur le continent américain ». Dans cette histoire, Caracas a imposé à Rosneft des conditions drastiques: les Russes, qui détiennent 40 % seulement de la société mixte, ont dû mettre un milliard de dollars sur la table. Le groupe s’est également engagé à investir 20milliards de dollars sur quarante ans. Le pari est osé. L’accord juridique n’a toujours pas été signé. Mais qu’importe. Rosneft n’en a cure, il réalise les ambitions stratégiques du Kremlin. Car, vu des bords de la Moskova, le Venezuela, moteur de « l’anti-impérialisme» enAmérique latine,est lepartenaire idéal pour asseoir la puissance russe dans une zone longtemps perçue comme l’arrière-cour des Etats-Unis. p Marie Jégo 0123 13 économie Dimanche 21 - Lundi 22 octobre 2012 Malgré les doutes sur sa rentabilité, l’Espagne finance le TGV Madrid-Galice LES FILMS DU LOSANGE, X FILME CREATIVE POOL et WEGA FILM présentent Les élections dans cette région auront valeur de test pour le gouvernement du Galicien M.Rajoy des 2 190 passagers potentiels. « Un désastre » qui coûtait chaque jour 18 000 euros à l’Etat, avait alors avoué Enrique Urkijo, le directeur général de la clientèle de Renfe, la société nationale des chemins de fer espagnols. Madrid Correspondance L ’heure n’est pas au gaspillage dans l’Espagne de la rigueur. Et pourtant.Lors de la campagne pour les élections galiciennes, prévu dimanche 21 octobre, le président du gouvernementespagnol a annoncé que la ligne de train à grande vitesse entre Madrid et la Galice serait prête en 2018, alors que la crise a réduit à peau de chagrin les programmes d’investissement en infrastructures. Les origines galiciennes de Mariano Rajoy sont-elles pour quelque chose dans ce traitement de faveur ? Ou s’agit-ilplus simplement de permettre au président sortant de la région, membre du Parti populaire (PP, au gouvernement), Alberto Feijoo, de gagner desvoixdansuneélectionrégionale qui fait figure de test grandeur nature pour le gouvernement conservateur, élu il y a un an à Madrid. Ce n’est en tout cas pas la première fois que les Espagnols peuvent constater une telle « coïncidence» entredesdécisionsd’investissement dans des infrastructureset l’origineduprésidentdugouvernement. Le TGV Madrid-Séville Une affiche d’Alberto Feijoo, président de Galice. M. VIDAL/REUTERS a été inauguré lorsque l’Andalou Felipe Gonzalez était aux manettes. L’aéroport de Leon agrandi lorsque José-Luis Rodriguez Zapatero, originaire de cette province de Castille, gouvernait le pays… « Cela démontre que le gouver- Une région sur deux veut demander une aide à l’Etat Deux nouvelles régions espagnoles ont annoncé, vendredi 19 octobre, qu’elles allaient faire appel au fonds de secours créé par l’Etat pour aider les communautés autonomes, privées d’accès aux marchés de capitaux : les Asturies, pour 261,7 millions d’euros, et les îles Baléares, pour 355 millions d’euros. Après la Catalogne, l’Andalousie, les îles Canaries, la région de Valence, de Castille-La Manche et la Murcie, elles sont les septième et huitième régions à solliciter le fonds de liquidité. Des demandes qui représentent près de 17 milliards d’euros. Le gouvernement assure que le montant alloué à ce fonds, 18 milliards d’euros, sera suffisant. L’Espagne ne devrait pas remplir ses objectifs budgétaires, en grande partie à cause des importantes dépenses engagées par ses 17 régions. nement continue de faire la même politiquedépourvuede sens économique et de rentabilité, basée sur des critères politiques », estime l’économiste spécialiste en infrastructures Germa Bel, professeur invité à Cornell University aux Etats-Unis. Une allusion à une politique d’investissementsen infrastructures largement financée par les fonds européens lors des années du boom, qui a permis la construction, dans presque toutes les capitales de provinces, d’aéroports à moitié vides et d’un réseau de lignes TGV, certes le plus grand d’Europe, mais très peu utilisé. En 2011, la ligne de TGV entre les trois capitales de provinces de Castille-La Manche a été supprimée. Chaque jour, seuls neuf passagers empruntaient les trains, au lieu Difficulté à remplir les trains Le TGV galicien s’ajoutera-t-il à la liste des infrastructures déficitaires et sous-utilisées que compte le pays ? Déjà les premiers tronçons en fonctionnement du TGV galicien laissent entrevoir la difficulté à remplir les trains. Sur les trois premiers mois d’exploitation de la ligne Saint-Jacques-deCompostelle-Ourense, 80 % des places étaient vides. Les syndicats estiment, qu’une fois terminé, le trafic pourrait dépasser les trois millions de passagers par an. Les experts en doutent. « Pour le TGV en Galice, les prévisions sérieuses tablent à peine sur un à deux millions de passagers annuels. Et pendant ce temps, sur 40 km autour du pôle industriel de Tarragone, dans le couloir le plus fréquenté du sud de l’Europe, le tronçon ferroviaire n’a qu’une seule voie… », rappelle M. Bel, qui ne cache pas son agacement. Selon le budget pour 2013 présenté fin septembre, le projet du TGV en Galice sera doté de 1,079 milliard d’euros. Soit un tiers des investissements en matière de transport ferroviaire prévus l’an prochain. Et davantage que le couloir méditerranéen (1,019milliardd’euros), une infrastructure-clé pour le transport de marchandises par voie ferroviaire entre les principaux ports du pays, à commencer par Valence et Barcelone, et la frontière française et donc le reste de l’Europe. p Sandrine Morel La taxesur les transactionsfinancièresvavoir le jour Dix pays membres de la zone euro, dont la France, sont prêts à s’associer en ce sens Bruxelles Bureau européen F rançois Hollande en a fait un élément-clé du « pacte pour la croissance » européenne qui doit compléter le traité budgétaire : à l’issue du Conseil européen, le chef de l’Etat s’est réjoui, vendredi 19 octobre à Bruxelles, du lancement imminent d’une taxe sur les transactions financières dans une partie de l’Union européenne. Au moins dix pays – tous membres de la zone euro – sont prêts à s’associer pour mettre en place une coopération renforcée en ce sens dès 2013. Outre la France, l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne participeront au projet, avec la Belgique,le Portugal,la Slovénie,l’Autriche, la Grèce et la Slovaquie. Certains, comme l’Estonieet la Finlande,pourraientsejoindreà l’initiative dans un second temps. Un exercice au long cours, lancé par Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, et qui a déchiré les Vingt-Sept. A l’instar du Royaume-Uni, où siège la City, et de la Suède, aucun pays non membre de l’euro ne se DIMANCHE 21 OCTOBRE À 18 H 10 BERNARD CAZENEUVE MINISTRE DES AFFAIRES EUROPÉENNES joindra à l’initiative. Au sein de l’union monétaire, l’Irlande ou le Luxembourg n’y participeront pas non plus. Pressée d’avancer au plus vite, la Commission européenne s’apprête, dès mardi 23 octobre, à lancer la première étape de cette coopération, pour que les Vingt-Sept autorisent les pays volontaires à s’associer, si possible dès la prochaine réunion des ministres des finances, le 13 novembre. Reverser au budget européen D’ici là, Wolfgang Schäuble et Pierre Moscovici, les ministres des finances allemand et français, vont devoir s’assurer du soutien de pays, comme la Pologne, qui ne veulent pas jouer les pionniers sur la taxe, mais sont encore en mesure de bloquer le processus. Algirdas Semeta, le commissaire européen chargé de la fiscalité, prendra alors quelques semaines pour présenter une proposition définitive aux Etats volontaires. Les grandes lignes du projet sont déjà fixées : la taxe devrait se monter à 0,1 % sur les ventes d’actions et obligations, et à 0,01 % pour les produits dérivés. Elle pourrait rapporter une trentaine de milliards d’euros, en fonction de l’assiette qui sera retenue par les Etats participants. La Commission avait calculé, en suggérant de lancer une taxe sur les transactions financières à Vingt-Sept, voici un an, qu’elle rapporterait de l’ordre de 57 milliards d’euros par an. Que faire de ces revenus ? Le débat ne fait que commencer, dans une Europe où l’austérité fait rage. Certains pays, dont la France, envisagent d’en reverser une partie au budget européen. D’autres, comme l’Allemagne, ne l’entendent pas de cette oreille, à l’heure où les Vingt-Sept s’apprêtent à de longues négociations sur le sujet, d’ici au prochain Conseil européen, les 22 et 23 novembre. « Une part – c’est la position de la France – devra être mutualisée, c’est-à-dire affectée à des travaux d’infrastructure qui compléteront le pacte de croissance ou à un fonds qui pourrait être dédié à la formation desjeunes », a dit François Hollande. Les ONG, comme Oxfam, demandent d’en affecter une partie à l’aide au développement. Pour Paris,cette ressourcepourrait même servir à financer le budget de la zone euro, une des pistes esquissées depuis l’été pour tenter de renforcer l’union monétaire. p Philippe Ricard Finance Emprunt groupé pour 44 collectivités locales françaises www.tv5monde.com Xavier Lambrechts (TV5MONDE), Bruno Daroux (RFI), Benoit Vitkine (Le Monde) DIFFUSION SUR LES HUIT CHAÎNES DE TV5MONDE, EN DIRECT SUR LES ANTENNES DE RFI ET SUR INTERNATIONALES.FR et avec Un groupement de 44 collectivités locales françaises a réalisé, vendredi 19 octobre, un emprunt obligataire de 610 millions d’euros. L’opération est inédite, tant par le montant levé que par le nombre de collectivités engagées. Des opérations analogues, en 2004 et 2008, avaient concerné 11 et 22 collectivités locales. L’emprunt est d’une durée de dix ans, contre un taux d’intérêt de 4,30 %. « C’est très faible pour un emprunt non noté par les agences», relève Jérôme Pellet, banquier chez HSBC, tête de file de cet emprunt groupé avec Natixis et Cacib (groupe Crédit agricole). “Emmanuelle Riva, formidable de force et d’obstination.” LE MONDE “Un couple magnifique.” L’HUMANITÉ “Un choc comme le cinéma en offre peu.” LE PARISIEN JEAN-LOUIS TRINTIGNANT EMMANUELLE RIVA AVEC LA PARTICIPATION DE ISABELLE HUPPERT AMOUR Un film de MICHAEL HANEKE LE 24 OCTOBRE La bande originale interprétée par ALEXANDRE THARAUD est disponible sur disques Virgin Classics 14 0123 économie Dimanche 21 - Lundi 22 octobre 2012 L’UEJF affirme avoir Pauvreté et déficit d’investissements obtenu de Twitter pèsent sur le redressement philippin le retrait de tweets Le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a entamé, vendredi, une visite de trois jours dans l’archipel antisémites Manille Envoyé spécial InstalléàSan Francisco,leréseausocialestsoumis àla compétencedesjuridictionsaméricaines S i l’information se confirmait, ce serait une première : l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) a affirmé, vendredi 19octobre, avoir obtenu du réseau socialTwitterqu’ilretiredes tweets antisémites et racistes sur la base d’une liste d’une trentaine de messages transmise par l’association. Depuis plusieurs jours, la publication de messages à caractère antisémites, publiés sur le site de microblogging avec le mot-clé #UnBonJuif, faisait polémique au point d’avoir conduit des associations, comme le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP) ou SOS Racisme, à se pourvoir en justice. Des discussions ont eu lieu, vendredi, entre les avocats des deux parties. Mais Twitter ne s’est pas encore exprimé officiellement sur le sujet et un certain flou demeure. « Nous ne savons pas si tous les tweets que nous allons signaler serontsupprimés,ouseulementrendus illisibles en France », précise le président de l’UEJF, Jonathan Hayoun. Et pour cause : la pratique de Twitter n’est pas de supprimer des tweets mais, éventuellement, de bloquer leur accès dans les pays où leurcontenuseraitcontraireà laloi locale. Le réseau social, dont le siège est à San Francisco et qui n’a pas encore de représentation officielle en France, est uniquement soumis à la compétence des juridictions américaines. Il ne peut être condamné par la loi française, tout au plus sollicité dans le cadre d’une procédure en France, sans avoir l’obligation de coopérer. En théorie, Twitter se réserve le droit de retirer certains contenus dans un pays donné, à condition que la demande émane d’autorités jugées « compétentes ». Le site de micromessagerie a ainsi accepté, jeudi, de faire fermer le compte d’un groupe néonazi interdit en Allemagne,après une intervention de la police locale. Un geste remarqué, alors que son seul cadre légal effectif demeure celui des EtatsUnis, où la liberté d’expression est garantie par le premier amendement. Dans l’affaire d’#UnBonJuif, une action de la justice pourrait permettre d’accélérer la suppression du contenu litigieux. La loi pour la confiance dans l’économie numérique(LCEN)de 2004 permet à la justice française d’exiger que Twitter prenne « toutes les mesures pour faire cesser le dommage constatéet[procède]àladésindexation des tweets ou du mot-clé sur son site », explique l’avocate Virginie Bensoussan-Brulé, spécialiste du droit lié à Internet. « Twitter aura alors le choix de coopérer ou de refuser de répondre aux demandes, poursuit l’avocate. Jusqu’ici, la plupart des entreprises américaines confrontées à des cas similaires, telles que Ebay ou Yahoo!, ont opté pour la première solution.» Pour autant, cela n’entraînera pas automatiquementde condamnation pour les émetteurs de tweets jugés antisémites. Selon la loi de 1881 sur la liberté de la presse, ils peuvent être poursuivis pénalement en France pour injure raciale et provocation à la haine. Mais les tweetssontapriorianonymespuis- Leréseau social «ne souhaite pas (...) communiquer lescoordonnées des auteurs des tweets», selon l’avocat de l’UEJF qu’un membre n’a aucune obligation de s’inscrire sous une identité réelle. Et il reste à prouver que ces messages ont bien été postés depuis la France. Ce qui nécessite la pleine coopération de Twitter. Pour l’instant, le réseau social « ne souhaite pas nous communiquer les coordonnées des auteurs des tweets », fait savoir l’avocat de l’UEJF, Me Stéphane Lilti. Celui-ci prévoit le dépôt prochain d’une action devant la justice à ce sujet. En cas de refus de l’entreprise de San Francisco, le seul moyen d’action juridique potentiel resterait d’exiger des fournisseurs d’accès un filtrage, en France, de l’affichage des tweets antisémites. « Les tribunaux ont déjà demandé le blocage de site par noms de domaine, pour empêcher leurs abonnés d’accéder à partir du territoire français à des sites illicites [sites de jeux en ligne non agréés, sites pédopornographiques, sites négationnistes] », rappelle Virginie Bensoussan-Brulé. Mais le précédent n’a jamais eu lieu en ce qui concerne des messages spécifiques sur un réseau social. p Michaël Szadkowski-Troger avec Marie de Vergès LE 7 / 6 X LVAU LET E DE D E R I C Z LE BIL DU MON OLAR À 6H48 OUVE RETR IOTR SM NDIS DE PS LES LU U TO J6c8LKI83K6¾J6 LA VOIX EST LIBRE C e n’estpasun hasardsi le premier ministre français, JeanMarcAyrault,a choisiles Philippines – après une étape à Singapour – comme première destination étrangère non européenne, depuis sa nomination à Matignon : cet archipel, situé à l’extrême orient de l’Asie du Sud-Est, pourrait bien être le prochain « émergent » de la région. Certespays pauvre, ces Philippines où M. Ayrault a entamé, vendredi 19 octobre, une visite de trois jours,ont plutôtbien résistéà la crise mondiale. En 2011, l’archipel a ravi à l’Inde sa place de capitale mondiale des centres d’appels délocalisés. Un succès accompli grâce à une population urbaine résolument anglophone et au niveau d’éducation soutenu : 683 000 Philippins travaillent dans ce secteur de services qui a généré en 2011 plus d’une dizaine de milliards de dollars. La croissance a été de 6,1 % au premier semestre 2012. Elle devrait être de 5,5 % en fin d’année, selon la Banque de développement asiatique (ADB). Le pays possède des réserves en devises de l’ordre de 70 milliards de dollars (53,7 milliards d’euros). Il a vu, en juillet, la note de sa dette rehaussée de « BB » à « BB + » par l’agence de notation Standard & Poor’s, à un cran au-dessous du grade « investissement» (qui commence à « BBB – ») auquel il aspire. L’ancienne colonie américaine est moins dépendante de ses exportations que d’autres pays de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (Asean). Une dizaine de millions de Philippins travaillent à l’étranger et ont renvoyé en 2011 quelque 20 milliards de dollars au pays. Le gouvernement philippin s’estdernièrementoffertleluxe de proposer un prêt d’un milliard de dollars au Fonds monétaire internationalpourcontribuerau relèvement de l’économie européenne… La croissance démographique de cet archipel farouchement catholique, longtemps perçue comme un fardeau, pourrait bien représenter à terme un atout : plus Le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, et le président des Philippines, Benigno Aquino, au palais de Malacanang, à Manille, vendredi 19 octobre. BULLIT MARQUEZ/AP de la moitié de la population a moins de 22 ans, et les prévisions indiquent que le pays va continuer à se rajeunir dans les prochaines années. « Notre problème est la persistance d’une pauvreté évaluée à 26 % de la population, et une offre d’emplois encore insuffisante au vu du nombre de jeunes qui arrivent chaque année sur le marché », relève Guillermo Luz, codirecteur du Conseil de compétitivité nationale, organisation chargée de conseiller le président Benigno Aquinosur les questions économiques et sociales. « Notre but est de réduire le taux de pauvreté à 16,5% d’ici à 2016, poursuit-il. Nous devons nous concentrer sur les moyens de faire augmenter la classe moyenne.» Lutte anticorruption Mais il y a encore loin de la coupe aux lèvres, en dépit de l’actuelle embellie. « Si le navire philippin n’a pas été chahuté en haute mer, c’est qu’il n’a jamais quitté le port », ironisait récemment un quotidien de Manille. Le déficit d’investissements étrangers, le manque d’infrastructures – aéroports modernes, axes Airbus vend dix nouveaux avions à Philippines Airlines Sous les lambris du palais de Malacanang, le palais présidentiel philippin, Jean-Marc Ayrault s’est félicité, vendredi 19 octobre, que la République des Philippines se soit lancée dans une « stratégie ambitieuse de développement économique » et a appelé les entreprises françaises à « saisir toutes les opportunités » pour renforcer les relations entre la France et l’archipel. Samedi, le premier ministre français a signé une nouvelle vente de 10 Airbus pour 2,5 milliards d’euros à la compagnie Philippines Airlines, qui s’était déjà portée acquéreur de 54 appareils en août et a pris une option pour 30 autres. Peugeot va également retourner aux Philippines, sous la forme d’un partenariat qui permettra au constructeur français de distribuer environ 2 000 voitures par an. Total a récemment pris une participation dans un bloc d’exploration en mer de Chine du Sud. routiers, centrales électriques – montrentquebeaucoupresteà faire si le pays veut sortir de plusieurs décennies de stagnation. Si les étrangers ont longtemps été peu enclins à investir, c’est que, selon M. Luz, « les Philippines avaient perdu la confiance des investisseurs, notamment sous le mandat de la précédente présidente,Gloria Arroyo». Celle-ciest poursuivie pour corruption et fraude électorale par son successeur. « S’il n’y avait pas la corruption et le fait que les Philippins sont les champions de l’évasion fiscale, on se débrouillerait plutôt bien », indique Winnie Monsod, célèbre économiste de l’université des Philippines, à Manille. Depuis son arrivée aux affaires, en 2010, Benigno Aquino s’est lancé dans une lutte anticorruption à grande échelle. Il a aussi signé, en début de semaine, un projet d’accordde paixavec la plusimportante guérilla musulmane de l’île de Mindanao. Cela pourrait permettre d’exploiter les richesses minières de cette région. Tous les indicateurs (ou presque) sont donc au vert pour que le navire philippin gagne bientôt d’autres rivages. p Bruno Philip LiShufu,le propriétairechinoisdeVolvo,change le conducteurdu constructeurautomobilesuédois Stefan Jacoby a été remplacé par Hakan Samuelsson, ancien président de MAN D eux ans et puis s’en va. Stefan Jacoby, le PDG de Volvo Automobile, a été remercié, vendredi 19 octobre, par le conseil d’administration du grouperacheté,en 2010, parle constructeur chinois Geely à l’américain Ford. Il avait été débauché, en août2010,aux Etats-Unis,où il dirigeait Volkswagen. M. Jacoby, 54 ans, a été remplacé, avec effet immédiat, par Hakan Samuelsson, 61 ans, ancien président de MAN, le constructeur de poids lourds. Officiellement, ce remplacement n’a rien à voir avec l’état de santé de M. Jacoby. En septembre, l’Allemand avait souffert d’un accident cérébral. C’est plutôt l’état de santé fragiledu groupesuédois qui a été sanctionné. Au premier semestre, le constructeur a accusé un fort repli de son bénéfice net : 28 millions d’euros (pour un chiffre d’affaires de 7,6 milliards d’euros), contre 177 millions d’euros sur la même période en 2011. Tout avait pourtant bien commencé. A son arrivée, M. Jacoby a lancé la marque dans une stratégie ambitieuse. Avec l’objectif, d’ici à 2020, que le groupe écoule 800 000 véhicules à travers le monde, contre à peine 450 000 en 2011. Pour accompagner la croissance du groupe, Li Shufu, le propriétaire de Geely et de Volvo, qui avait déjà déboursé 1,8 milliard de dollars (1,4 milliard d’euros) pour racheter la compagnie, a promis d’investir 11 milliards de dollars entre 2011 et 2016. Tout en conservant son image de sûreté et de durabilité, le groupe a cherché à renouveler, élargir et rendre plus séduisante, grâce à un design plus agréable, sa gamme de véhicules. Il a aussi annoncé sa volonté de développer une nouvelle plate-forme technique pour remplacer celle de Ford, toujours utilisée. Objectif affiché : un déploiement du groupe à l’international, notamment en Chine, où il compte écouler 200000 voitures. Volvo produit déjà à Chongqing, dans l’usine de Changan et de Ford, son ancien propriétaire. Mais les volumes se sont limités à 16 000 véhicules l’an dernier. La marque suédoise inaugurera en 2013 son propre site à Chengdu, dansle centredelaChine.M.Jacoby avait, par ailleurs, décidé de faire monter en gamme la marque pour aller titiller la fine fleur du haut de gamme allemand et japonais. Dans un premier temps, la stratégie a semblé fonctionner. Après la crise de 2007-2008,Volvoa regagné du terrain en 2011. Ses ventes globales ont progressé de 21 %. Alors que le marché américain s’est apprécié de 14,5% depuis le début de l’année, Volvo a vu ses ventes reculer de 1% Aux Etats-Unis, son premier débouché, le constructeur a livré 67 000 voitures et 4 × 4. En Chine, la croissance était également au rendez-vous. L’an dernier, Volvo a écoulé 47 000 véhicules, soit près de 50 % de plus qu’en 2010. Enfin, en Europe, le groupe a connu une croissance de 10 % de ses immatriculations en 2011. Mais voilà, Volvo n’a pas su rééditer ces bons résultats cette année. Alors que le marché américain s’est apprécié de 14,5 % depuis début 2012, Volvo a vu ses ventes reculer de 1 %. EnEurope, le constructeurplonge de 11,4 %, sur un marché luimême en baisse de 7,8 %. Enfin, en Chine, il stagne depuis le début de l’année. Ces résultats ont forcé Volvo à mettre au chômage technique, pendant une semaine, son usine de Torslanda, dans la banlieue de Göteborg, en Suède. Pour redonner du souffle au constructeur, Li Shufu compte désormais sur Hakan Samuelsson, un vétéran de l’industrie automobile suédoise. La feuille de route est claire : « Je vois pour Volvo d’importantes opportunités d’améliorer sa rentabilité et d’accélérer son plan de croissance, plus particulièrement en Chine. Je suis persuadé que M. Samuelsson nous aidera, de par sa vaste expérience et son leadership, à consolider nos résultats », a déclaré Li Shufu. p Philippe Jacqué 0123 marchés Dimanche 21 - Lundi 22 octobre 2012 Pertes & Profits| chronique Paris Francfort Londres Eurostoxx 50 New York + 3,41 % + 2,05 % + 1,77 % + 2,96 % 7 380,64 points 5 896,15 points Nasdaq 15 Tokyo par Stéphane Lauer Un café et l’addition CAC 40 3 504,56 points Carrefour P artir à la conquête de nouveaux territoires est toujours plus valorisant que d’organiser la retraite de Russie. Georges Plassat, le nouveau PDG de Carrefour, se sentait sans doute par nature davantage l’âme d’un conquistador que d’un Napoléon au lendemain du siège de Moscou. Mais les circonstances en ont décidé autrement. A la tête d’une armée sur la défensive, il sait qu’il sera jugé sur sa capacité à organiser le repli en bon ordre pour, peutêtre, un jour repartir de l’avant. En attendant, après avoir vendu ses activités à Singapour et en Grèce, Carrefour quitte désormais la Colombie. Si les deux premières filiales n’étaient pas du premier choix et ont été cédées le moins mal possible, concernant la troisième, il s’agissait d’une autre paire de manches et Georges Plassat se savait attendu au tournant. La Colombie est en effet une des économies sud-américaines les plus dynamiques. La distribution y est en plein essor. Présent dans le pays depuis 1998, Carrefour est numéro deux du marché, mais très loin du leader, Exito, dont le français Casino détient 60% du capital. Au fil des ans, focalisé sur ses difficultés en Europe, Carrefour s’est laissé distancer dans ce pays prometteur, qui vient de doubler l’Argentine en termes de richesse nationale. Au milieu du gué, n’ayant plus les moyens d’investir pour revenir dans la course avec Exito, Carre- four n’avait d’autre choix que de chercher preneur pour les 17,7 % de parts de marché qu’il détient en Colombie. Une occasion en or pour le chilien Cencosud, qui cherche au contraire à accélérer son développement en Amérique du Sud. Envolée de l’action Comme ce qui est rare est cher et que l’américain Wal-Mart se tenait en embuscade, Cencosud n’a pas lésiné sur le prix. L’affaire a été rondement menée, en quelques semaines, presque sur le rythme: «Le café et l’addition.» Le groupe chilien savait qu’il s’agissait d’une opportunité qui ne se représenterait pas, tandis que Carrefour n’avait pas envie de faire durer le plaisir, alors qu’il traîne une dette de près de 7milliards d’euros et que la relance des affaires en France va être gourmande en capital. Quant à l’addition, la valeur de Carrefour en Colombie a été négociée sur la base de 2 milliards d’euros, soit 20 fois le résultat d’exploitation (Ebitda), alors que la moyenne des transactions dans le ratio dans le secteur dépasse rarement les 12fois. D’où l’enthousiasme de la Bourse de Paris, vendredi 19 octobre : l’action Carrefour s’est envolée de 5,85 %, à 18,35 euros. Sur la semaine, la valeur a bondi de 13,09 %, du jamais-vu depuis le printemps 2009. Comme quoi on peut se replier sans que cela se transforme nécessairement en Berezina. p Retrouvez Pertes & Profits sur le Net lauer.blog.lemonde.fr Matières premières D epuis un mois, le cuivre est bloqué. Il hésite entre 8 000 et 8 400 dollars la tonne. Vendredi 19 octobre, à Londres, pour livraison à trois mois, il valait 8 015 dollars, soit 5 % de mieux qu’au début de l’année. Pas de quoi pavoiser. Ni se lamenter non plus. Médiocre. Comme la conjoncture économique qui ne saittropoùelleva.Maisunemédiocrité en dents de scie. Début septembre, la Réserve fédérale américaine décide enfin un « QE3 », une injection massive de 40milliards de dollars (30,7milliardsd’euros) par an poursoutenir DAX 30 + 0,11 % – 1,26 % 13 343,51 points 3 005,62 points Dow Jones 2 542,24 points S oulagés. Les marchés, qui aiment jouer à se faire peur, ont fait montre cette semaine d’un enthousiasme qui tranche avec les inquiétudes des jours précédents. Jusqu’à présent, les causes de leursangoissesrécurrentesserésumaienten deux points. D’une part, l’avenir de la zone euro et la capacité des dirigeants politiques et autres banquiers centraux à éviter une désintégration de la monnaie unique. D’autre part, les performances des entreprises au cours du troisième trimestre, susceptibles de donner un reflet précieux de la bonne ou de la mauvaise santé des économies occidentales. « Sur le front politique comme sur celui des résultats financiers, les nouvelles ont été plutôt bonnes », résume Aymeric Diday, gérant chez Pictet. Les Bourses européennes ont donc terminé la semaine dans le vert. Le CAC 40 s’est adjugé 3,41 % en cinq séances, sauvegardant, malgré un accès de faiblesse vendredi, le niveau des 3 500 points. En Allemagne, le DAX a grimpé de 2,05 %, tandis que le Footsie britannique gagnait 1,77 %. OutreAtlantique, les marchés ont été un peu plus mesurés : le Dow Jones a crû de 0,11 % et le Nasdaq, l’indice des valeurs technologi- Les investisseurs sentent que le cuivre est plein d’avenir. N’est-il pas le seul des métaux dont le prix au comptant est demeuré au-dessus de ses coûts de production? En attendant la Chine Ils savent que la production est à la peine en raison de la baisse de la teneur en cuivre des minerais chiliens.L’offre est contrainte, car il est de plus en plus difficile d’ouvrir une mine, comme le prouvent les malheurs du projet (5,9 milliards de dollars) d’Xstrata aux Philippines, où un nouveau code minier n’en finit pas de ne pas voir le jour. Taux et changes L E Cap au sud de 500 millions… Le changement est flagrant, le coefficient de couverture de l’offre par la demande progressant de 1,7 en septembre à plus de 6 un mois plus tard. Dans un style différent, Campari a profité de l’appétit retrouvé pour le risque italien. Réputé pour sa boisson homonyme, le groupe a acquis, début septembre, près de 82 % du capital de Lascelles deMercado & Co Limited, spécialisé notamment dans la fabrication de rhum jamaïquain, pour l’équivalent de 330 millions d’euros. Le 10 octobre, l’entreprise italienne avait annoncé son souhait de trouver le financement sur le marché obligataire. Chose faite une semaine plus tard. Gruppo Campari a émis 400 millions d’euros, remboursables dans sept ans, promettant un coupon de 4,659 %. Pour cette opération, qui ne bénéficie d’aucune notation de la part des agences spécialisées, la demande a totalisé 4,8 milliards d’euros, 12 fois le montant finalement émis. Peut-être un effet des vapeurs d’alcool. p 9 002,68 points Les indices ont grimpé sur fond d’accord, certes a minima, sur le calendrier d’une union bancaire ques, a reculé de 1,26 %. Côté politique, les avancées des derniers jours sont venues ajouter quelques pierres à l’édifice patiemment construit, depuis des mois, par les dirigeants européens pour tenter de stabiliser les turbulences de la zone euro. Mardi 16 octobre, l’Allemagne a laisséentendrequ’elleétait«ouverte » à l’octroi d’une ligne de crédit à Madrid, qui tergiverse depuis des semaines sur l’opportunité politique,économiqueetsocialed’appeler officiellement au secours. Quant au sommet européen des 18 et 19 octobre, il a permis une entente, certes a minima, mais réelle sur un calendrier d’union bancaire. En substance, les Européens se sont engagés à donner un cadre légal au projet en 2013, mais ont remis à 2014 sa mise en place effective. Manière de continuer à faire avancer le projet, que la Franceappellede ses vœux, touten préservant la susceptibilité de l’Allemagne, sensible à la question de sa souveraineté bancaire. « Ne pas lâcher la bride » « Les dirigeants européens ont indiqué leur volonté de mettre la Banque centrale au cœur du système, ce qui devrait permettre la mise en place du Mécanisme européen de stabilité et la recapitalisation, dès 2013, des banques espagnoles si elles en font la demande », se réjouit M. Diday. A ces avancées se sont ajoutées de bonnes surprises côté entreprises. « En dépit du ralentissement chinois et de quelques déceptions [Microsoft,General Electric], la saison des résultats trimestriels se Les banques françaises tournent la page grecque La Société générale a annoncé, vendredi 19 octobre, la vente, pour 1 million d’euros, de sa filiale grecque Geniki Bank, déficitaire, à Piraeus Bank. L’opération, qui devrait être finalisée avant fin 2012, se soldera par une perte d’environ 100 millions dans les comptes du troisième trimestre de la Société générale. En milieu d’après-midi, vendredi, l’action de la banque française était en recul de 1,8 % à la Bourse de Paris. Mercredi, le Crédit agricole avait cédé, pour 1 euro symbolique, sa filiale Emporiki à Alpha Bank. Cette transaction viendra réduire, au troisième trimestre, le résultat net part du groupe d’un montant estimé à 2 milliards d’euros. Ce n’est pas le vœu – sympathique – de rouvrir des mines en France, formulé par Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, qui devrait saturer le marché : le sous-sol de l’Hexagone n’est pas celui de la Zambie… Que se passera-t-il quand l’immobilier repartira, comme il semble le faire aux Etats-Unis ? Et si la zone euro se tirait du bourbier de sa dette ? Les cours flamberont. Goldman Sachs prédit que le métal rouge dépassera 9 000 dollars dans les six mois. Cette banque s’étant mis le doigt dans l’œil déroule mieux que prévu. Les valeurs financières américaines – Goldman Sachs en tête – affichent leur bonne santé, ce qui souligne les effets positifs des plans d’aides de la banque centrale américaine », selon M. Diday. En France, Carrefour s’est envolé de 5,85 %, vendredi 19 octobre, grâce à la cession de ses activités en Colombie pour une valeur d’entreprise de 2 milliards d’euros. Le pire serait-il passé pour l’économie mondiale? « Le risque systémique pour la zone euro a clairement diminué. Mais il ne faut pas lâcher la bride, car de nouveaux défis demeurent, notamment aux Etats-Unis. L’élection présidentielle et la question du fiscal cliff [prolongation des mesures fiscales qui risque de peser sur la dette] seront cruciales », avertit M. Diday. Pour l’heure, les investisseurs semblent résolus à voir le bon côté des choses. En témoigne la reprise progressive des introductions en Bourse. Le numéro deux russe de la téléphonie mobile, MegaFon, qui compte se coter à Londres d’ici à fin 2012, devrait être valorisé plus de 12 milliards de dollars (9,2 milliards d’euros), affirmait vendredi le quotidien russe Vedomosti. p Audrey Tonnelier Hésitations Le cuivre, métaphore de nos espoirs l’économie. Le cuivre bondit de 10% en quinzejours: cette promesse de perfusion financière annonce une reprise de la consommation qui ne pourra se passer de tuyaux et de câbles, donc de cuivre. Mais l’économie de l’empire du Milieu freine sec, et les groupes miniers – comme Rio Tinto et BHP Billiton en Australie – annoncent des reports d’investissements pour ne pas dégrader leurs résultats, en recul du fait de la demande chinoise en berne. Le cours du cuivre rebaisse. Puis les spécialistes découvrent que la Chine a restocké du cuivre. Les cours remontent. + 5,49 % Nikkei L’entente européenne ravit les Bourses Capitaux Isabelle Ehrhart es emprunteurs du sud de l’Europe ne sont plus mis à l’écart. Italiens et Espagnols sont à nouveau les bienvenus. Les Grecs restant tout de même hors du champ d’acceptationdes investisseurs. La perspective de stabilité de la notation de l’Espagne a soulagé les tensions. Deux opérations ont particulièrement montré l’appétit croissant pour les obligations du Sud. Dans le secteur bancaire, un établissement espagnol a ainsi rencontré un grand succès avec une émission d’obligations sécurisées – des cedulas. Jeudi 18 octobre, Bankinter a emprunté 500 millions d’euros de titres remboursables dans trois ans. Les investisseurs en ont demandé pour 3,2 milliards d’euros. Le phénomène est remarquable, tant les banques sont en première ligne lorsque la méfiance s’installe envers un pays. Pour mémoire, le 10 septembre, l’espagnol Banesto et ses banquiers estimaient que le succès était là avec 850 millions d’euros de demandes pour un emprunt FTSE 100 un certain nombre de fois, on se gardera de miser des milliards sur le cuivre, métaphore de nos espoirs de reprise. « Gardonsnous de croire celle-ci enclenchée tant que la Chine n’émettra pas des signaux plus clairs », conseille Damien Grulier, analyste chez Exane. Le plan de 158 milliards de dollars élaboré par Pékin dans les infrastructures avait fait monter le cuivre, le 6 septembre. Le recul de 6,8 % des investissements étrangers en Chine l’a fait retomber, le 19 octobre. Le mieux n’est pas encore sûr. p COURS DU CUIVRE à Londres, en dollars la tonne pour livraison en janvier 8 400 8 200 8 000 7 800 7 600 7 400 7 200 Avril 2012 Alain Faujas 1 ¤ = 1,3024 $ b Taux à 10 ans (France) = 2,21 % 8 015 19 octobre 2012 SOURCE : BLOOMBERG b Taux à 10 ans (US) = 1,76 % Zone euro: la patience nouvelle des marchés nd’autrestemps, il auraitsuffi de bien moins que cela pour rallumer la mèche. Mais les cafouillages du Conseil européen du jeudi 18 octobre – marqué par l’affrontement musclé entre Angela Merkelet François Hollande sur l’agenda de la future supervision bancaire européenne – n’ont pas provoqué la moindre étincelle sur les marchés financiers. Bien au contraire même. Une preuve supplémentairede la mansuétude nouvelle accordée par les grands investisseurs à la zone euro depuis cet été. Un regard trois mois en arrière suffit à rappeler le chemin parcouru. Fin juillet, les rendements des emprunts espagnols à dix ans culminaient à 7,51 % ; vendredi, les taux de ces mêmes obligations n’étaient « que » de 5,32 %, des niveaux inédits depuis mars. « Le nouvel outil de la Banque centrale européenne [BCE], présenté cet été, protège considérablement», résume René Defossez, de la banque Natixis. En se disant prête à acheter de la dette d’un Etat en difficulté parallèlement aux fonds de secours européens (MES, FESF), l’institution monétaire a donné aux marchés un puissant anesthésiant, dont les effets ne s’émoussent toujours pas. Et en plus, comme tant redouté ces dernières semaines, Madrid n’a pas vu sa dette reléguée dans l’infamante catégorie des obligations pourries (junk bonds) par l’agencede notationMoody’s; l’Espagne continue donc de bénéficier d’un sursis inespéré. Un répit qui lui a permis de réaliser, jeudi, une adjudication de dette un peu plus importante que prévu, étant donné la forte demande. De nombreuses incertitudes L’Italie,de soncôté, a achevé jeudi une levée de dette auprès des particuliers, sur un succès totalement inattendu : les Italiens se sont rués dans leurs agences bancaires, dans les bureaux de poste ou sur Internet, pour prêter une partie de leur épargne au Trésor. Résultat,quelque 18milliardsd’euros ont pu être empruntés, dix fois plus que lors d’une opérationsimilaire en juin. Toujours prompts à voir le noir aux pires heures de la zone euro, les marchés feraient-ils preuve aujourd’huid’uneindulgence exagérée ? « Il existe encore tellement d’incertitudes qu’il est impossible de se montrer très optimiste», juge Clément Genes, économiste chez Kepler. « Quand les investisseurs finiront par se rendre compte qu’il n’y a toujours aucune décorrélation entre le risque de solvabilité d’une banque et celle de son Etat, cela va forcément se ressentir sur les marchés », juge ainsi M. Defossez. La décision de repousser courant 2013 le début effectif de la supervision bancaire européenne risque donc de finir par peser… Nombre d’observateurs ne croient d’ailleurs toujours pas que l’Espagne pourra profiter du répit actuel pour faire l’économie d’un appel à l’aide auprès de ses partenaires européens. Madrid a certes déjà bouclé 94 % de son programme annuel de financement sur les marchés – soit avec un bon mois d’avance par rapport à son tableau de marche habituel. Mais se profilent des échéances délicates. En 2013, le pays devra emprunter entre 90 et 100 milliards d’euros, contre 86 milliards cette année. Et, à force d’émettre des emprunts de plus faible maturité pour bénéficier de taux d’intérêts moins élevés, Madrid va se trouver confronté en 2014 et 2015 à un mur de dette à refinancer. « L’effet de dissuasion provoqué par les annonces de la BCE ne suffira plus, au bout d’un moment, à maintenir les rendements espagnols actuels, note M. Genes. Les incertitudes portent bien davantage sur le timing de l’intervention que sur la question d’un appel à l’aide ou non. » p Clément Lacombe La Société des lecteurs du «Monde» Cours de l’action VENDREDI 19 OCTOBRE : 1,13 euro Société des lecteurs du « Monde », 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707 Paris Cedex 13. Tél. : 01-57-28-25-01. Courriel : [email protected] 16 0123 décryptages ENQUÊTE Dimanche 21 - Lundi 22 octobre 2012 La canalisation où Mouammar Kadhafi s’était réfugié, le 20 octobre 2011, avant d’en être extirpé puis d’être abattu. En bas, la villa de Syrte où le Guide libyen a passé la dernière semaine de sa vie. ENRICO DAGNINO POUR « LE MONDE » Christophe Ayad et Benjamin Barthe Syrte (Libye) Envoyés spéciaux A Syrte, la rumeur dit que les nostalgiques de Mouammar Kadhafi n’empruntent jamais cette route. Une quatre voies en parfait état, à la lisière ouest de la ville, qui traverse un terrain vague sablonneux, avecquelquesenclos à moutonset un bâtiment à l’abandon, au loin. Redoutent-ils que leur ancien maître, qu’on disait adeptede magie noire,ait lancé un ultimemauvais sort sur ce morceau d’asphalte bordé d’eucalyptus? Craignent-ils d’entacher la mémoire de leur grand homme? Car c’est ici que le colonel, fameux pour ses tenues excentriques, a terminé sa carrière dans les frusques d’un pantin hagard et ensanglanté.C’est ici que l’homme dont l’impétuosité les avaient tant séduits a fini sa vie, traqué comme une bête sauvage. La canalisation de béton où il se réfugie ; le révolutionnaire au visage d’enfant qui l’en extirpe, encore stupéfait de sa découverte; la bousculadedes révolutionnaires vociférant autour de leur proie ; le corps nu et désarticulé juché sur le capot d’une Jeep : ces images d’un hallali libyen, pleindefureuret de bruit,quiont hypnotisé les internautes le 20 octobre 2011, ont toutes été prises ici. Le conseil militaire de Syrte a tenté de dissimuler l’endroit en le recouvrant de sable. Les ex-thuwars (révolutionnaires) désormais au pouvoir, redoutaient qu’il ne devienne un lieu de culte des kadhafistes. C’est pour cette raison même que la dépouille mortelle du guide a été inhumée dans le plus grand secret, quelque part dans le désert de Syrte. Mais le vent qui balaie le sable et la forêt de graffitis qui maculent le remblai de la route ont réduit à néant les efforts des thuwars. Le site draine chaque jour son lot de curieux, désireux de revivre les derniers instants de l’homme qui leur a si longtemps fait peur. Mais, fin septembre, dans une double interview au quotidien britannique The Telegraph et au site Internet Mediapart, Rami Al-Obeïdi, l’ancien maître espion de la rébellion libyenne, a semé le trouble. Il affirme, à rebours de l’impression de lynchage laissée par les vidéos, que les services de renseignement français ont joué « un rôle direct » dans la mort de Kadhafi. Onsavait depuis longtemps que l’aviation tricolore avait participé à l’opération qui a stoppé le convoi dans lequel il tentait de fuir Syrte. Al-Obeïdi suggère deux nouveaux éléments : d’une part Bachar Al-Assad, le dictateur syrien, soucieux de retrouver les bonnes grâces de Paris, aurait fourni aux services français le numéro de téléphone satellite de son homologuelibyen, un appareil de marque Iridium, de façon à ce que ceux-ci puissent le localiser: d’autre part, un agent français au sol aurait « directement exécuté Kadha- «Personne dans le quartier n’a jamais su que Kadhafi vivait là. La maison appartenait à un homme d’affaires» Mousbah Mohamed un voisin fi»,en appuyantsurla gâchette.Des allégationsconfirméespar MahmoudJibril, l’ancien chefdu premier gouvernementrebelle, qui assure à son tour qu’« un agent étranger» a été impliqué dans l’élimination de Kadhafi. C’est dans une petite villa du district numéro2 de Syrte, un quartier habité par des membres de la tribu Warfalla, acquise à son régime,que le Guide libyen a passé la dernière semaine de sa vie. Les façades ont été repeintes à neuf, dans des teintes violettes acidulées et deux buissons de fleurs ont été plantés autour du portail métallique. Rien ne laisse deviner qu’une partie dramatique s’est jouée derrière ces murs. D’ailleurs, même durant les combats acharnés qui se sont déroulés à proximité, « personne dans le quartier n’a jamais su que Kadhafi vivait là, dit Mousbah Mohamed, un voisin. La maison appartient à un homme d’affaires qui était parti à Benghazi dès le début du siège ». A l’intérieur,selon des témoignagescol- Lesderniersjours de Kadhafi lectés par Human Rights Watch (HRW), qui a publié, mercredi 17 octobre, un rapport très détaillé sur ces événements, le théoricien halluciné de la Jamahiriya, la République des masses, passe la plupart de son temps à prier et à lire le Coran. Il est entouré d’un quarteron de fidèles, Mansour Dhao, son aide de camp, Abou Bakr Younès, son ministre de la défense, Ezzedine Al-Anshari, le chef de sa garde privée, Hamad Massoud, son chauffeur personnel et quelques gardes du corps. Il n’y a plus de médicaments, très peu d’eau, des pâtes et du riz en guise de nourriture. A l’extérieur, c’est son cinquième fils, Moatassem, qui dirige les combats. Il est planté avec un groupe de snipers sur le toit d’une maison adjacente, d’où l’on surplombe le district 2 et la rue Dubaï, par où progressent les rebelles. « Il était relax, il ne donnait pas l’impression d’avoir peur », raconte Faraj Zidani, le propriétaire de la maisonnette, aujourd’hui grêlée d’impacts de balles, qui a partagé des repas avec lui. A cause de sa barbe et de ses cheveux longs, qui lui donnent de faux airs de guérillero, les gens du quartier le surnomment « Che Guevara ». A intervalles réguliers, le leader déchu, qui s’agace de ne pas pouvoir regarder la télévision, use de son téléphone satellite pour obtenir des informations auprès de ses ultimes soutiens. Le relevé de communications que Le Monde a consulté montre qu’il a composé des numéros libyens et reçu des appels en provenance de Syrie et du Liban. Des imprudences qui l’ont sûrement trahi, sans même que Bachar Al-Assad ait à s’en mêler. Car le modèle de son appareil, un Thuraya et non un Iridium, le rendait aisément localisable par les avions espions de l’OTAN. Autour du 17octobre 2011, l’informationselonlaquelle l’homme le plus recherché de Libye se trouve dans le district numéro 2 de Syrte Il y a un an, le dictateur libyen connaissait une mort violente aux abords de Syrte. «Le Monde» a reconstitué ces événements, même si des questions risquent de rester à jamais sans réponse commence à circuler parmi l’état-major de la rébellion. Pressentant un effondrement imminent de ses lignes de défense, Moatassem Kadhafichoisit la fuite.L’échappéeest prévue pour la nuit du 19 au 20 octobre, aux alentours de 3 h 30, pour profiter de l’obscurité et de l’assoupissement des assaillants. Mais l’embarquement de 250 personnes – des blessés et des civils qui craignent les représailles de révolutionnaires et se sont joints à la troupe des kadhafistes – dans une cinquantaine de véhicules prend plus de temps que prévu. Quand le convoi s’ébranle, il est 8 h 30. L’effet de surprise est nul. Les fuyards parviennent à forcer un premier barrage rebelle avant d’être identifiés par un drone français, alors qu’ils roulent plein sud, à tombeau ouvert. Quelques secondes plustard, unmissiletirépar undroneaméricain explose à proximité de la Jeep où se trouve Kadhafi et oblige le convoi à sortir de la route. Ce faisant, ses occupants foncent droit sur le campement d’une brigaderévolutionnairede Misrata,avec laquelle des combats éclatent aussitôt. C ’est à ce moment qu’une seconde frappe survient. Deux bombes de 250 kilos à guidée laser anéantissent une bonne partie de la caravane, selon HRW. Ont-elles été larguées par un Mirage 2000 français ou par un drone américain? Impossible de le savoir. Le lendemain, sur le site de l’explosion, l’organisation de défense des droits de l’homme découvre un épouvantable carnage : cinquante-trois cadavres, calcinés et criblés de shrapnels. Les survivants se dispersent sur le terrain vague sablonneux où va se jouer l’acte final. Après s’être cachés quelques instants dans une bâtisse inachevée, Kadhafi et une dizaine d’autres personnes se glissent dans une conduite en béton. Pour repousser les poursuivants,un garde du corpsdu Guide libyen lancetrois grenades, dont l’une rebondit à l’intérieur de la canalisation, tuant Abou Bakr Younès et blessant Kadhafi au visage. Les détonations attirent l’attention de trois jeunes combattants d’une brigade de Misrata : Salem Bakir, Ahmed Ghayd et Omrane Cha’abane. (Ce dernier, capturé quelques mois plus tard par des kadhafistes de Bani Walid, est mort en septembre des suites des tortures infligées durant sa détention.) Ils voient émerger un Kadhafi titubant, pistolet à la main. « Qui êtes-vous jeunes gens, qui êtes-vous ? », entend-on le Guide maugréer sur les premières vidéos prises au téléphone portable. Dans la mêlée qui s’ensuit, un rebelle le sodomise avec un objet semblable à une baïonnette. Des forces spéciales françaises sontelles au sol ? Rien ne permet de l’affirmer, même si la présence de conseillersmilitaires occidentaux, parmi lesquels des Français, est attestée par plusieurs témoins, notamment des journalistes ayant couvert la bataille de Syrte. Le corps nu et inanimé de Mouammar Kadhafi est finalement embarqué dans une ambulance qui prend la route de Misrata. Avait-ildéjà succombé à ses blessures ? Le coup de grâce lui a-t-il été administré durant le trajet, sachantque la dépouille mortelle exposée à Misrata porte deux impacts de balle, au flanc et au front ? Ces questions risquent de rester sans réponse. Les tombeurs du régime Kadhafi s’en désintéressent. Ils n’accordent pas non plus d’importance aux propos de Rami Al-Obeïdi et de Mahmoud Jibril. « Jibril est dans une démarche politicienne, fait remarquer un diplomate étranger. Il a besoin de récolter les voix des nostalgiques de l’ancien régime et pour cela il a tout intérêt à faire croire que le crime ultime n’a pas été commis par un rebelle ». Dans l’esprit desthuwars,le peuplelibyendevait sevenger de quarante années d’oppression, il l’a fait et le reste n’est que littérature. Aux abords de la canalisation, lieu symbole de la révolution du 17 février, Ali Al-Ferjani résume le point de vue de ses compagnons d’armes : « Si c’était moi qui étais tombé sur Kadhafi, je n’aurais pas hésité une seconde à le tuer de mes propres mains.» p f Sur Lemonde.fr Le portfolio sur la route de Benghazi à Syrte, un an après la mort du colonel Kadhafi. 0123 décryptages DÉBATS Dimanche 21 - Lundi 22 octobre 2012 Revue Renaissance d’une revue d’art U n beau jour de 2011, le producteur de cinéma Staffan Ahrenberg déambulait à Saint-Germain-desPrés. Passant rue du Dragon, il avisa une devanture, celle des Cahiers d’art, petite boutique poussiéreuse, mais chargée d’histoire: c’est là que de 1932 à 1970, Christian Zervos publia la revue du même nom, qui fut une des plus importantes pour l’histoire de l’art du XXe siècle. Là aussi qu’il organisa des expositions consacrées à l’architecture contemporaine (1934), aux sculptures de Julio Gonzalez, ou encore une manifestation de soutien aux républicains espagnols, avec, parmi les participants, Mirò et Picasso. Picasso, qui fut aussi la grande affaire de Zervos, Cahiers d’art 36e année 136 pages, 60 ¤ puisqu’on lui doit les 33volumes du catalogue raisonné des peintures et des dessins réalisés par l’artiste jusqu’en 1972, soit seize mille œuvres répertoriées et reproduites. Tout cela, Staffan Ahrenberg le savait : son père Theodor fut un des plus grands collectionneurs d’art moderne du monde, et le petit Staffan a grandi avec les artistes qu’il recevait dans sa maison qui dominait le Léman. Ce qu’il ignorait, c’est que le lieu, mais aussi le titre de la revue et les collections subsistantes étaient à vendre. L’apprenant, il a non seulement sorti son chéquier, mais aussi décidé de relancer le titre mythique. Le premier numéro a été publié jeudi 18octobre. Il a été confié à l’artiste américain Ellsworth Kelly. Un choix judicieux: Kelly a commencé sa carrière à deux pas de là, rue du Four, en avril 1951, à la galerie de Jean-Robert Arnaud, qui fit sa première exposition personnelle. A l’époque, le jeune Kelly rêvait devant la revue Cahiers d’art, qu’il était trop pauvre pour s’offrir. Il n’a donc pas hésité quand Staffan Ahrenberg et sa bande lui ont proposé de travailler à la renaissance de la revue. Car le comité de rédaction comporte, outre le nouveau propriétaire, deux des plus grands noms du milieu de l’art: Samuel Keller, qui dirige la Fondation Beyeler de Bâle, et Hans-Ulrich Obrist, commissaire d’exposition et critique d’art globe-trotteur. Cela donne une fort belle livraison de 136 pages très richement illustrées. Outre Kelly, auquel Yve-Alain Bois, Obrist, Ann Hindry et Richard Townsend ont consacré des textes (celui de Townsend l’étant à la collection que Kelly a constituée d’outils néolithiques amérindiens, qui est en partie exposée dans l’espace du 14, rue du Dragon). Mais le sommaire comporte aussi un article sur Oscar Niemeyer par – excusez du peu – Tadao Ando, une étude sur les relations entre architecture et musée, des articles sur des artistes plus jeunes comme Cyprien Gaillard, Sarah Morris, Adrian Villar Rojas, et la réédition d’une rare interview de Picasso, par Zervos luimême. Le tout pour 60 euros, histoire que les jeunes artistes impécunieux d’aujourd’hui, à leur tour, rêvent un peu. p Harry Bellet 17 L’agriculture se développera à l’avenir en gagnant du terrain sur les plaines fertiles, au risque de nuire à l’environnement. Comment peut-elle se maintenir sans rogner la biosphère? Les paysans survivront! U n millénaire chasse l’autre. Dans un livre récent, Le Temps des laboureurs (Albin Michel, 374 p., 24 euros), consacré au second espace de mille ans, celui qui commence au XIe siècle, Mathieu Arnoux, grand ruraliste devant l’Eternel, dresse la figure pacifique et durable du laboureur, héros éponyme du beau Moyen Age et d’une croissance économique jusqu’alors sans exemple: elle ne se termine que dans la première moitié du XIVe siècle. Le laboureur et le vilain, le gros fermier et le manouvrier (saisonnier), forment ainsi le couple auguste qui, tant bien que mal, survivra dans nos campagnes pendant plus de neuf siècles. Néanmoins, la peste noire et les guerres de Cent Ans de 1348 à 1450 détruisent à plus de 50 % ce peuplement rural de la France d’autrefois avec sa double nature, exploitante et prolétarienne. La renaissance démographique de 1450 à 1560 rétablit l’agreste duo dans son intégrité de l’avant-peste: 20millions d’Hexa- Emmanuel Le Roy Ladurie de l’Académie des sciences morales et politiques AFP Professeur honoraire au Collège de France, ex-administrateur général de la Bibliothèque nationale. Né en 1929, il a été un des pionniers de la micro-histoire avec « Montaillou, village occitan » (Gallimard, 1975). Il est l’auteur d’une « Histoire humaine et comparée du climat » en trois volumes (Fayard, 2004-2009) et de « La Civilisation rurale » (Allia, 62 pages, 6,20 ¤) un certain nombre d’agriculteurs, les années 1940-1944, si déplorables qu’elles fussent à leur égard, ne furent pas les pires qu’ils aient jamais connues, compte tenu des très rudes épreuves que leur avait infligées la crise mondiale lors de la quatrième décennie du XXe siècle. M.etMme Grenadou,cultivateursbeaucerons, avaient même prospéré sous Vichy tant leurs produits se vendaient bien. Mais bien sûr, il y eut les déportations, les bom- «La peste noire et les guerres de Cent Ans de 1348 à 1450 détruisent à plus de 50% ce peuplement rural de la France d’autrefois avec sa double nature, exploitante et prolétarienne» gonaux (l’Hexagone virtuel est une figure géographique commode), dont 18millions de paysans socialement structurés comme précédemment. Cette masse humaine est stable, malgré les blessures anti-populationnistes, vite réparées, que lui infligent de temps à autre les guerres bourbonniques et louis-quatorziennes. Le XVIIIe siècle est témoin d’un essor des peuplements agraires, équilibré, sans plus, par le développement économique du temps des Lumières. La Révolution française libère la paysannerie du « joug » seigneurial, un joug qui n’était pas toujours aussi pesant qu’on le dit puisque la seigneurie fonctionnait, comme le soulignera Fernand Braudel, en tant qu’agent éventuel du développement de l’économie sur son territoire. La paysannerie survit comme telle, malgrélessouffrancesdesguerresdela Révolution et de l’Empire, par rapport aux pertes d’un à deux millions de personnes que lui ont infligées ces conflits. Le XIXe siècle, jusque vers 1860, voire1870,marquel’apogée, en volume, du bloc agraire de la nation : plus de 30millions de ruraux. L’Hexagone, en dépit des faibles rendements agricoles, estcultivécommeun jardin.Plusspectaculaire sera la chute. Dès la fin du Second Empire et sous la IIIe République, le reflux campagnard est amorcé. Bientôt, dès 1913, la population active non agricole est en voie de rattrapage vis-à-visdesaconsœurpaysanne.Lemassacre de 1914-1918 éprouve davantage la jeunesse villageoise que ce n’est le cas pour les ouvriers : ils sont souvent affectés spéciaux dans les usines d’armement. Ladépopulationrustiquecontinuedans l’entre-deux-guerres; elle est ensuite freinée à l’époque de l’occupation allemande, tant le secteur agricole, donc alimentaireet vital, s’avère indispensable dans un pays privé d’importations de nourriture : pour bardements, les exécutions sommaires, etc. Inutile d’insister à ce propos. L’aprèsguerre, les « trente glorieuses » et le tournant des XXe-XXIe siècles ont affecté les zones rurales. Nous sommes, en fait de démographieagricole,plusrabaissésqu’en 1450, la situation est pire, si l’on peut dire, puisque même en cette époque maudite, il y avait davantage de personnes employées àla terre,à l’herbageetà laforêtque cen’est le cas de nos jours. Sous Charles VII, il y avait, dans l’Hexagone virtuel, plus étendu que ne l’était le royaume proprement dit, plus de 9 millions de ruraux parmi lesquels 95 % de cultivateurset cultivatrices.En 2012, on est loin du compte, les terroirs agricoles sont dépeuplés,etl’onn’imaginepas unedémographie rurale équivalente à celle, si maigrichonne soit-elle, dont bénéficiait la France vingt ans après le bûcher de Jeanne d’Arc (1431). Qu’adviendra-t-il de l’agriculture française dans ces conditions? A titre comparatif,auxEtats-Unis,lorsdelaGrandeDépression des années 1930, certains théoriciens, trèsthéoriqueseneffet,imaginaientvolontiers une économie « étasunienne» sans secteur agricole, celui-ci étant considéré comme trop peu rentable et devant disparaître en conséquence au profit de branches productives plus avantageuses, situées hors des professions traditionnelles des Farmers. Les visions futurologiques de ce genre étaient utopiques. Ce qui s’est vraiment produit aux EtatsUnis, c’est l’abandon éventuel des terres les moins rentables, ainsi que le gigantisme accru des exploitations terriennes d’outre-Atlantique. Pour celles-ci, l’unité de base est dorénavant, dans bien des cas, le millier d’hectares, et non pas la dizaine ou la centaine d’hectares, comme c’est le cas, en revanche, en France, voire dans d’autres pays d’Europe. S U TO ITIQU ES L O P Notre agriculture française survivra elle aussi, semble-t-il. Elle se maintiendra, au titre de chaque exploitation survivante, sur une superficie mise en valeur de plus en plus vaste par regroupements terriens. Les vignerons feront exception. Mais les grands fermiers « macro-entrepreneurs rustiques» rassemblentd’un seul tenant et rassembleront plus encore les domaines, certes contigus, qui continueront, eux, à dépendre de propriétaires différents. Ce deveniraffecterasurtoutlesterroirsdeplaines ou de contrées relativement planes et recouvertes, si possible, de limons fertiles. Il est vrai que l’usage souvent massif des engraiset despesticidespermetdéjàd’augmenterlesrendementsdefaçonconsidérable au détriment de l’environnement. Ce faisant, les agriculteurs, et ils le savent fort bien,prennentdesrisquesgénétiquespeutêtre considérables pour leur descendance. L’agriculture bio est-elle une solution ? En principe, oui, mais le producteur travaille toujours ou presque toujours à la marge de la profitabilité: il n’envisage pas volontiers, on le comprend, pour mieux préserver l’environnement, d’éroder les maigres profits qu’il attend de son activité. J’ai parlé de l’installation préférentielle des exploitations agricoles dans les plaines, où le sol est éventuellement plus fertile et où l’utilisation des machines, volontiers gigantesques, permet de réduire les coûts… à coups d’emprunts préalables. Mais dans cette hypothèse également, l’agriculture de plaine entre en compétition avec d’autres investissements, porteurs de profits plus considérables. Laconstructionde maisonnettesdansla plaine de Caen, sur un rayon de plusieurs kilomètres ou davantage aux alentours de la ville, dévore préférablement des sols limoneux et fertiles ; ils sont dorénavant perdus pour la production agricole, celle-ci indispensable néanmoins pour l’export et pour l’alimentation des milliards d’individus supplémentaires; ceux-ci viendront s’ajouter aux chiffres de population mondiale déjà existants. Les mêmes réflexions s’imposent à propos de l’établissement de larges autoroutes et d’aéroports immenses, eux-mêmes grands amateurs de terrains plats. L’agriculturede montagneest abandonnée, et pour cause, dans les vallées alpines etailleurs.Lesvignerons,oléiculteurs,jardiniers et même céréaliculteurs du Languedoc avaient imaginé, à flanc de coteaux des Cévennes ou des pré-Cévennes, une production agricole installée sur des terrasses artificiellement étagées sur des pentes de collines, voire de montagnes. Ces terrasses avaient coïncidé avec la mise en valeur agricole croissante des ter- E 21 O H C N A DIM roirs méridionaux lors des XVIIIe, voire XIXe siècles. Il n’est évidemment pas question de recultiver ces prodigieux escaliers d’agriculture ou de viticulture, tant le travail fait uniquement à la main ou à la rigueur avec des mules y était pénible et, c’est le cas de le dire, assez peu rentable. La formidable augmentation des rendements du blé, froment et autres céréales d’une quinzaine de quintaux à l’hectare (ou moins encore au XVIIe siècle) jusqu’à 100quintaux à l’hectare, plafond presque indépassable de nos jours, est un bienfait pour nos exportations frumentaires vers les pays déficitaires en production des grainsau suddelaMéditerranéeet ailleurs. Mais il y a un prix à payer: dans les campagnes de l’ouest de la France, les terres schisteuses à très faible épaisseur de sol arable sont devenues porteuses de moissons assez considérables… et les coccinelles ont disparu, victimes des insecticides. Les bleuets et les coquelicots qui cernaient autrefois les vastes parcelles labourées, puis emblavées, se sont évanouis, si l’on peut dire, dans la nature. Il ne sert évidemment à rien de gémir, puisque, à cette liste quelque peu impressionniste des divers méfaits subis par l’environnement rural, on pourrait ajouter bien d’autres phénomènes du même genre. Ne parlons pas des flatulences des vaches et autres bovidés : elles contribuent, à force de méthane, au réchauffement du climat, en compétition avec le CO2. L’évocation du réchauffement mondial n’est pas inutile. La situation, quant à ce problème, n’est pas très différente de celle que nous venons d’évoquer pour l’agriculture de «Ne parlons pas des flatulences des vaches et autres bovidés : elles contribuent à force de méthane au réchauffement du climat, en compétition avec le CO2 » plus en plus industrialisée. D’une part, le plus grand nombre des Européens, sinon des Américains, fait preuve d’une prise de conscience désormais perspicace quant aux périls « calorifiques» issus de l’accroissement d’injections atmosphériques des gaz à effet de serre. Mais d’autre part, très peu parmi les citoyens du Vieux Continent, notamment paysans, acceptent d’envisager, de façon concrète, une réduction del’usagedel’automobileetdelamotorisation en général. Le problème est presque insoluble: les désirsde confort de nos populations,en soi légitimes, sont en contradiction flagrante avec les exigences, elles aussi fondées, du respect de l’environnement sous ses diverses formes. La pensée hégélienne ellemême, amoureuse des propositions contradictoireset de leurs solutions dialectiques, s’y casserait les dents, qu’elle avait pourtant fort longues. p Les 15es Rendez-vous de l’histoire à Blois consacrés aux paysans se tiennent du 18 au 21 octobre H10 À 18 E R B O CT MONDE U D M E S D N MO CTIO ENT DU S RÉDA E L T PRÉSID E I ACHILL ANÇOIS L’AFP ET DE U, O R Y A N-FR COM IS B O Ç ET AFP. AR JEA P R N F E . É E A D M F R ÉMISSION ANI E INTER, LE MON UNE ANC SUR FR E R IV U AS J6c8LKI83K6¾J6 LA VOIX EST LIBRE 18 0123 décryptages ANALYSES Dimanche 21 - Lundi 22 octobre 2012 PS: le syndrome du parti godillot A u temps du général de Gaulle, on accolait toujours le mot de godillot à l’Union pour la nouvelle République (UNR), ce parti qui avait été fondé, le 1er octobre 1958, avec comme but exclusif le soutien inconditionnelà l’actiondu fondateurde la Ve République.A l’Assemblée, ses députés approuvaient sans broncher et sans débattre tout ce qui était estampillé « gaulliste». De par sa culture du débat, sa traditionnelleindisciplineet surtoutsastructuration en courants, le Parti socialiste n’a jamais été vraiment godillot. Peu après son élection, en 1981, François Mitterrand l’avait mesuré en étantconfrontéà la frondedes députés socialistes contre l’amnistie accordée aux « généraux félons» de la guerre d’Algérie. Au lendemain de l’élection d’Harlem Désir, jeudi 18 octobre, au poste de premier secrétaire du PS – avec 72,5% des voix, soit à peine mieux que sa motion (68,45 %), contre 27,5 % à Emmanuel Maurel,le porte-parolede l’aile gauche–, le syndrome du parti godillot guette le parti de François Hollande. Au diapason de Martine Aubryet de M. Désir, Jean-MarcAyrault a balayé cette crainte. «Les débats sont légitimes, le PS ne sera jamais un parti godillot, a déclaré le premier ministre, le 11 octobre, ça n’existe pas, ce n’est pas dans notre culture, ce n’est pas un parti qui a le culte du chef, c’est un parti démocratique, où on discute, on débat, on vote, et il faut que ça continue.» En même temps, M. Ayrault a souligné le « besoin d’une vraie solidarité» afin de « se rassembler sur l’essentiel ». Le président de l’Assemblée nationale, l’ancien fabiusien Claude Bartolone, a renchéri dans le même sens: « Nous n’avonspasune majorité godillot.» De fait, même si les courants sont devenus subliminaux, le plus structuré, celui de l’aile gauche s’étant scindé en deux – les amis du ministre Benoît Hamon rejoignant la motion majoritaire –, l’existence de cinq motions pour le congrès de Toulouse, du 26 au 28 octobre, donne une touche plurielle au PS. M. Désir y a décelé la clé du score décevant d’une motion majoritaire qui avait vocation, sous l’impulsion de Mme Aubry et de M. Ayrault, à être unani- Analyse Par Michel Noblecourt Editorialiste me. « Qu’est-ce qu’on aurait dit s’il y avait eu un score de 90 %, a protesté l’ancien lieutenant de Bertrand Delanoë, on aurait dit, c’est un parti [nord] coréen ou à la soviétique ! » Les vingt-neuf rebelles socialistes, qui ont voté non ou se sont abstenus à l’Assemblée sur le traité budgétaire européen, ont fait un sort à l’image d’un parti godillot. Même si Bernard Cazeneuve, ministre délégué aux affaires européennes, leur a rappelé que, sur un sujet essentiel, il fallait « jouer collectif» et « faire masse ». Le PS n’est pas un parti godillot. Mais deux facteurs nourrissent le syndrome : les conditionsde l’électiondeM. Désir et la faiblessemilitante. La contestation qui avait entouré l’élection de Mme Aubry, en novembre 2008 à l’issue Deux facteurs nourrissent le syndrome : les conditions de l’élection d’Harlem Désir et la faiblesse militante du calamiteux congrès de Reims, avait amoindri son autorité et sa légitimitésur un parti coupé en deux. M. Désir va prendreles manettesdu PS avec un déficit de légitimité. Premier secrétaire par défaut ou par accident, il a été imposé comme premier signataire de la motion majoritaire par M. Hollande, qui l’a encore adoubé le 19 octobre depuis Bruxelles, contre l’avis de la maire de Lille et du premier ministre. Et les ministres qui se sont employés à être ses parrains – la « bande des quatre » composée par Manuel Valls, Pierre Moscovici, Vincent Peillon et Stéphane Le Foll – semblent le voir comme un maillon faible qui leur laissera les coudées franches dans le parti. Un an après la primaire qui avait vu plus de 3 millions de sympathisants de gauche choisir Ecologie | chronique par Hervé Kempf le candidat socialiste, le PS souffre d’une vraie faiblesse militante. A la fin 2011, il comptait 174 022 membres,alorsqu’au moment de la primaire de 2006, réservée aux seuls militants, ces derniers étaient 280 000. Certes depuis Reims, les fichiers ont été « nettoyés », et 48 000 adhérents inactifs ont été rayés. Mais cette chute est préoccupante, alors que 700 000 électeurs de la primaire de 2011 avaient laissé leur nom pour être associés à la campagne du candidat. L’élection de M. Hollande n’a pas suscité d’ élanmilitant. Le PS n’est pas attractif. La participation aux votes pour le congrès de Toulouse a été faible – 50,9 % pour les motions, moins de 47 % pour l’élection de M. Désir – alors qu’en 1997, quand M. Hollande avait battu Jean-Luc Mélenchon pour le poste de premier secrétaire, elle avait été exceptionnelle (73,84 %). Se référant à Pierre Mendès France, décédé le 18 octobre 1982, M. Désir a assigné au PS le « devoir de dire la vérité aux Français, de leur redonner espoir ». « Les militants socialistes seront les premiers militants du changement», a-t-il affirmé, en voulant conjuguer « une totale solidaritéavec le gouvernementet la pleineliberté dans le débat et les propositions». Le fondateur de SOS-Racisme est plein de bonne volonté, et il a affiché sa « détermination totale à poursuivre la rénovation ». Dans son entretien au Monde (du 17 octobre), il souligne que le PS « doit être réinventé. Le PS est une force desoutien au gouvernement,mais doit être aussi une force autonome ». En bon jospiniste, il veut revenir au vote direct des militants pour élire le premier secrétaire – avec plusieurs candidats – instauré par Lionel Jospin en 1995. Mais pour poursuivre la rénovation engagée par Mme Aubry et conjurer le syndrome du parti godillot, il lui manque au départ deux atouts : la force militante et la pleine légitimitéqui donne l’autorité. M. Désir arrivera peut-être à gagner son pari, mais son mandat s’ouvre sur une longue marche semée d’embûches. p [email protected] Une cause nationale L e lourd silence de Cécile Duflot, de José Bové, de Daniel Cohn-Bendit, de Nicolas Hulot et de tant d’autres sommités, le désintérêt des médias, la passivité d’Europe Ecologie-Les Verts, le « courage fuyons» des élus PS informés des enjeux écologiques, l’apathie de la grande majorité des associations environnementales, le désir si manifeste de tout ce joli monde de tourner la page n’y font rien: ce qui s’est déroulé cette semaine et se poursuit ces jours-ci autour de NotreDame-des-Landes (Loire-Atlantique) est vital, crucial, essentiel. Si ceux pour qui les mots « crise écologique» veulent dire quelque chose perdaient cette bataille, si cet aéroport se faisait, le mouvement écologique en serait aussi affaibli qu’il l’avait été, en 1977, par les événements de Creys-Malville. On s’étonne que ne soit pas comprise l’importance de ce bras de fer. Mais peut-être faut-il, de nouveau, en expliquer les enjeux. Il s’agit, donc, d’un projet d’aéroport qui occuperait près de 2000hectares de terres au nord de Nantes. Vieux d’une quarantaine d’années, il a ressurgi au début des années 2000. La résistance tenace, non violente, assise sur des expertises solides, de paysans, d’élus, d’écologistes, de citadins, d’habitants anciens et nouveaux, a retardé le projet. Elle a permis de voir que se cristallisent ici toutes les problématiques qui forment le complexe écologique de ce début du XXIe siècle. Ce n’est pas Tri- fouilly-les-Oies, c’est une cause nationale. Alors que le Programme des Nations unies pour l’environnement vient d’annoncer que les zones humides, essentielles à la biodiversité et à la régulation des écosystèmes, ont perdu dans le monde la moitié de leur superficie depuis un siècle, on s’apprête en France à détruire un site dont 98% des terres sont des zones humides. Alors que, semaine après semaine, les climatologues publient des études montrant la gravité du changement climatique, on s’apprête en France à construire un aéroport On s’apprête à construire un aéroport qui stimulera le trafic aérien qui stimulera le trafic aérien, important émetteur de gaz à effet de serre. Alors que l’artificialisation des sols et la disparition des paysans sont officiellement déplorées, on les planifie ici, ce qui les justifiera ailleurs. Alors que le pouvoir du capital et les partenariats public-privé sont partout dénoncés, on donne les clés du projet à la multinationale Vinci. Il y a des moments où il faut savoir dire non. Il est temps que se fassent entendre ces « non ». p [email protected] Le livredu jour Le déclin français O n ne peut reprocher à Nicolas Baverez une quelconque inconstance. Auteur il y a neuf ans de La France qui tombe(Perrin, 2003),le voilà quirécidive avec Réveillez-vous !, un essai très noir sur le déclin français. On sort de la lecture du pamphletassomméet déprimé,et finalement en adéquation avec le climat ambiant, celui de la neurasthénie française, sur laquelle vogue la vague du déclinisme. Et en même temps le livre fait mouche parce que les faits décrits semblent Réveillez-vous ! Nicolas Baverez Fayard, 180 p., 11,90 ¤ ¶ Historien et économiste, Nicolas Baverez est chroniqueur au Point et au Monde donner raison à l’auteur, qui sait disséquer l’engrenage de la chute. La thèse de Baverez ? La France est en train de mourir de son incapacité à voir le monde tel qu’il est. Elle se complaît dans son passé, tente de sauver coûte que coûte un modèle social qu’elle n’arrive plus à financer et qui la mène au suicide. Tel un procureur, l’auteur énumère « les dénis français » qui se succèdent depuis la fin des « trente glorieuses » : la relance en 1981 à contre-courant des autres pays, la réduction du temps de travail « meurtrière pour la compétitivité; l’accélération des dépenses publiques en 2008 comme réponse à la crise des subprimes. » Le décrochage du pays ne vient pas de l’éclatement de l’économie de bulles en 2007. Il provient d’un modèle de croissance par la dette publique « qui menace sa souveraineté», accuse Baverez en évoquant la perte du triple A et,dans la foulée,la doubletutelledes marchés financiers et de l’Allemagne. La grandeur et la décadence des nations le hantent. Il convoque les figures de son panthéon personnel, Thucydide, saint Augustin,Chateaubriand,Bernanos,Mira- beau, Soljenitsyne… pour mieux faire le procès de ce qu’il n’hésite pas à appeler « un Montoire intellectuel et moral », la préférence collective pour « la faillite plutôt que pour la réforme ». Il souligne aussi la « méfiance» grandissante du pays à l’égard de la science et du progrès, « le divorce » entre les élites politico-administratives et l’entreprise, « la fusion » qui s’est opérée entre la classe politique et la haute fonction publique pour préserver coûte que coûte la dépense publique. Et pendant ce temps, les craquements qui s’opèrent dans les tréfonds de la société : violence, racisme, perte de repères, peur de l’autre, montée des populismes. Nicolas Baverez a le sens du tragique, il en abuse souvent mais sait aussi s’en servir pour sa thèse. Par contraste avec tout le pathos qu’il décrit, sa solution apparaît lumineuse: ça va mal ? et bien faisons comme les autres ! Comme le Canada, comme la Suède, comme l’Allemagne qui, eux aussi, se sont trouvés au bord du gouffre et ont su faire le choix : basculer de plain-pied dans la mondialisation. En libéral convaincu, l’auteur décrit le cheminde la rédemption: une politique de l’offre fondée sur la réduction des dépenses publiques et l’augmentation concomitante du travail, de l’épargne et de la production; l’administrationremise à sa place et l’entreprise mise en vedette ! Il saisit bien le moment où, en pleine crise européenne, la France se retrouve comme en apesanteur, capable aussi bien de basculer dans le camp des pays surendettés que de se hausser en stoppant la fuite en avant pour mieux sauver l’euro. On sent que le dénouement de la crise approche mais le scénario n’est pas encore écrit.A moins que M.Baverez,dans lesecret de son cabinet, n’ait déjà repris la plume. p Françoise Fressoz Rectificatifs&précisions Justice La directrice des affaires criminelles et des grâces (DACG) au ministère de la justice se nomme Marie-Suzanne Le Quéau, et non Marie-Thérèse, comme écrit par erreur (Le Monde du 9 octobre). Nucléaire Contrairement à ce que nous avons écrit dans l’article « Dans les entrailles du premier cimetière nucléaire» (Le Monde du 16 octobre), le WIPP emploie 1 100 personnes, dont 650 à Carlsbad… et non pas 65. culture 0123 Dimanche 21 - Lundi 22 octobre 2012 19 La dynastie Henochsberg, le cinéma en famille Ils font revivre les salles d’art et d’essai de la capitale et inaugurent un nouveau complexe porte des Lilas Q uestion : pourquoi les sièges sont-ils numérotés au SaintGermain-des-Prés, salle parisienne mythique où les cinéastes dela NouvelleVagueaimaientpardessus tout sortir leurs films ? Ce petit détail, on le doit à Alexandra Henochsberg. « J’y tenais beaucoup. Les spectateurs aiment se souvenir. Chaque fois que je vois un beau film, je me rappelle toujours de l’endroit où j’étais assise. Chez nous, le travail est artisanal», dit-elle. Ce « nous », c’est la famille Henochsberg– prononcezHenoksberg – qui a créé un petit circuit art et essai dans la capitale, avant de développer ses antennes bien au-delà : à Chelles (Seine-et-Marne), à Vichy (Allier), bientôt à Béthune (Pas-de-Calais) avec un multiplexe de neuf salles en construction,sansoublier«un projet de rachat » en Ile-de-France tenu top secret… Ce n’est pas une tribu, avec neveux et cousines, juste un trio : il y a le père, Jean Henochsberg, 75 ans, et deux de ses quatre enfants, Alexandra, 43 ans, et David, 33 ans. Les Henochsberg sont moins visibles que les Karmitz, avec leurs salles parisiennes frappées de la marque MK2, et bien moins puissants que les Seydoux, propriétaires des Pathé. Qui sait, en effet, que derrière leur nom se cachent trois salles parisiennes historiques acquises par le pater familia : le Saint-Germain-des-Prés en 1980, puis le Balzac aux abords des Champs-Elysées, en 1981, du moins 50 % des parts, l’autre moitié restant aux mains d’une autre famille du cinéma, les Schpoliansky ; enfin la Pagode, depuis 2000, qui trône dans le calme et chic 7e arrondissement. Deux autres fleurons, trop coûteux, ont été revendus, Le Racine et LesTrois Luxembourg.Le parcours des Henochsberg reflète l’histoire récente et complexe du cinémad’art et essai dans la capitale, entre rayonnement et grande fragilité. La preuve ? Mercredi 24 octobre, le père, le fils et la fille inaugu- reront un complexe de sept salles, l’Etoile-Lilas, situé comme son nom l’indique porte des Lilas, à cheval sur la capitale et la proche banlieue nord-est, dans ces quartiers mixtes où cohabitent des classes populaires et des bobos. Vue panoramique depuis la terrasse, Paris et sa périphérie. Programmation arc-en-ciel, qui ratisse large, du film d’auteur pointu au blockbuster tiroir-caisse, de qualité, bien sûr. Pas question d’ouvrir une usine, mais il faut que ça tourne… Doté de 1 500 fauteuils, financé grâce à Cap Cinémas, le nouveau vaisseau vise les 400 000 entrées par an. « Nous développer, c’est la seule façon de sauver nos trois salles historiques », expliquent en chœur le frère et la sœur. Lui : « On a deux ans pour donner une identité à ce lieu, avant l’arrivée des dixhuit salles de l’UGC, dans la ZAC Claude-Bernard. Ça va être dur… » L’Etoile-Lilas est le dernier grand projet imaginé par Jean Henochs- Pas question d’ouvrir une usine, mais il faut que ça tourne. Le nouveau vaisseau vise 400000 entrées par an Alexandra et David Henochsberg : ils ont hérité la passion du cinéma de leur père. SYLVAIN GRIPOIX POUR « LE MONDE » Lesindépendantsredessinent la carte des salles parisiennes IL Y A CES ONZE SALLES qui ont fermé depuis 2010, à Paris, le plus souvent des mono-écrans. Il y a l’exploitation art et essai qui résiste, 38 salles au total dans la capitale, avec quelques renouvellements réussis (Le Nouveau Latina, La Clef, le Denfert…). Et, toujours, les complexes et multiplexes qui ouvrent ou se transforment. La géographie parisienne des salles se développe, note la Ville de Paris, dans un document intitulé « La dynamique de l’exploitation cinématographique parisienne à l’horizon 2015 », rédigé à l’occasion de l’inauguration de l’Etoi- le-Cinéma, porte des Lilas, mercredi 24 octobre. Car cette actualité signe le retour d’un indépendant: il n’y avait pas eu à Paris d’ouverture de salle par des indépendants depuis la reprise du Cinéma des cinéastes, par l’ARP en 1996. Il y en aura prochainement un deuxième, au printemps 2013, avec l’arrivée du Louxor-Palais du Cinéma. « Si tous les projets voient le jour, Paris disposera en 2015 de 88 établissements et 431 écrans, contre 89 établissements et 369écrans en 2000 », recense le rapport. Aux côtés des quartiers tradi- tionnellement présents sur la carte des cinéphiles (quartier Latin, Champs-Elysées, Montparnasse…), se développent quatre nouveaux pôles : Gambetta-porte des Lilas, place d’Italie-Bibliothèque, Passy-Grenelle-Convention et Clichy-Barbès-Montmartre. Des films plus pointus La place de MK2 grossit, avec notamment un projet à la Villette. Le 9 novembre, le groupe ouvre une salle au Grand Palais, avec une programmation le weekend axée sur le patrimoine (Chaplin, Disney…). Bientôt, le MK2 Bibliothèque ouvrira quelques salles proches de la Bibliothèque nationale de France : y seront projetés des films plus pointus, pour délester le multiplexe et « laisser plus de temps aux films », précise le patron, Nathanaël Karmitz. « Il ne faut pas confondre les MK2, ses librairies et magasins de DVD, avec n’importe quel autre usine à pop-corn, dit-il. Quand un spectateur va voir Harry Potter dans un MK2, il se cultive. S’il le voit ailleurs, il va voir un blockbuster. » Pourquoi? Sans doute un nouveau mystère de Paris. p Cl. F. berg, avec son fils David. Alexandra assurera la programmation avec Jean Hernandez, compagnon de route du père. Tout commence lorsque Jean Henochsberg rencontre « la bande de l’Olympic», du nom de ce réseau desallesparisiennesaniméparFrédéric Mitterrand, à partir des années 1970. Jean Henochsberg est alors un restaurateur prospère. Le Fernand, rue Guisarde, est une adresse à la mode. Mais ce bon vivant, joueur de cartes jusqu’à point d’heure, est aussi cinéphile. Il se lie avec Mitterrand, s’associe avec lui au sein de la société Gerick Films. Ensemble, en 1985, ils achètent au Festival de Cannes Papa est en voyage d’affaires, d’Emir Kusturica. Sur le chemin du retour, ils apprennent que le film a la Palme d’Or. Adieu arrière-cuisines, bonjour les salles obscures. Dans le grand loft qui leur sert de lieu de travail, rue de la Fontaine-au-Roi, où le prix de l’immobilier flambe un peu moins qu’ailleurs, toute l’histoire familiale est là. Ici, les bureaux d’Alexandra Henochsberg. La jeune femme a créé sa société de distribution, Ad Vitam, en 1999. L’équipe a eu du nez, a sorti en salles Le Cauchemar de Darwin (2005), d’Hubert Sauper, Lady Chatterley (2006), de Pascale Ferran, ou encore Mammuth (2010), de Benoît Delépine et Gustave Kervern. Après la distribution, la production : Ad Vitam vient de signer pour le premier long métrage de Cécile Ducros. David a un autre parcours. Il ne s’en cache pas : « Je voulais être comédien. » Il n’est pas devenu le Léa Seydoux masculin… mais un entrepreneur, patron d’une centrale d’achat dans la restauration. Jusqu’à ce que son père lui demande de lui « donner un coup de main ». Les cinémas parisiens étaient plombés par l’arrivée des cartes illimitées, déplumés par l’appétit des multiplexes pour les « films d’auteur grand public ». David s’est investi dans l’exploitation. A corps perdu, comme son pèreen son temps. C’est lui, le trentenaire qui est désormais le patron du groupe rebaptisé EtoileCinémas. Enfin, voici le bureau de Jean Henochsberg. Vide. « Papa » n’est pas en voyage d’affaires. Il ne travaille plus vraiment, mais passe de temps à autre, de préférence le matin. Alexandra regarde son frère : « Tu es le businessman, beaucoup plus que moi. » Lui : « Tu as travaillé beaucoup plus avec papa. » Le frère et la sœur se ressemblent, bien que nés de mères différentes. Mêmes traits fins, même cheveux bruns, même tenue classique, jean et chemise à rayures. Pas un poil de branchitude. Elle s’interroge, à voix haute : « Pourquoi sommes-nous tant accrochés à nos salles parisiennes, qui ne nous rapportent rien ? Parce que c’est l’histoire du cinéma. Et par attachement familial. » Au début des années 2000, le Saint-Germain-des-Prés sombrait. Décision fut prise d’en faire « un bijou », au prix de travaux colossaux. Mais rien à faire, la courbe ne s’inverse toujours pas. « Nous louons la salle, pour des avant-premières, on décroche les films, on s’arrache les cheveux », résume Alexandra Henochsberg. Léo, le fidèle collaborateur, passe la tête. « Dans les années 1995-2000, on pouvait encore vivre des monosalles art et essai. Aujourd’hui,elles sont structurellement déficitaires.» Pour avoir le récit de la grande époque, il faut attendre l’entretien téléphonique avec Jean Henochsberg, un peu souffrant. Une voix étonnamment jeune raconte: « A Paris, il n’y avait pas de concurrence entre les salles. L’économie était tendue, mais nous nous faisions plaisir. On a eu à peu près tous les bons films. » Les Rivette, Rohmer, Godard, ont défilé. Des génies, parfois insupportables… « Au Saint-Germain, Godard était venu m’engueuler parce que certaines couleurs du film n’étaient pas bonnes ! » Jean Henochsberg éclate de rire. Se réjouit d’avoir des enfants « assez intrépides ». Compte les joursavantl’inaugurationdu complexe de la porte des Lilas. « Cela concrétise une longue histoire, que je lègue à mes enfants.» p Clarisse Fabre Sousla perruqueblondede MissKnife,cettefine lamed’OlivierPy Au Théâtre de l’Athénée, l’ancien directeur de l’Odéon retrouve avec malice son double travesti pour un tour de chant jubilatoire Spectacle M iss Knife a lancé son premier couteau ce 18 octobre et nous l’a fiché en plein cœur. C’est en effet au Théâtre de l’Athénée qu’Olivier Py a entamé un tour de chant qui devrait occuper jusqu’à la fin de l’année puis de mars à mai 2013 l’ancien directeur de l’Odéon, avantsa prisede fonctionsau Festival d’Avignon à l’automne 2013. Miss Knife est sortie tout armée de la cuisse d’Olivier Py en 1992 : elle n’était alors que la Lanceuse de couteaux de sa pièce La Nuit au cirque, créée au Théâtre du Peuple à Bussang. Amphitryon revisité mêlaitaux dieux de l’Olympeceux de la foire. Olivier Py est devenu Miss Knife sans abandonner pour autant la Femme-Serpent, la Clownesse, le Squelette de cotillon… comme en témoigne le texte de ses chansons aussi tristes et radieuses, parodiques et sentimentalesque libreset désespérées. Compagne d’infortune En 1996, cracheur de feu prométhéen, Py a introduit Miss Knife et sa Parade dans le sacro-saint Festival d’Avignon. Avant d’en faire sa compagnede fortune ou d’infortune selon que tournaient les vents. C’est donc tout naturellementavec elle qu’il a fait ses adieux sur la scè- nedel’Odéonle12mars.Jolierevanche qu’un directeur d’institution quittant son job en chanteuse travestie, perruque blonde, boucles d’oreilles et robe à paillettes, montrant son cul en parlant de ses amants « des toilettes de la gare de l’Est»… Aujourd’hui, Miss Knife n’est paspacifiée.Ellechante sadésespéranceavecl’humourtragiqueetsalvateur consubstantiel du fait de vivre. Ses chansons réalistes disent la vie brève, l’espérance violente, les amours délétères, les enfants perdus, les artistes perdants. Empruntent à Baudelaire, Rimbaud, Verlaine, au jeune Mallarmé, etsurtoutàNervallesuicidé(ElDes- dichado). Les belles musiques – romances, tangos, javas – de Stéphane Leach et Jean-Yves Rivaud, les musiciens de jazz qui l’accompagnent sont comme le décor de lampes vives imaginé par PierreAndré Weitz avec ses grandes gélatines colorées qui tombent comme des couperets. Puisssance incantatoire La voix d’Olivier Py est chaude et prenante – travaillée avec le même professeur de chant que le baryton Laurent Naouri –, jamais caricaturale. Elle nasille parfois en ouvrant les voyelles, prend des accentuations tragiques à la grande Barbara, évoque l’émouvant vibrato et la puissance incantatoire de Léo Ferré. Olivier Py en scène n’a que les stigmates irrévérencieux d’une chanteuse de musichall. Cet homme qui se vêt de bijoux et de plumes (parce que « quand vous avez perdu beaucoup dans vos combats, il reste une solution: les mettre sur ses fesses ») ne masque rien de sa masculinité pileuse, fût-elle inscrite dans un string de strass rouge. Il n’est jamais plus beau que la tête nue, cils charbonnés et lèvres peintes, abandonné à la musique, le corps presque brutal sanglé dans un fourreau ouvert sur des jambes gainées de rouge méphistophélique. Histoire de dire sans doute que l’ange déçu a toujours le diable au corps. p Marie-Aude Roux Miss Knife chante Olivier Py. Avec Olivier Py (textes et chant), Jean-Yves Rivaud (musique), Stéphane Leach (piano, musiques), Julien Jolly (batterie), Olivier Bernard (saxophones, flûte), Sébastien Maire (contrebasse), Pierre-André Weitz (costumes), Bertrand Killy (lumières). Théâtre de l’Athénée, Paris 9e. Du 18 au 27 octobre. Tél. : 01-53-05-19-19. De 7 €à 32 €. Tournée à Bruxelles (du 14 au 17 novembre), Marseille (27 novembre), Vienne (28 novembre), Sartrouville (4 décembre), Mulhouse (11 décembre), Orléans (14 décembre), Bordeaux (19 décembre), Toulon (21 décembre). 20 0123 culture Dimanche 21 - Lundi 22 octobre 2012 Londres retourne à l’âge du bronze Galeries La Royal Academy confronte des époques et des lieux différents, unis par un même matériau Arts pêcheur draguant dans le détroit de Sicile l’a remonté dans ses filets. Ou comme ce magnifique portrait d’un jeune soldat bouclé, coiffé d’un casque phrygien, du IIe siècle, trouvé dans un champ, en Angleterre, en mai2010. Les petits sujets dament le pion aux grandes figures. Si le trio géant du Saint Jean-Baptiste priant (1506-15011), qu’on dit provenirde l’atelierdeLéonarddeVinci, impressionne, c’est la grâce des groupes de la Renaissance que l’on Londres R aconter 5000 ans de l’art du bronze paraissait mission impossible: « Bronze », à la Royal Academy de Londres, y parvient de manière saisissante. Les œuvres sont confrontées par genres, figures en pied, portraits, femmes, hommes, animaux, objets décoratifs, de culte… Peu importe la taille, l’origine, la date : le dialogue s’engage avec une rare vitalité. On est transporté dans le temps, sous toutes les latitudes et continents, par la beauté et la qualité des pièces qui s’affrontent. Il en est ainsi du roi Seuthes III qui a régné au IVe siècle avant J.-C. Ses yeux clairs, en albâtre et pâte de verre, sont si vifs que son regard de tyran fait frémir. Son portrait de bronze a été exhumé, en 2004, près d’un tumulus de Bulgarie centrale, l’ancienne Thrace. «Presque inconnue, jamais exposée, c’est, pour moi, la plus importante pièce vue au cours de ma carrière. On dirait qu’il nous parle », s’enthousiasme David Ekserdjian, le commissaire. Son contraire, la dame d’Ife – capitale spirituelle des Yoruba, au Nigeria –, le visage incisé de lignes parallèles, comme scarifié, est d’une extrême douceur, et son regard plein de compassion. Comme l’indique son double rang de perles monté en diadème, ce portrait anonyme dit « Tête couronnée », du XVe siècle, est celui d’un personnage de sang royal. Le parti pris de David Ekserdjian est avant tout esthétique. « J’ai essayé de réunir le meilleur de tou- Le parti pris du commissaire, David Ekserdjian, est avant tout esthétique « Satyre dansant », Grèce. SCALA /FLORENCE 2012 tes les civilisations. J’avais en tête une liste de cent pièces, je rêvais, depuis longtemps, d’organiser une telle exposition. Quand on les voit ensemble, il y a une étrange parenté », souligne le professeur d’université, spécialiste de la Renaissance italienne, ancien responsable de la sculpture européenne pour la maison de ventes Christie’s. Le commissaire a arpenté la planète pour convaincre conservateurs et collectionneurs de lui prê- ter les pièces repérées. Obtenir le prêt de la Chimère d’Arezzo, joyau de l’art étrusque, du Musée archéologique national de Florence, était une gageure: « Je suis allé à Florence, avec le projet et les illustrations. J’ai entendu un “ Bon, je suis convaincue”. J’ai failli m’évanouir de joie. » Les cent cinquante œuvres rassemblées sont parfois le fruit de découvertes récentes. Comme le gracieux Satyre dansant, sauvé des eaux, en 1998 : un retient. Les Putti au tambourin de Donatello, le Guerrier nu de Leonhard Magt, Nessus et Deianira, de Jean de Boulogne, et la Nymphe endormie par un satyre d’Antonio Susini l’emportent, la sensualité à fleur de peau. Comme la puissance nerveuse du Chasseur portant une antilope (Nigeria), de la même époque. Les objets de culte les plus anciens intriguent : « Rare témoignage d’un monde dont on ne sait presque rien », note le commissaire, tel ce Chariot au disque solaire danois du XIVe siècle av. J.-C. Ou encorecesmenusaccessoires,sceptre,couronne,chandelier…de3500 av. J.-C. venus du désert de Judée ; et ce surprenant équipage, du VIIe av. J.C., trouvé près de Graz (Autriche),quiconvoieunedivinitéfémininedeboutportantl’urnefunéraire, entourée de soldats en armes. En point d’orgue, la joyeuse fable de David Ekserdjian met en scène Spider 4, l’araignée de deux mètresd’enverguredeLouiseBourgeois (1996), prête à bondir sur ses proies, alignées en contrebas, le Babouin à l’enfant de Picasso (1951), le Dindon de Jean de Boulogne (1567), la Mante religieuse de Germaine Richier (1946), ou l’oiseau de Brancusi (1911)… Une formidable découverte et une constatation : durant 5 000 ans, la technique du bronze a traversé les civilisations avec un même souci de perfection pour donner à l’œuvre son gage d’éternité. p Florence Evin Bronze. Royal Academy of Arts (RA), Burlington House, Piccadilly, Londres, jusqu’au 9 décembre. Tous les jours de 10 heures à 18 heures, le vendredi jusqu’à 22 heures. De 5 ¤ à 20 ¤. Catalogue : 300 pages, 49 ¤, éd. RA. Royalacademy.org.uk Edition Sélection du prix Femina Le jury du prix Femina, qui sera décerné le 5 novembre, a conservé dans sa dernière sélection cinq romans français et quatre étrangers, ainsi que cinq essais. Le premier roman, très remarqué, de Julia Deck, Viviane Elisabeth Fauville (Minuit), figure notamment dans cette ultime liste aux côtés des livres de Jérôme Ferrari, Le Sermon sur la chute de Rome (Actes Sud) et de Patrick Deville, Peste et choléra (Seuil), retenus cette année par les jurés de plusieurs prix, dont le Goncourt. Un autre « primo-romancier», l’ex-ministre de l’agriculture Bruno Le Maire, reste aussi dans la course du Femina avec Musique absolue. Une répétition avec Carlos Kleiber (Gallimard). – (AFP.) Arts Katinka Bock reçoit le Prix de la Fondation Ricard Née en 1976, l’artiste allemande, pensionnaire de la Villa Medicis, a reçu, vendredi 19 octobre, le 14e prix décerné par la Fondation Ricard à un jeune artiste. Les autres candidats étaient Mathieu Kleyebe Abonnenc, Bertille Bak, David Drouard, Louise Hervé & Chloé Maillet et Emilie Pitoiset. JeanTinguely Galerie Vallois On pourrait rester des heures à regarder ces petites formes s’affoler doucement: une impulsion du pied sur le bouton au sol suffit, et voilà que les toiles de Jean Tinguely s’animent. Leur charme sec d’abstraction géométrique se fait alors valse féerique. La galerie Vallois, qui commence à travailler sur l’héritage du grand plasticien suisse, inaugure ce travail de mémoire avec un véritable coup d’éclat. Issus des meilleures collections et parfois jamais montrés au public depuis l’exposition historique de la galeriste Denise René en 1955, neuf Méta-reliefs emportent le visiteur dans leur danse toute minimale: sur fond noir, des cercles, boucles, spirales et autres carrés ouvragés viennent opposer leurs formes blanches, détachées de quelques centimètres de la toile et entraînées par un invisible moteur; idem sur fond blanc, où se jouent alors de noires ombres chinoises. C’est la Fontaine Stravinsky, au pied de Beaubourg, en version domestique, des bijoux dignes de collections muséales. « Bleu-Blanc-Noir », de Jean Tinguely. AURÉLIEN MOLE/GALERIE GP & N. VALLOIS Même figées, ces neuf peintures sculptées semblent frémir. Elles sont ici accompagnées de deux sculptures de la série des Métamatics, dont l’allure plus rude et bricolée vient souligner encore un peu plus l’infinie élégance de cet accrochage. Un enchantement… p Emmanuelle Lequeux Jean Tinguely, « Meta-reliefs, métamatics, 1955-1961 », 36, rue de Seine, Paris 6e. Tél. : 01-46-34-61-07. Du lundi au samedi de 10 h 30 à 13 heures et de 14 heures à 19 heures. Jusqu’au 17 novembre. Galerie-vallois.com Emmanuel Lagarrigue Galerie Sultana D’abord, se laisser emporter par le minimalisme des formes. Arpenter ce paysage de poutres de bois, sculptées de multiples encoches laissées à leurs énigmes. Croire que ce sont elles qui finalement portent les murs, ou qu’au contraire elles sont prêtes à vaciller dans leur équilibre précaire. Puis se mettre au rythme de la lumière: dans l’entrée et au fond de la gale- « Le crépuscule du matin ». EMMANUEL LAGARRIGUE/SULTANA rie, elle vacille elle aussi, tantôt vive, tantôt discrète. Comme si, là encore, elle voulait nous envoyer des signaux. Puis entrer, enfin, au cœur du monde d’Emmanuel Lagarrigue, également présenté aux Tuileries dans le parcours de la FIAC. Et lire les quatrains qui lui ont servi de matrice. Ils ont été écrits par Hélène Bessette, figure oubliée dans l’ombre de Duras. « Un concert de lamentations/Ce n’est que cela/Un si vieux concert./ Asssssssez». Poursuivant sa conversation avec les lettres, de Beckett à Jauffret, l’artiste a sculpté en morse ces mots sur les poutres. Avec la sciure, il a construit des briques, forcément fragiles. Parti d’un travail sur le langage, sa sonorité et ses inconscientes résonances, le plasticien quadragénaire se sert aujourd’hui du silence des mots comme fondation. Il nous rappelle ainsi que leur plénitude n’est en fait qu’un entre chien et loup… p E. Le. Emmanuel Lagarrigue, « Le crépuscule du matin. (Dans ce jour qui est presque nuit) », 12, rue des Arquebusiers, Paris 3e. Du mardi au samedi de 11 heures à 19 heures. Jusqu’au 20 décembre. Galeriesultana.com & vous 0123 Dimanche 21 - Lundi 22 octobre 2012 21 La famille auxcinqNobel Lieu d’histoire, le Musée Curie, à Paris, vient de rouvrir ses portes, après deux ans de travaux. Hommage à la mémoire de Marie Sklodowska-Curie, née à Varsovie, « personnalité universelle devenue personnage de légende», selon Claude Huriet, président de l’Institut Curie. Dans cet espace restreint de 150m2, un nouveau parcours est proposé autour du bureau et du laboratoire de cette imminente physicienne et chimiste. Marie Curie fut la seule femme à recevoir deux prix Nobel, celui de physique en 1903, avec son mari Pierre Curie et Henri Becquerel, pour leurs travaux sur les radiations, et celui de chimie en 1911, pour ses travaux sur le polonium et le radium. Elle fut aussi la première femme professeur à la faculté des sciences de la Sorbonne, et première femme à entrer au Panthéon. C’est aussi l’histoire de la radioactivité artificielle, découverte par la fille de Marie Curie, Irène, et son mari Frédéric Joliot, qui est contée. Ce lieu fait revivre le destin exceptionnel de la « famille aux cinq prix Nobel », son engagement au service de la science et dans la lutte contre le cancer. p Pascale Santi (PHOTOS : CHRISTOPHE HARGOUES/INSTITUT CURIE) Musée Curie, 1, rue Pierre-et-Marie-Curie, Paris 5e. Ouvert du mercredi au samedi de 13 heures à 17 heures. Entrée gratuite. Mariecurie.science.gouv.fr Sommes-nous vraiment faits pour dormir ensemble? Pour une vie de couple épanouie au lit, le confort compte: un matelas de 160cm vaut mieux que le classique 140, selon les spécialistes du sommeil A llons-nous cesser d’être masochistes au lit ? Apparemment, nous y travaillons.Surles 4millions dematelas vendus chaque année, la largeur 140 cm est toujours la star incontestée de nos nuits (65 % des matelas achetés en France). Mais une révolution silencieuse est en marche : en 2012, plus de 610 000 matelas de largeur 160 devraient N’en déplaise à l’Eglise, dormir à deux est une habitude récente pour notre espèce, et qui n’a rien de naturel s’écouler, « trois fois plus qu’il y a cinq ans », note Gérard Delautre, directeur général de l’Association pour la literie. Tendance similaire chez Ikea qui ne donne toutefois pas de chiffres précis. « Depuis dix-huit mois, nous enregistrons une forte demande pour des lits plus larges », reconnaît Muriel Rolland, porte-parole de l’enseigne où les ventes de cadres de lit taille 140 baissent au profit des 160. Dans le même temps, le matelas simple est de plus en plus remplacé par un double. Conséquence : pour trouver de la place, les urbains abandonnent les tables de chevet « et veulent des têtes de lit avec rangements intégrés », ajoute Mme Rolland. Cette recherche de confort n’a rien de vain. Nous passons en moyenne vingt-quatre ans à dormir, « ce qui représente, pour les couples,la plus longue période passée ensemble », note le professeur Damien Léger de l’Hôtel-Dieu à Paris. Ce spécialiste du sommeil reconnaît voir « très régulière- Une photo extraite de la série « Les Sommeils » de Jean-Louis Tornato. JEAN-LOUIS TORNATO ment des personnes qui ont du mal à dormir à deux, mais qui n’osent pas l’avouer ». Le Monde a lancé un appel à témoignages. Des dizaines d’internautes, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, ont répondu à la question : « Dormir à deux, la galère ? » Il est vrai que nous nous lançons, depuis quelques décennies, un défi de taille : non seulement nous voulons conjuguer amour et couple (une nouveauté de moins d’un siècle), mais nous cherchons toujoursà dormir ensemble.Ce faisant, nous perpétuons une tradition instituée par l’Eglise catholique qui « a sacralisé la conjugalité et le lit pour lutter contre le paganisme et maîtriser la société et sa reproduction », précise l’ethnolo- gue parisien Pascal Dibie, auteur d’Ethnologie de la chambre à coucher (Métaillé, 2000). N’en déplaise à l’Eglise, dormir à deux est un acte récent pour notre espèce, et qui n’a rien de naturel. Jugez plutôt : nous faisons en moyenne quarante mouvements chaque nuit, « mais cela peut facilement aller jusqu’à soixante », précise M. Léger. Nous sommes, comme de nombreux mammifères (singes, cochons, chiens, chats), des ronfleurs (un homme sur trois, une femme sur six). Et pour pimenter le tout, les générations ne cessent de grandir et de grossir (en trente ans, plus 2 cm et 2 kg pour les femmes, plus 5 cm et 5 kg pour les hommes). Ce changement morphologique accentue le ronflement… et quatre Français sur dix déclarent souffrir de troubles du sommeil, selon l’Institut national du sommeil et de la vigilance. Les Français ne détiennent pas seulement le record mondial de consommation d’anxiolytiques, ils utilisent, avec leurs voisins espagnols, les lits à deux places les plus étroits du monde occidental (135 centimètres de large en Espagne, 170 en Italie). Pour rappel, les 140 centimètresfrançaisreprésentent deux carrures et quelques d’un homme bien charpenté. Or, l’impact de la dimension du lit sur la qualité de notre sommeil est flagrant. En janvier 2012, dix couples bardés de capteurs ont dormi successivement dans des lits de 140 puis de 160 centimètres sous la direction du professeur Léger. Les résultats sont bluffants: les « cobayes » ont augmenté de 15 % leur temps de sommeil profond (152 minutes contre 132). Leur nombre de réveils nocturnes a baissé d’un quart (vingt-trois fois contre trente). Et, une fois la nuit au large passée, les couples estiment avoir amélioré « de près de 50 % leur sensation de confort ». Pour autant, la dimension du lit n’explique pas tout. « Hommes et femmes ne vivent pas du tout de la même façon la nuit à deux », expliquent John Dittami, chercheur au service de biologie des comportements de l’Institut de zoologie de Vienne (Autriche), et son comparse Gerhard Klösch, de l’Institut de recherchesur le rêve et la conscience del’universitémédicalede Vienne. « Les femmes ont un sommeil plus reposant sans leur partenaire, alors que les hommes ont un sommeil plus doux quand ils dorment avec leur compagne », expliquent les auteurs de Ein Bett für zwei (« un lit pour deux », Herbig Verlag, 2008, non traduit). Pourquoi cette différence? Dormir à deux à l’écart du groupe est un comportement social récent à l’échelle de l’évolution, et cela ne s’est pas encore répercuté sur notre activité psychique. Il faut donc chercher ces explications dans des habitudes ancestrales. La femme, maîtresse du foyer, semble avoir une sensibilité bien plus importanteauxbruits et aux mouvements. Alors que l’homme assimile la présence de sa compagne à celle, sécurisante, du groupe. Mais plus ces chercheurs creusent, plus le sujet leurs paraît complexe. « Les femmes, par exemple, semblent subir le lit à deux, mais ne veulent pas laisser leur place, arguantque cela rassureleurs compagnons », notent-ils. « La culture est le plus grand ennemi du som- meil, lance John Dittami. Dans chaque pays, cette culture nous dicte quand et comment il faut dormir. Alors qu’on dort bien quand on fait ce que l’on veut. » D’une traite, en petites siestes, seul, en groupe… En bons Autrichiens, ces deux chercheurs ont choisi, pour leurs couples respectifs, des lits jumeaux avec chacun sa couette : « La grande couette commune est un désastre. Chacun dans le lit veut la tirer à lui. C’est une source de tension énorme que nous avons mesurée.» Anecdotique, la couette ? Pascal Dibie ne le pense pas. L’utilisation de cet objet, apparu il y a une trentaine d’années en France, est une aberration due à… Ikea, estime-t-il. « La France appartient aux sociétés dites “bordées” qui vont jusqu’à l’Egypte. Dans ces pays, traditionnellement dépendants de la culture du lin, on dort habillé et sur le dos, bordéd’un drap et de couvertures, dans des chambres non Avec leurs voisins espagnols, les Français utilisent les lits à deux places les plus étroits du monde occidental chauffées. » Une habitude opposée à celle des pays nordiques. « Du nord de la France à la Scandinavie, la domestication des canards eiders a créé des sociétés à couettes. Les gens dorment nus, lovés en chiende fusil dans des couettes personnelles, même s’ils dorment côte à côte. Et les chambres sont chauffées. » Le typique lit à deux en largeur 140 utilisé avec monocouette et pyjama est donc un ovni français générateurde stress dont, estime M. Dibie, «on ne nous a pas vendu le mode d’emploi». p Laure Belot «Le lit conjugal est latin et catholique» Entretien Michelle Perrot, historienne, est l’auteur d’Histoire de chambres (Seuil, 2009). Depuis quand dort-on à deux ? Le lit conjugal existe depuis longtemps. Lorsque Ulysse rentre de son périple, Pénélope vérifie son identité par l’étrange « épreuve du lit » : « Lequel a été le nôtre? », dit-elle. L’idéal conjugal existe dans la Grèce antique, mais les habitudes de polygamie et l’astreinte au gynécée [appartement des femmes] font que le lit ne sert pas vraiment à dormir ensemble. Dans la Rome antique non plus, l’homme et la femme ne se retrouvent pas tous les soirs. C’est l’Eglise catholique qui va théoriser très tôt la question du lit conjugal. Nous dormirions donc à deux par tradition religieuse ? On peut le dire. Le lit conjugal est latin et catholique. Les deux lits côte à côte sont protestants et anglo-saxons. L’Eglise catholique fait du mariage un sacrement au XIIIe siècle. Le théologien Thomas d’Aquin déclare : « Le couple doit avoir son lit et sa chambre.» L’Eglise mise sur la conjugalité pour maîtriser la société. François de Sales, au XVIIe, bénit le lit conjugal, « lieu d’un amour tout sain, tout sacré, tout divin», célébrant « la jouissance à plein drap » plutôt qu’« à la dérobée». Mais les femmes subissent l’appétit sexuel des maris. Le lit devient un lieu d’affrontement comme l’attestent les textes de confession. Les confesseurs exhortent leurs pénitentes à remplir leur « devoir conjugal», tandis que celles-ci demandent à leurs époux de « faire attention », c’est-à-dire de pratiquer le coït interrompu, considéré par l’Eglise comme « le péché d’Onan». Faire chambre à part est désapprouvé par le clergé. En revanche, ceux qui ont les moyens dorment seuls… Le roi en effet dort seul et rend visite, le cas échéant, à la reine ou… à sa maîtresse. L’aristocratie sépare les appartements du maître et de la maîtresse de maison. Certains intellectuels aussi prennent position. Au XIVe siècle, le poète Eustache Deschamps déclare : « Plus aisé coucher un seul que deux.» Son contemporain Montaigne ajoute : « J’aime à coucher dur et seul, voire sans femme, à la royale, un peu bien couvert.» La donne change-t-elle en ville ? Aux XVIIIe et XIXe, le lit pour deux se généralise en ville, mais pas uniquement par manque de place. Le couple est un socle fondamental de la bourgeoisie, dont le symbole est le lit. « Le lit est tout le mariage », écrit Balzac. En 1850, le lit exposé au Bon Marché est encore large. Mais, en 1920, il se rétrécit, comme les appartements. Pourquoi le choix de deux lits pour les Anglo-Saxons ? Pour les protestants, dormir séparé est un choix amoureux (chacun reste un individu dans l’amour), un choix sociétal (restriction des naissances plus facile). C’est aussi un choix hygiénique. En France, le lit double se généralise au XVIIIe en ville, mais la salle de bains ne va apparaître que deux siècles plus tard ! Dormir seul est-il encore tabou ? En 2009, la Télévision suisse m’a interrogée sur un fait divers: un couple de paysans âgés venait de décider de faire chambre à part et cela émouvait famille, village et même pays. « Nous séparons notre sommeil de notre désir», avaientils déclaré. L’idée du couple est toujours construite sur la fusion des corps, signe d’amour. Cela continue à peser très fortement, quelles que soient nos envies. p Propos recueillis par L. Be. LES RETOURS DU DIMANCHE Agnès Chauveau et Nicolas Truong Peut-on refonder la pensée politique ? A l'occasion des 10 ans de la collection La République des idées aux éditions du Seuil 18h10 - 19h /dimanche 21 octobre En partenariat avec franceculture.fr 22 météo & jeux < -10° -5 à 0° -10 à -5° 0 à 5° 5 à 10° 10 à 15° 50 km/h 12 15 35 km/h Caen Reykjavik 14 22 Rennes Metz Dijon Poitiers 14 23 13 19 Limoges Chamonix Clermont-Ferrand 15 22 15 18 6 22 Lyon A Montpellier Toulouse 14 19 Nice Marseille 18 20 20 22 19 21 Températures à l’aube 1 22 l’après-midi Le temps changera peu, avec une nouvelle perturbation qui traversera une bonne moitié ouest et centrale du pays. Les pluies seront plus fréquentes et abondantes sur le Languedoc-Roussillon et les Cévennes, avec des cumuls qui commenceront à s'accumuler depuis plusieurs jours ! Les averses orageuses gagneront la Côte d'Azur en soirée ou dans la nuit au plus tard. Les éclaircies et une grande douceur continueront de dominer sur la façade est. Nord-Ouest Ile-de-France Nord-Est Sud-Ouest Sud-Est Ajaccio 60 km/h 15 23 Lever 14h41 Coucher --.-- Lever 08h19 Coucher 18h47 Aujourd’hui Lundi 11 19 13 17 13 21 14 18 12 22 12 22 12 19 14 21 13 20 17 21 Mercredi Jeudi 9 19 11 18 12 17 13 19 12 18 13 16 10 20 7 19 8 15 10 22 11 24 11 20 12 24 12 24 12 22 3 4 5 Dépression Front froid Occlusion Thalweg A Alger 1015 éclaircies 13 17 assezensoleillé 17 23 nuageuxetorageux20 22 beautemps 10 20 assezensoleillé 9 19 éclairciesmaisbrumeux 8 19 nuageux 13 16 enpartieensoleillé 13 19 beautemps 10 19 éclaircies 12 14 assezensoleillé 10 14 enpartieensoleillé 7 13 aversesmodérées 8 8 soleil,oragepossible18 20 assezensoleillé 10 18 22 23 beautemps aversesmodérées 15 19 8 23 assezensoleillé averseséparses 10 14 enpartieensoleillé 11 21 averseséparses 12 16 8 13 éclaircies 23 27 beautemps 6 9 averseséparses 6 16 assezensoleillé 2 6 beautemps Riga Rome Sofia Stockholm Tallin Tirana Varsovie Vienne Vilnius Zagreb 9 19 5 10 11 17 8 8 9 8 14 26 19 12 12 26 16 20 15 21 19 17 27 27 19 15 26 26 28 23 16 23 19 11 6 17 25 26 33 31 29 24 30 31 33 27 25 29 30 25 13 25 enpartieensoleillé assezensoleillé beautemps faiblepluie aversesmodérées assezensoleillé beautemps beautemps enpartieensoleillé enpartieensoleillé Dans le monde Alger enpartieensoleillé Amman soleil,oragepossible Bangkok soleil,oragepossible Beyrouth assezensoleillé Brasilia soleil,oragepossible Buenos Aires averseséparses Dakar averseséparses Djakarta soleil,oragepossible Dubai beautemps Hongkong assezensoleillé Jérusalem assezensoleillé Kinshasa variable,orageux Le Caire beautemps Mexico enpartieensoleillé Montréal averseséparses Nairobi éclaircies 3 0123 9 8 9 7 6 1 5 9 VI VII 2 VIII D’OBAMA Horizontalement I. Appréciation. II. Virevolte. Sa. III. Alinéa. Limer. IV. Nana. Scanner. V. Titres. St. SA. VI. Traduit. Aa. VII. René. Erosive. VIII. Azur. Mou. IX. Usera. Semeur. X. Surprotégées. Verticalement 1. Vous en mettra plein la vue. 2. Rongeur africain. Duchesse et deux fois reine de France. 3. Solide chemise militaire. Romains. 4. Petite baie. Comburant. 5. Dans la gamme. Fait suer. 6. Met le bâtiment à niveau. 7. A toujours quelque chose à vous demander. Assurent l’avancement. 8. Le quatrième fut Terrible. Charge lourdement. 9. Etalée. Dans l’immédiat. 10. Passe par Mulhouse et Strasbourg. Avale. 11. Plantés pour bien frapper. Rougeoyant dans l’âtre. 12. Passeront l’éponge. Philippe Dupuis Verticalement 1. Avant-trous. 2. Pilaire. Su. 3. Printanier. 4. Renarde. Rp. 5. Eve. Eu. Aar. 6. Coassiez. 7. Il. Trust. 8. Atlas. Orée. 9. Teintas. MG. 10. Mn. Aimée. 11. Osées. Voué. 12. Narrateurs. Europe Nobel de la paix justifié Lecteur du Monde depuis… son premier numéro, je tiens à vous féliciter de la présentation que vous avez faite de l’attribution à l’Union européenne du prix Nobel de la paix, et plus particulièrement de l’analyse d’Arnaud Leparmentier « Un Nobel de la paix pour une Union en crise » (Le Monde du 15octobre). D’autres journaux ont cru bon de faire de l’humour sur cet événement – ou de présenter une vue partielle de l’histoire de l’Union européenne. Vous avez judicieusement rappelé d’où vient cette union: de l’initiative historique de Robert Schuman et de la Déclaration du 9 mai 1950, inspirée et préparée dans son intégralité par Jean Monnet, treize ans avant le traité de l’Elysée (de Gaulle-Adenauer). Vous avez rappelé la constitution de la Communauté européenne du charbon et de l’acier, suivie de l’échec de la Communauté européenne de défense devant le Parlement français, puis de la signature du traité de Rome et des traités ultérieurs. Vous nous invitez à ne pas regarder seulement en arrière. L’UE est en crise – économique et politique. Regardons devant nous: où en sera l’Europe dans soixante ans? Merci au Monde de nous inciter à y réfléchir, à quelques mois des prochaines élections européennes… Jacques-René Rabier, ancien directeur de cabinet de Jean Monnet, Bruxelles Société Mariage homosexuel, la confusion Le mariage homo, c’est comme le tableau La Bataille de San Romano (1456), de Paolo Uccello. La confusion triomphante. Chacun tire la couverture à soi, à l’exception de ces petits êtres muets non éligibles: les enfants. Il y a la rhétorique humaniste des émancipateurs: exigeons le droit pour tous à embrasser l’ensemble de la tradition ! Le vœu de chaque maman et ses implications natalistes. Il y a aussi le fourvoiement des promoteurs des nouvelles sexualités ou des nouvelles tendresses. Reste l’opportunisme des politiques dans ces joutes sociétales. Et puis, comme toujours en marge des grandes batailles, il y a dans l’ombre les petits qui souffrent en silence. N’en déplaise aux enquêteurs partisans ou compatissants de la très prosélyte cause homo, l’avis des enfants doit passer par un décodage: c’est l’effet Cosette. Un enfant n’avouera jamais qu’il souhaite quitter son poste, même atypique. Il s’en accommode parce que toutes ses intentionnalités sont tournées vers son futur d’adulte enfin libre. Par contre, s’il est adopté, il sera inlassablement en quête de ses origines. Si, en plus, il est placé chez un couple homo, il s’enlisera dans le sentiment de la fatalité de son incomplétude face au bonheur basique de ses camarades. Les champs de bataille laissent toujours place à une cohorte de victimes… sans voix. Jean-Marie Baurens, Montpellier Les soirées télé Solution du n˚12-250 9 6 6 5 2 6 4 5 8 6 3 7 2 9 1 4 1 7 4 6 5 9 3 8 2 3 2 9 4 8 1 7 6 5 6 1 3 9 4 7 2 5 8 8 9 7 2 1 5 6 4 3 2 4 5 8 6 3 1 7 9 4 3 8 1 2 6 5 9 7 9 5 1 7 3 4 8 2 6 7 6 2 5 9 8 4 3 1 Expert Complétez toute la grille avec des chiffres allant de 1 à 9. Chaque chiffre ne doit être utilisé qu’une seule fois par ligne, par colonne et par carré de neuf cases. Euro Millions X Solution du n° 12 - 250 7 Courriels Beaucoup de journalistes passent leur temps, quand ils reçoivent des invités politiques à la télévision ou à la radio, à tenter de les faire déborder du cadre (et des compétences) de leur ministère ou de leurs fonctions. On les interroge sur tout et n’importe quoi, à la recherche du spectaculaire, de la contradiction, du bon mot. Ensuite, on crie au dérapage. Cette forme de journalisme n’aurait pas eu cours il y a quelques années, où on demandait aux journalistes d’être responsables, même si on peut prétendre que les politiques n’ont qu’à ne pas leur répondre, ce qui est vrai. Michel Blanc, Paris IQUE L’AMER 8 Dimanche 21 - Lundi 22 octobre 2012 Presse Responsabilité partagée Réalisé par Yan Georget IX I. Quand on est sûr de ne rien avoir oublié. II. Tout à fait convenable. Bien descendus. III. Des filles toujours belles. Unissent les bras au thorax. IV. Vous fait passer au rouge. Qu’il a fallu apprendre. V. Se lance. Pourra être approuvé. Bord de rivière. VI. Refait surface après un passage en sous-sol. VII. Ensemble mal foutu. Organiser le bon fonctionnement. VIII. Préposition. Pas folle en principe. Trois points sur quatre. IX. Instrument de force. Godille quand il est à l’arrière. X. Remet tout le monde à sa place. 7 LE REGARD DE CINQ ROMANCIERS AMÉRICAINS LATINOS ACT DREAM LOI ANTI-IMMIGRANTS OCCUPY WALL STREET RETRAITES GUANTANAMO BEN LADEN 9 8 32 30 24 27 28 26 ÉLECTORALE BATAILLECRATE S DÉMO LICAINS VS RÉPUBNEY MITT ROM TY DATEURS TEA PAR PÈRES FON CONGRÈS 2 3 V 22 27 21 25 25 23 Météorologue en direct au 0899 700 703 III IV assezensoleillé averseséparses assezensoleillé enpartieensoleillé assezensoleillé éclaircies HORS-SÉRIE 4 8 Cayenne Fort-de-Fr. Nouméa Papeete Pte-à-Pitre St-Denis 1,34 € l’appel + 0,34 € la minute 7 jours/7 de 6h30-18h 10 1 1 12 II beautemps 23 32 assezensoleillé 9 16 aversesmodérées 7 13 assezensoleillé 16 24 assezensoleillé 12 20 soleil,oragepossible22 32 enpartieensoleillé 12 21 soleil,oragepossible25 32 enpartieensoleillé 16 27 enpartieensoleillé 13 20 beautemps 13 22 soleil,oragepossible 21 26 beautemps 7 18 averseséparses 13 15 Outremer Sudoku n˚12-251 9 New Delhi New York Pékin Pretoria Rabat Rio de Janeiro Séoul Singapour Sydney Téhéran Tokyo Tunis Washington Wellington DÉCLIN E INDUSTRIE AUTOMOBIL PLAN DE RELANCE RÉGULATION DE LA FINANCE PHIQUE NOUVELLE DONNE DÉMOGRA SYSTÈME DE SANTÉ I Horizontalement Jérusalem Le Caire à découvrir en kiosque dès maintenant 8 Ankara Beyrouth D « L’Amérique d’Obama » 7 D Athènes Tripoli Tripoli Un hors-série du Monde 6 1015 Istanbul Tunis Tunis Où en est le rêve américain ? Motscroisés n˚12-251 2 D Rabat Front chaud Amsterdam Athènes Barcelone Belgrade Berlin Berne Bruxelles Bucarest Budapest Copenhague Dublin Edimbourg Helsinki Istanbul Kiev La Valette Lisbonne Ljubljana Londres Luxembourg Madrid Moscou Nicosie Oslo Prague Reykjavik Les jeux 1 Anticyclone En Europe 17 20 1015 Séville 1020 6 degrés attendus à Reykjavik Perpignan Jours suivants Mardi Lisbonne Lisbonne Odessa Bucarest Sofia Rome A Kiev Budapest Zagreb Belgrade Milan Barcelone Barcelone 10 10 A Berne Munich Vienne Madrid 12 23 1020 Sainte Céline Coeff. de marée 66/74 00 10 DMoscou 1020 1020 Paris D 1005 Grenoble 13 17 14 16 995 14 24 Bordeaux Biarritz D D 13 23 St-Pétersbourg Copenhague Minsk Amsterdam Berlin Varsovie Prague Bruxelles Londres 1015 10 10 15 10 Riga Dublin Strasbourg 9 22 990 Besançon 985 13 21 10 16 15 km/h 1020 Helsinki Oslo Stockholm A Orléans 10 16 Nantes D 1025 Edimbourg 9 22 > 35° 10 15 www.meteonews.fr 14 22 10 16 20 km/h A Châlonsen-champagne PARIS 30 à 35° 1025 12 20 12 18 5 17 25 à 30° Amiens Rouen Brest 20 à 25° 21.10.2012 12h TU Lille Cherbourg 15 à 20° En Europe 1020 A Dimanche 21 octobre 5 102 0 Encore des pluies vers la moitié ouest 102 1035 12 19 0123 écrans Résultats du tirage du vendredi 19 octobre. 16, 29, 37, 40, 44, 8 e et 10 e Rapports : 5 numéros et e e : pas de gagnant ; 5 numéros et e : 655 940,10 ¤ ; 5 numéros : 65 594,00 ¤ ; 4 numéros et e e : 8 199 ,20 ¤ ; 4 numéros et e : 221,90 ¤ ; 4 numéros : 103,70 ¤ ; 3 numéros et e e : 83,70 ¤ ; 3 numéros et e : 16,90 ¤ ; 3 numéros : 13,00 ¤ ; 2 numéros et e e : 27,00 ¤ ; 2 numéros et e : 9,50 ¤ ; 2 numéros : 4,40 ¤ ; 1 numéro et e e : 14,20 ¤. Les résultats du Loto sont publiés dans nos éditions datées dimanche-lundi, mardi, mercredi et vendredi. Tous les jours Mots croisés et sudoku. Rédaction : 80, boulevard Auguste-Blanqui,75707 Paris Cedex 13 Tél. : 01-57-28-20-00 ; télex : 202806F ; Courrier des lecteurs : par télécopie : 01-57-28-21-74 ; Par courrier électronique : [email protected] Médiateur : [email protected] Abonnements : par téléphone : de France 32-89 (0,34¤ TTC/min) ; de l’étranger : (33) 1-76-26-32-89. Sur Internet : www.lemonde.fr/abojournal/ Tarif 1 an : France métropolitaine : 394 ¤ Internet : site d’information: www.lemonde.fr finances : http://finance.lemonde.fr Emploi : www.talents.fr/ Immobilier: http ://immo.lemonde.fr Documentation : http ://archives.lemonde.fr Collection : Le Monde sur CD-ROM : CEDROM-SNI 01-44-82-66-40 Le Monde sur microfilms : 03-88-04-28-60 Samedi 20 octobre TF 1 20.50 Danse avec les stars. Episode 3. Invités : M Pokora, Sofia Essaïdi, Jeanne Mas, Jean-Luc Lahaye, Sabrina... 23.15 « Danse avec les stars », la suite. 23.55 Les Experts. Série. Trop jeune pour mourir. La Marque du vampire (S4, 10 et 13/23, 105 min) V. FRANCE 2 20.45 Simplement pour un soir. Invités : Michel Sardou ; Anne Roumanoff, Liane Foly, Jenifer, M Pokora, Enrico Macias, Anggun... 23.00 On n’est pas couché. Invités : Laurent Baffie, Melody Gardot, Luce, Chloé Lambert et Stanislas Merhar, Jean-Marie Bigard, Jean-François Copé (185 min). FRANCE 3 20.45 Enquêtes réservées. Série. Un témoin de trop. La Mort au compteur (saison 5, 7 et 8/8). Avec Jérôme Anger U. 22.20 Adresse inconnue. Série. Quelques jours (saison 2, 4/4). 23.20 et 3.30 Soir 3. 23.40 Appassionata. Les Victoires du jazz : 10e édition [2/2] (60 min). CANAL + 20.55 Les Hommes libres p Film Ismaël Ferroukhi. Avec Tahar Rahim, Michael Lonsdale, Mahmud Shalaby (2011) U. 22.45 Jour de rugby. Magazine. 23.15 Jour de foot. Magazine (45 min). ARTE 20.45 L’Aventure humaine. Le Mystère des momies coptes d’Antinoé. Documentaire (France, 2012). 21.40 En Ethiopie, sur les traces des premiers chrétiens. Documentaire (2011). 22.35 Fashion ! Golden Eighties. Anti fashion. [1 et 2/3] (2012). 0.30 Tracks. Magazine (50 min). M6 20.50 FBI : duo très spécial. Série. Le Stradivarius. Le Yankee Stadium. Liberté chérie ! (saison 3, 14, 15 et 16/16, inédit) ; La Bouteille de Franklin. La Rançon (saison 1, 12 et 13/14). Avec Beau Bridges, Matthew Bomer. 0.55 Medium. Série (saison 4, 7 et 8/16, 95 min) U. Dimanche 21 octobre TF 1 20.50 Les Infiltrés pp Film Martin Scorsese. Avec Leonardo DiCaprio, Matt Damon, Jack Nicholson (coprod., 2006) V. 23.35 Les Experts : Manhattan. Série (saison 5, 10 et 12/25, 95 min) U. FRANCE 2 20.45 L’Etrange Histoire de Benjamin Button ppp Film David Fincher. Avec Brad Pitt, Cate Blanchett, Julia Ormond (EU, 2008, audio.). 23.35 Faites entrer l’accusé. Trois hommes et un magot (Affaire Gauvin/Dubois). Magazine (75 min) U. FRANCE 3 20.45 Les Enquêtes de Murdoch. Série. La Balle magique. La Malédiction de la reine de Ma’at (saison 5, 2 et 3/13, inédit) ; Crabtree mène l’enquête (saison 2, 9/13). 23.10 et 1.35 Soir 3. 23.30 Strip-tease. Code et Coran... 0.25 Lilly Turner pp Film William A. Wellman. Avec Ruth Chatterton, George Brent (Etats-Unis, 1933, N., 90 min). CANAL + 21.00 Football. Ligue 1 (9e journée). Troyes - Marseille. En direct. 22.55 Canal Football Club. Magazine. 23.15 L’Equipe du dimanche. Magazine. 0.05 Le Journal des jeux vidéo W. 0.25 Homeland. Série. Marine One. Electrochocs (saison 1, 12 et 13/13, 85 min) U. ARTE 20.45 Journée Beatles. Magical Mystery Tour. The Documentary (2012). 21.45 The Magical Mystery Tour Film Bernard Knowles. Avec les Beatles (GB, 1967, v.o.). 22.40 Becoming the Beatles. Documentaire. 23.35 The Rutles : All You Need Is Cash. Téléfilm. Eric Idle et Gary Weiss. Avec Eric Idle (1978, v.o.). 0.50 Arte Video Night (205 min). M6 20.50 Zone interdite. Crimes, trahisons et ados en danger : enquête sur une justice au bord de la faillite. Magazine U. 22.45 Enquête exclusive. Le Désert de tous les dangers : des Français dans le piège du Sahel. Magazine (90 min). 0123 Dimanche 21 - Lundi 22 octobre 2012 disparitions Journaliste Jean Leclerc du Sablon +, "+,#+ $/#*+&&+!+,# " ', (0%.)*+ Le Carnet Vos grands événements Naissances, baptêmes, fiançailles, mariages Avis de décès, remerciements, messes, condoléances Colloques, conférences, portes-ouvertes, signatures Soutenances de mémoire, thèses, HDR Expositions, vernissages Pour toute information : 01 57 28 28 28 01 57 28 21 36 [email protected] 6/95851973 AU CARNET DU «MONDE» Décès Mme Jeanne Canape, son épouse, Damien, Carina et Eitan, son fils, sa belle-fille et son petit-fils, La famille Guilly, L’ensemble de la famille, Ses amis et ses proches, ont la profonde douleur de faire part du décès de 6/95851973 M. Jean-François CANAPE, survenu le 17 octobre 2012, à Paris, à l’âge de soixante-six ans. Dans les années 1970. AFP J ean Leclerc du Sablon, mort le 17octobre à Saint-Lô (Manche) à l’âge de 70 ans, des suites d’une maladieneurologique,étaitunjournaliste spécialiste des questions internationales et passionné par la Chine. Il était aussi, rappellent ceux qui l’ont fréquenté, un monument 5 juin 1942 Naissance à Montpellier (Hérault) 2002 Publication de « L’Empire de la poudre aux yeux » 17 octobre 2012 Mort à SaintLô (Manche) de générosité.Bon vivant,physique imposant, personnage solaire aux manières parfois bourrues, il faisait preuve d’une rigueur qui suscitait le respect et l’admiration de ses interlocuteurs. Né le 5juin 1942 à Montpellier, il était l’aîné d’une fratrie de neuf enfants, filles et garçons, mère au foyer et père cadre dirigeant à la SNCF. La famille s’installe à Paris dans les années 1950. Après une licencedesociologie,ilentreauCentre de formation des journalistes (CFJ) mais travaille déjà la nuit à l’Agence France Presse (AFP). Le CFJ luidemandede choisir: il optepour l’entrée directe dans le métier. Sa maîtrise de l’allemand lui vaut d’être affecté à l’international. En Tchécoslovaquie, où le « printemps de Prague » bat son plein, l’agence a besoin d’un correspondant.Le20août1968,jourdel’irruption des chars soviétiques,il est parmi les rares journalistes occidentaux présents. Alors qu’il est encore débutant – son chef lui envoie par télex des conseils de méthodologie –, sa couverture lui vaut une notoriété mondiale. Sa carrière l’entraîne d’un continent à l’autre. Après un an en Bolivie, il est nommé en 1970 chef du bureau de l’AFP à Pékin, où il prend la relève de Jean Vincent. Figure de l’agence, ancien résistant, celui-ci est pour lui un modèle. La Chine de Mao, où la Révolution culturelle entre dans sa phase finale, est un monde opaque. En 1971, le jeune journaliste est le premier à faire le lienentre la disparitiondu dauphin de Mao, Lin Biao, et un accident d’avion en Mongolie où celui-ci, fuyant vers l’URSS, aurait trouvé la mort. Dans le cercle des spécialistes de la Chine, Jean Leclerc du Sablon setaillerapidementunehauteréputation. Sa passion pour ce pays dépasse la sphère politique. Son livre La Chine que j’aime (éd. Sun, 1979) en est une illustration. Fin 1972, il est à Hanoï, sous les bombardements américains, dans les caves de l’Hôtel Métropole, en compagnie de la chanteuse Joan Baez et du correspondant de l’AFP Jean Thoraval, avec qui il recevra le prix George Polk, habituellement réservé à des journalistes américains.L’annéesuivante,il estcorrespondant à Washington, en pleine affaire du Watergate. De retour en France en 1974, il quitte l’agence et travaille d’abord au Quotidien de Paris, fondé par Philippe Tesson, puis au Matin de Paris, créé par Claude Perdriel et qu’il quittera en 1981 pour L’Express. En 1989, il couvre la révolte et la répression de la placeTiananmen.Pourlui,qui,comme son ami et confrère du Monde Francis Deron, avait cru en une possible ouverture démocratique, c’est une blessure. Elle l’amènera par la suite à cultiver un doute systématique, résumé par le titre de son livre L’Empiredela poudreauxyeux.Carnets de Chine 1970-2001 (Flammarion, 2002). Après Tiananmen, toujours basé à Pékin, il travaille simultanément pour L’Express et Le Figaro. Christine Ockrent, qui a pris en 1994 la direction de l’hebdomadaire, opère une restructuration. « Viré » comme d’autres, il consacre ses indemnités à l’achat d’un chalet, qu’il baptise « Christine». C’est au Figaro, où il est embauché sur un poste plein parFranz-OlivierGiesbert,qu’ilpasse ses dernières années de salarié. Des principes intangibles Capable de s’enthousiasmer pour une couleur, une fleur, un visage ou un paysage, Jean Leclerc du Sablon incarnait des principes journalistiques qu’il jugeait intangibles: le rapport aux faits, le souci du détail, l’abord de chaque sujet par le terrain. « C’était un marcheur», relève son jeune frère, Luc, cinéaste. « Il se démenait pour obtenirl’info,mais avecdroiture», souligne une consœur. Et il ne badinaitpas avec la question des sources. Une séquence du film de Raymond Depardon sur la création du Matin de Paris le montre intraitable face à Claude Perdriel, qui juge superflue la mention répétée de l’AFP dans un article. Sa qualité de plume ne le conduisaitniàfaire prévaloirlestyle sur le fond ni à se départir de sa lucidité. Plongé très jeune dans la réalité dela Chinede Mao,il ressentitdurement le gouffre entre celle-ci et les fantasmes d’une partie de sa génération qui chantait les louanges du Grand Timonier. En exergue de L’Empire de la poudre aux yeux, cet observateur insatiable et inclassable avait placé un aphorisme, chinois bien sûr, qui résumait son approche: « Il ne faut pas confondre la perle avec l’œil du poisson mort». p Luc Cédelle 23 carnet La levée de corps aura lieu le mardi 23 octobre, à 13 h 30, à l’hôpital Cochin, Paris 14e. La cérémonie religieuse aura lieu ce même jour, à 14 h 30, en l’église NotreDame-du-Rosaire, Paris 14e. L’inhumation aura lieu au cimetière de Montevrain (Seine-et-Marne). Cet avis tient lieu de faire-part. .345230 "!#$ #(&$!$%&"' Mme Claude Cheysson, #( -(&+-) )( *%$. -"!+$*%(-, +!'-%*+%$, !"'",334 2346'-)"34 52/+6)"'4( %( )2*&!136"3-( 1,'' )-1/4# '4" +")'# *0)4( .+-5"'4&)( 6+-,)0( ( &,+%($'!" 52613,/5&('),4 "&'-1-!,34 +3"/ 54 )43"/64 )2,&1"'3+- 54 1" .3-"-64 /-&%4334 5-//4 521-0)"+.,*&4 ($('0/4 54 ("-'2 ),#*+%+ Bettine et Sylvain Carlo de Preaulx, Jean-Christian et Jacqueline Cheysson, Christophe Cheysson et Carole Richert, Thomas et Vanessa Cheysson, Amélie Cheysson et Jean-Baptiste Mariscal, Carole Cheysson et Laurent Bénard, Ainsi que ses petits-enfants Et arrière-petits-enfants, ont la tristesse de faire part de la disparition de 1"'3-+( 5)4"1 "6' 1+3 "-'3#3//3,)"-'( -66&+# $"33 (')44' )4')"3'4( ,&"-'"-"/+ !4- 1"54- Claude CHEYSSON, 6/95851973 -%&&+/#0%,. 1111111111111111111111111111111111111111111111111111111 commandeur de la Légion d’honneur, croix de guerre 1939-1945, croix de guerre des TOE, médaille des Évadés, ancien ministre des Relations extérieures, ancien membre de la Commission européenne, survenue le 15 octobre 2012, dans sa quatre-vingt-treizième année. La cérémonie religieuse sera célébrée en la cathédrale de Saint-Louis-desInvalides, le samedi 27 octobre, à 15 heures. Ni fleurs ni couronnes, mais un don peut être adressé à l’association Enfants&Développement. Cette annonce tient lieu de faire-part. 3*$ G1/H< "" BD+BA%1# C1 &BC/>1 IB " %"$!#! ??????????????????????????? 3(- 1'**-1$,'( /,%,0+&2% "-2(.!')* "-2((-(-# 3*$ >1%D%1H< "! BD+BA%1# C1 &BC/>1 IB 2 née JAMET, nous a quittés le 18 octobre 2012. @%-,ED1 H1 71%81 =E%+< !#"$ Maïe DENTRAYGUES, 65:490 )F(9;0:4 '5. Patrice, son fils, Isabelle, sa fille et leurs conjoints, Martine Jamet, Annemarie Léger-Jamet, Nelly Jamet, ses sœurs et sa belle-sœur, Philippe Baraduc, son cousin germain, Jean-Joseph, Pauline, Camille, Florent, Juliette, Clémence, Perrine, Adrien, ses petits-enfants de sang et de cœur, Coline, Louise, Rosalie, Lucien, Gaspard, Antoine, Esther, ses arrière-petits-enfants, Ses neveux et nièces et leurs enfants, Aurore Chabrol, Cécile Maistre et son fils Gabriel, Tous ses amis, lui rendront un dernier hommage le mercredi 24 octobre, à 10 h 15, en la chapelle sud du cimetière du PèreLachaise, Paris 20e. Ses cendres rejoindront le caveau familial de Saint-Symphorien (Gironde). Mme Christiane Lagarde, son épouse Et toute la famille, Anniversaires de décès Pour ont la tristesse de faire part du décès de M. Alexis LAGARDE, chevalier de la Légion d’honneur, officier dans l’ordre national du Mérite, commandeur dans l’ordre des Palmes académiques, professeur de l’université de Poitiers, Patrice COLDREY, mort le samedi 21 octobre 1995, à l’âge de quarante-deux ans. « Perdre aussi nous appartient. » Rilke. Sylvie, Adrien et Pierre Coldrey-Verlhac. survenu le 12 octobre 2012, à l’âge de quatre-vingt-trois ans. Copenhague. http://souvenirsalexislagarde.unblog.fr/ Yvonne Navelet, Catherine et Nicolas Brieger, François et Catherine Lamotte d’Incamps, Anne et Roland Bouzigon, ses enfants, Marc, Raphaëlle, Olivier, Christophe, Anne-Sophie, Boris, Anne-Charlotte, Samuel, Claire et Jérôme, ses petits-enfants, Et ses nombreux arrière-petits-enfants, font part, avec tristesse, du décès de Il y a deux ans, disparaissait Patrick HAMELIN. Isabelle Durousseau. Ceux qui l’ont connue et aimée se souviennent de Claire ROYER décédée accidentellement dans Paris, le 22 octobre 2001, dans sa trentième année. Hommage Elisabeth LAMOTTE d’INCAMPS, dans sa cent deuxième année, le 10 octobre 2012. Les obsèques auront lieu en l’église de Saint-Michel-sur-Orge (Essonne), le mardi 23 octobre, à 10 heures. Que ceux qui l’ont aimée pensent à elle ce jour là, elle nous a montré qu’elle nous quittait dans la sérénité. Condoléances sur registre. Cet avis tient lieu de faire-part. M. Guy Miniconi, son fils, Mme Solange Miniconi, sa belle-fille, Sabine Miniconi, sa petite-fille, Aurélien, son arrière-petit-fils, ont la douleur de faire part du décès de Mme Claire MINICONI, née CURNIER, institutrice, veuve de Ange-Marie Miniconi (commandant « Jean-Marie » dans la Résistance), survenu à Auxerre, le 1 octobre 2012, à l’âge de quatre-vingt-dix-neuf ans. er « Il n’y a pas de mort, je peux fermer les yeux J’aurai mon paradis dans les cœurs qui se souviennent. » M. Genevoix. « Mais ce sera comme une vieille écorce abandonnée, Ce n’est pas triste les vieilles écorces... » Saint-Exupéry. Hervé, son fils, Jean-Yves, son frère Et toute sa famille, ont la tristesse de faire part du décès de de Le CNRS rend hommage à la mémoire Jean CARIGNAN, décédé le 12 octobre 2012. Jean Carignan, ingénieur de recherche CNRS, ancien directeur du Service d’analyse national des roches et minéraux adossé au CRPG à Nancy, directeuradjoint de l’Unité mixte internationale « Takuvik » co-fondée par le CNRS et l’université Laval à Québec, était un géochimiste internationalement reconnu pour ses travaux sur le comportement des métaux dans l’environnement. Alain Fuchs, président du CNRS, Jean-François Stéphan, directeur de l’Institut national des sciences de l’univers du CNRS Et toute la communauté scientifique des sciences de la Terre, adressent leurs plus sincères condoléances à Caroline, son épouse, ainsi qu’à leurs enfants Jules et Olivier. Conférences Conférence de Thierry Lentz, directeur de la Fondation Napoléon, « La conspiration du général Malet, 23 octobre 1812, premier ébranlement du trône de Napoléon ». le mardi 23 octobre 2012, à 17 heures, aux Archives de Paris, 18, boulevard Sérurier, Paris 19e, métro Porte-des-Lilas. Dans le cadre des « Conférences René Girard » Conférence de Timothy Snyder, suivie d’un débat avec Marc Lazar et Annette Wieviorka, L’Europe entre Hitler et Staline, jeudi 25 octobre 2012, de 18 heures à 19 h 45, à Sciences-Po, Paris, 7e amphithéâtre Chapsal. www.conf-girard.fr Cours Françoise MOUREAU, docteur en médecine, survenu le 2 octobre 2012, à l’âge de quatre-vingt-trois ans. La cérémonie religieuse a eu lieu en l’église Saint-Médard, Paris 5e, le mardi 9 octobre. 149, rue Raymond-Losserand, 75014 Paris. Corinne et Pierre, ses enfants, Sa famille, ont la tristesse de faire part du décès de M. Claude PASQUEREAU, survenu à Paris, le 14 septembre 2012, à l’âge de soixante-douze ans. Les obsèques ont eu lieu dans l’intimité familiale. Pierre Pasquereau, Consulat de France à Moscou, 13, rue Louveau, 92438 Chatillon cedex. Les familles Pradier, Dumora et Sota ont la tristesse d’annoncer le rappel à Dieu de Bernard PRADIER, homme de Lettres, survenu le jeudi 17 octobre 2012. Une messe à été célébrée à SaintMartin de Biarritz, le samedi 20 octobre, à 10 h 30. Ni fleurs ni couronnes. « Salve Regina. » Modules « Langue des Affaires » en Arabe, Chinois, Japonais et Russe. Les samedis 17 et 24 novembre er et le 1 décembre 2012, de 9 h 30 à 13 h 30. • Objectifs et méthode - Acquisition des termes et des savoir- faire nécessaires dans un contexte d’échange international. - Cadre de travail convivial et personnalisé (5 à 7 stagiaires) - Etude de cas et mise en situation pour gagner de l’autonomie en langue des affaires. • Profil des stagiaires - capacité de s’exprimer avec une certaine aisance à l’oral et l’écrit (le niveau de langue des candidats sera évalué, sur RV, avant l’inscription). • Organisation et tarif - 12 heures de formation en 3 demi-journées, de 9 h 30 à 13 h 30, session d’automne : Arabe, Chinois, Japonais et Russe. - Coût total : 1000 € (100 € Frais d’inscription, 900 € frais pédagogiques) • Lieu de formation - Pôle des Langues et civilisations, Formation Continue : 65, rue des Grands Moulins, Paris 13e, métro Bibliothèque François Mitterrand, ligne RER C et ligne 14. Toutes nos formations sont éligibles au DIF/CIF. Renseignements et inscription : 01 81 70 11 44/49 [email protected] 24 0123 0123 Dimanche 21 - Lundi 22 octobre 2012 Opération punitive sur un toit Lettre du Proche-Orient Laure Stephan D es ouvriers syriens passés à tabac dans les rues de Beyrouth? Il y a comme un air de déjà-vu. Seulement, nous ne sommes pas en 2005, lors d’épisodes de violences faisant suite à l’assassinat de l’ancien premier ministre libanais Rafic Hariri ainsi qu’à presque trente années d’occupation par l’armée de Damas, et dont des travailleurs syriens au Liban paieront le prix. Et ce ne sont pas des voyous qui s’en sont pris aux ouvriers syriens. Dans la nuit du 7 au 8 octobre, c’est l’armée libanaise qui a fait une descente dans le quartier populaire de Jeïtaoui, situé dans l’est de Beyrouth. De nombreux travailleurs migrants vivent dans cette zone résidentielle à majorité chrétienne, aux allures de village. Ils s’y serrent dans de petits logements, dont ils partagent le coût. Les militaires y ont interpellé plus de 70 étrangers, de nationalité syrienne pour la plupart, avant de les passer à tabac, dans deux habitations du quartier. Des actes documentés et dénoncés par Human Rights Watch (HRW). Peu après les faits, l’organisation américaine de défense des droits de l’homme a demandé qu’une enquête soit ouverte, afin de sanctionner les membres de l’armée et des services de renseignement qui ont frappé et maltraité les ouvriers. C’est peu de dire que l’armée libanaise n’a pas apprécié, rejetant « toute atteinte portée à l’institution militaire sous couvert de défense des droits des ouvriers étrangers» et expliquant l’opération par la « multiplication des plaintes des habitants (…), à cause d’actes attentatoires aux mœurs publiques, d’agressions répétées contre les passants et de cambriola- ges perpétrés par des ouvriers étrangers». Indiquant avoir procédé à onze arrestations, l’armée a, pour justifier les « altercations », pointé la « violente résistance» que les ouvriers lui ont opposée. Et présenté, aussi, ses excuses aux migrants « innocents» qui ont été visés par le raid… Une position qui convainc peu HRW. D’après les témoignages que Nadim Houry, directeur du bureau de Beyrouth, a récoltés, « aucune question n’a été posée aux travailleurs sur des affaires de mœurs», et les ouvriers ont ouvert la porte de leurs habitations sans difficulté. Pour ces derniers, ce sont les modalités de l’opération qui posent problème. « Si les forces de sécurité recherchaient un clandestin ou un délinquant, ils n’avaient pas besoin de tabasser des dizaines de personnes. Mais qui nous défendra ? », déplore, avec un fort accent syrien, Yassine (qui utilise un pseudonymeet souhaite garder l’anonymat), 28 ans. Il a été enfermé dans une pièce avec une quarantaine de personnes, avant d’être roué de coups. Son dos en porte encore les stigmates. Mohammed, un Syrien de 35 ans qui vit au Liban depuis six ans, ne décolère pas : « Des hommes en uniforme ont tapé contre la porte. Ils sont rentrés, je n’avais pas peur, je vis en toute légalité au Liban, je leur ai dit qu’ils pouvaient perquisitionner autant qu’ils le voulaient. Ils m’ont traîné vers le toit d’une autre habitation, avant de nous frapper. C’était très violent. » Ahmad, un Egyptien conduit de force sur le même toit, le 7 octobre, poursuit: « Je me suis retrouvé à genoux, les mains derrière la nuque, tabassé. Sur le toit, nous étions une quarantaine, à plat ventre. On nous a marché dessus. Le plus dur, pour moi, c’était d’entendre les soldats rigoler, comme s’ils s’amusaient. Je me sens très insulté. » La scène, pour Ahmad et les autres migrants, durera près de quatre heures. « On ne nous a pas posé une seule question, on ne nous a pris nos papiers d’identité qu’à la fin », affirme-t-il. Comprend-il les raisons de cette opération ? « Par rapport aux Egyptiens, non. Mais quant aux Syriens, certains se com- Les militaires libanais ont interpellé à Beyrouth plus de 70 étrangers, de nationalité syrienne pour la plupart, avant de les passer à tabac portent comme s’ils étaient chez eux, ils ont le regard qui traîne sur les femmes. Enfin, ce n’est pas nouveau! », juge-t-il, tout en concédant que le racisme antisyrien est diffus au Liban. C’est bien cette boîte de Pandore qu’ont rouverte les incidents du 7 octobre : celle d’un mépris envers les Syriens, toujours latent, parfois tu. « A moins que tu ne fasses partie de la haute société : tu seras alors très courtisé par la bourgeoise libanaise, car, aujourd’hui, c’est exotique d’avoir un hôte syrien », se moque une jeune Syrienne de la classe aisée. Pour les autres ? « Une gifle de temps en temps, cela ne peut pas leur faire de mal, à ces Syriens ! », lance Hoda, une jeune femme du quartier, scandalisée qu’une organisation de défense des droits de l’homme critique l’armée. « Il y a de plus en plus de Syriens au Liban, à cause de la guerre dans leur pays. Ils n’ont jamais vu une fille de leur vie. On n’ose plus rentrer seule chez soi, tard », poursuit Hoda. A-t-elle eu connaissance d’un incident récent? Non, dit-elle. Mais elle s’inquiète de leur appétit sur le marché du travail. Avant de débattre sur l’opportunité que les nouveaux arrivants soient hébergés dans des camps, «pour les surveiller», plaide l’une de ses amies. « Ça ne va pas, on n’en a pas assez avec les réfugiés palestiniens ? », s’insurge Hoda. Youssef, un jeune Libanais dont l’appartement donne sur le toit où ont été passés à tabac les travailleurs syriens, se sent confus: «Ces travailleurs sont de pauvres gens. Ce n’est pas correct de tabasser des gens de façon indiscriminée. Mais l’armée sait ce qu’elle fait. » Cet été, un couvre-feu avait déjà été imposé à des travailleurs syriens par la municipalité d’une petite ville de montagne, à l’est de Beyrouth. Sans susciter d’indignation nationale. p [email protected] Juste un mot | chronique par Didier Pourquery Arriviste E n cette période de nominations politiques et économiques où valsent les carrières et brillent les CV, voici un mot légèrement suranné qu’il est urgent de redécouvrir dans toutes ses nuances. Certes, le terme ne date pas d’hier, on le repère dans les années 1890 et il est en vogue pendant la Belle Epoque. Raison de plus pour le dépoussiérer. L’actualité éditoriale s’en charge puisque viennent de paraître deux livres épatants: l’un, de la psychanalyste Corinne Maier, s’intitule Petit manuel du parfait arriviste (Flammarion, 134 p., 16 ¤), et l’autre, d’Henri Château, Manuel de l’arriviste (JC Gawsewitch, 194p., 12,50¤). Je précise encore une fois à l’attention des pisse-vinaigre du milieu de l’édition, toujours prompts à vous soupçonner de copinage, que je ne connais pas Corinne Maier. Elle n’est même pas ma psy. Quant à Henri Château, il était mort depuis longtemps lorsque je vins au monde. Mort sans doute, ce M.Château, mais auteur d’un manuel vivant et très contemporain (quoique édité d’abord aux éditions Villerelle en 1901). Ces prétendus «papiers trouvés chez un de nos plus notoires contemporains» décrivent avec un cynisme plaisant ce qu’il faut faire pour gravir les échelons sociaux: d’abord « ne chercher qu’à s’élever au-dessus de ses contemporains», en être obsédé jour et nuit, et surtout «ne songer qu’à soi-même». Tout le reste ne sert à rien. L’individualisme forcené s’étale en liberté dans ces pages où l’on apprend à briller en société, à gagner de l’argent – la clef ultime –, à jouer de son influence, à jouir de sa considération dès que l’on en a un peu. Si cet excellent ouvrage (légèrement anarchisant quand même, subversif antibourgeois, voire situationniste avant la lettre) fait référence à des archétypes proches de Rastignac ou Bel-Ami, qu’en est-il aujourd’hui? Pour le savoir c’est simple: lire Corinne Maier. D’abord parce qu’elle traduit tout cela dans le langage du jour et qu’elle y ajoute un trait contemporain essentiel à l’arriviste de notre temps: il doit être «fake», hypocrite, toc, antinaturel, fabriqué. En novlangue d’entreprise, cela se dit, note Mme Maier, «customiser son moi» et faire de l’«auto-storytelling». L’arriviste moderne est un communicant maîtrisant à fond l’art de la feinte, des impostures, des faux-semblants et des bobards. Corinne Maier connaît bien le monde de l’entreprise (rappelezvous son Bonjour paresse, paru en 2004 chez Michalon), condition L’arriviste moderne est un communicant maîtrisant à fond l’art de la feinte, des impostures, des faux-semblants essentielle pour le caricaturer et s’en moquer. Son portrait de l’arriviste fait la part belle à tous les côtés faux-cul, duplice et pipeau des manipulateurs qui nous entourent, nous embobinent de jargon managérial, politicien ou technoïde, osent tout, et réussissent finalement à grimper dans les organigrammes. Il montre aussi comment il faut toujours paraître sûr de soi, tranchant, rapide et dans l’action, même si… On le voit, ce livre, comme celui d’Henri Château, fait du bien à nous autres qui n’arriverons jamais très haut mais que les gesticulations des arrivistes de tout poil divertissent. p A ne pas manquer sur 0123.fr Eclairage Vel d’Hiv, Sétif, essais nucléaires : les repentances de l’Etat La reconnaissance de la responsabilité de la France dans la répression sanglante de la manifestation du 17 octobre 1961 est une nouvelle étape sur la voie de la repentance vis-à-vis de périodes sanglantes de l’histoire du pays. Retour sur une pratique donc Jacques Chirac fut à l’initiative, en juillet 1995. www.lemonde.fr/politique pTirage du Monde daté samedi 20 octobre 2012 : 361 546 exemplaires. 123 TOUS PAYSANS ? 0123 hors-série les nouveaux paysans les agriculteurs, avenir de l’humanité comment nourrir le monde en 2050 la course aux terres cultivables Alors que les agriculteurs ne représentent plus que 3 % de la population active en France, on assiste à une complexification et une diversification des mondes agricoles : campagne à la ville, mini-exploitations, rachat de terres par les Etats… Tout le monde devient paysan. Face au défi alimentaire, aux enjeux démographiques et à la course aux terres cultivables, Le Monde publie ce hors-série consacré aux paysans, avenir de l’humanité. Un hors-série du 123 à découvrir en kiosque