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37 Mode, beauté & santé La Gruyère / Jeudi 9 septembre 2010 / www.lagruyere.ch Tendance pour se démarquer: lancer sa propre marque CRÉATION. Décalés, provocateurs ou humoristiques, les T-shirts sont devenus des accessoires de mode à part entière. De jeunes créateurs tentent de lancer leur propre marque, avec plus ou moins de succès. VICTORIEN KISSLING «Bulle, ça sonne léger, mais c’est du lourd», «Bimbo», «Y a pu de jeunesse», «Garce». Autant de marques et de slogans affichés sur des T-shirts portés fièrement dans les rues du canton. Leur point commun? Tous sont l’œuvre de jeunes créateurs fribourgeois qui se sont lancés, pour diverses raisons et avec divers objectifs, dans la commercialisation de textiles marqués. «Difficile d’expliquer ce phénomène. Mais je pense qu’il est dû, d’une part, à la simplicité du T-shirt qui permet, pour un budget plutôt accessible, de laisser libre cours à sa création et à son graphisme. Et, d’autre part, à internet et ses moyens de vente et de promotion aisés», estime le sérigraphe Jean Mauron, de l’entreprise Graphein à Fribourg qui réalise des T-shirts depuis 2005, dont le désormais culte «Georges Baumgartner, Radio Suisse romande, Tokyo». Bien qu’elle s’en défende, l’entreprise fribourgeoise a donné l’impulsion à la création textile dans le canton. Elle a en tout cas créé des émules. La preuve? Aujourd’hui, Graphein se charge de la sérigraphie d’une dizaine d’autres marques de T-shirts, dont «Garce» de Frédéric Studer, à Semsales, et «Bimbo» de Jérôme Duc, à Ursy. L’enthousiasme des créateurs de T-shirts trouve son écho chez les consommateurs, qui apprécient les séries limitées. Bimbo – pour la couleur Pour ce dernier, l’aventure en est encore à ses débuts. C’est en rentrant d’Australie au printemps 2009 qu’il constate une réalité des habitudes vestimentaires helvétiques. «La plupart des gens ne portent que du noir ou du gris. Des couleurs ternes. Alors qu’en Australie, les vêtements sont colorés, ce qui donne tout de suite davantage de gaieté dans les rues», note Jérôme Duc. Après six mois d’étude de marché et d’essais graphiques, il sort en octobre une première série de T-shirts bleu électrique ou jaune fluo, avec des caractères roses, bleu clair, voire phosphorescents pour briller dans la nuit des fêtes. Sa marque? «Bimbo». «Un nom provocateur mais passe-partout, qui sonne bien en anglais et en français et qui peut être unisexe», justifie le créateur de 21 ans. Après bientôt une année et un premier relookage de son logo, Jérôme Duc s’estime plutôt satisfait du résultat. «J’ai vendu entre quatre et cinq cents exemplaires, aussi bien des T-shirts que des robes et des tops. Maintenant, mon but est de développer des accessoires – porte-monnaie, tour de cou, bonnets – ainsi que d’améliorer la communication. Je souhaite associer ma marque au milieu de la glisse, notamment en sponsorisant des manifestations ou des sportifs du ski freestyle. Mais ça prend tout de suite un temps fou», concède le polymécanicien de formation qui suit des études de marketing en cours du soir et qui consacre une quinzaine d’heures par semaine à ce qui reste encore un à-côté. Garce – trop provocant C’est dans un but plus professionnel que le Semsalois Frédéric Studer s’est lancé, début 2008, dans la commercialisation de T-shirts estampillés de sa marque «Garce», avec des images provocantes de jeunes femmes dans des positions suggestives. Alors apprenti réalisateur en publicité, il avait pu mettre à profit son expérience concrète dans le textile pour enrichir sa formation. Mais après quelques mois de succès – 250 T-shirts vendus en six mois, surtout auprès de ses connaissances – le soufflé est retombé. «J’ai sûrement été un peu naïf en pensant que parce que c’était provocant, ça allait forcément faire un carton. Aujourd’hui, si je devais recommencer, je le referais différemment. Mais je ne regrette rien, car «Garce» a été pour moi une sorte de cobaye où faire mes expériences.» A 25 ans, Frédéric Studer suit désormais une formation de designer en marketing visuel. Et même s’il les a laissées un peu de côté, il compte bien relancer ses garces en réorientant sa marque avec de nouveaux modèles. «C’est difficile de vendre ce qui est vieux, surtout lorsqu’on a perdu un peu sa motivation et son enthousiasme. Mais c’est un bon exercice pratique et je ne veux pas abandonner avant d’avoir remboursé mon investisseur de base, qui avait débloqué 20000 francs en croyant à mon projet.» Comme dans toutes les affaires, l’argent reste le nerf de la guerre. Bulle – pour l’argent C’est encore plus le cas pour Valdrin Azemi et Sanza Manatthan, deux jeunes Bullois qui ont lancé en juin dernier un T-shirt avec le slogan «Bulle, ça sonne léger mais c’est du lourd» écrit sur le 16-30 du code postal, signature revendiquée d’un certain groupe de jeunes (La Gruyèredu 1er juillet 2010). «Dans le milieu du hip-hop, beaucoup se financent par la vente de T-shirts. Et comme on a monté une entreprise d’événementiel et de management, on a suivi l’exemple», explique Valdrin. Leur société Xplct ent. – lisez Explicite entertainement – cherche notamment de l’argent pour financer le CD promotionnel de Blake, un jeune artiste bullois. «Autant dire que le léger bénéfice qu’on se fait sur les T-shirts, on le réinvestit directement dans nos autres activités.» Après trois mois, près de 150 T-shirts ont été écoulés sur le premier tirage de 180 exemplaires. «A nous, maintenant, de nous imposer dans la région pour que les gens ne passent pas à autre chose, car le phénomène est déjà en train de baisser», concède Valdrin, dont l’enthousiasme pour «apporter quelque chose à l’industrie de la musique en Suisse» est toujours bien présent. L’envie de se démarquer Un enthousiasme de la part des créateurs qui trouve son écho chez les consommateurs. «Je pense que cette mode va durer, car les gens ont de plus en plus envie de se démarquer en portant des séries limitées, et pas uniquement des grosses marques comme tout le monde», estime Jean Mauron. Revers de la médaille, la création de T-shirts ne peut pas s’industrialiser et les créateurs doivent sans cesse se renouveler pour garantir l’exclusivité exigée par leurs clients. Car, paradoxalement, c’est en se démarquant que les marques parviennent à… marquer les esprits. ■