Formation destinée aux médecins - Association pour le Droit de

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Formation destinée aux médecins - Association pour le Droit de
Forum End Of Life
Le médecin et la fin de la vie
La législation
La pratique
www.admd.be
Formation destinée
aux médecins
CYCLE 2010 - 2011
Module 3
Aspects pratiques
Institut Jules Bordet, Bruxelles
06/11/2010
Secrétariat LEIF-EOL
c/o A.D.M.D. - rue du Président 55 -1050 Bruxelles
Tel. 02 502 04 85
Fax: 02 502 61 50
[email protected]
www.admd.be/medecins.html
3e module de formation
Aspects pratiques
PROGRAMME
Dr Dominique Lossignol, modérateur
Dr M. Marchand, Dr B. Hanson, Dr W. Distelmans,
Dr I. Libert, Dr B. Michel, orateurs
Les déclaration anticipées, « advance care planning »
L’exercice de la liberté de conscience
Le travail des médecins du Forum/Focus sur le projet INAMI (« 2e médecin »)
Techniques de fin de vie
Discussion de cas
Questions
-2-
Module 3 - 6 novembre 2010
Samedi
06
Novembre
2010
Les déclarations anticipées
Advance care planning
Dr M. Marchand
Projet de soins anticipé
Définition et objectifs
« Advance care planning » = «planification anticipée des soins»
- Elle s’intègre dans un « projet de fin de vie anticipé ».
C’est :
- Le processus par lequel le sujet, lucide et conscient, s’informe, discute et réfléchit de manière anticipée avec son
(ses) médecins, les soignants et ses proches, à propos des traitements et des soins qu’il désire (ou non) recevoir,
et des dispositions particulières qu’il veut mettre en place pour sa fin de vie et la période qui la précèdera, afin
que ses volontés soient respectées s’il devenait mentalement ou physiquement incapable de prendre de telles
décisions ou de les exprimer.
- Un temps de concertation et de préparation de la fin de vie, en dehors de l’urgence créée par l’aggravation
rapide d’une maladie, la dégradation de l’état général et l’altération de l’état de conscience.
- Une réflexion globale et partagée sur la qualité de fin de vie et celle du mourir qui prend en compte l’ensemble
des besoins du patient : physiques, psychologiques, sociologiques et spirituels.
- Le projet de soins anticipé vise donc à établir, avec et pour chaque patient, un projet de fin de vie personnalisé
tenant compte de ses souhaits, de ses préférences et de ses volontés. Les décisions prises doivent être argumentées,
documentées par écrit, revues aussi souvent que l’évolution de la situation le nécessitera et communiquées
en temps opportun aux différents intervenants. C’est donc un processus de concertation continue entre les
différents acteurs concernés.
Les personnes concernées
- le patient, au centre du débat, et participant au processus décisionnel chaque fois que c’est possible.
- les proches qu’il souhaite informer et ses représentants légaux (mandataire, personne de confiance).
- le médecin traitant.
- le(s) médecin(s) spécialiste(s) référent(s), éventuellement en milieu hospitalier.
- les équipes soignantes au domicile, en MRS ou à l’hôpital.
Le cadre juridique belge :
Trois lois de 2002 définissent un vaste éventail de possibilités en matière de décisions de fin de vie.
- Loi du 28 05 2002 relative à l’euthanasie (incluant la déclaration anticipée).
- Loi du 14 06 2002 relative aux soins palliatifs.
- Loi du 22 08 2002 relative aux droits des patients.
-3-
Module 3 - 6 novembre 2010
I. Côté patients
• Le droit d’être informé
- de son état de santé et de son pronostic, s’il le souhaite.
- des possibilités : - de traitements curatifs (bénéfices / risques ; qualité de vie)
- de prise en charge palliative, soins de confort.
- d’exprimer ses préférences en matière de traitements et de soins sous la forme de
déclarations anticipées, au cas où il deviendrait ultérieurement incapable de les
communiquer.
- (de demander l’euthanasie selon les critères prévus par la loi).
La qualité de l’information communiquée au patient (contenu et forme) va permettre au patient d’exercer son
libre choix en matière de décisions de fin de vie, en pleine connaissance de cause.
II. Côté médecins : devoirs, responsabilités, compétences, attitudes et liberté de conscience
• Le médecin a un devoir d’information et d’explication par rapport aux possibilités légales liées à la fin de vie
(Code de déontologie médicale, art. 95).
Nous sommes également invités à :
• Acquérir et développer nos capacités à :
- informer le patient de manière adéquate et complète.
- communiquer de façon appropriée avec le patient, son entourage, les soignants et tout autre intervenant
impliqué dans le projet de soins.
- adopter dans la relation au patient une position juste, emprunte d’humanité et de sens de l’écoute, où
l’humilité l’emporte sur la volonté de toute-puissance thérapeutique…ou palliative.
- Permettre au patient d’exprimer ses propres volontés, souhaits et préférences, plutôt que de lui imposer les
nôtres -> adopter une position respectueuse et philosophiquement neutre.
• Exercer nos responsabilités et notre vigilance dans la mise en place de:
- limitations ou « statuts » thérapeutiques.
- la (ré)évaluation et l’adaptation continue du projet thérapeutique :
curatif -> palliatif -> fin de vie.
- prescriptions de traitements et de soins adaptés au patient et à sa situation, sans « obstination déraisonnable »
ou acharnement thérapeutique / palliatif.
• Développer continuellement nos compétences professionnelles (formations, lectures, groupes de travail,
réflexion…).
• Exercer notre liberté de conscience (B. Hanson) :
Le médecin peut refuser de pratiquer une euthanasie (même sur base d’une déclaration anticipée) s’il estime
que ce n’est pas dans le champ de la loi ou pour motif de conscience. Il doit informer le patient (ou son
représentant) de sa position et éventuellement transférer le dossier au médecin choisi par le patient (loi sur
l’euthanasie, art.14).
Les déclarations anticipées
1) Déclaration anticipée de volontés relatives au traitement
-4-
Module 3 - 6 novembre 2010
2) Déclaration anticipée d’euthanasie
Objectif principal : protéger le déclarent d’un éventuel acharnement thérapeutique ou palliatif.
Exemples de refus de traitements et de soins
- d’un traitement prolongeant inutilement des souffrances liées à un état de déchéance sans issues, sans
bénéfice sur la longévité ou la qualité de vie (chimiothérapie, chirurgie…).
- d’être (ré)hospitalisé, réanimé ou maintenu artificiellement en état de coma prolongé.
- de soins palliatifs.
La Déclaration anticipée de volontés relatives au traitement
- Elle se fonde sur 2 lois de 2002:
- droits des patients (art.5, 8 §1 et 4).
- soins palliatifs.
- Le document a force contraignante vis-à-vis des professionnels de santé.
- Pas de formulaire «légal».
- Durée de validité illimitée.
- Un mandataire peut être désigné.
• Permet au sujet de faire respecter sa volonté
- Lorsqu’il est conscient mais incapable de s’exprimer
tant qu’il peut s’exprimer, ce sont les volontés qu’il exprime qui sont valables.
- Par la désignation d’un mandataire le représentant légalement, qui pourra exiger que ses volontés soient
respectées.
- Les volontés peuvent s’exprimer de manière complémentaire par :
- la négative « je refuse… »
- l’affirmative : « Je demande »
. Avoir accès à des soins palliatifs.
. Que tout ce qui est médicalement possible soit tenté pour prolonger ma vie….
• Ne permet pas
D’obtenir l’euthanasie.
Partie 1-> Volontés de traitement
1. A. En cas d’affection incurable, sans espoir raisonnable d’amélioration, associée à un état de déchéance
physique ou intellectuelle sévère et irréversible.
Exemples d’états irréversibles que le déclarant ne voudrait pas vivre (biffer si ne correspond pas à la
demande)
- Dépendance totale d’autrui pour les besoins journaliers usuels
- Incapacité totale à : - communiquer avec le monde extérieur
- exercer une quelconque activité intellectuelle ou physique.
-5-
Module 3 - 6 novembre 2010
- Perte des capacités mentales permettant de s’identifier, de se situer dans le temps et l’espace et de
communiquer avec autrui.
1. B. En cas de suicide, refus de réanimation (biffer si ne correspond pas à la demande).
Partie 2 -> Désignation d’un mandataire
- Personne à laquelle le déclarant fait confiance.
- Chargée de le représenter vis-à-vis des médecins, lorsqu’il sera devenu incapable d’exprimer ses volontés et
de défendre ses droits.
- Doit signer la déclaration pour accord.
- Qualité : pas de restriction légale : parent, ami, médecin, soignant (adulte)…
- Sa désignation est autorisée, facultative…
- …mais vivement recommandée, car la force contraignante du mandataire nommément désigné > autres
représentants potentiels.
- Si aucun mandataire n’a été désigné, les droits du patient seront exercés par un membre de sa famille :
époux ou partenaire cohabitant > enfant majeur > parent > frère ou sœur majeur > médecin traitant.
Comment se procurer le formulaire ?
ADMD, rue du Président 55, 1050 Bruxelles.
Combien d’exemplaires faut-il remplir (et signer) ?
Quatre
1 -> patient
1 -> mandataire
1 -> médecin traitant
1 -> autre intervenant choisi par le patient.
La Déclaration anticipée d’euthanasie
- Se fonde sur l’Arrêté royal du 28 mai 2002.
- Permet d’obtenir l’euthanasie, UNIQUEMENT en situation d’inconscience irréversible.
(patient incapable de formuler lui-même sa demande).
- Formulaire légal.
- Deux témoins ; une personne de confiance éventuelle ; enregistrable.
- Qui peut faire la demande : tout adulte compétent, malade ou pas.
- Durée de validité : 5 ans.
- Déclaration à la commission de contrôle de l’euthanasie : rubrique spécifique.
Rubrique I. Données obligatoires et demande libre et consciente.
- Données personnelles du patient
- Données personnelles des deux témoins majeurs (un des deux au moins ne peut avoir d’intérêt matériel au
décès du déclarant).
-6-
Module 3 - 6 novembre 2010
- Demande d’application de l’euthanasie selon les termes de la loi du 28 05 2002 au cas où le patient serait
inconscient et donc incapable d’en faire la demande.
Rubrique II. Données facultatives
A. Les personnes de confiance éventuellement désignées (majeurs, pas de restriction légale : ami, parent,
médecin, soignant).
B. Cadre à remplir si la déclaration n’est pas complétée et signée par le patient lui-même, pour incapacité
physique. La personne désignée par le patient qui rédige la déclaration doit être majeure et ne pas avoir
d’intérêt matériel à son décès.
Annexe : Certificat médical
Signatures et dates
- Le requérant
- Les deux témoins
- Les personnes de confiance éventuellement désignées
- Le tiers qui a rédigé en cas d’incapacité physique du requérant.
Comment se procurer le formulaire ?
- www.health.fgov.be > soins de santé > structures > commission > euthanasie > formulaires (à droite) >
cliquer « modèle de déclaration anticipée »
- ADMD, rue du Président 55, 1050 Bruxelles.
En combien d’exemplaires faut-il le remplir ?
Quatre
1 -> patient
2 -> personnes de confiance éventuellement désignées
1 -> médecin traitant
Conclusions
- Les déclarations anticipées de volontés de traitement et d’euthanasie sont complémentaires, car la déclaration
anticipée d’euthanasie n’y donne accès que si l’incapacité à s’exprimer est due à un état d’inconscience irréversible.
- Demander l’accès aux soins palliatifs et à l’euthanasie peuvent être des volontés complémentaires, et non
antagonistes. L’euthanasie n’est pas un échec des soins palliatifs. Elle représente, pour le sujet qui la demande au
terme de son cheminement, l’accomplissement ultime d’une vie, par le choix d’une mort digne et sereine.
Annexes I. Tableau comparatif des trois types de demandes relatives à la fin de vie (.xls).
II. Informations complémentaires et références (.doc).
Références
• « L’euthanasie ». Publication destinée aux médecins : ADMD, Bruxelles.
• Résumé du Ministère à l’intention des médecins:
http://www.mineco.be/fr/sante/soins_de_sante/fin_de_vie/euthanasie/
• Brochure d’information à l’intention du corps médical, par la Commission fédérale sur l’euthanasie
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Module 3 - 6 novembre 2010
<www.health.fgov.be > soins de santé > structures > commission > euthanasie > publications > Brochure
d’information médecin.
• Les déclarations de volonté en fin de vie. M. Cosyns, M. Deveugele, B. Abbadie , M. Roland, Rev. Med. Brux., 7786, 2008.
• Euthanasie : la loi, quelques notions essentielles, la question du suicide assisté. J. Herremans : Rev.
Med. Brux., 423 – 427, 2008.
• Fin de vie : déclarations de volonté – euthansie, Dr. Paul Cnockaert, Centre universitaire de médecine générale,
CUMG, ULB. FMC du 11/11/2009
<http://www.ulb.ac.be/medecine/cumg/county14112009.pdf>
• Deliens L., De Gendt C., D’Haene I. et al. La planification anticipée des soins: concertation entre les dispensateurs
de soins, les patients atteints de la maladie d’Alzheimer et leurs proches. Rapport de la Fondation Roi Baudouin,
2009.
• La fin de vie, questions et réponses sur les dispositions légales en Belgique. ADMD, 2009.
• Code de Déontologie Médicale, Ordre des Médecins : Vie finissante : chap. IX, art. 95-98, dernière modification
18-3-2006 :
Art. 95. Dans le prolongement de l’article 33, le médecin traitant informe le patient en temps opportun de sa vie
finissante et du soutien qui peut lui être apporté. Dans ce cadre, le médecin tient compte de la situation clinique
du patient, de sa capacité à supporter l’information, de ses convictions philosophiques et religieuses ainsi que de
l’étendue de l’information que celui-ci souhaite.
Lors de toute demande à propos de la fin de vie, le médecin explique les initiatives qui peuvent être prises, telles
que la désignation d’un mandataire, la consignation du refus de consentement à une intervention déterminée et
la rédaction d’une déclaration anticipée concernant l’euthanasie.
Le médecin attire l’attention de son patient sur le fait que celui-ci a toujours droit aux soins palliatifs. Le médecin
informe le patient, en temps opportun et de manière claire, du soutien médical qu’il est disposé à lui apporter lors
de la vie finissante. Le patient doit avoir le temps nécessaire pour recueillir un deuxième avis médical. Le médecin
traitant et le patient s’accordent sur les personnes à informer et sur l’information à leur fournir.
Art. 96. Pour toute intervention lors de la vie finissante, le médecin doit obtenir le consentement du patient.
Il
doit veiller à ce que ce consentement soit éclairé, libre et indépendant.
Si le médecin estime qu’un patient n’est pas à même de consentir, il s’adresse au représentant légal.
Le médecin traitant associe le patient mineur aux décisions relatives à la fin de vie, en fonction de l‘âge et de la
maturité de celui-ci et de la nature de l’intervention visée. Il est indiqué de recueillir l’avis d’un confrère et de
l’équipe soignante.
Art. 97. Outre le devoir d’information et l’obligation d’obtenir le consentement, le médecin prodigue toute
assistance médicale et morale au patient lors de la vie finissante.
Si le médecin ne dispose pas des connaissances suffisantes en matière de soutien au patient lors de la vie finissante,
il recueille les avis nécessaires et/ou appelle en consultation un confrère compétent.
L’acharnement thérapeutique doit être évité.
Le médecin aide le patient dans la rédaction et la conservation des déclarations définies à l’article 95, deuxième
alinéa.
Le médecin se tient aux engagements pris à l’égard du patient.
Lors de l’application des dispositions du présent chapitre du Code de déontologie médicale, le médecin veille à ce
que les dispositions légales soient respectées tant par lui que par le patient.
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Module 3 - 6 novembre 2010
Art. 98 Si, suivant l’état actuel de la science, un patient est décédé, le maintien artificiel des fonctions
cardiorespiratoires doit être arrêté. Cet arrêt peut être postposé en vue du prélèvement d’organes à des fins de
transplantation, dans le respect de la volonté du patient et des dispositions légales.
La Déclaration anticipée d’euthanasie
1) Les Textes de loi
• Arrêté royal du 28 05 2002
• MB 13 05 2003, p.25591-3.
Modèle de la déclaration anticipée relative à l’euthanasie.
• Arrêté royal du 27 04 2007 réglant la façon dont la déclaration anticipée en matière d’euthanasie est enregistrée
et est communiquée via les services du Registre national aux médecins concernés.
MB 07 06 2007. Entrée en vigueur : 01 09 2008.
2) Accès à la base de données du Régistre National Belge via le portail e-Health, en partenariat avec le Service
public fédéral Santé publique, Sécurité de la Chaîne alimentaire et Environnement
<https://www.ehealth.fgov.be/fr/page_menu_a_t/website/home/platform/avs/available.html>
-> Services disponibles.
-> Consultation des déclarations anticipées d’euthanasie (Eu thaConsult)
- Accessible aux médecins uniquement.
- Lecteur de carte d’identité électronique.
- Introduire le nom, prénom et date de naissance de la personne concernée
-> Date de signature de la demande (validité 5 ans).
-> Personnes de confiance.
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Module 3 - 6 novembre 2010
Projet de soins anticipé
Définitions et objectifs (1)
Les déclarations anticipées,
« advance care planning »
Advance care planning = planification anticipée des soins
Projet de soins anticipé -> Projet de fin de vie anticipé
Dr Marie Marchand
Cellule Soins Continus & Douleur
Hôpital Erasme, Bruxelles
6 novembre 2010
Processus par lequel une personne s’informe, discute
et réfléchit de manière anticipée avec ses proches,
son médecins, et les soignants, des dispositions
Formation Forum EOL / LEIF
Troisième module: Les aspects Pratiques
Institut Jules Bordet, Bruxelles
Modérateur: Dr Dominique Lossignol
particulières qu’elle veut mettre en place pour sa fin
de vie, au cas où elle deviendrait mentalement ou
physiquement incapable de les exprimer.
Projet de
de soins
soins anticipé
anticipé
Projet
Définitions
et
objectifs
(2)
Définitions et objectifs (2)
 Ces



Le projet de fin de vie anticipé,
c’est aussi…
dispositions concernent :
 Un
temps de concertation entre les
différents intervenants
L’ensemble des traitements et des soins à
visée curative ou palliative.
Les dispositions sur la manière de mourir.
La nomination éventuelle de représentants.




Le projet de fin de vie anticipé,
C’est aussi…
c’est aussi…
Il vise à établir pour et avec le
patient…
 Une
réflexion globale et partagée sur la
qualité de vie et celle du mourir, qui prend
en considération l’ensemble des besoins
du patient :




Le patient
Les proches et les représentants légaux
Le médecin traitant (et spécialiste)
Les équipes soignantes

Un projet de fin de vie personnalisé tenant
compte de :

Les discussions et les décisions doivent être :


Physiques
Psychologiques
Socioculturels
Spirituels (philosophiques, religieux…)



- 10 -
Ses souhaits, ses préférences, ses volontés.
Consignées par écrit dans le DMG
Réévaluées régulièrement
Communiquées aux différents intervenants
C’est donc un processus de concertation et de
soins CONTINU.
Module 3 - 6 novembre 2010
Trois lois de 2002
définissent les possibilités de
décisions de fin de vie
Côté patient :
Le droit d’être informé
 Loi
relative à l’euthanasie (28/05)
Loi relative aux soins palliatifs (14/06)
 Loi relative aux droits des patients
(22/08)
- Exprimer ses volontés sous forme de déclarations
anticipées.
- Faire une demande d’euthanasie.
Les déclarations anticipées
Côté médecin :
 Devoir
 Le droit d’être informé
• de son état de santé et de son pronostic
• des possibilités de:
- Traitements curatifs (bénéfices/risques, QOL).
- Prise en charge palliative, soins de confort.
d’information par rapport aux


possibilités légales liées à la fin de vie

(Code Déontologie médicale, art. 95).
 Responsabilités en matière de traitements
et de soins, dans l’évaluation et la réponse aux
demandes du patient.
 Compétences en matière de communication.
 Attitude humanité, écoute, humilité, respect.
 Liberté
1. Volontés relatives au traitement
Loi sur les droits des patients
Loi sur les soins palliatifs

2. D’Euthanasie

Leur objectif principal



Protéger
le
patient
curatif…ou palliatif.
de
l’acharnement
Lors de ces deux déclarations anticipées

de conscience (B. Hanson)
Loi sur l’Euthanasie
Le déclarant doit être majeur, capable, lucide
et agir sans aucune pression extérieure.
Physiquement, il peut être en bonne santé ou
malade.
La déclaration anticipée de
Volontés relatives au traitement (1)

En pratique…





- 11 -
Permet au sujet de faire respecter ses
volontés lorsqu’il est devenu incapable
de s’exprimer.
Ne donne pas accès à l’euthanasie.
Force légale contraignante vis-à-vis des
professionnels de santé.
Durée de validité illimitée.
Un mandataire peut être désigné:
Facultatif mais hautement recommandé
Pas de formulaire légal.
Module 3 - 6 novembre 2010
La déclaration anticipée de
Volontés relatives au traitement (2)

La déclaration anticipée de
Volontés relatives au traitement (3)

Partie 1: Volontés de traitement
Personne majeure à laquelle le déclarant fait
confiance.
 Chargée
de représenter le patient auprès des
médecins, lorsqu’il sera devenu incapable d’exprimer
ses volontés et de défendre ses droits.
 Qualité:
pas de restriction légale (ami, parent,
proche, soignant, médecin…).
 Si
défini nommément, force contraignante plus
grande qu’un autre représentant.
 Par
défaut: époux ou partenaire co-habitant >
enfant majeur > parent > frère ou sœur majeur >
médecin traitant.

1. A. En cas d’affection incurable, sans espoir
raisonnable d’amélioration, associée à un état
de déchéance physique ou intellectuelle sévère
et irréversible.

- Je refuse…(exemples…)
- Je demande…

1. B. En cas de suicide, refus de réanimation
La déclaration anticipée
d’euthanasie (1)
La déclaration anticipée de
Volontés relatives au traitement (4)




Permet d’obtenir l’euthanasie uniquement
en situation d’inconscience irréversible.
 Formulaire légal
 Deux témoins (obligatoire)
 Une
(des) personnes de confiances
peuvent être désignées, facultatif mais
hautement recommandé.
 Durée de validité: 5 ans.
 Enregistrable à la maison communale.
 Déclaration à la commission de contrôle
de l’euthanasie: rubrique spécifique.

Signataires? 1 à 2

Le requérant
(Le mandataire)
Combien d’exemplaires? 4
Où se procurer un formulaire?
ADMD, rue du Président, 55 1050 Bxl
La déclaration anticipée
d’euthanasie (2)
La déclaration anticipée
d’euthanasie (3)

 Rubrique 1


Partie 2: Désignation d’un mandataire
Demande et données obligatoires
Données personnelles du patient
Données personnelles des deux témoins
Rubrique 2
Données facultatives
2.A. Les personnes de confiance éventuellement désignées
(majeures, pas de restriction légale: proche, ami, parent,
soignant…).

- Un au moins n’a pas d’intérêt matériel au décès
du patient.
 2.B.
Cadre à remplir si le déclarant est physiquement incapable
de remplir la déclaration.
• Le tiers:
Demande d’application de l’euthanasie au cas où le
patient serait irréversiblement inconscient et donc
incapable d’en faire la demande.






- 12 -
Choisi par le patient pour rédiger la déclaration
Majeur
Ne peut pas avoir d’intérêt matériel au décès du
déclarant.
Justifie par écrit la raison de son intervention
Certificat médical attestant l’incapacité physique
Module 3 - 6 novembre 2010
La déclaration anticipée
d’euthanasie (4)

Conclusions (1)
Signataires? 3 à 5

Le requérant
 Les deux témoins
 (Les personnes de confiance)

Volontés de traitement
d’euthanasie
sont COMPLEMENTAIRES
Combien d’exemplaires? 4
 Où se procurer un formulaire?

Les demandes d’accès aux soins
palliatifs et à l’euthanasie peuvent
l’être aussi.

www.health.fgov.be > soins de santé > structures
> commission > euthanasie > formulaires (à droite) >
« modèle de déclaration anticipée ».


Les déclarations anticipées de :


ADMD, rue du Président, 55 1050 Bxl
Conclusions (2)
Annexes
 Tableau
 L’euthanasie
ne doit pas être
considérée comme un échec des soins
palliatifs.
 Elle représente, pour le sujet qui la
demande
au
terme
de
son
cheminement, l’accomplissement ultime
d’une vie, par le choix mûrement
réfléchi d’une mort digne et sereine.
de vie



comparatif des 3 demandes de fin
Volontés relatives au traitement
Déclaration anticipée d’euthanasie
Demande d’euthanasie (non anticipée)
 Références
- 13 -
et informations complémentaires
Module 3 - 6 novembre 2010
- 14 -
Module 3 - 6 novembre 2010
L’exercice de la liberté de conscience
Dr B. Hanson
Si l’on aborde de problème de la fin de vie sous
l’angle de l’exercice de la liberté de conscience, il
importe d’abord de replacer l’exercice de cette liberté de conscience dans une société démocratique.
« L’affaiblissement de l’argument d’autorité qui est
au commencement du mouvement démocratique
d’autonomisation vient également d’une dénaturalisation, plus précisément d’un estompement des
signes de la grandeur et de la supériorité incontestables des autorités, comme si les apparences d’une
incarnation du divin ou les indices d’une présence
de l’au-delà ne rayonnaient plus dans les manifestations de l’autorité. [...] Le relâchement des liens
communautaires qui est à l’origine du mouvement
démocratique d’individualisation est lui aussi le
fruit d’une dénaturalisation : comment se serait-il
produit sans l’apparition d’un écart au sein même
de l’expérience quotidienne, entre l’ordre communautaire et l’ordre naturel (surnaturel) du monde ?
Dès lors qu’une communauté aristocratique ne
s’impose plus sous la forme d’une communauté
naturelle (dès lors qu’elle perd sa forme communautaire), elle est ressentie par ses membres comme
si elle n’était façonnée que par une tradition parmi d’autres, ne relevait que d’une coutume, et par
suite ne peut manquer de leur apparaître comme
si elle s’imposait arbitrairement, et par conséquent
comme si elle les enfermait ou les emprisonnait en
elle. »1
La démocratie
DÉCLARATION DES DROITS DE L’HOMME
ET DU CITOYEN DE 1789
Article IV
La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne
nuit pas à autrui : ainsi l’exercice des droits naturels
de chaque homme n’a de bornes que celles qui
assurent aux autres Membres de la Société, la
jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne
peuvent être déterminées que par la Loi.
Article V
La Loi n’a le droit de défendre que les actions
nuisibles à la Société. Tout ce qui n’est pas défendu
par la Loi ne peut être empêché, et nul ne peut être
contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas.
Article VIII
La Loi ne doit établir que des peines strictement
et évidemment nécessaires, et nul ne peut être
puni qu’en vertu d’une Loi établie et promulguée
antérieurement au délit, et légalement appliquée.
Déclaration universelle
des droits de l’homme (DUDH)
du 10 décembre 1948
Article 18
Toute personne a droit à la liberté de pensée, de
conscience et de religion ; ce droit implique la
liberté de changer de religion ou de conviction
ainsi que la liberté de manifester sa religion ou sa
conviction seule ou en commun, tant en public
qu’en privé, par l’enseignement, les pratiques, le
culte et l’accomplissement des rites
La démocratie s’institue et se maintient dans la
dissolution des repères de la certitude2
Fût-elle voulue et réclamée par la majorité des membres d’une
nation, par la majorité des citoyens, une loi votée par les
représentants du peuple, par les élus de la nation, porte atteinte
à l’esprit de la démocratie si elle ne respecte pas els principes
1 Robert Legros, L’avènement de la démocratie,p°377-378 générateurs de la société démocratique : si elle fait obstacle à
l’égalisation des conditions, par exemple en restaurant des
Grasset, Paris, 1999.
discriminations fondées sur des critères« naturels » ; ou si
2 Claude Lefort, Essai sur le politique : XIXe – XXe elle renie le principe d’autonomie humaine, par exemple en
siècles, , p°29, Le Seuil Paris, 1986, cité par Robert Legros,
soumettant l’information à la censure, ou en imposant des
L’avènement de la démocratie,p°379 Grasset, Paris, 1999.
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Module 3 - 6 novembre 2010
limites à la recherche de la vérité scientifique, ou en cautionnant
une autorité qui ne se soumettrait pas au principe du libre
examen, ou en visant à abolir la publicité du débat politique ; ou
encore si elle méconnaît l’indépendance des individus, par exemple
en violant leur droit à une vie privée, ou en les définissant par
une appartenance communautaire conçue comme naturelle, ou en
bafouant le principe de la non-rétroactivité de la loi pénale, ou
encore ne mettant en péril l’indépendance de la magistrature à
l’égard du pouvoir exécutif ou du pouvoir législatif.3
L’autonomie : un mot, des notions
Je voudrais considérer ici quatre figures de l’autonomie :
la philosophique, la psychologique, la physiologique, et
la politique.
1. L’autonomie philosophique
Le Dictionnaire rappelle qu’« Etymologiquement,
[l’autonomie est la] condition d’une personne
ou d’une collectivité autonome, c’est-à-dire qui
détermine elle-même la loi à laquelle elle se soumet. »
Pour Kant, l’autonomie implique une totale
indépendance à l’égard de tous les déterminants possibles
autres que la loi morale intérieure.« L’autonomie de la
volonté est l’unique principe de toutes les lois morales
et des devoirs conformes à ces lois ; au contraire,
au contraire, toute hétéronomie de l’« arbitre » non
seulement ne fonde aucune obligation, mais s’oppose
plutôt au principe de l’obligation et à la moralité de la
volonté. C’est en effet dans l’indépendance à l’égard
de toute matière de la loi (c’est-à-dire à l’égard d’un
objet désiré) et pourtant, en même temps, dans la
détermination de l’« arbitre » par la simple forme
législatrice universelle, dont une maxime doit être
capable, que consiste l’unique principe de la moralité.
Or, cette indépendance est la liberté au sens négatif,
alors que cette législation propre de la raison pure
et comme telle pratique est la liberté au sens positif.
La loi morale n’exprime donc pas autre chose que
l’autonomie de la raison pure pratique, c’est-à-dire de
la liberté, et celle-ci est même la condition formelle de
toutes les maximes, condition à laquelle seule celles-ci
peuvent s’accorder à la loi pratique suprême. »
philosophes :« Le mot, quand on n’est pas kantien, vaut
surtout comme idéal. Il n’indique pas un fait, mais un
horizon, un processus, un travail. Il s’agit de se libérer le
plus qu’on peut de tout ce qui, en nous, n’est pas libre.
[...] cette autonomie n’est pas donnée, elle est à faire,
et toujours à refaire. Il n’y a pas d’autonomie ; il n’y a
qu’un processus, toujours inachevé, d’autonomisation.
On ne naît pas libre ; on le devient. »
Si l’autonomie montre une direction à suivre, la quête
à poursuivre, le philosophe sait bien qu’il s’agit là d’un
idéal, dont lui-même n’est jamais certain d’être un
exemple jusqu’au bout. Ecoutons ce que nous rapporte
Thomas de Quincey, secrétaire de Kant aux derniers
jours de sa vie. Ce dernier disait à des amis, à la fin de sa
vie (1799-il est décédé le 18/02/1804) :« Messieurs, je
suis vieux et faible, et puéril, et il faut que vous me traitiez
en enfant. »4 Ordre auquel obéit l’entourage :« Les accès
d’impatience [...] donnaient des raisons de craindre que,
vu les croissantes infirmités de Kant, il n’en résultât
un entêtement général et une grande opiniâtreté de
tempérament. En conséquence, dans mon propre
intérêt, et non moins dans le sien, j’établis alors une
règle pour ma future conduite dans sa demeure ; qui
était qu’en aucune occasion je ne permettrait à la
révérence que j’avais pour lui d’oblitérer l’expression
la plus ferme de ce qui paraissait d’opinion juste sur
des sujets touchant à sa santé ; et que, dans les cas
de grande importance, je ne ferais aucun compromis
avec ses humeurs particulières, mais exigerais, non
seulement la prise en compte de mes vues, mais aussi
leur adoption pratique ; ou, si cela m’était refusé, que je
me retirerais aussitôt, refusant d’être tenu responsable
du confort de quelqu’un que je n’avais aucun pouvoir
d’influencer. Et ce comportement fut ce qui me gagna
la confiance de Kant ; car il n’était rien qui lui répugnât
davantage que le moindre soupçon de flagornerie ou
de soumission inspirée par la crainte. »5 Le philosophe
est ici, cruellement, ramené au principe de réalité,
qui limite la liberté et l’empêche d’être dans les faits,
l’absolu rêvé. Toutefois, la triste réalité psychologique
et physiologique de la sénescence de Kant n’ôte rien à
la valeur philosophique de son œuvre. Il demeure que,
même si l’éclairage d’autres philosophes en modifie
la coloration, la figure philosophique de l’autonomie
Il s’agit ici d’une liberté absolue de toute contrainte,
ou de toute inclination des sens. Une telle vision
absolue de l’autonomie n’est pas partagée par tous les 4 Thomas De Quincey, Les derniers jours d’Emmanuel Kant,
p°29, éditions Mille et une nuit, 1996.
3 Robert Legros, L’avènement de la démocratie,p°87 Grasset,
Paris, 1999.
5 Thomas De Quincey, Les derniers jours d’Emmanuel Kant,
p°33-34, éditions Mille et une nuit, 1996.
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Module 3 - 6 novembre 2010
dessinée par Kant reste un idéal qui marque notre De plus, Mucchielli parle des ressorts de l’inconscient.
pensée depuis les Lumières.
L’usage de ce mot implique que, dans la vision de
l’auteur, l’esprit humain peut être abordé comme une
2. Problème de l’autonomie psychologique
machine (songeons au Grand Horloger de Voltaire),
La psychologie explore les mécanismes de la pensée, dont les rouages sont certes compliqués, mais
des sentiments humains. La discipline jette donc un compréhensibles. La causalité linéaire est désuète, mais
certain regard sur le monde, et les interrelations qu’elle la causalité complexe ne demande qu’à se développer
y étudie. Le paradigme (c’est-à-dire la grille d’analyse pour rendre comte de la conduite humaine et des
dont le praticien n’est plus forcément conscient, tant significations données à ce qui advient. Les divers
elle a pu être intériorisée) de cette science est que éléments qui pèsent sur les ressorts sont à chercher
nos actes ne sont pas aléatoires, et qu’il y a moyen de tant au-dedans qu’au-dehors de nous. Un tel modèle
trouver des liaisons entre tel ou tel état de conscience de l’esprit et du comportement humain ne laisse pas
de place à l’autonomie telle que définie (rêvée ?) par
et tel ou tel élément extérieur.
les philosophes. Il est d’ailleurs impossible qu’elle ait
La conclusion de l’ouvrage de Alex Mucchielli sur les une place. Car si des pensées ou des comportements
motivations donne un remarquable exemple de cette naissaient par génération spontanée, le principe
même de l’étude des facteurs qui les influencent serait
pensée :
impossible. De même, la notion de résilience peut-elle
« Motiver, c’est intervenir, de différentes façons, pour déclencher des polémiques car elle entrevoit qu’il y a
stimuler un des ressorts inconscients participant plusieurs manières de réagir à une enfance dramatique,
d’une manière ou d’une autre à la construction des et que l’enchaînement des causes et conséquences
significations et mettre du même coup en branle le psychologiques n’est pas aussi simple qu’il n’y
phénomène social complexe qu’est la conduite humaine. paraît. 7 Ce qui semble d’ailleurs un mauvais débat,
Les ressorts inconscients et irrationnels de la parce que le fait d’affirmer que les relations causesconduite humaine sont nombreux. Ils sont soit conséquences ne sont pas simples n’entraînent pas
innés, soit acquis, soit dépendants des interactions l’abandon du modèle causal en lui-même. Ainsi peutet des situations. Ils sont soit communs à beaucoup on comprendre l’absence du mot autonomie (dans
d’individus, soit strictement personnels… Ils se la suite :« …automatisme psychique - automutilation
situent à différents niveaux du psychisme et peuvent – [autonomie-manquant] - autopunition … ») dans
se rapporter à différents contextes : biologiques, le Dictionnaire de Psychiatrie.8 L’autonomie n’a pas
affectif, social, culturel et imaginaire-idéel.
de place dans le regard du psychologue ; peut-être
Le modèle systémique de la complexité avec même le premier devoir de ce dernier, lorsqu’il entend
ses boucles d’interaction entre les niveaux et la prononcer le mot, est-il de s’élever contre le concept
conceptualisation d’un niveau intégrateur rend mieux même.
compte des processus de motivation que les anciens
3. Autonomie physiologique
modèles reposant sur la causalité linéaire.
L’étude de ces motivations repose essentiellement
sur des techniques qualitatives qui essaient de percer Selon le mot d’un chirurgien français, René
les différentes défenses qu’offre l’individu en ce qui Leriche,« La santé c’est la vie dans le silence des
concerne l’appréhension de sa psychologie profonde. »6 organes. » Pourtant, ce silence des organes correspond
à une réalité mouvante : le corps et l’esprit de l’homme
(c’est moi qui souligne).
grandissent puis vieillissent, ils modifient sans cesse
L’apparition de l’inconscient sur la scène de la leurs capacités au cours de la vie. Pour Georges
pensée a eu des implications profondes : disparition Canguilhem, l’autonomie, c’est-à-dire la capacité de se
de la transparence du sujet à lui-même, possibilité donner des normes, est à la base de l’état de bonne
que d’autres que lui comprennent mieux que lui santé :« Etre sain c’est non seulement être normal
sa psychologie profonde, apparition des défenses dans une situation donnée, mais être aussi normatif,
de l’individu contre l’exposition de sa psychologie
profonde.
7 Voir Le Monde Diplomatique de septembre et octobre 2003.
6 Alex Mucchielli, Les Motivations, 5e édition remise à jour,
p°122, Que-sais-je? PUF, Paris, 2000.
8 Pierre Juillet, Dictionnaire de Psychiatrie, p°43-44, Conseil
International de la Langue Française, PUF, Paris, 2000.
- 17 -
Module 3 - 6 novembre 2010
dans cette situation et d’autres éventuelles. Ce qui
caractérise la santé c’est la possibilité de dépasser qui
définit le normal momentané, la possibilité de tolérer
des infractions à la norme habituelle et d’instituer des
normes nouvelles dans des situations nouvelles. On
reste normal, dans un milieu et un système d’exigences
donnés, avec un seul rein. Mais on ne peut plus se
payer le luxe de perdre un rein, on doit le ménager et se
ménager. » L’autonomie se retrouve, mais la tolérance
aux variations est diminuée.« La santé, c’est une marge
de tolérance des infidélités du milieu. »9 On peut donc
être en bonne santé dès lors qu’on vit d’une manière
qui n’outrepasse pas nos capacités d’adaptation de
notre corps à notre milieu.
4. Autonomie politique
Depuis l’avènement de la démocratie, le modèle de
citoyen est devenu celui de l’individu autonome,
capable de poser librement les actes qu’il veut :« La loi
n’a le droit de défendre que les actions nuisibles à la
société. Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut
être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce
qu’elle n’ordonne pas. » 11
Le basculement de l’idée d’homme à cette époque
procède d’une relativisation de ce qui était tenu pour
évident (songeons par exemple aux tahitiens de
Diderot, qui confrontent le Français à une civilisation
qui a une toute autre échelle des valeurs). Auparavant,
« On peut vivre à la rigueur avec bien des malformations les valeurs apparaissaient comme naturelles, donc non
ou des affections, mais on ne peut rien faire de sa vie, soumises à critique :
ou du moins on peut toujours en faire quelque chose « L’affaiblissement de l’argument d’autorité qui est
et c’est en ce sens que tout état de l’organisme, s’il au commencement du mouvement démocratique
est adaptation à des circonstances imposées, finit, tant d’autonomisation
vient
également
d’une
qu’il est compatible avec la vie, par être au fond normal. dénaturalisation, plus précisément d’un estompement
Mais cette normalité est payée du renoncement à toute des signes de la grandeur et de la supériorité
normativité éventuelle. » 10 Cet aspect de la normalité incontestables des autorités, comme si les apparences
est illustré par le récit de Didier Gossiaux, qui nous d’une incarnation du divin ou les indices d’une
décrit la libération que fut pour lui la capacité de vivre présence de l’au-delà ne rayonnaient plus dans les
seul. Il souffre de maladie neuromusculaire. Après manifestations de l’autorité. [...] Le relâchement des
avoir été condamné à vivre en institution pendant des liens communautaires qui est à l’origine du mouvement
années, il décrit que le seul fait d’espérer vivre seul, démocratique d’individualisation est lui aussi le
dans des habitations proches d’une cellule d’« Aide à fruit d’une dénaturalisation : comment se serait-il
la vie journalière » a transformé le regard qu’il jetait produit sans l’apparition d’un écart au sein même de
sur lui-même.« J’allais retrouver une personnalité, l’expérience quotidienne, entre l’ordre communautaire
une raison de vivre, une identité, être respecté. » et l’ordre naturel (surnaturel) du monde ? Dès lors
La maladie le limitait, certes, mais il redevenait qu’une communauté aristocratique ne s’impose plus
capable de décider seul de certains éléments de son sous la forme d’une communauté naturelle (dès lors
quotidien. Si objectivement, son corps ne devenait qu’elle perd sa forme communautaire), elle est ressentie
pas capable de meilleures performances, l’obtention par ses membres comme si elle n’était façonnée
d’un environnement adéquat lui ouvrait la porte que par une tradition parmi d’autres, ne relevait que
de l’autonomie et un retour vers la santé. Mais seul d’une coutume, et par suite ne peut manquer de leur
l’environnement bien précis d’une habitation pensée apparaître comme si elle s’imposait arbitrairement,
spécialement lui permet cela.« [...] cette normalité et par conséquent comme si elle les enfermait ou
est payée du renoncement à toute normativité les emprisonnait en elle. ». C’est très exactement le
éventuelle »…Nous voyons donc ici comment peut processus de libération de cet enfermement que
se dessiner la figure physiologique de l’autonomie, en déploie l’autonomie politique : l’individu est reconnu
rapport avec la santé et la capacité d’assumer à la fois comme capable d’avoir des idées originales, de
sa condition et ses projets de vie.
choisir son époux, son métier, son lieu de résidence
librement, sans pour autant saper les bases de la
9 Georges Canguilhem, Le normal et le pathologique, p° 130,
Quadrige-Presses Universitaires de France, Parsi, 1991
10 Georges Canguilhem, Le normal et le pathologique, p° 133,
Quadrige-Presses Universitaires de France, Parsi, 1991
11 Article 5. Déclaration des droits de l’homme et du Citoyen
du 26 août 1789. Cité par Guy Haarscher, Philosophie des
droits de l’homme, 3e édition, p°142, Editions de l’Université
de Bruxelles, Bruxelles, 1991.
- 18 -
Module 3 - 6 novembre 2010
société. Cette autonomie est bien entendu assortie
à la responsabilité : si on se trompe en déterminant
son métier, on en subit des conséquences plus dures
psychologiquement : outre le malheur de l’absence de
réussite, il y a le douloureux sentiment de n’avoir pas
été capable de faire le bon choix ; ce sentiment-là était
épargné lorsqu’on pouvait attribuer le choix au sort
de la naissance ou aux décisions du milieu familial et
social. De même, on a le droit d’épouser le mauvais
conjoint. Car que signifierait une liberté qui ne
laisserait que la possibilité de faire le seul bon choix (et
qui aurait l’autorité pour désigner ce seul bon choix ?).
La liberté implique le droit de se tromper.
Cette notion d’autonomie se retrouve dans les
principes de la bioéthique moderne, qui insiste pour
laisser les patients faire les choix pour eux-mêmes :« La
personne autonome détermine ses actions en fonction
d’un plan choisi par elle-même. » 12 Une fois encore,
cette liberté politique n’implique pas que le choix
soit bon dans l’absolu ; c’est simplement, celui qu’un
individu croit, en toute bonne foi, devoir faire pour
lui-même ; la société reconnaît au citoyen le droit de
faire ses choix, qui ne seront pas ceux du voisin, et elle
reconnaît à chacun le droit de se tromper, en portant
la responsabilité des conséquences de la décision.
L’autonomie politique ne connaît donc pas les figures
de l’autonomie psychologique (la société n’explore
pas les motivations des choix) ni de l’autonomie
physiologique – si l’on excepte les fous déclarés tels et
mis sous tutelle, ce qui doit rester exceptionnel.
La dignité
Un exemple de concept confus est celui de dignité.
C’est au nom de la dignité de l’homme que l’on rédige
des conventions internationales13, mais c’est le même
concept de dignité qui est utilisé par certains pour
dire que leur la préservation de leur dignité exige des
femmes musulmanes qu’elles soient protégées des
regards lubriques des hommes, et donc, au nom de
12 the autonomous person determines his or her course of
action in accordance with a plan chosen himself or herself.
Tom L. Beauchamp and James F. Childress, Principles of
Biomedical Ethics, p° 59, second edition, Oxford University
press, New York-Oxford, 1983.
13 Par exemple, la «Convention pour la protection des droits
de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des
applications de la biologie et de la médecine»du Conseil de
l’Europe
leur dignité, les soumettre à l’obligation de porter l’une
ou l’autre version du voile. L’utilisation du concept de
dignité est ici en opposition avec celui de liberté.
Le danger est qu’une fraction de la société (ou de l’humanité,
par exemple une communauté religieuse ou une tendance idéologique) définisse et impose aux autres sa conception de la dignité de l’être humain. La question est donc : qui aura le droit de
définir et le pouvoir d’imposer la dignité de l’être humain à tout
être humain ? [...]
La notion de dignité de l’être humain - dont la portée se voudrait à la fois axiologique et ontologique puisqu’elle prétend définir en quoi consiste la valeur essentielle de l’être humain - doit
être utilisée avec prudence. Sinon, elle peut conduire à des positions dogmatiques et fondamentalistes qui ne sont pas absentes
de certaines tendances bioéthiques cherchant à« déduire » toutes
les valeurs et toutes les normes à partir d’une certaine conception
de la dignité ( de ce qui est »sacré » :« intouchable » absolument
), jugée fondamentale.
L’articulation philosophique entre les notions de liberté et de dignité est nécessaire et délicate. Probablement Kant l’a-t-il exprimée de la manière la plus rigoureuse en montrant que la dignité
de l’être humain réside ultimement dans l’autonomie et la promotion de l’autonomie en tout être humain : le respect de la dignité de la personne est le respect de l’autonomie de la personne.
L’exercice de la liberté doit se faire dans le respect de la dignité de l’autre et la détermination de la dignité dans le respect de
l’autonomie d’autrui.14
L’autre importe plus pour moi que la transcendance
qui, éventuellement, m’habite, et c’est à lui de définir ce qu’est sa dignité. Je me chargerai de définir la
mienne.
Le second humanisme de Luc Ferry, ou la contradiction
Luc Ferry pense le monde contemporain comme celui
qui, après la déconstruction, se reconstruit une transcendance (ce pour quoi on donnerait sa vie) à travers
l’amour de sa famille, mais plus largement, de l’autre
homme (et certains ajoutent les animaux)
Une spiritualité laïque basée sur l’amour de l’autre,
voilà ce qu’entrevoit L Ferry.
Pourtant, lorsqu’il s’agit de discuter d’euthanasie, c’està-dire d’une mort accordée à un autre par compassion,
ce qui lui évite d’être condamnée par le bouddhisme, L
Ferry va exhumer la notion de dignité, et insiste sur le
fait qu’il n’est pas acceptable qu’une vision extérieure
considère la mort d’un autre homme comme indigne.
14 Gilbert Hottois : Une lecture philosophique critique de
la Convention Européenne de Bioéthique. Ethica Clinica,
n°13« Ces normes éthiques qui viennent d’ailleurs... », mars
1999.
- 19 -
Module 3 - 6 novembre 2010
Il y a là une confusion, consciente ou inconsciente,
entre la vision de la dignité imposée de l’extérieur et
celle considérée par le patient lui-même, qui estime
qu’une telle mort n’est pas digne de ce qu’il voulait
être ou laisser comme image finale de lui.
Il importe donc, à ce moment, de trouver un médecin
qui se pense, non pas comme le Lieutenant de la Vie,
mais bien plus comme un homme qui tente d’aider,
aussi bien qu’il le peut, selon ses propres choix, un
frère humain.
Il importe également de faire comprendre à ceux qui
nous suivront qu’aucune liberté n’est jamais gagnée définitivement. Nous avons vu, au cours de la décennie
écoulé, des pays qui avaient été de grandes démocraties, instaurer le mensonge comme système e gouvernement, et réhabiliter la torture comme moyen ordinaire d’atteindre leur politique. Ainsi, il est important
que, après nous, d’autres édecins acceptent de pratiquer des avortements, et acceptent d’aider à mourir,
lorsqu’ils le veulent et qu’il n’y a pas d’autre issue, ceux
qui le demandent…
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Module 3 - 6 novembre 2010
Le travail des médecins du Forum
Focus sur le projet INAMI
Dr D. Lossignol (Ulb Institut Bordet, Bruxelles)
Forum EOL
•
•
•
•
•
•
•
06 novembre 2010
Bienvenue
9:00 - 13:00
Programme
Pause à 10:20 – 10:30
N° activité (UFC): 10018492
Paiement/ Attestation (pas de complaisance)/ Notes
(www.admd.be)
• Remerciements
Le travail des médecins du
Forum/Focus sur le projet INAMI
(« 2e médecin »)
Rôles des médecins E.O.L
•
•
•
•
•
Rôles des médecins E.O.L
Conseils/aide auprès des collègues
Formation
2è avis
Projet INAMI
Arrêté royal
• Aide auprès des médecins traitant.
• Spécialisation en matière de fin de vie.
• Offre d’une expertise dans le respect
scrupuleux des exigences à satisfaire.
• Accord médico-mutualiste (20 12 2007) qui
prévoit une rémunération adaptée.
• Désignation d’un « pouvoir organisateur »
• Conscientisation de ce « rôle »
Euthanasie: Cas de figure
• Demande explicite
L’euthanasie légale:
Aspects pratiques
– Diagnostic
– Rechute
– Complications
• Demande suggérée
Dr Dominique LOSSIGNOL
– Proches
– personnel
Institut Jules Bordet
Forum EOL
- 21 -
Module 3 - 6 novembre 2010
Ce qui n’est pas une euthanasie…
Dose létale
• Overdose/Poisoning
• Expérience acquise lors de tentatives
d ’autolyse
• Anesthésiologie
• Accidents
• Expérience animale
• Garantir une mort digne
• Contrôler la douleur
• Prévenir une mort « inconfortable »:
– Dyspnée
– Hémorragie
– Atteinte du SNC
• Protocoles de détresse
L’euthanasie en pratique
Aspects pratiques
•
•
•
•
•
•
•
•
Techniques à éviter
– Sédation « terminale » par dormicum (midazolam) en
perfusion avec
– Arrêt de l’alimentation et de l’hydratation : complexe, durée
imprévisible, persistance éventuelle de symptômes à
traiter, complications, etc.
– « Cocktails lytiques » à base de morphine: mêmes
inconvénients + vomissements
– Techniques violentes: KCl
– Proposer le suicide
–…
Garantir l ’intimité
Voie d ’accès
Contacts préalables
Médications disponibles
Présence médicale
Ne pas déléguer l ’acte…
Note au dossier
Déclaration obligatoire – « Mort naturelle »
Aspects pratiques
• Technique « mixte »: (per os + curarisant si nécessaire)
• 1 H. avant :Primpéran 20 mgr P.O. ou 10 mgr IM
• Induction du coma :
• Voie intraveineuse
– anxiolyse (BZD)
– thiopenthal 1 à 2 gr IV D (voire 3 gr…)
– curarisant ( suxametonil (Myoplégine®) 100 mg ou
dibromide de pancuronium ( Pavulon®) 20 mg ou
cisatracurium (Nimbex®) 10 mg
– Ne pas mélanger le penthotal avec un autre
médicament ! (Floculation)
– 9 à 11 gr de pento- ou secobarbital (dissoudre dans un
mélange 10cc propylène glycol + 20 cc alcool + 15 cc eau
et ajouter 50 cc de sirop (écorces d’oranges ou autre) avec
éventuellement un correcteur de goût (anis). Boire
rapidement (pas de paille)
– (Conserve au frigo mais pas plus de 5 jours)
- 22 -
Module 3 - 6 novembre 20102
Ce qu’il faut savoir…
pour le médecin
• Après la perte de conscience si le décès tarde à
survenir :
• Pavulon ou Norcuron 20 mgr ou Tracrium 50 mgr
en IV lent (En cas de perfusion : laver le
pentothal avant d’ajouter le curarisant)
• (si IM : dose double (muscle bien irrigué ; pas plus
de 10 cc au même endroit ; prévenir éventuellement
la douleur par M+).
1. Lettre du patient : L’aider à la rédiger ou s’assurer
que c’est fait.
2. Notes des différents intervenants au dossier
3. Document pour la Commission de contrôle (à
télécharger : www.health.fgov.be/euthanasie )
4. Médicaments (3 flacons de penthotal, une ampoule
de curarisant, dormicum si nécessaire) Rappel :
c’est au médecin de se procurer ces produits)
5. Voie d’accès IV
6. Déclaration de décès : « mort naturelle »
Ce qu’il faut savoir…
pour le patient
Réflexions…
1.
2.
3.
4.
• Impact de l’acte d’euthanasie chez les
soignants, les proches
• « Identification » des médecins
• « Identification » des centres
• Formation en amont dans le cursus
universitaire
• Reconnaissance du « second médecin »
Désigner un médecin de référence
Informer les personnes de son choix
Ecrire la lettre
Choisir le lieu, la date…en tenant compte
des disponibilités de son médecin
- 23 -
Module 3 - 6 novembre 2010
3
Technique de Fin de vie
Dr D. Lossignol (Ulb InstitutEBordet, Bruxelles)
THIQUE ET ECONOMIE
L’euthanasie en pratique, produits et
techniques à utiliser
Euthanasia : medications and medical procedures
D. Lossignol
Unité de Soins Supportifs et Palliatifs, Institut Jules Bordet
RESUME
ABSTRACT
La pratique de l’euthanasie est régie par une loi
depuis 2002. Celle-ci permet aux médecins d’aider
leurs patients lorsque les souffrances physiques
ou psychiques sont inapaisables. Les conditions
légales sont claires et explicites. Toutefois, les
moyens et les techniques à utiliser ne sont pas
prévus dans le cadre légal. Le présent article se
propose d’aborder, outre les situations cliniques
rencontrées en fin de vie, les différentes
procédures
possibles,
essentiellement
médicamenteuses.
Une attention particulière est portée sur l’impact
émotionnel de l’acte de l’euthanasie.
The Belgian law relative to euthanasia has been
published in 2002.
A physician is allowed to help a patient with
intractable suffering (physical or psychological).
Legal conditions are clear. However, nothing is
said about medical procedures or medications to
be used. The present paper will present specific
clinical situations at the end of life, practical
procedures and medications.
A special focus is made on psychological impact
of euthanasia.
Rev Med Brux 2008 ; 29 : 435-40
Key words : euthanasia, Belgian law, medications,
medical procedures
Rev Med Brux 2008 ; 29 : 435-40
Un soir d’été, Mr J-M L, atteint de la maladie de
Charcot, s’est éteint paisiblement après avoir demandé
et obtenu l’aide d’un médecin. En quittant le domicile,
ce dernier ne s’est pas dit : “ Qu’ai-je fait ? ” mais “ L’aije bien fait ? ”…
dans la Dignité (ADMD), qu’aux Pays-Bas et il existe
différents sites sur la toile dédiés à cette question.
Toutefois, il est utile de rappeler les éléments essentiels
à considérer lorsqu’un médecin est confronté à une
demande d’euthanasie ou à une aide en fin de vie.
INTRODUCTION
Nous aborderons successivement le traitement
de certaines complications rencontrées en fin de vie, la
sédation dite “ contrôlée ” ou “ terminale ”, la pratique
de l’euthanasie proprement dite et le suicide
médicalement assisté. Cette précision se justifie par le
fait qu’il est encore trop souvent fait un amalgame entre
ces différentes pratiques et qu’il est nécessaire d’en
définir les champs d’application. Enfin, il ne faudra pas
passer sous silence la gestion de la charge
psychologique et émotionnelle que représente une
demande d’euthanasie.
L’approche de la fin de vie a pris une nouvelle
dimension dans notre pays depuis la mise en
application de la loi relative à l’euthanasie et aux soins
palliatifs en 2002.
Le texte légal, s’il précise clairement les
conditions à respecter, ne mentionne pas les
techniques, les produits à utiliser (ce n’est d’ailleurs
pas le rôle du législateur). Toutefois, le médecin qui
accepte d’aider son patient se doit d’appliquer des
méthodes adéquates, en accord avec la bonne pratique
médicale et les connaissances scientifiques du
moment.
Cet aspect, bien que non “ technique ” mérite
une attention particulière et sera abordé en fin de texte.
Enfin, nous ferons état des problèmes rencontrés sur
le terrain en médecine générale, en tentant d’apporter
des éléments de réponse.
Des informations ont été éditées tant en Belgique,
notamment par l’Association pour le Droit de Mourir
- 25 -
Rev Med Brux - 2008
435
Module 3 - 6 novembre 2010
SYMPTOMES EN FIN DE VIE
De nombreuses situations peuvent être
rencontrées en fin de vie, notamment dans le cas
d’affections telles le cancer ou les affections
neurologiques évolutives. Il n’est pas question de
décrire ici chacune d’entre elles mais nous nous
efforcerons d’en cerner davantage certaines, en tenant
compte de leur fréquence respective et surtout de la
complexité qu’elles représentent en ter me s de
traitement. Rappelons d’emblée que traiter ces
complications ne peut être assimilé à une euthanasie
et que la garantie d’une fin de vie digne fait partie
intégrante des prérogatives de la médecine.
La dyspnée terminale
Les causes de ce trouble sont multiples et si son
traitement s’attache à traiter la cause, les éléments
causaux rencontrent rarement une solution
thérapeutique efficace et durable notamment en fin de
vie. Les épanchements cloisonnés, les infiltrations
lymphatiques métastatiques (lymphangite carcinomateuse), les obstructions des voies aériennes
provoquent des syndromes restrictifs et/ou obstructifs
sévères, réfractaires aux traitements symptomatiques
conventionnels. Hormis les techniques de vidange ou
la mise en place d’endo-prothèses, il n’existe pas de
traitement spécifique.
souvent dans les cas de cancer de la sphère ORL.
Cette hémorragie est associée à une infiltration de la
paroi de la carotide ou d’une de ses branches. Elle
peut se produire vers l’extérieur ou vers l’intérieur de
l’organisme (trachée, œsophage) et survient davantage
après intervention chirurgicale, radiothérapie et bien
entendu en cas de récidive locale. C’est l’attitude
préventive qui prime, en ayant recours à des
pansements compressifs, à des techniques
d’embolisation ou de ligature, à des médicaments qui
inhibent la fibrinolyse tels l’acide tranexamique
(Exacyl® ampoule de 500 mg dans 5 ml), ou encore à
des transfusions de plaquettes ou de plasma frais
congelé 2.
En cas de rupture carotidienne, une sédation
rapide est requise en reprenant les dispositions décrites
à l’occasion de la dyspnée terminale. Cependant, il est
sans doute préférable de ne pas attendre l’accident
pour réagir et une sédation préalable doit être discutée
avec le patient.
Les médicaments susceptibles d’aggraver une
diathèse hémorragique seront écartés. De même, les
médicaments hypotenseurs n’ont pas leur place dans
la prévention des hémorragies terminales, car ils ne
font qu’accentuer l’inconfort du patient et ne retardent
en rien la survenue du saignement.
Agitation / delirium
Le but sera avant tout de soulager le patient et
de contrôler activement l’anxiété, qui constitue un
facteur aggravant de la dyspnée. Les propositions
thérapeutiques sont reprises au tableau 1.
Tableau 1 : Traitement de la dyspnée terminale.
Favoriser un environnement
aéré
Disposer d’un nébulisateur
Oxygénothérapie
Anxiolyse
Morphine*
Broncho-dilatateurs
Réduction des sécrétions
fenêtres, ventilateur, réduction du
nombre des visites
sonde nasale (lunette), masque
alprazolam (Xanax®) 0,5 à 1 mg
lormétazépam (Témesta®) 2,5 mg
midazolam (Dormicum®) 1 à
2 mg/h SC ou IV
5 à 10 mg SC ou IV lente
salbutamol (Ventolin®) 100 µg
glycopyrrolate (0,5 mg) +
néostigmine (2,5 mg) (Robinul®)
L’agitation psychomotrice en fin de vie peut être
provoquée par différents facteurs souvent concomitants.
La prise en charge des troubles affectifs, de l’anxiété
et du delirium a fait l’objet de revues exhaustives3,4.
Les phénomènes hallucinatoires occasionnent une
souffrance extrême du patient, des proches et des
soignants et imposent une attitude rigoureuse.
Un diagnostic étiologique s’impose dans chaque
cas même si un traitement symptomatique doit être
instauré sans tarder. Les principes de prise en charge
sont repris au tableau 2. L’usage des neuroleptiques
atypiques tels la clozapine (Leponex®), l’olanzapine
(Zyprexa®) ou la rispéridone (Risperdal®) qui
induiraient moins de symptômes extra-pyramidaux, n’a
pas encore fait l’objet d’étude clinique dans ce domaine.
* Majorer de 50 % si un traitement antalgique par morphinique
est en cours.
Le recours à la morphine délivrée par aérosol
dans le traitement de la dyspnée ne fait pas l’objet d’un
consensus, même si certains travaux soutiennent cette
attitude1.
Tableau 2 : Traitement de l’agitation en phase terminale.
Informer la famille
Corrections des troubles
métaboliques éventuels
Neuroleptiques
La dose proposée est de 5 à 10 mg dans 5 cm3
d’eau, en nébulisation.
En cas d’échec, une sédation doit être envisagée
et discutée avec le patient (voir infra).
La menace d’hémorragie
Le risque d’hémorragie brutale survient le plus
436
Benzodiazépines**
Anticomitial
hypercalcémie, hyponatrémie
halopéridol (Haldol®) 5 à 20 mg/j*
dropéridol (Dehydrobenzperidol®)
5 à 20 mg/j
prothipendyl chlorydrate
(Dominal®) 40 à 80 mg
midazolam (Dormicum®) 1 à 2 mg/h
clonazépam (Rivotril®) 0,5 à 1 mg IV
* La dose de neuroleptiques à utiliser dépend de la gravité du
syndrome.
** Les benzodiazépines peuvent parfois induire une aggravation
paradoxale de l’agitation.
Rev Med Brux - 2008
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Module 3 - 6 novembre 2010
Les médicaments proposés sont repris au
tableau 3. L’usage de plusieurs molécules permet
d’éviter de saturer un type de récepteur, ce qui réduit
le risque d’effets secondaires indésirables. Devant le
phénomène de tolérance, il est judicieux de majorer
les doses de 30 % toutes les 6 à 12 heures.
Si en outre, des phénomènes convulsifs sont
présents, ils devront également faire l’objet d’un
traitement spécifique, encore que le phénobarbital
puisse être proposé en première intention.
En cas de troubles anxieux sévères ou d’agitation
nocturne, la sédation contrôlée offre une alternative
utile mais dont l’application est délicate (voir infra).
Tableau 3 : Sédation contrôlée.
Midazolam (Dormicum®)
Halopéridol (Haldol®)
Propofol ** (Diprivan®,
Propofol®)
Opiacés
Prométhazine (Largactil®)
La sédation “ contrôlée ” ou “ terminale ”
L’application de la sédation terminale est un
procédé complexe à mettre en œuvre et requiert une
attention particulière quant à sa dimension éthique. En
effet, l’induction d’un sommeil artificiel maintenu
jusqu’au décès peut être assimilée à une euthanasie
non volontaire, surtout si la mort survient en dehors
d’une complication aiguë. Il est largement accepté qu’en
situation d’état de nécessité (menace d’hémorragie
massive, dyspnée terminale), la pratique d’une sédation
s’impose, même si les moyens mis en œuvre auront
pour effet de précipiter la mort (Article 96 du code de
déontologie). Par contre, cette même sédation ne
devrait pas être proposée en réponse à une demande
d’euthanasie. Les défenseurs d’une telle attitude
justifient leur geste par le fait que la demande
d’euthanasie est sous-tendue par un état dépressif,
pouvant être contrôlé par un sommeil artificiel comme
c’est le cas dans des syndromes dépressifs sévères
réfractaires (phénomène d’amnésie obtenu après usage
d’électrochocs sous anesthésie générale). Ce sommeil
est entrecoupé de phases de réveil afin de s’assurer
de la persistance ou non de la demande. Cette position
pour acceptable qu’elle soit dans le domaine de la
psychiatrie ne trouve pas sa pleine justification
lorsqu’elle s’applique à des patients atteints de maladie
chronique à pronostic fatal. Cet acharnement à
maintenir la vie à tout prix en faisant taire le patient est
pour le moins critiquable. Aucune donnée n’est
disponible à propos de “ l’efficacité ” réelle de ce
procédé mais il apparaît que l’espérance de vie est
particulièrement courte dès lors qu’une sédation active
est entreprise (de l’ordre de 72 heures à 7 jours)5. Le
recours trop systématique à la sédation en fin de vie
sous prétexte d’assurer une euthanasie passive peut
difficilement échapper à l’accusation d’hypocrisie6. Il
n’est cependant que difficilement envisageable de
mener une étude prospective sur la question mais
l’expérience clinique peut déjà constituer en soi un
élément de réflexion. De prime abord, la sédation
terminale ne s’indique que dans les états de nécessité
tels que décrits plus haut.
2 mg/h IV ou SC - Dose à
adapter sans dépasser 10 mg/h
20 mg/24 h IV ou SC
200 à 500 mg par 24 h en IV
En fonction des antécédents, des
traitements antalgiques *
50 à 100 mg/24 h IV
* Les traitements antalgiques doivent être maintenus.
** Uniquement en usage hospitalier (coût !).
L’EUTHANASIE ACTIVE
Dans un souci de concision, nous nous limiterons
à décrire les moyens efficaces permettant de répondre
à une demande d’euthanasie. Quelques remarques
préalables s’imposent. Toute demande d’euthanasie
telle que précisée dans le texte légal doit faire l’objet
d’une analyse approfondie et aucune décision ne peut
être prise dans l’urgence.
Les modalités de la procédure seront discutées
avec le patient, et sa participation au processus ne
sera pas éludée : le patient prendra-t-il un des
médicaments par voie orale, actionnera-t-il le robinet
de la perfusion, s’attend-t-il à un effet immédiat ou
souhaite-t-il un délai qu’il estime raisonnable ?
Si les connaissances médiales en matière de
toxicologie permettent de déterminer la dose létale de
chacun des médicaments, force est de constater que
rares sont ceux qui peuvent garantir à la fois une
efficacité absolue, une absence de souffrance, et une
accessibilité sans contrainte.
Même si un médicament quelconque peut
entraîner la mort d’un patient en fonction d’une dose
précise, supra-thérapeutique, il ne peut toutefois pas
garantir une fin digne et sans souffrance. Par exemple,
la colchicine est létale à la dose de 20 mg mais une
injection rapide de 2 mg l’est également. Toutefois, les
circonstances de la mort sont particulièrement pénibles
et elles excluent de facto ce médicament dans la
pratique de l’euthanasie. Il en est de même de la dose
létale de morphine, estimée à 200 mg, ce qui dans la
pratique est nettement supérieur aux doses moyennes
utilisées dans le traitement de la douleur.
La publication de règles concer nant les
indications de la sédation a provoqué des réactions en
sens divers, démontrant le malaise qu’implique cette
attitude7,8.
Rappelons qu’en soi, les doses de morphine
n’affectent pas l’espérance de vie9.
D’aucuns avancent même la possibilité d’un
contrôle de la pratique de la sédation dans les unités
de soins, au même titre que le contrôle de la pratique
de l’euthanasie.
Les règles fondamentales pour une pratique
correcte de l’euthanasie sont reprises au tableau 4.
Elles ne sont pas exhaustives. Le médecin doit être
présent lors de la préparation des médicaments et, au
Rev Med Brux - 2008
- 27 -
437
Module 3 - 6 novembre 2010
besoin, il effectuera lui-même les dilutions.
Tableau 6 : Techniques à proscrire (elles ne garantissent ni
une fin de vie digne, ni un décès rapide).
Les médicaments à utiliser en première intention
sont les barbituriques (thiopental, sécobarbital,
pentobarbital), les curarisants, et les anxiolytiques,
essentiellement les benzodiazépines.
Tableau 4 : Pratique de l’euthanasie.
-
Garantir l’intimité du patient : chambre seule à l’hôpital
Assurer une voie d’accès intraveineuse
S’assurer que toutes les personnes concernées ont été
contactées
S’assurer que les médications sont disponibles et en quantité
suffisante
S’assurer que les préparations sont correctement effectuées
Garantir une présence médicale
Ne pas déléguer l’acte
Consigner au dossier l’ensemble de la procédure
L’attitude
recommandée
est
l’injection
intraveineuse de 1 à 2 g de pentobarbital ou de
thiopental, suivie d’une injection de 20 mg de dibromide
de pancuronium, après que le patient ait perdu
conscience10.
Cette attitude trouve un large écho en Belgique,
où les différents rapports de la Commission de Contrôle
ont montré le recours quasi généralisé à cette
technique.
L’administration préalable de lorazépam ou de
midazolam se fera en fonction des attentes du patient
(tableau 5 pour les dosages).
Tableau 5 : Médicaments recommandés pour la pratique de
l’euthanasie.
Lorazépam (Témesta®) ou
2,5 à 5 mg IV lente ou sublingual
Midazolam (Dormicum®)
2 à 3 mg SC ou IV
Thiopental (Penthotal®)
1 à 2 g en IV*
Pancuronium bromure
(Pavulon®)
20 mg en IV
* L’injection IM ou SC est douloureuse.
Le recours à la voie sous-cutanée ou
intramusculaire ne peut s’envisager que si les injections
sont indolores, même lorsque le patient est inconscient.
A ce propos, le thiopental ne peut être injecté qu’en
intraveineux.
La prise orale de 9 g de sécobarbital sodique,
dissout dans 20 ml d’alcool et 15 ml d’eau et aromatisé
à l’écorce d’orange (50 ml) est proposée, avec les
mêmes précautions concernant le risque de
vomissement.
En complément de ce qui précède, il existe
d’autres attitudes parfois proposées en réponse à une
demande d’euthanasie. Si dans l’absolu, le décès
survient invariablement, il n’est en aucun cas possible
de garantir une issue confortable dénuée de toute
souffrance. Elles sont reprises au tableau 6. En
438
Arrêt de tout apport
alimentaire
Extrêmement discutable si la
patient est conscient
Arrêt de l’hydratation
Risque de convulsions,
d’hallucinations
Augmentation progressive
des antalgiques
Pronostic imprévisible, risque
majeur de phénomènes toxiques
(myoclonies, hallucinations)
Proposer le suicide sans
assistance médicale
Incompatible avec le rôle du
médecin
Envisager des options
“ violentes ” (chlorure de
potassium)
Incompatible avec le rôle du
médecin
Estimer que les complications Cette affirmation ne se vérifie
métaboliques garantissent
pas dans la réalité
une fin de vie confortable
(insuffisance rénale ou
hépatique)
par ticulier, il apparaît essentiel de proscrire
formellement l’injection létale de chlorure de potassium,
qui induit une mort violente, pénible et inhumaine.
De ce fait, ces attitudes sont en contradiction
avec l’éthique médicale.
LE SUICIDE MEDICALEMENT ASSISTE
Le recours au suicide médicalement assisté est
considéré comme une réponse adéquate à la demande
d’euthanasie. Toutefois, l’expérience hollandaise montre
que cette pratique pose plus de problèmes au médecin,
celui-ci devant invariablement rester présent tout au
long du processus tout en devant intervenir de façon
active dans près de 20 % des cas : réveil du patient,
échec de l’induction du coma, vomissements 11. Il n’y a
pas de différence éthique entre le suicide médicalement
assisté et l’euthanasie, à condition que le médecin
puisse garantir que la mort survienne dans de bonnes
conditions8.
Toutefois, il est évident que le patient doit être
capable d’effectuer lui-même le premier geste (pas de
paralysie, pas d’occlusion intestinale).
Il reste à discuter si l’association des deux
techniques ne peut représenter la meilleure approche,
à savoir une initiation du processus par le patient, qui
ingère lui-même le produit létal, suivie d’une
intervention du médecin qui administre un myorelaxant.
Constatons que dans l’absolu, cette démarche
reste une euthanasie active.
Enfin, il est à conseiller de ne pas laisser le
patient seul avec sa décision. Au-delà d’une demande
d’euthanasie, il est nécessaire de prévenir tout accès
de mélancolie ou de dépression susceptible de
provoquer un passage à l’acte irréfléchi. Le caractère
fluctuant de l’humeur chez certains patients en fin de
Rev Med Brux - 2008
- 28 -
Module 3 - 6 novembre 2010
vie doit être pris en considération12,13.
Il convient d’insister sur l’importance majeure du
soutien psychologique, tant auprès des proches que
du personnel soignant. Si ceci peut être garanti en
milieu hospitalier, le médecin généraliste se retrouve
souvent seul face à la charge émotionnelle des familles.
Cette situation peut même devenir un obstacle à la
pratique de l’euthanasie, aux détriments du souhait du
patient.
demander l’avis d’un spécialiste de la pathologie
concernée ou un psychiatre (en cas de décès non
prévisible à brève échéance) n’est pas toujours aisé en
médecine générale. S’il existe dans le Nord du pays un
réseau de médecins identifiés (Leif-artsen) disposés à
aider une consœur ou un confrère, cela n’est encore
que trop marginal en Wallonie, même si le
développement du Forum EOL va dans ce sens. C’est
aussi par le biais des GLEMS, des dodécagroupes,
des conférences que l’information peut circuler et dès
lors sensibiliser les soignants à une participation active
au sein du débat.
Il n’existe pas, à l’heure actuelle, de programmes
ou de structures spécifiques destinés à ce problème.
Le Forum EOL (pendant francophone des Leif-artsen)
organise des réunions de travail où ces questions sont
abordées, mais des études prospectives devraient être
menées pour évaluer l’impact que représente un acte
d’euthanasie sur la pratique médicale ultérieure.
Enfin, il est essentiel que toute euthanasie soit
rapportée auprès de la Commission de Contrôle. Les
données actuelles qui font part d’une disparité entre le
Nord et le Sud révèlent indirectement le non
accomplissement de cette tâche, pour tant utile,
citoyenne et finalement respectueuse de la personne
qui a confié sa demande à son médecin14.
Une analyse interne effectuée à l’Institut Jules
Bordet (résultats non publiés) montre que, même si
l’acte est chargé émotionnellement, le médecin a le
sentiment d’avoir accompagné son patient en
respectant son désir et en lui garantissant une mort
digne.
Est-il nécessaire de rappeler que le Code de
déontologie prévoit maintenant les dispositions en
matière d’euthanasie, élément neuf mais hautement
symbolique.
APPROCHE PSYCHOLOGIQUE
Le médecin accomplit de la sorte le dernier geste
d’humanité envers son patient.
Il reste toutefois à analyser en profondeur l’impact
à long terme que représente la pratique de l’euthanasie
tant chez le médecin, qu’au sein de la famille du patient,
et que chez les membres de l’équipe soignante.
D’autre part, des médecins identifiés comme
ouverts aux demandes sont de plus en plus sollicités
dès qu’un patient évoque le sujet, et la multiplication
de ces situations pourrait nuire à la sérénité du colloque
singulier. Là encore, le développement de réseaux
multidisciplinaires tant en milieu hospitalier qu’en
médecine générale se doit de répondre à cette forme
de dérive.
CONCLUSIONS
Les techniques rendant la pratique de
l’euthanasie volontaire possible existent et doivent être
disponibles auprès du corps médical. Leur utilisation
appelle à une rigueur tant sur la procédure à suivre
qu’en ce qui concerne la pharmacologie. De nombreux
médicaments peuvent entraîner un décès à des doses
supra-thérapeutiques mais seuls quelques-uns
garantissent une fin de vie sans souffrance, dans le
respect de la dignité humaine. Connaître les doses
efficaces et les modes d’administration n’implique ni
une apologie de l’euthanasie ni une attitude intolérante,
bien au contraire.
Sor tir la pratique de l’euthanasie de la
clandestinité ne peut que garantir une approche
humaine et respectueuse du souhait des patients tout
en évitant dérives et pratique inadéquate.
EN MEDECINE GENERALE
Les problèmes rencontrés sont de deux ordres,
techniques et humains. L’accès aux produits actifs tels
que décrits plus haut est compromis par le manque de
disponibilité de ceux-ci en officine. Il n’y a pourtant pas
de raison pour qu’un pharmacien refuse la délivrance
de médicaments nécessaires, même s’il est clair que
certains produits sont d’un usage hospitalier comme
les barbituriques injectables ou les curares. A ce titre,
un groupe de travail a élaboré la liste des spécialités
et des produits utiles à laquelle tout médecin peut se
référer. Rappelons que c’est le médecin qui se fournira
en médicaments et non le patient ou ses proches.
De par sa position, le médecin généraliste se
retrouve plus isolé face à une demande d’euthanasie.
Faire appel à un second médecin et au besoin
Une attention particulière doit être apportée à
l’impact psychologique que représente l’acte
d’euthanasie et il faudra garantir aux médecins une
aide à la fois logistique et humaine pour chaque cas.
EPILOGUE
Il n’y a pas si longtemps, un patient écrivait ceci.
“ La mort me guette et certaines nuits sont des
enfers. Ne soyez pas horrifiés, c’est mon ordinaire. Un
jour pas très lointain, je le sais et mon médecin aussi,
je mourrai étouffé, noyé dans mes propres sécrétions.
Comprenez-vous cela ? Pouvez-vous comprendre
l’atrocité d’une telle attente ? Aurez-vous le courage de
vous imaginer à ma place ? Ou d’imaginer ainsi l’un de
ceux que vous aimez ? Je n’ose croire que vous
Rev Med Brux - 2008
- 29 -
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Module 3 - 6 novembre 2010
puissiez, en âme et conscience, me refuser le droit de
partir dans la dignité et la paix retrouvée. Dois-je
supplier de me laisser partir avec la seule noblesse qui
me reste. Celle de l’esprit ”.
Face à de telles paroles, pouvait-on rester
insensible et ne pas garantir à cet homme une autre fin
que celle tant redoutée ? Le cadre légal belge, la
connaissance des techniques médicales font que de
tels propos ne seront plus vains et sans espoir.
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soins supportifs. Rev Med Brux 2005 ; 26 : 145-52
Correspondance et tirés à part :
D. LOSSIGNOL
Institut Jules Bordet
Unité de Soins Supportifs et Palliatifs
Rue Héger Bordet 1
1000 Bruxelles
E-mail : [email protected]
Travail reçu le 16 mai 2008 ; accepté dans sa version définitive
le 30 mai 2008.
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