Enseignement en ligne: comment les professeurs

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Enseignement en ligne: comment les professeurs
Enseignement en ligne: comment les
professeurs peuvent-ils y trouver leur
compte ?
Jean Poitras
Professeur titulaire
Département de gestion des ressources humaines
19 janvier 2016
Les cahiers des leçons inaugurales
Jean Poitras
Titulaire d’un doctorat de l’Université du
Massachusetts à Boston (États-Unis), M.
Poitras est un psychologue spécialisé en
gestion de conflits. Il est l'auteur principal
des ouvrages Psychologie de la négociation,
Expert Mediators : Overcoming mediation
challenges in workplace, family and
community conflicts ainsi que Systèmes de
gestion de conflits. Le professeur Poitras est
également membre des conseils de plusieurs
revues scientifiques. Depuis plus de 20 ans,
M. Poitras aide les professionnels à
développer leurs habiletés de négociateur et
de médiateur. Particulièrement intéressé par
les nouvelles technologies d’enseignement,
il produit du matériel pédagogique en ligne
pour EDUlib et l’École des dirigeants.
Promus titulaires, les professeurs de HEC Montréal sont invités à donner un discours inaugural,
appelé leçon inaugurale, à l’intention de la communauté universitaire. Dans le cadre de cette leçon,
les professeurs font part de leurs réflexions sur leur carrière et sur la pratique de la gestion.
COPYRIGHT, ©, janvier 2015, Jean Poitras
ENSEIGNEMENT EN LIGNE : COMMENT LES
PROFESSEURS PEUVENT-ILS Y TROUVER LEUR
COMPTE?
TABLE DES MATIÈRES
Introduction ......................................................................................................... 3
L’enseignement en ligne, une vague de fond? .................................................. 4
Premier mythe : L’enseignement en ligne n’est qu’une mode ................. 4
Deuxième mythe : Rien n’égale l’expérience en classe ........................... 5
Troisième mythe : L’enseignement en ligne ne changera rien
au métier de professeur ............................................................................. 6
Risques et avantages pour les professeurs ........................................................ 8
L’enseignement en ligne et le modèle d’affaires des universités ............. 8
L’enseignement en ligne et les intérêts des professeurs ........................... 9
Principes pour un enseignement en ligne gagnant-gagnant .................... 10
L’enseignement en ligne comme un produit dérivé ....................................... 13
S’inspirer du Metropolitan Opera de New York .................................... 13
Une stratégie de produits dérivés virtuels ............................................... 14
Défis de la mise en œuvre de cours gagnant-gagnant............................. 15
Conclusion ......................................................................................................... 17
Bibliographie ..................................................................................................... 18
Introduction
Au début de mes études universitaires, dans les années 1990, il y avait deux
types de professeurs. Ceux qui utilisaient des acétates manuscrites et ceux qui
utilisaient le logiciel Powerpoint. À cette époque, de nombreux professeurs se
plaignaient que l’utilisation de cet outil de présentation dénaturait l’enseignement.
Aujourd’hui, j’en connais peu qui n’ont pas recours à Powerpoint. De même, au
cours de mes 15 années d’enseignement, j’ai vu apparaître une nouvelle technologie
qui, à terme, risque de modifier la pédagogie universitaire. Il s’agit de
l’enseignement en ligne. Étant aux premières loges de cette révolution, c’est le sujet
dont j’aimerais vous entretenir aujourd’hui. Je crois en effet que nous vivrons sous
peu des changements importants dans le monde universitaire.
Mes expériences avec ce nouveau médium pédagogique ont été positives :
satisfaisantes sur le plan professionnel et accompagnées d’un certain succès auprès
des étudiants. Je ne vous cacherai pas que j’aime l’enseignement en ligne. Malgré
tout, je suis inquiet pour le métier de professeur. Voyez-vous, je pressens un certain
conflit entre les intérêts des professeurs et ceux de l’administration quant à
l’intégration de cette technologie dans le déroulement des cours. Comme nous le
verrons au cours de cette présentation, je crains que les changements ne soient
d’emblée défavorables aux professeurs. Qui plus est, j’ai l’impression qu’à l’heure
actuelle les professeurs ne font rien pour profiter de tous les avantages de cette
nouvelle technologie. Néanmoins, je crois qu’il est tout à fait possible pour les
professeurs et l’administration d’en retirer des bénéfices. En effet, j’y vois une
occasion de concilier leurs intérêts.
Nous explorerons le phénomène de l’enseignement en ligne en trois temps.
Dans un premier temps, nous en évaluerons l’amplitude pour déterminer s’il s’agit
d’un phénomène marginal ou d’une innovation de rupture. Dans un deuxième
temps, nous analyserons les impacts de ce nouveau médium sur le métier de
professeur en nous penchant sur les risques et les avantages qu’ils représentent pour
les enseignants. Puis, nous explorerons un modèle où les professeurs et les
administrations universitaires peuvent trouver leur compte. En effet,
l’enseignement en ligne peut être considéré comme un produit dérivé de
l’enseignement traditionnel.
3
L’enseignement en ligne, une vague de fond?
Force est de constater qu’au cours des cinq dernières années notre institution a
pris de plus en plus d’initiatives d’enseignement en ligne qui risquent au bout du
compte de changer de façon importante le métier de professeur. À tort ou à raison,
il semble que cette croissance soit plus ou moins prise au sérieux par les professeurs.
Ce désintérêt traduit-il un signe de sagesse ou une forme de déni? J’aimerais
examiner plus en profondeur certaines des croyances souvent exprimées par les
professeurs sceptiques quant à l’impact potentiel de l’enseignement en ligne.
Premier mythe : L’enseignement en ligne n’est qu’une mode
L’enseignement en ligne est souvent comparé à la télé-université. L’argument
implicite est que l’enseignement en ligne rappelle les cours diffusés par vidéo au
cours des années 80. Or, comme les cours en vidéo n’ont pas bouleversé
l’enseignement traditionnel, on présume que les cours en ligne n’y changeront rien
non plus. Mais que suggère l’épreuve des faits?
Année après année, l’enseignement en ligne gagne en popularité. Plusieurs
rapports et études ont montré que l'industrie du eLearning ne donne aucun signe de
ralentissement. Au contraire, le taux de croissance annuel composé sur 5 ans des
inscriptions à des cours en ligne a augmenté de 9,2 % tandis que celui des cours en
classe a diminué de -3,5 %1. Ces chiffres ne suggèrent pas une mode temporaire,
mais plutôt une tendance lourde.
De plus, de prestigieuses universités américaines ont adopté l’enseignement en
ligne. Le Massachusetts Institute of Technology et la Harvard University ont lancé
edX en 2012. Aujourd’hui, cette plateforme compte plus de 5 millions d’usagers.2
Le magazine U.S. News & World Report a désigné la Pennsylvania State University
comme ayant la « meilleure université en ligne » (Penn State World Campus)3. Ces
exemples démontrent que l’enseignement en ligne n’est plus l’affaire de petites
universités obscures. Vu l’énorme investissement requis pour monter des
programmes d’enseignement en ligne, il faut reconnaître que les grandes
1
2
3
e-Learning Infographics (2015, November 17). Top eLearning Stats and Facts For 2015
Infographic. Retrieved from http://elearninginfographics.com/top-elearning-stats-and-facts-for2015-infographic/
Wikipedia (2015, November 17). edX. Retrieved from https://en.wikipedia.org/wiki/EdX
The Best Schools (2015, November 17). The 50 Best Online Colleges for 2016. Retrieved from
http://www.thebestschools.org/rankings/best-online-colleges/
4
institutions universitaires prennent ce nouveau mode de diffusion des
connaissances très au sérieux.
Alors que ces faits me portent à croire que l’enseignement en ligne pourrait
potentiellement changer la donne quant à la manière d’enseigner, plusieurs
professeurs regardent cette nouvelle vague comme si elles ne les concernaient pas
vraiment. En effet, pour certains, l’enseignement en ligne ne fait pas vraiment
concurrence à l’enseignement en classe.
Deuxième mythe : Rien n’égale l’expérience en classe
Pour la plupart des enseignants, rien ne peut égaler le bon vieux contact
personnel entre étudiants et professeur. L’argument implicite est que l’aspect
impersonnel de l’enseignement en ligne ne peut pas rivaliser avec les contacts
humains en classe. Mais en réalité, l’expérience en classe que nous offrons est-elle
si personnelle et si dynamique?
Si une petite classe de 20 personnes avec un professeur expérimenté demeure
une expérience pédagogique riche, qu’en est-il d’un enseignant qui narre son
diaporama devant plus de 90 étudiants qui l’écoutent tout en étant connectés à leur
compte Facebook? Peut-on parler d’une expérience exceptionnelle? Or, le nombre
d’élèves par classe ne cesse de s’accroître, année après année, en raison des
contraintes économiques qui forcent les universités à augmenter le ratio étudiantsprofesseur. N’est-on pas en train de diluer par le fait même l’expérience associée
aux petits groupes? Ce faisant, peut-on encore parler de l’avantage concurrentiel de
la classe traditionnelle sur l’enseignement en ligne?
De plus, l’enseignement en ligne propose également d’importantes innovations
pédagogiques qui ne sont pas nécessairement envisageables avec l’enseignement
en classe. En effet, certains cours en ligne intègrent plusieurs médias et simulations
qui rendent les apprentissages très dynamiques. En outre, il est souvent possible
pour les étudiants de naviguer dans le contenu à leur rythme et parfois même au gré
de leur curiosité ou de leurs intérêts. Dans certain cas, des tests permettent de diriger
les étudiants vers le contenu approprié à leur niveau de connaissances. Certain
auteurs parlent même d’enseignement personnalisé. Force est de constater que nous
sommes loin des modèles d’enseignement à distance des années 80.
Que dire de la génération d’étudiants appartenant à celle des millénaires.
Plusieurs études rapportent que ces derniers abordent l’apprentissage d’une façon
5
très différente des autres générations4. En fait, plusieurs auteurs croient que ceuxci seront d’avantage attirés par un enseignement en ligne que par un enseignement
totalement en classe. Si la technologie ne change pas notre enseignement, peut-être
les préférences des nouvelles clientèles le feront.
On ne peut que constater que l’avantage concurrentiel de l’enseignement en
classe est en train de diminuer et par conséquent, que l’enseignement en ligne n’est
plus nécessairement synonyme d’enseignement de moindre qualité. Si l’éclosion de
l’enseignement en ligne est possible grâce à de nouvelles technologies, elle est
également tributaire de nouvelles façons d’enseigner comme le morcellement
pédagogique. Pourtant, pour plusieurs collègues, enseigner en classe ou en ligne,
c’est la même chose.
Troisième mythe : L’enseignement en ligne ne changera rien au
métier de professeur
Pour la plupart des professeurs, l’enseignement universitaire consiste à
concevoir un cours selon ses préférences pédagogiques et à l’enseigner année après
année en y apportant au besoin des modifications plus ou moins importantes. En ce
sens, l’enseignement traditionnel relève de l’artisanat. Or ce modèle est peu
compatible avec l’enseignement en ligne. En effet, avec ce type d’enseignement, la
maîtrise du médium de communication et des principes pédagogiques sont des
variables aussi importantes, sinon plus, que la simple maîtrise du contenu.
Alors qu'un cours traditionnel se limite à un diaporama accompagné de textes à
lire, un cours en ligne nécessite l’élaboration de modules multimédias complexes
généralement préenregistrés. Puisqu’il est alors difficile d’y apporter des
modifications en cours de route, une erreur de conception peut avoir un impact
négatif important, notamment du point de vue de la rétention des étudiants inscrits.
C'est pourquoi, il importe d'intégrer les meilleures pratiques d'enseignement
fondées sur la recherche lors de la conception d'un cours en ligne. L’enseignement
en ligne répond donc à des canevas d’enseignement particuliers. Puisque les
stratégies d'enseignement d'un cours en ligne sont différentes de celles d’un cours
traditionnel, il est important pour les professeurs d’adopter de nouvelles stratégies
pédagogiques.
4
Northern Illinois University: Faculty Development and Instructional Design Center (2015,
November 17). Millennials: Our Newest Generation in Higher Education. Retrieved from
http://www.facdev.niu.edu/facdev/resources/guide/students/millennials_our_newest_generat
ion_in_higher_education.pdf
6
De plus, la conception d'un cours en ligne exige beaucoup de temps. À l’inverse,
donner un cours en ligne requiert parfois un peu moins de temps qu'un cours en
classe puisqu'une partie du contenu est transmise à partir de capsules asynchrones.
Par conséquent, une charge d'enseignement en ligne s’avère très différente de celle
d'un enseignement traditionnel. Ces différences soulèvent plusieurs questions.
Comment inciter les professeurs à investir plus de temps à la conception d'un cours?
Comment calculer la rémunération d’un professeur pour rediffuser son cours, ou
l’inclure dans sa charge d'enseignement? Tous ces éléments posent d’importants
défis aux professeurs s’ils veulent y trouver leur compte.
À cette étape de ma présentation, vous aurez compris que, non seulement je
crois que l’enseignement en ligne est une vague sérieuse, mais que ce nouveau
mode d’apprentissage va, à toute fin pratique, transformer le métier de professeur.
Bien que je vous aie mentionné mon intérêt pour cette nouvelle manière d’enseigner
au début de ma présentation, je vous avouerai que cela m’inquiète. Si
l’enseignement en ligne est riche de possibilités, j’ai des doutes quant à ses
avantages pour les professeurs. En effet, l’enseignement en ligne bouleverse non
seulement la pédagogie, mais aussi le modèle d’affaires des universités.
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Risques et avantages pour les professeurs
Tout processus de changement comporte à la fois des risques et des avantages
pour les acteurs d’un système, dans ce cas-ci, l’administration universitaire et la
communauté des professeurs. Il suffit de combiner les intérêts de ces deux groupes
pour entrevoir un modèle d’enseignement en ligne gagnant-gagnant. Pourtant, ce
métissage des intérêts ne se fait pas automatiquement. J’aimerais donc prendre le
temps d’explorer ici les risques et avantages liés à l’enseignement en ligne pour ces
deux acteurs clés, ainsi que les bases d’une éventuelle formule favorable aux deux
parties.
L’enseignement en ligne et le modèle d’affaires des universités
Le fait que les universités cherchent à équilibrer leur budget n’est un secret pour
personne. L’enseignement en ligne, tout en proposant une révolution pédagogique,
a aussi un impact économique pour les universités. C’est ce qui explique pourquoi
l’enseignement en ligne influencera le modèle d’affaires des universités. Il serait
naïf de croire que ce dernier n’aura pas d’impact sur la charge de travail d’un
professeur.
D’abord, l’enseignement en ligne peut être utilisé pour réduire les coûts associés
à un cours. Les cours hybrides (moitié en ligne, moitié en classe) réduisent
l’utilisation des infrastructures physiques d’une université. Cependant, ces
économies sont souvent annulées par les coûts technologiques, comme ceux liés à
l’utilisation de la bande passante. L’expérience a d’ailleurs démontré que certains
cours hybrides à HEC Montréal pouvaient être plus coûteux que des cours
traditionnels! En fait, une économie significative n’est possible qu’en réduisant le
temps d’enseignement donné par un professeur ou un chargé de cours grâce à des
cours entièrement automatisés (c.-à-d. asynchrones). Bien qu’intéressante d’un
point de vue financier, on peut se demander s’il s’agit d’une stratégie gagnante pour
les professeurs. Quand plusieurs cours seront automatisés, que leur restera-t-il
comme charge d’enseignement?
Heureusement, l’enseignement en ligne peut aussi être utilisé pour augmenter
les revenus des universités. On parle alors d’aller chercher une nouvelle clientèle
en éliminant les barrières géographiques et les contraintes d’horaire. Pour être
efficace, cette stratégie doit utiliser du matériel pédagogique complètement
asynchrone (c.-à-d. entièrement en ligne). Quelle sera alors la place des professeurs
dans ce modèle? Quel sera le rôle des professeurs dans de tels cours? Comment
inclure la facilitation de l’apprentissage en ligne dans une charge d'enseignement?
8
Le risque pour les professeurs tient au fait que les forces du marché à elles
seules, poussent les universités à tenter de réduire leurs coûts en offrant des cours
entièrement automatisés et à augmenter leurs revenus en visant une nouvelle
clientèle à distance, sans toutefois tenir compte des intérêts des enseignants.
Certains professeurs risquent alors de donner des cours entièrement à distance avec
une charge d’enseignement qui ressemble davantage à une assistance de cours (c.à-d. modération des discussions). Pour d’autres, il leur sera difficile de remplir leur
charge d’enseignement traditionnel, à cause des nombreux cours automatisés.
Bref, laisser les forces du marché dicter à elles seules l’avenir de l’enseignement
peut s’avérer risqué pour les professeurs. Loin de moi l’idée de convaincre
quiconque que l’on doive s’opposer à l’enseignement en ligne. En fait, si notre
institution ne s’intéresse pas à ce nouveau créneau, d’autres nous dameront le pion.
Je veux simplement amener les professeurs à s’impliquer dans la transformation du
modèle d’affaires de leur institution. Sinon, en restant passifs face aux futurs
changements, les professeurs ratent une occasion de s’assurer que le nouveau
modèle d’affaires respecte leurs intérêts. Mais que recherchent-ils au juste?
L’enseignement en ligne et les intérêts des professeurs
Plusieurs études ont recensé l’opinion de professeurs ayant enseigné en ligne
pour déterminer les principaux avantages associés à ce type d’enseignement. Bien
entendu, les incitatifs financiers, sous forme de bonus, de royautés pour le matériel
développé ou de décharge d’enseignement, sont des facteurs importants à
considérer. L’arrimage entre la charge d’enseignement et l’enseignement en ligne
est une variable clé. Néanmoins, il semble que les sources principales de motivation
des professeurs ne soient pas monétaires.
La plupart des études démontrent que la principale source de motivation est
l’accès à un nouvel auditoire. Imaginez que vous puissiez transmettre vos
connaissances à un auditoire qui normalement ne serait pas en mesure de suivre vos
cours. L’enseignement en ligne permet en effet de diffuser son enseignement à la
grandeur du Québec, du Canada, voire de la francophonie. De même, l’aspect
asynchrone des capsules permet aux étudiants qui travaillent à temps plein de suivre
vos cours au moment qui leur convient. Du coup, ils peuvent par exemple
« assister à » vos cours malgré le fait qu’ils ne soient pas libres durant la journée.
Pour plusieurs professeurs, la possibilité de diffuser leur enseignement à un large
auditoire est très stimulant. Cet intérêt n’est pas surprenant, car après tout, il y a un
petit fond de narcissisme chez la plupart d’entre eux.
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La deuxième source de motivation est le développement professionnel,
notamment l’acquisition de nouvelles manières de transmettre les connaissances.
Imaginez que vous puissiez présenter une explication parfaite et que vous n’ayiez
plus jamais à répéter les mêmes explications de base, année après année. Imaginez
que vous puissiez dorénavant concentrer votre enseignement sur l’explication des
nuances, sur des exercices et des discussions qui facilitent la compréhension et
l’intégration des connaissances. Pour nombre d’enseignants, la possibilité
d’automatiser les explications de base et de canaliser leur enseignement sur le
développement des capacités d’analyse, de résolution de problème et d’évaluation
des étudiants est très attrayant. Après tout, le coaching, la facilitation d’exercices et
de discussions sont les aspects les plus intéressants de l’enseignement.
Enfin, la flexibilité de l’enseignement et de la charge de travail constitue une
dernière source de motivation importante. L’enseignement en ligne permet non
seulement aux étudiants de profiter d’un horaire flexible, mais également aux
enseignants. La production, la mise en ligne du matériel pédagogique et la gestion
du cours, par exemple, peuvent être faites au moment qui convient le mieux à ces
derniers. Plus besoin d’enseigner les soirs et les fins de semaine pour attirer les
clientèles professionnelles. Il est également possible de combiner l’enseignement
en classe complémentaire avec les capsules sur un horaire condensé, comme lors
d’une journée de cours intensif. En fin de compte, l’horaire d’enseignement en ligne
peut s’avérer beaucoup plus flexible que celui d’un cours traditionnel. Pour
plusieurs professeurs, ce type d’horaire est davantage compatible avec leurs autres
tâches, comme la recherche, le service à la communauté ainsi que les activités de
rayonnement interne et externe.
Comme on peut le constater, l’enseignement en ligne ne constitue pas seulement
un risque pour le métier de professeur, il offre aussi des possibilités intéressantes.
À condition bien sûr qu’on tienne compte des intérêts des professeurs dans la
formule d’enseignement en ligne développée par l’administration universitaire.
Cela dit, comment concilier les intérêts des professeurs avec ceux de
l’administration universitaire?
Principes pour un enseignement en ligne gagnant-gagnant
Compte tenu que l’enseignement en ligne est un moyen et non une fin en soit,
l’introduction de ces nouvelles technologies doit servir un projet commun.
L’objectif est donc double : assurer une croissance des revenus pour les universités
tout en assurant une prestation d’enseignement de qualité pour les professeurs. Pour
ce faire, la conception d’un cours ou d’un programme en ligne doit reposer sur les
trois principes suivants :
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Le premier principe porte sur la stratégie de développement de cours en ligne
qui doit viser les revenus supplémentaires et non seulement les économies.
D’abord, une stratégie ciblant une nouvelle clientèle diminue les risques que les
professeurs soient remplacés par des capsules asynchrones, car l’objectif visé
consiste à accroître les revenus et non simplement de réduire les dépenses. De plus,
cette stratégie est compatible avec le désir des professeurs d’élargir leur auditoire.
Afin qu’ils restent au cœur de la pédagogie, que leur rôle et leur charge
d’enseignement demeurent pertinents, les cours devraient revêtir une certaine forme
hybride : une partie en ligne et une partie en classe. Cette idée présente néanmoins
un défi important. Comment en effet, concilier le décloisonnement temporel et
géographique des cours nécessaire à un large auditoire avec une portion de cours
en classe qui s’adresse alors à un auditoire plus restreint? Ne risque-t-on pas de
réduire grandement le marché de ces nouveaux cours et par le fait même de limiter
la croissance des revenus?
La solution à ce problème, repose sur l’application du deuxième principe soit
l’élaboration de cours en plusieurs formats imbriqués. Ainsi, en séparant la partie
théorique de la partie pratique d’un cours, il serait possible d’enseigner la partie
théorique sous forme asynchrone à un large auditoire et la partie pratique à un petit
groupe en classe. Le contenu du cours asynchrone serait donc commun à tous les
étudiants. Par contre, la partie pratique (étude de cas, simulations, discussions, etc.)
serait exclusive aux étudiants réguliers. On pourrait, par exemple, proposer
différentes versions d’un même cours (c.-à-d. théorie seulement, théorie et pratique)
avec divers niveaux de reconnaissance : attestation, 1,5 crédit ou encore 3 crédits
selon les versions. Si la partie en différé d’un cours permet de générer des revenus
avec des auditeurs virtuels, il n’en demeure pas moins que la partie en classe doit
aussi être un investissement pour assurer la pérennité de cette forme
d’enseignement.
C’est dans cette perspective que le troisième principe porte sur l’expérience en
classe. Les experts sont unanimes : il y aura toujours des personnes prêtes à investir
pour suivre des cours de qualité en classe. De plus, plusieurs d’entre eux croient
que le branding de l’enseignement en ligne dépend entre autres de la qualité de
l’enseignement en classe. En d’autres mots, les étudiants s’inscrivent à un cours en
ligne donné par une université entre autres parce que celle-ci est réputée pour
l’excellence de ses cours en classe. Ainsi, plutôt que d’être en compétition, les deux
modes d’enseignement doivent être complémentaires. Plus spécifiquement,
l’enseignement à distance devrait générer des revenus permettant de mettre sur pied
des cours en classe de qualité, donnés à de petits groupes. Il importe également de
miser sur la valeur ajoutée lors de la conception de la partie en classe d’un cours
hybride. Cette dernière devrait par exemple mettre l’accent sur l’expérientiel :
discussions, cas, exercices et simulations.
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Vous vous demandez probablement à cette étape à quoi peut bien ressembler un
cours en ligne qui répond à ces paramètres? Bien que l’enseignement en ligne existe
depuis plusieurs années et qu’on expérimente fréquemment de nouveaux modèles,
je n’ai pas encore trouvé de cours qui satisfait à ces trois principes. Cela est
probablement dû au fait que jusqu’à maintenant personne ne s’est préoccupé de
concilier les intérêts des professeurs et de l’administration universitaire au moment
de concevoir les cours. Néanmoins, il existe des modèles intéressants dont pourrait
s’inspirer le milieu universitaire.
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L’enseignement en ligne comme un produit dérivé
À mon avis, la clé d’une stratégie d’enseignement en ligne gagnant-gagnant
consiste à ne pas concevoir l’enseignement à distance comme un substitut à la classe
traditionnelle, mais plutôt comme un produit dérivé. Bien entendu, je ne fais pas
référence ici à la vente de t-shirts ou de tasses à café, mais plutôt à des
connaissances dont la diffusion revêtirait plusieurs formes. C’est une avenue
d’autant plus intéressante que HEC Montréal compte sur une image de marque
forte. En fait, notre institution possède les atouts nécessaires pour déployer une telle
stratégie. Il ne nous manque plus qu’un modèle. C’est dans le domaine de la gestion
des arts que l’on trouve un modèle particulièrement inspirant.
S’inspirer du Metropolitan Opera de New York
On compare souvent les professeurs à des divas. J’irais plus loin en comparant
la classe à un opéra et l’université à une salle de spectacle. C’est dans cette
perspective que nous utiliserons le cas du Metropolitan Opera de New York. En
2005, les revenus de la prestigieuse institution étaient en chute libre et plusieurs
s’inquiétaient de son avenir.5 Pour boucler son budget, le Metropolitan disposait de
quelques options. La direction aurait pu décider de réduire les coûts en engageant
moins de chanteurs lyriques, en les payant moins ou encore en diminuant le budget
de production en général (p. ex. décors, nombre de musiciens, etc.). Elle a plutôt
choisi d’innover en exploitant les nouvelles technologies pour générer de nouveaux
revenus.
La stratégie adoptée par le Metropolitan a donc été de vendre des places
virtuelles grâce à la diffusion en haute définition de ses productions dans différentes
salles de cinéma partout dans le monde. La vente de places virtuelles a connu un
réel succès et ses revenus ont été substantiels. Résultat, aucun poste n’a été aboli
et les productions ont bénéficié d’un plus gros budget d’opération. De plus, les
chanteurs ont performé devant des auditoires plus vastes et participé à des
spectacles à grand déploiement. Les spectateurs ont non seulement acheté des
places virtuelles, mais la diffusion des opéras a augmenté la notoriété de l’Opéra
créant, dans la foulée, un engouement pour celui-ci. Du coup, même le nombre de
productions affichant complet a augmenté! La vente de places virtuelles n’a donc
pas cannibalisé la vente de billets mais s’est en fait avérée une formidable publicité
pour l’Opéra. À mon avis, non seulement les opéras virtuels présentent des
5
Huffington Post (2015, November 17). The Metropolitan Opera: Turnaround Case Study.
Retrieved from http://www.huffingtonpost.com/ben-rosen/the-metropolitanopera_b_107924.html
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similitudes avec les principes d’un enseignement en ligne gagnant-gagnant, mais
ils peuvent nous servir de modèles.
Une stratégie de produits dérivés virtuels
À cette étape de ma présentation, j’aimerais examiner avec vous à quoi pourrait
ressembler une stratégie de produits dérivés en ligne pour une classe traditionnelle.
Il s’agirait, plus précisément, de rendre une partie d’un cours en classe accessible à
des auditeurs virtuels (produits dérivés). Ainsi, la partie en ligne d’un cours hybride
pourrait être accessible à plusieurs auditeurs (réguliers et virtuels) alors que la partie
en classe serait réservée à un groupe restreint (réguliers). Les revenus additionnels
proviendraient donc de la vente d’accès au matériel en ligne. Pour revenir à notre
analogie de départ, les auditeurs virtuels seraient donc les spectateurs de l’Opéra en
salle de cinéma et les étudiants réguliers, les spectateurs en classe.
Il s’agirait donc de concevoir un cours hybride pour le groupe d’étudiants en
classe tout en prévoyant la diffusion de son contenu en ligne. Cependant, l’accès à
des capsules asynchrones implique deux éléments : une reconnaissance des
apprentissages à plusieurs paliers pour un même cours et l’organisation d’un cours
avec des modules imbriqués pour être en mesure de satisfaire plusieurs clientèles.
C’est ainsi qu’une stratégie de vente de places virtuelles doit pouvoir répondre
aux attentes et aux besoins de divers clients. Les personnes désireuses d’acquérir
des connaissances, sans toutefois être en quête de crédits universitaires formeraient
la première catégorie d’auditeurs. On pense aux professionnels qui ont besoin de
compléter des heures de formation obligatoire. Pour ces derniers l’obtention d’une
attestation serait suffisante. On pourrait alors élaborer une version « exécutive »
d’un cours. Quant aux personnes motivées par l’obtention de crédits universitaires
s’intégrant ou non à un diplôme, elles appartiendraient à la deuxième catégorie. Ces
« étudiants » pourraient suivre toute la partie du cours en ligne mais être soumis à
des évaluations et être tenus de remettre des travaux pour obtenir des crédits.
Comme la partie en ligne d’un cours hybride représente à peu près la moitié d’un
cours en classe, on pourrait accorder une valeur de 1,5 crédit. Un tel format serait
idéal pour créer un portefeuille de cours au choix. L’objectif pour la troisième
catégorie d’étudiants, serait de suivre tout le cours avec le professeur en classe pour
faciliter le développement de leurs compétences. C’est ce groupe qui s’inscrirait au
cours hybride de 3 crédits. Enfin, on pourrait aussi prévoir certaines passerelles
permettant à des gens ayant suivi des cours en ligne de pouvoir transiter vers les
cours en présentiel.
La nécessité d’organiser les cours autrement est également sous-jacente à une
stratégie d’auditeurs virtuels. Il serait bon, dès l’étape de leur conception, de prévoir
14
une division entre contenu et activités en tenant compte des modes d’enseignement
et des diverses clientèles. Ainsi, on devrait garder le contenu théorique pour les
capsules asynchrones et le contenu pratique pour la partie en classe. Cela implique
une division des activités pédagogiques en deux parties distinctes. De plus, le
contenu en ligne devra être modulaire pour permettre différentes versions : court
pour le format exécutif et long pour le format crédité. Dans cette perspective, on
peut dire que la conception d’un cours passe d’un mode artisanal à un mode plus
structuré, voire industriel.
En résumé, avec la stratégie d’enseignement en ligne gagnant-gagnant, les
professeurs conçoivent leur cours de façon hybride pour un groupe restreint
d’étudiants, tout en voyant à rendre la partie en ligne accessible aux auditeurs
virtuels. Les revenus supplémentaires provenant des auditeurs virtuels permettent
aux universités à la fois de boucler leur budget et de réinvestir une partie des profits
dans la qualité de l’enseignement en classe. Cependant, cette forme d’enseignement
requiert plus que de la créativité, elle nécessite également des changements
structuraux.
Défis de la mise en œuvre de cours gagnant-gagnant
La mise en œuvre d’une stratégie gagnant-gagnant remet en question divers
paradigmes en vigueur dans nos universités quant au métier de professeur.
Notamment en ce qui a trait à la charge d’enseignement et à la pédagogie. Comme
ces changements sont relativement importants, ils susciteront certains malaises,
voire la résistance des administrations universitaires et des professeurs.
Néanmoins, tant que ces questions ne seront pas résolues, il sera difficile d’aller
pleinement de l’avant.
Réfléchir à ce que représente une charge d’enseignement en ligne constitue un
des premiers défis. La conception d'un cours en ligne exige en effet énormément de
temps. Tandis que son enseignement en ligne en nécessite parfois un peu moins
qu'un cours en classe puisqu'une partie du contenu est transmise à partir de capsules
asynchrones. Par conséquent, la charge d'enseignement en ligne diffère donc
grandement de celle de l’enseignement traditionnel. Ces différences soulèvent
plusieurs questions : Comment inciter les professeurs à investir beaucoup de temps
dans la conception d'un cours? Comment rémunérer un professeur pour la
rediffusion d'un cours, ou encore inclure celle-ci dans sa charge d'enseignement?
Sans une réponse claire à ces questions, il sera difficile d’embarquer les professeurs
dans l’aventure.
Il faut ensuite réfléchir à la manière de concevoir la pédagogie. La formule d’un
cours en ligne est très différente de celle d’un cours donné en classe. La rétention
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des étudiants dans un cours en ligne constitue un enjeu. Un des principaux facteurs
de rétention repose sur la perception que le cours est utile et développe les
compétences. Il est donc nécessaire d'intégrer une approche centrée sur les
compétences au moment de concevoir un cours en ligne. Étant donné que le contenu
d'un cours traditionnel est généralement élaboré à partir des connaissances et des
préférences du professeur, il peut s'agit ici d'un important changement de paradigme
pour certains. De plus, les cours en ligne sont généralement préenregistrés et il est
parfois difficile d’y apporter des modifications en cours de route. Une erreur de
conception peut avoir un impact négatif significatif. Or, la plupart des professeurs
utilisent une approche artistique et intuitive lorsque vient le temps de concevoir le
contenu d'un cours. Il importe alors qu’ils s’approprient ces nouvelles méthodes
pédagogiques, même si cela les oblige à sortir de leur zone de confort.
Enfin, le troisième défi est relié à la manière de produire un cours en ligne. Pour
élaborer un cours de qualité, il faut, en effet, une multitude de connaissances et
d'habiletés pédagogiques ainsi qu'une bonne connaissance de l'environnement
multimédia. Alors que le cours traditionnel se limite bien souvent à un diaporama
accompagné de textes à lire, le cours en ligne fait appel à des modules multimédias
complexes. Ce qui explique que son élaboration est le fruit d’un travail d'équipe.
Non seulement le professeur doit-il apprendre à travailler en équipe, mais
l'institution universitaire doit lui offrir un solide soutien professionnel (expertise
multimédia, conseillers pédagogiques, gestion de projet pour les échéanciers, etc.).
Le fait d’avoir à travailler en équipe, relève du défi pour certains professeurs
habitués de travailler seul et de manière autonome. Pour les universités, ce sont les
coûts de production d’un cours qui augmentent considérablement.
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Conclusion
Ma leçon inaugurale se résume en trois points. D’abord, les technologies
d’enseignement en ligne sont à mon avis des innovations de ruptures. Nous n’en
sommes vraisemblablement qu’au début de la vague. Puis, l’enseignement en ligne
va modifier le modèle d’affaires des universités et par extension le métier de
professeur. En fait, cela ne sera pas la première fois que le numérique aura changé
une industrie. Bref, si les professeurs ne s’impliquent pas dans la transformation du
modèle d’affaires des universités, non seulement risquent-ils de ne pas y trouver
leur compte, mais aussi de ne plus se trouver au centre du modèle.
Outre le fait que je suis convaincu qu’un certain renouvellement du métier de
professeur est inévitable à cause de l’enseignement en ligne, je crois également que
ce mode d’enseignement offre des opportunités intéressantes pour les enseignants.
Il n’y a qu’à penser à l’accès à de nouveaux auditoires, au développement
pédagogique et à la flexibilité que permet l’enseignement en ligne. Mais ces
avantages ne sont pas automatiques et dépendent en partie du modèle d’affaires qui
sera adopté.
C’est à mon avis les cours hybrides qui offrent le meilleur potentiel à la fois
pour les enseignants et les universités. Mais les défis sont énormes. Comment
augmenter les revenus avec un cours hybride? Comment garder l’enseignement en
classe au cœur du modèle? Le modèle de l’enseignement en ligne comme produit
dérivé me semble prometteur. Mais bien humblement, il y en a peut-être de
meilleurs. Nous sommes toujours en quête de la formule gagnante.
L’idée de ma leçon n’était pas de proposer un modèle unique, mais de susciter
une réflexion sur l’importance de planifier l’enseignement en ligne de façon
stratégique afin de permettre à la fois aux professeurs et à l’administration
universitaire d’y trouver leur compte. Je crois que le problème de fond réside dans
le fait qu’on considère généralement l’enseignement en ligne comme une solution
de rechange à l’enseignement en classe. Or, l’avenir se situe plutôt dans la
complémentarité de ces deux modes d’enseignement. Il faut donc réfléchir
collectivement aux nouveaux modèles d’affaires que permet la technologie. Mais
pour cela, il est primordial que les professeurs s’intéressent d’un peu plus près à
l’enseignement en ligne.
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Bibliographie
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