Jonathan Tarbox

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Jonathan Tarbox
L’analyse comportementale appliquée dans le traitement de
l’autisme
Jonathan Tarbox, PhD, BCBA-D
Recherches sur l’intervention comportementale intensive précoce (ICIP)
chez les enfants autistes
Au cours des 20 dernières années, sept études contrôlées menées à grande échelle pendant une
longue période ont permis de révéler que les enfants qui bénéficiaient de 25 heures d’ABA par
semaine pendant plus d’un an faisaient d’énormes progrès. Certains participants parvenaient même à
un fonctionnement se situant dans la norme pour leur âge (Eikeseth, sous presse). Plusieurs études
ont d’ailleurs été effectuées sur cette question, particulièrement au cours des dernières années. Dans
un compte-rendu critique publié récemment, Rogers et Vismara (2008) ont appliqué les critères
relatifs aux traitements validés empiriquement à cette documentation et ont conclu que l’ICIP
satisfaisait aux critères liés à un traitement «bien établi».
La première étude contrôlée sur l’utilisation de l’ICIP à long terme chez des enfants autistes a été
menée par Ivar Lovaas à l’University of California, à Los Angeles. Cette étude a permis de comparer les
résultats obtenus auprès d’un groupe d’enfants qui ont bénéficié de l’ICIP (à raison de 40
heures/semaine) à ceux d’enfants qui ont fait l’objet d’une intervention comportementale de moindre
intensité (c’est-à-dire 10 heures/semaine). Tous les enfants ont reçu leurs traitements respectifs
pendant une période de deux ans ou plus. Les enfants n’ont pas été répartis de façon aléatoire, mais
selon la disponibilité du personnel à leur offrir des traitements intensifs axés sur l’ABA. Cependant,
des analyses statistiques montrent qu’il y avait peu de différences au plan des mesures entre les
enfants des deux groupes au début de l’étude. Les résultats obtenus dans le cadre de l’étude ont
permis de révéler que le QI de 47 % des enfants traités à l’aide de l’ICIP devenait normal et qu’ils
réussissaient bien dans une classe régulière et ce, sans avoir besoin de recevoir un soutien spécialisé
(modifications au programme, aide individuelle, etc.) Les enfants témoins, cependant, ont fait des
progrès moins importants et seulement 2 % d’entre eux sont parvenus à un fonctionnement
intellectuel et scolaire normaux. En 1993, McEachin, Smith et Lovaas ont publié une étude prospective
qui a permis de réévaluer les enfants qui avaient reçu des traitements ABA intensifs et dont l’âge
moyen était de 11,5 ans. Ils ont alors pu constater que dans le cas de huit des neuf participants, le
fonctionnement intellectuel était toujours dans la zone normale et que tous les enfants de ce groupe
avaient obtenu des résultats se situant dans la moyenne lorsqu’on avait utilisé le Personality Inventory
for Children.
Des études subséquentes sur l’ICIP ont entraîné des résultats similaires. Sallows et Graupner (2005)
ont constaté que 48 % des enfants qui avaient bénéficié d’un programme d’ICIP obtenaient des
résultats se situant dans la moyenne lorsque l’on mesurait leur QI et 34 % réussissaient à suivre un
programme scolaire régulier sans soutien spécialisé. De plus, chez 34 % des enfants, les résultats
obtenus dans le cadre de l’Autism Diagnostic Interview-Revised indiquaient qu’ils ne présentaient pas
de TED. Cohen, Amerine-Dickens et Smith (2006) ont étudié les effets de l’ICIP chez de jeunes enfants
autistes qui ont bénéficié de ces traitements pendant une période de trois ans et ont noté que ceux-ci
obtenaient des résultats supérieurs aux enfants témoins lorsque l’on mesurait leur degré
d’intelligence et comportement adaptatif. Cette étude permet de révéler que 28 % des participants
ont été intégrés avec succès dans des programmes scolaires réguliers, alors que cela a été le cas chez
seulement 4 % des témoins. Eikeseth, Smith, Jahr et Eldevick (2007) ont poussé un peu plus loin ces
recherches en évaluant l’efficacité d’un traitement ABA intensif chez des enfants autistes légèrement
plus âgés. Alors que les études effectuées antérieurement regroupaient des enfants âgés de moins de
60 mois, leur étude a permis d’analyser les effets d’un programme ABA intensif chez des enfants qui
avaient entre quatre et sept ans au début de l’étude. On a pu noter une nette amélioration au plan du
fonctionnent adaptatif et du QI chez les enfants ayant été traités à l’aide du programme ABA, par
comparaison aux enfants du groupe témoin qui avaient reçu des services d’éducation spécialisée
«éclectiques» pendant le même nombre d’heures par semaine et la même durée. Remington et ses
collègues (2007) ont comparé les effets que produisaient deux années d’ICIP par rapport à un
traitement «conventionnel» chez des enfants d’âge préscolaire au Royaume-Uni et ont constaté que
ceux qui bénéficiaient de l’ICIP faisaient plus de progrès en ce qui a trait à l’intelligence, au langage,
aux habiletés de la vie quotidienne et au comportement social.
Perry et ses collègues (2008) ont évalué l’efficacité d’un programme provincial d’ICIP subventionné par
le gouvernement et offert à des enfants souffrant de TED et ils ont remarqué que 71 % des 332 enfants
qui avaient reçu des traitements avaient fait certains progrès. Chez 41 % des enfants qui souffraient
d’autisme léger/modéré au départ, on a noté qu’à la suite des traitements, les résultats obtenus à
l’Échelle d'évaluation de l'autisme infantile (CARS) les situaient plutôt parmi les enfants ne présentant
pas de TED. Les enfants qui souffraient d’autisme grave au départ, selon les résultats du CARS, ont
également fait des progrès substantiels : après les traitements, 59 % d’entre eux se trouvaient
désormais dans la zone «autisme léger/modéré» et 15 %, dans celle des enfants ne présentant pas de
TED. Il est à noter que dans le cadre de cette étude, on n’a pas utilisé de groupe témoin et que les
résultats ne sont pas aussi probants que ceux que l’on a obtenus dans le cadre d’études de moindre
envergure. Cependant, les résultats sont encourageants, car le traitement a été offert par divers
intervenants utilisant l’ABA et il n’a pas été prescrit ou contrôlé par le biais d’un programme
universitaire. Par conséquent, les données recueillies par Perry et ses collègues (2008) viennent fournir
des indications encourageantes sur l’efficacité réelle de l’ICIP chez les enfants autistes.
Intensité du traitement hebdomadaire
Le nombre requis d’heures de traitement chaque semaine (ou «intensité») représente un sujet qui fait
souvent l’objet de débats. Cependant, les résultats obtenus dans le cadre de la recherche sont assez
explicites. L’étude initiale de Lovaas (1987) incluait un groupe qui recevait des traitements ABA de
faible intensité (environ 10 heures par semaine) et les résultats obtenus ont permis de constater que
les progrès réalisés étaient plus faibles que dans le groupe qui bénéficiait de traitements de plus
grande intensité (40 heures par semaine). Eldevick, Jahr, Eikeseth et Smith (2006) ont mené une étude
dans le cadre de laquelle des enfants autistes ont reçu des traitements ABA de faible intensité (environ
12 heures par semaine) pendant deux ans. Ces participants ont fait des progrès significatifs au plan
statistique, par comparaison aux témoins, mais ces progrès étaient moins importants que ceux que
l’on a pu noter lorsque l’on utilisait l’ABA d’intensité plus élevée. Reed, Osborne et Corness (2007) ont
comparé les données recueillies sur une période de neuf mois auprès d’enfants qui profitaient de 30
heures d’ABA par semaine en moyenne et d’enfants qui étaient traités à raison de 12 heures par
semaine et ils ont découvert que les enfants qui étaient traités de façon plus intensive faisaient des
progrès plus considérables que les enfants de l’autre groupe. Smith, Groen et Wynn (2000) ont
évalué les effets de l’ABA, pratiquée à raison de 25 heures par semaine pendant deux ans. Les
résultats obtenus portent à croire que le groupe traité à l’aide de l’ABA a fait des progrès significatifs
sur le plan statistique, par comparaison au groupe témoin, mais que ces progrès étaient moins
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importants que ceux que l’on retrouvait dans les études portant sur une forme plus intensive d’ABA.
Si l’on regarde les données recueillies dans le cadre des études mentionnées ci-dessus, on constate
que l’ICIP entraîne de bons résultats, mais pour que ceux-ci soient optimaux, l’intensité des
traitements doit être assez soutenue (soit de 30 à 40 heures par semaine).
Durée totale du traitement
La durée totale du traitement (c’est-à-dire le nombre d’années, de mois…) qui permet d’obtenir des
résultats optimaux chez les enfants autistes fait également l’objet de débats. Cependant, les données
recueillies dans le cadre de plusieurs études donnent à penser que pour obtenir des résultats
probants, le traitement doit être d’une durée de deux ans ou plus. Howard, Sparkman, Cohen, Green
et Stanislaw (2005) ont comparé les effets de l’ABA intensive à ceux d’un traitement éclectique
pendant une période de 14 mois chez de jeunes enfants autistes. Les résultats obtenus permettent
de révéler que les enfants ayant profité de l’ABA ont fait des progrès significatifs au plan statistique,
par comparaison aux témoins, mais que ces progrès étaient moindres que ceux que l’on retrouvait
dans des études portant sur l’utilisation intensive de l’ABA pendant une période de deux ans ou plus
(Cohen et coll., 2006; Lovaas, 1987; Sallows & Graupner, 2005, par exemple). Même si les données
prospectives de l’étude d’Howard et coll. n’ont pas été encore publiées, l’étude permet de montrer
que la différence entre les résultats obtenus auprès des enfants ayant bénéficié de l’ICIP et des
témoins a continué de s’accroître pendant la seconde année d’ICIP (Howard, 2007). Eikeseth, Smith,
Jahr et Eldevick (2002) ont évalué les effets de traitements ABA intensifs qui ont été offerts pendant
une période d’un an et ont obtenu des résultats significatifs, mais à un moindre degré que lorsque le
traitement est utilisé à plus long terme. Lorsque les données prospectives provenant de la même
étude ont été publiées, les résultats signalés ont permis de voir que les enfants qui bénéficiaient d’une
intervention comportementale continuaient à progresser de façon notable pendant la seconde année
de traitement (Eikeseth, Smith, Jahr, & Eldevick, 2007). Reed, Osborne et Corness (2006) ont remarqué
que l’utilisation intensive de l’ABA pendant une période de neuf mois permettait d’obtenir des
progrès significatifs, mais moins importants que ceux que l’on pouvait noter lorsque l’ABA était
utilisée à long terme. Sallows et Graupner (2005) ont fait état des résultats obtenus après la première
année de traitement (dont la durée totale était de quatre ans) et ont ainsi pu remarquer que les
enfants qui profitaient de l’ICIP faisaient des progrès substantiels après une année de traitement, par
comparaison aux témoins, mais que ces progrès étaient encore plus importants trois ans plus tard.
Scheinkopf et Siegel (1998) ont comparé l’utilisation de ABA de faible intensité (environ 20 heures par
semaine) et de moindre durée (environ 15 mois) et ont noté que les enfants qui en avaient bénéficié
avaient fait des progrès significatifs en ce qui a trait au QI, par rapport aux témoins, mais que ces
progrès étaient de moindre importance que ceux que l’on retrouvait dans des études menées sur
l’utilisation de l’ABA pendant une période de deux ans ou plus. Zachor, Ben-Itzchak, Rabinovich et
Lahat (2007) ont comparé les effets d’un traitement ABA intensif utilisé sur une période d’un an chez
des enfants autistes à ceux d’un traitement éclectique. Ils ont alors remarqué que quatre enfants sur
les 19 (21 %) qui avaient profité de traitements ABA intensifs ne pouvaient plus être considérés
comme ayant un diagnostic de TED, selon l’ADOS, alors que ce diagnostic n’avait pas changé pour les
enfants de l’autre groupe. Même si ces résultats sont probants, les études mentionnées
préalablement, dans le cadre desquelles l’ICIP a été utilisée pendant une plus longue période, ont
permis de révéler un pourcentage plus élevé de participants qui obtenaient des résultats les situant
dans la zone «sans TED» après les traitements. Ces études ont donc permis d’obtenir des données
significatives qui montrent que l’ICIP devrait être utilisée pendant une période de deux ans ou plus
chez les enfants autistes, si l’on veut parvenir à avoir des résultats optimaux.
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Le rétablissement
À la lumière des résultats décrits antérieurement, on peut affirmer que certains enfants parviennent à
un fonctionnement se situant dans la moyenne, du moins dans certains domaines. Cependant, il reste
encore beaucoup à apprendre. Tout d’abord, quand peut-on réellement parler de rétablissement? Le
simple fait d’avoir un QI dans la moyenne est-il suffisant pour que l’on puisse parler de rétablissement?
Si l’on obtient des résultats qui se situent dans la zone excluant les TED à la suite d’une épreuve
diagnostique, peut-on alors parler de rétablissement? À l’heure actuelle, il n’y a pas de consensus
quant à une définition de ce que serait le rétablissement pour les personnes autistes. Toutefois, ceux
d’entre nous qui pratiquons l’intervention comportementale intensive depuis plusieurs années avons
vu des personnes se rétablir et, au CARD, nous avons décidé qu’il était temps de prendre position et
de faire connaître notre opinion sur la question. Nous avons vu des centaines de cas de
rétablissement et voilà ce que nous avons pu observer :
1. L’enfant est placé dans des classes régulières et n’a plus besoin de soutien pour réussir
académiquement et socialement à l’école (en fait, les professeurs ne savent souvent même pas
que l’enfant a déjà eu un diagnostic de TED).
2. L’enfant obtient des résultats dans la moyenne ou supérieurs à celle-ci aux tests de QI.
3. L’enfant obtient des résultats se situant dans la moyenne lorsqu’on lui fait subir un test sur le
fonctionnement adaptatif (l’Échelle de Vineland, par exemple).
4. Un médecin ou un psychologue qui est un expert dans les diagnostics d’autisme ne peuvent plus
attribuer ce diagnostic à l’enfant.
Voici quelques points intéressants concernant le rétablissement qui proviennent de la recherche
scientifique : certains enfants autistes parviennent à répondre à certains des critères énumérés cidessus, et l’intervention comportementale intensive précoce constitue le seul traitement pour lequel
nous disposons de données scientifiques montrant qu’il permet de produire au moins certains de ces
résultats dans au moins certains cas. Voilà donc une chose que nous avons apprise par le biais de
notre expérience clinique qui n’a pas encore été mentionnée dans les études : certains enfants
parviennent à répondre à tous les critères énumérés dans notre définition après avoir fait l’objet d’une
intervention comportementale intensive.
Certains pourraient croire que même si des enfants parviennent à répondre à tous les critères de notre
définition du rétablissement, cela signifie qu’ils apprennent simplement à mieux fonctionner et qu’on
ne peut parler de véritable rétablissement dans leurs cas. Nous savons que ce qui posait problème,
tant au plan biologique, que physique et génétique n’a pas été résolu grâce à l’ABA. Cependant, il ne
faut pas oublier que le diagnostic d’autisme est fondé seulement sur la façon dont un enfant se
comporte et peut fonctionner dans sa vie de tous les jours. Donc, un diagnostic de TED présuppose
une altération fonctionnelle significative dans la vie de tous les jours. L’ABA permet de montrer des
habiletés que les enfants peuvent mettre en pratique dans tous les aspects de leur vie. Si l’on apprend
aux enfants à fonctionner à un certain niveau dans la vie de tous les jours et qu’on ne peut parler
d’altération fonctionnelle significative dans leur cas, alors comment pouvons-nous dire qu’ils souffrent
d’autisme? Si les enfants n’éprouvent plus de retard de langage, si leur développement social n’est
plus retardé et s’ils ne présentent plus de comportements répétitifs excessifs, alors comment peut-on
parler d’autisme? Nous sommes parvenus à avoir des enfants qui ont des troubles biologiques/
physiologiques/génétiques, mais qui ne souffrent plus d’autisme. Comme nous le disons à la clinique
«si l’enfant va bien, l’enfant va bien».
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Composantes des programmes d’intervention comportementale intensive précoce
L’intervention comportementale intensive précoce (ICIP) représente l’application des principes et des
procédures relatifs à l’ABA afin de permettre à de jeunes enfants présentant un TED d’acquérir
diverses habiletés. Le traitement commence en général le plus tôt possible, il est mis en pratique de
façon intensive (soit jusqu’à 40 heures par semaine) et il vise tous les éléments du fonctionnement qui
doivent être améliorés. Nous allons maintenant passer en revue les principales composantes des
programmes d’ICIP. De plus, nous incluons plusieurs références relatives à des manuels de traitement
afin d’offrir des renseignements plus détaillés sur ces diverses procédures (Leaf, McEachin, & Harsh,
1999; Lovaas, 1981; Maurice, Green, & Foxx, 2001; Maurice, Green, & Luce, 1996).
Principes fondamentaux
Les procédures utilisées dans le cadre des programmes d’ICIP ont été élaborées au cours des 40
dernières années ou plus de recherches effectuées sur l’ABA. Toutes ces procédures sont fondées sur
les principes du comportement qui concernent l’apprentissage et la motivation, la consistance du
renforcement, l’extinction, le contrôle du stimulus et la généralisation (Catania, 1997). L’un des
concepts de base de la psychologie du comportement est que tout ce que nous faisons, c’est-à-dire ce
qui concerne le langage, la socialisation, l’adaptation et la mésadatation, peut être considéré comme
faisant partie du comportement. Le principe d’apprentissage fondamental de l’ABA est la notion qui
veut que les conséquences d’un comportement puissent soit le renforcer, soit l’affaiblir. Un
comportement qui est suivi de la présentation de conséquences souhaitables ou du retrait des
conséquences aversives sera renforcé (c’est effectivement ce que l’on appelle le renforcement), alors
qu’un comportement qui est suivi de la présentation de conséquences aversives ou du retrait des
conséquences souhaitables sera atténué. En présentant systématiquement ces conséquences
lorsqu’un comportement se manifeste, nous modulons l’environnement de façon à ce que le
comportement se manifeste plus ou moins fréquemment à l’avenir. Si le renforcement d’un
comportement cesse, alors il est moins probable que ce comportement se reproduise à l’avenir. C’est
ce que l’on appelle l’extinction. De plus, l’utilisation immédiate de renforçateurs en présence d’autres
stimuli fait en sorte que ces stimuli prennent les propriétés positives du renforçateur initial et ainsi le
comportement initialement observé devient plus fréquent. Ce processus porte le nom de
renforcement conditionné. En outre, lorsqu’un comportement particulier est renforcé en présence
d’un stimulus particulier et pas en son absence, alors le comportement commence à se manifester
seulement en la présence de ce stimulus et non en son absence. C’est ce que l’on appelle le contrôle
du stimulus. Par exemple, lorsque l’on conduit sa voiture, on s’arrête au feu rouge, parce qu’en la
présence d’un feu rouge, le comportement qui nous fait arrêter produit les conséquences
souhaitables qui font que nous pourrons éviter une collision et une contravention. Comme nous
avons reçu un renforcement pour un comportement particulier en présence d’un stimulus particulier,
ce stimulus montre maintenant à la personne quels comportements auront pour résultat quels
renforçateurs particuliers. Enfin, lorsque l’on renforce un comportement en présence d’un stimulus,
les effets peuvent s’appliquer à d’autres stimuli. Donc, si l’on apprend comment agir dans un certain
contexte, on pourra faire de même dans d’autres contextes. C’est ce que l’on appelle la généralisation.
Ce phénomène s’applique à tous les stimuli qui forment l’environnement contextuel à l’intérieur
duquel le comportement se produit et ce, même si l’endroit, les personnes présentes ou le moment de
la journée changent lorsque le comportement se manifeste.
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Formats d’apprentissage
Les principes et procédures mentionnés préalablement doivent être regroupés en formats
d’apprentissage généraux. Les premiers programmes d’ICIP étaient principalement fondés sur
l’apprentissage par essais distincts (AED) (Lovaas, 1981; Lovaas, 1987). Cela pourrait expliquer
pourquoi certaines personnes confondent l’AED avec l’ICIP, même si, en fait, le premier représente l’un
des nombreux formats d’apprentissage de l’ICIP. L’AED représente un format d’apprentissage
structuré à l’intérieur duquel plusieurs occasions ou «essais distincts» sont présentés pendant la
journée. Dans le cadre d’un essai distinct, un thérapeute présente une directive, l’enfant répond d’une
certaine façon, puis le thérapeute lui répond à son tour en lui présentant une conséquence. La
directive présentée peut, par exemple, être «quel est ton nom»? Si l’enfant répond correctement, alors
le thérapeute lui répond en lui donnant un renforçateur. Si l’enfant répond incorrectement, il n’y a pas
de renforçateur et le thérapeute lui présente une procédure visant à corriger la réponse, comme lui
donner la bonne réponse, et il procède ensuite à un autre essai distinct. L’un des points positifs de
cette méthode est le fait que, par définition, elle regroupe plusieurs essais présentés pendant une
courte période de temps, ce qui favorise le processus d’apprentissage. Par contre, l’AED ne permet
pas aisément de généraliser les habiletés dans le cas où l’environnement est moins structuré, et
certains enfants peuvent avoir une réaction négative face à la structure et à la rigueur du format
d’apprentissage. Ces observations ont été présentées dans le cadre d’une recherche (Delprato, 2001),
mais d’autres études devront être menées sur la question. Ajoutons que presque tous les
programmes d’ICIP utilisés à l’heure actuelle comprennent également des méthodes d’apprentissage
moins structurées, comme celles que l’on retrouve ci-dessous (Maurice, Green & Foxx, 2001).
Contrairement à l’apprentissage par essais distincts, qui est très structuré, l’apprentissage dans
l’environnement naturel (NET) est conçu de façon à reproduire les interactions typiques entre un
adulte et un enfant et à favoriser les situations d’apprentissage qui se produisent naturellement.
Comme son nom l’indique, le NET vise à enseigner des habiletés dans un environnement et un format
qui sont plus près des activités quotidiennes typiques d’un jeune enfant. En plus d’avoir une structure
moins rigide, le NET diffère de l’AED, car les essais menant à l’apprentissage sont amorcés par
l’apprenant plutôt que par le thérapeute (Maurice, Green & Foxx, 2001).
Par exemple, l’essai
commence lorsque l’enfant montre qu’il veut quelque chose, soit en tentant de l’atteindre, en la
pointant du doigt ou en s’exprimant verbalement. Le thérapeute reconnaît l’occasion de faire un
apprentissage et répond en provoquant un comportement souhaité et en donnant ensuite à l’enfant
ce qu’il veut. Le NET regroupe plusieurs approches spécifiques, comme l’apprentissage occasionnel
(Hart & Risley, 1968), l’enseignement dans le milieu et la méthode PRT (voir Kaiser & Trent, 2007). Le
NET est efficace, car il peut permettre d’accroître la généralisation des habiletés et de provoquer
moins de réactions négatives qu’un format plus structuré chez certains enfants (Delprato, 2001).
L’AED et le NET composent l’essentiel des programmes d’ICIP, mais il existe beaucoup d’autres
procédures liées à l’ABA qui ont fait l’objet de recherches poussées et qui sont utilisées couramment
dans les programmes d’ICIP. Nous ne procéderons pas à une analyse détaillée de ces procédures, mais
invitons les lecteurs à rechercher des informations additionnelles sur les modèles vidéo (CharlopChristy, Le, & Freeman, 2000, par exemple), l’estompage de scénarios (McClannahan & Krantz, 2005,
par exemple), les pictogrammes (McClannahan & Krantz, 1999, par exemple) et les procédés
d'initiation sociale des pairs (Matson, Matson, & Rivet, 2007).
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Comportements problématiques
Les comportements répétitifs (comme les stéréotypies et l’auto-stimulation) sont étroitement liés aux
diagnostics de TED. Cependant, d’autres comportements problématiques, tels que l’auto-mutilation,
l’agressivité, la destruction de matériel et les crises de colère sont également courants et ils sont
souvent attribuables aux retards quant aux habiletés de communication. Tous les comportements
problématiques peuvent nuire à l’apprentissage et au fonctionnement quotidien de la personne, alors
un traitement efficace visant à les éliminer représente une composante essentielle d’un bon
programme d’ICIP (Maurice, Green, & Foxx, 2001). L’approche ABA utilisée dans ces cas vise à analyser
la raison pour laquelle ils se manifestent en identifiant les sources de renforcement que ces
comportements produisent normalement. Parmi les sources de renforcement involontaire, on
retrouve l’attention, le refus de faire des activités qui plaisent moins et l’accès à des choses, aliments
ou activités préférés. Dans bien des cas, les enfants qui ne sont pas en mesure de communiquer
peuvent avoir des crises de colère ou agir de façon à ce que l’on puisse répondre à leurs besoins.
Lorsqu’on parvient à identifier la source de renforcement de chaque comportement problématique,
on peut, à l’aide des programmes d’ICIP, traiter le comportement en enseignant aux enfants une autre
façon plus appropriée de parvenir au renforcement et en ne leur donnant plus accès au renforcement
lorsque le comportement problématique se manifeste. Par exemple, au lieu de permettre à l’enfant de
ne pas répondre aux directives lorsqu’il a une crise de colère, on lui montrera à demander une pause
ou de l’aide.
Étendue de l’intervention
Les programmes d’intervention comportementale intensive précoce sont complets en soi. Ils sont en
effet conçus afin de répondre à tous les éléments qui posent problème. Cela signifie que si un enfant
est supposé, à son âge, savoir comment faire une chose en particulier, un programme d’ICIP complet
devra permettre d’analyser cette habileté qui doit être enseignée et l’enseigner à l’enfant. Parmi les
éléments généraux à améliorer, on retrouve le langage, les habiletés sociales, les habiletés liées au jeu,
les habiletés motrices, les habiletés pré-académiques et académiques et les habiletés de vie
indépendante.
Ce qu’il faut enseigner : les CARD SKILLS
Lorsque l’on songe à un programme ABA complet, comme celui qui est décrit précédemment, une
question essentielle peut se poser : «Qu’est-ce que je devrais enseigner»? Le programme CARD a été
conçu selon le principe que toutes les habiletés peuvent être enseignées. Le programme est fondé sur
le développement normal et tient compte des habiletés spécifiques qui ne peuvent être acquises
qu’une étape à la fois par les enfants autistes. Dans le cadre de ce programme, on vise certains
comportements qui ont été divisés en plusieurs étapes individuelles et touchent divers domaines.
Parmi ceux-ci, on retrouve le langage, le jeu, l’adaptation, la motricité, la cognition, les habiletés
sociales, la fonction exécutive et les habiletés scolaires.
Langage
L’acquisition du langage représente plus que le simple fait d’apprendre la signification des mots. On
ne peut présumer qu’un enfant utilisera le langage lorsqu’il saura la signification des mots. Le
programme CARD suit les principes de Skinner concernant le langage et montre les six fonctions de
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base du langage (Skinner, 1957). Celles-ci comprennent l’imitation, les demandes, l’appariement,
l’étiquetage, le langage réceptif et la conversation. Chaque concept est enseigné selon ces fonctions
du langage, alors le maintien des acquis découle de la fonctionnalité et la généralisation se produit
plus naturellement. De plus, on s’occupe de la topographie du langage et on met également l’accent
sur la phonologie, la morphologie, la sémantique et l’utilisation syntaxique et pragmatique des
concepts du langage. Les objectifs généraux visés par l’enseignement du langage sont d’assurer la
spontanéité de son utilisation, de favoriser un langage fonctionnel dans les situations de la vie
quotidienne et d’encourager la généralisation.
Le jeu
Parmi les caractéristiques d’un programme complet destiné à enseigner les habiletés liées au jeu, on
retrouve son format séquentiel qui permet une utilisation individuelle, concurrente ou cumulative afin
d’enseigner la façon appropriée de jouer. En outre, le programme CARD axé sur le jeu est conçu selon
le développement des habiletés liées au jeu que l’on retrouve habituellement chez les enfants et il
permet de diviser toutes les habiletés afin qu’elles soient enseignées de façon détaillée et
systématique. Les éléments du jeu visés sont l’amorce du jeu, le jeu du «faire semblant», le jeu
symbolique, le jeu constructif, le jeu imaginaire, le jeu socio-dramatique, le jeu pratiqué, les jeux avec
règlements et le jeu indépendant.
Autonomie
Comme les programmes ABA destinés aux enfants autistes commencent à être utilisés très tôt dans la
vie de l’enfant, les toutes premières habiletés liées à l’autonomie, comme le fait de boire et de manger,
doivent être enseignées. De plus, d’autres habiletés nécessaires à l’autonomie dans la vie quotidienne
sont incluses dans le programme CARD. Parmi celles-ci, on retrouve le fait de faire sa toilette, de se
vêtir, de se laver et de s’habiller, ainsi que d’autres habiletés utilisées dans la maison ou la collectivité.
Motricité
Une évaluation précoce permet de déterminer si une intervention est nécessaire en ce qui a trait à la
motricité fine et globale. Selon les problèmes de motricité de l’enfant, on modifie l’intervention de
façon à inclure les habiletés nécessaires. Comme les enfants autistes ont tendance à ne pas être en
mesure de pointer du doigt des objets, cette habileté permet d’identifier la première intervention à
effectuer au plan de la motricité fine et les autres étapes plus avancées regroupent l’écriture
manuscrite et la manipulation à l’aide des doigts. De plus, avec la collaboration d’ergothérapeutes et
de physiothérapeutes, on peut enseigner aux jeunes enfants des habiletés liées à la motricité fine
aussi fondamentales que le fait de pouvoir se tenir debout ou de marcher et à des enfants d’âge
scolaire, de se promener à bicyclette ou de marcher sur une poutre d’équilibre
Cognition
La cognition ou habileté à «savoir» peut être divisée en deux éléments particuliers : la métacognition
ou la connaissance qu’une personne a à propos d’elle-même et la cognition sociale ou la connaissance
que nous avons des processus cognitifs qui sous-tendent les interactions sociales. De manière plus
spécifique, disons que la cognition sociale ou théorie de la pensée représente l’habileté à percevoir les
états psychologiques des autres, soit leurs émotions, pensées, connaissances, désirs, croyances et
intentions. Le développement de la cognition sociale comprend les éléments suivants : les références
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sociales à l’âge de neuf mois, la dissimulation à 15 mois, la compréhension du désir et des intentions à
18 mois, la compréhension de la différence cruciale qui existe entre la connaissance et la pensée à
trois ans, la compréhension de ce que sont les mensonges et les tromperies à quatre ans et la
compréhension de l’intentionnalité à cinq ans. Le programme CARD concernant la cognition sociale
touche chacun de ces éléments et permet d’enseigner des habiletés comportementales généralisées
qui sont liées à chacun d’entre eux.
Habiletés sociales
Le programme CARD concernant les habiletés sociales regroupe divers programmes, procédures et
activités qui permettent d’enseigner ce que sont les normes et le comportement sociaux. Il est conçu
afin de pouvoir être utilisé dans des environnements naturels, comme à la maison, à l’école ou dans la
communauté. Parmi les éléments qui sont enseignés, on retrouve les suivants : jeu social, règles
sociales à suivre et comportement social approprié dans la collectivité. Les habiletés spécifiques qui
sont également enseignées sont les activités de chorale, le partage et le tour de parole, la réponse aux
indices sociaux, les discussions de groupes, l’amitié, l’expression de soi, les excuses, la collaboration et
la négation, la notion de sécurité, le fait de gagner et de perdre et la façon de gérer les conflits.
Fonctions exécutives
Les fonctions exécutives sont contrôlées par le cortex préfrontal du cerveau. Ces fonctions nous
permettent d’avoir des comportements visant des objectifs précis, soit la visualisation d’une situation,
l’identification d’objectifs souhaités, la détermination d’un plan afin de répondre à ces objectifs, notre
progression vers l’atteinte d’un objectif et la suppression des distractions. Chez les enfants autistes,
particulièrement ceux qui présentent un syndrome d’Asperger, on note fréquemment des retards en
ce qui a trait à plusieurs de ces éléments. Le programme CARD concernant les fonctions exécutives
vise donc à enseigner la flexibilité, le travail de la mémoire, l’attention, la surveillance de soi et
l’inhibition et il a comme objectifs ultimes la résolution de problèmes et l’habileté à planifier. En
considérant ces concepts comme des comportements généralisés appris, nous pouvons identifier
quelles habiletés sont nécessaires et comment il faut les enseigner du point de vue du comportement.
Habiletés scolaires
À mesure que l’enfant autiste adopte un comportement plus typique, il faut considérer
l’enseignement des habiletés scolaires. Certains enfants ont un très bon taux de réussite, mais
d’autres éprouvent des difficultés particulières avec certains concepts en ce concerne les
mathématiques, la lecture ou l’écriture. De nombreux programmes ont été conçus afin d’améliorer
ces points, et le programme CARD concernant les habiletés scolaires permet de choisir des
programmes particuliers qui peuvent aider à enseigner des techniques à l’enfant et des concepts
essentiels qui lui permettent d’accroître sa capacité à réussir.
Le programme CARD comporte une série d’habiletés regroupées en un format conçu de façon à
permettre l’utilisation de procédures analytiques du comportement chez les enfants autistes. De
nombreux intervenants qui travaillent avec l’ABA utilisent des techniques pédagogiques similaires.
Cependant, le contenu retrouvé dans le cadre de ce programme est unique au CARD. Nous avons pu
constater au fil du temps que les enfants autistes présentent divers habiletés et carences. Le
programme que nous avons mis au point permet donc au thérapeute de choisir les habiletés qu’il faut
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enseigner à chaque enfant. Il ne s’agit donc pas d’un livre de recettes à suivre intégralement, mais
plutôt d’un ensemble de programmes parmi lesquels il faut choisir à la lumière d’une évaluation
pertinente des habiletés et problèmes d’un enfant et ce, en se fondant sur les étapes typiques du
développement.
Collaboration médecine - ABA
L’American Academy of Child and Adolescent Psychiatry (AACAP) a bien décrit le rôle que les psychiatres
qui traitent les enfants et les adolescents jouent en collaboration avec d’autres dispensateurs de soins
de santé. Ils ont décrit cette collaboration de la façon suivante :
«La collaboration est nécessaire dans tous les aspects du traitement, aussi bien dans les
situations de crise qu’à plus long terme. Cela est particulièrement vrai dans le cas des
clientèles spéciales, comme les personnes qui présentent des facteurs de comorbidité,
notamment des troubles du développement, des problèmes de toxicomanie et des
problèmes avec la justice et (ou) la protection de l’enfance, chez les plus jeunes».
Nous sommes parfaitement d’accord avec cette affirmation. Les intervenants qui utilisent l’ABA sont
d’autres «dispensateurs de soins de santé» et si l’on pouvait discuter encore davantage des autres
façons dont cette collaboration peut se faire, cela pourrait sûrement être profitable à tous.
Ce ne sont pas toutes les tentatives de collaboration qui sont fructueuses ou utiles. On peut présumer
que les interactions entre des intervenants qui proviennent de milieux différents sont souvent source
de frustration. Cette frustration résulte fréquemment de points de vue qui sont différents.
Cependant, c’est précisément la différence qui existe entre les perspectives de chacun et la formation
et la connaissance qui en découlent qui font en sorte qu’une collaboration peut être significative.
Notre expérience nous a permis de constater qu’un processus de collaboration entraîne moins de
frustrations et qu’il est plus bénéfique pour un enfant autiste si l’objectif commun est d’améliorer les
soins apportés à l’enfant et de lui faire réaliser des progrès mesurables.
Les objectifs de l’ABA et de la psychiatrie sont certes similaires. Les intervenants qui utilisent l'ABA
effectuent une analyse de l’état de chaque enfant au moment du traitement et ils émettent des
recommandations et des observations cliniques qui permettront d’améliorer la qualité de vie de
l’enfant. Ces objectifs sont également ceux que vise le psychiatre. De manière plus spécifique, disons
que l’intervenant et le psychiatre travaillent tous deux à modifier jusqu’à un certain point des
comportements significatifs au plan social. Les cliniciens de ces deux disciplines souhaiteraient voir
diminuer les comportements problématiques et les habiletés adaptatives s’améliorer. Nous croyons
que l’état d’un enfant en particulier s’améliorera davantage s’il y a une communication adéquate entre
les intervenants et les psychiatres qui travaillent auprès du même enfant et ce, en même temps.
Toutefois, le simple fait d’accroître la communication n’est pas suffisant. En effet, il doit y avoir une
étroite collaboration entre toutes les parties concernées en ce qui a trait au traitement. Dans ce qui
suit, nous décrivons brièvement certaines embûches et recommandations inhérentes à cette
collaboration.
Les intervenants qui travaillent avec la méthode ABA recueillent des mesures objectives sur de
nombreux comportements qui pourraient également intéresser les psychiatres. Par exemple, si des
parents souhaitent avoir recours aux services d’un psychiatre afin d’aider leur enfant qui présente des
problèmes d’auto-mutilation, il est très probable que l’intervenant de l’enfant ait déjà commencé à
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noter des données sur la fréquence à laquelle l’enfant manifeste ce comportement. Les intervenants
utilisant l’ABA prennent fréquemment note de la fréquence des comportements adaptatifs et
mésadaptés et de la durée de ces comportements à chaque fois qu’ils se produisent ou ils évaluent
approximativement le pourcentage des périodes au cours desquelles ils se produisent (heures, jours,
etc.). Les psychiatres peuvent trouver que ces données sont utiles afin d’évaluer les effets des
interventions pharmacologiques et les intervenants peuvent également bénéficier des données que les
psychiatres leur fournissent sur ces questions. Cependant, si les deux parties concernées n’essaient pas
de fournir les efforts nécessaires afin d’entretenir une bonne collaboration, il est possible que les
psychiatres ne disposent pas de ces informations et (ou) que les intervenants utilisant l’ABA ne se
rendent pas compte que ces informations n’ont pas été transmises à un psychiatre, qui aurait apprécié
les recevoir.
Étant donné que les psychiatres et les intervenants utilisant l’ABA tentent d’apporter des changements
qui, du moins ils l’espèrent, pourront avoir un effet sur le comportement des patients, une
communication et une coordination claires sont essentielles. Un manque de communication peut
donner lieu à un facteur confusionnel dans une expérience. De façon plus spécifique, on peut dire que
si un intervenant utilisant l’ABA effectue un changement important en ce qui concerne un plan
d’intervention comportemental au même moment qu’un psychiatre apporte également des
modifications au traitement médicamenteux et que l’on observe un changement de comportement
chez la personne concernée, il sera impossible de déterminer laquelle de ces deux actions a causé le
changement de comportement ou si les deux interventions ont produit cet effet. On aura alors perdu
une occasion de découvrir des données importantes en ce qui a trait au traitement pour ce patient.
Dans un monde idéal, l’intervenant et le psychiatre seraient conscients de cette variable confusionnelle
et travailleraient de concert afin de trouver la réponse. Cependant, les choses ne se passent pas
toujours ainsi et il arrive fréquemment que l’intervenant utilisant l’ABA et le psychiatre ne sachent pas
ce qu’ils font l’un et l’autre et c’est ainsi qu’ils peuvent être amenés à penser que leur propre
intervention est responsable du changement de comportement observé. Lorsque ce changement est
positif, alors des composantes des traitements pharmacologiques ou comportementaux qui ne sont
pas nécessaires (et qui peuvent se révéler coûteuses, tant au plan du temps que des ressources
financières) continueront peut-être à être utilisées. Quand le changement est négatif, cependant, les
deux cliniciens peuvent décider de cesser certaines des recommandations relatives à leur traitement,
alors que peut-être que l’une de ces recommandations était cruciale pour le bien-être du patient.
Comme la collaboration et la communication entre les intervenants qui utilisent l’ABA et les
psychiatres semblent moins courantes que l’on pourrait le souhaiter pour l’instant, il faut présumer
que les hypothèses émises précédemment se produisent quand même asses fréquemment.
Heureusement, il existe une solution simple, plutôt facile à appliquer et relativement peu coûteuse : la
communication fréquente entre les intervenants et les psychiatres. Lorsque cela est possible, il
faudrait privilégier cette approche au cours des réunions interdisciplinaires. Dans la grande majorité
des cas, toutefois, ces réunions sont plutôt rares ou non existantes, en raison de contraintes tant
logistiques que monétaires. Cependant, une communication fréquente entre les deux parties, que ce
soit par téléphone ou par courrier électronique, ne devrait pas être difficile. Idéalement les
intervenants qui travaillent avec l’ABA et les psychiatres devraient partager les données qu’ils ont
recueillies, évaluer l’état du patient et discuter de la possibilité de faire des changements et ce, à
intervalles réguliers. À tout le moins, les cliniciens de ces deux disciplines devraient communiquer
ensemble et partager les informations qu’ils possèdent avant d’apporter des changements majeurs au
traitement.
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Un avantage du modèle de services offerts dans le cadre de l’ABA réside dans le fait que la plupart des
données relatives au comportement sont recueillies par une autre personne que celle qui supervise le
traitement. Par conséquent, les personnes qui supervisent le traitement ABA et les psychiatres
peuvent collaborer étroitement et stratégiquement pendant la période où ils effectuent leurs
interventions et ne pas informer les intervenants qui dispensent des soins directs aux patients des
changements au plan de la médication. La données liées au comportement qui sont recueillies de
cette façon sont moins susceptibles d’être compromises par les attentes ou préjugés des personnes
qui les recueillent. Une étude récente menée par Crossland et ses collègues (2003) a permis de révéler
les effets d’une collaboration efficace dans le cas de deux personnes autistes qui avaient un
comportement destructeur. Les chercheurs ont systématiquement commencé puis cessé un
traitement à la rispéridone, tout en continuant à procéder à des observations et à des évaluations du
comportement. Il est à noter que les personnes qui faisaient la cueillette de données ne savaient pas
si les participants recevaient le médicament ou un placebo. Les résultats obtenus ont permis de
révéler que la rispéridone agissait de manière différentielle sur les comportements destructeurs qui
survenaient lorsqu’une demande visant à effectuer une tâche était ignorée par opposition à de
l’attention de la part des intervenants et que l’agressivité et les comportements auto-mutilatoires
n’étaient pas modifiés de manière égale. De plus, la rispéridone a produit des effets différentiels chez
les participants, ce qui n’est pas étonnant en soi.
On peut retrouver un autre exemple de l’évaluation des interactions qui peuvent se produire entre les
interventions comportementales et pharmacologiques dans l’étude menée par Dicesare, MacAdam,
Toner 35 Varrel (2005. En effet, dans le cadre de cette étude, on retrouve les résultats d’une analyse
fonctionnelle du comportement dérangeant d’un jeune homme présentant un trouble du
développement. Ces résultats étaient contradictoires, sauf lorsqu’on prenait en considération la
présence ou l’absence de méthylphénidate. À ce moment, l’analyse fonctionnelle démontrait
clairement que le comportement était motivé par l’attention. Les résultats de cette étude seraient
importants pour les intervenants qui utilisent l’ABA, car ils permettraient d’indiquer la source de
motivation du comportement problématique et, par conséquent, de renseigner les intervenants et la
famille sur la façon de réduire cette source de motivation (par exemple, donner de l’attention au jeune
homme lorsqu’il n’a pas de comportement dérangeant, lui montrer comment demander de
l’attention, etc.). Ces informations seraient également essentielles pour le psychiatre du jeune
homme, parce qu’elles fournissent une preuve objective qui montre que le méthylphénidate a produit
un effet positif sur le comportement problématique.
Dans le cadre des deux études mentionnées précédemment, on n’aurait pu obtenir autant de détails et
de nuances en l’absence d’une collaboration étroite entre les différentes parties et, dans les deux cas,
celle-ci a également permis d’obtenir des données fondamentales sur le traitement. Il est donc
important de mentionner qu’il est essentiel de comprendre les interactions complexes qu’il peut y avoir
entre la médication et l’environnement si l’on veut maintenir la qualité de soins offerts aux patients.
Comme il incombe au psychiatre de manipuler les médicaments et à l’intervenant comportemental de
faire de même avec l’environnement, la collaboration entre les deux doit être efficace si l’on veut éviter
la confusion et assurer l’efficacité du traitement.
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