Libéré des prisons américaines ou il a failli être

Transcription

Libéré des prisons américaines ou il a failli être
Photo Police, samedi 9 juin 1984
LE MUSICIEN
JIM ZELLER
Libéré des prisons américaines ou il a failli être
ASSASSINÉ
"Je jouais de la musique en prison pour éviter d'être tué". C'est le musicien
canadien Jim Zeller qui faisait ce commentaire en rentrant à Montréal le 26 mai
dernier, après avoir purgé une sentence de deux ans de prison aux États-Unis
où il avait été reconnu coupable de possession d'héroïne.
Zeller, aujourd'hui âgé de 29 ans, en a vu de toutes les couleurs dans les prisons
américaines où il a été détenu à la suite de son arrestation le 26 mai 1982. "La
prison Riker's Island de Manhattan, à New York, c'est ce que j'ai vu de plus fou
dans ma vie", affirme l’harmoniciste qui raconte comment il a fait pour survivre dans
le mélange de prisonniers qu'il y avait là. Autour de lui, il y avait quelque 65% de
noirs, 30% d'Espagnols et 5% de blancs. "J'ai vite compris à quel point c'était
dangereux", confie-t-il avec un soupir de soulagement.
LA MUSIQUE
LE SAUVE
Durant son séjour dans les prisons américaines, quelques voisins de cellules ont été
assassinés dans des bagarres à coups de couteau. "Moi-même, je me suis battu à
quelques reprises et j'ai eu le nez fracturé dans une bataille", dit-il en ajoutant
que ce n'est pas très grave ce qui lui est arrivé à lui. Il y a pire.
Zeller se compte chanceux d'avoir réussi à créer des liens d'amitié avec certains
détenus grâce à son humour et à sa musique. "Je donnais des concerts pour les
distraire et ça me rendait populaire auprès des prisonniers".
Jim Zeller, cet
harmoniciste québécois
de 29 ans, a retrouvé le
sourire en même temps
que la liberté et son
pays. Il dépense
maintenant toutes ses
énergies à préparer un
spectacle qu'il
présentera
prochainement.
Zeller reconnaît que la drogue circule presque librement dans les murs des prisons où il a été gardé. Le
commerce est organisé par les leaders et les gardiens, comme partout ailleurs, sont presque impuissants devant
cette situation.
Après Ricker's Island où il y avait 12,000 prisonniers, Zeller a été transféré au Elmira State Prison, à Elmira dans
l'État de New York. La situation n'était guère plus rose à cet endroit. La majorité des détenus sont des jeunes
âgés entre 13 ans et 17 ans. La plupart ont commis des meurtres en série et ont été condamnés à des
sentences de 75 ans d'emprisonnement.
Du milieu carcéral, Zeller retient cependant une leçon. "C'est une réflexion sur l'humanité et la société que je
n'oublierai jamais".
Le musicien n'oubliera surtout pas qu'il a failli être assassiné par des détenus qui voulaient lui voler son café et
ses biscuits : Il a compris que les valeurs en prison sont bien différentes que dans le monde libre.
Après avoir été gardé pendant quelques jours par les officiers de l'Immigration, Jim Zeller a pu quitter Buffalo
vendredi dernier. C'est en autobus qu'il est rentré à Montréal où il est arrivé samedi matin.
Chez son père, il a été surpris de trouver quelque 300
lettres venant d'admirateurs québécois. Elles contenaient
des montants de 2$, 5$ et 10$. "J'ai été touché par le
geste de ceux qui voulaient m'aider lorsque j'ai été
arrêté. Je n'avais pas d'argent pour payer un
cautionnement, mais je ne pensais pas que mes
admirateurs le savaient à ce point".
Peu après son arrestation, l'avocat montréalais Jean Dury
avait mis sur pied une série de spectacles bénéfices pour
aider le jeune musicien de Sainte-Agathe qui avait été
arrêté dans une chambre d'hôtel avec des trafiquants
américains. Zeller affirme qu'il était là pour rencontrer un
financier afin d'ouvrir un studio d'enregistrement à New
York. "En me condamnant, le juge a d'ailleurs fait
remarquer que je n'étais pas un trafiquant".
Zeller ne veut pas perdre de temps. Il veut reprendre la
musique et produire. Il a déjà en main 5 ou 6 chansons
enregistrées avant son arrestation et il en complétera
quelques autres sous peu. Il fera de la musique au Festival
du jazz cet été avec Jean Miliaire du groupe Corbeau.
Dans le centre-ville de Montréal, Jim Zeller et son
procureur, Me Jean Dury, ont renoué. Le musicien a
été agréablement surpris de l'appui qu'il avait reçu
de ses compatriotes québécois, dont celle du
criminaliste qui lui a rendu visite à plusieurs
reprises dans les prisons américaines.
"Dès que j'aurai des musiciens, je préparerai un
spectacle que je ferai au Spectrum ou au Club Soda". Pour lui, la prison, c'est du passé. L'avenir, c'est la
musique.