carcassonne une bastide à vocation commerciale

Transcription

carcassonne une bastide à vocation commerciale
 CARCASSONNE
UNE BASTIDE À VOCATION COMMERCIALE
LANGUEDOCROUSSILLON
 Aude (11)
 Secteur sauvegardé
(en cours
d’approbation ;
63,8 hectares)
 46 639
Carcassonnais
 6 480 hectares
CLASSEMENT
Cité classée au
patrimoine mondial
en 1997
LES DEUX VILLES
DE CARCASSONNE
Carcassonne possède
deux blasons, qui
résument son histoire
en illustrant sa
bipolarité : sur le
premier, des fleurs
de lis évoquent son
statut de ville royale,
et les fortifications
rappellent l’existence
de la Cité ; sur le
second, l’Agneau
de Dieu signale la
création d’un bourg,
la bastide SaintLouis. Les deux
entités urbaines sont
bien présentes sur le
plan de la ville datant
de 1460 (en haut) : à
l’arrière-plan, la Cité ;
sur l’autre rive de
l’Aude, au premier
plan, la Bastide ;
enjambant le fleuve,
le pont Vieux, achevé
vers 1320 et toujours
debout, dont les
arches inégales ont
été calculées pour
permettre le passage
des crues.
386
i la Cité de Carcassonne, classée au même titre que le
S
canal du Midi patrimoine mondial par l’Unesco, est
connue dans le monde entier, la bastide Saint-Louis, elle,
importants affectionnaient le
haut de l’actuelle rue de
Verdun, tandis que les
ouvriers les plus désargentés
se regroupaient dans les
parties les plus exposées au
vent d’ouest, autour de
l’église Saint-Vincent et de
l’actuelle Maison des jeunes.
Quant aux gens de robe, ils
résidaient souvent près
du présidial, aujourd’hui
musée des Beaux-Arts et
bibliothèque municipale.
LES REVENUS DU TEXTILE
ET DE LA BASOCHE.
Ils permirent d’embellir
la ville au XVIIIe siècle.
L’aménagement des halles,
en accueillant céréales,
boucherie et poisson,
décongestionna le marché
de la place centrale, place
aux Herbes, dès lors réservée
aux fruits et légumes, et dotée
de la fontaine au Neptune.
À la même période, une porte
médiévale fut remplacée
par le portail des Jacobins.
Plusieurs hôtels particuliers furent construits sous Louis XV,
certains dus aux marchands et fabricants, tel l’actuel hôtel de
ville, d’autres à des magistrats (chambre de commerce), voire à
l’évêque Mgr Bazin de Bezons (préfecture).
est longtemps restée dans l’ombre. Pourtant, au XIIIe siècle
une autre ville fut créée dans la plaine, le site de la forteresse
étant peu favorable au commerce qui gagnait en importance
à cette époque. Si bien que la Cité perdit progressivement de
sa prépondérance, au profit de la ville basse. Cette dernière,
créée par la volonté de Saint Louis, bénéficia du plan
caractéristique en damier, préservé de nos jours. La position
de la nouvelle ville, au carrefour des voies réunissant
l’Aquitaine et la Méditerranée d’une part, la Montagne Noire
et la vallée de l’Aude de l’autre, a contribué à en faire un centre
de contacts et d’échanges notable dès le Moyen Âge. Cette
fonction commerciale a facilité la mise en place, sous l’Ancien
Régime, d’une industrie textile originale, tournée vers
l’exportation. Sa situation et son rôle justifient le choix de la
ville comme chef-lieu du département de l’Aude dès 1790.
Affectée par la guerre de Cent Ans puis par les guerres de
Religion, proche de la frontière espagnole jusqu’à la paix des
Pyrénées en 1659, la Bastide était, comme la Cité,
une ville fortifiée. La recherche d’une meilleure
hygiène explique que, à l’exception de trois
bastions, les remparts laissèrent la place, à partir
du XVIIIe siècle, à des boulevards. Cela permit au
siècle suivant la réalisation de places et de squares,
ainsi que la construction de nouveaux quartiers, aux
caractères différents, pour absorber la croissance
d’une population passée de 15 000 à 30 000 habitants.
L’INDUSTRIE TEXTILE
DES AMÉNAGEMENTS RÉCENTS
Importante dès le Moyen Âge, la production de drap de laine
reçut une impulsion décisive de Colbert, qui décida de
spécialiser la bastide dans des tissus de qualité exportés au
Moyen-Orient. Nombre de chefs d’entreprise et une
manufacture royale firent travailler la majorité des
Carcassonnais jusqu’au XIXe siècle.
GÉOGRAPHIE SOCIALE. Les chefs d’entreprise se
répartissaient à travers toute la Bastide, selon une hiérarchie
et une géographie bien établies : les personnages les plus
LA BASTIDE SAINT-LOUIS. Depuis quelques années,
on assiste à une réappropriation de la Bastide, qui avait
perdu les deux tiers de ses résidants au XIXe siècle :
mise en place de rues piétonnes et bientôt de pistes
cyclables, manifestations telles que le Festival de la Bastide,
la Semaine espagnole en août, la Magie de Noël.
Par ailleurs, la restauration de certains immeubles, dans
le cadre du secteur sauvegardé, contribue à rendre
le centre-ville plus attrayant.
QUARTIERS DU XIXe SIÈCLE
CARCASSONNE,
UN NOM
TRÈS ANCIEN
Au Ier siècle,
Pline l’Ancien
emploie le toponyme
Carcaso, qui a pu être
forgé dès le VIIIe
siècle avant notre ère.
«LE ROI DES EAUX»
L’aqueduc
acheminant l’eau de
l’Aude aboutissait
à la fontaine Le Roi
des Eaux, érigée en
1771 au centre de la
place Carnot par le
sculpteur italien
Barata, dont le père
l’avait commencée.
Elle est surmontée
d’un Neptune
triomphant, aussi
«digne que le
Louis XIV de la place
des Victoires à Paris»,
estimait Stendhal.
 CARCASSONNE
BASTIDE SAINT-LOUIS,
MODERNITÉ D’UN URBANISME MILLÉNAIRE
En 1997, la Cité de Carcassonne, forteresse médiévale restaurée
au XIXe siècle par Viollet-le-Duc, fit l’objet d’une inscription
au patrimoine mondial par l’Unesco. En 1997 également, la
bastide Saint-Louis devenait secteur sauvegardé, aboutissement
du travail de restauration patrimoniale entrepris depuis plus de
quinze années par les édiles. Si, à la Cité, c’est un ensemble
monumental et sa restauration exemplaire qui ont fait l’objet
d’un classement, dans la bastide Saint-Louis, c’est davantage
un mode d’organisation spatial de la ville et de ses fonctions que
l’on a voulu préserver. La Bastide, érigée au Moyen Âge, reste
un exemple frappant de modernité dans la manière de penser
l’urbanisme. S’appuyant sur son secteur sauvegardé, la
municipalité de Carcassonne a entrepris un travail de reconquête
de son cœur de ville laissé à l’abandon depuis l’après-guerre.
MODERNITÉ
ET EXIGENCE
PATRIMONIALE
Le travail de
rénovation du bâti
respecte le mode
d’organisation de
la bastide ; il s’attache
à créer ou réhabiliter
des logements
permettant
d’accueillir dans
le centre-ville
de nouvelles
populations.
Tout programme
de restauration est
précédé d’une analyse
patrimoniale fine,
visant à restituer,
notamment, les
distributions
LA BASTIDE, UN SYSTÈME COMMERCIAL
La bastide Saint-Louis abrite aujourd’hui
des activités administratives mais aussi
culturelles, notamment aux halles aux grains
et à la volaille, transformées en espaces
d’exposition. Toutefois, sa destination
commerciale originelle se trouve renforcée.
En effet, les commerces sont doublement
distribués autour de la place Carnot et dans
les rues la bordant, Courtejaire, Clemenceau,
de Verdun et Victor-Hugo, et dans les halles
récemment rénovées, qui ont retrouvé leur
fonction alimentaire dans la halle aux
bouchers. Le marché institué le samedi
place Carnot assure d’ailleurs le lien
avec ces halles.
UN PLAN MILLÉNAIRE
La Bastide présente un plan hexagonal
irrégulier en damier. Ce plan, conceptualisé
par Hippodamos de Milet, au Ve siècle
av. J.-C., possède un système de huit rues
orientées est-ouest et de sept rues orientées
nord-sud. D’une largeur de 6 ou 8 mètres
de façade à façade, elles délimitent soixantetrois «carrons» d’environ 80 mètres de côté.
UNE TYPOLOGIE DE BÂTI
Au sein du carron, préfiguration médiévale du
block new-yorkais, s’organise le bâti. Sa hauteur
y est rigoureusement contrôlée, de même que
son alignement sur rue bordant l’espace public,
ce qui donne cette impression d’ensemble
urbain unique. Les hôtels particuliers, aux
façades souvent austères, sont implantés en
front de rue, libérant de l’espace pour des cours
intérieures, autour desquelles gravite l’habitat
bourgeois. Les entrées sont souvent au nord,
réservant pour le sud la façade intérieure
privée et abritant l’ensemble du vent.
UNE RÉPARTITION DES FONCTIONS
Boutiques, ateliers d’artisans, maisons de ville
et leur cour se partagent le secteur nord
de la Bastide. Les habitations, plus modestes,
n’y possèdent qu’une façade sur rue.
Économisant espace et déplacements, ce plan
répartit les fonctions commerciales et
artisanales, l’habitat et les lieux de culte autour
de la place Carnot, véritable agora.
388
LA RÉNOVATION, RENOUER
AVEC LE PRINCIPE COMMERCIAL
DE LA BASTIDE
Les opérations de rénovation des immeubles
consistent également à redonner aux rez-dechaussée la vocation commerciale d’origine.
Une attention particulière est d’ailleurs
portée aux enseignes, pour qu’elles se lisent
distinctement sans pour autant déparer
agressivement les façades.
intérieures originelles
et à dégager les cours
encombrées au fil du
temps d’éléments
parasites. Les anciens
ateliers artisanaux
évoluent vers des
locaux communs
(locaux à vélos, à
poubelles, voire
garages).
L’intégration, réussie,
des éléments du
confort moderne dans
des blocs techniques
inexistants à l’origine,
justifie pleinement le
travail de l’architecte.
389